Contrôle du cadre juridique s`appliquant à la stérilisation à
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Contrôle du cadre juridique s`appliquant à la stérilisation à
Inspection générale des affaires sociales RM2012-032P Contrôle du cadre juridique s'appliquant à la stérilisation à l'oxyde d'éthylène des biberons, tétines et téterelles utilisés dans les établissements de santé, ainsi que de l'ampleur de cette pratique TOME I RAPPORT DEFINITIF Établi par Muriel DAHAN Conseillère générale des établissements de santé Bruno MAQUART Aurélie LORRAIN-ITTY Membres de l’Inspection générale des affaires sociales - Juillet 2012 - IGAS, RAPPORT N°RM2012-032P 3 ¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯ Synthèse [1] Le 17 novembre 2011, Le Nouvel Observateur publiait un article intitulé « Révélations d’une aberration sanitaire – Ces bébés qu’on empoisonne », alertant sur l’utilisation, dans les maternités françaises, de biberons, tétines et téterelles stérilisés à l’oxyde d’éthylène, molécule cancérogène. Afin de faire la lumière sur la situation à la mi-novembre 2011, son étendue et la réglementation applicable, le ministre du travail, de l’emploi et de la santé et la secrétaire d’Etat chargée de la santé ont chargé l’Inspection générale des affaires sociales d’une mission de contrôle. La mission a procédé à cette fin à plus d’une cinquantaine d’auditions (établissements de santé, autorités sanitaires, fabricants et organismes notifiés, experts et personnalités). Elle a également réalisé une enquête nationale auprès des maternités et récolté des informations sur les pratiques à l’étranger par l’intermédiaire des conseillers sociaux des ambassades de France. Elle a coordonné ses travaux avec les contrôles conduits par l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé et la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. [2] Le rapport analyse en premier lieu les pratiques rencontrées en milieu hospitalier et servant à l’alimentation des quelque 830 000 enfants naissant chaque année en France. Si l’allaitement maternel est encouragé par les pouvoirs publics et s’adresse à près de 70 % des nouveau-nés, on rencontre en maternité des articles à usage unique servant à nourrir les bébés. Pour l’année 2010, selon l’enquête nationale conduite par la mission, les maternités ont acheté 27 millions d’objets concourant à l’alimentation des nourrissons (biberons, tétines, téterelles, seringues et sondes) stérilisés à l’oxyde d’éthylène. [3] Parmi ceux-ci, les biberons et tétines jetables présentés stériles pour le marché hospitalier national étaient tous stérilisés à l’oxyde d’éthylène1 et 92 % des maternités les utilisaient. Les kits téterelles étaient quant à eux soit stérilisés à l’oxyde d’éthylène, soit traités aux rayons gamma 5kGrays, donc non stériles. A l’inverse, les mini-biberons pré-remplis prêts à l’emploi ou nourettes, commercialisés par les industriels de l’alimentation infantile, n’étaient pas stérilisés à l’oxyde d’éthylène, selon les certificats fournis par les fabricants. [4] La mission s’est intéressée en second lieu à l’origine de cette situation. Les préoccupations en termes de sécurité infectieuse ont conduit les établissements de santé à généraliser progressivement l’emploi des dispositifs médicaux à usage unique, dont la stérilisation est ainsi effectuée à la source, en milieu industriel. La stérilisation de ces dispositifs à l’oxyde d’éthylène, abandonnée à l’hôpital en raison de sa toxicité, s’est ainsi développée dans l’industrie des dispositifs médicaux en raison de son efficacité, de son faible coût et de son adaptation aux matières plastiques que la vapeur d’eau fait fondre. Les biberons ont suivi le mouvement général, notamment après la publication par l’ex-agence française de sécurité sanitaire des aliments de recommandations spécifiques : les biberons en verre ont ainsi été remplacés par des biberons jetables en plastique, le plus souvent assimilés, pour ce qui concerne la stérilité, à des dispositifs médicaux. Enfin, la présence d’une norme validant des taux résiduels d’oxyde d’éthylène « admissibles » après stérilisation a installé la confiance tant au sein du système hospitalier que du secteur industriel. Mais cette norme a été élaborée pour des adultes de 70 kg et ne distingue pas les dispositifs en contact avec des denrées alimentaires. 1 De même que les seringues et sondes de nutrition entérale. 4 IGAS, RAPPORT N°RM2012-032P ¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯ [5] Sur le marché, l’offre s’est structurée, en ce qui concerne les biberons vides à usage unique, autour des articles stérilisés à l’oxyde d’éthylène, commercialisés pour la plupart en qualité de dispositif médical alors que la demande des établissements de santé, à 80 %, consistait en des biberons stériles sans spécification du mode de stérilisation. Les fabricants, en réponse à cette demande, vendent ainsi chaque année environ 15 millions de biberons vides stérilisés à l’oxyde d’éthylène à des établissements qui leur demandent des biberons stériles. Le marché des quelque 14 millions de nourettes vendues annuellement présente de son côté un fonctionnement différent : très spécifique, il repose sur le système de vente en direct par « tours de laits ». [6] Dans un troisième temps, le rapport analyse la réglementation applicable. L’oxyde d’éthylène est une substance dangereuse, classée comme cancérogène de catégorie I par le Centre international de recherche sur le cancer de l’Organisation mondiale de la santé. Ses effets sur l’homme ont été peu étudiés en dehors de ceux liés à l’exposition en milieu professionnel. Pourtant, la large diffusion de son utilisation pour la stérilisation des dispositifs médicaux aurait dû s’accompagner d’études toxicologiques approfondies, prenant en compte tant les types de patients que les voies d’administration. [7] L’utilisation de l’oxyde d’éthylène est très strictement encadrée, à la fois comme composant des matériaux en contact avec des denrées alimentaires et comme agent biocide. La stérilisation des dispositifs médicaux à l’oxyde d’éthylène fait l’objet, conformément à la philosophie règlementaire européenne dite de la « nouvelle approche », d’un appareil touffu de normes, qu’il importerait à tout le moins d’adapter à la fois au public des nouveau-nés et au contact avec des denrées alimentaires. [8] La mission estime que l’application de la réglementation sur les dispositifs médicaux et de celle sur les produits biocides aux biberons pose problème. La qualification de ces objets comme dispositif médical est d’abord délicate à établir ; on rencontre ainsi des biberons qui sont des dispositifs médicaux alors que d’autres sont de simples articles de puériculture. Une clarification est indispensable au niveau communautaire, assortie de l’établissement d’une dénomination particulière des biberons dispositifs médicaux. [9] Pour autant, aux yeux de la mission, contrairement à l’argument avancé par la plupart de ses interlocuteurs, la question du statut juridique du biberon à usage unique stérilisé est sans incidence sur sa conformité à la réglementation sur les biocides. Le lait, maternel ou non, étant une denrée alimentaire, et l’oxyde d’éthylène n’étant pas en soi un dispositif médical, la stérilisation à l’aide de cette substance des biberons n’apparaît pas conforme au droit en vigueur. La mission souligne qu’il revient aux autorités communautaires de clarifier le droit applicable pour l’ensemble des Etats membres et préconise qu’elles soient sollicitées à cette fin par la France. [10] Il appartient en tout état de cause aux autorités sanitaires françaises de déterminer les suites à donner aux constats de la mission, en fonction d’analyses bénéfices / risques prenant notamment en compte les populations concernées, les scénarios d’exposition, les matériaux (plastiques, verre ou autre) composant les biberons et les méthodes de stérilisation. [11] Enfin, le rapport s’efforce dans une dernière partie de répondre à la question de savoir si la situation aurait pu être évitée. Des investigations menées par la mission, il ressort que deux catégories d’acteurs ont bénéficié d’informations qui auraient pu les alerter : les organismes notifiés et les autorités publiques compétentes. Si aucun manquement formel à la règle n’a été relevé, la mission estime qu’en plusieurs occasions les organismes notifiés, en première ligne dans le dispositif de « nouvelle approche » réglementaire, ont disposé d’informations qui auraient pu retenir leur attention. IGAS, RAPPORT N°RM2012-032P 5 ¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯ [12] De leur côté, les autorités sanitaires nationales ont été sollicitées à de multiples reprises à partir de 2009 par un particulier. Ces signaux répétés, même s’ils ont été traités, pour la plupart mais pas tous, ce que la mission déplore, n’ont pas été compris. La responsabilité en incombe notamment à des insuffisances structurelles, liées à l’absence de systèmes et de procédures de gestion de l’information efficaces au sein de l’administration. En outre, la faiblesse tant absolue que relative du signal émis par Mme de BEGON, ce qui n’enlève bien évidemment rien à son intérêt, a joué en sa défaveur tant il était contre-intuitif qu’une mesure de stérilisation puisse poser un problème de santé publique, qui plus est en raison d’une molécule d’usage courant et connu. Les autorités sanitaires, absorbées dans le même temps par l’affaire du bisphénol A, n’ont ainsi pas mesuré la portée de la question posée par la stérilisation des biberons à l’oxyde d’éthylène. C’est la presse qui a rendu fort ce signal, entraînant une réaction rapide de la part de l’Etat. [13] Pour conclure, la mission appelle l’attention sur la nécessité d’étudier également, au-delà des biberons, tétines et téterelles constituant le champ de ses investigations, les autres articles concourant à l’alimentation des nourrissons, comme des adultes, en milieu hospitalier. IGAS, RAPPORT N°RM2012-032P 7 ¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯ Sommaire SYNTHESE ......................................................................................................................................... 3 LISTE DES ANNEXES ...................................................................................................................... 8 INTRODUCTION............................................................................................................................... 9 1. LA SITUATION : L’OXYDE D’ETHYLENE, LARGEMENT EMPLOYE SUR DES ARTICLES UTILISES POUR L’ALIMENTATION DES NOURRISSONS ...................................................................................... 11 1.1. Le public concerné : les nourrissons dans les maternités ................................................... 11 1.2. Les pratiques d’alimentation et les articles utilisés............................................................. 12 1.2.1. Le contexte : l’encouragement à l’allaitement .......................................................... 12 1.2.2. Les pratiques d’alimentation des nourrissons............................................................ 12 1.2.3. Les articles utilisés pour l’alimentation des nourrissons ........................................... 14 1.3. La stérilisation et la désinfection......................................................................................... 15 1.3.1. Définitions ................................................................................................................. 15 1.3.2. La stérilisation à l’oxyde d’éthylène ......................................................................... 17 1.3.3. Autres méthodes de stérilisation................................................................................ 17 1.3.4. La stérilisation/désinfection des biberons et autres ................................................... 20 1.4. Les pratiques d’usage en France et à l’étranger................................................................. 20 1.4.1. En France : des biberons stérilisés à l’oxyde d’éthylène largement répandus à l’hôpital................................................................................................................................ 20 1.4.2. A l’étranger : une stérilisation à l’oxyde d’éthylène interdite ou dont l’usage est mal identifié ......................................................................................................................... 21 2. L’ORIGINE DE LA SITUATION : LA SECURITE INFECTIEUSE, PRINCIPALE PREOCCUPATION DES ACTEURS DU MARCHE ....................................................................................................................... 23 2.1. Du biberon en verre stérilisé en autoclave à l’hôpital au biberon à usage unique, stérilisé industriellement à l’oxyde d’éthylène.......................................................................................... 23 2.1.1. Les mutations de la stérilisation hospitalière............................................................. 23 2.1.2. Les pressions sécuritaires concernant les biberons.................................................... 24 2.1.3. Une norme sur l’oxyde d’éthylène, non spécifique aux nourrissons, devenue un instrument de confiance ....................................................................................................... 27 2.2. Un marché structuré autour de biberons stériles d’une part, de nourettes d’autre part..... 28 2.2.1. Le marché des biberons « sûrs »................................................................................ 28 2.2.2. Les achats en direct de nourettes ou mini-biberons pré-remplis ............................... 33 3. LE DROIT APPLICABLE : STERILISER LES BIBERONS ET TETINES A L’OXYDE D’ETHYLENE N’APPARAIT PAS CONFORME AU DROIT EN VIGUEUR ........................................................................ 36 3.1. L’oxyde d’éthylène, une substance étroitement encadrée.................................................... 36 3.1.1. Le classement de l’oxyde d’éthylène en substance dangereuse ................................ 36 3.1.2. Les restrictions d’usage ............................................................................................. 38 3.1.3. Les règles encadrant la stérilisation des dispositifs médicaux à l’oxyde d’éthylène. 42 3.2. L’articulation avec la législation sur les dispositifs médicaux............................................ 45 3.2.1. Les biberons, dispositifs médicaux ou articles de puériculture ? .............................. 45 3.2.2. Peut-on stériliser un biberon, dispositif médical ou non, à l’oxyde d’éthylène ?...... 51 4. LES DYSFONCTIONNEMENTS : UNE RESPONSABILITE PARTAGEE ................................................ 64 8 IGAS, RAPPORT N°RM2012-032P ¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯ 4.1. Les organismes notifiés en première ligne avec les fabricants............................................ 64 4.1.1. La nécessité d’adapter l’analyse au public et au dispositif médical concerné........... 64 4.1.2. Des informations qui, à plusieurs moment du dossier, auraient pu alerter les organismes notifiés .............................................................................................................. 65 4.2. La gestion des informations : comment détecter une alerte faible ? ................................... 66 4.2.1. Des alertes répétées, passées inaperçues auprès des autorités sanitaires................... 67 4.2.2. Des insuffisances structurelles pour repérer un tel problème de santé publique ....... 71 CONCLUSION.................................................................................................................................. 73 LETTRE DE MISSION.................................................................................................................... 75 LISTE DES PERSONNES RENCONTREES OU CONSULTEES PAR LA MISSION .......... 77 SIGLES UTILISES ........................................................................................................................... 85 BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................................ 87 Liste des annexes 1. Article du Nouvel Observateur du 17 novembre 2011 2. Avis du Haut conseil de la santé publique des 2 et 12 décembre 2011 3. L’oxyde d’éthylène, aspects scientifiques 4. Alternatives à la stérilisation à l’oxyde d’éthylène 5. Enquête nationale sur les biberons et autres stérilisés à l’oxyde d’éthylène 6. Résultats de la consultation des conseillers sociaux 7. Les fabricants de biberons et autres 8. Chiffres-clé de l’alimentation de l’enfance (source : SFAE) 9. Le prix des nourettes 10. Matériaux, composition et stérilisation des biberons et autres 11. Textes applicables pour la préparation et la stérilisation des biberons 12. Etudes ayant fondé la révision des seuils définis par la norme 10993-7 13. Extrait du catalogue d’INTERMED 14. Procédures de l’article 11 de la directive 93/42/CEE (source : LNE) 15. Réponses de la DGCCRF et de la DGAL sur le statut du lait 16. Documentation sur la combinaison des réglementations relatives aux dispositifs médicaux et aux produits biocides 17. Chronologie des échanges entre Mme de BEGON et les autorités publiques 18. Contrôle de CAIR LGL par l’AFSSAPS en 2009 IGAS, RAPPORT N°RM2012-032P 9 ¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯ INTRODUCTION [14] Le ministre du travail, de l’emploi et de la santé et la secrétaire d’Etat chargée de la santé ont diligenté une mission de contrôle de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) sur la stérilisation des biberons, tétines et téterelles avec de l’oxyde d’éthylène2. Cette mission a été confiée à Muriel DAHAN, Aurélie LORRAIN-ITTY et Bruno MAQUART (coordonnateur). [15] Les ministres ont demandé à l’IGAS d’analyser la réglementation existante ainsi que son respect, de même que de réaliser un état des lieux des approvisionnements des établissements de santé par les industriels en biberons, tétines et téterelles jusque mi-novembre 2011 (types de biberons, procédés d’asepsie utilisés), et ce avec le concours de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF)3. [16] En parallèle, sur demande des ministres également, la direction générale de la santé a coordonné un travail d’expertise scientifique et administrative qui lui a permis de formuler des recommandations à destination des établissements de santé. L’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS4) et la DGCCRF ont par ailleurs coordonné leurs actions pour contrôler les entreprises concernées par ce dossier. [17] La mission, conformément à la commande, a concentré ses investigations sur la période antérieure à la mi-novembre 2011 et n’est donc intervenue ni dans la gestion de la situation après cette date, ni dans la détermination des mesures à engager. Elle a ainsi procédé, pour ce qui la concerne, à plus d’une cinquantaine d’auditions tant auprès des autorités publiques nationales et communautaires que des industriels. Elle a également consulté de nombreuses personnalités qualifiées (sociétés savantes, institutions de recherche, toxicologues, etc.). Une enquête nationale a été conduite auprès des établissements de santé, éclairée par des entretiens avec des responsables d’établissements ainsi que par trois visites de site. Enfin, la mission a mobilisé le réseau des conseillers sociaux des ambassades pour tenter d’éclairer la situation au plan international. [18] Le présent rapport vise à éclairer les déterminants et circonstances ayant conduit à l’utilisation de biberons, tétines et téterelles stérilisés à l’oxyde d’éthylène dans les établissements de santé, à mesurer cette utilisation et à décrire les conditions dans lesquelles les différents acteurs de l’alimentation des nouveau-nés ont apprécié les exigences tant réglementaires que de qualité et de sécurité qui s’y appliquent. Afin de ne pas alourdir la rédaction, le rapport désigne par l’expression « biberons et autres » les différents objets utilisés en établissements de santé qui sont dans le champ de ses investigations, biberons, tétines, et téterelles, auxquels il convient de rattacher les sucettes, sondes, seringues, etc. [19] Enfin, la question étudiée par la mission concerne les seuls articles utilisés en milieu hospitalier. Les biberons vendus au détail en officine, parapharmacie, grande et moyenne surface ne sont pas présentés stériles et ne devraient pas en théorie faire appel à l’oxyde d’éthylène. Toutefois, certains interlocuteurs de la mission ont signalé que des mères achèteraient sur Internet les mêmes biberons jetables stériles que ceux qui leur étaient fournis à l’hôpital. Ce point n’a pas été vérifié par la mission, car excédant le cadre de la saisine des ministres. 2 A la suite de la publication par Le Nouvel Observateur, dans son édition n°2454 du 17 novembre 2011, d’un article intitulé « Révélations d’une aberration sanitaire – Ces bébés qu’on empoisonne », reproduit en annexe 1. 3 Pour plus de facilité, les auteurs s’expriment au temps présent pour décrire la situation à cette date, sans tenir compte des changements éventuels opérés depuis par les différents acteurs de la situation (fabricants, établissements de santé, institutions, experts). 4 Cette agence est devenue depuis l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. C’est par sa dénomination à la mi-novembre 2011 que le rapport la désigne. 10 IGAS, RAPPORT N°RM2012-032P ¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯ [20] Seront ainsi analysés successivement par le rapport les pratiques rencontrées dans les établissements (I), puis l’origine de la situation (II) ainsi que le droit applicable (III). Enfin, le rapport étudiera les dysfonctionnements apparus dans ce dossier (IV). IGAS, RAPPORT N°RM2012-032P 11 ¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯ 1. LA SITUATION : L’OXYDE D’ETHYLENE, LARGEMENT EMPLOYE SUR DES ARTICLES UTILISES POUR L’ALIMENTATION DES NOURRISSONS 1.1. Le public concerné : les nourrissons dans les maternités [21] En France, selon les chiffres de l’institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), le nombre de naissances annuelles est relativement stable ces dernières années, se situant au-dessus de 800 000 naissances par an (833 0005 en 2010 et 827 000 en 20116). [22] L’Organisation mondiale de la santé (OMS) considère qu’un nouveau-né est prématuré lorsqu’il est né à moins de 37 semaines d’aménorrhée révolues (ce qui correspond à + 8 mois de grossesse). Selon l’enquête nationale périnatale de 20107, le taux de prématurité a augmenté de manière régulière entre 1995 et 2010, où il est estimé à environ 6,6 % des naissances vivantes. Le taux d’enfants de petit poids a en revanche légèrement diminué. Environ 55 000 naissances concernent des nouveau-nés prématurés par an, dont 10 000 sont de grands prématurés (nés à moins de 32 semaines d’aménorrhée). [23] En 2010, on dénombre 877 675 séjours en service de néonatalogie, dont 644 211 en secteur public et 233 464 en secteur privé8. La durée moyenne de séjour après la naissance, d’après l’enquête périnatalité, est estimée au niveau national en 2010 à 4,4 ± 2,1 jours. La France compte actuellement 574 maternités, classées en quatre niveaux9 : [24] [25] Niveau I : maternités avec unité d’obstétrique sans unité de néonatalogie Niveau IIa : maternités avec unité d’obstétrique et de néonatalogie sans unité de soins intensifs Niveau IIb : maternités avec unités d’obstétrique, néonatalogie, unité de soins intensifs Niveau III : maternités avec unités d’obstétrique, néonatalogie, soins intensifs et réanimation néo-natale Selon l’enquête nationale périnatalité, la moitié des maternités (49 %) sont de type I, 23 % de type IIA, 16 % de type IIB et 12 % sont de type III. 5 Résultats provisoires à fin 2011 (source : http://insee.fr/fr/themes/tableau.asp?reg_id=0&ref_id=NATnon02231) L’accouchement hors établissement de santé est aujourd’hui très minoritaire en France (Rapport Cour des comptes, Sécurité sociale 2011 – septembre 2011) 7 Ministère du travail, de l’emploi et de la santé/INSERM Enquête nationale périnatale 2010 http://www.sante.gouv.fr/IMG/pdf/Les_naissances_en_2010_et_leur_evolution_depuis_2003.pdf 8 Source : Agence technique de l’information sur l’hospitalisation (ATIH). 9 Article R. 6123-39 du code de la santé publique 6 12 IGAS, RAPPORT N°RM2012-032P ¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯ 1.2. Les pratiques d’alimentation et les articles utilisés 1.2.1. Le contexte : l’encouragement à l’allaitement [26] L’assemblée mondiale de la santé de l’OMS a en 200510, notamment à la suite d’épisodes infectieux et morbides liés à la contamination de préparations en poudre pour nourrissons, invité « instamment » les Etats membres à « continuer de protéger, promouvoir et soutenir l’allaitement maternel exclusif pendant six mois… ». La majorité des acteurs rencontrés par la mission (établissements de santé, fabricants, experts, institutions) ont indiqué définir leurs stratégies d’actions sanitaires, commerciales ou organisationnelles en fonction de ce principe de priorité donnée à l’allaitement maternel. [27] Selon l’enquête périnatalité, le taux d’allaitement en maternité, qui avait beaucoup augmenté entre 1998 et 2003, a continué à progresser entre 2003 et 2010, passant de 55 % à 60 % pour l’allaitement exclusif et de 7 % à 9 % pour l’allaitement mixte (sein et biberon)11. Toutefois, le taux d’allaitement maternel en 2010 demeure en France inférieur à ceux observés dans d’autres pays en Europe en 2004. 1.2.2. Les pratiques d’alimentation des nourrissons [28] Pour comprendre les pratiques des établissements, la mission s’est rendue dans trois maternités12, une de niveau I, une de niveau IIb et une de niveau III, combinant les différents statuts public, privé d’intérêt collectif (ESPIC, ex-PSPH) et privé à but lucratif. Elle a pu visiter, selon les niveaux des maternités, les services accueillant des bébés nourris au travers de dispositifs d’alimentation entérale : maternité, réanimation néo-natale, soins intensifs, pédiatrie (gastroentérologie). Elle a également visité la biberonnerie centrale des établissements en disposant. [29] L’alimentation du grand prématuré et du prématuré provient généralement du lait maternel, que la mère recueille au moyen d’un dispositif appelé tire-lait13 car ces bébés n’ont parfois pas encore la capacité de téter au sein. Un dispositif appelé « kit-téterelle », composé d’un embout (la téterelle) qui s’applique sur le sein de la mère, relié au tire-lait et à un biberon permet le recueil du lait maternel. [30] Lorsque le bébé naît à moins de 36 semaines d’aménorrhée, il est le plus souvent nourri au travers d’une sonde nasogastrique ou orogastrique, le lait étant placé dans une seringue reliée à la sonde. Ces deux dispositifs étaient stérilisés à l’oxyde d’éthylène dans les trois maternités visitées et le sont également dans les établissements ayant répondu à l’enquête réalisée par la mission (cf. infra). 10 Résolution WHA 58.32 sur la nutrition chez le nourrisson et le jeune enfant (OMS, 25 mai 2005) A noter le lancement récent de l’étude nationale « Epifane 2011-2013 » sur l’alimentation et l’état nutritionnel des enfants pendant leur première année de vie, par l’Unité Usen, unité mixte de l’Institut de veille sanitaire (InVS) et de l’Université Paris 13, qui devrait fournir des données plus fines sur l’allaitement. 12 Voir, en fin de rapport, la liste des personnes rencontrées. 13 Appareil mécanique ou électrique constitué d’une pompe (poire ou moteur) à laquelle est fixée une tubulure connectée à un embout, appelé téterelle, que la mère applique sur le sein. L’appareil crée un vide permettant l’aspiration du lait maternel et, par passage dans la tubulure, son recueil dans un biberon. 11 IGAS, RAPPORT N°RM2012-032P 13 ¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯ [31] Lorsque la mère ne peut donner son lait, la maternité a généralement recours à un lactarium, qui centralise, selon des règles de bonnes pratiques14 (cf. infra), le lait provenant de dons, conditionné en biberons généralement stériles, le lait étant pasteurisé et congelé ou lyophilisé. La collecte de lait humain ne peut être réalisée que par des lactariums agréés15. Le lait maternel collecté, qualifié, préparé et conservé par les lactariums, en tant que produit de santé16, doit être prescrit par un médecin. Les bonnes pratiques prévoient que le lactarium fournit à la donneuse « des biberons stériles, avec le matériel pour le recueil du lait (tire-lait)…Le matériel à usage unique doit être privilégié ». [32] Les bébés prématurés à partir de 36 semaines et nés à terme sont nourris selon les cas : [33] au sein, directement ou par l’intermédiaire d’un bout de sein ; par biberon en plastique à usage unique rempli de lait maternel par l’intermédiaire d’une téterelle reliée à un tire-lait, la consommation pouvant en être différée, ou rempli de laits spéciaux (sans lactose, avec épaississants spécifiques, avec préparation d’électrolytes, etc.), préparés en biberonnerie sur prescription médicale ; avec des mini-biberons prêts à l’emploi (appelés « nourettes »)17, disponibles uniquement à l’hôpital. Plusieurs types de laits sont proposés : pour prématurés, nourrissons de zéro à six mois, épaissis pour éviter les régurgitations, hypoallergéniques. Des tétines sont fournies avec les nourettes, destinées à être vissées aux mini-biberons au moment de l’emploi (généralement utilisés à température ambiante). Certains fournisseurs proposent plusieurs types de tétines : pour prématurés, pour bébés de zéro à six mois, pour lait épaissi. Ainsi, certains services (voir les résultats de l’enquête infra) sont susceptibles d’utiliser des objets ou dispositifs stérilisés à l’oxyde d’éthylène pour : 14 nourrir les prématurés avant 36 semaines par sonde et seringue : selon les pédiatres rencontrés par la mission dans les établissements visités, la sonde est changée tous les deux à trois jours ou lorsque le bébé, en bougeant, l’arrache. Ainsi, chaque changement de sonde génère un renouvellement de l’exposition aux résidus éventuels d’oxyde d’éthylène présents sur une sonde neuve. Selon le niveau de prématurité, le bébé est donc soumis plus ou moins longtemps à une exposition permanente et renouvelée à des dispositifs médicaux porteurs de résidus éventuels d’oxyde d’éthylène ; donner du lait maternel provenant de lactariums ; permettre aux mères de tirer leur lait au travers d’un kit-téterelle ; donner du lait prêt à l’emploi : lorsque le fabricant de mini-biberons ne propose pas un modèle de tétines particulier (prématuré ou lait épaissi), les services sont contraints de transvaser le contenu de la nourette dans un biberon à usage unique (souvent stérile) pour pouvoir adapter une tétine adéquate ; donner des médicaments ou de l’eau ; Fixées par décision du directeur général de l’AFSSAPS du 3 décembre 2007, publiée au Journal officiel. Article L. 2323-1 du code de la santé publique. 16 L’article L. 5311-1 du code de la santé publique dresse la liste des produits entrant dans le champ de compétences de l’AFSSAPS. Il mentionne le lait au 8°. 17 Les préparations pour nourrissons sont définies au niveau communautaire (directive 2006/141/CE de la Commission du 22 décembre 2006) comme des denrées alimentaires destinées à l’alimentation des nourrissons pendant les premiers mois de leur vie. Les termes « maternisé » ou « humanisé » sont interdits dans l’étiquetage de ces préparations (arrêté du 11 avril 2008 relatif aux préparations pour nourrissons et aux préparations de suite et modifiant l’arrêté du 20 septembre 2000 relatif aux aliments diététiques destinés à des fins médicales spéciales, transposant l’article 13 de la directive 2006/141/CE de la Commission du 22 décembre 2006 concernant les préparations pour nourrissons et les préparations de suite et modifiant la directive 1999/21/CE). 15 14 IGAS, RAPPORT N°RM2012-032P ¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯ donner des laits spéciaux : un certain nombre de biberons contenant ces laits semblent préparés en biberonnerie18 dans des biberons stériles, considérant qu’ils sont destinés à des enfants fragiles. [34] S’agissant de ces derniers biberons, la mission a pu constater dans les établissements visités que la préparation se faisait à l’air libre, l’environnement et les instruments (bocaux, cuillèresmesure, etc.) de la biberonnerie n’étant pas stériles. Le Haut conseil de la santé publique (HCSP) rappelle dans son avis du 2 décembre 201119 que si le lait maternel conservé en lactarium est contrôlé sur le plan microbiologique, « les préparations pour nourrisson et les préparations de suite sont reconstituées à partir de poudre non stérile et d’eau minérale naturelle ou d’eau de source non stérile, mais répondant aux critères de qualité de l’avis de l’AFSSA de 200320. Il existe également des formes liquides de ces préparations qui sont versées secondairement dans des biberons pour leur administration ». La mission a effectivement pu constater lors de ses visites que la préparation en biberonnerie se faisait en atmosphère non contrôlée, le lait destiné à être versé dans des biberons stériles n’étant pas lui-même préparé et conservé dans des bocaux stériles. [35] Le même avis indique que la problématique de l’ingestion de résidus d’oxyde d’éthylène par les nouveau-nés ne se limite pas aux biberons, tétines et téterelles : « Les grands prématurés, mais aussi parfois les nourrissons hospitalisés, sont alimentés avec des dispositifs spécifiques : sonde oro- ou nasogastrique et seringue à usage unique pour l’administration de lait maternel ou de préparations pour enfants de faible poids de naissance, préparées et conditionnées avant administration en biberons à usage unique. L’ensemble de ces matériels (sondes, seringues, …) à usage unique et stériles utilisés au lactarium, en biberonnerie ou dans les services sont stérilisés à l’oxyde d’éthylène ». [36] Les établissements visités et interrogés par la mission ont indiqué que leurs objets et dispositifs médicaux stériles à usage unique comportaient pour la plupart la mention d’une stérilisation à l’oxyde d’éthylène. Seuls certains kits-téterelles, avec ou sans biberon de recueil, ainsi que quelques biberons récemment livrés, à la date de la mission, indiquent un traitement aux rayons Gamma 5 kGrays, ce qui correspond à une dose non-stérilisante21. 1.2.3. [37] Les articles utilisés pour l’alimentation des nourrissons Aussi la liste, possiblement non exhaustive, des dispositifs et objets pour usage entéral chez les nouveau-nés potentiellement concernés est la suivante : 18 Biberons en plastique à usage unique, nus (avec bouchon) ou avec tétine, de diverses contenances ; Tétines 1 ou 3 vitesses, en caoutchouc, silicone ou TPE (élastomère thermoplastique) ; Nourettes (mini-biberons préremplis), en verre ou matière plastique, les tétines, livrées séparément par le fournisseur des nourettes, étant à visser au moment de l'emploi ; Téterelles, présentées sous divers kits avec tubulures pour branchement sur le tire-lait et/ou recueil en biberon ; Le code de la santé publique impose aux établissements de santé de disposer d’une biberonnerie spécifique lorsqu’ils sont dotés d’un service de pédiatrie (depuis 1997), ou de néonatologie (depuis 1998), comportant un secteur dit « propre » ou « protégé » permettant une préparation des biberons limitant les risques de contamination. 19 La direction générale de la santé a sollicité, dans le cadre de ce dossier, l’avis de plusieurs instances. Le HCSP a rendu un premier avis le 2 décembre 2011 qui figure, de même que celui du 12 décembre, en annexe 2. 20 Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA), Avis relatif à la fixation de critères de qualité des eaux minérales naturelles et des eaux de source embouteillées permettant une consommation sans risque sanitaire pour les nourrissons et les enfants en bas âge, 2 décembre 2003. L’AFSSA est devenue l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES). 21 La dose minimale stérilisante serait de 25 kGy mais aurait un effet destructeur sur les matériaux concernés (polycarbonate, caoutchouc, silicone, etc. qui deviendraient cassants à cette dose de rayonnement) IGAS, RAPPORT N°RM2012-032P 15 ¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯ Bouts de sein ; Sucettes pour prématurés ; Seringues et sondes oro- ou nasogastriques pour nutrition entérale ; Kits de branchement pour pompe ; Poches de nutrition entérale ; Tubulures diverses, prolongateurs, canules, aiguilles, raccords, robinets pour branchement des différents éléments nécessaires à l'alimentation (poches, électrolytes, etc.). 1.3. La stérilisation et la désinfection 1.3.1. Définitions 1.3.1.1. Stérilité [38] La stérilité est l’état correspondant à une absence de microorganismes viables. La norme NF EN 556-1 sur la stérilisation des dispositifs médicaux de février 200222. précise qu’il s’agit d’une probabilité théorique inférieure ou égale à 10-6 qu’un microorganisme viable soit présent. La stérilité est un état éphémère et n'est possible que dans le cadre de la protection de cet état par un conditionnement approprié. [39] La stérilité absolue n’existe pas. Aussi, le niveau d’assurance de stérilité (NAS) d’un procédé de stérilisation indique le degré d’assurance avec lequel une population d’articles ou de produits est rendue stérile par le procédé considéré. Il est exprimé comme la probabilité d’occurrence d’un article non stérile dans cette population ou de présence d’un seul organisme viable sur un produit après la stérilisation23. Un NAS de 10-n correspond à un produit sur 10n non stérile. La norme NF EN 556-1 prévoit que la stérilité corresponde à n supérieur ou égal à 6, c’est-à-dire à une probabilité théorique inférieure ou égale à 10-6 qu’un microorganisme viable soit présent. Pour l’oxyde d’éthylène, selon la Pharmacopée, n est égal à 6. 1.3.1.2. [40] Stérilisation La stérilisation est un processus, qui ne doit pas être confondu avec la stérilité, qui est un état. Ainsi, par exemple, la mention « stérilisées » figurant sur un emballage de compresses signifie qu’un traitement stérilisant leur a été appliqué mais non que l’état stérile ait été maintenu. Le code de la santé publique indique : « La stérilisation est l'ensemble des opérations permettant d'obtenir l'état de stérilité d'un dispositif médical ainsi que le maintien de cet état24 ». Pour les bonnes pratiques des lactariums, il s’agit d’une opération qui a pour but de supprimer d’un objet ou d’un produit tout microorganisme vivant qui le contamine. Pour l’Association française de normalisation AFNOR 25 (Afnor X 70101), il s’agit d’un procédé tendant à l’élimination de toute vie microbienne et des virus. 22 Sur la normalisation, voir le rapport de l’IGAS, établi par Dominique TRICARD, sur les « Enjeux de la normalisation dans le domaine de la santé », septembre 2011. 23 Pharmacopée Européenne 5.1.1; NF EN ISO 11135-1. 24 Article R6111-19 25 Voir décret 2009-697 relatif à la normalisation et norme NF X50-088 "Normalisation et activité connexes - Activités des bureaux de normalisation - Principes, exigences et indicateurs". 16 IGAS, RAPPORT N°RM2012-032P ¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯ [41] Le but de la stérilisation est d'inactiver la contamination biologique et, de ce fait, de rendre stériles des produits qui ne l'étaient pas. La norme NF EN ISO 1113526 précise : « Il existe toujours une probabilité finie qu'un microorganisme survive, quelle que soit l'étendue du traitement appliqué […] La stérilité d'un dispositif médical […] ne peut être garantie et la stérilité de la population de produits traités est définie en termes de probabilité qu'un microorganisme viable soit présent sur le dispositif médical. ». [42] A noter que la stérilisation n’a pas la même signification dans le domaine alimentaire. Les nourettes par exemple peuvent être dites « appertisées »27 ou « commercialement stériles »28. 1.3.1.3. [43] La désinfection vise à supprimer le danger lié à la présence de certains micro-organismes. Son but est de réduire le nombre de micro-organismes à un niveau tel que le risque de transmission d'une infection puisse être éliminé dans une application particulière. Elle s'oppose à la stérilisation, qui vise globalement à supprimer toute forme de vie, sans tenir compte de la nature et du danger relatif des diverses espèces de micro-organismes présents. On distingue différents niveaux : [44] bas (visant en priorité la bactéricidie, la destruction des formes végétatives des bactéries) ; intermédiaire (bactéricide, fongicide, virucide et mycobactéricide) ; haut (bactéricide, fongicide, virucide, mycobactéricide et sporicide). Le guide de bonnes pratiques sur la désinfection des dispositifs médicaux de 199829 classe les dispositifs médicaux selon leur caractère invasif et le risque infectieux : [45] Désinfection l’introduction dans le système vasculaire ou dans une cavité ou tissu stérile représente un haut risque infectieux, et nécessite une stérilisation ou un usage unique stérile, ou à défaut une désinfection de haut niveau ; le contact avec une muqueuse ou une peau lésée superficiellement représente un risque infectieux médian, nécessitant une désinfection de niveau intermédiaire. Les biberons et tétines sont classés dans cette catégorie, mais la possibilité de stérilisation est également citée ; le contact avec la peau intacte ou l’absence de contact avec le patient, représente un risque infectieux bas, nécessitant une désinfection de bas niveau. La prédésinfection et le nettoyage sont indispensables pour diminuer la population de microorganismes sur le dispositif (on parle de biocharge) avant stérilisation ou désinfection. On ne stérilise ou ne désinfecte bien que ce qui est propre. 26 NF EN ISO 11135 : Stérilisation des produits de santé - Oxyde d'éthylène - Exigences de développement, de validation et de contrôle de routine d'un processus de stérilisation pour des dispositifs médicaux 27 Codex Alimentarius : "Stérilité industrielle de l'équipement et des récipients utilisés pour le traitement et le conditionnement aseptiques des aliments": état consécutif à l'application d'un traitement thermique ou à tout autre traitement approprié, qui rend ce matériel et ces récipients exempts de microorganismes susceptibles de se développer dans les aliments aux températures prévues pour l'entreposage et la distribution ». 28 Définition de l’USFDA (United States Food and Drug Administration): "traitement thermique approprié après emballage afin de rendre le produit exempt de microorganismes capables de croître dans le produit dans des conditions normales non réfrigérées à laquelle le produit est susceptible d'être tenue au cours de distribution et de stockage et sans micro-organismes viables (y compris les spores) reconnu d'importance pour la santé publique" 29 Guide des bonnes pratiques de désinfection des dispositifs médicaux, conseil supérieur d’hygiène publique de France, 1998. IGAS, RAPPORT N°RM2012-032P 17 ¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯ 1.3.2. La stérilisation à l’oxyde d’éthylène [46] L’oxyde d’éthylène30 est un agent alkylant ayant des effets biocides (il tue les bactéries et leurs spores) et fongicides (il tue les moisissures et les champignons). L’oxyde d’éthylène n’est en revanche pas efficace sur les agents responsables d'encéphalopathies spongiformes (scrapie, encéphalopathie spongiforme bovine, maladie de Creutzfeldt-Jakob)31 ou prions. [47] La toxicité de l’oxyde d’éthylène se traduit par des réactions immédiates à type d’allergie ou d’irritation, ainsi que par des effets à long terme mutagènes (responsable de mutations génétiques), cancérogènes et reprotoxiques (i.e. ayant des effets sur le fœtus). Elle impose des précautions d’emploi et un encadrement de son utilisation (voir infra). En particulier, il est impératif de prévoir une phase de désorption du gaz absorbé (ou adsorbé) au cours du processus de stérilisation. [48] En raison de cette toxicité, les Pharmacopées européenne et française précisent les conditions de stérilisation par ce moyen et conseillent depuis les années 1980 de ne l’utiliser que si aucun autre moyen approprié n’existe. [49] L’oxyde d’éthylène est aujourd’hui utilisé essentiellement pour la stérilisation du matériel thermosensible (ne pouvant être stérilisé à la vapeur d’eau sous pression), ce qui est le cas de nombreux dispositifs médicaux nécessaires en milieu hospitalier. Le développement de l’usage unique à l’hôpital a en effet conduit les industriels fabriquant du matériel médico-chirurgical à utiliser de plus en plus largement des matières plastiques (nombreuses variétés de polymères de synthèse) et élastomères ne résistant pas à la chaleur. La stérilisation de ces matériaux devant se faire à basse température, l’oxyde d’éthylène s’est rapidement imposé comme méthode privilégiée. 1.3.3. [50] Autres méthodes de stérilisation Outre l’oxyde d’éthylène, la stérilité des dispositifs médicaux peut être obtenue par différentes méthodes, chacune d’entre elles présentant des avantages et des inconvénients, aucune ne pouvant être utilisée pour l’ensemble des produits32. 1.3.3.1. [51] La vapeur d’eau sous pression La méthode présentant le meilleur rapport avantages-inconvénients est ainsi la vapeur d’eau sous pression (autoclave). C’est la méthode de référence pour la stérilisation des dispositifs médicaux à l’hôpital depuis l’abandon de l’oxyde d’éthylène dans les services et l’interdiction de l’utilisation de la vapeur sèche (Poupinel). Elle permet d’obtenir la stérilité au moyen de deux types de cycles : 125°C pendant 20 mn (méthode stérilisante mais qui ne permet pas d’éliminer les prions) et 134°C pendant 18 mn, qui est le cycle fixé par la circulaire de la direction générale de la santé (DGS) et de la direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins (DHOS33) n°138 du 14 mars 2001 pour éliminer les agents transmissibles non conventionnels (ATNC) ou prions et le cycle le plus utilisé actuellement. C’est une méthode considérée comme non toxique et efficace sur l’ensemble des microorganismes. La limite à son utilisation est l’impossibilité de l’appliquer aux matériels thermosensibles ou hygrosensibles. 30 Pour de plus amples détails, voir l’annexe 3 « L’oxyde d’éthylène, aspects scientifiques ». Des recommandations spécifiques ont été élaborées dans différents pays pour la stérilisation du matériel susceptible d'avoir été contaminé par ces agents (ISO 22442-1, 22442-2, 22442-3). 32 Voir les descriptions sur les alternatives à la stérilisation à l’oxyde d’éthylène en annexe 4. 33 Devenue DGOS ; direction générale de l’offre de soins. 31 18 IGAS, RAPPORT N°RM2012-032P ¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯ 1.3.3.2. Le plasma de peroxyde d’hydrogène [52] Le plasma de peroxyde d’hydrogène ou Sterrad®34 est un autre procédé de stérilisation combinant peroxyde d’hydrogène (H202) sous forme vapeur et plasma35. Certains hôpitaux à partir des années 1996 à 1998 ont acquis des installations, principalement pour stériliser des optiques ne passant pas à l’autoclave, des palettes de défibrillation cardiaque, etc. Toutefois, le coût important des installations, de leur maintenance et des consommables en a limité le déploiement. Selon les représentants de la firme commercialisant en France le Sterrad®, rencontrés par la mission36, une circulaire de 200137 aurait marqué la fin du développement de la méthode en France, indiquant : « Le procédé gaz plasma utilise du peroxyde d'hydrogène gazeux et son efficacité sur les ATNC n'a pas été évaluée. Par conséquent, ce procédé ne saurait être recommandé pour l'inactivation des ATNC ». [53] Depuis, la firme a réalisé des études démontrant l’activité des dernières versions du Sterrad® sur les prions. L’instruction du 1er décembre 201138 a intégré dans la liste des produits inactivants totaux vis-à-vis du prion certains modèles récents de Sterrad®. [54] Par ailleurs, l’AFSSAPS a publié en 2004 deux notes d’information sur les exigences de libération paramétrique39 de la norme NF EN ISO 1493740. Après avoir exclu la conformité à ces exigences, l’Agence indique qu’elles peuvent être remplies sous certaines conditions. [55] La toxicité du procédé, en particulier le risque cancérigène, ne paraît pas encore bien évaluée. Un risque a été démontré chez l’animal pour le peroxyde d’hydrogène, mais la méthode utilisant le plasma d’H202 garantirait l’absence totale de résidus à la sortie du stérilisateur. Par ailleurs, des tests de migration doivent être effectués pour les matériaux au contact des denrées alimentaires (MCDA). [56] Cette méthode n’a pas ainsi pour l’heure connu un réel développement en France, en particulier auprès des industriels qui n’y trouvaient pas jusqu’à très récemment d’offre leur permettant de traiter des volumes importants. Il semble cependant que plusieurs projets industriels soient actuellement en train de voir le jour. 34 La mission a identifié en fin de travaux une autre marque d’appareils au plasma de peroxyde d’hydrogène, Plazlyte® (laboratoires 3M), dont les caractéristiques semblent se rapprocher de celles du Sterrad®. 35 L’application de radiofréquences sur du H2O2 gazeux donne le plasma (4ème état de la matière). 36 Entretien du 13 janvier 2012. 37 Circulaire DGS/5 C/DHOS/E 2 n° 2001-138 du 14 mars 2001 relative aux précautions à observer lors de soins en vue de réduire les risques de transmission d'agents transmissibles non conventionnels. 38 Instruction DGS/RI3/2011/449 du 1er décembre 2011 relative à l’actualisation des recommandations visant à réduire les risques de transmission d’ATNC lors des actes invasifs. 39 Déclaration qu'un produit est stérile, sur la base d'enregistrements démontrant que les paramètres du procédé ont été respectés dans les tolérances spécifiées. 40 NF EN ISO 14937 : Stérilisation des produits de santé - Exigences générales pour la caractérisation d'un agent stérilisant et pour le développement, la validation et la vérification de routine d'un processus de stérilisation pour dispositifs médicaux. IGAS, RAPPORT N°RM2012-032P 19 ¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯ 1.3.3.3. L’irradiation [57] L’irradiation (ou radiostérilisation ou ionisation) est également intéressante pour traiter des articles ne pouvant supporter la vapeur d’eau. Selon la Pharmacopée, la dose stérilisante minimale41 de rayons gamma est de 25 kGy42. Toutefois, de nombreux dispositifs, dont des biberons, tétines et téterelles, ne supportant pas ces niveaux d’irradiation sont traités à une dose de 5 kGy. Ils sont alors désinfectés et non stérilisés, c’est-à-dire que seules les formes bactériennes végétatives et les moisissures sont éliminées. Selon la norme ISO11137-243, cette dose de 5 kGy garantirait, si la méthode décrite est strictement appliquée, un niveau d’assurance de la stérilité (NAS) de 10-2. [58] Il existe une réglementation abondante sur l’irradiation des aliments : on consomme en effet tous les jours des aliments ionisés. On ne retrouve pas dans le produit fini le rayonnement en tant que tel, mais l’irradiation peut provoquer une altération du matériau, générant la présence dans l’aliment de substances de dégradation des contenants, qu’on ne connaît pas forcément. [59] De fait, il n’existe actuellement pas de réglementation ni de lignes directrices communautaires relatives à l’effet des traitements ionisants des matériaux plastiques sur leur innocuité. En France, ils sont réglementés par l’arrêté du 12 août 198644. Cette réglementation différencie seulement les traitements aux doses inférieures ou égales à 10 kGy de ceux aux doses supérieures à 10 kGy, qui nécessitent une autorisation de la DGCCRF. Or, le traitement des matériaux plastiques par les rayonnements ionisants génère des radicaux libres à la surface et dans la masse des matériaux, selon un avis de l’AFSSA de 200745, quelle que soit la dose. Ils provoquent également des variations des propriétés chimiques et mécaniques de nombreux matériaux (voir l’annexe 4). [60] Aussi l’innocuité de cette méthode de désinfection des biberons et tétines pour l’alimentation de nourrissons reste encore à démontrer. 1.3.3.4. [61] Autres méthodes La chaleur sèche (160°C pendant deux à trois heures) ne peut s’appliquer qu’au métal et au verre. Le procédé utilise l’oxygène et la chaleur (résistances électriques) dans une étuve appelée Poupinel. Il a été peu à peu abandonné, considéré comme peu fiable compte tenu de la difficulté à obtenir une bonne répartition de la chaleur en tout point de charge au même moment dans l’étuve. Les bonnes pratiques de stérilisation/désinfection citées supra ont proscrit la stérilisation par la chaleur sèche dans les établissements de santé. 41 Il n’est pas possible de déterminer la dose exacte de rayonnement à laquelle est soumis un dispositif,. Il s’agit toujours d’une fourchette assez large, le rayonnement minimal étant en principe celui qui est indiqué sur l’étiquetage. 42 La Pharmacopée précise que « d’autres valeurs peuvent être utilisées à condition qu’il ait été démontré que la dose choisie assure un taux de létalité adéquat et reproductible lorsqu’elle est appliquée en routine dans les limites de tolérance établies. Les méthodes et précautions employées doivent permettre d’obtenir un NAS d’au moins 10− 6 ». 43 NF EN ISO 11138-2 Stérilisation des produits de santé - Indicateurs biologiques - Partie 2 : indicateurs biologiques pour la stérilisation à l'oxyde d'éthylène. 44 Arrêté du 12 août 1986 relatif au « traitement par rayonnements ionisants des matériaux et objets mis ou destinés à être mis au contact des denrées, produits et boissons destinées à l’alimentation ». 45 AFSSA. Avis relatif à l’emploi des matériaux et objets plastiques ionisés aux doses inférieures ou égales à 10 kGy et destinés au contact des denrées, produits et boissons destinées à l’alimentation : Recommandations. AFSSA -Saisine n°2007-SA-0081, 2007. 20 IGAS, RAPPORT N°RM2012-032P ¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯ [62] La préparation en salle propre, i.e. en un environnement dont la contamination est maîtrisée, avec un rinçage à l’eau stérile, est une méthode satisfaisante dès lors que les exigences de pureté microbiologique ne sont pas élevées. Le traitement par l’ozone (procédé TSO3 125L de la société TSO3 Inc.) est un procédé homologué au Canada depuis 2002 mais qui n’a pas de marquage CE actuellement en France. Il est inactif sur les prions. Le formaldéhyde ou formol à basse température (dit LTSF), très utilisé en Suède, est une méthode difficile à maîtriser, qui n’a jamais séduit les industriels français (voir l’annexe 4). Selon l’ANSES, le formaldéhyde est considéré par la réglementation européenne comme un « cancérogène suspecté ». L’acide peracétique possède une activité désinfectante mais n’assure pas une inactivation totale des ATNC. 1.3.4. La stérilisation/désinfection des biberons et autres [63] A mi-novembre 2011, les biberons et tétines à usage unique présentés stériles pour le marché hospitalier étaient stérilisés à l’oxyde d’éthylène, ainsi que les seringues et sondes de nutrition entérale. Les kits téterelles étaient soit stérilisés à l’oxyde d’éthylène, soit traités aux rayons gamma 5 kGy (les matériaux ne supportant pas la dose stérilisante de 25 kGy), donc non stériles. [64] La situation diffère s’agissant des mini-biberons prêts à l’emploi ou nourettes qui, elles, sont désinfectées. L’ensemble des fabricants interrogés par la mission (BLEDINA, NESTLE, MEADJOHNSON, SODILAC, LACTALIS) a fourni des certificats attestant ne jamais employer d’oxyde d’éthylène. Les procédés mis en œuvre consistent en des stérilisations thermiques par soufflage des matériaux et conditionnement stérile des mini-biberons sur ligne sous air stérile et/ou traitements au peroxyde d’hydrogène (eau oxygénée H2O2) puis rinçage à l’eau stérile et remplissage aseptique ou autoclavage des biberons remplis. Les tétines fournies avec les nourettes sont traitées, selon les certificats fournis à la mission, au H202 pour celles en latex ou par irradiation bêta ou gamma (15 à 30 kGy) ou par traitement thermique pour celles en TPE. L’AFSSAPS et la DGCCRF ont été chargées de réaliser des analyses sur des biberons et tétines prélevés sur leurs lieux d’utilisation. [65] 1.4. Les pratiques d’usage en France et à l’étranger 1.4.1. En France : des biberons stérilisés à l’oxyde d’éthylène largement répandus à l’hôpital La mission a réalisé une enquête nationale déclarative auprès des maternités en France métropolitaine et dans les départements d’outre-mer sur les biberons et autres objets utilisés pour l’alimentation des nourrissons pour l’année 201046. L’enquête permet de dégager de grandes tendances. 1.4.1.1. [66] Des biberons vides stérilisés à l’oxyde d’éthylène, à la différence des nourettes Les résultats de l’enquête confirment que de nombreux objets utilisés pour l’alimentation des nourrissons dans les maternités étaient, en 2010, stérilisés à l’oxyde d’éthylène : 46 sur un total de 38 millions d’objets (biberons vides ou pleins i.e. nourettes, tétines, téterelles, sondes et seringues) commandées en 2010 par les maternités ayant répondu à l’enquête47, 27 millions, soit 71 %, étaient ainsi préalablement stérilisés à l’oxyde d’éthylène ; Voir l’annexe 5 pour une présentation détaillé de l’enquête nationale. Avec un taux de réponse de 83 %, ce qui signifie que le nombre total d’objets achetés par l’ensemble des maternités est supérieur à ce résultat. 47 IGAS, RAPPORT N°RM2012-032P 21 ¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯ [67] La situation varie ainsi fortement selon les catégories d’objets, certains étant tous stérilisés à l’oxyde d’éthylène et d’autres, au contraire, n’étant pas stérilisés du tout. Il faut dès lors bien distinguer : [68] pour les seuls objets entrant dans le champ de la mission (biberons vides ou pleins, tétines et téterelles), sur les plus de 25 millions d’objets achetés, près de 15 millions, soit 59 %, étaient stérilisés à l’oxyde d’éthylène ; enfin, si l’on ne s’intéresse qu’aux biberons vides, tétines et téterelles, en excluant donc les biberons pleins (nourettes), sur les près de 16 millions d’objets achetés, plus de 14 millions, soit 90 %, étaient, selon les maternités déclarantes, stérilisés à l’oxyde d’éthylène. d’une part, les biberons vides à usage unique et leurs tétines, dont les investigations complémentaires de la mission auprès des fabricants confirment que ces biberons étaient tous stérilisés à l’oxyde d’éthylène en 2010. Compte tenu des informations dont elles disposent, les maternités déclarent avoir acheté des biberons à usage unique vides avec ou sans tétine dont 97 % sont stérilisés à l’oxyde d’éthylène48 ; la différence entre les réponses des maternités et 100 % trouve probablement sa source dans des erreurs de renseignement ou dans une information imparfaite de certains établissements sur le sujet ; d’autre part, les nourettes, ou mini-biberons pré-remplis, pour lesquelles les maternités déclarent à 93 % qu’elles ne sont pas stérilisées à l’oxyde d’éthylène, la différence d’avec 100 % s’expliquant de la même manière. L’enquête confirme en outre les éléments recueillis par la mission auprès des fabricants, indiquant que les kits téterelles présents sur le marché en 2010 faisaient l’objet de modalités de stérilisation ou de désinfection différentes selon les marques, certains étant stérilisés à l’oxyde d’éthylène et d’autres désinfectés. Seuls 42 % des kits téterelles achetés avec ou sans biberon de recueil étaient stérilisés à l’oxyde d’éthylène en 2010. 1.4.1.2. [69] La quasi-totalité des maternités (92 %) utilisait en 2010 des biberons stérilisés à l’oxyde d’éthylène. Si l’abandon du biberon en verre réutilisable et son remplacement par des biberons en plastique à usage unique ont été progressifs, l’enquête montre que plus de la moitié des établissements avaient modifié leurs pratiques à la fin de 2003 et plus des trois quarts fin 2005. Seules 49 des maternités sur les 477 ayant répondu à l’enquête déclarent utiliser encore en 2010 des biberons en verre réutilisables, dont la plupart à titre exclusif. 1.4.2. [70] Des pratiques répandues dans la quasi-totalité des maternités A l’étranger : une stérilisation à l’oxyde d’éthylène interdite ou dont l’usage est mal identifié La mission a recueilli des informations sur les pratiques d’utilisation de l’oxyde d’éthylène pour stériliser les biberons à l’étranger, en interrogeant les conseillers sociaux des ambassades de France au moyen d’un questionnaire élaboré par la mission et envoyé par la délégation des affaires européennes et internationales (DAEI) du ministère chargé de la santé. Neuf postes49 ont répondu, dont cinq situés dans des Etats membres de l’Union européenne. 48 De même que 89 % pour les sondes nasogastriques et orogastriques et 96 % pour les seringues pour nutrition entérale. L’Allemagne, l’Espagne, l’Italie, le Royaume-Uni, la Suède, la Chine, les Etats-Unis, le Maroc, la Russie. Voir le détail des réponses en annexe 6. 49 22 IGAS, RAPPORT N°RM2012-032P ¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯ [71] L’AFSSAPS, de son côté, a transmis à la mission des éléments d’information recueillis de manière informelle auprès de ses principaux homologues à l’étranger sur la question du statut des biberons et leur stérilisation, dans l’attente d’une analyse plus large avec la Commission européenne50. [72] Ces deux sources fournissent des éléments de comparaison intéressants. 1.4.2.1. Plusieurs pays, y compris au sein de l’Union européenne, ont encore recours à la stérilisation à la vapeur d’eau et utilisent donc encore certainement des biberons en verre [73] Les informations fournies aux conseillers sociaux montrent qu’en parallèle de l’utilisation de biberons à usage unique, la stérilisation de biberons à la vapeur d’eau est encore utilisée par plusieurs pays ayant répondu à l’enquête, y compris au sein de l’Union européenne. La Chine, le Maroc, la Russie, mais aussi l’Italie, l’Espagne, l’Allemagne et la Suède mentionnent ainsi utiliser la stérilisation à l’autoclave. [74] Cela signifie soit que ces pays utilisent encore des biberons en verre, soit qu’ils utilisent des biberons dont les matériaux supportent des températures élevées, la première solution semblant la plus probable. 1.4.2.2. Des biberons stérilisés à l’oxyde d’éthylène présents à l’étranger, sans que les fondements juridiques de cette pratique soient clairement identifiés [75] Les éléments recueillis à l’étranger montrent d’une part que des biberons stérilisés à l’oxyde d’éthylène sont utilisés dans d’autres Etats membres de l’Union européenne que la France, d’autre part qu’il n’existe pas, entre les pays, de vision harmonisée du statut du biberon et de la possibilité de les stériliser à l’oxyde d’éthylène. [76] En premier lieu, il semble que d’autres pays que la France utilisent des biberons stérilisés à l’oxyde d’éthylène : trois pays déclarent ainsi que certains de leurs biberons sont ou pourraient être stérilisés à l’oxyde d’éthylène. [77] En second lieu, les règles applicables aux biberons dans chaque pays et leur éventuel mode de stérilisation semblent mal connues. Un pays indique à l’ambassade de France que la stérilisation à l’oxyde d’éthylène est interdite, mais ne précise pas s’il fait référence aux biberons vendus dans le circuit de grande distribution uniquement ou également dans les maternités. Mais à l’AFSSAPS, ce même pays répond utiliser des biberons à usage unique stérilisés à l’oxyde d’éthylène dans certains établissements de santé. Deux pays s’en remettent quant à eux aux normes existantes sans toutefois les citer, estimant que la stérilisation des biberons à l’oxyde d’éthylène peut être admise si elle respecte les normes générales « EN ISO » sur la stérilisation à l’oxyde d’éthylène. Un pays considère enfin que la stérilisation des biberons à l’oxyde d’éthylène ne doit pas être admise pour les articles entrant en contact avec de la nourriture. 50 Les auditions menées par la mission auprès des services de la Commission européenne montrent en effet qu’il n’existe pas à ce stade de doctrine (cf. infra). IGAS, RAPPORT N°RM2012-032P 23 ¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯ 2. L’ORIGINE DE LA SITUATION : LA SECURITE INFECTIEUSE, PRINCIPALE PREOCCUPATION DES ACTEURS DU MARCHE 2.1. Du biberon en verre stérilisé en autoclave à l’hôpital au biberon à usage unique, stérilisé industriellement à l’oxyde d’éthylène 2.1.1. Les mutations de la stérilisation hospitalière [78] La stérilisation des dispositifs médicaux à l’oxyde d’éthylène a longtemps été réalisée au sein des hôpitaux, avant que sa toxicité ne conduise à son remplacement par l’autoclave dans tous les établissements de santé. En parallèle, l’utilisation du même oxyde d’éthylène, ayant donc la même toxicité, se développait en milieu industriel pour répondre à la demande croissante des mêmes hôpitaux en dispositifs médicaux à usage unique stériles. [79] Ainsi, dès les années 1950, la plupart des hôpitaux disposaient d’installations de stérilisation à l’oxyde d’éthylène des dispositifs alors réutilisables, d’abord dispersées dans les services sous forme d’installations portatives, puis centralisées, généralement à la pharmacie. A la fin des années 1970, le ministère chargé de la santé a été alerté sur des cancers survenus chez des travailleurs exposés à l’oxyde d’éthylène (oxyde d’éthylène) en Allemagne, Suède, Grande-Bretagne et Italie. Une circulaire du 7 décembre 197951 a alors préconisé un usage en dernier recours : « La stérilisation par l'oxyde d’éthylène ne doit être utilisée que si aucun autre moyen de stérilisation approprié n'existe ». [80] Dans les années 1980, la lutte contre les infections nosocomiales est devenue une priorité de santé publique et le développement des dispositifs médicaux à usage unique s’est accéléré. Un décret du 6 mai 198852 a créé les comités de lutte conte les infections nosocomiales (CLIN) dans les établissements publics de santé et les établissements privés participant au service public hospitalier (PSPH). La loi du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la sécurité sanitaire les a étendus aux cliniques privées et a posé le principe d'un recueil et d'un signalement des infections nosocomiales, tout en renforçant les exigences de qualité de la stérilisation des dispositifs médicaux par la mise en place d’un système d’assurance de la qualité. [81] En 1994, une circulaire53 a réaffirmé le principe de non-réutilisation des dispositifs médicaux à usage unique et le décret du 22 décembre 200054 a imposé que les diverses étapes d'entretien et de stérilisation des dispositifs réutilisables soient effectuées dans un seul lieu, par la centralisation de la stérilisation à la pharmacie à usage intérieur. Puis une circulaire du 14 mars 200155 a consacré la vapeur d’eau (i.e. la chaleur humide sous pression) à 134°C pendant 18 minutes comme étant la méthode de référence pour la stérilisation à l’hôpital de tous les dispositifs médicaux réutilisables le supportant. 51 Circulaire du 7 décembre 1979, publiée au Journal officiel, relative à l’utilisation de l’oxyde d’éthylène pour la stérilisation, suivie de l’Instruction technique du 24 juillet 1980. 52 Décret n°88-657 du 6 mai 1988 relatif à l’organisation de la surveillance et de la prévention des infections nosocomiales dans les établissements d'hospitalisation publics et prives participant au service public hospitalier et sa circulaire d’application, définissant les missions des comités de lutte contre les infections nosocomiales. 53 Circulaire DGS/SQ3, DGS/PH2, DH/EM1 n°51 du 29/12/1994 relative à l’utilisation des dispositifs médicaux stériles à usage unique dans les établissements de santé publics et privés. 54 Décret n°2000-1316 du 26 décembre 2000 relatif aux pharmacies à usage intérieur. 55 Circulaire n° DGS/5C/DHOS/E2/2001/138 du 14 mars 2001 relative aux précautions à observer lors de soins en vue de réduire les risques de transmission d’agents transmissibles non conventionnels. 24 IGAS, RAPPORT N°RM2012-032P ¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯ [82] Durant cette période des années 1980-1990, la stérilisation hospitalière à l’oxyde d’éthylène a peu à peu été abandonnée, laissant la place à l’utilisation de la vapeur d’eau pour les dispositifs médicaux réutilisables supportant la chaleur et l’installation dans quelques hôpitaux de stérilisateurs au plasma de peroxyde d’hydrogène. Parallèlement, s’y est largement développé le recours à l’usage unique. L’abandon de l’oxyde d’éthylène en stérilisation hospitalière en raison de sa toxicité a ainsi eu pour pendant son développement dans l’industrie pour la stérilisation des dispositifs médicaux à usage unique vendus aux mêmes hôpitaux. 2.1.2. [83] Les risques de contamination des prématurés très fragiles ont conduit à renforcer les précautions autour de ces nourrissons et leur alimentation, maternelle ou artificielle, en particulier en termes de risques infectieux. L’usage des biberons de verre et tétines réutilisables, stérilisés à la vapeur d’eau en établissements de santé, très répandu avant le passage à l’usage unique est apparu présenter des inconvénients majeurs : [84] Les pressions sécuritaires concernant les biberons problèmes d’organisation, nécessitant des installations adaptées, du personnel disponible et formé, des procédures et des contrôles maîtrisés ; risques de contaminations et de transmission de microorganismes (qui sont bien décrits dans la littérature56 et 57 ; voir également infra), fermentation de résidus et développement de pyocyanique lié à l’humidité dans des biberons mal séchés, usure des biberons de verre entraînant la présence de particules de verre dans le contenu, dégradation après quelques nettoyages des tétines, notamment ouverture du trou d’alimentation, etc. ; pratiques de manipulation des biberons n’étant pas explicitement soumises à des règles d’hygiène très strictes imposées par exemple en restauration, et pouvant entraîner des risques de transmission de pathogènes par les manipulateurs, en particulier en période d’épidémies automno-hivernales. Le Comité de coordination de la lutte contre les infections nosocomiales (CCLIN) Interrégion Paris-Nord a élaboré en juin 1999 des recommandations sur l’« Alimentation du nourrisson en collectivité pédiatrique – Conditions de préparation et circuit des biberons » qui précise : « Le risque infectieux lié aux biberonneries existe même s’il n’est pas très important dans les pays industrialisés. La contamination dans une biberonnerie peut avoir pour source les locaux, le personnel, les produits, les procédures ou l’organisation de ce secteur ». Il est recommandé dans ce document de stériliser à l’autoclave à 121°C pendant 18 mn, à la biberonnerie, le matériel nécessaire à la préparation des biberons (cuillères, pichets, etc.), les biberons et tétines, la possibilité d’utilisation de biberons à usage unique n’étant citée qu’en tant qu’option. Il est précisé que la préparation de biberons standards en service de soins exige l’utilisation de biberons stériles. 56 Carlos Sánchez-Carrillo, Belén Padilla, Mercedes Marín et al. Contaminated feeding bottles: The source of an outbreak of Pseudomonas aeruginosa infections in a neonatal intensive care unit. Am J Infect Control 2009, 37:150-4. 57 Renfrew M J, McLoughlin M, McFadden A. Cleaning and sterilisation of infant feeding equipment: a systematic review . Public Health Nutrition 2008,11:1188–99. IGAS, RAPPORT N°RM2012-032P 25 ¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯ [85] Par ailleurs, le guide de bonnes pratiques de désinfection des dispositifs médicaux58 en établissement de santé de 1998 recommande la stérilisation des biberons et des tétines. Il précise qu’ils sont « assimilés à des dispositifs médicaux59 ». En tant que matériels en contact avec la muqueuse buccale, leur classement est de type semi-critique, le niveau de risque infectieux est un risque médian. Ces bonnes pratiques précisent de plus : « La stérilisation doit toujours être préférée à la désinfection car d’efficacité supérieure et mieux maîtrisée. Elle permet grâce à un emballage approprié et intègre, de maintenir l’état stérile ». [86] Quelques années plus tard, le rapport de l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé (ANAES, intégrée depuis à la Haute autorité de santé) « Allaitement maternel, mise en œuvre et poursuite dans les 6 premiers mois de vie de l’enfant – Recommandations » de mai 2002 alertait sur les risques, notamment infectieux, liés à la préparation des biberons : « Les inconvénients potentiels de l’alimentation artificielle concernent la contamination lors des étapes de préparation du biberon ou lors de son nettoyage, les défauts de stérilisation (même si les risques sont potentiellement très faibles dans les pays industrialisés), les erreurs de dosage de la poudre de lait aboutissant à une surconcentration de la préparation, les erreurs dans les processus de fabrication et enfin le coût de ces substituts de lait ». [87] Ainsi, depuis les années 1990, les précautions visant à prévenir tout risque d’infection dans les maternités, en particulier vis-à-vis des bébés les plus fragiles, se sont développées et l’utilisation de biberons stériles à usage unique s’est répandue. Selon de nombreux interlocuteurs de la mission, l’année 2005 semble avoir marqué un tournant dans le renforcement des mesures visant la prévention des infections nosocomiales liées à l’alimentation des nouveau-nés. [88] En effet, entre octobre et décembre 2004, quatre cas d’infection grave et cinq cas de colonisation digestive par l’espèce bactérienne Enterobacter sakazakii, étaient survenus en France, responsables du décès de deux nouveau-nés. En parallèle, plus d’une centaine de cas de salmonelloses à Salmonella enterica sérotype Agona, liés à la consommation de poudres de lait contaminées, étaient constatés en France chez des nourrissons entre décembre 2004 et avril 200560. Faisant suite à ces infections, la DGS a saisi l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments, AFSSA, devenue depuis l’ANSES, d’une demande de recommandations en matière d’hygiène pour la préparation et la conservation des biberons en crèche et en établissement hospitalier. Les travaux de l’AFSSA étaient principalement destinés à définir « les conditions de préparation, de manipulation et de conservation des biberons visant à éviter les contaminations microbiennes et leur multiplication, pouvant être à l’origine d’infections graves, voire de décès, de nouveau-nés et de jeunes nourrissons ». [89] A la suite de ces travaux, un guide de « Recommandations d’hygiène pour la préparation et la conservation des biberons » a été publié en juillet 2005, couvrant un large champ incluant l’alimentation par les laits de femme et de mère délivrés en biberons, provenant du domicile ou de lactarium, et l’alimentation continue par seringues61. Ces recommandations indiquent que : 58 en structure d’accueil de la petite enfance ainsi qu’à domicile, la stérilisation est inutile ; en établissement de santé, un laveur-désinfecteur permet d’atteindre une désinfection de niveau intermédiaire et suffit ; Désinfection des dispositifs médicaux - Guide de bonnes pratiques. Conseil Supérieur d'Hygiène Publique de France. Comité Technique national des Infections Nosocomiales - Ministère de l'emploi et de la solidarité. Secrétariat d'État à la santé, 1998. 59 Le terme « assimilé » n’emporte cependant pas la qualification de dispositif médical. Ambigu, il a pu prêter à confusion. 60 Voir à ce sujet le rapport d’investigation de l’Institut de Veille Sanitaire « Infections à Enterobacter sakazakii associées à la consommation d’une préparation en poudre pour nourrissons », octobre à décembre 2004. 61 Ce document concerne également la préparation et la conservation des biberons reconstitués avec des préparations lactées en poudre ou prêtes à l’emploi sous forme liquide et contenant du lait de femme, et des produits spécifiques, à visée nutritionnelle ou non, dans les crèches, les établissements hospitaliers, d’autres structures d’accueil de la petite enfance (jardins d’enfants) et le domicile. 26 IGAS, RAPPORT N°RM2012-032P ¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯ [90] la stérilisation des biberons ne se justifie que lorsque le matériel est considéré comme critique, pour les enfants immunodéprimés ou immuno-immatures, donc dans certains services à haut risque infectieux (néonatologie, onco-hématologie, centre de rééducation pédiatrique). L’état immunitaire des patients pouvant alors être compromis, il est nécessaire de recourir à une stérilisation ; selon le choix de la structure, pour éviter le recyclage des biberons, il est plus pratique au niveau organisationnel d’utiliser des biberons à usage unique. Ceux-ci doivent être stériles pour les enfants immunodéprimés. A cette même période se mettait en œuvre le règlement 852/2004/CE62, exigeant à compter du 1 janvier 2006, pour l’ensemble des entreprises du secteur alimentaire, la mise en œuvre de procédures fondées sur les principes HACCP (Hazard Analysis Critical Control Point) et sur des règles générales en matière d'hygiène des denrées alimentaires. Les recommandations de l’AFSSA de 2005 y font référence, souhaitant notamment la formation des personnels affectés à la préparation des biberons aux principes d’application de la méthode HACCP, exprimant ainsi la nécessité de lier sécurité alimentaire et sécurité infectieuse. er [91] Selon la plupart des interlocuteurs de la mission, les orientations décrites ci-dessus auraient conduit au remplacement des biberons en verre réutilisables par des biberons à usage unique en plastique et à l’achat de ces biberons dans leur forme stérile63. Les résultats de l’enquête nationale conduite par la mission (cf. supra) nuancent toutefois cette affirmation. [92] Peu à peu, afin d’éviter la complexité qu’impose, au sein de l’administration hospitalière comme dans les services, la gestion de références multiples, les biberons à usage unique stériles sont devenus dans la majorité des établissements de santé, les seules alternatives à l’utilisation de biberons prêts à l’emploi (nourettes). [93] Si l’exigence de stérilité n’est pas impérative dans toutes les situations d’alimentation, voire de soins, des nourrissons, les conditions de préparation des biberons doivent permettre de garantir un niveau de sécurité microbiologique satisfaisant pour cette population. Le recours à l’usage unique non stérile mais « microbiologiquement propre » aurait nécessité que les industriels fabriquant des biberons à usage unique utilisent des méthodes de désinfection adaptées, garantissant l’absence de germes potentiellement pathogènes. Ils ont en fait tous choisi la stérilisation à l’oxyde d’éthylène. [94] Les recommandations de l’AFSSA de 2005 ont ainsi fortement renforcé les premières recommandations, conduisant sans doute les établissements à privilégier la sécurité infectieuse, sans que soit mis en regard le risque cancérigène de l’oxyde d’éthylène utilisé par les industriels pour stériliser biberons et tétines, qui était pourtant avéré. [95] Les professionnels des établissements ont vraisemblablement fait confiance à la fabrication industrielle, soumise à des normes dont le respect est contrôlé tant par un organisme notifié que par l’instance nationale de sécurité sanitaire, l’AFSSAPS. Selon plusieurs interlocuteurs de la mission, certains auraient même opéré un parallèle avec les garanties de qualité et de sécurité apportées en matière de médicaments. Pourtant, à la différence de ces derniers, les dispositifs médicaux ne sont pas régis par un système d’autorisation de mise sur le marché et leurs fabricants ne sont pas soumis à des bonnes pratiques de fabrication (BPF). Ces dernières sont opposables pour les médicaments, contrairement aux normes actuellement applicables aux dispositifs médicaux, qui sont non contraignantes. 62 Règlement (CE) n° 852/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relatif à l'hygiène des denrées alimentaires. 63 Voir l’annexe 5. IGAS, RAPPORT N°RM2012-032P 27 ¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯ 2.1.3. Une norme sur l’oxyde d’éthylène, non spécifique aux nourrissons, devenue un instrument de confiance [96] Un autre élément ayant contribué de manière importante à rassurer professionnels et industriels sur la sécurité d’utilisation de dispositifs stérilisés à l’oxyde d’éthylène a été la publication, puis la révision (voir infra) de la norme européenne EN ISO 10993 sur l’évaluation biologique des dispositifs médicaux, dont la partie 7 porte spécifiquement sur les résidus de stérilisation à l’oxyde d’éthylène64, prévoyant des limites de résidus d’oxyde d’éthylène « admissibles ». [97] Le traitement à l’oxyde d’éthylène conduit à une sécurité microbiologique élevée. Pour garantir une sécurité maximale, après traitement, une phase de désorption est prévue de manière impérative : elle consiste à permettre l’évacuation du gaz dans des conditions de température et de durée variables selon les matériaux stérilisés. Des normes sont censées préciser les conditions de réalisation et de validation de cette technique65, ainsi que les taux résiduels maximum admissibles d’oxyde d’éthylène après désorption. Ces normes sont considérées par tous comme une garantie et un gage de sécurité sanitaire. [98] Les taux résiduels après stérilisation à l’oxyde d’éthylène sont déterminés à partir d’une extraction du produit et d’une simulation d’utilisation, selon des méthodes décrites dans la norme. Les limites acceptables dépendent de la nature de l’exposition, de sa durée, de sa fréquence d’utilisation, des situations particulières d’utilisation et de la taille du produit66. Par ailleurs, les matériaux varient considérablement dans leur capacité à absorber, retenir et libérer l’oxyde d’éthylène. [99] Il importe de noter que la désorption de l’oxyde d’éthylène est dans un premier temps dynamique, par aération à la sortie du stérilisateur, puis elle est dite statique, c’est-à-dire qu’elle se poursuit ensuite sans manipulation. Ainsi, plus le temps entre la stérilisation et l’utilisation du dispositif est long, plus on s’approche d’un taux zéro de résidus. [100] Par ailleurs, avant tout dosage, la méthode de mesure de l’oxyde d’éthylène résiduel doit être validée pour chaque matériau afin d’éviter qu’une interférence entre l’oxyde d’éthylène et le matériau ne fausse le résultat. En l’absence de cette validation préalable, la valeur scientifique des résultats ne peut être considérée comme étant valide. 64 Elle spécifie notamment les limites admissibles des résidus d’oxyde d’éthylène, de chlorhydrate d’éthylène (ECH, produit de dégradation de l’oxyde d’éthylène) et met en garde également sur les résidus d’éthylène glycol (EG) après stérilisation à l’oxyde d’éthylène. Ses annexes G et H traitent des « niveaux d’exposition tolérable » (TE) et de la « limite de contact tolérable » (TCL). 65 NF EN ISO 11135-1 Stérilisation des produits de santé - Oxyde d'éthylène - Partie 1 : exigences de développement, de validation et de contrôle de routine d'un processus de stérilisation pour des dispositifs médicaux. NF CEN ISO/TS 111352 Stérilisation des produits de santé - Oxyde d'éthylène – Partie 2 : directives relatives à l'application de l'ISO 11135-1. 66 Selon cette norme, le fabricant doit se conformer à des limites fixées en fonction de la durée habituelle d’exposition au dispositif : - Exposition limitée (A) : dispositif médical dont le contact unique ou multiple est inférieur à 24 heures. La dose moyenne journalière (DMJ) d’oxyde d’éthylène reçue par le patient ne doit pas dépasser 4 mg ; - Exposition prolongée (B) : dispositif médical dont l’utilisation ou le contact unique, multiple ou à long terme est susceptible de dépasser 24 heures, mais reste en-dessous de 30 jours. La DMJ d’oxyde d’éthylène reçue par le patient ne doit pas dépasser 2 mg/jour et la dose maximale d’oxyde d’éthylène ne doit pas dépasser 4 mg dans les premières 24 heures et 60 mg dans les 30 premiers jours ; - Contact permanent (C) : dispositif médical dont l’utilisation ou le contact unique, multiple ou à long terme dépasse 30 jours La DMJ d’oxyde d’éthylène reçue par le patient ne doit pas dépasser 0,1 mg/jour et la dose maximale d’oxyde d’éthylène ne doit pas dépasser 4 mg dans les premières 24 heures, 60 mg dans les 30 premiers jours, 2,5 g sur toute une vie. 28 IGAS, RAPPORT N°RM2012-032P ¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯ [101] Enfin, l’absence de résidus d’oxyde d’éthylène ne peut jamais être affirmée avec certitude, les appareils de mesure ayant tous une limite de détection, en-dessous de laquelle on ne peut affirmer la présence ou l’absence d’oxyde d’éthylène67. C’est une limite importante de la mesure des résidus. [102] La première version de la norme a été établie en 1996. La dernière version datant d’octobre 2008, applicable à partir d’octobre 2011, a abaissé les niveaux de résidus acceptables. Ainsi, pour une durée d’exposition de moins de 24 h par exemple, la limite d’exposition était de 20mg/dispositif jusqu’en octobre 2011, date à partir de laquelle cette limite passe à 4mg/dispositif en application de la version 2008 de la norme68. [103] Mais les limites ont été calculées, en particulier pour le risque cancérigène, pour tout type de dispositif médical, sans distinguer ceux qui sont susceptibles d’entrer en contact avec des denrées alimentaires. Par ailleurs, les limites ont été définies pour des individus de poids moyen de 70 kg, ce qui est bien loin du poids des bébés, prématurés ou non, alimentés par des biberons, tétines, seringues et sondes d’alimentation stérilisés à l’oxyde d’éthylène. L’annexe F de la norme précise au paragraphe F.2.1 que des situations spécifiques peuvent nécessiter de restreindre les valeurs des limites admissibles. Il est alors nécessaire de se référer à la collatérale 10993-17 qui explicite que les limites admissibles doivent être recalculées pour certaines populations dont les nouveau-nés (paragraphe 6.2.2). En conséquence, la norme NF EN ISO 10993-7 pourrait être utilement complétée pour distinguer les dispositifs médicaux destinés à entrer au contact des denrées alimentaires des autres dispositifs et des taux résiduels applicables aux nourrissons et enfants en bas âge auraient dû être calculés69. [104] 2.2. Un marché structuré autour de biberons stériles d’une part, de nourettes d’autre part 2.2.1. Le marché des biberons « sûrs » L’abandon des biberons réutilisables en verre au profit d’articles en plastique à usage unique a eu pour conséquence de généraliser l’usage du biberon stérilisé à l’oxyde d’éthylène au sein des établissements de santé. Les développements qui suivent s’attachent à analyser la manière dont s’est structuré le marché des biberons, tétines et téterelles au cours de la dernière décennie, en étudiant successivement l’offre des fabricants et la demande des établissements. 67 A noter que cette limite de détection, au-delà de laquelle on peut affirmer la présence d’oxyde d’éthylène, doit encore être distinguée du seuil de quantification, à partir duquel on peut réellement doser l’oxyde d’éthylène. 68 Il est intéressant de noter que, selon le CIRC, la limite de résidus d’oxyde d’éthylène fixée pour les épices aux EtatsUnis où cet usage est autorisé (contrairement à l’Union européenne, où la stérilisation d’aliments à l’oxyde d’éthylène est interdite) s’élève à 50ppm soit 50mg/kg. 69 Rédaction modifiée à l’issue de la procédure contradictoire. IGAS, RAPPORT N°RM2012-032P 29 ¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯ 2.2.1.1. [105] L’offre : des articles stérilisés à l’oxyde d’éthylène et pour la plupart en qualité de dispositif médical Les volumes de vente en France, à destination des établissements de santé, des biberons, tétines et téterelles à usage unique pour l’année 2010, tels que tirés de l’enquête nationale, peuvent être estimés de la manière suivante70 : Articles (à usage unique) Biberons avec ou sans tétine Tétines seules Téterelles [106] Volumes estimés (en milliers) 15 277 2 455 966 Le marché, qui s’est développé à partir de la fin des années 90, compte un petit nombre d’acteurs71 : BELDICO, fabricant belge de dispositifs médicaux, tout récemment racheté par une entreprise française (MEDIPREMA), leader historique du marché des biberons à usage unique avec une part (en volume comme en valeur) estimée72 par la mission à 70 %, commercialise sur le marché français ces articles depuis 1998 ; CAIR LGL, entreprise française appartenant au groupe CAIR, est le second acteur du marché avec une part estimée à 25 %, sur lequel il est présent depuis 2006 ; INTERMED, entreprise française, est le troisième acteur, présent sur le marché depuis 2007 où il occupe une place réduite, avec une part de marché inférieure à 5 % ; MEDELA, entreprise suisse spécialisée dans les tire-laits, qui commercialise des téterelles et des biberons (sans tétines) à usage unique pour tire-laits depuis 2006 ; elle occupe de ce fait une place très réduite (moins de 0,3 %) sur le marché des biberons et moins de 20 % du marché des seules téterelles. [107] Les biberons, tétines et téterelles sont des articles peu onéreux : le prix pour un biberon complet (i.e. avec tétine) se situe ordinairement dans une fourchette de 30 à 40 centimes hors taxes. Le marché, bien que de caractère oligopolistique, est marqué par une forte concurrence sur les prix, compte tenu des faibles différences qualitatives des gammes proposées par les fabricants, qui consentent des prix d’autant plus bas que les volumes sont élevés. [108] A la date de lancement de la mission, à l’exception des biberons et tétines commercialisés par INTERMED73, l’ensemble des articles présents sur le marché français sont commercialisés en tant que dispositifs médicaux et la quasi-totalité est stérilisée à l’oxyde d’éthylène depuis 2009, à l’exception des téterelles de BELDICO, qui demeurent traitées par irradiation à des doses qui n’assurent pas la stérilité. 70 Les données sont extrapolées à partir du taux de réponse (83 %), seule méthode accessible. Voir l’annexe 7 sur les fabricants de biberons et autres. 72 A partir des résultats de l’enquête et des données communiquées par les fabricants. 73 Dont la commercialisation a été arrêtée en novembre 2011. 71 30 IGAS, RAPPORT N°RM2012-032P ¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯ [109] Cela n’a pas toujours été le cas : jusqu’en 2009, la société BELDICO a commercialisé en France des biberons et tétines irradiés gamma à 5 kGy. Ces articles n’étaient pas stériles mais étaient commercialisés74, au moins pour une partie d’entre eux, comme tels, ce qui encourt la critique75. Cette situation a possiblement induit en erreur un certain nombre d’acheteurs. Cette situation a cessé en 2009, avec la mise sur le marché de produits stérilisés à l’oxyde d’éthylène, permettant à la société de revendiquer, désormais à bon droit, la qualification de dispositif stérile : la société annonce alors par courrier à ses clients avoir opté pour la stérilisation à l’oxyde d’éthylène « aux fins de répondre aux normes de stérilité les plus strictes ». Et sans doute afin de mettre sur le marché des produits similaires à ceux produits par son concurrent, CAIR LGL. [110] Pour justifier le passage aux « biberons dispositif médical », les mêmes fabricants mettent en avant que la qualification de dispositif médical apporte à l’acheteur une garantie - au moins théorique, grâce à la procédure de marquage CE - de sérieux supplémentaire, spécialement pour ce qui a trait à la stérilisation, par rapport aux simples articles de puériculture. Il n’y a pourtant pas plus en droit qu’en pratique d’équivalence stricte entre biberon stérile et biberon dispositif médical. Il existe des articles stériles qui ne sont pas des dispositifs médicaux76 et des dispositifs médicaux qui ne sont pas stériles. [111] Il importe de souligner, comme on le verra plus loin en partie III, que les organismes notifiés ont avalisé la qualification comme dispositif médical des biberons à usage unique par BELDICO, CAIR et MEDELA. L’analyse de ce point de la part de ces organismes notifiés aurait gagné à être enrichie des données relatives aux volumes des ventes, la question pouvant alors se poser de savoir si l’utilisation de ces biberons ne débordait pas des indications du dispositif médical. Il n’est pourtant pas certain que les organismes notifiés aient été en mesure de procéder à une telle analyse au moment du renouvellement des certificats. En tout état de cause, au nom du principe « qui peut le plus, peut le moins », le biberon à usage unique dispositif médical stérile s’est imposé au fur et à mesure que les biberons en verre étaient abandonnés. [112] Les fabricants ne se sont jamais cachés de vendre des articles ayant la qualité de dispositif médical. Il en va différemment de la qualité d’articles stériles : si le mode de stérilisation est généralement indiqué sur les fiches techniques des produits - la mission étant dans l’incapacité de conclure avec certitude sur ce point en raison d’une datation de ces documents approximative -, il ne l’est pas forcément sur les catalogues. [113] Toujours est-il, compte tenu de la structuration progressive du marché, que les établissements n’ont plus eu le choix, à compter de 2009, de se fournir en biberons à usage unique stériles autrement que stérilisés à l’oxyde d’éthylène. Les établissements de santé semblent y avoir trouvé également leur compte. 2.2.1.2. [114] La demande : à 80 %, des biberons stériles Les données issues de l’enquête nationale conduite par la mission éclairent les comportements d’achat des établissements de santé. Ces derniers ont progressivement abandonné les biberons réutilisables en verre, comme cela a été exposé plus haut ; il s’en rencontre encore, de manière résiduelle, dans les lactariums et dans certains établissements, peu nombreux. L’enquête confirme le passage général aux biberons à usage unique. 74 Dans la mesure où les fiches techniques des biberons ne sont pas systématiquement datées et où le dépouillement de l’ensemble des appels d’offres hospitaliers auxquels la société BELDICO a répondu avant 2009 est impossible en pratique, la mission ne peut conclure de manière certaine sur ce point. La mission a connaissance d’au moins une consultation, et non des moindres, organisée par l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris, à laquelle la société BELDICO a répondu en présentant ses biberons comme des articles stériles (voir le détail dans les observations de la mission aux réponses de la société BELDICO). 75 Développement rectifié à l’issue de la procédure contradictoire. 76 Voir les développements sur les biberons de la société INTERMED en partie III. IGAS, RAPPORT N°RM2012-032P 31 ¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯ L’organisation des achats hospitaliers Les établissements de santé procèdent à leurs achats soit directement, soit en se regroupant, et par appel d’offres lorsqu’ils sont soumis aux dispositions régissant l’achat public. Afin d’accroître les capacités de négociation et d’unifier les pratiques, les achats sont centralisés dans les établissements publics multi-sites (comme l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris) et dans les groupes d’hospitalisation privée (Générale de santé, Vitalia). De même, se développent entre établissements publics juridiquement distincts des structures de mutualisation des achats, comme l’Union des hôpitaux pour les achats - Uni.H.A. -, groupement de coopération sanitaire qui s’adresse aux centres hospitaliers universitaires et aux grands centres hospitaliers, ou encore le Réseau des acheteurs hospitaliers d’Ile-de-France - ResahIdF -, groupement d’intérêt public qui organise des groupements de commandes, au sens du code des marchés publics, pour des établissements franciliens publics ou privés à but non lucratif du secteur sanitaire, social ou médico-social. Les établissements peuvent également, notamment dans le secteur privé, faire appel à des centrales de référencement, comme la Centrale d'achat de l'hospitalisation privée et publique (CAHPP, premier acteur sur ce segment) et HELPEVIA (deuxième acteur, qui s’adresse aux seuls établissements privés à but lucratif et non lucratif, sanitaires et maintenant médico-sociaux). Ces dernières référencent en général plusieurs fournisseurs pour chaque type d’article. [115] Selon la taille des établissements ou de leurs regroupements, quelle qu’en soit la forme, les achats de biberons font l’objet soit de marchés spécifiques, soit sont intégrés dans des appels d’offres plus larges, intéressant les dispositifs médicaux, comme l’illustrent les exemples consignés dans le tableau suivant, qui n’ont qu’une valeur illustrative. Exemples de marchés AP-HP77 : marché de fourniture de biberons, tétines et téterelles à usage unique stériles, courant du 01/10/2010 au 30/09/2014 et comprenant trois lots : 77 Intitulé des lots : o lot 1 : fourniture de biberons et tétines à usage unique stériles o lot 2 : fourniture de téterelles à usage unique et stériles o lot 3 : fourniture de tétines et sucettes pour prématurés à usage unique stériles Spécifications techniques : o usage alimentaire : les biberons, tétines et téterelles seront en matière plastique destinée à l’usage alimentaire ; o stérilité : le procédé de stérilisation employé sur les produits présentés, conforme aux normes en vigueur, sera précisément décrit; un certificat de stérilisation sera fourni. Il est intéressant de noter que les achats de biberons à usage unique (comme ceux de laits infantiles) relèvent à l’APHP, non pas de la structure en charge des achats de dispositifs médicaux (Agence Générale des Equipements et Produits de Santé), mais de celle responsable des achats de produits et services non médicaux (Achats Centraux Hôteliers et Alimentaires). Cette division du travail serait historique ; elle a pour effet qu’échappent aux procédures applicables aux dispositifs médicaux les achats de biberons à usage unique (qui sont pourtant vendus comme dispositifs médicaux) et, notamment, à l’examen par la commission du médicament et des dispositifs médicaux stériles. Cette COMEDIMS, instance de décision et de concertation, comprend trois comités s'articulant autour du médicament (COMED), des dispositifs médicaux (CODIMS) et de la lutte contre la iatrogénie (COMIA) et une commission des anti-infectieux (COMAI). Toutefois, comme l’a précisé l’AP-HP à la mission, des groupes de référents ont été associés à la phase d’expression des besoins, à l’analyse des offres techniques et pour certains d’entre eux aux tests (courriel à la mission du 7 décembre 2011). 32 IGAS, RAPPORT N°RM2012-032P ¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯ Resah-IdF : marché de fourniture de dispositifs médicaux stériles standards, d’un an reconductible trois fois à compter du 01/06/2011 et comprenant 230 lots : Intitulé des lots : o lot 1 : biberon (le lot comprend des biberons avec ou sans tétine, des tétines et des bouchons de gavage) o lot 8 : téterelle Spécifications techniques : o usage alimentaire : aucune indication ; o stérilité : pour les articles livrés stériles, le titulaire doit mettre en œuvre des procédures d’assurance qualité, aptes à garantir la stérilité des articles au cours de leur transport. [116] Selon les fabricants de biberons à usage unique, ce sont les établissements qui ont demandé que ces biberons soient stériles. L’offre suivrait ainsi la demande. Pour des raisons matérielles, la mission n’a pas étudié les appels d’offres pour la fourniture de biberons passés par l’ensemble des établissements de santé de France pour l’année 2010, mais l’enquête nationale conduite par la mission permet toutefois de catégoriser les comportements d’achat. [117] Il en ressort que la très grande majorité des établissements a exprimé le besoin d’acheter des « biberons stériles » (à 65 %) ou des « biberons stériles ou bactériologiquement propres » (à 13 %). Ce résultat nuance les assertions des fabricants. [118] Les autres établissements n’entrent pas dans ce niveau de détail et s’approvisionnent en biberons à usage unique, sans exigence sur la stérilité. C’est le cas également, par exemple, de la centrale HELPEVIA. Ce résultat est corroboré par les données fournies par l’un des fabricants de biberons stériles, qui a exploité pour la mission les appels d’offres auxquels il a répondu. Il ressort de ce travail que ceux des établissements qui ne demandaient pas spécifiquement des articles stériles (ou stériles ou bactériologiquement propres) précisaient cependant qu’ils souhaitaient se procurer des dispositifs médicaux. [119] Il semble en effet que les établissements de santé, dans leur grande majorité, aient rangé les biberons et autres articles au sein de la catégorie des dispositifs médicaux, par application des recommandations de l’AFSSA (cf. supra). Corroborent cette hypothèse à la fois les entretiens menés par la mission et l’enquête nationale qu’elle a conduite : cette dernière indique que plus des deux tiers des établissements confient les achats de biberons à usage unique aux pharmacies78, les autres les considérant comme des achats hôteliers, sous la responsabilité des services économiques. Ce résultat confirme donc que ces articles sont majoritairement considérés comme des dispositifs médicaux par le monde hospitalier. 78 Les pharmaciens, même si leur responsabilité se limite, pour les dispositifs médicaux, à ceux qui sont stériles (article L 5126-5 du code de la santé publique), sont sinon en charge du moins associés étroitement aux achats de dispositifs médicaux au sein des établissements. IGAS, RAPPORT N°RM2012-032P 33 ¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯ 2.2.1.3. Le fonctionnement résumé du marché : les fabricants vendent des articles stérilisés à l’oxyde d’éthylène à des établissements qui demandent des biberons stériles [120] Comme il a été dit plus haut, l’abandon du biberon en verre a eu pour conséquence la généralisation des biberons à usage unique. Mais c’en est également le mobile. C’est au nom de principes sécuritaires que le biberon en verre a été délaissé, ce qu’ont confirmé au cours des entretiens avec la mission tant les établissements eux-mêmes que les fabricants. Le développement du biberon stérile est clairement un effet de la demande des établissements de santé, ce que confirment les résultats de l’enquête conduite par la mission. [121] La stérilisation à l’oxyde d’éthylène de ces biberons s’explique alors aisément, cette dernière étant devenue un procédé d’utilisation courante pour la stérilisation des dispositifs médicaux, grâce à sa relative simplicité, à sa compatibilité avec les matériaux plastiques et à son faible coût de revient. Les biberons « assimilés à des dispositifs médicaux » par les établissements de santé ont été produits par des fabricants de dispositifs médicaux. La demande de biberons stériles s’est progressivement traduite par une offre de biberons stérilisés à l’oxyde d’éthylène. [122] En conclusion, depuis 2009, tous les biberons dispositifs médicaux présents sur le marché sont stériles et stérilisés à l’oxyde d’éthylène. Acheter un biberon à usage unique équivaut donc à acheter un biberon stérile et stérilisé à l’oxyde d’éthylène. L’enquête nationale confirme logiquement ce constat : elle indique que les biberons à usage unique achetés par les établissements sont, à 97 %, stérilisés à l’oxyde d’éthylène, la différence d’avec 100 % s’expliquant vraisemblablement par un manque ou un défaut d’information de quelques établissements, la mission et l’ensemble des autorités sanitaires n’ayant pas identifié d’offre alternative de biberons à usage unique stérilisés par une autre méthode. 2.2.2. Les achats en direct de nourettes ou mini-biberons pré-remplis [123] En parallèle des biberons à usage unique, les maternités achètent également des « nourettes » ou mini-biberons pré-remplis de lait « premier âge » - il en existe également pour les prématurés -, qui appartiennent à la catégorie des produits pour l’alimentation infantile79. [124] Le marché de ces nourettes présente de fortes spécificités. La première est que les établissements de santé se fournissent directement auprès des fabricants : ni les centrales de référencement, ni les groupements de commandes ne s’intéressent à ce marché. Cette singularité s’explique par la nature du processus d’achat de ces articles. La seconde est que les ventes de nourettes occupent une place modeste en valeur, que l’on peut estimer à 1 %80 du chiffre d’affaires des laits infantiles81 ; cette place est pourtant essentielle. En effet, les mini-biberons servent à fidéliser les parturientes, qui sont enclines, une fois rentrées à leur domicile, à acheter des laits de la même marque que celui qui leur a été offert lors de leur séjour en maternité. 79 L’alimentation infantile comprend a) les préparations infantiles / laits pour bébés : préparations pour nourrissons (1er âge), préparations de suite, (2ème âge), laits de croissance, laits spéciaux ; b) les céréales infantiles : céréales pour bébés (céréales simples, enrichies en fruits ou légumes, protéinées, biscuits) ; c) les autres aliments pour bébés : aliments en pots pour bébés (fruits, desserts, légumes, viandes, potages...), plats-assiettes, purées et potages, jus et boissons, petits déjeuners... (Source : Le Syndicat Français des Aliments de l’Enfance). 80 Autorité de la concurrence, décision n° 07-D-42 du 30 novembre 2007 relative à certaines pratiques mises en œuvre par les sociétés Blédina, Nestlé, Sodilac, Nutricia-Milupa et leur syndicat professionnel sur le marché des laits infantiles. 81 Voir l’annexe 8 sur les chiffres clés du marché des aliments de l’enfance. 34 IGAS, RAPPORT N°RM2012-032P ¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯ [125] Le marché des préparations pour nourrissons est très concurrentiel, en raison de la stabilité du nombre de naissances et de la croissance continue du taux d’allaitement maternel (voir partie 1). Il est partagé entre de grandes entreprises du secteur agro-alimentaire et fonctionne, s’agissant de l’approvisionnement des maternités, selon le système des « tours de lait », qu’il n’appartient pas à la mission de commenter plus avant dans le cadre du présent rapport. Au cours de ses investigations, la mission a eu à connaître des prix des mini-biberons. Bien que ce sujet ne soit pas au cœur de sa problématique, elle a exploré la conformité au droit des pratiques des fabricants, compte tenu des enjeux de santé publique qui s’attachent à la promotion de l’allaitement maternel. Ces développements sont consignés en annexe 9. Les tours de lait L’Autorité de la concurrence, qui s’y est intéressée à plusieurs reprises, a décrit de la manière suivante le système des tours de lait : « On peut décrire le tour de lait comme la décision par laquelle une maternité confie à un fournisseur l’approvisionnement des mini-biberons pendant une période donnée. (…) Le système fonctionne globalement comme si les maternités accordaient le référencement exclusif d’un lait pendant une période donnée en échange de subventions proportionnées au nombre de nourrissons potentiellement exposés au lait du fabricant. Le point décisif est donc que le tour de lait s’analyse comme une transaction dans laquelle le vendeur est la maternité et l’acheteur le fabricant, de telle sorte que le prix important est le montant de la subvention (somme versée par l’acheteur au vendeur) alors que prix de la nourette n’y joue aucun rôle (somme ristournée par le vendeur à l’acheteur). (…)Le coût du lait consommé par un nourrisson en maternité étant d’environ de 4 €, à la charge de la maternité (…), le prix payé à la maternité par le fournisseur est de l’ordre de 32 € soit 8 fois plus »82. [126] Les mini-biberons pré-remplis se rencontrent exclusivement en maternité ; on ne les trouve pas en ville, à la différence des laits en poudre, vendus tant aux établissements de santé qu’en officine et dans la grande distribution83. Sur la base des informations communiquées à la mission par les fabricants qu’elle a auditionnés, en l’absence de statistiques professionnelles accessibles, le nombre total de mini-biberons pré-remplis vendus chaque année en France, comme le nombre de tétines vendues, égal par hypothèse à celui des mini-biberons, est estimé par la mission à 14,2 millions. Ce résultat est cohérent avec les estimations (entre 14 et 15 millions d’unités) de l’Autorité de la concurrence84. 82 Décision citée supra. La mission a interrogé les fabricants sur les raisons de la limitation de la distribution des nourettes aux seuls établissements de santé. La plupart évoque une demande pour les laits liquides très limitée hors hôpital (presque inexistants en pharmacie, ils ne représenteraient que 4 % des ventes valeur en GMS), ainsi que des difficultés logistiques à gérer des volumes importants de liquides pour les deux circuits de distribution (la consommation d’une semaine de biberons lors du premier mois de vie serait d’une quarantaine de biberons de 90ml, ce qui correspond à moins d’un boîte de lait en poudre, beaucoup plus légère à transporter et facile à stocker). Les délais de péremption (environ 9 mois après sortie d’usine) seraient également un facteur limitant. 84 Il est supérieur au résultat de l’enquête menée par la mission, qui est de 9,6 millions, l’ensemble des établissements n’ayant pas répondu. 83 IGAS, RAPPORT N°RM2012-032P 35 ¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯ [127] Les fabricants ont déclaré ne pas recourir à la stérilisation de ces produits à l’oxyde d’éthylène. Les documents techniques fournis à la mission comme les contrôles diligentés par les services déconcentrés confirment ces assertions. Le Syndicat français de la nutrition spécialisée a communiqué à la mission85 les éléments en sa possession sur la désinfection des nourettes, qui recoupent les informations récoltées par la mission au cours de ses auditions des fabricants. Sont ainsi appliquées les méthodes suivantes : [128] pour le corps des biberons : peroxyde d’hydrogène, autoclavage, soufflage des bouteilles sur ligne avec air stérile (traitement thermique), remplissage aseptique, eau et vapeur d’eau à haute température ; pour les tétines : ionisation, peroxyde d’hydrogène, traitement thermique à haute température. Les établissements, dans le cadre de l’enquête, ont indiqué que les nourettes qu’ils se procuraient n’étaient pas, à plus de 93 %, stérilisés à l’oxyde d’éthylène. Ce résultat, compte-tenu de la marge d’erreur inévitable dans ce type d’exercice, corrobore le constat de la mission selon lequel les nourettes ne sont pas stérilisées de cette manière. 85 A la suite de l’entretien du 3 janvier 2012. IGAS, RAPPORT N°RM2012-032P 36 ¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯ 3. [129] LE DROIT APPLICABLE : STERILISER LES BIBERONS ET TETINES A L’OXYDE D’ETHYLENE N’APPARAIT PAS CONFORME AU DROIT EN VIGUEUR L’oxyde d’éthylène a été classé comme substance dangereuse et son utilisation a été encadrée. La mission a étudié l’application aux biberons et autres de la réglementation en vigueur afin de déterminer si la stérilisation à l’oxyde d’éthylène de ces articles est conforme ou non aux textes. 3.1. L’oxyde d’éthylène, une substance étroitement encadrée 3.1.1. Le classement de l’oxyde d’éthylène en substance dangereuse 3.1.1.1. Des études sur les risques encourus après une exposition par inhalation, voie orale ou voie cutanée [130] L’oxyde d’éthylène est un gaz inflammable, explosif à température ambiante et irritant. En termes de toxicité aiguë, il provoque des allergies et des irritations pouvant être graves. Le chlorhydrate d’éthylène, produit de dégradation de l’oxyde d’éthylène, est irritant et peut également présenter une toxicité aigüe mais ne paraît pas cancérogène chez l’animal. S’agissant de la toxicité chronique, l’oxyde d’éthylène est un alkylant puissant, ayant des effets mutagènes, cancérogènes86 et tératogènes. Ce sont ces propriétés qui en font un agent stérilisant très efficace. [131] Chez l’animal (souris et rats notamment), de nombreuses études ont démontré que l’exposition par inhalation pouvait être à l’origine de cancers broncho-pulmonaires, leucémies, tumeurs cérébrales et tumeurs mammaires. Par voie orale, chez le rat, l’administration par intubation gastrique deux fois par semaine de 7,5 ou 30 mg/kg pendant cent sept semaines provoque une augmentation des carcinomes du pré-estomac. L’administration par voie souscutanée provoque des tumeurs au niveau du site de contact. Par voie cutanée, aucun effet carcinogène n’a été retrouvé87. [132] En revanche, alors que de nombreux dispositifs médicaux à usage unique utilisés à l’hôpital sont stérilisés à l’oxyde d’éthylène, il semble que l’exposition par voie intraveineuse n’ait été que peu explorée. Sa toxicité par cette voie, a fortiori chez les nouveau-nés ou les bébés immunodéprimés, ne paraît décrite dans aucune publication étudiée par la mission, les interlocuteurs de celle-ci ne disposant pas non plus de données précises sur cette question. Il serait donc utile de mettre en œuvre des études de toxicité de l’oxyde d’éthylène par voie intraveineuse et intramusculaire, en particulier chez le nouveau-né, prématuré ou non, et les bébés immunodéprimés. 86 Cancérogène et cancérigène sont des termes qui ont une signification très proche, cancérogène signifiant étant à l'origine d'un cancer et cancérigène favorisant l'apparition d'un cancer. 87 Source : fiche toxicologique INRS FT70, « Oxyde d’éthylène ». IGAS, RAPPORT N°RM2012-032P 37 ¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯ 3.1.1.2. Une substance classée cancérigène de catégorie 1 par le CIRC [133] Le risque cancérigène fait l’objet d’une classification européenne organisée par le règlement (CE) n°1272/2008 dit CLP (Classification, Labelling, Packaging)88. Au titre de ce règlement, l'oxyde d'éthylène, n° CAS 75-21-8, est, entre autres facteurs de dangerosité, classé cancérogène et mutagène de catégorie 1B. Une classification internationale est également établie par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) de l’OMS. Ces classifications sont effectuées selon le niveau de preuve de cancérogénicité chez l’homme et les animaux89. Aux Etats-Unis, le National Toxicology Program classe l'oxyde d’éthylène parmi les produits dont la cancérogénicité peut être raisonnablement prévisible90. [134] La première classification de l’oxyde d’éthylène par le CIRC en catégorie 1 n’est pas récente ; elle date en effet de 1994. La dernière réévaluation de la « monographie »91, établie en 2008, confirme ce classement. Sur les quelque huit cent soixante agents déjà étudiés par le CIRC, un peu plus d’une centaine seulement ont été classés en catégorie 1, la plupart des substances analysées étant plutôt classées en catégorie 3 compte tenu de la difficulté à obtenir un niveau de preuve suffisant chez l’homme de la cancérogénicité d’un produit. [135] La monographie établie par le CIRC réalise un recensement de nombreuses études épidémiologiques92. Le CIRC parle de niveau de preuve limité (« limited evidence ») chez l’homme, les études disponibles ayant été réalisées chez des professionnels exposés à l’oxyde d’éthylène mais également à d’autres produits chimiques. La fiche de l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS)93 signale quant à elle que quatre des six études réalisées sur des expositions professionnelles en milieu industriel montrent un excès de cancers sanguins, mais que l’interprétation de ces données est difficile en raison de l’exposition concomitante a d’autres substances. [136] Selon le CIRC consulté par la mission, le classement en catégorie 1 résulte de la prise en compte combinée de trois éléments : 88 les données chez l’homme, avec un niveau de preuve limité comme on l’a vu ; les données chez l’animal, issues des études chez la souris et le rat citées ; plus solides, on parle de niveau de preuve suffisant (« sufficient evidence ») ; les données in vitro. Il remplacera progressivement, jusqu’en 2015, la législation communautaire actuelle constituée de deux directives : la directive 67/548/CE relative à la classification, l’étiquetage et l’emballage des substances dangereuses (transposée en droit français par l’arrêté du 20 avril 1994 modifié) et la directive 1999/45/CE relative à la classification, l’étiquetage et l’emballage des préparations dangereuses (transposée en droit français par l’arrêté du 9 novembre 2004). 89 Classification CIRC : Groupe 1 agent cancérogène pour l’être humain, groupe 2A agent probablement cancérogène pour l’être humain, groupe 2B agent possiblement cancérogène pur l’être humain, groupe 3 agent non classable, groupe 4 agent probablement non cancérogène. Classification européenne : catégorie 1 : substances cancérogènes pour l’homme, catégorie 2 substances pour lesquelles on dispose d’éléments justifiant une forte présomption de leur effet cancérogène, mais aucune donnée sur l’homme, catégorie 3 substances préoccupantes pour l’homme en raison d’effets cancérogènes possibles, mais pour lesquelles les informations disponibles ne permettent pas une évaluation satisfaisante. 90 Paragraphe précisé à la suite de la procédure contradictoire. 91 http://monographs.iarc.fr/ENG/Monographs/vol97/mono97-7.pdf 92 Etudes de cas, clusters, cas-témoins, cohortes et méta-analyses, dont la plus importante est celle du National Institute of Occupational Safety and Health sur plus de 18 000 employés. Voir “Epidemiological studies of exposure to ethylene oxide and cancer at various sites” IARC Monographs, Volume 97 93 INRS, fiche toxicologique FT 70 « Oxyde d’éthylène », édition 2006 38 IGAS, RAPPORT N°RM2012-032P ¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯ [137] C’est ce dernier aspect qui, d’après le CIRC, aurait fait passer le classement de l’oxyde d’éthylène de 2A à 1. Les expériences in vitro ont en effet montré un effet alkylant avec une interaction forte entre les molécules d’oxyde d’éthylène et l’ADN (acide desoxyribonucléique) des cellules, responsable d’une mutagénicité et d’une génotoxicité, c’est-à-dire d’un effet sur les chromosomes des cellules tant somatiques que germinales, pouvant, par multiplication éventuelle de cellules porteuses de mutations, donner naissance, en théorie, à des cellules cancéreuses. [138] L’article du Nouvel Observateur94 a attribué au toxicochimiste André PICOT95 une affirmation selon laquelle l’oxyde d’éthylène serait un cancérogène mutagène qui agirait « sans seuil ni dose ». La mission a rencontré M. PICOT96 qui, à cette occasion, a souhaité préciser ses propos. Pour ce dernier, la toxicité de l’oxyde d’éthylène serait de type « direct », c’est-à-dire que les molécules agiraient au niveau au niveau cellulaire, en particulier des protéines (formation d’adduits97), sans intervention d’enzymes pour le métaboliser. L’action directe sur les protéines donnerait, selon les types de protéines, des réactions aiguës comme des irritations ou éventuellement des allergies, parfois après une courte exposition à de faibles doses. M. PICOT considère par ailleurs que l’analyse du risque cancérogène étant plus complexe par suite de mécanismes de réparation de l’ADN, l’expression « sans seuil ni dose » doit être nuancée98. [139] Dans les faits, à la connaissance de la mission et au regard des documents étudiés, il n’existerait pas, à ce jour, de preuve « épidémiologique » formelle se basant sur une étude scientifique qui établisse ou qui exclue un lien de causalité entre la survenue de cancers humains et l’exposition à l’oxyde d’éthylène99. Pour rendre compte de la difficulté à évaluer le risque cancérigène, l’ANSES, dans un document de travail fourni à la mission100, évoque la notion « d’excès de risque unitaire » (ERU), qui mesure l’écart à une courbe théorique linéaire de la relation entre dose d’exposition et probabilité d’occurrence d’un cancer dans une population. [140] L’AFSSAPS et l’ANSES ont été chargées par la DGS d’étudier les risques liés aux différents scénarios d’exposition des nourrissons à des biberons stérilisés à l’oxyde d’éthylène. Leurs avis définitifs ne sont pas disponibles au moment de la rédaction du présent rapport. 3.1.2. [141] Les restrictions d’usage L’usage de l’oxyde d’éthylène, en raison de sa toxicité, est fortement encadré. Les restrictions qui s’y appliquent portent à la fois sur la présence de cette molécule comme composant des matériaux au contact des denrées alimentaires et sur son rôle d’agent stérilisateur. 94 Article reproduit en annexe 1. Président de l’Association toxicologie-chimie, directeur de recherche honoraire au CNRS, expert français honoraire auprès de l’Union européenne pour les produits chimiques en milieu de travail (SCOEL, Luxembourg). 96 Entretien du 13 décembre 2011. La mission a également rencontré ou s’est entretenue avec d’autres toxicologues, le Pr NARBONNE le 5 janvier 2012, puis le Pr BERNARD, le même jour, qui confirment les réserves de M. PICOT quant à la prudence nécessaire à l’affirmation d’un risque sans seuil. Le Pr BELPOMME, rencontré le 2 janvier estime en revanche que ce risque est une certitude. 97 A noter que l’Association toxicologie-chimie recommande la mise en œuvre d’études fondées notamment sur le suivi des taux d’excrétion urinaire de marqueurs des adduits aux protéines. 98 Paragraphe modifié à l’issue de la procédure contradictoire. 99 L’une des grandes difficultés actuelles est d’ailleurs, d’une manière générale, d’établir un tel lien de causalité entre l’exposition à un produit et la survenue de cancers. Pour cette raison, des initiatives européennes visant à mieux approcher les risques liés à des expositions prénatales et pédiatriques ont été mises en place. Mais le second Plan Cancer national, qui prévoit des actions visant à limiter l’exposition des populations à des facteurs de risques cancérigènes présents dans l’environnement, ne prévoit pas d’étudier les effets de l’exposition à des dispositifs ou objets stérilisés à l’oxyde d’éthylène. 100 Projet d’avis relatif à l’utilisation de biberons stérilisés à l’oxyde d’éthylène. 95 IGAS, RAPPORT N°RM2012-032P 39 ¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯ 3.1.2.1. Les restrictions comme composant des matériaux au contact des denrées alimentaires [142] Les matières plastiques entrant notamment dans la composition des biberons101 sont formées à partir d’une réaction appelée polymérisation. Elle consiste en la réunion les unes aux autres des molécules d’un composé simple, appelé le monomère. On rattache aux réactions de polymérisation une réaction de polyaddition caractéristique des époxydes, par exemple l’oxyde d’éthylène102. [143] On peut ainsi retrouver dans le matériau composant le corps d’un biberon par exemple du monomère oxyde d’éthylène résultant soit d’une polymérisation incomplète, soit d’une dépolymérisation. C’est ce qui explique que soit réglementée l’utilisation de certaines molécules pouvant migrer pour fabriquer des matériaux en contact avec des denrées alimentaires. [144] Si la première réglementation européenne dans ce domaine date de 1980, c’est en 2004103 qu’est adopté un règlement global destiné à encadrer la mise sur le marché communautaire de matériaux et objets destinés à entrer en contact, directement ou indirectement, avec des denrées alimentaires. Ce règlement, qui pose le principe de l’inertie de ces matériaux, renvoie à des mesures spécifiques104 pour plusieurs catégories d’entre eux, dont les caoutchoucs, les matières plastiques et les silicones. [145] Pour les matériaux et objets en matière plastique, la réglementation105 autorise l'utilisation d'oxyde d'éthylène comme monomère dans la fabrication des matériaux plastiques mais a fixé les limites de ces résidus d’oxyde d’éthylène à 1mg/kg (1 ppm). Il en va de même pour les silicones106107. En revanche, la présence d’oxyde d’éthylène dans les élastomères (composés dont font partie les caoutchoucs et le latex) composant les tétines n’est pas autorisée en France108. [146] L’article 3 du règlement de 2004 précise que « les matériaux sont fabriqués conformément aux bonnes pratiques de fabrication afin que, dans les conditions normales ou prévisibles de leur emploi, ils ne cèdent pas aux denrées alimentaires des constituants en une quantité susceptible a) de présenter un danger pour la santé humaine, ou b) d’entraîner une modification inacceptable de la composition des denrées ou c) d’entraîner une altération des caractères organoleptiques de celles-ci ». 101 Voir l’annexe 10 relative aux matériaux, à la composition et à la stérilisation des biberons et autres. Source : Chapitre complémentaire de la 18e édition du Cours de Chimie organique de Paul Arnaud (Brigitte Jamart, Jacques Bodiguel, Nicolas Brosse), © Dunod Editeur, 2009. 103 Règlement (CE) n° 1935/2004 du Parlement européen et du Conseil du 27 octobre 2004 concernant les matériaux et objets destinés à entrer en contact avec des denrées alimentaires et abrogeant les directives 80/590/CEE et 89/109/CEE. 104 Objet de règlements particuliers (cas du plastique) ; en l’absence de mesure spécifique, des dispositions nationales peuvent continuer à s’appliquer (cas des caoutchoucs et silicones) ou être édictées. 105 Règlement (UE) n°10/2011 de la Commission du 14 janvier 2011 concernant les matériaux et objets en matière plastique destinés à entrer en contact avec des denrées alimentaires. 106 Arrêté du 25 novembre 1992 relatif aux matériaux et objets en élastomères de silicone mis ou destinés à être mis au contact des denrées, produits et boissons alimentaires qui prévoit (article 2) que la migration spécifique de l'oxyde d’éthylène dans les denrées alimentaires ou leurs simulateurs ne doivent pas dépasser 0,15mg/kg. 107 Rédaction modifié à l’issue de la procédure contradictoire. 108 Arrêté modifié du 9 novembre 1994 relatif aux matériaux et objets en caoutchouc au contact des denrées, produits et boissons alimentaires. 102 40 IGAS, RAPPORT N°RM2012-032P ¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯ [147] La base de ce règlement est le principe d'inertie, d'après lequel « les matériaux ne doivent pas céder aux aliments des constituants dans des quantités susceptibles de présenter un risque pour le consommateur ou de modifier les caractéristiques organoleptiques ou la composition de l'aliment. L'inertie des matériaux au sens réglementaire est donc surtout une inertie physicochimique ». De plus, le règlement (UE) 10/2011 relatif aux matières plastiques au contact des denrées alimentaires prévoit que les analyses soient réalisées préférentiellement dans la denrée alimentaire mise en contact ou dans les simulants de denrées alimentaires109. Il semble que la plupart des fabricants d’objets MCDA, dont les fabricants rencontrés par la mission, effectuent des tests d’inertie pour des éléments tels que les nitrosamines ou certains métaux lourds (cf. norme EN 14350-2 et arrêté 25 novembre 1992) mais aucun interlocuteur de la mission n’a produit de tests de migration de l’oxyde d’éthylène dans du lait. [148] La sécurité microbiologique est certes très importante au regard de la fragilité des nouveaunés vis-à-vis du risque infectieux, mais la contamination physico-chimique du lait et des autres produits (eau, médicaments) qu’ils absorbent doit elle aussi être contrôlée. Les normes relatives à l’oxyde d’éthylène évoquées dans le présent rapport exigent des contrôles de résidus par des méthodes d’extraction, mais ne définissent pas clairement les contrôles à réaliser sur la migration de constituants dans différents contenus, en particulier les différents types de laits pouvant être versés dans des biberons ou des seringues de nutrition entérale. [149] Par ailleurs, l’inertie des résidus d’oxyde d’éthylène sur des tétines sucées longuement plusieurs fois par jour par un nourrisson devrait également être évaluée. Les récentes interrogations sur le bisphénol A ou les phtalates devraient être posées dans les mêmes termes s’agissant de l’oxyde d’éthylène. [150] Il paraît donc nécessaire d’évaluer et d’établir les tests à réaliser en matière d’inertie des résidus d’oxyde d’éthylène après stérilisation de biberons, tétines, téterelles, seringues et sondes de nutrition entérale, au regard d’une part du contact direct, par exemple par la salive s’agissant de tétines (une solution la simulant a été introduite par la directive 93/11/CEE de la Commission du 15 mars 1993 concernant la libération de N-nitrosamines et de substances N-nitrosables par les tétines et les sucettes en élastomère ou caoutchouc), d’autre part de la migration de constituants à partir du contenant dans les différents liquides pouvant être administrés à des nouveau-nés : lait maternel, différents types de laits reconstitués, épaissis ou non, eau, médicaments… (le règlement (UE) n°10/2011 cité supra prévoit, pour des aliments comme le lait ou la crème, l'emploi du simulant éthanol 50 % (v/v) pour mener les essais d'inertie)110. 3.1.2.2. [151] Les restrictions comme agent de stérilisation Puissant agent de stérilisation, l’oxyde d’éthylène rentre dans le champ de la législation développée par les autorités communautaires. Cette dernière a pour but d'harmoniser la réglementation des Etats-membres de l'Union européenne portant sur les produits biocides, jusqu'alors très inégale, et de garantir l'unicité du marché. Elle assure un niveau de protection élevé en limitant la mise sur le marché aux seuls produits biocides efficaces présentant des risques acceptables et en encourageant la mise sur le marché de substances actives présentant de moins en moins de risque pour l’homme et l’environnement111. 109 Rédaction modifiée à l’issue de la procédure contradictoire. Paragraphe modifié à l’issue de la procédure contradictoire. 111 L’ANSES a développé un site spécifique sur les biocides, le « Helpdesk biocides » accessible à l’adresse suivante : http://www.helpdesk-biocides.fr/ . 110 IGAS, RAPPORT N°RM2012-032P 41 ¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯ [152] La directive 98/8/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 février 1998 concernant la mise sur le marché des produits biocides112, texte source dans ce domaine, prévoit, au terme d’un « programme de travail » qui n’est pas encore achevé, qu’un produit biocide ne pourra être commercialisé que si les substances actives le composant sont inscrites sur une liste positive (annexe I ou IA de la directive) et que s’il a fait l’objet d’une autorisation de mise sur le marché octroyée par le ministère en charge de l’écologie pour la France. [153] Les autorisations ou refus d’autorisations sont délivrés, à la demande d’un industriel, par « type de produits » (TP). La situation de l’oxyde d’éthylène est la suivante : pour les usages du TP 2 (désinfectants utilisés dans le domaine privé et dans le domaine de la santé publique et autres produits biocides), un dossier de demande d’autorisation est en cours d’examen par la Norvège, l’issue de cette procédure étant attendue en 2015 selon la direction générale de la protection des risques ; pour les usages correspondant au TP 4 (désinfectants pour les surfaces en contact avec les denrées alimentaires et les aliments pour animaux), la non notification de l’oxyde d’éthylène a conduit à son interdiction113 pour ces usages sur le territoire de l’Union à compter du 1er septembre 2007 ; pour les usages correspondant au TP 20 (produits de protection pour les denrées alimentaires ou les aliments pour animaux), une décision de non inscription114 a été prise en 2010. L'utilisation des produits biocides contenant de l'oxyde d'éthylène est interdite depuis le 9 août 2011 pour ces usages115. Types de produits au sens de la directive 98/8/CE (annexe V) Type de produits 2 : Désinfectants utilisés dans le domaine privé et dans le domaine de la santé publique et autres produits biocides Produits utilisés pour désinfecter l’air, les surfaces, les matériaux, les équipements et le mobilier et qui ne sont pas utilisés en contact direct avec les denrées alimentaires ou les aliments pour animaux dans les lieux privés, publics et industriels, y compris les hôpitaux, ainsi que produits algicides. Sont notamment concernés les piscines, les aquariums, les eaux de bassin et les autres eaux; les systèmes de climatisation ; les murs et sols des établissements sanitaires et autres ; les toilettes chimiques, les eaux usées, les déchets d’hôpitaux, le sol ou les autres substrats (terrains de jeu). Type de produits 4: Désinfectants pour les surfaces en contact avec les denrées alimentaires et les aliments pour animaux Produits utilisés pour désinfecter le matériel, les conteneurs, les ustensiles de consommation, les surfaces ou conduits utilisés pour la production, le transport, le stockage ou la consommation de denrées alimentaires, d’aliments pour animaux ou de boissons (y compris l’eau de boisson) destinés aux hommes et aux animaux. Type de produits 20 : Produits de protection pour les denrées alimentaires ou les aliments pour animaux Produits utilisés pour protéger les denrées alimentaires et les aliments pour animaux par la lutte contre les organismes nuisibles. 112 La directive a été transposée en droit français en partie par l’ordonnance du 11 avril 2001, qui correspond aux articles L 522-1 à L 522-18 du code de l’environnement, puis par le décret n°2004-187 du 26 février 2004 relatif à la mise sur le marché des produits biocides. Trois arrêtés ont été pris en 2004 pour l’application de ce décret. 113 La mesure a été prise par l’arrêté du 10 mai 2007 concernant la mise sur le marché et l’utilisation de certains produits biocides, contenant des substances actives non notifiées au titre du règlement (CE) 2032/2003 de la Commission du 4 novembre 2003. 114 Décision 2010/72/UE de la Commission du 8 février 2010, transposée par arrêté du 22 juin 2010. 115 Paragraphe modifié à l’issue de la procédure contradictoire. 42 IGAS, RAPPORT N°RM2012-032P ¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯ 3.1.3. Les règles encadrant la stérilisation des dispositifs médicaux à l’oxyde d’éthylène 3.1.3.1. La « nouvelle approche » communautaire [154] L’Union européenne a développé à partir de 1985 une « nouvelle approche » en matière d’harmonisation technique et de normalisation116, qui prévoit que l'harmonisation législative communautaire se limite à l’édiction d’exigences essentielles (EE). Celles-ci remplacent les dispositions nationales correspondantes. Les produits mis sur le marché européen doivent y répondre et, de ce fait, bénéficient de la libre circulation dans l’Union. [155] Le domaine réglementaire européen est ainsi désormais encadré par des directives dites « nouvelle approche », qui définissent des résultats et des objectifs à atteindre et non pas des moyens, ainsi que les dangers et les risques à prendre en considération et à traiter. [156] Elaborée dans ce nouveau cadre réglementaire, la directive de référence pour les dispositifs médicaux est la 93/42/CEE117, plusieurs fois modifiée. Elle pose des exigences essentielles de santé et de sécurité, auxquelles doivent répondre les dispositifs médicaux mis sur le marché communautaire. Son annexe 1 fixe des exigences générales et des exigences relatives à la conception et à la construction des dispositifs. [157] Les normes harmonisées (domaine normatif) fixent quant à elles les spécifications techniques des produits visant à répondre aux exigences essentielles fixées par les directives. Les administrations sont tenues de reconnaître aux produits fabriqués conformément aux normes harmonisées une présomption de conformité aux exigences essentielles. [158] L'élaboration des normes et spécifications techniques de fabrication est confiée aux organes compétents en matière de normalisation industrielle, qui tiennent compte de l'état de la technologie et des connaissances scientifiques. Aujourd’hui, la plupart des normes en santé sont élaborées au niveau européen par le Comité européen de normalisation (CEN), puis reçoivent le statut de norme nationale, la coordination nationale étant assurée par l’AFNOR118 . [159] Aucun caractère obligatoire n'est cependant attribué à ces spécifications techniques qui conservent leur statut de normes volontaires. Le fabricant peut choisir d’appliquer les normes harmonisées ou d’autres normes et spécifications techniques pour y satisfaire. Dans les cas où le producteur ne fabrique pas selon ces normes, la charge de la conformité de ses produits avec les exigences essentielles lui incombe119. 116 Résolution du Conseil 85/C 136/01, du 7 mai 1985, concernant une nouvelle approche en matière d'harmonisation technique et de normalisation. 117 Directive 93/42/CEE du Conseil du 14 juin 1993 relative aux dispositifs médicaux, modifiée à cinq reprises, la dernière modification remontant à 2007. 118 Voir décret 2009-697 relatif à la normalisation et norme NF X50-088 "Normalisation et activité connexes - Activités des bureaux de normalisation - Principes, exigences et indicateurs". 119 Source : « Une nouvelle approche de l'harmonisation technique » (http://europa.eu/legislation_summaries/internal_market/single_market_for_goods/technical_harmonisation/l21001a_fr.h tm) IGAS, RAPPORT N°RM2012-032P 43 ¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯ 3.1.3.2. [160] Une multiplicité des normes applicables Les normes qui s’appliquent en matière de stérilisation des dispositifs médicaux à l’oxyde d’éthylène sont nombreuses. Certaines sont spécifiques à l’oxyde d’éthylène, dont celle qui a été abordée plus haut, la NF ISO EN 10993-7. D’autres, pas moins nombreuses, s’appliquent aux dispositifs médicaux ou à la stérilisation en général et doivent donc être également prises en compte. Il en va ainsi, par exemple, de la NF EN ISO 14937 relative au processus de stérilisation pour dispositifs médicaux. Liste des principales normes applicables 1. 2. à la stérilisation des dispositifs médicaux à l’oxyde d’éthylène NF EN 550, devenue NF EN ISO 11135-1, Août 2007 : Stérilisation des produits de santé -Oxyde d'éthylène -Partie 1 : exigences de développement, de validation et de contrôle de routine d'un processus de stérilisation pour des dispositifs médicaux NF CEN ISO/TS 11135-2, Novembre 2008 : Stérilisation des produits de santé -Oxyde d'éthylène Partie 2 : directives relatives à l'application de l'ISO 11135-1 NF EN ISO 10993-7 : résidus d’oxyde d’éthylène NF EN 14122 Stérilisateurs à usage médical - Stérilisateurs à l'oxyde d'éthylène - Exigences et méthodes d'essai NF EN ISO 11138-2 Stérilisation des produits de santé - Indicateurs biologiques - Partie 2 : indicateurs biologiques pour la stérilisation à l'oxyde d'éthylène Spécification technique XP CEN/TS 13130-22 de 2005 : Matériaux et objets en contact avec les denrées alimentaires - Substances dans les matières plastiques sujettes à des restrictions – Partie 22: Détermination des oxydes d'éthylène et de propylène dans les matières plastiques (n'est applicable qu'entre 0,2 mg/kg et 2 mg/kg) à la stérilisation ou aux dispositifs médicaux en général NF EN ISO 14937 (processus de stérilisation pour dispositifs médicaux) ; EN ISO 11737-1 et -2 (Biocharge et essai de stérilité) ; ISO 11607-1 et -2 (Emballage) ; ISO 11138-2 (indicateurs biologiques) ; ISO/CEI 17025 (certification d’un laboratoire sous-traitant) ; ISO 11140-1 (indicateurs chimiques), ISO 13485, etc. Par ailleurs, de nombreux textes et documents font référence pour la préparation des biberons et la stérilisation (voir l’annexe 11 sur les textes applicables). [161] Il est ainsi relativement difficile de rassembler l’ensemble de la réglementation et des normes applicables. De plus, s’agissant des normes, chacune d’entre elles porte sur un aspect particulier très précis d’un processus (résidus d’oxyde d’éthylène, par exemple), sans lien automatique entre elles. Il y est fait référence le cas échéant à quelques autres normes applicables au domaine concerné, mais ne peuvent être citées que celles existantes au moment de la rédaction de la norme. Par ailleurs, l’élaboration ou la révision d’une norme sont des processus généralement longs, pouvant durer plusieurs années, donnant parfois lieu à des documents provisoires, de type « spécifications techniques ». [162] Réunir l’ensemble des textes et normes applicables ou en cours de révision sur un thème particulier, tel que celui traité par le présent rapport, s’avère relativement complexe pour les opérateurs et a fortiori pour les établissements de santé. Les industriels rencontrés par la mission paraissent d’ailleurs avoir une connaissance généralement partielle des textes qui s’appliquent à leurs produits. Certains ont indiqué à la mission qu’ils n’avaient pas connaissance de la réglementation MCDA, d’autres pensaient qu’elle ne s’appliquait qu’aux matériaux sans tenir compte du traitement appliqué après fabrication, etc. 44 IGAS, RAPPORT N°RM2012-032P ¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯ [163] Bien que la norme NF EN ISO 11135 concerne les dispositifs médicaux, il y est précisé que les exigences qu'elle spécifie et les lignes de conduite qu'elle donne peuvent s'appliquer à d'autres produits de santé. L'introduction de la partie 1 (norme 11135-1) prévoit que, pour déterminer s'il y a lieu d'utiliser de l'oxyde d’éthylène pour la stérilisation de dispositifs médicaux, il est important de s'assurer que les niveaux des résidus d’oxyde d’éthylène, de chlorhydrate d'éthylène (ECH) et d'éthylène glycol (EG) présentent un risque minimal pour le patient lors d'une utilisation normale du produit. En outre, « si l'on choisit l'oxyde d’éthylène sans tenir compte des dispositions de la Norme internationale, il convient de réduire le plus possible l'exposition aux résidus d'oxyde d'éthylène ». [164] Cette norme NF EN ISO 11135-1 met en garde contre les objets et dispositifs utilisés dans les établissements de santé, destinés à être stérilisés : ils sont « susceptibles de présenter un large éventail de microorganismes contaminants et une contamination inorganique et/ou organique résiduelle malgré l'application d'un procédé de nettoyage ». [165] Par ailleurs, compte tenu de l’ensemble des risques liés à l’oxyde d’éthylène, les Pharmacopées française et européenne ainsi que plusieurs textes français et européens conseillent de n’utiliser cette méthode de stérilisation que si aucun moyen approprié n’existe. [166] Il importe ainsi de mettre en balance les risques cancérigènes à long terme (voir supra) de la stérilisation des biberons et autres et les risques immédiats, également bien documentés120, de contamination du lait contenu dans des biberons non stériles. Il est impératif de bien évaluer les deux types de risques associés à la stérilisation ou à la désinfection et, pour cette dernière, de porter une attention toute particulière à la validation et au contrôle des procédés de nettoyage et de désinfection utilisés pendant le reconditionnement. [167] Au total, l’état du droit et celui des connaissances scientifiques conduit à considérer que l’utilisation de l’oxyde d’éthylène est strictement circonscrite aux seules situations dans lesquelles : les risques infectieux immédiats dans la population concernée dépassent les risques futurs de développement éventuel de cancer ; aucune autre méthode de stérilisation n’est applicable, une fois envisagées toutes les possibilités d’utilisation de matériaux supportant les méthodes alternatives de stérilisation, en premier lieu la vapeur d’eau ; le procédé de stérilisation est parfaitement maîtrisé et contrôlé, y compris s’agissant des tests de migration des résidus dans le liquide que le dispositif est destiné à administrer. 3.1.3.3. [168] Les seuils et leur justification scientifique Les seuils qui avaient été définis en 1996 dans la première version de la norme 10993-7 (ISO 10993-17 : 2002), ont été abaissés en 2008 (ISO 10993-7 : 2008). L’AFNOR, interrogée par la mission121, a retracé pour elle l’historique de cette révision : selon le document ISO/TC 194 N 446, fondant en 2003 les travaux de révision de la norme, durant les dernières étapes de son élaboration initiale en 1996, des instances de normalisation européennes ont évoqué des difficultés concernant les limites autorisées de résidus toxiques au regard de réglementations nationales. Celles-ci exigeaient déjà en effet, comme en France, que l’exposition à des substances carcinogènes et génotoxiques, comme l’oxyde d’éthylène, devrait être évitée chaque fois que possible et, lorsqu’elle ne peut l’être, devrait être limitée à un niveau le plus raisonnablement applicable en pratique. 120 Voir rapport de l’InVS sus-cité, la Résolution WHA 58.32 sur la nutrition chez le nourrisson et le jeune enfant (OMS, 25 mai 2005), ainsi que plus récemment : Sanchez-Carrillo C. et al. “Contaminated feeding bottles: The source of an outbreak of Pseudomonas aeruginosa infections in a neonatal intensive care unite”, Am J Infect Control 2009; 37:150-4. 121 Entretien du 19 janvier 2012. IGAS, RAPPORT N°RM2012-032P 45 ¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯ [169] Par ailleurs, en 1999, le comité technique ISO/TC 194 avait publié la norme ISO 10993-17 sur les méthodes d'établissement des limites admissibles des substances relargables utilisant l'évaluation des risques relatifs à la santé. Les méthodes définies dans cette norme ont été utilisées afin de calculer les valeurs des prises tolérables pour l’oxyde d’éthylène pour des périodes d’exposition diverses. Selon les méthodes décrites dans la norme ISO 10993-17 : 2002, la norme 10993-7 : 2008 a pris en compte plusieurs types d’études sur les données d’inhalation et les effets cancérigènes et non-cancérigènes de l’oxyde d’éthylène. Sur les deux cent sept références bibliographiques de la norme NF EN ISO 10993-7 : 2008, les études mentionnées en annexe 12 auraient particulièrement contribué à la révision de la norme ISO 10993-7 :1996. [170] Ainsi, il apparaît que la détermination des seuils fixés dans cette norme, comme pour la majorité des normes européennes ou internationales, est bien fondée sur les données scientifiques disponibles au moment de l’élaboration de la norme, l’évolution des connaissances étant susceptible de donner lieu à une révision, toutefois dans des délais relativement longs comme indiqué supra. [171] Il est probable que les limites de détection des technologies de dosages disponibles au moment de la définition de ces seuils ait également été prise en compte, sans toutefois que ce critère apparaisse déterminant. 3.2. [172] L’articulation avec la législation sur les dispositifs médicaux La mission étudie à présent le statut juridique des biberons à usage unique utilisés dans les maternités de même que la réglementation qui s’applique à leur stérilisation par l’oxyde d’éthylène. 3.2.1. Les biberons, dispositifs médicaux ou articles de puériculture ? 3.2.1.1. [173] Le double statut des biberons L’analyse de la réglementation régissant les biberons, tétines et autres objets et la vérification de son respect se heurte à deux difficultés principales. [174] La première tient en ce qu’un mot unique, « biberon », désigne deux objets distincts : 122 en langage courant, un biberon est un objet destiné à l’alimentation du bébé par ses parents lorsque la mère ne le nourrit pas au sein ; le plus souvent réutilisable, fabriqué en verre ou en plastique, il est vendu aux particuliers dans les grandes et moyennes surfaces et les officines ; son statut d’article de puériculture122 le place dans le champ du code de la consommation ; l’autorité de contrôle centrale compétente est la DGCCRF ; Est considéré comme article de puériculture « tout produit destiné à faciliter le sommeil, la relaxation, l’hygiène ainsi que l’alimentation et la succion des enfants ». En l’absence d’une directive spécifique, cette définition a été donnée par la recommandation 98/485/CE de la Commission du 1er juillet 1998 concernant les articles de puériculture et jouets destinés à être mis dans la bouche par des enfants de moins de trois ans, fabriqués en PVC souple contenant certains phtalates. Cette définition a été introduite en droit interne par le décret n°2006-1361 du 9 novembre 2006 relatif à la limitation de l'emploi de certains phtalates dans les jouets et les articles de puériculture, qui transpose la directive 2005/84/CE du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2005 modifiant pour la vingt-deuxième fois la directive 76/769/CEE du Conseil du 27 septembre 1976 concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres relatives à la limitation de mise sur le marché et de l'emploi de certaines substances et préparations dangereuses (phtalates dans les jouets et les articles de puériculture). On remarquera que le décret de 2006 n’a pas abrogé comme il aurait dû le faire la définition de l’article de puériculture donnée par le décret n°91-1292 du 20 décembre 1991 relatif à la prévention des risques résultant de l'usage des articles de puériculture. Cette définition, quelque peu différente, ne comprend pas l’alimentation : « tout produit destiné à assurer ou à faciliter l'assise, la toilette, le couchage, le transport, le déplacement et la protection physique des enfants de moins de quatre ans ». 46 IGAS, RAPPORT N°RM2012-032P ¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯ [175] le biberon dont il est question dans ce rapport ne se rencontre qu’en établissement de santé car il n’est pas vendu au détail ; c’est un objet à usage unique, en matière plastique le plus souvent ; il peut être pré-rempli de lait et il s’agit alors d’une nourette, fabriquée par les grandes marques d’alimentation industrielle ; il peut être à l’inverse commercialisé vide, avec ou sans tétine, comme un dispositif médical (sauf exception) par des fabricants spécialisés dans ce type d’article ; il est dès lors soumis à une réglementation particulière123, dont le contrôle relève de l’AFSSAPS. Font exception les biberons et tétines à usage unique commercialisés par la société INTERMED. Cette société a commercialisé jusqu’en novembre 2011 des biberons stériles qui, n’ayant pas été soumis à la procédure de certification de conformité organisé par la directive (cf. infra) ne pouvaient pas revendiquer la qualité de dispositifs médicaux ni arborer de marquage CE. La société indiquait pourtant à son catalogue, de manière susceptible d’induire en erreur un observateur averti, une conformité avec la directive 93/42/CEE. La société a de même apposé un logo CE sur les fiches techniques et les emballages des biberons et tétines, qui pouvait laisser croire à l’existence d’un marquage CE ; ce dernier, pour être valide, doit indiquer, à la suite du logo le numéro de l’organisme notifié, ce qui n’est pas le cas en l’espèce124. INTERMED a cessé depuis de commercialiser ces produits importés de Chine mais stérilisés en France, en contravention avec la réglementation sur les biocides, qu’elle a déclaré ignorer125126. Le marquage CE des dispositifs médicaux L’utilisation du logo CE n’est pas réservée au marquage relevant de la réglementation des dispositifs médicaux. Au contraire, c’est un seul et même logo qui s’applique quel que soit le type de marquage, en application de la directive 93/68/CE127. Ce texte, plus connu sous l’appellation de « directive marquage » a pour but d’harmoniser les différents marquages qui préexistaient à son adoption, dans un souci de cohérence et pour faciliter la reconnaissance visuelle du marquage, afin d’éliminer les entraves techniques aux échanges sur le marché Compte tenu de la spécificité des dispositifs médicaux, notamment leur finalité médicale, il serait important que leur marquage CE soit plus aisé à distinguer qu’aujourd’hui. On pourrait imaginer qu’une insertion de la classe du dispositif, entre le logo CE et la référence de l’organisme notifié, soit rendue obligatoire. Les mentions à apposer pourraient ainsi être les suivantes, pour un dispositif de classe IIa et l’organisme notifié LNE/G-MED128 : IIa 0459 123 Directive 93/42/CEE du Conseil du 14 juin 1993 relative aux dispositifs médicaux, transposée en droit interne. Voir l’annexe 13. 125 Entretien avec la mission du 13 janvier 2012. Ces produits auraient toutefois été conformes à la réglementation s’ils avaient été stérilisés avant leur importation. La réglementation européenne pourrait être prochainement corrigée sur ce point (la rédaction de cette note a été modifiée à l’issue de la procédure contradictoire). 126 Paragraphe modifié à l’issue de la procédure contradictoire. 127 Directive 93/68/CEE du Conseil du 22 juillet 1993 modifiant les directives 87/404/CEE (récipients à pression simples), 88/378/CEE (sécurité des jouets), 89/106/CEE (produits de la construction), 89/336/CEE (compatibilité électromagnétique), 89/392/CEE (machines), 89/686/CEE (équipements de protection individuelle), 90/384/CEE (instruments de pesage à fonctionnement non automatique), 90/385/CEE (dispositifs médicaux implantables actifs), 90/396/CEE (appareils à gaz), 91/263/CEE (équipements terminaux de télécommunications), 92/42/CEE (nouvelles chaudières à eau chaude alimentées en combustibles liquides ou gazeux) et 73/23/CEE (matériels électriques destinés à être employés dans certaines limites de tension). 128 Le laboratoire national de métrologie et d’essais (LNE) a été créé en juillet 1901. Rattaché au ministère chargé de l’industrie, il a le statut d’établissement public à caractère industriel et commercial. Le LNE intervient sous la marque LNE/G-MED comme organisme notifié spécialisé dans le secteur de la santé. C’est à ce jour le seul organisme notifié français pour les dispositifs médicaux. 124 IGAS, RAPPORT N°RM2012-032P 47 ¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯ [176] La seconde difficulté réside dans le fait que la situation de cette catégorie de biberons à usage unique au regard du droit du dispositif médical n’est pas univoque129. En effet, l’absence de liste positive exhaustive de dispositifs médicaux130 ne permet pas d’établir avec certitude qu’un objet donné relève ou non de cette réglementation. A la différence de ce qui se passe pour les médicaments avec le régime des autorisations, l’autorité publique n’intervient pas lors de la mise sur le marché d’un dispositif médical. Ainsi, la responsabilité de commercialiser un produit comme dispositif médical incombe-t-elle au fabricant lui-même, sous le contrôle partiel d’un tiers, appelé organisme notifié (cf. infra), qui ne se tourne vers l’autorité compétente (en France, l’AFSSAPS) que s’il y a lieu. La mise sur le marché d’un dispositif médical Le fabricant qui revendique le statut de dispositif médical pour un objet donné se place dans le champ des obligations de la directive 93/42/CEE. Il est alors responsable « de la conception, de la fabrication, du conditionnement et de l’étiquetage d’un dispositif en vue de sa mise sur le marché ». Il détermine en particulier tant « l’action principale » du dispositif que sa « destination ». Il range son produit en classe I, IIa, IIb ou III en fonction de la destination de son produit, selon une échelle risque croissant, conformément aux règles générales de classification posées par la directive. En dernier lieu, le fabricant décide des normes techniques qu’il souhaite utiliser pour prouver sa conformité aux « exigences essentielles » de la directive (cf. supra). Les dispositifs, dès lors qu’ils sont « réputés satisfaire aux exigences essentielles » de la directive, doivent « porter le marquage CE de conformité lors de leur mise sur le marché » établi par l’organisme notifié que le fabricant aura choisi parmi les 77 agréés au sein de l’Union Européenne131. [177] L’application du droit par les fabricants peut donc potentiellement conduire à des résultats différents. C’est justement le cas pour les quatre fabricants des biberons à usage unique vendus en établissement de santé : 129 pour trois des fabricants, le biberon est un dispositif médical (seul ou comme accessoire) ; pour le quatrième fabricant, le biberon est un simple article de puériculture ; les trois fabricants de biberons dispositifs médicaux ne les rangent pas dans la même classe : l’un a choisi la classe I, tandis que les deux autres ont choisi la classe IIa. Les développements qui suivent intéressent les seuls biberons à usage unique vendus vides aux établissements de santé. 130 Les dispositifs de classe III, IIb et, depuis peu, IIa sont soumis à une obligation (non rétroactive pour les dispositifs de classe IIa) de communication de mise en service. Les dispositifs de classe I ne sont pas concernés par cette obligation. Toutefois, les fabricants ayant leur siège social en France et qui mettent pour la première fois sur le marché français ou dans tout autre état membre de l’Union européenne un dispositif médical sur mesure ou de classe I, doit déclarer à l’AFSSAPS ses dispositifs médicaux (rédaction modifiée à l’issue de la procédure contradictoire). 131 La moitié environ des organismes notifiés sont regroupés dans l’European association of notified bodies for medical device (ou Association européenne des organismes notifiés pour les dispositifs médicaux, dont le site est accessible à l’adresse suivante : http://www.team-nb.org/). En sont membres le LNE/G-MED, SGS, et TÜV (rédaction modifiée à l’issue de la procédure contradictoire). 48 IGAS, RAPPORT N°RM2012-032P ¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯ [178] Face à cette situation, la mission a cherché à savoir si l’AFSSAPS ou la Commission européenne132 avait eu dans le passé à se pencher sur l’application aux biberons de la réglementation sur les dispositifs médicaux. Il ressort des échanges avec ces institutions qu’il n’existait, au moment du déclenchement de la mission, pas plus de doctrine nationale qu’européenne sur le statut des biberons et tétines commercialisés auprès des établissements de santé. L’AFSSAPS a déclaré n’avoir jamais été questionnée par un organisme notifié sur le statut de ces biberons et n’a pas poussé plus avant la réflexion entamée lors du contrôle, en 2009, de l’entreprise CAIR LGL (cf. infra). De son côté, la Commission, qui n’a qu’une compétence d’exception en cette matière133, n’avait, toujours à cette date, encore jamais été saisie d’aucune difficulté relative aux biberons. 3.2.1.2. [179] La délicate interprétation du droit des dispositifs médicaux La question à laquelle il convient de répondre est de savoir si les biberons présentent une finalité médicale, conformément à la définition du dispositif médical donnée par le code de la santé publique. La mission s’est donc efforcée d’analyser la réponse apportée à cette question par chacun des fabricants. La définition du dispositif médical Selon la directive 93/42/CEE : « Aux fins de la présente directive, on entend par « dispositif médical »: tout instrument, appareil, équipement, logiciel, matière ou autre article, utilisé seul ou en association, y compris le logiciel destiné par le fabricant à être utilisé spécifiquement à des fins diagnostique et/ou thérapeutique, et nécessaire au bon fonctionnement de celui-ci, destiné par le fabricant à être utilisé chez l'homme à des fins : - de diagnostic, de prévention, de contrôle, de traitement ou d'atténuation d'une maladie, - de diagnostic, de contrôle, de traitement, d'atténuation ou de compensation d'une blessure ou d'un handicap, - d'étude ou de remplacement ou modification de l'anatomie ou d'un processus physiologique, - de maîtrise de la conception134, et dont l'action principale voulue dans ou sur le corps humain n'est pas obtenue par des moyens pharmacologiques ou immunologiques ni par métabolisme, mais dont la fonction peut être assistée par de tels moyens ». Selon le code de la santé publique (art. L.5211-1, issu de la transposition) : « On entend par dispositif médical tout instrument, appareil, équipement, matière, produit, à l'exception des produits d'origine humaine, ou autre article utilisé seul ou en association, y compris les accessoires et logiciels nécessaires au bon fonctionnement de celui-ci, destiné par le fabricant à être utilisé chez l'homme à des fins médicales135 et dont l'action principale voulue n'est pas obtenue par des moyens pharmacologiques ou immunologiques ni par métabolisme, mais dont la fonction peut être assistée par de tels moyens. Constitue également un dispositif médical le logiciel destiné par le fabricant à être utilisé spécifiquement à des fins diagnostiques ou thérapeutiques». On notera le degré de précision plus élevé de la directive dans la définition des finalités d’un dispositif médical. Les deux définitions ne sont pas contradictoires mais elles ne coïncident qu’imparfaitement, la définition donnée par le code de la santé publique étant plus large. 132 Conférences téléphoniques du 16 janvier 2012 avec la direction générale de l’environnement et des 19 et 24 janvier 2012 avec la direction générale de la santé et des consommateurs (rédaction modifiée à l’issue de la procédure contradictoire). 133 En application de l’article 13 de la directive, la Commission ne peut être amenée à se prononcer qu’à la demande d’un Etat membre. 134 C’est la mission qui souligne. 135 Idem. IGAS, RAPPORT N°RM2012-032P 49 ¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯ [180] Les arguments développés par les trois fabricants de biberons et tétines dispositifs médicaux136, les entreprises CAIR LGL, BELDICO et MEDELA, et admis par leurs organismes notifiés respectifs, le LNE/G-MED, SGS et TÜV, sont à cet égard distincts : [181] pour CAIR comme pour MEDELA, les biberons (classe IIa) concourraient au remplacement du processus physiologique qu’est l’allaitement ; cette fonction les qualifierait comme dispositif médical, soit directement, pour CAIR, en servant au recueil et au stockage du lait maternel ou en servant au gavage des nourrissons, soit indirectement, pour MEDELA, fabricant de tire-laits, en raison du caractère d’accessoires à un dispositif médical (le tire-lait) que présentent les biberons ; pour BELDICO, les biberons (classe I stériles avec fonction de mesurage) auraient une finalité médicale car ils sont « destinés à la préparation, l’alimentation et l’administration de nourriture liquide, lait maternel et autre liquide nutritif, avec ou sans introduction d’autres aliments ou de médicaments pour le bébé ou le prématuré »137. D’un point de vue méthodologique, il conviendrait de distinguer l’analyse des finalités d’un dispositif, qui conditionne son éligibilité au statut de dispositif médical, de celle de sa destination qui conditionne le classement du dispositif médical conformément aux règles de l’annexe IX de la directive. En pratique, cette distinction est particulièrement difficile à opérer et le raisonnement confond le plus souvent en une seule les deux étapes logiques. Les arguments des fabricants appellent dès lors plusieurs remarques : le remplacement d’un processus physiologique tel que l’allaitement rentrerait bien dans le champ des finalités admises par la directive et les objets qui y participent pourraient alors être qualifiés de dispositif médical de classe IIa138, sachant que le lait maternel est un liquide corporel ; toutefois, cela ne semble pas devoir être toujours le cas, en raison de la contestation par l’AFSSAPS du caractère général de dispositif médical des tire-laits. En effet, si les tirelaits figurent au nombre des dispositifs médicaux pouvant être prescrits par les sagesfemmes139, l’AFFSAPS considère, au moins depuis 2009140, qu’ils ne sont pas des dispositifs médicaux dans tous les cas de figure : « Si un fabricant destine un tire-lait à collecter le lait maternel qui servira ultérieurement à nourrir un nourrisson, le produit n’est pas un dispositif médical (…). En revanche, si un fabricant conçoit un tire-lait disposant d’une finalité médicale, notamment pour une utilisation dans un contexte de soulagement des engorgements ou de pathologies du mamelon, alors un tel tire-lait répond à la définition de dispositif médical (…)141». Cette remarque s’applique aux tire-laits mais aussi aux biberons qui lui sont accessoires (ceux de MEDELA par exemple). Apportant des limites en réalité à la fonction même de « collecte du lait maternel en vue de nourrir ultérieurement le nourrisson », la réserve de l’AFSSAPS s’applique ainsi également aux biberons vendus par CAIR LGL (et à ceux de BELDICO, cf. infra), quand bien même ils seraient indépendants de tire-laits, parce qu’ils participent de ce processus de collecte. Pour résumer, les biberons seraient des dispositifs médicaux de classe IIa, mais dans certains cas seulement. 136 Le quatrième fabricant, INTERMED, commercialise des biberons et tétines n’ayant pas le statut de dispositif médical. Document sur le statut des biberons à usage unique, BELDICO, 16 juin 2003. 138 Sans pousser plus loin l’exégèse, on notera que la directive propose une « Règle 2 » de classification partiellement tautologique pour ces dispositifs : « Tous les dispositifs non invasifs destinés à conduire ou à stocker du sang, des liquides ou tissus corporels, des liquides ou des gaz en vue d’une perfusion, administration ou introduction dans le corps appartiennent à la classe IIa : - s’ils peuvent être raccordés à un dispositif médical actif de la classe IIa ou d’une classe supérieure, - s’ils sont destinés à être utilisés pour le stockage ou la canalisation du sang ou d’autres liquides corporels ou le stockage d’organes, de parties d’organes ou tissus corporels ». NB : c’est la mission qui souligne. 139 Arrêté du 27 juin 2006 fixant la liste des dispositifs médicaux que les sages-femmes sont autorisées à prescrire. 140 « Qualification et positionnement réglementaire des DM et DMDIV », AFSSAPS, avril 2009. 141 « Liste des positionnements réglementaires et des qualifications des DM et DMDIV », AFSSAPS, septembre 2011. 137 50 IGAS, RAPPORT N°RM2012-032P ¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯ la finalité avancée par BELDICO est quant à elle très large et pourrait s’appliquer aux biberons vendus au détail ; cela explique sans doute pourquoi, lors d’un échange142 en 2003 entre le fabricant, l’organisme notifié SGS et l’autorité compétente britannique, c’est la « fonction de mesurage » qui est mise en avant. Il est exact que cette fonction est évoquée par la réglementation, qui prévoit même une sous-classe spécifique, appelée Im, pour les dispositifs de classe I avec fonction de mesurage ; il n’est pas certain qu’on puisse inverser la proposition en affirmant que tout dispositif présentant une fonction de mesurage est un dispositif médical. Toutefois, la concomitance d’un usage en établissement de santé et d’une fonction de mesurage peut conduire à présumer que le dispositif présente une finalité médicale ; on objectera, à bon droit, que tout acte effectué en établissement de santé n’est pas nécessairement de nature médicale ; on ajoutera que le seul fait, pour la société BELDICO d’invoquer la possibilité d’utilisation de ses biberons avec un tire-lait143, aurait pu conduire, sous les réserves relatives aux tirelaits mentionnées ci-dessus, à ranger ses biberons en classe IIa, par application de la règle la plus dure en cas de pluralité d’usages, comme le prévoit la directive144. [182] Il ressort de cette brève discussion qu’il n’existe pas de réponse simple à la question de savoir si les biberons à usage unique sont ou non des dispositifs médicaux. La seule finalité médicale pour un biberon à usage unique, vendu ou non avec un tire-lait, pourrait être de concourir au remplacement du processus physiologique qu’est l’allaitement, en servant au recueil de lait maternel, dans le contexte, et lui seul, de « soulagement des engorgements ou des pathologies du mamelon ». Cette « indication » du biberon dispositif médical est étroite et d’un caractère difficile à maîtriser en pratique. [183] Une autre entrée, plus maniable, pourrait être celle de l’état des nourrissons, en distinguant les bébés sains des bébés malades. Aurait dès lors une finalité médicale et serait donc éligible à la reconnaissance comme dispositif médical, tout dispositif destiné aux bébés malades, cette catégorie couvrant les bébés prématurés et donc fragiles. [184] La mission ne poussera pas plus loin l’analyse en droit, sachant par ailleurs qu’après examen, elle n’a pas relevé de manquement flagrant aux règles qui président à l’« évaluation de la conformité ». L’évaluation de la conformité Le fabricant doit, aux fins de l’apposition du marquage CE, suivre une procédure, décrite à l’article 11 de la directive, permettant l’« évaluation de la conformité » aux exigences essentielles des dispositifs, préalablement à leur mise sur le marché dans laquelle interviennent des organismes notifiés. Conformément à l’article 16 de la directive, « 1. Les Etats membres notifient à la Commission et aux autres Etats membres les organismes qu’ils ont désignés pour effectuer les tâches se rapportant aux procédures (d’évaluation de la conformité) ». Un fabricant peut faire appel à l’organisme de son choix, qu’il ait été notifié par l’Etat membre dans lequel il a son siège social ou qu’il l’ait été par tout autre Etat membre. En France, un seul organisme à été notifié à ce jour : le LNE/G-MED. La demande d’un second organisme est en cours d’instruction. 142 Courriel du 10 juin 2003 de SGS à la Medicines and Healthcare products Regulatory Agency (équivalent britannique de l’AFSSAPS), elle-même saisie par l’AFSSAPS sur le caractère de dispositif médical des biberons : « (…) nous sommes d’accord pour considérer que les biberons normaux du type de ceux achetés à Mothercare ou Boots [marques de produits de grande distribution] ne sont pas des dispositifs médicaux relevant de la directive 93/42 CE, sauf s’ils ont été spécialement conçus pour compenser un handicap telle qu’une fente palatine ou s’ils ont toute autre finalité médicale spécifique. Nous avons toutefois certifié BELDICO au regard de la directive 93/42 CE annexe V (mesurage seulement) pour les biberons à usage unique utilisés dans les hôpitaux, dans lesquels un mesurage adéquat de la nourriture est nécessaire pour les nouveaux-nés (sic). Cela a été considéré comme une finalité médicale spécifique. Le marquage CE ne doit cependant pas être appliqué sur les produits vendus au détail ». NB : c’est la mission qui souligne. 143 Voir la déclaration de la société, citée. 144 Point 2.5. de l’annexe IX de la directive. SGS, organisme notifié, interrogé à ce propos, a reconnu que la mission avait soulevé une question pertinente. IGAS, RAPPORT N°RM2012-032P 51 ¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯ La procédure d’évaluation de conformité est d’autant plus élaborée que la classe du dispositif est élevée145. Pour les dispositifs de classe II et III, elle fait intervenir un organisme notifié, alors que, pour les dispositifs de classe I, le fabricant est soumis à une simple procédure d’auto-certification, sauf si les dispositifs sont stériles (Is) ou remplissent une fonction de mesurage (Im). Dans ces cas, le fabricant doit suivre une des procédures applicables aux dispositifs de classe supérieure, limitée aux aspects de stérilisation ou de mesurage. A l’issue de la procédure, l’organisme notifié délivre un certificat. [185] La mission insiste sur la nécessité que l’application aux biberons et autres objets de la réglementation sur les dispositifs médicaux soit clarifiée par ceux qui sont chargés d’en assurer le respect et qu’une doctrine européenne commune soit établie. La mission estime également souhaitable de distinguer par une dénomination spécifique les biberons, tétines et téterelles ayant la qualité de dispositifs médicaux. 3.2.2. Peut-on stériliser un biberon, dispositif médical ou non, à l’oxyde d’éthylène ? [186] L’argument généralement avancé pour justifier la stérilisation à l’oxyde d’éthylène des « biberons dispositifs médicaux » (de même que les tétines ou les téterelles) est qu’il existe une norme, comme on vient de le voir, qui intéresse spécifiquement la stérilisation à l’oxyde d’éthylène des dispositifs médicaux146. Puisque la norme existe, la pratique est autorisée. [187] A la connaissance de la mission, et selon les déclarations des intéressés, personne n’a jamais soulevé, par le passé, la question de l’articulation de la réglementation applicable aux dispositifs médicaux avec celle applicable aux produits biocides, s’agissant des biberons147. Interrogés aujourd’hui sur ce sujet par la mission, la plupart de ses interlocuteurs assurent que la réglementation sur les produits biocides s’efface devant celle sur les dispositifs médicaux. Analyse de la délégation aux affaires juridiques des ministères sociaux (26 mars 2012) La DAJ a été interrogée sur le point de savoir si la réglementation actuelle autorise la stérilisation des biberons utilisés dans les hôpitaux par un biocide comme l’oxyde d’éthylène. Il convient tout d’abord de déterminer si ces biberons peuvent être qualifiés de dispositifs médicaux au sens de la directive 93/42/CEE du Conseil, du 14 juin 1993, relative aux dispositifs médicaux. Puis, au regard des dispositions de la directive 98/8/CE du Parlement et du Conseil du 16 février 1998 concernant la mise sur le marché des produits biocides, il convient de déterminer dans quelle mesure l’usage de l’oxyde d’éthylène est autorisé au sein de l’Union européenne. Enfin, il convient de déterminer dans quelle mesure un dispositif médical stérilisé à l’oxyde d’éthylène entre dans le champ d’application de la directive 98/8/CE. 1) Sur la qualification de dispositifs médicaux des biberons L’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/42/CEE, précise qu’un dispositif médical est tout instrument, appareil destiné par le fabricant à être utilisé chez l’homme à des fins de traitement ou d’atténuation d’une maladie » (souligné par nos soins). De même l’article 1er, paragraphe 3, de 145 Article 11 de la directive, dont les dispositions sont schématisées à l’annexe 14. Rédaction modifiée à l’issue de la procédure contradictoire. 147 Rédaction modifiée à l’issue de la procédure contradictoire. 146 52 IGAS, RAPPORT N°RM2012-032P ¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯ cette directive précise que « les dispositifs destinés à l’administration d’un médicament sont régis par la présente directive » (souligné par nos soins). Selon la DAJ, seuls des biberons conçus dès l’origine pour servir à administrer des médicaments ou pour toute autre finalité médicale peuvent donc être qualifiés de dispositif médical au sens de la directive 1993/42/CEE. En revanche, si des biberons « quelconques » étaient utilisés dans les hôpitaux à des fins médicales, ils ne pourraient recevoir cette qualification. D’après les informations transmises à la DAJ, les biberons dont il est question sont bien des biberons conçus dès l’origine avec une finalité médicale et sont achetés par les établissements hospitaliers avec un marquage CE de dispositif médical. Dans ces conditions, la DAJ considère que ces biberons sont des dispositifs médicaux au sens de la directive 93/42/CEE. La circonstance qu’il en serait fait ou qu’il en aurait été fait un usage autre par des établissements de santé (par exemple pour nourrir des bébés nés à terme et ne présentant pas de problème de santé) constitue certes un détournement du DM mais ce détournement ne peut en principe pas être reproché aux fabricants ni à celui qui met sur le marché le DM. A cet égard, il convient de ne pas perdre de vue que le marquage CE comme dispositif médical (DM) comporte, pour le fabricant du produit, des contraintes plus fortes que l’absence de marquage et que, dans le doute sur le point de savoir si un produit nécessitait ou non un marquage CE comme DM, il serait peu compréhensible de lui reprocher d’avoir recouru au marquage CE. A cet égard, il convient de souligner que la question posée pour les biberons DM vaut pour d’autres matériels qui sont incontestablement des DM comme les perfusions ou sondes par exemple et, qui lorsqu’ils sont utilisés pour alimenter le corps humain, sont aussi en contact avec des aliments ou des substances ayant cette fonction. 2) Sur l’utilisation de l’oxyde d’éthylène a) L’oxyde d’éthylène est une substance active biocide et, à ce titre, sa mise sur le marché entre, en principe, dans le champ d’application de la directive 98/8/CE concernant la mise sur le marché des produits biocides. Cette directive organise un régime d’autorisation, délivrée par les Etats membres, en vue de la mise sur le marché de produits biocides tout en leur permettant de mettre en place, pour les produits à faible risque, un mécanisme d’enregistrement sur dossier (article 3). L’octroi de l’autorisation est subordonné à de nombreuses conditions, notamment au fait que la ou les substances actives figurent sur une des listes dressées par les annexes I (LISTE DES SUBSTANCES ACTIVES ET DES EXIGENCES Y RELATIVES APPROUVÉES AU NIVEAU COMMUNAUTAIRE POUR INCLUSION DANS LES PRODUITS BIOCIDES) et IA (LISTE DES SUBSTANCES ACTIVES ET DES EXIGENCES Y RELATIVES APPROUVÉES AU NIVEAU COMMUNAUTAIRE POUR INCLUSION DANS LES PRODUITS BIOCIDES À FAIBLE RISQUE ) de la directive et satisfassent aux exigences fixées dans ces annexes ainsi qu’à des conditions d’efficacité sans effet inacceptable sur les organismes cibles (tel qu’une résistance inacceptable) ni d’effet inacceptable sur la santé humaine ou sur l’environnement (article 5 de la directive). Les articles 10 et 11 organisent les procédures d’inscription des substances actives sur les annexes I, IA et IB (LISTE DES SUBSTANCES DE BASE ET DES EXIGENCES Y RELATIVES APPROUVÉES AU NIVEAU COMMUNAUTAIRE). L’oxyde d’éthylène ne figure pas sur les annexes I ni IA et ne bénéficie pas d’une autorisation de mise sur le marché ou d’utilisation sur le territoire des Etats membres de l’Union européenne (UE) prévue par l’article 3 de la directive 98/8/CE. IGAS, RAPPORT N°RM2012-032P 53 ¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯ L’article 15 permet à un Etat membre, de façon temporaire, d’autoriser la mise sur le marché d’un produit biocide ne répondant pas aux exigences de la directive en vue d’un usage limité et contrôlé, si cette mesure apparaît nécessaire à cause d’un danger imprévu qui ne peut être maitrisé par d’autres moyens. Mais l’oxyde d’éthylène ne bénéficie pas non plus d’une autorisation provisoire au titre de l’article 15 de la directive 98/8/CE. Enfin, l’article 16 permet, à titre transitoire et dérogatoire, à un Etat membre de maintenir en vigueur jusqu’en mai 2014 son système ou ses pratiques en matière de produits biocides, notamment quant à l’autorisation de mise sur le marché de produits biocides contenant des substances actives qui ne sont pas inscrites aux annexes I ou IA sous certaines conditions. Cependant, au fur et à mesure de l’accomplissement d’un programme de travail consistant pour la Commission européenne à passer en revue les différentes substances actives pour décider de les inscrire ou non sur les annexes I, IA ou IB, les Etats membres doivent mettre leur droit national en conformité. L’oxyde d’éthylène fait l’objet, en vertu des mesures transitoires de l’article 16 de la directive 98/8/CE et des règlements d’application de la Commission (il figure en annexe II, Substances actives à évaluer dans le cadre du programme d’examen, du règlement 1451/2007) d’une évaluation. Celle-ci a conduit à ce que, depuis la fin de l’année 2006, il n’est plus autorisé pour la désinfection de matériels, de conteneurs ou d’ustensiles de consommation en contact avec des denrées alimentaires (dits usages PT4) mais demeure temporairement autorisé comme produit pour désinfecter des matériaux ou équipements qui ne sont pas en contact direct avec des denrées alimentaires (dits usages PT2 selon la classification de l’annexe V de la directive 98/8CE) dans l’attente de la fin de son évaluation. Il en résulte que l’oxyde d’éthylène ne peut pas être utilisé pour stériliser des biberons qui ne sont pas des DM. b) Toutefois, le §2 de l’article 1er de la directive 98/8/CE exclut de son champ d’application les produits qui sont définis ou entrent dans le champ d’application de directives qu’il énumère aux fins de ces directives. Il dispose que : « la présente directive s’applique aux produits biocides définis à l’article 2, paragraphe 1, point a), mais exclut les produits qui sont définis ou entrent dans le champ d’application des directives suivantes aux fins des dites directives (…) ». Au nombre de ces directives figure la directive 93/42/CE relative aux dispositifs médicaux. Ce point est également rappelé au premier alinéa de l’annexe V de la directive 98/8/CE relatif aux types et description des produits biocides visés à l’article 2, paragraphe 1, point a) de cette directive : « Ces types de produits ne comprennent pas les produits visés par les directives mentionnées à l’article 1er, paragraphe 2, de la directive et leurs modifications ultérieures lorsqu’ils sont destinés à un usage défini par ces directives ». La fin de ces deux phrases aux fins des dites directives » et « lorsqu’ils sont destinés à un usage défini par ces directives ») est importante, car il en ressort que ces produits n’échappent à l’application de la directive 98/8/CE produits biocides que pour autant qu’ils sont utilisés à un usage défini par une des directives mentionnées à son article 1er, paragraphe 2. En conséquence, s’il ne fait aucun doute que l’oxyde d’éthylène, en tant que substance biocide, relève du champ d’application de la directive 98/8/CE, et se trouve dès lors soumis au régime prévu par cette directive, il reste à déterminer s’il l’est aussi en tant qu’il est utilisé pour stériliser, avant leur mise sur le marché, des biberons DM. 54 IGAS, RAPPORT N°RM2012-032P ¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯ 3) Sur la stérilisation des « biberons dispositifs médicaux » par l’oxyde d’éthylène a) Il est incontestable que l’oxyde d’éthylène n’est pas un dispositif médical, tel que ces termes sont définis au a) du §2. de l’article 1er de la directive 93/42/CE relatif aux définitions et champ d’application de cette directive. Mais dans la mesure où le §1 de cet article 1er précise qu’il s’applique non seulement aux dispositifs médicaux mais aussi à leurs accessoires « qui sont traités comme des dispositifs médicaux à part entière », il convient d’examiner si l’expression « produits qui sont définis ou entrent dans le champ d’application » ne se rapporte pas aussi aux substances et produits utilisés pour la mise sur le marché de DM dès lors que la directive 93/42/CE définit des règles se rapportant à ces substances ou produits. A cet égard, la stérilisation des DM avant leur mise sur le marché fait l’objet de dispositions dans la directive 93/42/CE et ses annexes notamment au titre des exigences essentielles. Le §8 de l’annexe I intitulé « Infection et contamination microbienne » comporte deux alinéas (8.3 et 8.4) qui traitent de la stérilisation des dispositifs, le §8.4 prévoyant que « Les dispositifs qui sont délivrés en état stérile doivent avoir été fabriqués et stérilisés selon une méthode appropriée et validée ». L’utilisation de l’oxyde d’éthylène pour stériliser un biberon DM avant mise sur le marché vise donc à permettre l’utilisation de ce DM conformément aux intentions de son fabricant. Cependant, pour répondre complètement à la définition que l’article 1er, §2, b), donne de « l’accessoire » (« article qui, bien que n'étant pas un dispositif, est destiné spécifiquement par son fabricant à être utilisé avec un dispositif pour permettre l'utilisation dudit dispositif conformément aux intentions du fabricant de ce dispositif », encore faudrait-il considérer que l’oxyde d’éthylène ait été destiné spécifiquement à cette utilisation. Dans ces conditions et nonobstant cette incertitude, il paraît possible de considérer que l’oxyde d’éthylène, en tant qu’il est utilisé pour stériliser, avant leur mise sur le marché, des biberons qui sont des DM, relève de la directive 93/42/CE DM. Cette analyse comporte cependant une part d’incertitude, en l’état actuel de la rédaction de ces directives, comme toutes les questions délicates de frontière entre deux textes communautaires. La Commission européenne souligne d’ailleurs, dans son rapport sur l’évaluation de la mise en œuvre de la directive 98/8/CE, du 8 octobre 2008 (COM(2008) 620 final), que « la mise en œuvre de la directive a soulevé un certain nombre de questions en rapport avec son champ d’application précis », notamment sur les questions relatives à la « délimitation exacte des produits susceptibles de relever également d’autres directives communautaires ». Elle a pour sa part élaboré des documents (guide pratique d’application de la directive biocides ; « manual on borderline and classification in the Community regulatory framework for medical devices »). Le manuel sur la frontière des dispositifs médicaux qu’elle actualise régulièrement. Celui-ci comporte un chapitre relatif la frontière avec les biocides qui dans sa version la plus récente, n’aborde que 2 rubriques « désinfectants des mains » et « produits pour repousser les insectes » dont il n’est pas possible de tirer de conclusions pour l’oxyde d’éthylène utilisé comme désinfectant de biberons qui sont des DM. Pour être clair, seul un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne permettrait de régler avec certitude la question posée. IGAS, RAPPORT N°RM2012-032P 55 ¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯ Dans ces conditions, la DAJ considère qu’il serait peu représentatif de l’incertitude juridique existante d’écrire que l’utilisation de l’oxyde d’éthylène pour stériliser les biberons DM relève clairement de la seule directive 98/8/CE et est « interdite ». b) Pour sa part et dans la mesure où il faut malgré tout prendre position, la DAJ estime qu’il existe des éléments permettant de considérer que, nonobstant cette incertitude juridique, on peut continuer à raisonner comme les autorités françaises l’ont fait jusqu’à présent, en estimant que la directive 93/42/CE s’applique aux produits servant à stériliser des biberons DM avant leur mise sur le marché. En effet, au-delà des éléments textuels mentionnés précédemment, dans une réponse à une question récente d’un parlementaire européen (E-011257/201) datée du 13 février 2012, M. Potocnik a fait, au nom de la Commission européenne, la réponse suivante : « L'oxyde d'éthylène a fait l'objet d'une classification harmonisée au niveau européen. Celle-ci s'impose à tous les États membres. L'oxyde d'éthylène est classifié comme substance cancérigène et possède d'autres propriétés, comme ses effets mutagènes. Il s'agit donc d'une substance particulièrement préoccupante quant à ses effets sur l'homme. La stérilisation de matériaux en contact avec les aliments par l'oxyde d'éthylène n'est plus autorisée depuis fin 2006. Par contre, la stérilisation d'autres matériaux, surfaces ou équipements est en cours d'évaluation dans le cadre de la Directive 98/8/EC(1) et reste pour le moment autorisée. Toutefois, un produit stérilisant utilisé de manière spécifique avec un dispositif médical est considéré comme accessoire du dispositif médical en question et relève alors uniquement de la réglementation sur les dispositifs médicaux. À la lumière des consultations effectuées par la Commission auprès des États membres, il apparait que la France et la Belgique considèrent que les biberons et tétines destinés à des enfants prématurés ou immunodéprimés constituent des dispositifs médicaux et que l'oxyde d'éthylène pour la stérilisation de ces biberons et tétines est un accessoire de ces dispositifs. Par contre, l'oxyde d'éthylène ne peut pas être utilisé pour la stérilisation de biberons ou tétines destinés à d'autres fins. Dès lors, il appartient aux États membres d'autoriser ou non, dans le cadre législatif applicable aux dispositifs médicaux l'usage de l'oxyde d'éthylène pour la stérilisation de biberons et tétines destinés à des enfants prématurés ou immunodéprimés et de s'assurer que l'oxyde d'éthylène n'est pas utilisé pour la stérilisation de biberons ou tétines destinés à d'autres fins ». Il en ressort que la Commission européenne y donne, de façon tout à fait officielle et qui l’engage, une interprétation de la notion d’accessoire du DM qui y inclut un produit stérilisant utilisé de manière spécifique avec un dispositif médical : « Toutefois, un produit stérilisant utilisé de manière spécifique avec un dispositif médical est considéré comme accessoire du dispositif médical en question et relève alors uniquement de la réglementation sur les dispositifs médicaux », qui inclut l’utilisation qui est faite en France et en Belgique de l'oxyde d'éthylène pour stériliser des biberons et tétines qui y sont considérés comme constituant des dispositifs médicaux car destinés à des enfants prématurés ou immunodéprimés. 4) On peut espérer que le futur règlement sur la mise à disposition sur le marché et l’utilisation de produits biocides, actuellement en cours de négociation qui se substituera à la directive biocides permettra de régler les incertitudes sur le champ d’application respectif de ces deux directives. Si le texte tel qu’il apparaît à l’issue d’une première lecture au Conseil, et d’une résolution du Parlement européen du 19 janvier 2012, fait entrer dans le champ de la législation de l’Union applicable aux produits biocides non seulement les produits biocides au sens strict, mais aussi les « articles traités », c’est à dire toute substance, mélange ou article « qui a été traité avec un ou plusieurs produits biocides ou dans lequel un ou plusieurs produits biocides ont été délibérément incorporés », il n’en maintient pas moins l’exclusion de son champ d’application de produits 56 IGAS, RAPPORT N°RM2012-032P ¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯ couverts par un ensemble de textes dont il dresse la liste, parmi lesquels figure toujours la directive 93/42/CEE, en apportant, des précisions quant à l’articulation des deux directives. Il est ainsi précisé, dans la rédaction retenue par le Parlement européen, que lorsqu’un produit biocide relève du champ d’application de l’un des textes ainsi listés, tout en étant destiné « à des usages non couverts par ces instruments », le nouveau règlement « s’applique également à ce produit biocide, dans la mesure où ces usages ne sont pas abordés par ces instruments ». Il en ressort que ce nouveau règlement, s’il entre en vigueur en ces termes, permettra d’opérer, s’agissant des dispositifs médicaux assimilables à un « article traité », une distinction en fonction de l’usage du produit, qui conduira soit à l’application de la seule directive 93/42/CEE, lorsque l’usage est prévu par cette directive, soit à l’application au produit biocide du nouveau règlement sur les biocides lorsqu’il s’agira d’un usage qui n’est pas envisagé par la directive 93/42/CE. Les discussions en cours laissent donc penser que le droit de l’Union européenne ne s’oriente pas vers une application systématique de la directive biocide aux produits couverts par la directive 93/42/CEE. 5) Enfin, le fait de considérer que la stérilisation des biberons DM avant leur mise sur le marché relève de la directive 93/42/CE relative aux DM n’a nullement pour objet ni pour effet de permettre de les stériliser avec des produits dangereux pour la santé. Il incombe tout d’abord aux autorités nationales de veiller à ce que les procédures de stérilisation satisfassent les exigences essentielles en la matière et respectent la méthode appropriée et validée. En outre, s’il s’avérait que l’utilisation de l’oxyde d’éthylène pour stériliser les biberons marqués comme DM présente un danger inacceptable pour la santé, les dispositions de la directive 93/42/CE ne font nullement obstacle à ce que des mesures soient prises dans des délais très brefs pour en interdire ou en limiter l’utilisation. Cette directive dispose, en effet, dans son article 14 ter, que « lorsqu’un Etat membre estime, en ce qui concerne un produit ou groupe de produits donné, qu’il y a lieu, pour assurer la protection de la santé et de la sécurité et/ou pour assurer le respect des impératifs de santé publique, de retirer ces produits du marché ou d’interdire, de restreinte ou de soumettre à des exigences particulières leur mise sur le marché et leur mise en service, il peut prendre toutes les mesures transitoires nécessaires et justifiées ». L’Etat membre doit alors notifier sa mesure à la Commission. S’ensuit une procédure d’instruction par cette dernière, susceptible de déboucher, si elle estime ces mesures justifiées, à une modification de la directive. Cette disposition est mise en œuvre dans notre droit national par l’article L. 5312-1 du CSP qui confie à l’actuelle Afssaps - future ANSM - le soin de prendre les mesures de police sanitaire qui s’imposent. La directive permet donc de prendre toute mesure appropriée à l’égard d’un DM ou d’un de ses accessoires pour éviter un danger pour la santé publique. A cet égard, les autorités nationales doivent être en mesure d’expliquer en termes de santé publique pourquoi, alors que l’oxyde d’éthylène ne peut plus être utilisé depuis fin 2006 pour la désinfection de matériels, conteneurs ou ustensiles en contact avec des denrées alimentaires en application de la directive 98/8/CE, il peut toujours être utilisé pour stériliser des biberons qui sont des DM avant leur mise sur le marché, quand bien même ces produits de stérilisation ne sont-ils pas juridiquement soumis à la directive 98/8/CE. En résumé : La question de l’articulation des deux directives est une question délicate qui ne se prête pas une réponse certaine et tranchée aussi longtemps qu’elle n’aura pas été tranchée par un arrêt de la CJUE ; Au cours des années écoulées, les autorités françaises ont considéré que les produits qui sont utilisés pour la stérilisation de biberons constituant des DM relèvent de la directive 93/42/CE IGAS, RAPPORT N°RM2012-032P 57 ¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯ relative aux DM et non de la directive 98/8/CE relative aux biocides. Cette interprétation peut se prévaloir d’arguments de texte et de la réponse donnée par la Commission européenne à une question parlementaire en février 2012 qui assimile les produits servant à stériliser des DM à l’accessoire d’un DM et admet qu’ils relèvent alors uniquement de la directive DM. Cette interprétation ne se traduit pas pour autant par une moindre protection sanitaire : la stérilisation des DM doit répondre à des exigences essentielles : il appartient aux autorités sanitaires d’y veiller et elles peuvent à cet effet prendre différentes mesures appropriées, pouvant consister, au-delà de la vérification des procédures de stérilisation mises en œuvre, à interdire de recourir à certains produits ou méthodes voire à suspendre la mise sur le marché de biberons DM qui auraient été stérilisés dans des conditions dangereuses pour la santé ou en ordonner le retrait. Enfin, l’état actuel des discussions sur le projet de règlement sur la mise à disposition sur le marché et l’utilisation de produits biocides, qui se substituera à la directive biocides, laisse penser que l’interprétation que les autorités françaises font de la directive biocides et de la directive DM ne sera pas remise en cause. Dans ces conditions, la DAJ considère qu’il est possible, d’une part, de maintenir l’interprétation des autorités françaises sur les champs d’application respectifs des deux directives s’agissant de produits servant à stériliser des DM et, d’autre part, de continuer à veiller à ce que cette stérilisation se fasse dans des conditions conformes aux exigences de santé publique, quitte, si les circonstances l’exigent, en particulier l’évolution des connaissances scientifiques, à prendre des mesures visant à restreindre ou empêcher l’utilisation de l’oxyde d’éthylène pour la stérilisation de certains DM. Note de la mission : La direction générale de la santé et des consommateurs et la direction générale de l’environnement de la Commission européenne ont toutes deux formulé, au cours de la procédure contradictoire, la remarque suivante sur l’analyse de la délégation aux affaires juridiques : « La Commission, dans sa réponse parlementaire à la Question Écrite E-011257/2011, n'a pas affirmé que tous les produits servant à stériliser des dispositifs médicaux sont assimilables à des accessoires des dispositifs médicaux, mais qu'un produit stérilisant destiné de manière spécifique à être utilisé avec un dispositif médical est considéré comme un accessoire du dispositif médical en question » (Nota : c’est la Commission qui souligne). [188] Les développements qui suivent s’attachent à analyser cette question centrale. 3.2.2.1. [189] Les biberons, en contact avec des denrées alimentaires Il convient en premier lieu, avant de discuter de l’application de la réglementation sur les produits biocides, en ce qu’elle concerne les matériaux en contact avec des denrées alimentaires, à vérifier que les biberons sont bien en contact avec des denrées alimentaires, d’un point de vue juridique. 58 IGAS, RAPPORT N°RM2012-032P ¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯ [190] Les biberons à usage unique utilisés dans les maternités et services pour enfants servent à nourrir les enfants, contenant soit des laits infantiles industriels, soit du lait maternel. La question se pose de savoir si ces laits entrent dans la catégorie des denrées alimentaires. Le règlement (CE) n°178/2002148 définit ainsi ce qu’est un aliment, ou une denrée alimentaire, en son article 2 : « (…) toute substance ou produit, transformé, partiellement transformé ou non transformé, destiné à être ingéré ou raisonnablement susceptible d'être ingéré par l'être humain »149. [191] Les laits infantiles répondent clairement à cette définition. Ils appartiennent, d’un point de vue réglementaire, à la catégorie des « aliments destinés à une alimentation particulière », régis par le décret modifié n°91-827 du 29 août 1991 relatifs aux aliments destinés à une alimentation particulière. Parmi ces derniers figurent les catégories d’aliments spécifiquement adaptés aux besoins nutritionnels des nourrissons et enfants en bas âge en bonne santé, regroupés sous le terme générique d’alimentation infantile : [192] les préparations pour nourrissons et les préparations de suite (arrêté du 11 avril 2008), catégorie à laquelle appartiennent les laits infantiles ; les préparations à base de céréales et aliments pour bébés destinés aux nourrissons et enfants en bas âge (arrêté modifié du 1er juillet 1976 relatif aux produits diététiques et de régime de l’enfance) ; les aliments lactés pour enfants en bas âge (arrêté du 30 mars 1978). Le lait maternel, quant à lui, obéit à une logique plus complexe, qui a conduit la mission à interroger tant la DGGCRF que la direction générale de l’alimentation du ministère chargé de l’alimentation (DGAL), qui a répondu avec l’appui de la DGS150. L’alimentation est une matière en effet partagée par plusieurs départements ministériels. On notera que le contrôle des infractions à la réglementation relative à l’alimentation infantile, étant souligné que le lait maternel n’entre pas dans la définition de l’alimentation infantile retenue par les deux directions, relève de la DGCCRF, en application d’un protocole de répartition des compétences151, de nature administrative, qui lie les deux directions intéressées. La DGAL est quant à elle responsable, au sein des établissements de santé, du contrôle de la seule « restauration collective à caractère social ». 148 Règlement (CE) n°178/2002 du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2002 établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l'Autorité européenne de sécurité des aliments et fixant des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires. Même s’il « ne s'applique pas à la production primaire destinée à un usage domestique privé, ni à la préparation, la manipulation et l'entreposage domestiques de denrées alimentaires à des fins de consommation domestique privée », c’est-à-dire, en particulier, à la dispensation par la mère à son nourrisson de lait cru par tétée, il permet d’éclairer le champ d’application des dispositions relatives aux « matériaux au contact des denrées alimentaires », par la définition qu’il donne de ces dernières. 149 L’article continue par : « Ce terme recouvre les boissons, les gommes à mâcher et toute substance, y compris l'eau, intégrée intentionnellement dans les denrées alimentaires au cours de leur fabrication, de leur préparation ou de leur traitement. Il inclut l'eau au point de conformité défini à l'article 6 de la directive 98/83/CE, sans préjudice des exigences des directives 80/778/CEE et 98/83/CE Le terme «denrée alimentaire» ne couvre pas: a) les aliments pour animaux; b) les animaux vivants à moins qu'ils ne soient préparés en vue de la consommation humaine; c) les plantes avant leur récolte; d) les médicaments au sens des directives 65/65/CEE et 92/73/CEE du Conseil ; e) les cosmétiques au sens de la directive 76/768/CEE du Conseil ; f) le tabac et les produits du tabac au sens de la directive 89/622/CEE du Conseil ; g) les stupéfiants et les substances psychotropes au sens de la Convention unique des Nations unies sur les stupéfiants de 1961 et de la Convention des Nations unies sur les substances psychotropes de 1971; h) les résidus et contaminants ». 150 Les questions posées par la mission et les réponses figurent en annexe 15. 151 Note de service conjointe DGCCRF/DGAL (DGAL/MUS/N2012-8002) du 3 janvier 2012 relative à la notification à l'administration centrale (DGAL et DGCCRF) des non-conformités relatives à des denrées alimentaires par les DD(CS)PP, les DAAF, les DIECCTE et les DIRECCTE. IGAS, RAPPORT N°RM2012-032P 59 ¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯ [193] La Commission européenne, consultée par la DGCCRF, a confirmé l’analyse de la mission selon laquelle le lait maternel répond bien à la définition de la denrée alimentaire posée par le règlement 178/ 2002 : le lait que l’enfant tête au sein de sa mère est bien un aliment. La DGS ne partage toutefois pas entièrement cette conclusion. Citée par la DGAL, elle estime que le lait maternel est un produit de santé, qui ne peut être simultanément une denrée alimentaire. Il est exact qu’entre dans le champ de compétence de l’AFSSAPS152, et à ce titre dans la catégorie des produits de santé, le « lait maternel collecté, qualifié, préparé et conservé par les lactariums », encadré par une réglementation spécifique, qui prévoit notamment l’élaboration de bonnes pratiques par l’AFSSAPS153. [194] Mais, d’une part, il s’agit bien ici uniquement du lait maternel collecté et stocké dans les lactariums. Ce lait provient de dons anonymes (dons de lait d'une mère à un autre enfant que le sien) et de dons personnalisés (don de lait d'une mère à son propre enfant). Collecté « au bénéfice de nouveau-nés hospitalisés dans un établissement de santé et de nouveau-nés présents à leur domicile »154, ce lait, délivré sur prescription médicale, est « formellement indiqué pour les grands prématurés (…), les nouveaux nés souffrant de différentes pathologies (désordres métaboliques, allergies alimentaires sévères, insuffisances rénales, enfants brûlés ou cardiaques ou en traitement du cancer), pour les nouveaux nés en situations péri-chirurgicales155 ». D’autre part, on ne voit pas ce qui s’opposerait à ce que ce lait traité soit à la fois un produit de santé et un aliment, toujours d’un point de vue réglementaire. [195] Ce raisonnement, pour autant, ne s’applique pas au lait cru, c’est-à-dire non traité, qui répond sans doute possible à la définition de denrée alimentaire. Ce lait peut être soit tété au sein par l’enfant (la mère utilisant, le cas échéant, un bout de sein en plastique), soit recueilli par la mère, hors lactarium, par l’intermédiaire d’un tire-lait et d’une téterelle dans un biberon en plastique et administré à l’enfant par le truchement d’une tétine. Le lait est alors donné à l’enfant soit immédiatement, soit, comme la mission a pu le constater de visu, ultérieurement, après une période de réfrigération voire de surgélation (la mère repartant avec le lait au domicile). Ces laits maternels sont donc des aliments et les biberons, tétines, téterelles et bouts de sein mobilisés pour leur administration aux bébés entrent bien dans le champ des articles « en contact avec des denrées alimentaires ». [196] En conclusion, les biberons en plastique à usage unique, de même que les tétines et téterelles, sont amenés à être, juridiquement parlant, en contact avec les denrées alimentaires156 que sont (toujours) les laits infantiles et (au moins parfois) le lait maternel. Pour autant, selon les interlocuteurs de la mission, ces articles, dès lors qu’ils seraient des dispositifs médicaux, alors que la question ne se pose pas dans le cas contraire, ne tomberaient pas sous le coup de la réglementation sur les produits biocides et pourraient être régulièrement soumis à une stérilisation à l’oxyde d’éthylène. 152 Article L. 5311-1 du code de la santé publique. Décision du directeur général de l’AFSSAPS du 3 décembre 2007 définissant les règles de bonnes pratiques prévues à l'alinéa 3 de l'article L. 2323-1 du code de la santé publique. 154 Article D. 2323-2 du code de la santé publique. 155 Source : Synthèse des inspections des lactariums réalisées en 2009 et 2010 (AFSSAPS, mars 2011). On notera que les bonnes pratiques précisent que « des biberons stériles sont fournis par le lactarium avec le matériel pour le recueil du lait (tire-lait) (…). Le matériel à usage unique doit être privilégié ». 156 Entraînant de ce fait la responsabilité de la DGCCRF à laquelle est attribuée, en application du protocole susmentionné, compétence sur les anomalies relevant des matériaux au contact. 153 60 IGAS, RAPPORT N°RM2012-032P ¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯ [197] Les biberons et autres relèvent, au sens de la directive 98/8/CE, du TP 4 (désinfectants pour les surfaces en contact avec les denrées alimentaires et les aliments pour animaux) et non du TP 2 (désinfectants utilisés dans le domaine privé et dans le domaine de la santé publique et autres produits biocides), qui exclut les objets « utilisés en contact direct avec les denrées alimentaires ». L’oxyde d’éthylène, ainsi qu’il a été vu plus haut, n’est pas enregistré au titre de la catégorie TP 4, ce qui interdit, en droit, son utilisation pour des objets en contact avec l’alimentation sur le territoire de l’Union depuis le 1er septembre 2007. [198] Mais la directive biocides paraît s’effacer devant la directive dispositifs médicaux en ce qu’elle « exclut les produits qui sont définis ou entrent dans le champ d’application des directives suivantes aux fins desdites directives : (…) h) la directive 93/42/CEE du Conseil du 14 juin 1993 relative aux dispositifs médicaux (…) ». Cette restriction est interprétée par les acteurs interrogés par la mission comme conduisant purement et simplement à sortir les « biberons dispositifs médicaux », et eux seuls, du champ d’application de la directive biocides, autorisant de ce fait leur stérilisation à l’oxyde d’éthylène. La mission ne partage pas cette argumentation, ainsi qu’elle le développe dans la sous-partie suivante. 3.2.2.2. Le régime juridique de la stérilisation à l’oxyde d’éthylène des dispositifs médicaux en contact avec des denrées alimentaires [199] Il n’est pas rare que des réglementations européennes se chevauchent et que se pose alors la question du droit applicable. C’est le cas pour les biberons dispositifs médicaux. Ces situations peuvent être réglées à la source, par les directives ou règlements eux-mêmes, ou en aval, par des documents interprétatifs issus de travaux de « groupes borderline » (selon la terminologie vernaculaire), appelés « guidelines »157. [200] La directive 93/42/CEE n’a pas prévu les cas où des dispositifs médicaux pouvaient servir à administrer des aliments. Elle traite pourtant plusieurs situations frontières : [201] où elle s’applique concurremment avec d’autres directives : directive 89/686/CEE du Conseil relative aux équipements de protection individuelle158, directive 2006/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 mai 2006 relative aux machines159 ; à l’inverse, rien n’est dit sur la directive biocides ; où les dispositifs sont destinés à administrer des médicaments : dans ce cas, « ils doivent être conçus et fabriqués de manière à être compatibles avec les médicaments concernés conformément aux dispositions et restrictions applicables à ceux-ci, et de manière que leurs performances soient maintenues conformes à leur destination »160 ; à l’inverse, rien n’est dit sur les cas où les dispositifs sont destinés à administrer des aliments. On ne saurait s’étonner de cette lacune, la directive sur les produits biocides étant postérieure à la directive sur les dispositifs médicaux161. C’est ce qui explique que l’articulation entre les deux réglementations se trouve dans la plus jeune des deux, à savoir la directive sur les produits biocides, qui joue le rôle de « directive balai »162. 157 Sans valeur juridique contraignante, l’interprétation du droit étant du ressort des tribunaux. Au 6. de l’article 1 de la directive. 159 Article 3 de la directive. 160 Exigence essentielle 7.3 de l’annexe I de la directive. 161 On objectera que la directive sur les dispositifs médicaux a fait, depuis 1998, date de publication de la directive sur les biocides, l’objet de plusieurs modifications. 162 Entretien téléphonique du 16 janvier 2012 avec la direction générale de l’environnement de la Commission européenne (rédaction modifiée à l’issue de la procédure contradictoire). 158 IGAS, RAPPORT N°RM2012-032P 61 ¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯ [202] L’analyse peut s’appuyer toutefois, au surplus, sur deux documents interprétatifs qui apportent d’utiles précisions : le “Manual on borderline and classification in the Community regulatory framework for medical devices”163, qui indique que les désinfectants généraux (ou non spécifiques) relèvent de la directive biocides ; le “Manual of decisions for implementation of directive 98/8/EC concerning the placing on the market of biocidal products”164, qui précise que les produits dont le but déclaré est d’être un désinfectant multi-usages ou un agent de stérilisation ne relèvent pas de la directive sur les dispositifs médicaux. [203] Force est de constater que l’utilisation comme agent stérilisant de l’oxyde d’éthylène n’est pas spécifique à la stérilisation des biberons à usage unique. Par conséquent, l’oxyde d’éthylène, dont personne ne prétend qu’il puisse être considéré en droit comme un dispositif médical per se, ne peut pas non plus être considéré comme un accessoire d’un dispositif médical, au sens de la directive 93/42/CEE165, en raison de son caractère non spécifique à la stérilisation des biberons à usage unique. [204] L’AFSSAPS, autorité compétente en matière de dispositifs médicaux et responsable à ce titre de dire le droit, a confirmé cette analyse166. Les services de la Commission européenne, consultés par la mission à titre d’information, ont également indiqué que « l'oxyde d'éthylène, ne pouvant pas, d'après les informations dont la Commission dispose, être qualifié d'accessoire d'un dispositif médical, ne tombe pas dans le champ d'application de la directive 93/42/CEE »167. [205] Le produit « oxyde d’éthylène », qui n’est ainsi pas un dispositif médical, n’échappe donc pas aux dispositions de la directive sur les produits biocides. On insistera sur le fait que, contrairement à l’opinion répandue, l’exception organisée par la directive biocides porte sur les produits biocides qui sont en même temps des dispositifs médicaux. Cette directive s’applique donc bien à l’emploi de l’oxyde d’éthylène comme agent de stérilisation des biberons. En conséquence, la stérilisation à l’oxyde d’éthylène des biberons, quand bien même ils seraient des dispositifs médicaux, n’est pas, aux yeux de la mission, autorisée. [206] Les fabricants, les organismes notifiés LNE/G-MED et SGS, tout comme l’AFSSAPS, qui s’est penchée sur le sujet à l’occasion du contrôle de la société CAIR LGL en 2009, ont donc, selon les conclusions de la mission, enfreint la réglementation européenne en ignorant l’application aux biberons dispositifs médicaux de l’interdiction d’utiliser l’oxyde d’éthylène comme agent de stérilisation de surfaces au contact de denrées alimentaires. [207] Quand bien même on considérerait, à rebours de ce raisonnement, que la directive biocides ne s’applique pas en l’espèce, on pourrait relever que les biberons stérilisés à l’oxyde d’éthylène ne respectent pas parfaitement l’exigence essentielle 7.5. de la directive 93/42/CEE, en raison des insuffisances de l’appareil de normes, décrites plus haut. En effet : 163 « les dispositifs doivent être conçus et fabriqués de manière à réduire au minimum les risques découlant des substances dégagées par le dispositif. Une attention particulière doit être accordée aux substances carcinogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction », ce qui s’applique à l’oxyde d’éthylène comme substance et aux biberons en plastique stérilisés à l’oxyde d’éthylène qui désorbent cette substance après stérilisation ; Voir l’annexe 16 sur la documentation sur la combinaison des réglementations relatives aux dispositifs médicaux et aux produits biocides. 164 Idem. 165 La directive définit ainsi l’accessoire : « tout article qui, bien que n'étant pas un dispositif, est destiné spécifiquement par son fabricant à être utilisé avec un dispositif pour permettre l'utilisation dudit dispositif conformément aux intentions du fabricant de ce dispositif ». 166 Entretien avec la mission du 27 janvier 2012. 167 Courriel du 3 février 2012 à la mission de la direction générale de la santé et des consommateurs. 62 IGAS, RAPPORT N°RM2012-032P ¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯ « si l'utilisation prévue de ces dispositifs inclut le traitement d'enfants ou le traitement de femmes enceintes ou allaitant, le fabricant doit fournir une justification spécifique pour l'utilisation de ces substances en ce qui concerne le respect des exigences essentielles, notamment du présent paragraphe, dans la documentation technique et, dans la notice d'utilisation, des informations sur les risques résiduels pour ces groupes de patients et, le cas échéant, sur des mesures de précaution appropriées » ; cette précaution s’applique également aux biberons, tétines et téterelles168. [208] Entre ici en jeu l’analyse bénéfices / risques des biberons à usage unique stérilisés à l’oxyde d’éthylène. En matière de dispositifs médicaux, comme en matière de médicaments, un certain niveau de risque est acceptable, dès lors que « les risques éventuels liés à leur utilisation constituent des risques acceptables au regard du bienfait apporté au patient et compatibles avec un niveau élevé de protection de la santé et de la sécurité »169. [209] Aux yeux de la mission, l’analyse bénéfices / risques, exercice à caractère scientifique et non juridique, aurait dû prendre en compte, d’un point de vue scientifique, le fait que la réglementation biocide interdit l’usage de l’oxyde d’éthylène pour la désinfection des matériaux au contact des denrées alimentaires. Car seules des considérations scientifiques tenant à la nature du produit peuvent être au fondement des restrictions d’usage organisées par la directive 98/8/CE. Ces dernières traduisent en langage juridique l’existence de données scientifiques capitales pour mener de manière adéquate l’analyse de risque. [210] La mission a constaté que la plupart de ses interlocuteurs soit ignorait le risque lié à l’utilisation de l’oxyde d’éthylène, par exemple en méconnaissant le sort réservé à l’oxyde d’éthylène par la réglementation biocides, soit le connaissait, mais le minimisait au nom de ces mêmes considérations juridiques qui auraient dû, à l’inverse, les alerter170. [211] Une telle position revient à affirmer qu’il n’est en rien dangereux de stériliser des biberons avec l’oxyde d’éthylène dès lors que la réglementation sur les biocides ne s’applique pas aux biberons. Ce raisonnement mêle les registres scientifique et juridique, en tirant une conclusion scientifique de considérations juridiques ; confusion entraînée en réalité par l’existence d’une norme, à la base du système de confiance qui s’est construit à propos de la stérilisation à l’oxyde d’éthylène. [212] Quand bien même la directive prévoit que l’analyse bénéfices / risques doit « en règle générale » être fondée sur des données cliniques171, l’existence d’une norme permet de se passer, dans les faits, de conduire la moindre évaluation clinique. En effet, « l'évaluation de ces données, ci-après dénommée «l'évaluation clinique», doit, en tenant compte, le cas échéant, des normes harmonisées pertinentes, suivre une procédure définie et fondée au plan méthodologique » : on en revient à nouveau aux normes qui jouent un rôle majeur dans la « nouvelle approche » promue par les autorités communautaires. En effet, sont présumés conformes aux exigences essentielles les dispositifs qui satisfont aux normes correspondantes172, l’analyse bénéfices / risques étant réputée avoir été conduite pour construire la norme. 168 Paragraphe modifié à l’issue de la procédure contradictoire. Exigence essentielle 1. 170 Rédaction modifiée à l’issue de la procédure contradictoire. 171 Annexe X « Evaluation clinique ». 172 Article 5. 169 IGAS, RAPPORT N°RM2012-032P 63 ¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯ [213] Les développements supra ont amplement montré que l’analyse bénéfices / risques sur laquelle la norme a été construite, en ce qui concerne la stérilisation à l’oxyde d’éthylène, était lacunaire : absence de données cliniques, inadaptation à des nourrissons ou au contact alimentaire. S’y ajoute la non-prise en compte de l’interdiction par la réglementation biocides de l’utilisation de l’oxyde d’éthylène pour traiter les matériaux en contact avec des denrées alimentaires. Si l’on peut objecter que la réglementation biocides – et l’interdiction de l’oxyde d’éthylène comme type de produits 4 – est postérieure à l’élaboration de la norme, il est en revanche difficilement compréhensible que la révision de celle-ci, intervenue depuis, ait ignoré ce changement réglementaire majeur. [214] Enfin, comme la mission l’a montré plus haut, les biberons à usage unique répondent pour une partie seulement de leurs usages à la définition de dispositif médical ; ce point se discute au demeurant, les règles de classement des dispositifs médicaux de l’annexe IX ne devant pas se substituer aux règles permettant de déterminer si un article est ou non un dispositif médical, qui figurent à l’article premier de la directive. Comme les volumes de vente l’attestent et l’enquête nationale menée par la mission le confirme, les biberons à usage unique ont été utilisés comme contenants courants, uniques et multi-usages au sein des établissements de santé. [215] Ainsi, même en considérant à la fois que les biberons entrent dans la catégorie de dispositif médical et que la réglementation sur les biocides ne s’appliquerait pas aux biberons pour cette raison, cela ne concernerait que les seuls usages de ces biberons comme dispositif médical et non les autres usages. Dans la mesure où rien ne permet en pratique de séparer de manière étanche les deux types d’usage, la seule possibilité d’un usage « non dispositif médical » conduit à placer les biberons sous le coup de l’interdiction de la stérilisation à l’oxyde d’éthylène. [216] La mission, à l’issue de l’analyse juridique qu’elle a conduite, considère que l’utilisation de l’oxyde d’éthylène pour stériliser des biberons, dispositifs médicaux ou non, n’est pas conforme au cadre juridique en vigueur. Elle souligne qu’il revient aux autorités communautaires de clarifier le droit applicable pour l’ensemble des Etats membres et préconise qu’elles soient sollicitées à cette fin par la France. [217] Il appartient en tout état de cause aux autorités sanitaires françaises de déterminer les suites à donner aux constats de la mission, en fonction d’analyses bénéfices / risques prenant notamment en compte les populations concernées, les scénarios d’exposition, les matériaux (plastiques, verre ou autre) composant les biberons et les méthodes de stérilisation. 64 IGAS, RAPPORT N°RM2012-032P ¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯ 4. LES DYSFONCTIONNEMENTS : UNE RESPONSABILITE PARTAGEE [218] Au-delà des aspects juridiques et scientifiques, la mission a également tenté de répondre à la question fondamentale de savoir si la situation actuelle, caractérisée par l’utilisation d’un produit cancérogène en contact avec l’alimentation de nourrissons, aurait pu être évitée. [219] La réponse à cette question implique d’identifier si certains acteurs du dossier ont été alertés ou ont bénéficié d’informations qui auraient dû les alerter. Des investigations menées par la mission, il ressort que deux catégories d’acteurs ont bénéficié d’informations qui auraient pu les alerter : les organismes notifiés (LNE/G-MED, SGS, TÜV) ; les autorités publiques compétentes (DGS, AFSSAPS, DGAL, DGCCRF, AFSSA puis ANSES). 4.1. Les organismes notifiés en première ligne avec les fabricants 4.1.1. La nécessité d’adapter l’analyse au public et au dispositif médical concerné [220] De manière générale, la nécessité, parmi les exigences essentielles de la directive 93/42/CEE, de respecter la santé et la sécurité des patients173 aurait pu conduire les organismes notifiés ayant délivré des marquages CE aux entreprises BELDICO, CAIR LGL, MEDELA et INTERMED à s’interroger sur l’utilisation d’un produit classé cancérogène avec du lait, quand bien même ils pensaient que la réglementation l’autorisait. [221] En outre, compte tenu du public fragile - les nourrissons - concerné par l’utilisation de ces dispositifs médicaux, la mise sur le marché de ces dispositifs aurait dû faire l’objet de l’application de protocoles spécifiques. En France, dès 1994, la DGS rappelle l’importance de réaliser une étude approfondie des risques pour chaque dispositif médical stérile et d’appliquer des protocoles spécifiques compte tenu des risques propres à chaque dispositif médical174. Dans la même circulaire, qui concerne aussi bien les dispositifs médicaux stérilisés en établissement que les dispositifs médicaux achetés stériles, la DGS rappelle l’existence de certains risques justifiant l’application de ces protocoles spécifiques. Parmi ces risques, la DGS cite ceux liés à « la stérilisation à l’oxyde d’éthylène », qui « expose à la toxicité propre de ce gaz en cas de désorption insuffisante et à la formation de composés encore plus toxiques tels que le chloroéthanol, l’éthylèneglycol, le thio 2 éthanol ». 173 Comme le rappelle l’article R.5211-21 du code de la santé publique : « Les dispositifs médicaux sont conçus et fabriqués, compte tenu de l’état de la technique généralement reconnu, de telle manière que, dans les conditions normales d’utilisation, ils ne compromettent pas, directement ou indirectement : 1° l’état clinique et la sécurité des patients ; 2° la santé et la sécurité des utilisateurs ou d’autres personnes (…) ». 174 Circulaire citée plus haut. IGAS, RAPPORT N°RM2012-032P 65 ¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯ 4.1.2. Des informations qui, à plusieurs moment du dossier, auraient pu alerter les organismes notifiés [222] Deux organismes notifiés ont eu particulièrement à connaître de dossiers de biberons et tétines stérilisés à l’oxyde d’éthylène175 et auraient pu, à plusieurs moments du dossier, faire le lien entre la présence de l’oxyde d’éthylène d’un côté, et celle d’alimentation (préparation pour nourrisson ou lait maternel) de l’autre. Sur la base des éléments communiqués à la mission, ces organismes notifiés n’ont pas commis de faute et n’ont formellement pas manqué à leurs obligations. Ils ont toutefois disposé d’informations qui auraient pu attirer leur attention et les inciter à une plus grande vigilance avant la mise sur le marché, voire après celle-ci, des biberons, tétines et téterelles. [223] S’agissant spécifiquement de l’organisme notifié LNE/G-MED, plusieurs informations auraient pu conduire à une vigilance accrue : [224] dès 2006, la déclaration CE de conformité transmise par CAIR LGL fait mention de l’utilisation de ces dispositifs médicaux avec du lait maternel, puisque les usages revendiqués de ses produits sont la substitution de l’allaitement, la nutrition par gavage et le stockage de liquide corporel. C’est d’ailleurs justement parce qu’ils sont utilisés avec du lait maternel que ces produits sont classés en IIa ; dans le bulletin d’analyse des risques du 22 juin 2010, établi par CAIR LGL, il est indiqué que les biberons seront non seulement utilisés avec du lait maternel mais plus largement avec du lait. Le bulletin spécifie ainsi que « les biberons et tétines stériles à usage unique permettent l’administration de lait pour chaque type de patient qu’il soit prématuré ou non », ce qui peut laisser penser que la destination principale de ces biberons est l’alimentation des nourrissons ; enfin, le rapport d’essai sur les tétines176 de 2011 réalisé par le « département propriétés chimiques des matériaux » du LNE, distinct du département LNE/G-MED organisme notifié, montre que le LNE a procédé à des tests de migration sur les tétines au regard de la réglementation sur les matériaux en contact avec des denrées alimentaires, mais avant tout traitement stérilisant. Ce rapport précise bien que les tétines faisant l’objet du test sont susceptibles d’être en contact avec des produits laitiers, mais aucun test de migration n’est réalisé sur le produit fini tel qu’il est commercialisé. En ce qui concerne l’organisme notifié SGS, plusieurs pièces du dossier indiquent clairement que l’utilisation des biberons et tétines impliquerait un contact avec du lait maternel et avec de l’alimentation : 175 BELDICO indique en 2003 à SGS que ses biberons sont « destinés à la préparation, l’alimentation et l’administration de nourriture liquide, lait maternel et autre liquide nutritif, avec ou sans introduction d’autres aliments ou de médicaments pour le bébé ou le prématuré »177 ; l’entreprise a d’ailleurs confirmé à la mission que ses biberons sont « calibrés » pour la nourriture des enfants178 ; le fait que l’AFSSAPS et la Medicines and Healthcare products Regulatory Agency (MHRA, autorité compétente anglaise) interrogent SGS en 2003 sur le statut de dispositif médical des biberons de BELDICO aurait pu inciter l’organisme notifié à réaliser des investigations complémentaires179 ; Pour INTERMED, l’organisme notifié n’est intervenu que pour le marquage CE des téterelles. S’agissant de MEDELA, les biberons étaient considérés comme devant être utilisés uniquement avec ses tire-laits. 176 Rapport d’essai du LNE, Dossier M041226, document DE/2 du 20 juin 2011. 177 Document « To whom it concerns », 2003, cité. 178 Audition du 22 décembre 2011. 179 L’AFSSAPS écrit en effet en 2003 dans un message transmis à l’organisme notifié par la MHRA : « je considère qu’un biberon n’a pas de finalité médicale et n’est pas un dispositif médical sauf s’il est destiné à une fin médicale. Ce produit bénéficierait d’un marquage CE de manière indue » (pièce jointe au mail de Clare Headley de la MHRA, du 28 66 IGAS, RAPPORT N°RM2012-032P ¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯ dans l’analyse des risques de 2011, réalisée à l’occasion du renouvellement de marquage CE, l’usage revendiqué par BELDICO est toujours « le stockage du lait maternel ou la préparation de lait instantané avec ou sans addition de nutriments ou de médicaments pour prématurés ou bébés nécessitant des soins médicaux180 » ; l’analyse des risques mentionne le risque de migration toxique vers le lait. A la question « y-a-t-il des émissions indésirables d’énergie ou de substances », l’analyse des risques de BELDICO indique en effet un « relargage potentiel d’ETO/ECH181 résiduel ou contaminants des polymères » et considère que ce risque peut se traduire par une migration toxique dans le lait182 ; la « checklist analyse des risques produits » de BELDICO du 31 janvier 2011 précise dans la rubrique « composants en contact avec le dispositif médical », que le dispositif médical est en « contact avec le lait ». 4.2. La gestion des informations : comment détecter une alerte faible ? [225] Le rôle de lanceur d’alerte est joué, dans ce dossier, principalement par Mme Suzanne de BEGON183. Il n’appartient pas à la mission d’analyser les raisons qui ont poussé Mme de BEGON à épouser cette cause, pas plus que de détailler les étapes de sa collaboration passée avec la société BLEDINA pour commercialiser un biberon jetable en matière plastique de son invention. Initiées en 1999, les relations d’affaires entre Mme de BEGON et BLEDINA ont cessé mi-2002. Ce n’est que sept ans plus tard, à compter de 2009, que les deux parties se sont opposées en justice, à la suite de la publication sur internet puis sur papier184 par Mme de BEGON de propos contestés par la société BLEDINA. Plusieurs décisions185 ont été rendues ; la dernière affaire186 est pendante devant les tribunaux, à la suite de l’appel interjeté par Mme de BEGON. [226] C’est à l’occasion de l’invention d’un biberon jetable, à la fin des années 90, que Mme de BEGON est conduite à s’intéresser aux biberons, tétines et nourettes et, tout spécialement, à la manière dont ils sont stérilisés. Mais ce n’est qu’à compter de 2009 que Mme de BEGON interroge la quasi-totalité des autorités publiques potentiellement intervenant dans le champ sanitaire. Cette séquence se clôt par la publication en novembre 2011 de l’article du Nouvel Observateur187 et la décision subséquente des ministres de diligenter une mission de contrôle de l’IGAS sur la stérilisation des biberons, tétines et téterelles avec de l’oxyde d’éthylène. mai 2003, contenant le courriel initial de l’AFSSAPS, à la MHRA). La MHRA, autorité compétente en Grande-Bretagne en matière de dispositifs médicaux, transmet à SGS le 28 mai 2003 la demande d’information française en précisant : « nous ne considérons généralement pas ce produit [les biberons] comme un dispositif médical. Pourriez-vous nous indiquer si ce produit à une finalité médicale ? ». 180 « Checklist BELDICO, analyse des risques produits », 31 janvier 2011 181 ETO/ECH : ethylene oxide / ethylene chlorhydrate (ang.) 182 Checklist BELDICO « analyse des risques produits » du 31 janvier 2011. 183 Mme de BEGON a été entendue le 2 décembre 2011 à Paris par la mission, qui a eu avec elle par la suite de nombreux échanges par mèl. 184 « Les biberons d'ambroisie : merci Bibéon! », Appassionata, mars 2009 ; « Maman BLEDINA ! pourquoi tu m’empoisonnes ? », Appassionata, avril 2010 ; « L'enquête sur la contamination des bébés en maternité », Appassionata, mars 2011. 185 Ordonnance de référé du président du tribunal de commerce de Nanterre du 17 juillet 2009 ; ordonnance du président du tribunal de grande instance de Pau du 26 mai 2010. 186 Jugement du tribunal correctionnel de Pau du 26 mai 2011. 187 Reproduit en annexe 1. IGAS, RAPPORT N°RM2012-032P 67 ¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯ 4.2.1. Des alertes répétées, passées inaperçues auprès des autorités sanitaires [227] L’attention de Mme de BEGON s’est portée principalement sur les nourettes et tout spécialement sur les tétines de ces mini-biberons. Selon Mme de BEGON, jusqu’à une date récente, «l’intégralité des tétines de Blédina est stérilisée à l’oxyde d’éthylène. Quant aux tétines de Nestlé, elles sont panachées. Certaines sont stérilisées à l’oxyde d’éthylène (5 % de leurs tétines) et le reste aux rayons»188. [228] La mission, comme elle l’a développé plus haut, a auditionné les fabricants de nourettes de même que le producteur de la majeure partie des tétines qui les accompagnent. Ces sociétés ont certifié qu’elles n’utilisaient pas et n’avaient jamais utilisé d’oxyde d’éthylène comme agent de stérilisation de leurs produits. Des tests ont été diligentés par la DGCCRF et l’AFSSAPS pour le vérifier. [229] "paragraphe occulté (article 6 III Loi n° 78-753 du 17 juillet 1978)" [230] "paragraphe occulté (article 6 III Loi n° 78-753 du 17 juillet 1978)" [231] "paragraphe occulté (article 6 III Loi n° 78-753 du 17 juillet 1978)" [232] "paragraphe occulté (article 6 III Loi n° 78-753 du 17 juillet 1978)" [233] "paragraphe occulté (article 6 III Loi n° 78-753 du 17 juillet 1978)" [234] La mission a établi la chronologie189 des interventions de Mme de BEGON auprès des autorités sanitaires et a interrogé ces dernières afin de déterminer les suites qu’elles avaient réservées aux correspondances de Mme de BEGON. A cette occasion, la mission a étudié, dans leurs grandes lignes, les processus de traitement des anomalies signalées par les citoyens. [235] Les premières autorités saisies, il y a plus d’une décennie, par Mme de BEGON, qui se prépare à lancer la fabrication d’un biberon à usage unique de son invention, sont d’une part la DGCCRF, d’autre part l’AFSSA, sur les conseils de la première190. [236] En 1999, l’AFSSA191 indique à Mme de BEGON, qui l’interroge sur la norme à suivre pour la stérilisation des biberons à l’oxyde d’éthylène, qu’une norme applicable à un dispositif médical, pour lequel existe un rapport entre le bénéfice et le risque, ne l’est pas forcément pour un matériau au contact des aliments. En effet, « dans le domaine de l’alimentation, (une telle analyse) n’est pas habituelle, puisque tout doit être mis en œuvre pour que le risque tende vers zéro ». L’AFSSA conseille à son interlocutrice « avant de lancer un produit grand public pour l’alimentation courante du nourrisson en bonne santé, sujet sensible, de solliciter un avis de l’AFSSA ». Mme de BEGON ne donnera pas suite, « pour la simple et bonne raison que j'ai compris qu'il y avait danger »192. 188 « L’enquête… », op. cité, p. 45. Détaillée en annexe 17. 190 Rédaction modifiée à l’issue de la procédure contradictoire. 191 Courrier du 3 novembre 1999 du professeur Ambroise MARTIN, directeur de l’évaluation des risques nutritionnels et sanitaires de l’AFSSA. 192 Courriel de Mme de BEGON à la mission du 14 décembre 2011. 189 68 IGAS, RAPPORT N°RM2012-032P ¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯ [237] Dix ans plus tard, au début de l’année 2009, Mme de BEGON demande à l’OMS193 « d’interdire purement et simplement (la stérilisation à l’oxyde d’éthylène) s’agissant des biberons et tétines mais aussi des dispositifs médicaux ». L’OMS194 renvoie Mme de BEGON aux autorités nationales. [238] Parallèlement, Mme de BEGON s’adresse aux autorités sanitaires nationales, directions d’administration centrale et agences sanitaires et notamment aux trois principalement intéressées : l’AFSSAPS, la DGS et la DGCCRF. Il s’avère que les demandes de Mme de BEGON ont été traitées conformément aux compétences de chacune des ces autorités, les deux premières renvoyant à la troisième, compétente en matière de biberons et tétines lorsqu’il s’agit d’articles de puériculture. Les réponses de chacune de ces autorités sont analysées ci-après. [239] L’AFSSAPS est saisie chronologiquement la première. Elle écrit195 en janvier 2009 à Mme de BEGON, en réponse à sa demande, que les biberons et tétines ne sont pas des dispositifs médicaux. La demande de Mme de BEGON ne précisant pas qu’elle a trait aux biberons utilisés en établissements de santé et considérés, dans certains cas, comme des dispositifs médicaux, l’AFSSAPS lui adresse ainsi, à cette date, une réponse générale, la confusion venant de ce qu’un même mot, biberon, désigne deux familles d’articles totalement différentes : les biberons courants (vendus au détail) et les biberons à usage unique stériles (la plupart du temps vendus comme dispositifs médicaux aux seuls établissements de santé). [240] Pourtant, des biberons et tétines sont bien commercialisés, à cette date-là, comme dispositifs médicaux. L’AFSSAPS l’ignore cependant, et à bon droit : [241] pour les biberons classés dispositifs de classe I : BELDICO, ayant son siège social en Belgique, échappait à l’obligation de déclaration à l’AFSSAPS organisée par le code de la santé publique196 ; pour les biberons de classe II : la mise sur le marché des produits de CAIR LGL précède l’extension aux dispositifs de classe IIa de l’obligation de communication prévue par le code197. Ultérieurement, plusieurs éléments auraient toutefois permis à l’AFSSAPS de mesurer la portée des questionnements de Mme de BEGON : 193 dans ses courriers de février puis mars 2009 à la DGS, transmis à l’AFSSAPS, Mme de BEGON précise que ses interrogations portent sur « l’utilisation de l’oxyde d’éthylène comme moyen de stérilisation des tétines fournies par les marques de lait aux maternités, ainsi que des biberons et tétines utilisés par les services de néonatologie et les hôpitaux pédiatriques », sachant que « l’oxyde d’éthylène est reconnu comme substance dangereuse, cancérigène et mutagène »198. Pour que l’information de la DGS, et partant, celle de l’AFSSAPS, soient complètes, Mme de BEGON aurait pu préciser que ces biberons étaient commercialisés en qualité de dispositif médical, ce qu’elle ignorait sans doute. En l’absence de cette précision, qu’on ne saurait reprocher à Mme de BEGON, simple citoyenne et non spécialiste de droit sanitaire, le puzzle reste incomplet et la DGS comme l’AFSSAPS déclinent tour à tour leur compétence au profit de la DGCCRF, Courriers du 13 février et du 20 mars 2009. Courrier du 20 mars 2009. 195 Courriel de l’AFSSAPS à Mme de BEGON du 20 janvier 2009. 196 Articles R.5211-65 et R. 5211-70 197 Article R. 5211-66, modifié par le décret no 2010-270 du 15 mars 2010 relatif à l’évaluation clinique des dispositifs médicaux et à la communication des données d’identification à l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, entré en vigueur le 21 mars 2010. Cet article ne dispose naturellement que pour l’avenir. 198 Courrier au directeur général de la santé du 12 février 2009. 194 IGAS, RAPPORT N°RM2012-032P 69 ¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯ en avril 2009199 cependant, Mme de BEGON adresse un courrier au « service cancérologie » de l’AFSSAPS ou elle indique que les biberons et tétines sont considérés comme des dispositifs médicaux alors qu’ils n’en sont pas à ses yeux. Ce courrier demeure sans réponse de l’AFFSAPS qui, interrogée à ce sujet par la mission200, a précisé ne pas en avoir retrouvé trace. Le lien avec les signalements précédents ne peut donc être fait, au cours d’une inspection de CAIR LGL, diligentée les 8 et 9 avril 2009, l’AFSSAPS découvre qu’il existe des biberons commercialisés en qualité de dispositifs médicaux, critique cette situation, mais laisse le fabricant, moyennant des précisions de ce dernier, au demeurant imparfaites, continuer à commercialiser ses biberons. [242] Ce contrôle201 appelle plusieurs remarques de la part de la mission : premièrement, l’AFSSAPS montre qu’elle maîtrise mal les réglementations adjacentes à celle des dispositifs médicaux (matériaux au contact des denrées alimentaires, produits biocides) ; deuxièmement, l’AFSSAPS dénie la qualité de dispositif médical aux biberons mais les laisse sur le marché, alors qu’elle aurait dû pousser plus loin ses investigations ; troisièmement, la direction de l’inspection et des établissements (DIE) de l’AFSSAPS, faute sans doute de système d’information adéquat, ne transmet pas les informations issues de cette inspection à la direction de l’évaluation des dispositifs médicaux (DEDIM), qui demeure ainsi dans l’ignorance de l’existence sur le marché de biberons dispositifs médicaux. [243] Pour ce qui concerne la DGS, c’est donc en février 2009 que Mme de BEGON sollicite son « point de vue » sur « l’utilisation de l’oxyde d’éthylène comme moyen de stérilisation des tétines fournies par les marques de lait aux maternités, ainsi que des biberons et tétines utilisés par les services de néonatologie et les hôpitaux pédiatriques », sachant que « l’oxyde d’éthylène est reconnu comme substance dangereuse, cancérigène et mutagène ». Ce courrier est transmis par la DGS à la DGCCRF, autorité compétente pour les biberons aux yeux de la DGS comme de l’AFSSAPS, copie étant servie à l’AFSSAPS. La DGS ignore également que des biberons à usage unique sont commercialisés comme dispositifs médicaux. [244] La question peut se poser de savoir si la DGS n’aurait pas dû procéder elle-même au traitement de ce courrier. Pour les spécialistes de santé publique, vigilants sur la sécurité sanitaire, la stérilisation à l’oxyde d’éthylène est un procédé connu et reconnu. Il n’y a donc pas lieu pour la DGS de s’alarmer de son utilisation pour stériliser des biberons, bien au contraire, sachant que la contradiction avec la réglementation sur les produits biocides n’a pas encore été soulevée. [245] Quelques mois plus tard, en mai 2009202, insatisfaite de la réponse que lui a faite la DGS en avril , Mme de BEGON rappelle à la direction que l’utilisation de l’oxyde d’éthylène devrait également l’intéresser, la circulaire de 1979 émanant du ministère de la santé et de la sécurité sociale. Elle ajoute que la stérilisation à l’oxyde d’éthylène est circonscrite aux dispositifs médicaux, ce que ne sont pas les biberons et tétines. La DGS atteste avoir bien reçu ce courrier le 6 mai, mais s’est trouvée dans l’incapacité d’indiquer à la mission quel bureau en a été attributaire et s’il y a été apporté réponse. De son côté, Mme de BEGON a indiqué à la mission que la DGS n’a pas répondu à son courrier. On en déduit raisonnablement qu’il s’est égaré à la DGS et qu’elle n’en a fait copie ni à l’AFSSAPS ni à la DGCCRF. On ne peut que le déplorer. 203 199 Courrier du 10 avril 2009. Courriel à la mission du 15 janvier 2012. 201 Voir le détail en annexe 18. 202 Courrier du 4 mai 2009. 203 Courrier du 7 avril 2009. 200 70 IGAS, RAPPORT N°RM2012-032P ¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯ [246] La DGS reçoit à la fin du mois de mai 2009 un courriel204 de l’AFSSAPS par lequel cette dernière informe la DGS de ses échanges avec Mme de BEGON. Elle y rappelle sa position selon laquelle biberons et tétines ne sont pas des dispositifs médicaux et indique que la stérilisation à l’oxyde d’éthylène des dispositifs médicaux est largement utilisée, des normes permettant de « garantir le niveau de sécurité des dispositifs traités ». Ni la DGS, ni l’AFSSAPS ne vont plus loin. [247] C’est donc à la DGGCCRF qu’incombe in fine le traitement des questions de Mme de BEGON, saisie directement ou via la DGS par cette dernière. La DGCCRF repère la question de la conformité, non seulement à la réglementation sur les matériaux en contact avec les denrées alimentaires mais également à la réglementation sur les produits biocides. Elle indique205 début 2010 que l’utilisation de l’oxyde d’éthylène « n’est pas autorisée pour désinfecter des objets destinés au contact des denrées tels que les biberons ». La DGCCRF ajoute qu’il « sera donné les suites nécessaires aux informations transmises » et adresse une copie de son courrier à la DGS, qui n’en a pas trouvé trace dans ses dossiers, et à l’AFSSAPS. [248] Ce courrier ne sera pas suivi d’effet immédiat. La DGCCRF ne diligente pas d’enquête dans la foulée, en dépit de l’insistance de Mme de BEGON, par manque d’éléments jugés probants, sachant que la stérilisation n’est pas un sujet entrant dans le champ de compétences de la DGCCRF, et que l’alerte de Mme de BEGON est jugée plutôt moins alarmante que d’autres, en particulier celle sur le bisphénol A206. A cela s’ajoutent des difficultés méthodologiques, analysées par le service commun des laboratoires207 du ministère chargé de l’économie. [249] En juillet 2011, à la suite de questions que lui a posées Le Nouvel Observateur, la DGCCRF diligente auprès de la direction départementale de la protection des populations de la Loire un « contrôle documentaire » de la société ALLEGRE PUERICULTURE, sise à St Etienne, en visant la plainte de Mme de BEGON relative à la commercialisation, par cette société, de tétines stérilisées à l'oxyde d'éthylène. Ce contrôle est effectué le 7 septembre. La société ALLEGRE PUERICULTURE, appartenant au même groupe que l’usine allemande fabricant les tétines NUK, communique aux enquêteurs un certificat du 21 mai 2010 établi à la demande de BLEDINA, à l’occasion d’une plainte de Mme de BEGON auprès de cette dernière société, qui « garantit la nonutilisation de l'oxyde d'éthylène en tant que désinfectant », les tétines étant désinfectées « avec une solution à 2 % de peroxyde d'hydrogène (eau oxygénée) qui est notifié en tant que substance active pour le TP 4 " désinfectants pour les surfaces en contact avec les denrées alimentaires et les aliments pour animaux" (cf. annexe II du règlement CE n°1451/2007) ». Mme de BEGON ne sera pas informée par la DGCCRF des résultats de ce contrôle. 204 Daté du 28 mai 2009. Courrier à Mme de BEGON du 18 janvier 2010. 206 Elle donnera lieu à l’adoption de la loi n°2010-729 du 30 juin 2010 tendant à suspendre la commercialisation de biberons produits à base de bisphénol A. Son extension à tout conditionnement à vocation alimentaire contenant du bisphénol A fait l’objet d’une proposition de loi adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture le 12 octobre 2011 et en cours d’examen au Sénat à la date du 15 décembre 2011. De son côté, l’Union européenne a interdit début 2011 l'utilisation du bisphénol A dans la fabrication des biberons en polycarbonate, destinés aux nourrissons. 207 Voir l’annexe relative à la chronologie des faits pour de plus amples détails sur ce point. 205 IGAS, RAPPORT N°RM2012-032P 71 ¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯ [250] Mme de BEGON, en parallèle, sensibilisera des acteurs non institutionnels. Ainsi, fin 2010, M. Olivier TOMA, président du Comité pour le développement durable en santé208, adresse un courrier à la ministre de la santé, y joignant un ouvrage209 de Mme de BEGON et lui soumettant pour avis une fiche à destination des adhérents de l’association intitulée « Risques et recommandations relatives à l’oxyde d’éthylène ». Ce courrier est resté apparemment sans suite. De même, le Pr Dominique BELPOMME, professeur de médecine et président de l’Association pour la recherche thérapeutique anti-cancéreuse (ARTAC)210, s’exprimera publiquement sur le sujet, en marge du « Troisième colloque international de l’Appel de Paris211 », consacré à la santé des enfants et à l’environnement, organisé à Paris les 12 et 13 avril 2011 par l’ARTAC212. Ses propos feront l’objet d’une dépêche d’une agence spécialisée213 sous le titre « L’Artac demande de proscrire certaines tétines souvent stérilisées avec un produit cancérigène ». 4.2.2. Des insuffisances structurelles pour repérer un tel problème de santé publique [251] En conclusion, la mission ne saurait relever, dans l’attitude observée par les trois principales autorités concernées, de manquement caractérisé à la règle. Les courriers adressés par Mme de BEGON reçoivent une réponse dans des délais convenables et font l’objet, sur un plan formel, d’échanges appropriés entre services. Pourtant certaines correspondances, et non des moindres, restent sans réponse. La machine a ainsi connu des ratés peu admissibles. La mission les explique notamment par un faible développement, au sein de l’appareil public, tant des outils de gestion automatisée que des procédures de traitement de l’information. Ces sujets d’intendance sont encore trop souvent les parents pauvres de l’action publique. [252] On ne saurait pourtant trop insister sur le caractère essentiel des systèmes d’enregistrement, de suivi et d’archivage des courriers et courriels à l’heure de la dématérialisation. Plus largement, la gestion électronique des documents est un domaine dans lequel les administrations et autorités rencontrées par la mission doivent impérativement progresser ; l’investissement y est stratégique pour gérer une information dont le volume va croissant et dont les croisements ne peuvent plus être manuels. De même, il est essentiel d’en garder une mémoire aisément mobilisable et accessoirement contrôlable par le juge ou l’administration elle-même, et qui ne dépende pas des individus. La réussite, sur le long terme, de la réorganisation des services de l’Etat passe, au-delà des modifications des structures administratives, par des progrès rapides dans la mise à disposition d’outils de traitement de l’information performants. 208 Le Comité pour le Développement Durable en Santé (C2DS) « est une association à but non lucratif, créée en 2006, de professionnels de santé mobilisés par le développement durable. L’objectif du C2DS est de sensibiliser les acteurs de la santé aux avantages des bonnes pratiques du développement durable afin de mieux maîtriser l’impact humain, environnemental et économique de leur activité » ; source : http://www.c2ds.com/ 209 Compte tenu de la date, il s’agit vraisemblablement de « Maman BLEDINA ! pourquoi tu m’empoisonnes ? », Appassionata, avril 2010. 210 Préfacier de l’ouvrage, « présenté au IIIème Colloque international de l’Appel de Paris sur l’enfance en danger », de Suzanne de BEGON, L’enquête sur la contamination des bébés, le lait contaminé en maternités, Editions Appassionata, Pau, mars 2011. 211 Appel lancé en 2004 par des scientifiques et des associations non gouvernementales attirant l’attention sur les conséquences sanitaires de la pollution chimique. 212 L’ARTAC se présente comme « une association indépendante de médecins et de chercheurs spécialisée dans l’étude biologique, thérapeutique et clinique des cancers » (source : http://artac.info/). 213 Dépêche d’APM International VBDODC003. 72 IGAS, RAPPORT N°RM2012-032P ¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯ [253] Ces derniers sont indissociables de procédures formalisées de traitement de l’information, d’autant plus indispensables que la surveillance sanitaire est en jeu. Des principales autorités rencontrées, c’est l’AFSSAPS qui est la plus avancée dans ce domaine. Tout courrier émanant d’un citoyen, d’une autorité publique, d’un professionnel ou d’un industriel est enregistré comme « signal » ; si les faits le méritent, le « signal » est transformé en « dossier », justifiant alors d’un traitement plus approfondi. Dans le cas contraire, l’AFSSAPS clôt le « signal ». La marche à suivre répond à des règles écrites, notamment consignées dans le sous-processus dédié à la surveillance des dispositifs médicaux (Q322). L’ANSES, quant à elle, a fait savoir à la mission qu’elle travaillait à la mise en place de procédures similaires dans le cadre d’une démarche ISO 9001 et qu’elle disposait d’ores et déjà d’un dispositif de suivi des courriers recommandés entrants. [254] Le second constat, articulé par la mission à l’issue de ses travaux, est qu’il eût convenu, dans les semaines suivant l’envoi, en janvier 2010, par la DGCCRF de sa réponse à Mme de BEGON, que la DGS, l’AFSSAPS et la DGCCRF, de même que la DGOS, compétente pour les affaires intéressant les établissements de santé mais ignorée par Mme de BEGON comme par les autres directions, procèdent à un examen conjoint de la question. Par exemple, les comités hebdomadaires de santé publique offrent un cadre adapté à la prise en charge des dossiers intéressant des intervenants multiples. [255] Ce ne fut pas le cas, sans doute en raison du fait que le signal émis par Mme de BEGON peut être qualifié de faible, ce qui n’enlève rien de son intérêt : d’un point de vue absolu, tant il est contre-intuitif qu’une mesure de stérilisation puisse poser un problème de santé publique, qui plus est en raison d’une molécule d’usage courant et connu ; d’un point de vue relatif, en raison du contexte lié à l’affaire du bisphénol A et compte tenu de la difficulté qu’ont les services en charge de ces questions sensibles à faire autrement que courir d’une urgence à l’autre. C’est la presse qui a rendu fort ce signal, entraînant une réaction rapide de la part de l’Etat. IGAS, RAPPORT N°RM2012-032P 73 ¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯ CONCLUSION [256] L’oxyde d’éthylène est un agent largement utilisé pour ses performances de stérilisation dans le monde médical. Sa toxicité est connue de longue date. Pour autant, son usage pour stériliser des articles au contact de denrées alimentaires ne paraît avoir suffisamment inquiété ni la communauté médicale, ni les fabricants ni les autorités sanitaires. [257] L’alerte de novembre 2011 a conduit à prendre conscience de la nécessité de mieux articuler la sécurité alimentaire et la sécurité infectieuse pour l’alimentation des nourrissons. Dans le domaine alimentaire en effet, aucun risque n’est toléré, à la différence du domaine médical, dans lequel un risque peut être acceptable, dès lors qu’un bénéfice supérieur peut être attendu. [258] La mission appelle l’attention sur la nécessité d’étudier également, au-delà des biberons, tétines et téterelles constituant le champ de ses investigations, les autres articles concourant à l’alimentation des nourrissons, comme des adultes, en milieu hospitalier. Muriel DAHAN Bruno MAQUART Aurélie LORRAIN-ITTY IGAS, RAPPORT N°RM2012-032P 75 ¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯ Lettre de mission IGAS, RAPPORT N°RM2012-032P 77 ¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯ Liste des personnes rencontrées ou consultées par la mission 1. ADMINISTRATIONS PUBLIQUES Cabinet du ministre du travail, de l’emploi et de la santé Dr Julien EMMANUELI, conseiller technique Dr Christelle RATIGNIER, conseillère technique 1.1. Directions d’administration centrale Direction générale de la santé Dr Jean-Yves GRALL, directeur général Pr Marie-Christine FAVROT, adjointe du directeur général Dr Catherine CHOMA, sous-directrice politique des pratiques et des produits de santé PP, anciennement chef du bureau alimentation et nutrition EA3 Charles SAOUT, adjoint à la sous-directrice prévention des risques liés à l’environnement et à l’alimentation Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes Jean-Louis GERARD, sous-directeur des produits alimentaires et marchés agricoles et alimentaires (4ème sous-direction) Claude DUCHEMIN, chef du bureau de la qualité et la valorisation des denrées alimentaires (4B) Frédéric LAGNIEZ, inspecteur, bureau 4B Loïc BUFFARD, chef du bureau des produits industriels (5A) Annie JAPIOT, inspectrice, bureau 5A Direction générale de l’offre de soins Annie PODEUR, directrice générale Dr Marie-Ange DECHAILLY-CHANSON, conseillère médicale de la directrice Yannick LE GUEN, sous-directeur en charge du pilotage de performance des acteurs de l'offre de soins PF Emmanuel LUIGI, adjoint au sous-directeur PF Dr Paule KUJAS, adjointe au chef du bureau qualité des soins PF2 Direction générale de l’alimentation Pascale BRIAND, directrice générale Direction générale de la prévention des risques Laurent MICHEL, directeur général Catherine MIR, adjointe au chef du service de la prévention des nuisances et de la qualité de l'environnement Olivier PAIRAULT, adjoint au chef du bureau des substances et préparations chimiques, service de la prévention des nuisances et de la qualité de l'environnement Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques Christelle MINODIER, chef du bureau des établissements de santé 78 IGAS, RAPPORT N°RM2012-032P ¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯ Délégation aux affaires européennes et internationales Agnès LECLERC, déléguée Catherine BORSI-SERHAN, mission des ressources, de l'animation et des synthèses 1.2. Autorités et agences Haute autorité de santé Jean-Christophe BRAS, conseiller du président et du directeur Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé Jean-Claude GHISLAIN, directeur de l’évaluation des dispositifs médicaux Nicolas THEVENET, chef du département surveillance du marché, direction de l’évaluation des dispositifs médicaux Noëlle THEBAULT, évaluatrice, unité évaluation et contrôle du marché, département surveillance du marchés, direction de l’évaluation des dispositifs médicaux Dr François BRUNEAUX, chef du département de l’inspection en contrôle du marché, direction de l’inspection et des établissements Jean-Christophe BORN, chef de l'unité inspection des dispositifs médicaux, département de l’inspection en contrôle du marché, direction de l’inspection et des établissements Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail Marc MORTUREUX, directeur général Dominique GOMBERT, directeur de l'évaluation des risques Agence régionale de santé d’Ile-de-France Dr Martine BOULEY, pharmacien inspecteur de santé publique Institut national du cancer Pr Agnès BUZYN, présidente Cécile COURREGES, directrice générale Pr Fabien CALVO, directeur général adjoint, directeur de la recherche Institut national de veille sanitaire Caroline GARDETTE, directrice adjointe 1.3. Commission européenne Direction générale de l’environnement Pierre CHORAINE, coordinateur de l’équipe sur les biocides, unité D3, produits chimiques et nanomatériaux Johanna BERNSEL Direction générale de la santé et des consommateurs Chantal BRUETSCHY, chef de l’unité E6 innovation et soutenabilité Annette SCHAEFER, chef du secteur des matériaux au contact avec des aliments Sabine LECRENIER, chef de l’unité B2, technologies de la santé et cosmétiques Aurélien PEREZ, chef d'équipe, unité B2, technologies de la santé et cosmétiques Fabio FARAULO, assistant, unité B2, technologies de la santé et cosmétiques IGAS, RAPPORT N°RM2012-032P 79 ¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯ 1.4. Institutions internationales Centre international de Recherche sur le Cancer (CIRC) Dr Robert A. BAAN, service des monographies 2. ACADEMIES, SOCIETES SAVANTES ET ASSOCIATIONS SPECIALISEES Académie nationale de pharmacie Pr Alain ASTIER, chef de pôle hôpital Henri Mondor, Créteil Association française de normalisation Nadine NORMAND, responsable du département agroalimentaire, santé et action sociale Didier NICOL, commission matériaux en contact avec les denrées, même département Amy MICHEL, commission stérilisation des dispositifs médicaux, même département Association française de stérilisation Dr Dominique GOULLET, Hospices civils de Lyon Société française d’hygiène hospitalière Dr Bruno GRANDBASTIEN, médecin hygiéniste au CHU de Lille et président de la commission sécurité des patients HCSP Dr Philippe BERTHELLOT, médecin hygiéniste au CHU de Saint-Etienne, président Dr Marcelle MOUNIER, médecin hygiéniste au CHU de Limoges, pharmacien biologiste MCUPH en hygiène Association toxicologie-chimie André PICOT, président Pr Jean-François NARBONNE, professeur de toxicologie, Bordeaux I Comité pour le développement durable en santé Olivier TOMA, président 3. FABRICANTS, LABORATOIRES ET AUTRES 3.1. Secteur de l’alimentation infantile ALLIANCE 7 Magali BOCQUET, directeur nutrition Fabien CASTANIER, directeur sécurité des aliments et développement durable BLEDINA Gilles GROLEAU, directeur qualité MEAD-JOHNSON Nicolas ROUZIOUX, président Agnès THANASACK, directeur régulation scientifique MILUMEL-LACTALIS Dr Catherine FRESSANGE-MAZDA, directrice médicale 80 IGAS, RAPPORT N°RM2012-032P ¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯ NESTLE-GUIGOZ Stéphanie LE BOULAIRE, directrice qualité et développement durable pour la nutrition infantile Arnaud DUPONT, responsable des affaires réglementaires NUK-MAPA Christian KOETZEL, directeur du marketing et des achats Eckhard ITZEK, chef de projet German FRANK, directeur qualité SODILAC Jean DI MEGLIO, directeur général Sabrina DURAND, responsable des affaires réglementaires 3.2. Secteur des dispositifs médicaux BELDICO Michel DE GRYSE, directeur général Eric MENANTEAU, président de Mediprema - Beldico et administrateur délégué international medical products Jean-Claude SAINT JOANIS, responsable commercial de Beldico France Dr Sylviane MIGNON, pharmacien chargée des affaires réglementaires CAIR-LGL Christine LOPEZ, président directeur général Delphine MOLINARI, directrice qualité - affaires réglementaires M DELORME, directeur industriel M JACQUIN, directeur hospitalier INTER-MED Jean-Pierre BOUIX, gérant et responsable qualité Sylvie MIRA, responsable administrative et financière et assistante qualité MEDELA Benjamin LABOUREAU, responsable national des ventes département allaitement Johan COURAUDON, service communication département allaitement Stefan SCHMID, chef de produit junior (maison-mère) PDG System France Gilbert M. DELPECH, directeur général VYGON Dr Michel HANANIA, pharmacien responsable- directeur qualité/affaires règlementaires 3.3. Laboratoires et autres Laboratoire ICARE Christian POINSOT président, directeur scientifique Dr Brice ROBOL, pharmacien responsable Séverine ITIER, directrice assurance qualité, hygiène, sécurité, environnement Laboratoire STERYLENE SAS Michel GOMINET, président Jean-Michel GOURBIL, directeur des ventes IGAS, RAPPORT N°RM2012-032P 81 ¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯ ASP (fabricant du STERRAD®) Francois CONVENANT, directeur des ventes Benelux, ASP Patrick ROWIES directeur technique Benelux, ASP Yacina BELAIDI, responsable des affaires réglementaires, ETHICON AB CERTIFICATION Georges ABI RACHED, directeur général Jean-Charles HEITZMANN, gérant 4. ORGANISMES NOTIFIES Laboratoire national de métrologie et d’essais Jean-Luc LAURENT, directeur général Laurence DAGALLIER, directrice la certification et de la formation en charge du pôle certification. Thomas THIERRY, responsable du pôle certification G-MED SGS Chris JEPSON, directeur responsable des dispositifs médicaux Sarah C. TAYLOR, coordinatrice qualité, bureau des dispositifs médicaux TÜV SÜD Product Service GmbH Heiko IMHOF, spécialiste des systèmes de certification CRT2 5. ETABLISSEMENTS DE SANTE Assistance publique-Hôpitaux de Paris Mireille FAUGERE, directrice générale Aude BOILLEY-RAYROLES, directrice d'ACHAT (Achats Centraux Hôteliers Alimentaires et Technologiques), déléguée à la coordination des politiques d'achat Pr Michel FOURNIER, directeur de la politique médicale Dr Christophe GIRAUD, pharmacien, direction de la politique médicale Marie-Laure PIBAROT, chargée de la prévention des risques sanitaires Centre hospitalo-universitaire Robert Debré pour la mère et l’enfant (AP-HP) Marguerite SIMONNET, directrice de la logistique, de l'organisation et du développement durable Olivier CAPRON, responsable du budget et des achats Dr Stéphanie MICARD, pharmacien responsable de la gestion des dispositifs médicaux Dr Julien MOLINA, pharmacien responsable de la stérilisation Nour AMMAR-KHODJA, cadre supérieur de l'équipe d'hygiène hospitalière et de la direction des soins Chantal DAELMAN, cadre supérieur diététicienne Anne-Louise CABON, cadre diététicienne Francette FLEHO, diététicienne responsable des commandes Christophe HUE, cadre de santé chargé de la gestion des risques Groupe hospitalier Paris Saint Joseph Dr Valérie TALON, Pharmacien Nadia NOUVION, directrice développement et communication Dr Yvonnick BEZIE, président de la commission médicale d’établissement Dr Yves GIOVANGRANDI, chef du service d’obstétrique Dr Fanny AUTRET, chef du service de néonatalogie Dr Jérôme LORIAU, président du CCLIN 82 IGAS, RAPPORT N°RM2012-032P ¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯ Dr Eric SAUVANET, gynécologue-obstétricien Christel MORLIN-PONSAA, cadre sage-femme Frédérique PERROTTE, cadre sage-femme Isabelle COCHETEAU, cadre coordinateur Clémentine SEREY, cadre puéricultrice Christophe ARDAILLON Générale de santé Marc-David SELIGMAN, directeur des relations institutionnelles Jamel OUANDA, directeur des achats, rattaché au directeur des opérations Dr Xavier RICHOMME, référent risques sanitaires, direction de la qualité, des risques et des filières de soins VITALIA Bruno BERTRAND, directeur des achats Mostafa BISSAOUI, responsable des achats médicaments et dispositifs médicaux Clinique Jeanne d’Arc Marc SCHIBLER, directeur Roger MOHILA, responsable qualité Dr Jane GEORGE, pharmacien Françoise POGGI, auxiliaire de puériculture 6. GROUPEMENTS D’ACHATS HELPEVIA Philippe MARTINET, directeur du développement Béatrice CONUAU, responsable des marchés des dispositifs médicaux Laurence CASTILLO, chef de produits dispositifs médicaux RESAH Ile-de-France Dominique LEGOUGE, directeur Dr Laurence BERTRAND, pharmacien coordonatrice, dispositifs médicaux stériles et hygiène hospitalière, centre hospitalier de Saint-Denis Dr Michèle HEHN, pharmacien coordonatrice, dispositifs médicaux stériles et hygiène hospitalière, centre hospitalier de Saint-Denis Centrale d'achats de l'hospitalisation privée et publique Chantal CAMBOURIEU, chef de département DM/DMI/Audits/Groupes Muriel MARTINEZ, référent développement durable 7. EXPERTS ET PERSONNALITES Fabienne BARTOLI, IGAS Suzanne de BEGON Pr Dominique BELPOMME, professeur de cancérologie, université Paris-Descartes, Paris Pr Alfred BERNARD, professeur de toxicologie, unité de toxicologie et de pharmacologie appliquée, faculté de médecine, Université catholique de Louvain (Belgique) Guy VALLET, IGAS IGAS, RAPPORT N°RM2012-032P 83 ¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯ La mission adresse en outre ses remerciements : aux conseillers pour les affaires sociales suivants : Frédérique SIMON-DELAVELLE, Elvire ARONICA, Cyril COSME, Jacques SIMBSLER, Catherine MARCADIER, Annie THOMAS, Susanna NYTELL, Marcel ROYEZ, Sophie GENAY-DILIAUTAS ; aux responsables des agences régionales de santé, qui ont transmis l’enquête nationale aux établissements de leur région ; aux responsables des établissements ayant répondu à l’enquête ; à l’IGAS, à Philippe ROMENTEAU et Philippe ROLLAND, de la COBI, à Sylvie BERTANI, responsable de la documentation, ainsi qu’à Béatrice GIRON et Maria COSTA, de la section des rapports. IGAS, RAPPORT N°RM2012-032P 85 ¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯ Sigles utilisés Sigle Nom développé AFNOR Association française de normalisation ADDFMS Aliments diététiques destinés à des fins médicales spéciales ADN Acide désoxyribonucléique AFNOR Association française de normalisation AFSSA Agence française de sécurité sanitaire des aliments (†214) AFSSAPS Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé(†215) ANAES Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé (†) ANSES Agence nationale de sécurité l’environnement et du travail AP-HP Assistance publique – Hôpitaux de Paris ATIH Agence technique de l’information sur l’hospitalisation ATNC Agent transmissible non conventionnel CAHPP Centrale d’achat de l’hospitalisation privée et publique CCLIN Centre de coordination de la lutte contre les infections nosocomiales CEN Comité européen de normalisation CIRC Centre international de recherche sur le cancer CLIN Comité de lutte contre les infections nosocomiales DGAL Direction générale de l’alimentation DGCCRF Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes DGS Direction générale de la santé DGOS Direction générale de l’offre de soins DREES Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques EE Exigence essentielle EN European norm (Norme européenne) ESPIC HAS Etablissement de santé privé d’intérêt collectif Hazard analysis critical control point (Analyse des dangers – points critiques pour leur maîtrise) Haute autorité de santé HCSP Haut conseil de santé publique INCa Institut national du cancer HACCP 214 sanitaire de l'alimentation, de † : Organisme ou dénomination disparu. : Comme l’a prévu la loi du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé, l’AFSSAPS est devenue depuis le 1er mai 2012 l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). 215 86 IGAS, RAPPORT N°RM2012-032P ¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯ INSEE Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles Institut national de la statistique et des études économiques INSERM Institut national de la santé et de la recherche médicale InVS LNE Institut de veille sanitaire International organization for standardization internationale de normalisation) Laboratoire national d’essais et de métrologie MCDA Matériau en contact avec des denrées alimentaires MHRA Medicines and healthcare products regulatory agency (GB) NF Norme française OMS Organisation mondiale de la santé PSPH Participant au service public hospitalier (†) Resah-IdF Réseau des acheteurs hospitaliers d'Ile-de-France SFAE Syndicat français des aliments de l’enfance SFHH Société française d’hygiène hospitalière TPE Thermoplastic elastomere (élastomère thermoplastique) UE Union européenne Uni.H.A. Union des hôpitaux pour les achats INRS ISO (Organisation IGAS, RAPPORT N°RM2012-032P 87 ¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯ Bibliographie Agence d’évaluation des technologies et des modes d’intervention en santé du Québec, Evaluation des solutions de rechange à l’oxyde d’éthylène en stérilisation : plasma de peroxyde d’hydrogène et ozone, 25 février 2009 Association toxicologie-chimie : http://atctoxicologie.free.fr/ BEAUMEL C., PLA A., VATAN M., Statistiques d’état civil sur les naissances en 2008, INSEE Résultats Société 2009, 97. BOUALLAG N., Evolution des caractéristiques des mères et des nouveaux nés 1997-2009, Enquête périnatale française. 2011. www.U569.kb.inserm.fr/epf. BRETOT-RIHOUEY G., La stérilisation, Présentation au C.H.U. de Rouen, 12/10/2007 BROUARD C., ESPIE E., WEILL F.X. et al., Epidémie de salmonellose à Salmonella enterica sérotype Agona liée à la consommation de poudres de lait infantile, France, janvier-mai 2005. BEH 2006 ; (33) : 248-50. CARIOU S. et al Conseil scientifique DARBOR J.C., « Guide pratique – Décontamination, bionettoyage, désinfection, stérilisation » - 4ème édition – Masson 2000. CHAIGNEAU M., Actions de l’oxyde d’éthylène sur des matières plastiques, des silicones et des élastomères : absorption et combinaison, Mémoire présenté à l’Académie nationale de Pharmacie le 5 mars 1980. CHAIGNEAU M., Avantages et inconvénients de la stérilisation par l’oxyde d’éthylène du matériel médico-chirurgical et des produits pharmaceutiques, Bull ; Acad. Nat. Méd. 1983, 167, n°6, 627-631, séance du 28 juin 1983 COIGNARD B., VAILLANT V., VINCENT J.P. et al., Infections sévères à Enterobacter sakasakii chez des nouveau-nés ayant consommé une préparation en poudre pour nourrissons, France, octobre-décembre 2004. BEH 2006 ; (2-3) : 10-3. GOULLET D., DEWEERDT C., VALENCE B., CALOP J. ISSN : 1249-0075, Fiches de stérilisation, mises à jour en 2003, site de l’Association française de stérilisation http://afs.asso.fr IARC MONOGRAPHS VOLUME 97 Institut de veille sanitaire, Infections à Enterobacter sakazakii associées à la consommation d’une préparation en poudre pour nourrissons », rapport d’investigation octobre à décembre 2004 MINISTERE DU TRAVAIL, DE L’EMPLOI ET DE LA SANTE/INSERM, Enquête nationale périnatale 2010, http://www.sante.gouv.fr/IMG/pdf/Les_naissances_en_2010_et_leur_evolution_depuis_2003.pdf PLA A., BEAUMEL C., Bilan démographique 2010, INSEE Première 2011, 1332. SANCHEZ-CARRILLO C. et al., Contaminated feeding bottles: The source of an outbreak of Pseudomonas aeruginosa infections in a neonatal intensive care unite, Am J Infect Control 2009 ; 37 : 150-4. 88 IGAS, RAPPORT N°RM2012-032P ¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯ VAN ACKER J., DE SMET F., MUYLDERMANS G. et al., Outbreak of necrotizing enterocolitis associated with Enterobacter sakazakii in powdered milk formula. J Clin Microbiol 2001;39:293-7. Résolution WHA 58.32 sur la nutrition chez le nourrisson et le jeune enfant (OMS, 25 mai 2005)