Ces mutuelles du bien-être
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Ces mutuelles du bien-être
Extrait du journal Sud Ouest : Lundi 7 juillet 2008 Trois acteurs sur le marché des complémentaires 60 % des complémentaires santé sont assurées par les mutuelles organismes à but non lucratif régis par le Code de la mutualité. 2000 mutuelles composent la fédération de la Mutualité française (38millions de personnes protégées). Le reste du marché se répartit à parts égales entre les assurances, type AGF ou Axa, et les instituts de prévoyance. - Ces mutuelles du bien-être MÉDECINES ALTERNATIVES. Certaines complémentaires santé remboursent les médecines douces, poussées par des clients qui cherchent une alternative aux médicaments. Par Priska Ducoeurjoly. RAPPEL. L’entrée en vigueur de la franchise médicale et le déremboursement effectif de 218 médicaments depuis janvier donneraient-ils raison aux mutuelles qui osent, depuis peu, le remboursement des médecines douces ? Même si elles restent encore une minorité, leur nombre augmente rapidement. Les clients apprécient de plus en plus ces soins dits « non conventionnels », à commencer par l’ostéopathie, enfin reconnue par l’État après des décennies de discrédit. D’autres pratiques « hors cadre », alternatives au tout médicament, trouvent aussi grâce aux yeux des mutuelles. Décryptage d’un phénomène de société « émergent ». Un Français sur trois déclare avoir recours aux médecines naturelles au moins une fois dans l’année. (39 % exactement). Tel est l’enseignement du sondage Ifop effectué en novembre dernier (1) à la demande de la MFIF, une petite mutuelle parisienne de 10 000 adhérents, à la pointe du remboursement des médecines alternatives. Parmi les disciplines préférées des utilisateurs de thérapies complémentaires, c’est l’homéopathie qui arrive en tête, suivie de l’ostéopathie. Deux spécialités dont l’efficacité fait d’autre part toujours débat… La première n’est plus remboursée, « car elle ne répond pas à la médecine des preuves », précise Claude Boisseau, président du Conseil de l’ordre des médecins de la Gironde. « Si la plupart des services hospitaliers ne nous étaient pas fermés, on pourrait prouver notre efficacité », rétorque le docteur Martine Gardenal, présidente de la Société des médecins homéopathes spécialistes. La seconde spécialité sort tout juste de l’ombre. Depuis mars 2007, les ostéopathes peuvent pratiquer sans risquer «l’exercice illégal de la médecine ». Passé ce constat, la jurisprudence évolue vers le respect du choix du patient, comme l’affirme la loi de 2002 sur le droit des malades. Finances gagnantes. Les vertus préventives, mais aussi économiques, des médecines douces séduisent en tout cas les mutuelles. «Nous avons été les premiers à rembourser l’ostéopathie, il y a plus de vingt ans », s’enorgueillit Jean-Paul Balatre, directeur de la MFIF. « Cette technique manuelle soigne de nombreux maux sans radios, ni consultations chez divers spécialistes, ni médicaments. C’est pourquoi on n’hésite pas à rembourser 18 séances de 60 euros par an. Idem pour la naturopathie, qui remet les gens sur le chemin de la vie saine, avec psychologie. Nos finances sont largement gagnantes.» La MFIF propose aussi un forfait spécifique médecine douce (32 euros par mois), avec 34 séances de thérapies complémentaires par an, 200 euros d’homéopathie et 360 euros pour une cure de thalasso… Le confort absolu, à condition d’avoir le budget en plus. « L’engouement des clients est réel, voire pressant. Le déremboursement des médicaments par la Sécurité sociale les pousse vers les soins alternatifs », commente une assistante de direction de Myriade, l’une des trois principales mutuelles du SudOuest. « Rembourser les médecines douces a été un argument de vente vis-à-vis des autres mutuelles. Nous avons été novateurs dans le domaine. Aujourd’hui, le phénomène s’est généralisé. Notre garantie spécifique bien-être devrait évoluer. La prise de conscience est amorcée chez les “consommateurs” de médicaments. » « Elles ont fait leurs preuves ». « J’avais mal aux cervicales. J’ai été suivi par un ostéopathe sur trois séances, encouragée par mon prof de gym», commente Nathalie, 34 ans, adhérente bordelaise à Pavillon Prévoyance. « J’ai été surprise d’apprendre que je pouvais être remboursée. Cela m’a permis d’y retourner. L’ostéopathe en a profité pour me remettre en place à tous les étages. Cela faisait un moment que j’avais le dos de travers ! » « Ces médecines ont fait leurs preuves. Dans les dix ans, la profession va davantage se pencher sur ces thérapies, mais aussi sur le remboursement de produits naturels.»», commente Christian Germain, le directeur de CCMO, première mutuelle de l’Oise (160 000 personnes protégées). Certaines mutuelles établissent déjà, avec l’aide des pharmaciens, une liste de compléments alimentaires utiles à la santé et qui pourraient être remboursés dans leurs garanties. (1) En partenariat avec le salon Médecine douce & Thalasso, sur un échantillon représentatif de 958 personnes, par téléphone. Les femmes sont plus utilisatrices que les hommes, les moins de 35 ans plus que les aînés, les habitants du Sud (47%) et de l’Ouest (44%) tout particulièrement. Les timides et les motivées Les régionales s’y mettent. Les trois grandes mutuelles du Sud-Ouest intègrent des forfaits « bien-être », inclus dans les formules d’entrée de gamme. Myriade rembourse 75 € par an et par personne, avec un grand choix de thérapies (homéopathie, phytothérapie, ostéopathie, sophrologie, acupuncture, réflexologie). Compter 34 € par mois pour un trentenaire. Ociane propose un forfait de 90 €, mais elle se limite à l’ostéopathie et à la chiropractie, et ne propose pas la formule dans les petites couvertures. Pavillon Prévoyance (68 000 adhérents), La girondine rembourse 100 € sur six thérapies au choix. Compter 30 € par mois (pour un trentenaire). Les plus innovantes. CCMO, dans l’Oise, rembourse 12 thérapies (dont le yoga, la kinésiologie, le massage ayurvédique), incluses dans la garantie complète habituelle, pour 63 € par mois (35 € par séance, maximum 10 par an). Son autre produit « médecines douces + hospitalisation » séduit ceux qui ne recourent aux médicaments classiques qu’en cas d’urgence. MTRL, à Lyon, propose, pour 10 € par mois de supplément, six séances d’ostéopathie et d’acupuncture par an sur la base de 40 € par séance, 50 € de dépenses homéopathiques et 30 € d’automédication (dont les huiles essentielles). La plus ambitieuse reste la MFIF, qui propose, à67€ par mois, en plus de la couverture conventionnelle, pas moins de 36 séances d’ostéopathie et de naturopathie. La Sécurité sociale doit-elle rembourser les médecines non conventionnelles ? Pour JacquesWeischenck - Ostéopathe, directeur du collège ostéopathique Sutherland (COS) Paris-Nantes-Bordeaux Oui ! Il serait normal que nos soins soient pris en charge par l’assurance maladie. Si nous étions intégrés dans le parcours de soins, nous pourrions davantage œuvrer en synergie avec les médecins, les dentistes, les podologues, les kinésithérapeutes. La médecine conventionnelle rencontre des difficultés sur de nombreuses pathologies chroniques coûteuses pour la Sécurité sociale en termes de consultations, d’examens médicaux, de pharmacie. L’ostéopathie peut intervenir efficacement sur des maux aussi variés que la sciatique, les sinusites, la constipation, les migraines. Elle permet d’éviter le recours aux médicaments et l’apparition d’effets secondaires. De plus en plus de médecins reconnaissent maintenant l’ostéopathie. Le Conseil de l’ordre ne nous attaque plus pour « exercice illégal de la médecine ». La faculté de médecine a même créé une formation d’ostéopathe. On peut seulement regretter qu’elle l’ait fait pour nous couper l’herbe sous le pied. Leur formation n’est que de 200 à 400 heures, alors que les écoles d’ostéopathie imposent au moins 2 660 heures, et généralement 5 000 heures, comme c’est le cas pour notre Collège depuis vingt-cinq ans. Contre Daniel Kieffer - Président de la Fédération française de naturopathie, la Fenahman (Bidart, 64) Non ! Demander à la Sécurité sociale de rembourser les médecines non conventionnelles est à l’opposé de nos convictions. Par principe, la naturopathie s’intéresse à l’hygiène et à la qualité de vie, accompagne les gens vers plus d’autonomie, de prise en charge individuelle de leur santé. Assister, c’est déresponsabiliser, sauf dans les pays en voie de développement, bien entendu, même s’il est toujours préférable d’apprendre à pêcher que de donner du poisson ! La surconsommation de médicaments, le déficit de la Sécurité sociale et surtout la perte du bon sens vis-à-vis des lois de la nature sont trois conséquences de cet assistanat. En tant qu’éducateurs de santé, nous nous situons dans le domaine de la prévention, en amont de la maladie, même si la naturopathie réveille notre capacité d’auto guérison dans nombre de troubles chroniques. Notre corporation œuvre pour une médecine dite « intégrée », où allopathie, médecines douces et éducation de santé se respectent et se complètent (comme c’est le cas en Inde, en Chine ou en Grande-Bretagne). En revanche, je suis favorable au remboursement de nos pratiques par les mutuelles. Dans ce cas, c’est bien le citoyen qui se responsabilise.