Les jeunes face aux blogs et aux logiciels sociaux

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Les jeunes face aux blogs et aux logiciels sociaux
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Les jeunes face aux blogs et aux logiciels sociaux
Les jeunes face aux blogs et aux logiciels sociaux
Bruno Salgues, Directeur d’études (professor), Institut Telecom, TMSP, Département MMS, EVRY,
France, mail : [email protected]
Olivia Bernard, Doctorante, Laboratoire CIM, Université de Paris III Sorbonne Nouvelle, mail :
[email protected]
Abstract :
Les jeunes semblent être les premiers utilisateurs de
blogs et de réseaux sociaux. Cet article analyse
quels sont les conditions d’utilisation et en
particulier comment les jeunes s’approprient ces
technologies tout en étant dans une génération de
l’ennuie.
Mots clés : Jeunes, TIC, blog
Les jeunes sont des utilisateurs très actifs des Tics
et plus particulièrement d'Internet. Qu'il s'agisse de
messagerie instantanée, de blogs ou de recherches
documentaires, ils savent et utilisent les ressources
mises à leur disposition via le canal numérique. Les
travaux de Laurence Le Douarin à propos de la
« rétrosocialisation » manifestent bien l’importance
de l’informatique pour les jeunes.1 En effet, il se
produit un phénomène d’appropriation intéressant
au travers de cet outil. Ce sont souvent les jeunes
qui expliquent à leurs parents comment fonctionne
l’ordinateur, et plus particulièrement au travers
d’Internet. Ils téléchargent les logiciels permettant
de faire fonctionner la machine, mais ils savent
aussi parfaitement utiliser les ressources d’Internet,
tant pour le téléchargement de musique ou de films
que pour les recherches documentaires.
Ce phénomène de « rétrosocialisation » est aussi
confirmé par les chercheurs du Groupe de
Recherches sur la Relation Enfant / Média. Ils
s’intéressent eux aussi à la relation des adolescents
avec les médias et ils font le constat que «Les
jeunes sont bien meilleurs experts que les adultes
dans l’usage et la maîtrise des nouveaux dispositifs
médiatiques et ils semblent en tirer un gain au plan
cognitif, mais dans une dimension essentiellement
opératoire. ».2
1
L. Le Douarin et J. Salvador (dir.), Conditions et
genres de vie. Chronique d’une France, Caen,
Presses Universitaires de Caen, 2004.
2
GRREM, Dir. Jacquinot, Geneviève, Les jeunes et
les médias : Perspectives de la recherche dans le
monde, Marly-le-roi et Paris, INJEP et
L’Harmattan, 2002 , p. 27.
Au regard de leur usager intensif des Tics, ils
convient de s'interroger plus particulièrement sur la
population jeune et la manière dont ils organisent
leurs relations sociales sur internet afin de mieux
comprendre leurs pratiques communicationnelles.
Le réseau amical ou groupe de pairs est un élément
essentiel dans leur construction identitaire et nous
allons voir dans quelle mesure les blogs, type
journal intime ou les plates-formes communautaires
participent-ils de cette construction de soi et de leur
insertion dans l'environnement social et le milieu
socioculturel dans lequel ils évoluent. Ce travail
propose donc une synthèse d'articles et d'ouvrages
de recherches sur les pratiques adolescentes sur les
blogs et les réseaux sociaux.
Dans un premier temps nous verrons ce qu'il en est
de leur pratique et leur accessibilité à internet, puis
nous nous intéresserons plus spécifiquement à
« l'économie » des blogs et des plate-formes
communautaires, pour finir par les pratiques des
jeunes sur ces nouveaux réseaux.
1. les jeunes
l’opérationnel
et
Tic,
la
domination
de
Dans cette première partie, nous ferons références à
des études réalisées sur la relation entre les jeunes
et les TIC qui ont un impact direct et une validité
sur notre sujet, les blogs et les logiciels sociaux.
1.1. Un usage « opératoire »
Le rapport des jeunes et en particulier les
adolescents, avec les outils de communication ne
cesse de poser des questions, et préoccupe les
adultes autour d'eux.
D. Pasquier rappelle l’importance des outils
d’information- communication dans la vie des
adolescents, ainsi que l'étude de leurs pratiques
culturelles si on veut appréhender leur mode de
socialisation. Les outils de communication ont des
fonctions multiples dans la vie des adolescents.
Internet leur permet surtout d’échanger, mais il
participe aussi à la construction de leur identité
culturelle. Le téléphone portable est un outil de
communication essentiel, tant au niveau de leur
autonomisation par rapport à leurs parents que pour
communiquer avec leurs réseaux relationnels :
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« Les lycéens maîtrisent extraordinairement bien
l’écologie de ce système pourtant fort complexe. Ils
savent préciser comment ils communiquent avec
telle personne ou tel groupe de personnes. Ils
savent raconter ce que chaque mode de
communication représente pour eux, en termes
d’expression des sentiments. […] Contrairement à
une idée reçue, les nouvelles technologies de
communication ne se sont pas substituées aux
formes d’échange plus traditionnelles, comme la
correspondance épistolaire ; elles ne sont pas non
plus perçues comme un mode d’interaction plus
agréable que les rencontres en face à face »3
Une étude réalisée par la société Média pro en Juin
2006, s’intéresse aux pratiques médiatiques des
jeunes et confirme ce que nous avions évoqué
précédemment
concernant
leurs
pratiques
communautaires sur Internet : « La pratique s’est
généralisée massivement et les usages se sont
ancrés autour de deux pôles : la fréquentation des
sites, surtout pour le travail scolaire, et la
communication à distance, avec tous les services
mis à disposition (téléphone portable, messagerie
instantanée et dans une moindre mesure le courrier
électronique). Les jeunes ont intégré ces médias
dans leur vie quotidienne, de façon régulière mais
modérée, comme des services disponibles en
fonction des priorités du moment. »4
Ces différentes études donnent un aperçu de l’état
de la recherche actuelle sur les pratiques
médiatiques des adolescents et manifestent bien
d’une forme de responsabilisation des jeunes au
niveau de leur usage des Tic, aussi, nous centrerons
la recherche sur leurs utilisations, tout en gardant à
l’esprit que tous les jeunes n’ont pas forcément
accès à Internet,
1.2. Des usages à relativiser du fait de
l’accessibilité
Parmi les 12-17 ans, 83 % d’entre eux disposent
d’un accès à Internet et d'un ordinateur sur leur lieu
d’étude. Seulement 2% de la population étudiée
n’a pas d’accès à la Télévision. 98% des jeunes de
12 à 17 ans équipés en téléphone envoient des
SMS. Pour ce qui concerne l’utilisation des
fonctionnalités complémentaires offertes par les
téléphones mobiles ou les opérateurs, 54 %
écoutent de la musique et 27 % des clips ou des
vidéos, 37 % pratiquent le téléchargement depuis
leur téléphone. 62% de la population de 12 ans et
plus qui possèdent un micro-ordinateur à domicile,
l’utilisent tous les jours. Sur l’ensemble de la
population interrogée, les 12-17 ans regroupent 95
3
D. Pasquier, op. cit., pp.116-117.
http://www.clemi.org/international/mediappro/Me
diappro_b.pdf
4
% d’internautes. Pour le téléchargement de
musique, 60 % sont concernés, 30 % pour les films
et 44% pratiquent les jeux en réseaux. Les jeunes
sont les plus fervents amateurs de blogs avec 48%
des internautes de cette tranche d’âge qui ont
développé un tel outil.5
Il convient aussi de relativiser l’étendue de cette
recherche car en choisissant de s’intéresser aux
blogs des jeunes, elle exclue automatiquement une
partie de la jeunesse qui n’a pas accès aux
technologies
numériques
d’informationcommunication. Par conséquent, nous ne
prétendons nullement à une généralisation de nos
résultats au travers de cette étude, il s’agit d’une
présentation d’utilisation possible d’un réseau
social par les adolescents car pour ceux qui
disposent d’un accès, il apparaît aussi nécessaire de
s’intéresser à leurs activités et leur utilisation
d’Internet. Comme nous l’avons vu au travers de
l’étude du Crédoc 95% des 12-17 ans ayant un
accès ordinateur sont aussi des utilisateurs
d’Internet. On se rend compte de l’importance de
cette tranche de population concernant une
investigation sur Internet et les réseaux sociaux. Par
ailleurs, la familiarité des jeunes avec les
technologies d’information-Communication rend
leur examen d’autant plus nécessaire car il pourrait
mettre en avant des utilisations voire des usages
non représentés chez les adultes.
1.3. Internet : Une économie d’interactions
sociales6
Thierry Pénard et Raphaël Suire expliquent
comment le développement et la diffusion
d’Internet dépendent fortement de ces interactions
sociales. La thèse de Suire développée en 2002
explique l’importance du taux de pénétration
maximal dans la diffusion d’un bien ou service, il
s’agit en fait du moment où une forme d’équilibre
est atteinte et auquel les conditions pour une
généralisation de sa diffusion et de son adoption
sont alors favorables. Pour Internet, il a été atteint
dans les années 80, sous l’impulsion des chercheurs
américains et c’est dans les années 90 qu’il s’est
finalement ouvert au public.
La thèse d’Arthur (89-94), met en évidence
qu’Internet est en réalité un objet complexe car il
représente un « rendement croissant d’adoption »
lié au capital social et à la relation de confiance.7
5
http://www.credoc.fr/publications/abstract.php?ref
=R249
6
Thierry Pénard & Raphaël Suire, Economie de
l’Internet : Une économie d’interactions sociales,
Université de Rennes 1 – Avril 2007
7
ARTHUR B., (1989), ‘ Competing technologies,
increasing returns and lock-in by historical events’,
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Ce dernier conduit à des externalités dites
« pécuniaires » : La croissance d’Internet conduit à
des économies d’échelle et une concurrence accrue
sur un accès ou un service. Mais elle conduit aussi à
des externalités « non pécuniaires » au sens où sa
forte croissance permet aussi de faire augmenter la
variété ou les qualités des contenus, de services ou
d’autres interactions en ligne. Cette courbe de
l’économie d’Internet se développe donc sous la
forme d’un S et elle est fortement dépendante des
théories ou des conceptions de diffusion propres
aux leaders d’opinions (les « early adoptants »)
Mais il faut aussi souligner quelques inégalités
d’usages. Selon eux, ces inégalités ont cinq causes
principales : « La qualité des équipements et les
moyens financiers, le degré d’autonomie individuel,
les motifs d’utilisation, le niveau de compétence et
le réseau social d’assistance. » Les conseils et
l’assistance de l’entourage permettent d’économiser
du temps dans la sélection des utilisations
intéressantes
et
dans
leur
apprentissage
(mimétisme). Les auteurs citent des exemples
d’étude ayant mis en valeur les causes de ces
inégalités. L’étude de 2005, sur l’achat en ligne,
montre bien qu’un réseau dense d’acheteurs aura un
effet rassurant pour un nouvel acheteur. Une autre
étude en 2007 a montré que ce capital social, selon
sa composition pouvait se révéler être une source
de clivage ou d’hétérogénéité des usages de
l’Internet. En effet, cette étude qui s’intéressait aux
réseaux sociaux a fait ressortir des différences très
importantes au niveau des profils individuels. En
2001, l’étude menée par Wellman et Al. a montré
qu’une utilisation intensive d’Internet faisait aussi
augmenter l’engagement individuel dans des
réseaux associatifs ou des communautés en ligne ou
hors ligne. Une autre étude de Kraut a mis en valeur
l’impact positif de l’utilisation d’Internet sur les
réseaux sociaux proches (familles) quand les
individus étaient éloignés géographiquement. En
2006, une autre étude de Pénard et Poussaing cités
par Suire et Pénard vient compléter cette idée :
« Internet permet de maintenir le contact avec sa
communauté d’origine (liens forts) en cas de
mobilité mais aussi de diversifier et de renouveler
son capital social (liens faibles). ». Suite à ces
différentes études, on se rend compte qu’Internet
offre des possibilités multiples, mais que son
appropriation dépend aussi de nombre de variables
comme le capital social. Par conséquent nous allons
tenter d’observer, dans le cas des jeunes, comment
ces derniers se sont appropriés Internet et
l’utilisation du réseau social Facebook. Par ailleurs,
The Economic Journal, 99, pp. 116-131. &
ARTHUR B. (1994), Increasing Returns and PathDependence in the Economy, University of
Michigan Press, Ann Arbor, Mich..
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nous essayerons aussi au travers des entretiens de
voir quels types de liens (forts ou faibles) les jeunes
favorisent-ils le plus via leur utilisation d’un réseau
social sur Internet. Nous entendons par liens forts,
ceux que l’on peut apparenter au groupe premier et
par liens faibles, les relations relevant plus de
connaissances ou fréquentations, voire uniquement
via une relation virtuelle.
2. Blogs, réseaux sociaux, des outils attirants
Le constat que nous avons fait au cours de notre
étude est le caractère attractif pour ne pas dire
additif des blogs et des réseaux sociaux. Le succès
de Skyblog comme celui de facebook ne sont que
des exemples.
2.1. Les blogs et les réseaux sociaux.
Pour l’Encyclopédie Universalis en ligne: « Un
blogue (en anglais blog, contraction de weblog), est
un site Web personnel, évolutif et d'allure
indépendante, présentant des réflexions de toutes
sortes, généralement sous forme de courts
messages. Le blogue est mis à jour par son auteur,
qui tient compte des commentaires de ses lecteurs.
À la différence d'un blogue, qui exprime la pensée
d'un individu, le Wiki est un site Web collaboratif
matérialisant les idées d'un groupe qui partage une
philosophie ou des intérêts communs »8
Cette définition reste très large et peu explicite sur
les différents types de blogs observables sur la toile.
A l’heure actuelle, on se rend bien compte que les
« sites personnels » et leurs présentations se sont
fortement diversifiés et nous allons tenter de nous
aider de plusieurs définitions afin de cerner le type
de blogue le plus utilisé par les adolescents. Ainsi,
nous aurons des critères de sélection qui nous
permettront de proposer une méthode d’analyse en
vue de notre étude de cas.
Cette définition de Nigel Horrocks dénombre cinq
classes différentes :
« Le premier est celui qui est basé sur « les pensées
journalières » du bloggeur ; ils prennent souvent la
forme de post journaliers et assez courts, parfois
accompagnés d’images. Le deuxième type de blog
est celui des « choses intéressantes » que le
bloggeur a trouvé sur la toile, presque toujours
accompagnées de liens et habituellement de
commentaires. Le troisième type consiste à
présenter des « pensées pour provoquer des
commentaires » ou opinions à propos des nouvelles
et d’évènements d’actualité ou seulement à propos
8
http://ezproxy.scd.univparis3.fr:2074/article2.php?napp=&nref=C050026
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d’un questionnement, avec l’objectif d’obtenir une
réaction et peut-être de créer un changement. Le
quatrième type, le blogue de famille, est
généralement issus d’un effort collectif et peut être
accessible ou non au grand public. Pour finir, les
blogues d’information qui sont exactement ce que
leur nom suggère – une manière pour les gens ou
les organisations de partager des informations sur
des sujets divers. Horrocks précise que beaucoup
de blogues peuvent être classés dans plus d’une de
ces catégories. »9
dans l’accompagnement éducatif. »11 On voit
apparaître dans cette réflexion un des fils directeurs
de notre objectif de recherche ou tout du moins un
point de départ possible : établir le dialogue. Un
deuxième questionnement se pose au niveau de
cette conscience ou non conscience des adolescents
sur l’accessibilité de leur blog. Par conséquent, au
travers des entretiens que nous effectuerons lors de
l’étude de cas, nous tenterons d’éclaircir ou de
recueillir leur point de vue sur ce caractère public
de leur blog.
Les types de blogs
Dans le cadre de notre recherche, nous pouvons
identifier trois types de blogs présentant un intérêt
pour les « jeunes » et de leurs pratiques éditoriales :
Les premiers se présentent comme des journaux
intimes, mais ayant pour caractéristique plus
spécifique
d’être
externalisés :
http://mavieparisienne.centerblog.net/
ou
http://ptitecolombine.centerblog.net/
D’autres blogs sont crées autour de thèmes comme
l’expression, le concours du meilleur blog, etc. Ce
sont des blogs hyper-thématiques et souvent
orientés autour des raisons qui ont poussés la
personne à faire ce blog (origine du thème,
évènement
ou
passion)
http://incroyablemaisvrai.centerblog.net/
ou
http://tourismemonde.centerblog.net/
Les blogs fourre-tout sont une autre catégorie. Il y
aussi les blogs dans lesquels on retrouve un peu de
tout, pas nécessairement sur la vie de l’auteur, au
contraire
des
blogs
intimes.
http://www.blognaute.net/
Avec qui ?10
« Les jeunes bloguent. Mais surtout les jeunes
bloguent entre eux. Loin d’eux l’idée qu’ils
pourraient être lus par leurs parents ou leurs
professeurs. Ils semblent vivre dans leur propre
blogosphère. Nombreux sont les adultes tenus à
l’écart ou déroutés par ces nouvelles pratiques de
communication. C’est pourquoi, il devient essentiel
aujourd’hui qu’ils les connaissent et les
comprennent, afin qu’un dialogue puisse
s’instaurer entre parents et enfants, entre
enseignants et élèves. Le dialogue, premier pas
Un article de septembre 2006, paru dans les
analyses du Journal du net va dans le sens de notre
perspective de recherche, étant donné que l’auteur
identifie aussi ces blogs, sous formes de journaux
intimes, comme une classe majeure dans les
typologies de blogs. Par ailleurs, cet article
confirme aussi l’importance des blogs pour les
populations jeunes « Selon l'étude de Médiamétrie
"La blogosphère en ébullition" parue en décembre
2005, la population des bloggeurs est très jeune :
plus de 80% des rédacteurs de journaux en ligne
ont entre 11 et 24 ans. Et 54% sont de sexe
féminin. » 12. Cet article nous renforce dans l’idée
que les adolescents sont une population fortement
représentée sur Internet, et par conséquent elle
apparait intéressante à étudier au niveau des blogs
ou des pages personnelles sur des réseaux sociaux.
2.2. Le blog « journal intime »
Pour présenter les blogs du type journal intime,
nous nous référerons à l’ouvrage de Philippe
9
L. A. Clyde (trad. Bernard Olivia), Weblogs and
Libraries, Great Britain : Chandos Publishing,
2004, p.10.
10
Marie-Estelle Carrasco, co-auteur du livre Le
nouveau pouvoir des internautes, support de son
allocution du 8/06/06 pour la Fing.
11
M-C. Orban, « Les jeunes et la blog’ attitude »,
Médialog, n°56, Décembre 2005, p. 39
12
http://www.journaldunet.com/solutions/0606/060
629-analyse-blogs-veille.shtml
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Lejeune et Catherine Bogaert intitulé Le journal
Intime Histoire et Anthologie. Cet ouvrage très
général sur le journal intime nous informe
largement sur les contenus et les différentes
préoccupations que l’on peut trouver dans ces écrits
personnels. Ils expliquent notamment quel est
l’intérêt de ces journaux pour leurs auteurs :
Conserver en mémoire, s’épancher, se connaître,
délibérer ou résister sont des fonctions attribuées au
journal intime et qui permettent une avancée et une
construction personnelle pour leurs auteurs. La
problématique récurrente avec ces journaux se pose
au niveau de leur caractère « intime ». En effet, de
nombreuses questions sont soulevées par ces
chercheurs telles que le fait de rendre public le
journal de l’auteur après sa mort, le partage de son
contenu par la lecture d’un tiers voire la publication
sont des problématiques déjà connues par tous ceux
qui écrivent des journaux intimes sur papier. Cette
question de la confidentialité se retrouve
nécessairement déplacée quand on s’intéresse aux
blogues de type « journal intime », son caractère
public étant déjà affirmé au travers du support. En
effet, un blogue est comme une page personnelle de
site web et par conséquent elle peut-être consultée
par d’autres personnes. Toutefois des sites
fournissent la possibilité de conserver ce caractère
privé et intime du journal, Canalblog par exemple
propose une entrée par mot de passe sur le blogue,
ce qui permet à l’auteur de garder un contrôle de sa
fréquentation.
Dans le même ouvrage, un passage est dédié aux
journaux en ligne sur Internet« En 2004, 31% des
ménages français avaient accès à l’Internet, et
aujourd’hui sans doute davantage. Ce n’est plus
seulement l’affaire des jeunes adultes compétents,
mais de tout le monde, en particulier de très jeunes
adolescents, mais aussi de retraités. Vous n’avez
plus besoin de savoir créer un site, vous vous
inscrivez dans une « plate-forme » spécialisée, il y
en a maintenant beaucoup, vous choisissez vos
options, et en route. Le mot « blog » (abréviation
de « weblog », carnet sur le web) est employé en
France depuis 2002 ou 2003 comme il l’était
depuis les années 1990 dans le monde anglophone
pour désigner ces « carnets » qui ne se comptent
plus par centaines, mais par centaines de milliers,
et qui recouvrent les pratiques personnelles et
sociales les plus diverses, cousinant avec le
courrier électronique, les listes de discussion et la
presse traditionnelle. Tout se passe comme si le
journal individuel (le cahier) et le journal collectif
(la presse), qui s’étaient séparés au début du XVIIe
siècle, se retrouvaient confondus dans une nouvelle
aventure qui est un défi pour la presse (n’importe
qui peut fonder un organe d’opinion ou
d’information !) et peut-être une métamorphose
pour le journal personnel (repris dans un jeu social
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qui l’éloignera des vertiges et des solitudes de
l’intimité).»13
Concernant les adolescents, il nous parait plus
approprié de traiter d’abord de la première
dimension du blog qui est celle du journal intime.
Cette première approche fournira des informations
sans doute non négligeables sur leurs
préoccupations. Cette fonction de journal intime
permet d’avoir une approche personnalisée et par
ailleurs, on peut aussi supposer qu’elle est la forme
de blog la plus répandue dans cette catégorie de la
population.
On peut dire que la limite entre le blog « intime et
le blog d’actualité ou d’information » n’est pas
toujours aussi évidente. Les auteurs peuvent parfois
mêler ces différents styles au sein d’un même blog.
Ces divergences de pratiques éditoriales ne sont pas
nécessairement un frein à notre recherche sur les
préoccupations des jeunes. En effet, l’articulation
de ces deux stratégies éditoriales est un phénomène
qui paraitrait particulièrement intéressant à analyser
pour mieux appréhender les intérêts des jeunes.
Cette comparaison avec le journal intime est une
forme de classification du blog ou de l’espace
personnel. Cela s’applique d’autant plus dans le cas
des adolescents car ils publient essentiellement des
photographies, parfois accompagnées de textes,
mais le plus souvent il s’agit de moments ou
d’expressions de leur vie personnelle. Par
conséquent, le journal intime paraît approprié pour
un éclairage sur la fonction des blogs et des espaces
personnels sur Internet.
« La pratique du blog se retrouve effectivement
centrée sur le groupe d’appartenance. Le but
recherché est double : entretenir cette sociabilité et
l’inscrire dans un présent, qui sera passé dans le
futur. Le blog se trouve utilisé comme support de la
mémoire de l’« entre-soi » des adolescents, qui
donne cette impression d’album photos, ennuyeuse
pour toute personne extérieure au groupe. De cette
intersubjectivité évidente partagée entre les
membres de la communauté, découle un
attachement et une même pratique de l’espace,
limité à quelques lieux publics, le lycée et les
espaces publics de la commune du lieu de vie, et
aux espaces privés. »14
13
C. Bogaert et P. Lejeune, Journal intime, Histoire
et Anthologie, Paris : textuel, 2006, p. 228-229.
14
O. Tredan, « Les weblog dans la Cité : Entre
quête de l’entre-soi et affirmation identitaire »,
Cahiers de Recherches Marsouin, n°6, 2005, p. 5.
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2.2. Le blog comme outils de résistance
Ce poser la question du blog ou du logiciel social
comme outils de résistance, c’est se poser la
question du contre quoi ou contre qui ? la crise du
CPE comme les élections présidentielles ont vu
fleurir de nombreux blogs et site communautaire.
Nous tenterons ici d’analyser ces quelques
phénomènes.
Les blogs et la politique
Une première piste semble être les politiques. Jeune
candidate parisienne du parti MODEM, Quitterie
Delmas l’affirme. Les jeunes sont perçus comme
des « dangers » pour les politiques et les autres
pouvoirs en place. Ceci engendre une vraie crise de
représentativité, des «engagés» attendent le futur.
Dans les partis politiques, le tapis rouge n’est pas
déroulé pour les jeunes. En revanche, ils peuvent
s’exprimer par les blogs. En effet, le tract est validé
par les instances, donc les anciens, ce n’est pas le
cas du blog qui reste libre.
Séverine Tessier anime l’association « Anticor » ,
et le blog « génération politique », les deux sont un
appel à la résistance contre la corruption politique.
« La corruption ne passera pas par nous. Non ! Les
élus ne sont pas tous pourri, mais, en matière de
corruption, c’est l’omerta qui règne ».
L’association recherche tous les moyens de diffuser
le message et les blogs en sont un. La corruption
n’a pas de couleur politique, elle touche tous les
corps constitués. C’est pour cela que l’association
demande de faire de la transparence sur le
patrimoine de chacun des élus. C’est ce qu’avoue,
Alain Lambert , ancien ministre, sous une forme
policé : « on est dans un pays qui manque de
transparence ». Il justifie ainsi « SON blog » et
ceux des jeunes qui l’entourent ou le critique. Pour
l’instant, c’est vécu par certains politiques comme
une forme d’agression mais cela rentrera plus tard
dans un mode naturel, tel est alors son constat.
Un lycée expérimental s’éclate sur le net
Pour lequel d’entre eux voteriez vous ? Le Fashion
Party, leParti la F.O.I, le Parti La Peine. Tel est la
proposition des jeunes du Lycée Auguste Blanqui
de Saint Ouen . Cette action a été réalisée avec
l’aide de XLR PROJECT . Dans le cadre du festival
Mal au Pixel, XLR PROJECT a mis en place des
ateliers multimédia avec des jeunes de Saint Ouen.
Les participants ont imaginé trois partis politiques
en lices pour la présidentielle et défendent avec
vigueur et humour, leurs programmes loufoques.
Cette action se situe dans le lycée ou une
expérience de tutorat a été initiée par l’équipe
depuis le début de la rentrée 2006. Cette démarche
s’inscrit dans le cadre du Projet « Lycée
expérimental » pour l’égalité des chances en SeineSt-Denis. Cette expérience a reçu le soutien d’une
cinquantaine de parrains potentiels, pour l’essentiel
des cadres d’entreprises de Saint-Ouen et alentours
comme Danone, L’Oréal, Gaz de France ou EDF;
mais aussi des journalistes, des enseignants des
universitaires et des élèves de Grandes Ecoles. Cas
de figure intéressant, le Lycée Blanqui est situé à
50 mètres de la porte Montmarte, quasiment sous le
périphérique parisien à la frontière entre Paris et le
“9-3″. Selon le blog local : « Autant dire à la
frontière de deux mondes; 52 % des élèves
intégrant Blanqui en classe de seconde sont issus de
catégories sociales défavorisées, c’est très loin de la
moyenne académique (30 %) et encore plus de la
moyenne nationale (20 %) ».
2.3. Les jeunes et l’addiction technologique
Nous ne traiterons pas de l’addiction des jeunes à
ces technologies pour un simple fait, elle est
marginale au regard d’autres formes d’addiction
comme le tabac et les drogues. Mais cette addiction
sans drogue présente quelques caractéristiques qui
est utile pour notre démonstration et que nous ne
pouvons sous silence.
Le centre Marmottan s’occupe de l’accueil de
personnes en addiction sans drogue, en particulier
des jeux vidéo, des téléphone portable, des sites
web spécialisés. Ce sont des « hard core gamers »,
des « hard core users ». C’est un état minoritaire,
une approche par les marges. Les gens concernés
principalement concernés sont joueurs de «
Massively Multiplayer Online Role Playing Game
» ou MMPORG. Parmi ces types de jeux, citons
World of Warcraft, qui rassemble plus de 10
millions de personnes dans le monde. Dans ces
jeux, le monde est persistent, et il s’y passe des
choses même quand lorsque l’utilisateur n’est pas
connecté. L’image, cette image persistante est clé.
Les joueurs sont donc obligés de se regrouper pour
pouvoir gagner des batailles, essentielles dans ce
type de jeux. Nous revoyons là un autre point
important qui est celui de la relation15.
15
Cette partie est extraite d’une intervention
d’Elisabeth Rossé (Psychologue, Hôpital Marmottan),
Désir et addiction dans la médiation technologique.
Les Entretiens du nouveau monde industriel, 3 et 4
octobre 2008, Centre Pompidou, Paris, co-organisé
par l'Institut de recherche et d'innovation
(IRI)/Centre Pompidou, le pôle de compétitivité Cap
Digital et l'ENSCI-Les Ateliers (Ecole nationale
supérieure de création industrielle.
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Les jeunes face aux blogs et aux logiciels sociaux
Ces jeux s’inscrivent dans une reconnaissance telle
que le pensait Paul Ricoeur. Les jeunes fuient
(s’enfuient) dans ces jeux, c’est une échappatoire.
Ils se caractérisent par une standardisation du désir,
celui du jeu. Pour Elisabeth Rossé, on assisterait là
à un affaiblissement des cadres traditionnels de
socialisation, parents et enfants ne savant plus
comment s’y prendre.
Elle aborde également un autre thème, le fait que la
terminologie identitaire soit mise à mal. Il y a des
multitudes de possible. Il y a une tribalisation. Les
individus s’agrègent et se détachent à des
regroupements qui se nomment le plus souvent des
guildes. Dans ce guildes, ils échangent, que ce soit
dans le jeu ou en dehors de celui-ci, parfois en face
à face dans des salles, mais le plus souvent à travers
le réseau.
Le personnage est une alternative pour répondre au
besoin de l’unité. Il y a aussi dans ces jeux une «
detemporalisation » du travail. Il n’y a ni heure, ni
horaire. L’avatar constitue la parfaite présence dans
le jeu et souvent sa forme physique est
intemporelle, mélange de personnages moyenâgeux
et actuels. Dans ces jeux, il faut monter dans la
compétence : on se mesure à des niveaux, mais il y
a aussi un « Role play », c'est-à-dire la construction
de l’histoire du personnage. L’usager peut changer
de sexe, se créer des fonctions…
Ce qui semble donc important, c’est la perte de sens
spatiale comme temporelle dans la construction
identitaire des individus. Ils recherchent dans un
premier temps dans de nouvelles formes de
socialisation, qui peuvent être tribales, mais qui
sont dans tout les cas, hors des sphères classiques
de l’éducation à l’école et par les parents. Un
deuxième point majeur est le rôle que joue l’image,
ce que nous traitons dans la suite.
3. La civilisation de l’image
Les jeunes actuels né « AVEC » la télévision sont
dans la civilisation de l’image, qui prédomine par
rapport à celle de l’écrit. Ainsi, une vision
canadienne de l’échec du monde, liée à celle de
l’école, provient de l’absence de formation à
l’image associée à un faible respect de ses
approches. C’est ce processus continu avec
l’arrivée des TIC, qui bouleversent notre vie
quotidienne, et qui se traduit à nos yeux dans
l’usage des blogs avec photos comme des réseaux
sociaux ou l’image prédomine.
3.1. La civilisation de l’image a d’abord impacté
l’école et la connaissance
Yves Doré avait écrit en 1973 un excellent livre
avec un des ses anciens élèves Serge Bureau. Voila
247
ce qu’il dit. « A mon sens, l’écoeurement des
jeunes face à l’école découle de deux choses
principales : d’abord les institutions scolaires sont
administrées par des administrateurs qui
administrent pour administrer des administrés et
même cela ils le font mal ».
La seconde raison est encore plus grave. « Ces
écoles essaient péniblement d’éduquer des jeunes
qui de fait n’existent plus. Mais quand aux jeunes
qui existent eux, ils sont forcés de vivre dans des
cages de ZOO (Zoogondaire, Zoogep,
Zoouniversité) où ils font des grimaces que les
dompteurs récompensent en leur donnant des
diplômes. J’appelle cela un GENOCIDE ». Yves
Doré parle de cette culture de l’image qui pour
l’instant ne dépasse pas quelques illustrations dans
les manuels scolaires.
Chaque mode d’enseignement a sa manière à elle
de résoudre les problèmes de connaissance.
3.2. L’exemple de Rudolf Arnheim (1965)
Cet exemple issu dans des sciences de l’éducation
est intéressant dans la mesure ou il pose el
problème de l’image.
Pierre et Paul se trouvent en présence du même
devoir: ‘Il est maintenant 3h 40. Quelle heure serat-il dans une demi-heure?’ Pierre procède comme
suit: il se souvient qu’une demi-heure équivaut à 30
minutes. Donc 30 doit être ajouté à 40. Puisque
dans une heure il n’y a que 60 minutes, le reste de
10 minutes sera reporté sur l’heure suivante. Cela
lui donne la solution: 4h 10. Pour Paul, l’heure est
représentée par la face circulaire de l’horloge, et
une demi-heure est la moitié de ce disque. A 3h 40,
l’aiguille des minutes est placée obliquement à
deux unités de cinq minutes à gauche de la
verticale. Utilisant l’aiguille comme base, Paul
coupe le disque en deux et arrive à deux unités à
droite de la verticale de l’autre côté. Cela lui donne
la solution qu’il traduit en chiffres: 4h 10. Aussi
bien Pierre que Paul ont résolu le problème par la
réflexion. Pierre l’a traduit en quantités sans faire
appel à une expérience sensorielle. Il a manié les
chiffres au moyen de rapports qu’il avait appris par
cœur, enfant: 40 + 30 = 70; 70 - 60 = 10. Il a pensé
‘intellectuellement’. Paul, en revanche, a abordé le
problème à l’aide d’une image visuelle appropriée.
Pour lui, un tout est une forme simple, complète;
une moitié est la moitié de cette forme, et la
progression du temps n’est pas une augmentation
en quantité arithmétique mais un voyage circulaire
dans l’espace. Paul a pensé ‘visuellement’”. Deux
formes
d’intelligence
qui
fonctionnent
différemment à résoudre des problèmes similaires.
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Volume 9, 2009 ISSN: 1943-7765
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Bruno Salgues and Olivia Bernard
Les adeptes d’une autre forme de pensée forment
des jugements sévères en ce qui concerne la forme
initiale. Rudolf Arnheim montre dans cet exemple
qu’un problème scolaire peut être résolu par des
étudiants de façons différentes. Les deux modes de
pensée sont divergents mais néanmoins corrects. Le
pédagogue québécois Yves Doré (1973) explique le
fossé des générations par la prééminence de l’une
ou l’autre forme d’intelligence qui sont, selon lui,
diamétralement opposées. Les jeunes de la nouvelle
culture sont intellectuellement dévalorisés par les
adeptes de la culture classique. Les jeunes actuels
sont nés avec la télévision et cette culture des
images que ne possède pas la vielle génération.
Puis l’arrivée des TIC a eu un effet nouveau.
3.3. L’intérêt de l’image
Nous verrons cet intérêt sous deux formes, l’angle
éducatif ou sociologique, dans la lignée d’Arheim
et par un exemple pragmatique.
Claude Cossette, professeur à l’université de Laval
est auteur d’un ouvrage sur les images. En 1997, il
innove avec son cours en ligne intitulé ComViz.
Cet enseignant en science de la communication se
situe dans la lignée Arheim en considérant
l’importance de l’image. Mais le plus intéressant
est l’importance qu’il apporte au cours en ligne.
Jean-Paul Lafrance a réalisée une recherche
quantitative et qualitative effectuée auprès de 350
internautes âgés de 15 à 25 ans, toutes catégories
confondues, de la région du Grand Montréal
(Québec-Canada) sur l’usage des TIC dans leur vie
quotidienne. Le chercheur canadien a analysé, chez
les jeunes, ce qu’il définit comme le phénomène de
réappropriation inter-technologique des appareils
disponibles à la maison et décrit les pratiques
transmédias. Dans ces pratiques, l’image
prédomine.
Parmi les résultats, Jean Paul Lafrance sépare les
jeunes qui sont nés avec Internet et l’ordinateur. Ils
font un usage des TIC fort différent de leurs aînés
qui ont vécu à l’ère de la seule télévision. Nous
n’avons plus affaire à des “monomedia peoples”
mais à des “multimedia persons”… Il met en
lumière un phénomène singulier, ce qu’il décrit
comme la pratique télénaute. L’usage en simultané
de la télévision et de l’Internet est vérifié pour plus
de 40 % d’entre eux. Ils regardent la télévision en
même temps qu’ils chattent, jouent, bloggent ou
recherchent de l’information sur Internet.
J’utilise personnellement une autre métaphore.
Celle de l’aéroport. Vous êtes Russe et vous ne
connaissez ni le français, ni l’anglais. Une hôtesse à
la voix charmante annonce dans ces deux langues
que votre vol est annulé. Vous n’avez rien compris.
Dans un aéroport plus moderne, un panneau de
chiffres et de lettres donnent des informations sur
les vols. La ligne de votre vol que vous retrouvez
en déchiffrant les caractères qui sont pas les mêmes
que les vôtres affichent le mot CANCELED et c’est
seulement là qu’il est inscrit. La langue des signes
et des petits dessins va vous permettre de vous
informer. Imaginez une belle image qui représente
votre destination. Elle comprend un avion avec le
logos de la compagnie que vous avez choisie.
L’ensemble de l’image est barré par deux traits
rouges. Vous avez compris, Ouf ! Nous sommes là
au stade de la vertu de l’image. Les TIC vous
permettent plus. On a mis des tags sur votre valise
et hop, elle va vers le bon avion. Bientôt ce sera à
l’homme… On a bien une « multimedia person ».
Elle sait parler mais elle a aussi un tag dans ces
chaussures qui parlent pour lui.
4. Les websociaux et les jeunes.
Nous tenterons dans cette partie d’analyser ce
phénomène au regard de nos enquêtes. Pendant
trois ans, en 2004, 2005 et 2006, nous avons mené
une enquête pour l’autorité de régulation des
télécommunications, maintenant ARCEP sur les
capacités des jeunes dans les TIC et leurs relations
avec les adultes. Plus récemment, nous avons
enquêté auprès d’utilisateur de blogs intimes et de
logiciels sociaux de façon qualitative.
4.1. Une volonté d’échange en dehors du cadre
de l’école et des parents
Les jeunes de 14/18 ans
font partie d’une
génération confrontée à un essor extrêmement
rapide des technologies de communication. Ils les
maîtrisent très bien et les utilisent pour
communiquer entre eux. Le phénomène des blogs
témoigne de leur volonté de continuer à échanger
en dehors du cadre scolaire. Certains adolescents
manifestent le besoin de s’exprimer au lycée, mais
aussi en dehors du cadre formel, fourni par les
professeurs. Ces espaces fournissent une page
personnelle dans laquelle chacun peut s’exprimer
selon les éléments privilégiés de sa personnalité
qu’il souhaite mettre en avant. Les adolescents sont
très fervents de ces espaces de monstration
personnelle.16
Cette période est aussi marquée par la
puberté et les modifications des relations entre les
16
D. Cardon, H. Delaunay-Teterelle, « La
production de soi comme technique relationnelle,
un essai de typologie des blogs par leurs publics »,
Réseaux : Les blogs, Vol. 24-n°138, Cachan :
Lavoisier, 2006, pp. 44-47.
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Volume 9, 2009 ISSN: 1943-7765
Les jeunes face aux blogs et aux logiciels sociaux
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garçons et les filles : un rapport de séduction
nouveau s’instaure entre les deux sexes qui
modifient considérablement leur façon de
communiquer. Les blogs sont d’ailleurs un lieu
d’expression des sentiments que les adolescents
semblent privilégier, même s’ils sont assez
conscients que l’utilisation intensive des moyens de
communication n’est pas sans risque : « À sa
manière, la sociabilité sur Internet reproduit une
tension majeure dans le mode de fonctionnement de
la sociabilité juvénile qui oscille entre le désir
d’élargir la bande de copains et la nécessité de
resserrer les rangs autour des vrais amis. […] Car
il y a un coût psychologique à trop multiplier les
contacts, et les lycéens ont parfois du mal à gérer
la coexistence des réseaux amicaux qu’ils ont
cumulé au fil des ans. »17
4.2. La constitution de groupe communautaire
marqué par la complexité
Les rencontres sur Internet et la formation des
communautés sont devenus des phénomènes très
répandus chez les jeunes. Cependant, des études ont
constaté que ces groupes communautaires se
constituaient souvent selon les mêmes schémas
d’interconnexions relationnels que ceux qu’ils
établissent en dehors d’Internet. Les relations qui se
créent via Internet se forment souvent au travers
d’une connaissance commune, ou des thèmes variés
qui sont un des éléments interactifs principaux au
sein des blogs ou forums communautaires. A ce
propos, la revue Réseaux nous présente un schéma
intéressant sur les réseaux de sociabilité sur
Internet, dans l’article intitulé « La sociabilité
juvénile instrumentée »18
Ce schéma met bien en évidence la complexité du
réseau qui se crée via les blogues. Néanmoins, il
nous renvoie aussi face au constat que les relations
se créent autour d’un lieu d’appartenance ou d’une
connaissance commune. Les pratiques éditoriales
des adolescents sont de plus en plus importantes,
notamment sur Internet. On assiste à une profusion
de blogs et de sites communautaires tels que Face
book ou Hi5 qui constituent des réseaux entiers de
groupes d’adolescents, formés autour d’une
préoccupation commune. Les thèmes les plus
fréquents sont : le lycée d’appartenance, les soirées
ou les lieux privilégiés qu’ils fréquentent quand il
s’agit d’un groupe identifié géographiquement. Les
collégiens et les lycéens se rencontrent via le blog,
ainsi s’établissent des connexions avec d’autres
établissements. Il s’agit toujours de relations issues
de la fréquentation de l’institution scolaire.
« L’institution scolaire s’est-elle intéressée au
journal ? Il faut le dire, il est le parent pauvre de
l’enseignement français, alors qu’on l’utilise
couramment dans les pays anglo-saxons. »19Cette
question soulevée par Philippe Lejeune et Catherine
Bogaert nous permet de faire le lien avec
l’institution scolaire et les blogs des « jeunes ». Ces
deux auteurs nous rappellent qu’il est important de
s’intéresser à ces productions, non seulement au
niveau de la recherche en Informationcommunication, mais aussi dans l’intérêt du
système d’enseignement du français.
4.3. Les sites récupérateurs de blog
17
D. Pasquier, op. cit., p. 166.
C. Fluckiger, « La sociabilité juvénile
instrumentée», Réseaux : Les blogs, Vol. 24-n°138,
Cachan : Lavoisier, 2006, pp. 111.
Des sites tentent d’amalgamer des blogs afin de
profiter de la manne publicitaire. Il est possible de
distinguer deux formes de sites récupérateurs de
18
19
C. Bogaert et P. Lejeune, Journal intime, Histoire
et Anthologie, Paris : textuel, 2006, p. 230.
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blogs : Ceux qui comme Facebook, Myspace,
Badoo, Hi5, netlog, windows live space, etc. ou
d’autres sites essayent de récupérer les auteurs de
blogs, des communautés déjà formées, pour les
regrouper. Ceux qui récupèrent les textes ou les
informations fournies par les bloggeurs et les
réutilisent sur leur site comme c’est le cas de
Cityvox par exemple. On peut apparenter ces types
de sites web à des plates-formes.
Les plate-formes sont des infrastructures qui
présentent trois grandes caractéristiques. Tout
d’abord, elles s’intéressent directement aux
utilisateurs et ont pour visée de les lier entre eux.
De plus, eles sont donc dépendantes de leur
présence et leur activité économique repose sur un
système d’externalités de réseaux indirectes. Le
troisième point important est que ces plates formes
d’accès pratiquent des tarifications qui sont
dépendantes de la participation des internautes
(politique tarifaire de discrimination ou de
subvention). L’exemple de la plate-forme E-bay est
représentatif de ce type de modèles d’affaires. La
mise en place de ce système de réputation permet
une organisation des relations sociales quand les
participants sont très nombreux et ainsi, le filtrage
des informations se fait de lui-même grâce à ce
système réputationnel qui fournit à la plate-forme
une plus grande fiabilité informationnelle.20
4.4. La Net génération s’ennuie
L’article va plus loin. Jean Michel Dumay rapporte
les résultats d’un sondage réalisé auprès de 1 650
jeunes Américains. Il a été publié outre-Atlantique,
lundi 7 août, par le Los Angeles Times et l’agence
Bloomberg. La conclusion est des plus claire. « La
multiplication des médias, l’essor de l’Internet et
des loisirs électroniques n’empêchent pas les
adolescents et les jeunes adultes américains de se
morfondre dans leur coin ». Je dois à ce point faire
une sorte de mea culpa. Personnellement, nous
avons proposé une dizaine de fois, un texte à des
colloques sur ce sujet, il a toujours été refusé. Vous
comprendrez pourquoi nous ne développerons pas
ce sujet.
Conclusion
Dans le cadre de ce document, nous avons choisi de
nous intéresser à la population adolescente. Il se
trouve que Facebook est un websocial ou
réseautage social selon la définition de Wikipédia,
le blog a aussi cet objectif. Facebook présente au
moins deux des caractéristiques énoncées pour
définir une plate-forme. Les blogs sont regroupés
par les mêmes outils. Il convient de relativiser cette
définition car Facebook, comme les blogs ne
présentent pas exactement le même modèle
économique qu’une plate-forme au sens où il
fournit un service gratuit aux Internautes.
Néanmoins, il relève bien d’un système
d’externalités de réseaux indirectes.
Le monde a publié un article de Jean-Michel
Dumay le 14 août 2006 avec pour titre « La Net
génération s’ennuie ». Dans son article, il définit la
« Net génération », comme « celle qui a grandi avec
Internet et qui envahit le cyberespace, se nourrit de
la multiplicité des médias. Elle les absorbe, les
digère, s’en sert, s’en amuse, les jette… Elle n’est
pas du genre à se concentrer sur une seule activité à
la fois. ».
Le fait le plus important généré par les TIC n’est
pas le transfert des comportements des jeunes dans
ces outils, mais un double comportement. Du coté
de l’offre, les acteurs cherchent à dynamiser l’offre
afin d’en retirer les royalties, du coté de la
demande, l’ennuie créé par uns société sans espoir
est détourné dans cette relation médiatisée.
Cet article est fondé sur une étude menée aux EtatsUnis par la Kaiser Family Foundation et
l’université Stanford. La « Net génération » aurait
consommé quotidiennement huit heures trente trois
de différents médias sur une amplitude moyenne
effective de six heures vingt et une. « Il en résultait
que plus du quart de ce temps était consacré au
minimum à deux médias». Ce résultat, les
chercheurs de mon laboratoire le connaisse déjà
depuis longtemps, que ce soit dans nos propres
travaux de l’équipe et en particulier dans ceux de la
thèse d’Olivier Galibert. Mon collègue de l’UQAM
à Montréal, Jean Paul Lafrance y a consacré
plusieurs publications .
[1] Arnheim Rudolf, Le cinéma est un art, traduit
de l’anglais par Françoise Pinel, Arche éditeur,
Paris, 1989, 240 p. - ISBN 2-85181-244-0
20
Thierry Pénard & Raphaël Suire, Economie de
l’Internet : Une économie d’interactions sociales,
Université de Rennes 1 – Avril 2007
Bibliographie :
[2] Arnheim, Rudolf. Art And Visual Perception: A
Psychology of the Creative Eye. Berkeley And Los
Angeles: University of California Press,1967
[3] Arnheim, Rudolf. Film As Art. Berkeley and Los
Angeles: University of California Press,1957
[4] Arthur B., (1989), ‘ Competing technologies,
increasing returns and lock-in by historical events’,
The Economic Journal, 99, pp. 116-131. &
ARTHUR B. (1994), Increasing Returns and PathDependence in the Economy, University of
Michigan Press, Ann Arbor, Michigan, USA.
[5] Bogaert C. et Lejeune P., Journal intime,
Histoire et Anthologie, Paris : textuel, 2006
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Les jeunes face aux blogs et aux logiciels sociaux
[6] Clyde L. A, Weblogs and Libraries, Great
Britain : Chandos Publishing, 2004
[7] Cossette, Claude. Les Images démaquillées:
approche scientifique de la communication par
l’image, Éditions Riguil, Québec 1983, 640 p,
ISBN 2-920444-07-7
[8] David Jean, Quel cirque, ma théorie générale
de la réalité, Editions Un monde différents, Saint
Hubert, Quebec, Canada, 2005, 280 p ISBN 289225-592-9
[9] Doré Yves, les Zoogeps camp de concentration,
Editions Tribales, St Félicien, Canada, 1973
[10] GRREM, Dir. Jacquinot, Geneviève, Les
jeunes et les médias : Perspectives de la recherche
dans le monde, Marly-le-roi et Paris, INJEP et
L’Harmattan, 2002.
[11] Lafrance Jean Paul, Le phénomène télénaute
ou la convergence télévision/ordinateur chez les
jeunes, Revue Réseaux, n° 129-130, 2005, p. 313321
[12] L. Le Douarin et J. Salvador (dir.), Conditions
et genres de vie. Chronique d’une France, Caen,
Presses Universitaires de Caen, 2004.
[13] Orban M-C., « Les jeunes et la blog’ attitude »,
Médialog, n°56, Décembre 2005
[14] Pénard Thierry & Suire Raphaël, Economie de
l’Internet : Une économie d’interactions sociales,
Université de Rennes 1 – Avril 2007
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