L`ovariectomie par le flanc droit chez la truie

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L`ovariectomie par le flanc droit chez la truie
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L’ovariectomie par le flanc droit chez la truie
R. LATRACH1, M.R. FRIKHA2* et Th. ALOGNINOUWA2
1
2
Service de Chirurgie, Ecole Nationale de Médecine Vétérinaire, 2020 Sidi Thabet, Tunisie.
Unité Pédagogique de Médecine et de Chirurgie des Ruminants, Porcs et Volailles, Ecole Nationale Vétérinaire de Lyon, 1 avenue Bourgelat, 69280 Marcy l’Etoile, FRANCE
* Corresponding author/Correspondance: E-mail : [email protected]
RÉSUMÉ
L’ovariectomie de la truie représente l’une des opérations les plus communes chez les suidés notamment chez les races de compagnie. La voie
d’abord choisie est le flanc droit parce qu’elle permet un accès facile aux
ovaires. Après anesthésie générale, l’intervention chirurgicale consiste en
une laparotomie dans le creux du flanc droit, l’ovaire droit est saisi puis extériorisé à travers la plaie de laparotomie. La recherche de l’ovaire gauche se
fait en suivant le trajet de la première corne utérine. Une ligature est posée
de part et d’autre de chaque ovaire. L’ovaire est ensuite excisé entre les deux
ligatures. La suture de la laparotomie est faite en trois plans.
Mots-clés : Ovariectomie, Flanc droit, Truie.
Introduction
L’ovariectomie est pratiquée depuis l’antiquité. Aristote
(IVème siècle avant J-C) a été le premier à la décrire chez la
truie. Grâce aux moyens actuels en anesthésie et en chirurgie
vétérinaire, cette intervention peut être réalisée de manière
simple et rapide en tenant compte du bien être de l’animal.
Les indications de l’ovariectomie chez la truie ont évolué.
Jadis, sa principale indication était d’ordre zootechnique et
elle a perdu de son importance avec l’intensification de
l’élevage et l’abattage précoce des porcelets femelles.
Contrairement aux indications zootechniques qui ne présentent encore d’intérêt que dans les élevages fermiers traditionnels, l’ovariectomie de convenance présente un intérêt
croissant [6]. Cette intervention permet essentiellement
d’adoucir le caractère agressif de la truie « de compagnie »
qui se manifeste particulièrement au moment des chaleurs.
Plusieurs races font l’objet d’animaux de compagnie notamment les races naines comme le Yucatan ainsi que les races
asiatiques tel que le mini porc Vietnamien (Figure 1).
L’ovariectomie présente également un intérêt pour la stérilisation des truies maintenues dans les parcs et les réserves
naturelles afin d’empêcher leur saillie accidentelle par des
suidés sauvages. Peu de descriptions précises de la technique
sont disponibles. C’est la raison pour laquelle il nous a
semblé intéressant de faire le point sur la question en décrivant le procédé que nous utilisons couramment.
L’intervention ne constitue pas une urgence et peut être
programmée. A l’instar de toutes les interventions de convenance, certaines conditions doivent être respectées. La truie
doit être pubère (âge moyen de 5 à 6 mois). Les contre-indications tiennent à l’état de santé de l’animal : mauvais état
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SUMMARY
Sow ovariectomy via the right flank
Ovariectomy represents one of the most common surgeries in the swine,
especially for companion breeds. The right flank approach is chosen since it
permits an easy access to the ovaries. After general anaesthesia, the surgery
consists in a laparotomy via the right flank. The right ovary is seized then
exteriorized through the laparotomy incision. By following the first uterine
horn, one may easily locate the left ovary. One ligature is placed at either
pole of the ovary. The ovary is then excised between the two ligatures. The
laparotomy is closed in three layers.
Keywords : Ovariectomy, right flank, swine.
général, âge trop avancé ou présence de maladies intercurrentes. Certains états physiologiques (œstrus, gestation)
contre indiquent également l’opération et doivent la faire
différer.
La technique décrite dans cet article est l’ovariectomie par
le flanc. Ce choix est motivé par des notions d’anatomie topographique relatives à l’espèce. En effet, les ovaires se positionnent dans le plan transversal passant par les pointes des
hanches [3]. Chez la truie adulte, les ovaires ont la taille
d’une noix. Leur surface est boursouflée de follicules conférant à la glande un aspect mûriforme caractéristique identifiable à la palpation digitée dans toute la masse des viscères
abdominaux (Figure 2). Ils sont irrigués par l’artère et la
veine ovarienne du côté tubaire, et par l’artère utéroovarienne et sa veine satellite du côté mésovarique [7]. Les
deux cornes utérines sont longues et flexueuses, elles sont
appendues à la voûte lombaire par deux ligaments larges très
développés permettant à l’utérus une certaine liberté de
déplacements [1]. La disposition anatomique particulière des
organes génitaux de la truie (Figure 6) est telle qu’elle permet
de réaliser l’ovariectomie bilatérale par une seule incision du
flanc qui représente le lieu d’élection opératoire [2, 4].
Préparation de l’intervention
PRÉPARATION DE L’ANIMAL
Une diète hydrique de 12 h, la veille de l’intervention,
garantit la vacuité du tube digestif. Le protocole que nous
utilisons couramment est le suivant. L’Acépromazine
(VETRANQUIL®) à la dose de 0,1 mg/Kg de PV en IM est
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utilisée pour tranquilliser la truie. Quinze minutes après,
l’anesthésie générale est obtenue par une association de
Xylazine (ROMPUN® 2%) 2 mg/Kg de PV et de Kétamine
(IMALGENE® 1000) 10 mg/Kg de PV, en IM [8]. La truie
est placée en décubitus latéral gauche, les membres pelviens,
attachés ensemble, doivent être tirés vers l’arrière afin de
dégager le creux du flanc droit.
La zone opératoire doit être tondue, rasée puis largement
désinfectée.
PRÉPARATION DU MATÉRIEL CHIRURGICAL
Ce matériel se limite à un bistouri, une pince anatomique à
griffes, deux pinces hémostatiques, une paire de ciseaux
courbes de MAYO, un porte aiguille ainsi que des aiguilles
serties avec des fils résorbables Déc. 3 ou 4 selon la taille de
l’animal.
Technique opératoire
L’ovariectomie par le flanc chez la truie se déroule en
quatre temps successifs : la laparotomie, la recherche et
l’extériorisation des ovaires, l’exérèse des ovaires et enfin la
suture de la paroi abdominale
LATRACH (R.) ET COLLABORATEURS
EXÉRÈSE DES OVAIRES
Pour la commodité opératoire, l’ovaire gauche est le
premier à être excisé. Avant de procéder à l’ablation de
l’ovaire, l’hémostase chirurgicale est réalisée au moyen de
deux ligatures. Pour ce faire, la pointe d’une pince hémostatique est utilisée pour créer une brèche dans le ligament large
en dessous de l’ovaire. Cette brèche doit être réalisée entre les
vaisseaux qui convergent vers l’ovaire, permettant ainsi le
passage du fil pour poser les ligatures. La première ligature
intéresse l’artère et la veine utéro-ovarienne en amont de
l’ovaire correspondant (Figure 4). La deuxième ligature doit
être placée en aval de l’ovaire et intéresse l’artère ovarienne
ainsi que sa veine satellite (Figure 5). Le passage du fil pour
la réalisation de cette ligature se fait par la même brèche. Les
ligatures doivent être placées assez loin de l’ovaire.
L’exérèse de l’ovaire se fait ensuite aux ciseaux entre la ligature et l’organe.
Nous attirons l’attention sur deux points. Le premier est
que l’exérèse de l’ovaire doit s’effectuer le plus loin possible
des ligatures pour ne pas les défaire. Le second est qu’il faut
réaliser l’ablation de la totalité de la glande pour éviter le
retour en chaleur de la truie et par conséquent l’échec de
l’intervention.
Après vérification de l’hémostase et réinsertion du
moignon dans la cavité abdominale, l’exérèse de l’ovaire
droit est pratiquée selon la même technique.
LAPAROTOMIE
SUTURE DE LA PAROI ABDOMINALE
L’incision cutanée réalisée au bistouri est oblique, d’arrière
en avant et de haut en bas, selon la direction des fibres du
muscle oblique interne. Débutant à 2 ou 3 cm en dessous de
la pointe de la hanche, elle s’étend sur 5 à 8 cm. Cette incision
intéresse la peau, le conjonctif sous cutané et l’oblique
externe.
La suture se fait classiquement en trois plans. Un premier
plan regroupant le péritoine et le muscle transverse est réalisé
à l’aide d’un surjet à points passés. La profondeur de la plaie
opératoire et l’épaisseur de la couche de tissu adipeux qui
double le péritoine peuvent constituer une difficulté lors de la
suture de ce plan. Pour pallier cette difficulté, il suffit de
saisir chaque lèvre de la plaie avec une pince à forcipressure
et de tirer les deux pinces vers le haut afin de pouvoir
soulever la paroi abdominale, permettant ainsi la réalisation
d’une suture étanche. Ceci permet aussi de réduire le risque
de piquer un viscère sous-jacent.
Les fibres du muscle oblique interne doivent ensuite être
séparées selon la direction de la plaie. Des ciseaux de MAYO
sont introduits, lames fermées, entre ces fibres afin de ponctionner d’un seul coup ferme le muscle transverse et le péritoine pariétal. Les ciseaux sont retirés, lames ouvertes, ce qui
permet d’élargir la plaie opératoire en vue de la réalisation du
deuxième temps opératoire.
RECHERCHE ET EXTÉRIORISATION DES OVAIRES
L’index glisse contre le péritoine pariétal en direction de
l’aile de l’ilium, recherche l’ovaire droit ayant l’aspect mûriforme caractéristique. Une fois identifié, le doigt le
comprime contre la paroi abdominale et le fait glisser jusqu’à
la plaie en s’aidant avec le pouce appuyé sur la peau du flanc.
L’ovaire et la corne utérine correspondante sont attirés délicatement vers la plaie opératoire pour être enfin extériorisés.
La recherche de l’ovaire gauche se fait dans la foulée, en
suivant le trajet de la corne droite qui nous ramène à la bifurcation du col utérin et par la suite à la corne profonde et à
l’ovaire correspondant (Figure 3).
Un deuxième plan intéressant l’oblique interne, l’oblique
externe et le conjonctif sous cutané est refermé par le même
type de suture.
Enfin, la suture de la peau se fait au moyen de points en U
éversants, puis d’un surjet à points passés pour une meilleure
étanchéité de la plaie opératoire.
Discussion
CHOIX DU TYPE D’ANESTHÉSIE GÉNÉRALE
L’acépromazine est un tranquillisant, neuroplégique et
régulateur neuro-psychique. Son utilisation chez tous les
animaux dont la chair est destinée à la consommation
humaine est hors A.M.M [5] mais son usage pour la tranquillisation d’un suidé de compagnie n’est pas contre indiqué.
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L’OVARIECTOMIE PAR LE FLANC DROIT CHEZ LA TRUIE
Figure 1. Truies de compagnie de race mini porc vietnamien.
Figure 2. Ovaires d’une truie Pubère (échelle *1).
Figure 3. Extériorisation des ovaires.
Figure 4. Ligature de l’artère et la veine utéro-ovarienne.
Figure 5. Ligature de l’artère et la veine ovarienne.
Figure 6. Appareil génital de la truie (POPESKO (1997) modifié).
1- Aorte abdominale
2- Artère et veine ovarienne
3- Ligament large de l’utérus
4- Ligament large de l’ovaire gauche
Revue Méd. Vét., 2007, 158, 5, 219-222
5- Ligament large de l’ovaire droit
6- Ovaire gauche
7- Corne utérine droite
8-Trompe utérine gauche
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La kétamine est un anesthésique dissociatif qui présente
peu d’effets myorelaxants si la molécule est utilisée seule.
L’association avec la xylazine est fortement conseillée.
La xylazine est un sédatif, tranquillisant, myorelaxant,
analgésique ou anesthésique selon la posologie utilisée. Pour
le porc la dose recommandée de xylazine est relativement
élevée (0,5 à 3 mg/kg de poids vif par voie intramusculaire
[8]. A la dose utilisée (2 mg/kg), l’effet myorelaxant de la
molécule est optimal et elle a un effet de synergie marqué
avec la kétamine.
Du fait des difficultés majeures de contention du porc
(même les races naines), la voie IM est privilégiée pour
l’induction de l’anesthésie. Toutefois, cette voie présente
quelques contraintes spécifiques à l’espèce et liées à l’épaisseur de la couche de graisse sous cutanée. L’aiguille utilisée
doit être suffisamment longue et il faut choisir un lieu
d’injection où la couche de lard est la moins développée (2 ou
3 travers de doigt en arrière de la base de l’oreille). La faible
vascularisation du tissu adipeux entraîne des variations
marquées de la réponse aux agents anesthésiques injectés en
intramusculaire.
Certains auteurs ([6], [8]) préconisent la pose d’un cathéter
sur une veine auriculaire ce qui permettra l’administration de
doses d’entretien au cours de l’intervention. Cette approche
ne présente pas d’intérêt pour cette opération qui est de durée
relativement courte.
L’anesthésie gazeuse, en dépit de tous ses avantages,
présente certains inconvénients du fait de la difficulté d’intubation [8]. L’utilisation d’un masque pour l’induction de
l’anesthésie permet de faciliter la manœuvre mais le risque lié
à l’exposition de l’équipe chirurgicale aux anesthésiques
volatils est accru notamment avec l’halothane. En outre, le
risque d’hyperthermie maligne per-opératoire est plus
marqué lors de l’utilisation d’halothane [8]. L’utilisation
d’anesthésie gazeuse lors des interventions de convenance
chez les porcs ne présente aucun intérêt pratique ou économique.
LATRACH (R.) ET COLLABORATEURS
ovarien. Sa réalisation consiste à passer le fil dans une brèche
créée dans le ligament large en dessous de l’ovaire puis à
ligaturer l’ensemble des vaisseaux du côté tubaire et enfin à
repasser le chef long du même fil autour pédicule ovarien afin
de ligaturer les vaisseaux qui irriguent le côté mésovarique de
l’ovaire.
L’exérèse des ovaires chez les très jeunes truies peut être
faite à la faveur d’une simple torsion bornée de la glande [2].
SOINS ET SUITES POST-OPÉRATOIRES
Chez les porcins, il est fortement recommandé d’isoler les
opérés de leurs congénères pour éviter les manifestations de
cannibalisme.
L’usage de la dexaméthasone (DEXAFORT®) en une
injection unique de 6 mg/100 kg de poids vif par voie intramusculaire permet de prévenir l’œdème aigu des poumons
chez cette espèce connue pour sa grande sensibilité au stress.
Le suivi de la reprise de l’appétit et du transit digestif doit
être assez régulier durant le post-opératoire parce qu’ils constituent un élément prédictif de la réussite de l’intervention.
Conclusion
L’ovariectomie chez la truie est l’une des interventions les
plus importantes à pratiquer dans cette espèce et répond à des
indications de convenance en augmentation.
La voie d’abord par le flanc droit permet de réaliser une
intervention simple, rapide et qui donne d’excellents résultats
à condition de bien connaître et de respecter les différentes
étapes de la technique opératoire.
Bibliographie
1.–
CHOIX DE LA TECHNIQUE OPÉRATOIRE
Plusieurs variantes opératoires peuvent être utilisées lors
d’ovariectomie chez la truie. La différence intéresse essentiellement la voie d’abord ou le procédé d’hémostase.
2.–
3.–
Une laparotomie médiane par la ligne blanche peut être
envisagée [6]. La recherche des ovaires assez profonds et
couverts par toute la masse intestinale constitue une difficulté
majeure. Le risque de hernie post-opératoire est, en outre,
plus important avec cette approche, notamment chez les
animaux lourds.
4.–
Une autre variante opératoire consiste en l’utilisation d’une
seule ligature transfixante qui intéresse tout le pédicule
8.–
5.–
6.–
7.–
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