Nikolaus Meyer-Landrut - Ambassade d`Allemagne
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Nikolaus Meyer-Landrut - Ambassade d`Allemagne
samedi 2 - dimanche 3 juillet 2016 LE FIGARO 18 CHAMPS LIBRES DÉBATS Présidentielle de 2017 : la droite ne doit pas se soucier de plaire à la gauche A u moment même où les crises et les menaces se multiplient, jamais la France n’a semblé si peu et si mal gouvernée. Tous les marqueurs de l’autorité de l’État et du respect de la nation se décomposent chaque jour davantage. Face à un tel effondrement intellectuel et moral, le dépassement illusoire du clivage droite-gauche, que certains proposent au nom d’une logique purement gestionnaire, mènerait définitivement notre pays dans l’impasse. Car cette promesse d’une politique sans rive droite et sans rive gauche, c’est celle d’un marigot politicien qui serait le meilleur moyen de livrer notre pays à la démagogie et aux extrémismes. Aussi, nous attendons de la primaire de l’automne qu’elle soit la première étape du redressement national et qu’elle prépare la grande alternance de 2017 autour des valeurs qui fondent l’engagement et l’identité de notre famille politique. Confronté à une crise économique, sociale, politique mais aussi civilisationnelle, le candidat ou la candidate de la droite et du centre à l’élection présidentielle devra réinvestir le terrain des valeurs. Il devra fixer un cap et porter une vision sans céder au double écueil des formules creuses et du catalogue de mesures techniques. À l’évidence, la droite doit aux Français un sursaut de lucidité. Pour paraphraser Péguy, elle doit désormais dire ce qu’elle voit et voir ce qu’elle voit. Assez donc d’être tétanisés par les anathèmes de la gauche bien-pensante ! À trop chercher à plaire à ceux Le scénario d’une majorité droite-gauche qui nous rejetaient, défendu par certains revient à préparer nous avons fini la victoire ultérieure de Marine Le Pen, par lasser ceux qui argumentent le vice-président délégué du parti nous soutenaient. les Républicains et 116 parlementaires LR *. Trop souvent, notre LAURENT WAUQUIEZ famille politique a abandonné au FN le monopole des mots pour décrire une réalité qui s’imposait à tous. Alors que dans le même temps, la gauche terranoviste exploitait sans vergogne les fractures françaises à travers un communautarisme décomplexé. Si la politique doit améliorer concrètement la vie de nos concitoyens, elle doit également redevenir une réserve de sens et une boussole au service de valeurs et de principes. Après le naufrage de la présidence Hollande, nous avons la conviction que les Français demandent la droite devra mener jusqu’au bout cette refondation de notre relation au travail, sans compromis possible avec ceux qui bloquent la France au nom d’intérêts particuliers ou de calculs politiciens. La France de retour, c’est une autorité de l’État rétablie. La droite n’a pas à rougir de son attachement à cette valeur : l’autorité est notre rempart contre la loi du plus fort ou du plus violent. Parfaite incarnation du laxisme socialiste, Christiane Taubira a mis en œuvre comme jamais le désarmement pénal. Au pouvoir, la droite ne devra plus faiblir : il faudra revenir Trop souvent, notre famille politique sur cette réforme mortifère a abandonné au Front national et rompre le monopole des mots pour décrire définitivement avec cette une réalité qui s’imposait à tous idéologie soixantehuitarde, antiprison et antipolice, désormais à notre famille politique qui laisse prospérer l’impunité. une idée simple : le retour de la France, La France de retour, c’est qui est à la fois notre héritage commun, une République qui ne reconnaît notre cause et notre avenir. que des citoyens et n’accepte La France de retour, c’est une ni le communautarisme ni l’islam puissance économique restaurée à travers politique. Face aux apprentis sorciers la revalorisation du travail et la fin de du multiculturalisme, notre engagement l’assistanat. Avec un million de chômeurs est clair : nous n’acceptons pas supplémentaires sous le quinquennat que l’abandon définitif de l’exigence socialiste, notre pays ne peut plus être d’assimilation puisse devenir l’otage des guerres d’influence au sein le programme commun de la droite et de de la gauche et du chantage permanent la gauche en 2017. Parce que notre nation de syndicats ultraminoritaires. Le résultat doit toujours mettre en avant ce qui de ces renoncements, c’est un modèle nous rapproche et nous rassemble, nous à bout de souffle, censé protéger refusons de voir s’édifier une société l’emploi et qui a fini par le détruire. déracinée, fondée sur la séparation C’est un système à l’envers qui matraque et porteuse de violences. sans arrêt les classes moyennes La France de retour, c’est une nation qui travaillent mais ne demande jamais qui renoue avec l’idée de transmission aucune contrepartie aux bénéficiaires de son histoire, de sa culture d’allocations. Assouplissement et de sa langue. Pendant cinq ans, du marché du travail et des normes rien n’a été épargné à l’école administratives pléthoriques, valorisation républicaine : suppression des bourses de la liberté d’entreprendre et de créer, au mérite, repentance et effacement protection contre les concurrences de notre histoire, suppression du latin déloyales, réhabilitation et du grec, disparition des classes de l’apprentissage et de nos métiers européennes, instauration des inutiles et manuels, promotion de nos savoir-faire : « » coûteuses activités périscolaires. Revenir sur ces décisions désastreuses sera une condition nécessaire mais insuffisante de la refondation de l’école. Il faudra également mettre fin à quarante années de pédagogisme et de gauchisme culturel, en recentrant l’école sur la transmission des savoirs fondamentaux et d’une histoire commune. La France de retour, c’est un pays qui s’oppose à l’abandon de sa ruralité où l’on trouve aujourd’hui la plus grande pauvreté et le déclassement social. C’est une France qui refuse de déconstruire ce qui a fait sa grandeur au nom d’une fausse modernité : sans ses clochers, ses terroirs, sa littérature, sa gastronomie, ses paysans, ses créateurs, ses artisans, ses traditions, la France n’est plus la France. Sous la cendre subsistent des braises qui attendent notre souffle. Prôner un retour de la France, c’est refuser d’assister en silence à la décadence. L’heure du grand choix approche, pour les Français comme pour notre famille politique. En Europe, tous les partis traditionnels de droite qui ont tenté de s’allier avec la gauche pour barrer la route aux extrêmes ont été balayés. Pour l’élection présidentielle de 2017, les Français n’attendent pas de nous un programme gestionnaire de centre gauche pour se démarquer du Front national. Ils nous demandent de remettre la France la tête à l’endroit et veulent retrouver les repères qui sont notre socle indispensable pour nous projeter vers l’avenir : l’autorité, la responsabilité, l’effort, le mérite, l’autonomie, le respect. Écoutons-les. ■ * Laurent Wauquiez est président du conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes. Parmi les 116 parlementaires LR qui ont cosigné cette tribune figurent Brice Hortefeux, Bernard Accoyer, Catherine Procaccia, Isabelle Le Callennec, Damien Abad, Laurent Furst et Arlette Grosskost. La liste complète des cosignataires peut être lue consultée sur le site FigaroVox. Nikolaus Meyer-Landrut : « Au sein de l’UE, l’enseigne doit être la même pour tous » PROPOS RECUEILLIS PAR DESSINS CLAIREFOND MARIE-LAETITIA BONAVITA £@mlbo LE FIGARO.- Comment expliquez-vous le oui au Brexit des Britanniques ? Nikolaus MEYER-LANDRUT.- Ce résultat porte un coup dur à l’Europe. Mais la question du Brexit concerne le Royaume-Uni et la particularité de ses liens avec l’Union européenne ces trente dernières années. Parmi les différentes motivations de ce vote, il y a celle de l’immigration qui concerne principalement la libre circulation des personnes dans l’UE et notamment des travailleurs des pays de l’Est. Pourtant, au moment de cet élargissement à l’Est en 2004, l’Angleterre leur a largement ouvert ses portes et n’a pas fait usage, à l’instar de l’Allemagne et de la France, des clauses de transition qui permettaient de réguler leur insertion dans le marché du travail européen. Quant à la classe politique britannique, je trouve étonnant de constater que les promoteurs du Brexit, une fois le résultat obtenu, soient incapables d’expliquer à leur propre population mais aussi aux autres Européens comment s’y prendre pour que la décision s’applique. C’est une leçon à tirer du populisme qui consiste à plaider pour des solutions d’apparence simples, mais qui ne peut apporter des réponses concrètes à la population ! Après quelques hésitations, l’Europe semble justement avoir adopté une vision commune vis-à-vis du Royaume-Uni. Lors du récent Conseil européen, l’ordre des choses a été acté. La première étape est de demander à l’Angleterre d’engager L’ambassadeur d’Allemagne en France livre une procédure sa réflexion, après le vote britannique, sur l’avenir de divorce, de l’Union européenne. en enclenchant A ENTRETIEN l’article 50 des traités. Tant que celui-ci n’est pas actionné, l’Angleterre reste membre de l’UE, avec tous les droits et obligations afférents. Une fois la demande déposée, les négociations pour régler le divorce peuvent commencer. Ensuite, les relations entre les 27 et le Royaume-Uni, devenu alors un État tiers, doivent être établies. S’il veut être dans le marché commun, il devra respecter la libre circulation des biens, des services, des capitaux mais aussi des personnes dans l’UE. On ne peut vouloir sortir d’un ensemble tout en gardant ses bénéfices et en reniant ses obligations. Tout le monde doit être logé à la même enseigne. Faut-il revoir le modèle européen en lançant des traités et des référendums ? Je ne peux répondre que pour l’Allemagne : notre Constitution ne prévoit pas de consultations référendaires pour ce type de question. Pour les autres pays, cela relève du débat interne. Il n’empêche, au sein des 27 États membres, le président de la République française, la chancelière allemande et le premier ministre italien ont insisté sur les politiques concrètes à mettre en place, réclamées par l’opinion publique. Ils ont identifié les sujets importants : politique sécuritaire intérieure et extérieure, davantage de croissance, initiatives pour l’emploi des jeunes. Beaucoup de choses ont été faites. La coopération pour la lutte contre le terrorisme a progressé au sein de l’UE grâce à l’impulsion des ministres de l’Intérieur français et allemand. La France et l’Allemagne ont œuvré ensemble à l’adoption du PNR européen, après de longues années de négociations. Et ils s’engagent pour une meilleure interopérabilité des bases de données européennes et la mise en place d’une Agence européenne des gardefrontières. Au printemps, la Commission européenne a fait des propositions pour améliorer la situation des travailleurs détachés. Sur ce point, la campagne en Grande-Bretagne a mis en avant des choses qui ne correspondaient pas toujours à la réalité. Concernant la croissance, entre les taux d’intérêt au plus bas et la politique monétaire très accommodante de la BCE, les conditions macrofinancières sont actuellement très favorables. Il est nécessaire qu’il y ait plus d’investissement en Europe pour plus de croissance et plus d’emploi. Reste à trouver les bons projets, mais cela se décide en premier lieu au niveau national ou régional. Quant aux jeunes, directes sur les États membres. La défense, naturelle, de ses propres intérêts et les débats participent à la démocratie, mais il est important d’appliquer les décisions prises. Sur la relocalisation sur deux ans des 160 000 réfugiés arrivés en Grèce et en Italie, seules environ 2 000 personnes ont été concernées jusqu’à présent. La solidarité doit concerner l’ensemble des politiques européennes et ne peut pas se faire à sens unique. Que répondez-vous à la critique adressée à Angela Merkel d’avoir négocié C’est une leçon à tirer du populisme avec la Turquie la garde de réfugiés qui consiste à plaider pour sur son territoire, des solutions d’apparence simples, en échange de moyens mais qui ne peut apporter des réponses supplémentaires ? concrètes à la population ! Cette négociation, que l’Allemagne la question de la formation, de l’insertion a certes entrepris de faire avancer, dans le marché du travail, des échanges concerne l’ensemble de l’Union. Elle et de leur mobilité est primordiale. a commencé par une décision commune Ce sont des sujets dont la compétence en novembre pour être prise relève de chaque pays. à l’unanimité en mars. La question de la libéralisation des visas pour les Turcs était en débat depuis des années. Pour Quel est l’avenir de l’Europe de la Défense les libéraliser, il faut 72 conditions, sans la Grande-Bretagne ? définies par l’ensemble de l’Union. D’abord, la Grande-Bretagne reste À ce jour, 5 ou 6 ne sont pas remplies, membre de l’Otan. Ensuite, les Anglais bloquant donc la libéralisation. entendent poursuivre leur participation aux missions militaires européennes, telles « Sophia » en Méditerranée ou La relance de l’Europe passe par le couple la lutte contre la piraterie en Somalie. franco-allemand qui semble fatigué… Cette coopération se fera juste dans Ce travail franco-allemand est crucial un contexte différent. Quant au sein et le restera compte tenu des grands défis même de l’Union, la question des efforts de l’Europe. Ces dernières années, se pose, indépendamment du Brexit. cette coopération a apporté beaucoup L’Allemagne a pris la décision, au cours de résultats : succès de la Cop 21, accord de ce printemps, d’augmenter sur le budget européen pour 2013-2020, son budget de la Défense de 10 milliards union bancaire après la crise de 2008, d’euros sur les trois ans. apaisement dans le conflit entre l’Ukraine et la Russie. L’entente parfaite entre nos deux pays n’a jamais existé, Clivage Nord-Sud au sein de la zone euro, car les traditions et les structures y sont dissonances des pays de l’Est… Va-t-on très différentes. La force de la France vers une balkanisation de l’Europe ? et de l’Allemagne est d’arriver à des L’UE se trouve devant des situations compromis malgré leurs différences. ■ compliquées qui ont des incidences « »