Les problèmes du kata

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Les problèmes du kata
Jisei-Do Kenkyukai Belgique
Les problèmes du kata
Soumis par Laurent Gatto
01-03-2006
Dans les kata, vous rencontrerez souvent l'obscurité du sens du geste ; si vous les examinez attentivement vous vous
direz peut-être que quelque chose ne va pas. La signification des techniques n'est pas toujours claire. Si vous posez
des questions au professeur, il n'est souvent pas en mesure de vous donner une explication satisfaisante ; encore
heureux s'il vous donne une explication. Il se peut qu'il dise que vous comprendrez plus tard quand votre niveau
s'améliorera. Ce n'est que bien plus tard, avec l'amélioration de votre niveau, que vous commencerez à douter des
connaissances du professeur. Mais si vous êtes débutant, il vous sera difficile de songer que l'instructeur lui- même ne
sait pas.
Lorsque j'étais étudiant à l'université au Japon, mes aînés et mes professeurs me disaient que je comprendrais le sens
et la signification des kata quand j'aurais atteint le niveau supérieur. Je pratiquais donc sans trop me poser de
questions. Une quinzaine d'années plus tard, lorsque nous avons eu l'occasion de nous revoir, nous avons échangé
des idées. J'ai compris à cette occasion qu'ils m'avaient dit cela par manque de savoir et parce qu'ils répétaient ce qu'ils
avaient eux-mêmes entendu quand ils étaient étudiants. J'ai eu beaucoup d'occasions d'observer et d'écouter les
maîtres anciens du karaté et je suis convaincu que le sens des kata ne leur est pas toujours clair, car leur
compréhension ne va guère au delà du domaine des sensations.
En tout cas, nous pouvons constater certaines confusions au sujet des kata dans le milieu du karaté. Il ne s'agit pas
d'engager une polémique. Je vous communique mon analyse et mes réflexions à partir des faits que nous constatons
actuellement et de ce qu'on peut savoir à partir de l'étude historique.
Certains pratiquent essentiellement des techniques directement utilisables pour l'exercice de combat en négligeant
presque la pratique des kata et d'autres s'exercent assidûment aux kata en y attachant une importance particulière.
Généralement, les premiers mettent au premier plan l'aspect sportif, combatif ou pragmatique, et les seconds, l'aspect
moral, rituel, parfois philosophique, bref le budô.
Mais lorsqu'un karateka attache de l'importance à un kata, cela ne signifie pas qu'il comprend bien sa signification et son
affirmation est souvent basée sur une reprise directe des paroles de son maître. C'est pourquoi pour un débutant, il est
inconcevable de mettre en question la valeur du kata.
"Toutes les techniques du karaté se trouvent dans les kata" ou "l'essentiel du karaté est dans les kata", entend-on
souvent. Cependant, lors de l'exercice de combat, vous faites des mouvements techniques qui ne s'inscrivent dans
aucun kata ; par exemple les mawashi-geri, ushiro-geri, ushiro-mawashi-geri, les kizami-geri, ... Quelle est alors l'utilité
du kata ?
Pour mener efficacement le combat, il est essentiel d'apprendre les subtilités concernant la prise de distance, la mise en
pratique des cadences, ... Dans quel kata pouvez-vous apprendre ces éléments essentiels de l'art du combat ?
Dans les kata, la différence et la spécificité des écoles apparaissent nettement. Mais quand vous regardez les formes
de combats de compétitions, il n'y a pas tellement de différence entre les combattants des différentes écoles. Pourquoi
? On apprend des techniques quasi codifiées avec les kata, mais celles de certaines écoles ne sont pas applicables car
leur forme technique est trop décalée de la réalité du combat. Dans ce cas, on le justifie souvent en disant : "Dans le
kata, on fait comme ça, mais dans l'application, il faut faire différemment, en rajoutant tel ou tel mouvement."
Pourquoi alors ne fait-on pas dès le départ des techniques applicables ?
Dans le milieu de la compétition sportive de karaté, il y a une distinction entre le kata et le combat. Dans la fédération
officielle de certains pays les deux groupes sont nettement divisés; on y trouve l'équipe de combat et celle du kata.
L'entraîneur conseille aux membres de l'équipe combat de ne pas pratiquer les kata parce que s'ils pratiquaient les kata,
ils prendraient des habitudes gênantes pour combattre efficacement. Le kata y est conçu comme une entrave, et non
pas comme un élément positif pour augmenter la capacité d'un karatéka.
Dans ce cas, pourquoi dit-on que l'essentiel du karaté est compris dans les kata ?
Une précision. Dans une école de karaté comme le Gojû-ryû dont la fondation est récente, la signification des kata est
claire et on peut réaliser le bunkaï (analyse) sur la plupart des mouvements du kata. Compte tenu de leurs racines
historiques plus anciennes, en revanche, les kata des courants Shôrin (Shôrin-ryu, Shôtôkan, Wadô-ryu, ...) comportent des
obscurités. Dans ce sens, sous leur forme actuelle, les kata de Gôjû-ryû sont ceux qui comportent la plus grande
cohérence. Les techniques y sont logiquement analysables, c'est-à-dire que l'analyse technique (bunkaï) en est claire.
Cependant, la valeur fondamentale du kata ne se limite pas à la possibilité de bunkaï. Car en karaté, il y a deux domaines
de combat, l'autodéfense et l'affrontement libre. Ce qu'on appelle bunkaï se limite dans la plupart des cas au premier.
Pour la seconde forme de combat, le karaté actuel ne possède pas de réponse satisfaisante, d'où l'interrogation que j'ai
présentée ci-dessus. Nous constatons aisément qu'il n'y a aucun rapport entre les résultats en compétition de combat
d'une école et la clarté du bunkaï de ses kata. Le combat de karaté déborde largement celui de la compétition, et le
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registre que fournissent les kata du karaté ne suffit pas au combat. Ceci mérite un examen approfondi.
Une petite mise en garde. Dans le milieu des arts martiaux, parmi des personnes qui pratiquent avec sérieux, certains
n'acceptent pas le moindre du monde un propos tant soit peu critique sur leur école. La pratique des arts martiaux
semble par moment avoir remplacé la place qu'occupait autrefois la religion. Personnellement, j'ai poursuivi mes
recherches afin de m'approcher de la vérité en karaté et en bûdo. Respecter le maître et l'école est un acte humain
honorable mais si, à force de les sacraliser, on refuse de voir les autres, cela me semble aller à l'encontre de l'esprit de l'art
martial. Rappelons l'écrit de Sun Tse : "Si tu te connais toi-même et si tu connais ton adversaire, tu ne perdras pas un
combat sur cent". L'information que j'apporte est un élément à utiliser par les lecteurs pour former leur propre jugement.
Revenons à la réflexion sur le kata. Personnellement, comme tous les karatéka sérieux, j'ai pratiqué durant de longues
années les différents kata tout en m'interrogeant sur leur sens. Je vais donner une des réponses que j'ai obtenue au
cours d'une recherche où j'ai effectué l'étude comparative de plus de 250 formes ou variantes des kata de karaté.
Par exemple, pour le kata Passaï (ou Bassaï), j'ai comparé et analysé plus d'une dizaine de variantes. Et j'ai dégagé les
spécificités de chaque variante. J'ai aussi effectué la comparaison des kata du karaté par rapport à ceux du sabre
japonais.
Enfin, j'ai effectué une comparaison des méthodes des arts martiaux qui s'appuient sur le système du kata et les
méthodes des arts martiaux qui s'appuient sur l'exercice énergétique ou sur la formation de spontanéité gestuelle. Le
résultat de ce travail fait l'objet de publications par ailleurs.
Kenji Tokitsu
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