Les choristes retraités en Isère
Transcription
Les choristes retraités en Isère
OBSERVATOIRE DES POLITIQUES CULTURELLES FORMATION DES CADRES CULTURELS TERRITORIAUX MASTER 2 « DIRECTION DE PROJETS CULTURELS » Les choristes retraités en Isère Un regard sociologique pour les politiques culturelles et territoriales de demain Mémoire : Directeur de mémoire : Tutorat : ROLAND BOUCHON AURELIEN DJAKOUANE CHRISTIANE AUDEMARD-RIZZO Jury : - Mme Christiane Audemard-Rizzo, chef de service des pratiques artistiques/ OCTOBRE 2009 Partenaires: -Université de Grenoble 3, Pierre Mendès-France, culture et lien social du Département de l’Isère, - M. Aurélien Djakouane, Sociologue, Docteur de l’EHESS (SHADYC) - M. Jean-Pascal Quilès, Directeur des études à l’Observatoire des Politiques Culturelles de Grenoble -Institut d’Etudes Politiques de Grenoble, -Ministère de la culture et de la communication. REMERCIEMENTS Que soient ici sincèrement remerciés Aurélien DJAKOUANE, Sociologue, Docteur de l’EHESS (SHADYC) Christiane AUDEMARD-RIZZO, Chef du service des Pratiques artistiques/Culture et lien social du Département de l’Isère Gaël ASTIER, Chargé de mission Pratiques artistiques au Département de l’Isère Géraldine TOUTAIN, Directrice artistique de la Mission Voix Musique Danse Bourgogne Guillaume DESLANDRES, Président de l’Institut Français d’Art Choral (IFAC) Jean-Christian LEFORT, Président de l’association FOLIEPHONIES Jean-François HOGREL, Président de CHORALES EN CHOEUR – Nord Isère Christian CHALIEUX, Directeur de l’ADDIM Drôme, Délégué Départemental les CHORISTES qui m’ont donné de leur temps pour répondre à mes questions, les RESPONSABLES et CHEFS DE CHŒUR des chorales qui m’ont accueilli, Ainsi que toutes les personnes proches et amies qui ont su m’écouter et me relire avec patience, elles se reconnaîtront. 2 RESUME Mieux accompagner les pratiques chorales des retraités c’est aussi connaître de façon compréhensive le parcours de vie des choristes retraités. Le vieillissement inéluctable des populations a fait de la question de la prise en charge des personnes retraitées et de leur bien-être une préoccupation mondiale. Un regard sociologique des choristes retraités sur le territoire de l’Isère montre que : -ils viennent majoritairement du monde de l’Education nationale, monde à dominante féminine et rurale. -Ils ont un comportement culturel hétérogène et varié : ce comportement culturel évolue, s’éteint, se transforme, s’enrichit, ou s’amplifie parfois jusqu’au point de ne plus distinguer les effets de l’âge. Ils sortent en moyenne beaucoup plus que l’ensemble des français, retraités ou non et leurs comportements culturels varient d’un extrême à l’autre principalement en fonction de l’âge et de l’éloignement de l’offre culturelle. -ils ont une pratique chorale non pas déterminée, mais qui se construit à partir d’un besoin de bien-être. Le plaisir du chant, les amis, le besoin d’émancipation et le choc esthétique sont les éléments prescripteurs de cette pratique. Ils présentent une multitude de parcours choral que l’on peut transposer dans trois modèles : un parcours en « arche », un parcours « fidèle » et un parcours « discontinu ». -Ils ont remplacé leurs agendas professionnels par des nouveaux agendas culturels. Ces agendas personnalisés, composés de pratiques culturelles et de bénévolat sont aujourd’hui des« ossatures » sur lesquelles se construisent leurs nouvelles identités culturelles. - ils ont fait évoluer les finalités du chant choral qui se traduisent par une culture de la distraction et de la détente pour les plus jeunes à une culture de l’épanouissement et du partage pour les plus âgés. Pour que dans quelques années nous ne faisions plus le constat que 9 retraités sur 10 n’ont pas de pratiques artistiques, les services culturels pourront développer de nouveaux modes opératoires à l’image des savoirfaire des choristes retraités, c’est à dire des politiques de réseau, solidaires, intergénérationnelles, innovantes, contributives et « contaminantes ». Better to accompany the choral practices of the retired men it is also to know in a understanding manner the course of life of the reprocessed members of the chorus. The ineluctable ageing of populations played the question of the taking care of the reprocessed persons and their ease a worldwide preoccupation. A sociological look of the members of the chorus reprocessed on the territory of Isère shows that: - they come predominantly from the world of state education, the world to female and country dominant feature. - they have a heterogeneous and various cultural behaviour: this cultural behaviour evolves, goes out, is transformed, becomes rich, or sometimes grows up to the point to differentiate no more effects of age. - they go out on average much more than all the French, retired men or not and their cultural behaviours vary from an extreme to the other one in most cases according to age and according distance of cultural offer - they have a choral practice not determined, but which is built from a need of ease. The pleasure of singing, the friends, the need of emancipation and aesthetic shock are the prescriptive elements of this practice. - they introduce a multitude of choral course which they can transpose into three models: a course in "ark", a «uninterrupted course » and a "discontinuous" course. - they replaced their professional agendas with new cultural agendas. These individual agendas, composed of cultural practices and voluntary work are today "bones" on which is built their new cultural identity. they brought some change in the purposes of the choral singing which are translated by a culture of entertainment and relaxation for the youngest in a culture of blossoming and distribution for the oldest. So that over the years we did not make the official report anymore which 9 retired men of 10 do not have of artistic practices, cultural services will be able to develop new surgical modes just like know-how of the reprocessed members of the chorus, that is united policies, innovative, contributing and "contaminating” 3 SOMMAIRE Sommaire 4 Préambule - Paroles de choristes retraités 5 Introduction - Le temps de la retraite pour les choristes 6 1ère partie Choristes et retraités, des valeurs universelles aux enjeux internationaux 25 Chapitre I - La pratique chorale, des valeurs universelles au service d’un projet personnel 24 Chapitre II - Les retraités en question 30 Chapitre III - Méthodologie pour enquêter sur les choristes retraités 51 2ème partie - La voix des choristes Isérois 62 Chapitre IV - Le choriste retraité, un individu de Culture 62 CHapitre V - La nouvelle identité culturelle des choristes retraités 84 Chapitre VI - Les choristes retraités, un prisme pour observer les politiques publiques 94 Conclusion : Les choristes retraités, faut-il les accompagner ou s’en inspirer ? 105 Bibliographie 114 TABLES DES MATIERES 149 4 Préambule / Paroles de choristes retraités « Professionnellement je n’ai pas arrêté : je continue de soigner les gens gratuitement. Le matin je peux dormir c’est l’avantage de la retraite. Là en ce moment je trouve que j’ai ma mémoire qui s’améliore, j’ai commencé le chinois, c’est une langue qui me convient bien….ma fille voulait aller travailler en Chine…j’ai fait trois cours et cela me plait bien », Germaine, 59 ans, infirmière « Tout de suite à la retraite, j’ai eu du mal…je ne pouvais rester chez moi, j’étais toute seule…j’avais l’impression de vide…la chorale ça me faisait du bien…et maintenant j’ai l’impression de passer les plus belles années de ma vie…je suis très occupée dans des choses qui me plaisent : les amis, la paroisse, mon jardin et mes petits enfants…. » Eliane, 74 ans, cadre de la fonction publique « Ce matin, j’avais cours de géologie à Grenoble, l’après-midi, j’ai appris à tailler la vigne à un collègue et ce soir la chorale….Le mercredi, c’est plein. On a toujours sur le calendrier des activités…Ma femme a plein de choses, je ne m’en aperçois pas…elle prend des cours d’anglais avec ses copines...elle s’occupe de Tupperware… », Bernard, 74 ans, technicien en électronique « Souvent mes petites filles…quand je vais les voir, elles viennent (et me demandent) alors tu nous joues quelque chose...je ne veux plus leur demander de chanter avec moi parce que les gosses ils ne chantent pas comme nous on chante...(elles) me disent la balade nord irlandaise...tu la chantes pas comme nous ! Alors on la chante plus... ! .. Je ne chante pas plus tellement avec elles...mais le principal c’est que les gens aient le temps de chanter », Robert, 74 ans, commerçant 5 INTRODUCTION / Le temps de la retraite pour les choristes « (les chorales) ça répond à un besoin de la société actuelle où les gens ont besoin de se retrouver dans une forme différente d’autrefois peut-être...et ont besoin de se retrouver et de faire des choses ensemble … à un moment donné, j’ai dit il faut que tu redonnes à ton tour ce qu’on m’a donné…ce que j’ai trouvé dans le chœur je le redonne à ma façon en aidant…ça c’est une conception que plus beaucoup ont...la conception d’un retour en forme associative où je ne suis pas consommateur, où je profite de l’association et à un moment donné je donne moi aussi de mon temps et de mes compétences », Jean-Yves Le temps de la retraite est un temps de vie étonnant, un temps de vie qui, différent de la vie professionnelle, inspire à Jean-Yves des envies de partage et de don de soi ainsi qu’un regard critique sur la société actuelle. En entendant la voix des choristes, en écoutant leurs témoignages, nous nous rendons compte que tour à tour, le temps de la retraite est un temps de renaissance pour Eliane, d’apprentissage pour Germaine, d’échange et de partage familial pour Jacques, de découverte et de repos pour d’autres. Un temps qui prend autant de formes qu’il y a d’individu. La retraite est pour les choristes, un temps de vie pendant lequel ils vont construire une nouvelle vie et parfois même une nouvelle « adolescence »1 en inventant de nouveaux défis ou de nouveaux rôles. Le capital « expérience » qu’ils ont accumulé peut parfois même se traduire par le temps de la sagesse ou par le temps du renouveau. Paradoxalement, ces multiples traductions du temps de la retraite qui transparaissent à travers les témoignages des choristes retraités ne correspondent pas aux images prédominantes que nous pouvons en avoir spontanément quand nous entendons aujourd’hui le terme retraite : ce dernier renvoie souvent à l’idée de la vieillesse et « lorsqu’on interroge de jeunes adultes sur ce qu’évoque pour eux le terme vieillesse, leurs réponses ne correspondent pas à la vieillesse épanouie, autonome et active mais plutôt à la vieillesse ingrate »2. Les termes pour désigner ce temps particulier qu’est la retraite varient dans le temps3 et d’un pays à l’autre, d’une histoire à l’autre, d’un imaginaire à l’autre. Ils sont principalement liés à des notions financières quand on observe la prédominance des termes dérivés de mots tels que pension (anglo-saxon) et de rente (germanique). 1 Une vie en plus, collection De Rosnay J, Servan Schreiber JL, De Closets François, Simonnet Dominique, Essais – Points 2 La tête et les jambes. Représentations de la vieillesse chez les jeunes adultes, Hummel C., Prévenir n° 35 1998 3 Lire en annexe 4, p 145, La perception de la vieillesse depuis le 18ème siècle 6 En France, la définition du terme retraite fait appel à plusieurs significations incluant l’imaginaire de l’argent : avec celles qui sont le plus généralement évoquées4, la première est spirituelle voire religieuse : « une expérience de retrait hors de l’agitation mondaine» mais qui inspire des notions de renoncement et de sacrifice. La seconde est militaire et évoque des notions de stratégie de repli. La troisième est celle du « versement de prestations sociales ». Les valeurs auxquelles nous renvoient les choristes retraités se rapprocheraient plus de deux imaginaires que nous retrouvons à travers l’exemple grec qui par le terme Syntaxi valorise (à travers le suffixe Syn) l’idée du lien et de l’échange intergénérationnel. Et dans une moindre mesure à l’exemple espagnol qui avec le mot Jubilacion associe la retraite à la notion d’anniversaire et de fête. Les termes retraités et retraite ne sont pas neutres, nous prendrons donc bien garde à chaque fois de préciser dans quel contexte ils seront utilisés et d’expliciter les valeurs qu’ils véhiculeront. Dans le cadre de ce mémoire nous nous attacherons à étudier la retraite comme étant un temps de vie nouveau, dans lequel le choriste retraité sera considéré comme un individu qui construit de nouvelles relations avec le monde qui l’entoure à travers une pratique artistique. Un « multi »-public Le choriste retraité est la composante d’une population que l’on croit être aujourd’hui des plus simples à « lire ». Nous pourrions tous les « englober » par exemple dans une catégorie de « ceux qui ne sont plus actifs », actifs entendu dans le sens salarié (même si un retraité peut encore percevoir un salaire dans certaines conditions). Mais posons l’hypothèse qu’il n’en est rien avec les choristes retraités et que ces derniers sont multiples : - de par leur tranche d’âge : les choristes retraités que j’ai pu questionner ont entre 49 ans pour le plus jeune jusqu’à 82 ans pour le plus âgé. - de par leur comportement : les choristes appartiennent à 5 générations différentes d’avant et d’après-guerre avec donc des modes de vie différents5 et des pratiques culturelles6 qui, suivant l’avancée en âge et la situation géographique (nous le verrons un peu plus loin) varient, en termes de fréquence et de nature d’activité, du simple au triple. - de par leur mixité sociale : du médecin au commerçant, de l’ouvrier à la femme au foyer, de l’enseignant au demandeur d’emploi, ils sont tous là : toutes les catégories sociales sont représentées. 4 Je fais référence, ici, à la retraite considérée comme un défilé nocturne organisé lors d’une fête publique (retraite aux flambeaux) et qui n’est pas généralement la signification qui vient tout de suite à l’esprit à l’énonciation du terme retraite. 5 Approche générationnelle des pratiques culturelles et médiatiques, Etude du DEPS - mars 2007. 6 Les pratique culturelles sont entendus ici comme la somme des pratiques artistiques en amateurs et des sorties culturelles en tant que spectateurs 7 On a donc affaire à une population vraiment hétérogène, d’une étonnante diversité ce qui peut laisser penser qu’à priori il y a avec ce public une diversité d’aspirations et de besoins. Devant ce premier constat nous pouvons interroger les dispositifs d’accompagnement en direction de la pratique chorale des retraités et plus globalement en direction de l’ensemble des pratiques artistiques qui prennent peu en compte la diversité des âges et des comportements, dispositifs qui sont dans leur grande majorité uniformes au niveau national. Ce public est riche par sa diversité mais il présente aussi une particularité supplémentaire qui est celle d’être aujourd’hui au croisement d’évolutions majeures de notre société. Avant de vérifier cette hypothèse nous pouvons remarquer dans un premier temps que : - les formes de solidarité intergénérationnelle sont actuellement repensées pour assurer la survie par exemple du système de retraite par répartition. La dernière loi Fillon et les récents débats nationaux sur l’âge de départ à la retraite et sur les dispositifs de financement en témoignent. - 85% des choristes retraités interrogés sont des grands-parents, et comme le soulignent Claudine Attias-Donfut et Martine Segalen dans « Grands parents, la famille à travers les générations », ils assurent une nouvelle consolidation de la cellule familiale qui s’est fragilisée ces dernières années et représentent aussi une génération « pivot » quand on prend en compte la solidarité qu’ils peuvent exercer soit financièrement soit humainement auprès de leur famille proche. - les retraités deviennent progressivement un public qui électoralement sera de plus en plus dominant. Monique Boutrand précise dans son rapport7 « Sénior et cités » que les plus de 60 ans représentent aujourd’hui plus d’un quart du corps électoral et qu’en 2020, il avoisinera les 40 %. - Il y a nécessité, comme nous le rappelle Philippe Chantepie8, d’imaginer de nouvelles offres en matière de pratiques culturelles pour des retraités qui représentent une population qui se développe sans cesse, avec une espérance de vie qui s’allonge, toujours en meilleure santé, et de plus en plus active et participative. Pour conclure, n’oublions pas que le public des choristes retraités rappelle à tous un sujet anxiogène, un sujet associé à la retraite qui n’est autre que celui de la vieillesse et qui fait dire à Monique, future retraitée de 55 ans, que « le seul moyen de rendre le vieillissement acceptable, c’est de le vivre de manière solidaire »9 7 Séniors et cités, rapport de Monique Boutrand pour le Conseil Economique, Social et Environnemental, 2009 8 Philippe Chantepie est chef du Département des études, de la prospective et des statistiques (DEPS). 9 Vieillir chez soi en 20309. Article signé par Michaela Bobasch dans Le Monde du 10 Mars 2008. 8 Quelles sont les formes que doivent prendre les accompagnements de la pratique chorale des retraités ? Dans le cadre de la mise en place de son schéma départemental des enseignements artistiques (SDEA), le Département de la Drôme a souhaité re-questionner ses politiques d’accompagnement en direction des pratiques artistiques en amateur et donc en direction des chorales. Ce dernier missionna L’ADDIM Drôme10 pour mettre en place un état des lieux des enseignements et des pratiques artistiques afin de pouvoir déterminer de nouvelles préconisations sur lesquelles se construirait le futur schéma départemental des enseignements artistiques. Christian Chalieux et moi-même (respectivement directeur et chargé de mission des enseignements artistiques de l’ADDIM Drôme) avons donc procédé à un état des lieux en 2006 qui a permis avec l’ensemble des acteurs concernés, de re-visiter les différents dispositifs existants mettant ainsi à jour certaines problématiques. Pour les pratiques chorales, nous faisions alors les constats suivants : - les échanges artistiques entre professionnels et amateurs se multipliaient, - le nombre de choristes qui suivaient des cours de technique vocale augmentait, - le nombre d’ensembles vocaux et, plus généralement, l’offre en matière de pratique vocale se développait de manière importante dans les écoles de musique, - la mise en scène et la scénographie prenaient de plus en plus de place dans les productions chorales. Malgré cela, nous pouvions constater : - une difficulté chronique à trouver des chefs de chœur « qui savent... », et plus particulièrement en milieu rural, - qu’il y avait encore très peu de créations et de renouvellement du répertoire, - que la qualité de production artistique des chorales n’évoluait pas dans l’ensemble, de manière significative11, - que les dispositifs répondent peu aux importantes demandes des chorales, qui sont une aide à la diffusion et au financement des ensembles de musiciens professionnels qui les accompagnent, - des partenariats disparates avec l’Education Nationale suivant les territoires, - des liens avec les écoles de musique disparates. ADDIM Drôme : Association Départementale pour la Diffusion et l’Initiation à la Musique. Créée en 1974, l’ADDIM Drôme est une association conventionnée avec le Département et l’Etat. Au service des usagers et des élus, elle a pour mission le développement de l’activité chorégraphique et musicale en toute cohérence avec le territoire. L’ADDIM Drôme est adhérente à Arts Vivants et Départements. 10 11 A l’exception d’une minorité de chorales et ensembles vocaux (estimée à 10%) qui en proposant régulièrement des cours de technique vocale à leurs choristes (parfois en lien avec l’école de musique) ont pu faire évoluer sensiblement la qualité technique de leur interprétation. 9 Mais si le schéma départemental voté en 2007 par le Département de la Drôme mettait l’accent sur la professionnalisation et la qualification des enseignements artistiques, s’il insistait sur la nécessité de rédiger des projets d’établissement, de faciliter l’accès au plus grand nombre, de développer les pratiques en amateurs, et de s’ouvrir aux partenariats avec les équipements culturels de proximité 12, il insistait moins sur la nécessité pour les structures d’enseignement de développer des pratiques artistiques qui répondent à des objectifs de cohésion sociale et de croisement des publics. Si ce dernier a insisté sur la solidarité, c’était principalement pour une question de solidarité « territoriale » avec l’objectif d’équilibrer l’offre des pratiques artistiques en milieu rural et urbain. Genèse d’une problématique La nécessité d’en savoir plus sur les choristes retraités, la nécessité d’une étude. Aujourd’hui, repenser les dispositifs d’accompagnement pour la pratique chorale, et plus particulièrement en direction des chorales âgées en milieu rural est toujours aussi « délicat » pour les raisons suivantes : - c’est un sujet qui interpelle tout le monde : c’est une pratique universelle, présente dans l’inconscient collectif, dont l’apport en termes de projet artistique et de cohésion social concerne le plus grand nombre ; - de nombreuses personnes qualifiées et expertes ont réfléchi et œuvré depuis bien longtemps dans le domaine du chant choral ; la professionnalisation des chefs de chœurs et les politiques sur le développement de la pratique chorale sur les territoires en sont les témoins ; - la chorale (comme les harmonies ou les batterie-fanfares) même si elle ne représente pas d’enjeu financier important, reste un élément politique sensible dans le sens où elle constitue une activité populaire, souvent présente sur les temps forts de la vie quotidienne et dont on parle beaucoup. Cet enjeu est d’autant plus fort quand la chorale anime un territoire rural et que l’ensemble de ses activités est très régulièrement présenté dans la presse locale ; elle est souvent la seule pratique artistique collective qui valorise et anime le village sur les temps de fête et qui porte parfois même les couleurs de la commune lors de rencontres chorales ou de jumelage. - Les choristes retraités âgés posent très rapidement des questions de société « brulantes » qui sortent vite du simple cadre de la pratique artistique; Si à la suite d’une évaluation partielle du schéma, nous devons proposer de nouveaux dispositifs pour mieux accompagner les chorales en milieu rural, une étude sur la composition sociologique des choristes retraités en milieu rural nous parait nécessaire : en effet, nous côtoyons depuis longtemps maintenant les chorales, nous connaissons principalement leurs responsables mais moins bien les personnes qui les constituent et encore moins en milieu rural. 12 S’inspirant ainsi de la Charte de l’enseignement spécialisé (2001) qui redéfinissait les nouvelles missions des écoles de musique. 10 Pour mieux accompagner les chorales, il faut aussi de meilleures stratégies pour faciliter l’accès à cette pratique. Mais faciliter l’accès, c’est aussi comprendre comment fonctionne cet accès, pourquoi se présente - t’il comme cela, à tel ou tel moment ? Et pour comprendre cela, il faut approfondir l’analyse sociologique : « l’étude des formes de prescription des comportements culturels permet de mieux saisir les modes de transmission et d’accès à la pratique. L’objectif étant d’identifier et de qualifier une pluralité de formes de prescription – scolaire, familiale, institutionnelle, etc. – dans la perspective d’établir, à plus long terme, le rôle des transmissions effectives des pratiques »13 L’étude des parcours de vie qui devrait nous éclairer sur la nature des prescripteurs de cette pratique nous semble donc importante à mener. Le mémoire n’est plus alors un simple exercice universitaire mais devient bel et bien un outil intéressant, un outil d’évaluation pour mettre à l’épreuve les préconisations que nous présenterions aux élus drômois sur un sujet aussi « populaire » que la pratique chorale. Nous accompagnons les pratiques chorales pour des raisons de cohésion sociale. Nul n’est censé ignorer les bienfaits du chant choral ainsi que les valeurs républicaines, sociales et humaines qu’il véhicule mais nous pouvons accompagner aussi les pratiques chorales parce que nous supposons qu’elles participent à la composition de la nouvelle identité culturelle des retraités La pratique chorale participe à une « troisième socialisation»14 : le choriste retraité est un individu en devenir continuel, une personne que nous pouvons retrouver dans l’homme pluriel 15 avec de nombreuses aspirations et qui redéfinit de nouvelles relations aux autres ainsi qu’une nouvelle organisation de son temps de vie. Un nouvel agenda L’étude de cette microsociété que représentent les choristes retraités va nous permettre de constater que ces derniers élaborent donc une nouvelle identité avec des composantes telles que les pratiques culturelles (pratiques artistiques et sorties culturelles) ainsi que les actions bénévoles et caritatives qui vont venir se substituer au moment de la retraite à la composante « vie professionnelle ». Ces nouvelles actions vont naturellement venir enrichir l’identité culturelle du choriste, identité qui englobe aussi bien les pratiques culturelles que les modes de vie, la religion, les droits fondamentaux, les valeurs, les traditions et les croyances du choriste. 13 Carrières de spectateurs au théâtre public et à l’opéra. Les modalités des transmissions culturelles en questions : des prescriptions incantatoires aux prescriptions opératoires Emmanuel Pedler et Aurélien Djakouane (EHESS-SHADYC) dans O. Donnat, P. Tolila (dir.), Le(s) public(s) de la culture, Paris, Presses de Scienes Po, 2003, Vol. 2, coll. « Transhumances IX », 2009, pp. 203-214 14 En comparaison à la socialisation primaire et secondaire qui représentent deux périodes de la vie ou l’individu va construire ses relations et comportements par rapport à l’Autre. 15 L’Homme Pluriel, les ressorts de l’action, Bernard LAHIRE, Collection Pluriel, Hachettes. 11 La pratique chorale ainsi que les sorties culturelles qui composent donc cette nouvelle vie sont choisies parce qu’elles sont certes distractives, mais parce qu’elles sont aussi pendant cette période de vie, instructives et parfois caritatives. Les actions bénévoles et caritatives vont venir compléter les pratiques artistiques définissant ainsi une nouvelle organisation de vie qui va se traduire concrètement par la mise en place hebdomadaire d’un véritable planning culturel et social. Le choriste retraité reste un être en devenir et même si ses comportements passés vont influer sur la construction de ses pratiques à venir, il ne se trouve pas dans une période de vie « arrêtée et déterminée » : il est sans cesse en mouvement et en invention, et de cela, il faut tenir compte si nous voulons mettre en place des politiques pertinentes en direction de nos séniors et ainés. Les politiques de développement des pratiques en amateurs qui faciliteront la construction de ce nouvel individu, pourraient être revues sous ce nouveau jour, non plus uniquement sous l’angle de la démocratisation et de la médiation culturelle mais sous l’angle de la construction culturelle et interactive d’une nouvelle personne, qu’est le futur retraité De plus, ces mêmes choristes retraités n’apparaissent pas être le public que cible depuis tant d’années la démocratisation culturelle, il est plutôt le public actif et curieux sur lequel s’est construit les politiques d’abonnement des équipements culturels et du monde associatif. Finalement deux autres questions vont apparaître : ces choristes retraités, ont-ils réellement besoin des politiques publiques ? N’avons-nous pas, au contraire, besoin d’eux ? Les pratiques chorales des retraités sont-elles réellement le reflet des politiques culturelles actuelles ? L’envie de répondre par la négative est forte : nous pouvons supposer que la pratique chorale est tout simplement une initiative naturelle et remarquable des citoyens que les financements publics aident à la marge. A la marge quand on compare le montant des financements sur les enseignements et sur le spectacle vivant à celui qui est alloué aux pratiques chorales amateurs (respectivement 1 200 000 € pour environ 20 000 € dans la Drôme et 3 500 000 € pour 50 000 € dans l’Isère); A la marge parce que les financements vont majoritairement et historiquement vers l’excellence artistique et la professionnalisation répondant ainsi aux attentes d’un ministère de la culture dont les politiques en matière de pratiques en amateur n’ont été des priorités affichées que par intermittence. Mais afin d’être plus efficient avec les moyens alloués et faire que la pratique chorale et artistique soit partagée par le plus grand nombre, le développement des pratiques en amateur ne pourrait-il pas s’inspirer des modes de fonctionnement des choristes retraités ? 12 Ne pourrait-il pas se nourrir : - de leur vitalité culturelle ? de la façon dont leur réseau d’influence fonctionne ? de leur façon de construire des liens intergénérationnels en famille et dans la chorale ? de la façon qu’ils ont de composer une nouvelle identité culturelle ? de la façon qu’ils ont de s’investir et de contribuer à la société ? de leur adaptation devant les effets de la vieillesse16 ? Tous ces savoir-être ne pourraient-ils pas inspirer nos stratégies de développement culturel et plus largement nos politiques culturelles. La démocratisation de la culture ne devrait-elle pas s’inspirer de ces savoir-faire ? Est-ce que les Départements de l’Isère et de la Drôme développent des politiques culturelles en se basant sur les réseaux familiaux et sur les échanges intergénérationnels ? Est-ce que ces derniers ont mis en place des dispositifs pour aller à la rencontre des futurs retraités à l’image des grandes entreprises comme EDF/GDF pour proposer, lors d’ateliers spécifiques de préparation à la retraite, la découverte d’une pratique chorale ou d’une autre pratique artistique susceptible de réveiller chez la personne de nouvelles envies ? La pratique artistique permet à ces retraités, souvent par contamination, de partager leur savoir-faire, leur culture dans un esprit de contribution. Cette pratique artistique pourrait être celle d’une harmonie ou d’une batterie fanfare dans lesquelles, à priori, nous retrouverions en partie les mêmes modes opératoires que chez les choristes retraités. Des services culturels innovants, plus transversaux, plus « contaminants ». Les collectivités depuis quelques temps déjà, réorganisent leurs services en fonction de thématique comme « Vie citoyenne et associative», « développement durable », avec de nombreuses politiques en direction des personnes âgées, mais très souvent les services culturels de la collectivité sont rattachés aux services sport et jeunesse, de temps en temps, à l’éducation et rarement aux services sociaux et économiques. La culture est facteur de cohésion sociale, il n’y a pas une seule politique qui ne l’admette comme principe fondateur de notre société. Les pratiques artistiques, comme la chorale, participent à cette cohésion sociale. Néanmoins, l’administration des services publics dans un esprit de rationalisation encore plus formalisé par la Révision Générale des Politiques Publiques (RGPP), a très souvent « normé » la culture à travers des services le plus souvent cloisonnés. Il s’en suit que les pratiques artistiques restent sous la responsabilité d’un seul service qui ne soutient qu’à la marge, nous l’avons vu, les pratiques en amateurs et, qui plus est, peut 16 Malgré les difficultés dues à l’âge (difficultés qui apparaissent à travers les interviews entre 65 et 74 ans), difficultés qui les obligent à lever le pied, ils compensent ou valorisent un autre « lien social », ils continuent à aménager et à construire d’une façon différente leur vie quotidienne et sociale. 13 manquer de certaines compétences quand il faut innover et développer des pratiques artistiques en direction de nouveaux publics comme par exemple vers les familles. Pour nous en convaincre, il n’est que de constater, sur l’ensemble des Départements, le nombre de projets incluant une pratique artistique portés communément par une direction des affaires culturelles et des affaires sociales avec un financement conjoint aux deux services. Paradoxalement, le service de l’éducation et de l’enseignement avec les inspections d’académie ont réussi à travers les dossiers uniques à mettre en place des dispositifs communs pour valider et financer des ateliers artistiques communs. Un animateur territorial d’un contrat de développement Rhône-Alpes (CDRA) nous signalait, il y a peu, la réaction d’un service de l’environnement qui recevait une demande d’aide pour un projet éducatif scolaire qui présentait un travail sur l’eau, l’air, la terre et le feu. Ce dossier ne le concernait pas. Pourquoi le financerait-il à la place du service Culture ? Si l’on souhaite développer des pratiques artistiques en direction des personnes âgées et des retraités, il faut que les services culturels s’inspirent de savoir-faire qui facilitent les financements conjoints avec l’ensemble des services de la collectivité. La cohésion sociale ne passera que par un projet cohérent auquel participe l’ensemble des services. L’esprit de la LOLF17, défend toujours l’idée de programmes d’actions, avec la conception de dispositifs qui se construisent sur l’ensemble des ressources, et donc sur l’ensemble des services. C’est aussi affaire de volonté politique : seule une commande politique ferme nous permettrait aujourd’hui de construire et de financer conjointement avec les services de l’économie et des entreprises, le projet d’une pratique chorale en direction des ouvriers et des futurs retraités. Et la culture d’entreprise ne pourrait qu’enrichir nos dispositifs pour l’accès à la pratique artistique. Les collectivités et le bien-être des retraités et des personnes âgées Depuis quelques années, les grandes communes de manière très inégale, sur des thématiques allant du logement, de l’action sociale à la culture, ont pris conscience de l’importance de développer le bien-être d’un public qui est de plus en plus nombreux, dont la demande croît sans cesse et qui électoralement représente 28 %. La ville de Grenoble prend soin de ses retraités et de ses séniors. En février 2008, le mensuel "Notre temps" a choisi d'effectuer un classement des principales communes de plus de 130 000 habitants "chouchoutant" nos aînés. Le magazine souhaite mesurer l'attention portée au bien-être des retraités par les municipalités en France. » Dans ce classement, la ville de Grenoble arrivait en troisième position avec une remarquable première place pour son réseau de transport en direction des personnes âgées. 17 Loi pour l’organisation des lois de finances – 2001 14 L’ensemble des collectivités à travers les contrats de ville et dernièrement avec les volets culturels des Contrat Urbain de Cohésion Sociale (CUCS) développe nombre d’initiatives allant du simple éveil artistique aux sorties dans les institutions culturelles en direction des publics éloignés de la culture. La ville de Lyon avec les Chartes de Coopération Culturelle18 nous montre là encore un projet exemplaire en matière de démocratisation culturelle dans laquelle nous voyons apparaître parfois séniors et personnes âgées. L’Etat, de son coté a mis en place en direction des personnes âgées, depuis mars 2003 le programme Bien Vieillir ; programme ambitieux qui doit permettre à chacun « de réussir son vieillissement ». Pour sa part le Département de l’Isère19 a mis en place deux politiques qui participent au bien-être social. Deux dispositifs dont un* qu’il est le seul en Rhône-Alpes à avoir été adopté, il s’agit : - du service Pratiques artistiques / Culture et lien Social - de l’agenda 21 départemental20 Mais sans rentrer dans le détail de ces dispositifs, la politique sociale développée par le Département de l’Isère 21en direction des personnes âgées est principalement une politique de « compensation », aux financements importants qui se comptent en centaines de millions d’euros et qui est mise en place pour les personnes en grande situation de dépendance, d’exclusion ou de handicap. Mais ce dernier en faisant le choix d’affirmer que le service culturel est facteur de lien social et en créant un poste de Chargé de mission Culture et lien social, prouve, qu’il prend une orientation politique où la culture va devoir décliner transversalité et partage des savoirfaire. Même si les financements pour cette mission Culture et Lien social sont relativement modestes, même si le public cible n’est pas exclusivement celui des retraités et personnes âgées mais celui de l’ensemble de la population, c’est néanmoins une politique culturelle qui peut parfois participer au bien-être des personnes âgées. Mais il n’en reste pas moins que, malgré toutes ces politiques 9 retraités sur 10 n’ont aucune pratique artistique.22 Afin de faciliter l’accès des retraités à la pratique artistique, allons maintenant découvrir les parcours choral des choristes retraités. 18 www.polville.lyon.fr/static/polville/contenu/fichiers/synthese_Charte_de_Cooperation_Culturelle_2007_2009.pdf Les budgets alloués par le Département à la création artistique et aux pratiques artistiques sont respectivement de 6 100 000 € et de 6 000 000 €. 19 20 Les Agendas 21 locaux : La loi d’Orientation pour l’Aménagement et le Développement Durable du Territoire fait explicitement référence à la démarche d’”Agenda 21 local” comme outil de mise en œuvre du développement durable. Ces contrats permettent à l’État de donner des moyens spécifiques aux collectivités pour mettre en oeuvre des projets collectifs en déclinaison du Contrat de Plan Etat-Région. La consultation et la concertation avec les habitants doivent prévaloir à tout projet du contrat. 21 22 Comme pour l’ensemble des Départements en France Données INSEE 2005. 15 Du cheminement à l’enquête de terrain La construction de la problématique n’est pas le fruit du hasard. Il est le produit d’un cheminement entrepris il y a maintenant un an et demi, cheminement qui s’est traduit par un voyage dans lequel j’ai rencontré des hommes et des femmes aux histoires et aux horizons variés ; un voyage qui n’était autre qu’une enquête de terrain, une enquête sur le terrain de l'Isère. La clarification de la problématique n’a pu être possible qu’à la fin du travail. Autant l’objet de l’étude a été clair très rapidement autant la problématique a évolué en fonction des différentes lectures et des échanges que j’ai eus avec le directeur et la tutrice de ce mémoire. Les entretiens que je menais en parallèle avec les choristes retraités m’ont souvent emmené sur de nombreuses pistes et thématiques tout aussi passionnantes les unes que les autres mais comme me l’a souvent précisé le directeur de mémoire, c’est « la réalité» du terrain qui s’imposera et répondra concrètement à ma question. Ce fut le cas. A la fin, la lecture des déterminants sociaux, des comportements culturels et du savoir-être des choristes retraités a été le révélateur de la problématique. L’objet de l’étude : les choristes retraités Il est paradoxalement simple et complexe à la fois. Simple, car il peut nous apparaitre comme un sujet familier du fait qu’il y a pléthore d’écrits et de romans sur ce sujet avec dernièrement un film à grand succès populaire (les choristes) et qu’il arrive parfois d’avoir dans son entourage proche une personne ou deux qui a, de près ou de loin, pratiqué cet art vocal.23 Complexe, car ce public nous renvoie à étudier 3 domaines distincts et leur interactions communes : - les personnes retraitées, la pratique chorale, les pratiques artistiques en amateur. Complexe, car il a souvent engendré des quiproquos sur le thème étudié : parle t’on des choristes retraités ou de la pratique chorale des retraités ? Un des domaines soulève particulièrement des enjeux sociétaux importants considérés par un grand nombre comme les plus importants du siècle à venir : c’est celui des personnes retraités. C’est « le thème du vieillissement démographique généralisé de la planète qui prépare l’un des changements sociaux les plus importants du XXI siècle ».24 23 Une des personnes interviewée dans le cadre de l’enquête sera dans ce cas : une personne de mon entourage proche qui venait à peine d’arrêter la pratique chorale à cause d’un changement professionnel qui n’était donc ni chanteur ni retraité. 24 L’Union internationale pour l’étude scientifique de la population, Congrès de Tours, juillet 2005. 16 Une précision s’impose, les retraités que nous avons choisis de rencontrer n’intègrent pas les personnes dites dépendantes. Ces dernières, en effet, sont étroitement liées aux maisons de retraites et aux milieux de la santé (gérontologie, gériatrie). L’étude des interactions entre la culture et les personnes dépendantes et la question « quelle place pour la pratique artistique en fin de vie ? » mériteraient à elles seules un travail conséquent. Néanmoins nous pouvons attirer l’attention sur le fait que là aussi, nous juxtaposons le grand âge (75 – 90 ans) à la dépendance, mais très récemment le film « I feel good » qui met en scène une chorale américaine unique au monde Young@heart qui comprend des personnes âgées en moyenne de 80 ans vient bouleverser encore nos idées préconçues sur la vieillesse prouvant bien que l’allongement de la vie et l’amélioration de la qualité de vie permettent aujourd’hui à des personnes de cet âge de faire des tournées mondiales. Le cheminement Au moment de la genèse du mémoire, la question de l’étude de l’ensemble des pratiques culturelles des retraités s’est posée. Très rapidement les échanges que j’ai eus avec Aurélien Djakouane et Christiane Audemard m’ont convaincu de recentrer le sujet du mémoire sur les choristes retraités ; d’une part, « Les pratiques culturelles des retraités » était un sujet trop large pour un mémoire, il était donc préférable de restreindre le public à étudier pour faire un travail plus approfondi scientifiquement, d’autre part, le Département de l’Isère avait repris depuis peu une enquête sur les chorales : il était intéressant de proposer un travail complémentaire sur la typologie des choristes et sur le parcours choral des choristes. Cela permettait de proposer une réflexion complémentaire au travail mené par le Service Culture et Lien Social du Département et de créer un outil de réflexion pour les responsables du chant choral et des pratiques artistiques en amateurs. Une première trame de travail, ou plutôt un consensus sur les premiers objectifs s’est rapidement mis en place : Il s’agissait d’aller rencontrer les choristes retraités pour : - appréhender la façon dont s’est construit leur parcours choral, - connaitre leurs habitudes en terme de comportements culturels (pratiques et sorties), - apprécier l’incidence de la pratique chorale sur leur quotidien, - spécifier les caractéristiques des choristes retraités par rapport aux non-retraités. Le cadre universitaire Le choix du directeur de mémoire J’ai rencontré Aurélien Djakouane lors d’un séminaire où il intervenait sur le thème des publics du théâtre. Sociologue et chercheur au SHADYC (EHESS-CNRS), son regard et ses propos m’avaient convaincu. Mon objet d’étude l’intéressait et il m’accompagne depuis plus d’un an maintenant. Finalement, sans le savoir, je résistais inconsciemment au vieillissement « inéluctable », car je crois bien avoir choisi le plus jeune des directeurs de mémoire de cette promotion. 17 Le choix du territoire : le Département de l’Isère Le département de l’Isère était un choix qui m’a paru le plus judicieux pour les raisons suivantes : - C’était un département d’étude « neutre » : mes fonctions actuelles de chargé de mission me demandent d’instruire pour le compte du Département de la Drôme des demandes de subventions. Quand je rencontre les usagers choristes, enseignants, danseurs, bénévoles ou de directeurs de conservatoire, la rencontre ne peut pas être neutre. J’arrive « marqué » du sceau « ADDIM / Conseil général ». Pour que mon travail d’enquête ne soit pas parasité par mes fonctions, pour ne pas fausser le dialogue avec les choristes que j’allais rencontrer, il me fallait donc un terrain neutre. Le territoire de l’Isère en était un. - C’était un département voisin : évidemment beaucoup plus pratique quand je devais envisager un nombre de RDV importants ! - La présence d’une tutrice en la personne de Christiane Audemard répondait à deux de mes attentes : c’était une personne référente en termes d’actions culturelles dont j’avais eu le temps d’apprécier les qualités lors de nombreuses rencontres régionales. Elle dirige actuellement le service Pratiques artistiques/Culture et Lien Social du Département et a donc une connaissance aiguë de son territoire, ce qui ne pouvait que me servir. Le sujet concernant les retraités l’intéressait. Elle m’a convaincu de m’engager définitivement sur ce sujet et de m’associer à son chargé de mission Gaël Astier. 18 19 Quelques précautions d’usage : « 3ème et 4ème âge, sénior, retraité, personnes âgées », comment s’y retrouver ? Pour parler des retraités et des personnes âgées, il est important de s’arrêter sur la terminologie qui va nous accompagner pour les pages à venir. Chaque terme choisi n’étant pas neutre, il est important pour faciliter la lecture de ce mémoire de faire le point. Avec la modernisation de nos sociétés et le vieillissement des populations, de nouveaux termes sont apparus pour désigner une population âgée : 3ème et 4ème âge, sénior, séniorité, retraités. Il est préférable d’en préciser le sens ou tout du mois de nous mettre d’accord sur un sens commun. 3ème âge et 4ème âge Comme le rappelle Robert Rocheford, directeur adjoint au CREDOC, l’âge de la vieillesse est une borne extrêmement variable et symbolique, à cause de l’espérance de vie qui ne cesse de croitre. Et c’est avec cette limite qui ne cesse d’être repoussée que la notion du 4ème âge est apparue il y a peu : suivant l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), le 3ème âge c’est l’âge de la retraite (plus de 60 ans), le 4ème âge équivaut à l’apparition d’un handicap. Dans un dictionnaire (the free Dictionnary), nous pouvons trouver : Troisième âge, période qui suit l'âge adulte et où cessent les activités professionnelles. Quatrième âge, période suivant le troisième âge, où la plupart des activités deviennent impossibles, et qui correspond à la grande vieillesse. Nous le comprenons, le 3ème âge est directement lié à l’âge de la retraite, c’est une borne qui varie d’une dizaine d’années en Europe (57 – 67ans) et cette borne de la retraite étant de plus en plus revue à la hausse entraine que le 3ème âge va commencer de plus en plus tard dans les années qui viennent. Les 3ème et 4ème âges sont donc plus des notions qui s’attardent à préciser un statut ou une place sociale de la personne (en activité professionnelle ou pas, empêchés ou pas,…) plutôt que de préciser un âge réellement. Mais les sociologues peuvent aussi définir ces temps de vie autrement : -le sociologue et économiste Claude Vimont pense que les personnes dites du troisième âge (les 60-75 ans) sont « les représentants d'une nouvelle étape de vie, mieux : un laboratoire de nouvelles formes d'activité et d'emploi ». -pour Martine Segalen, « le 3ème âge a servi de repoussoir aux plus jeunes retraités…rejetant les autres dépendants dans le 4ème âge » -Vincent Caradec précise que « le temps baptisé du Quatrième âge est un ensemble qui a été identifié aux personnes âgées dépendantes, destinataire d’un nouveau dispositif de politique sociale »25 25 Sociologie de la vieillesse et du vieillissement, Vincent Caradec, collection 128 ; Armand Colin. 20 Nous le constatons suivant que l’on se place d’un point de vue statistique ou social, les 3ème et 4ème âges nous renvoient à des représentations bien différentes. Le Sénior et la séniorité. C’est avec ces termes que les quiproquos peuvent apparaître le plus souvent. En effet, ces derniers englobent une plus grande diversité d’âge, et suivant les contextes, ces termes utilisés sans précision peuvent donner l’impression qu’il sont un véritable fourretout dans lequel vous pouvez par exemple retrouver l’ensemble du 3ème et 4ème âge avec la confusion la plus fréquente qui consiste à employer le terme sénior pour parler de la vieillesse. Sénior définit donc un public hétérogène qui englobe divers sous-segments : des actifs et des non-actifs, des professionnels/pré-retraités ou des retraités, des personnes plutôt en bonne santé/ou en mauvaise santé voire avec des handicaps (vision, ouïe, mémoire). Le Petit Larousse (2002) précise : Sénior, « qui concerne les plus de cinquante ans… ». C’est un terme qui en latin désigne littéralement celui qui est « plus âgé » et qui dans la littérature latine, désigne celui qui est plus sage. « C’est du monde du marketing que proviennent les séniors » 26 Sénior est un terme qui est apparu la première fois à l’appui d’une étude de marché et qui a été généralisé dans les années 90 à travers les enquêtes liées au marketing : il était pratique pour deux raisons, d’une part parce qu’il donnait une image moins négative a priori des personnes plus âgées, d’autre part, il venait du sport et donc était plus dynamique ; il permettait de désigner, ou plutôt de définir, avec plus de facilité une cible marketing. On se souvient de l’exemple de la SNCF qui changeait à l’époque la carte vermeil pour la remplacer par la carte Sénior. Vermeil terme qui donnait une image trop négative de la vieillesse au point que certaines personnes refusaient d’y souscrire. « Le mot a sans doute été au début utilisé comme un cosmétique du langage pour masquer l’expression “personne âgée” », note Jean-Philippe Viriot-Durandal, maître de conférences à l’université de Franche-Comté et auteur du Pouvoir gris. Monique Boutrand dans son rapport27 en donne une définition précise qui, je pense, rejoint bien l’ensemble de la littérature sur les séniors comme étant « les personnes qui vont quitter ou ont quitté la vie professionnelle et qui disposent, sauf problème de santé, des capacités permettant de mener, si elles le désirent une vie socialement active en valorisant cette denrée rare : le temps.». Mais même dans ce rapport la définition de ces « balises temporelles » peut se brouiller par exemple quand elle tente de définir la séniorité : 26 27 Sociologie de la vieillesse et du vieillissement, déjà cité. Séniors et Cité, Rapport du Conseil d’Orientation des Retraites, par Monique Boutrand, 2009 21 Dans la partie introductive, elle définit la séniorité comme « cette période de la vie entre sortie du travail et vieillesse, qui s‘étend sur une durée d’environ 20 ans de 55 à 75 ans » avant de préciser une page plus loin « la séniorité », est d’abord une période de transition entre l’activité professionnelle et la retraite », période donc, qui ne dure pas 20 ans. Le terme « senior » désigne donc un groupe démographique, les plus de 50 ans, qui déborde largement celui des seuls retraités et dont l’activité, l’âge, le milieu social et géographique varient. Dans un récent sondage TNS/ SOFFRES/ Notre Temps, dans une enquête intitulée « A quel âge devenons-nous séniors ? », la principale question posée est « À partir de quel âge avezvous le sentiment qu'une personne est âgée ? » renvoyant ainsi encore une fois le terme sénior à celui de la vieillesse. Strate d’âge, cohorte, génération et groupe d’âge28 - La société est organisée en strates d’âge, qui constituent le découpage social de l’existence en âge de vie (cycle de vie ou parcours de vie). - Les individus nés au cours d’une même période forment une cohorte. Génération est employée comme synonyme de cohorte. Les baby-boomers sont considérés comme une cohorte. - Quand une cohorte se trouve dans une strate d’âge donnée, on parle de groupe d’âge. Les retraités sont donc un groupe d’âge. Par la suite, la lecture des données sur les comportements culturels (et pas uniquement de celles qui concerne les personnes âgées) doit être faîte avec précaution car son interprétation doit systématiquement se faire en fonction de plusieurs critères dont les principaux sont : - l’effet d’âge : une personne aura un comportement spécifique du fait qu’elle ait 18 ou 57 ans. - l’effet de génération (ou de cohorte) : des individus de la génération de l’après-guerre auront des comportements culturels et des valeurs différentes, il suffit par exemple de s’arrêter sur le rapport des personnes à la lecture, à la télé et à l’apparition des nouvelles technologies pour s’en convaincre. L’effet de génération comprend parfois les effets de période. Ces effets de période sont induits par l’« air du temps » qui va influencer certains comportements. Ce ne sont là que des indicateurs, ou plutôt des éclairages. Aucun de ces effets ne peut expliquer à lui tout seul les raisons de tels ou tels comportements, ils sont étroitement imbriqués. Par exemple « l’effet d’âge tenant au vieillissement physique varie avec les générations : le sexagénaire d’aujourd’hui est en meilleure santé qu’en 1950 »29. 28 29 Sociologie de la vieillesse et du vieillissement, déjà cité. Sociologie de la vieillesse et du vieillissement, déjà cité. 22 Plan du mémoire Une première partie contextualisera la problématique et nous permettra de constater que les choristes retraités sont bien au croisement d’enjeux nationaux posant ainsi de véritables questions de société pour l’avenir. Pour cela : - nous étudierons les finalités du chant choral à travers l’histoire, nous ferons un état des lieux des questions majeures que soulèvent les choristes retraités dans notre société, nous montrerons l’hétérogénéité des comportements des personnes retraités, nous présenterons la méthodologie qui sera mise en place pour aller interroger les choristes isérois. Une deuxième partie présentera les résultats de l’enquête de terrain ; ces derniers nous permettront d’une part de vérifier les hypothèses de la diversité et de l’hétérogénéité du public étudié tant dans sa composition sociale que dans ses comportements. D’autre part nous apprécierons comment la pratique chorale s’insère et participe à la nouvelle vie culturelle du retraité. -nous constaterons que les choristes retraités Isérois ne sont pas des vieux, qu’ils sont très actifs, assoiffés de culture et de bénévolat et qu’ils restent demandeurs de nouvelles expériences, -nous verrons comment ces derniers construisent leur parcours choral -nous découvrirons de quelle manière ils remplacent une « identité professionnelle » par une « identité culturelle avec la mise en place d’ un agenda culturel bien fourni, -nous étudierons les politiques culturelles à la lumière des caractéristiques du public étudié Une conclusion nous permettra de confronter les savoir-faire et les savoir-être de ces choristes retraités aux politiques culturelles actuelles. Nous verrons aussi comment ces modes de vie basés sur la pratique artistique, le bénévolat, les réseaux sociaux, la contribution et l’inter-génération peuvent impacter les missions actuelles du schéma départemental des enseignements artistiques. Comment les modes opératoires des choristes retraités peuvent-ils enrichir les dispositifs d’accompagnements de la pratique en amateur et inspirer le fonctionnement des services publics de la culture afin de préparer la pratique artistique de demain ? . 23 1ERE PARTIE Choristes et retraités, des valeurs universelles aux enjeux internationaux Dans cette partie, nous présenterons dans un premier temps les deux domaines vers lesquels nous renvoie le sujet d’étude des choristes retraités, c'est-à-dire, celui de la pratique chorale puis celui de la retraite. Nous rappellerons comment la pratique chorale participe à travers ses valeurs universelles à l’émancipation du choriste. Nous étudierons par la suite les comportements et caractéristiques des retraités en distinguant les effets de la vieillesse sur l’individu et les multiples représentations que le statut de retraité peut inspirer. Pour terminer cette partie, nous nous intéresserons aux choristes retraités isérois que nous allons rencontrer afin de nous assurer qu’ils représenteront bien le « terreau fertile » pour notre enquête de terrain. Chapitre I - La pratique chorale, des valeurs universelles au service d’un projet personnel Le propos de ce chapitre va consister à montrer comment le chant choral peut participer au bien-être de l’individu. Nous mettrons en valeur les finalités que cette pratique artistique véhicule et nous montrerons comment, paradoxalement, la pratique chorale permet la réalisation d’un projet individuel et personnel par l’intermédiaire d’un projet de groupe. Nous verrons aussi que cette réalisation du projet individuel de l’individu, en interaction avec un collectif, sera une des conditions du bien-être et du Vivre ensemble. L’histoire du chant choral30 puise sa source même aux origines de l’homme. Tel un besoin universel, le chant a depuis de nombreux siècles réunis les hommes pour célébrer et magnifier les guerres, les histoires, les religions, les fêtes populaires et les Nations. Durant de nombreux siècles, en suivant de très près l’histoire de l’Eglise, il deviendra un art à part entière avec ses propres valeurs et codes et deviendra sous de nombreuses formes un important outil de formation éducative. Cet art choral trouvera une nouvelle apogée durant les 17ème et 18ème siècles avec les premiers opéras et oratorios. Le chant choral ne deviendra un outil républicain et une pratique de loisir qu’à partir de deux moments clés qui sont d’une part, la révolution française qui verra l’église, lieu de formation vocale jusqu’alors prédominant, dépossédée de ses biens avec la création du Conservatoire de Paris et de ses succursales provinciales et d’autre part, le début du mouvement orphéonique un peu plus tard dès la seconde moitié du 19ème siècle qui verra la naissance des premières chorales d’hommes. 30 Pour un historique du chant choral plus complet, vous pouvez lire Esquisse du chant choral des origines à 1940, d’après Felix Raugel (PUF) sur le site http://users.swing.be/lionbrye/chancora.htm 24 1.1/ La pratique chorale et ses représentations comme société idéale La pratique chorale du 21ème siècle est aujourd’hui une pratique artistique et un projet de cohésion sociale, avec des valeurs communes à l’Eglise romaine, à l’Education nationale, à la société laïque, à H.S Becker et aux choristes ! Au-delà d’une pratique artistique, la pratique vocale collective est un projet éducatif répondant à un véritable projet de société : Pour l’Education nationale, la pratique collective du chant « procure un épanouissement personnel à l'élève et contribue à former le futur citoyen par l'écoute et le respect de l'autre, ce qui favorise l'ouverture culturelle et la cohésion sociale au sein de l'établissement scolaire »31. Pour certains journalistes et intellectuels français qui perçoivent à travers le film « les choristes », non pas uniquement ses vertus chorales et collectives mais plutôt, dans la perspective d’un projet social à vocation humaniste nommé par la sémiologue Mariette Darrigrand une « utopie possible », ou dit autrement une aspiration à un monde meilleur. Pour la religion catholique à travers les déclarations du Pape Benoit XVI , « L’éducation au chant, à chanter en chœur, n’est pas seulement un exercice de l’ouïe extérieure et de la voix ; c’est également une éducation de l’ouïe intérieure, de l’ouïe du cœur, un exercice et une éducation à la vie et à la paix ….Chanter ensemble, en chœur, et tous les chœurs ensembles,…. exige une attention à l’autre, une attention au compositeur, une attention au chef de chœur, une attention à cet ensemble que nous appelons musique et culture, et, ainsi, chanter en chœur est une éducation à la vie, une éducation à la paix, une manière de cheminer ensemble ». déclaration faîte au château de Mirabello, à Lorenzago di Cadore Dimanche 22 juillet 2007, lors d’un concert de chœurs alpins. Pour Howard S. Becker, l’art choral est l’aboutissement d’une œuvre collective et, en cela, il rejoint la définition du « monde de l’art » décrite par H.S. Becker comme « le réseau de tous ceux dont les activités, coordonnées grâce à une connaissance commune des moyens conventionnels de travail, concourent à la production des arts qui font précisément la notoriété du monde de l’art. ». Pour les sociologues des pratiques culturelles, la pratique chorale représente « Un certain idéal de société » où « Les choristes sont indifférents à l’âge comme au statut professionnel …. l’ouvrier et le médecin, unis par la même passion, se solidarisent pour apporter chacun leur pierre à l’ « édifice choral ». Cette prise de position est rendue possible par la soumission du groupe à un chef de chœur. Face à lui, tous les chanteurs sont au même niveau, ce qui permet d’estomper pour un temps les pesanteurs sociales »32. 31 32 B .O. numéro 42 du 27 novembre 1997 Regards Croisés sur les pratiques culturelles, sous la direction d’O. Donnat, texte de Llaty C, Brignatz S, Mariottini JM - Question de culture, La documentation Française. 25 Image, ici, claire de ce que la chorale peut permettre comme «désenclavement des classes sociales » mais il est à préciser dans l’étude des questionnaires à venir que l’ « ouvrier » est pratiquement absent de la chorale et que c’est l’employé qui va se réunir au cadre d’entreprise, à l’institutrice et au professeur. Les choristes trouvent à travers la chorale une réponse à une société moderne dans laquelle « Désormais, l’individu se doit d’être performant, à la hauteur, responsable de son destin, authentique. L’individu est forcé d’être soi-même … La dépression se substitue à la névrose dans le domaine des maladies du psychisme »33. Bref, dans une société dans laquelle cet individu là n’a pas droit à l’erreur, la pratique chorale propose un modèle alternatif de société, autre que basé sur le développement de l’individualisme. «… la pratique chorale, c’est réussir chacun l’œuvre collective, rester singulier dans un groupe, et faire en sorte que le groupe soit plus que la somme des singularités… », André Nous pourrions conclure que, si la chorale aujourd’hui, celle qui « transpire » à travers la multitude des témoignages des choristes rejoint la thèse de Norbert Elias qui pense que « l’individu se construit dans sa relation aux autres, ses identités se structurent autour de pôles indispensables, le « je » et le « nous », nous avons là une chorale qui s’identifie bien à une « société d’individu ». « …la chorale génère cette contribution, J’aime la chorale aussi à travers l’investissement que j’y mets en dehors des deux heures de répétition. Chaque membre est dépositaire et responsable », Hélène Pour résumer ce chapitre, nous pouvons affirmer que la chorale est un lieu où chaque individu, quelque soit son origine sociale, sa situation professionnelle, son âge peut trouver un espace d’expression, d’échange et de contribution artistique partagé avec les autres. C’est un espace de vie dans lequel il peut dialoguer avec l’autre sans que soit présente ou attendue une quelconque performance. C’est aussi un espace où l’individu peut se réaliser grâce au et par le groupe. 1.2/ Le chant choral : une activité artistique pas comme les autres Les grandes caractéristiques des activités artistiques en amateur en France se trouveront pour la plupart régulièrement dans d’autres pays (Québec, Etats Unis, Belgique,…). Ces dernières rajeunissent, sont de plus en plus féminines, sont pratiquées le plus souvent par des cadres et des professions intellectuelles supérieures et impactent la fréquentation des lieux de spectacles. 33 La fatigue d’être soi, Alain Ehrenberg. 26 Le chant choral est une des nombreuses activités artistiques comme le sont la pratique instrumentale, le théâtre, la danse, la sculpture. Ces activités artistiques constituent un sousgroupe des pratiques culturelles qui comprennent d’une manière plus large, la lecture, la télévision, les sorties aux spectacles vivants et muséales. Les spécificités du chant choral34 : Très rapidement la pratique chorale va se détacher des autres activités artistiques avec les caractéristiques suivantes : - L’évolution du chant choral par exemple se distingue très nettement de celle de la pratique instrumentale : la moitié des instrumentistes ont déjà abandonné entre 15 et 19 ans. La plus forte proportion de personnes ayant pratiqué le chant au cours de leur vie (17%) a entre 45 et 54 ans et les 65 ans et plus sont aussi nombreux à l’exercer actuellement que les 15-19 ans (5% pour chaque groupe). - Commencer une activité à l’âge adulte n’est pas fréquent « les adultes ayant commencé une activité après 24 ans représentent moins d’un quart des adultes en activité sauf dans le cas du théâtre et du chant choral et dans une moindre mesure de la peinture ; le chant choral apparait beaucoup plus compatible avec une découverte à l’âge adulte». - Faire partie d’une chorale est dans l’ensemble nettement moins couteux que d’acheter un instrument. - La majorité des instrumentistes jouent chez eux…cela est presque exclu dans le cas du chant choral - Le peu de formation musicale des chanteurs induit le fait qu’ils pensent avoir réalisé beaucoup de progrès depuis leurs débuts…ce qui traduit incontestablement chez beaucoup une demande plus ou moins explicite de formation. Pour conclure, la pratique chorale présente des caractéristiques similaires aux autres pratiques artistiques en amateurs mais avec plusieurs singularités : c’est une pratique généralement adulte, qui se passe en dehors du domicile (qui n’induit pas forcément de travail chez soi) et dont le faible coût peut être un argument supplémentaire pour faciliter son choix. 2.3/ Les composantes du chant choral : équilibre et interaction Si l’on demande ce que le chant choral apporte à une personne, cette dernière aura le réflexe de lister les grandes vertus du chant choral mais quand on lui pose la question « de toutes ces vertus, quelle est la plus importante pour vous ? Le plaisir d’être en groupe, la convivialité, l’exigence artistique ? ». Les choristes auront du mal à sélectionner ou à valoriser une seule caractéristique, ils vont répondre très rapidement « c’est un tout ». Et c’est en cela que la question initialement posée peut « sonner faux » : le chant choral n’est pas la somme des caractéristiques et vertus citées, il n’est pas non plus, comme nous 34 Les amateurs, Marc Nicolas, les travaux du DEPS, Documentation Française. 27 pouvons le penser, une recette avec des ingrédients dosés comme il se doit par chacun en fonction de ses goûts mais c’est une interaction permanente avec toutes les composantes du chant choral. Suivant l’histoire de chacun, suivant ses humeurs et ses attentes, le choriste mettra l’accent sur la nécessaire prédominance de telle ou telle caractéristique et par un jeu de compensation maintiendra cet équilibre : il restera à la chorale, pleinement satisfait et réciproquement, la chorale l’intègrera pleinement satisfaite de sa présence. Les nombreux témoignages recueillis lors des entretiens m’ont permis de restituer cet équilibre complexe qui se base sur 4 axes : 1 - Les interactions du choriste avec : - le chef de chœur, - le groupe, - les membres du groupe (du même âge, amis, connaissance et famille), - son conjoint. 2 - Le plaisir et les émotions individuelles et partagées : - le plaisir « physique » de chanter, l’hédonisme du choriste, - le sentiment de pouvoir s’exprimer seul, dans et à travers le groupe, - le plaisir partagé avec le groupe et le public lors des concerts, 3 - Le sentiment de participer à un projet humain, de contribuer à un projet de groupe, de participer à un projet communautaire, avec des valeurs spécifiques voire originales et identitaires : - le don de soi et le sentiment d’être accepté, - la contribution à un projet artistique, caritatif, un projet de voyage, - la valorisation d’une diaspora. 4 - Le sentiment de construire, de progresser, d’aller vers le meilleur avec le développement - sa technique vocale personnelle, - sa culture musicale et historique, - les capacités techniques et artistiques du groupe, - de nouveaux projets artistiques. Chaque choriste va placer son curseur personnel et attacher plus d’importance à un aspect plutôt qu’un autre et c’est en cela que chaque choriste va personnaliser sa pratique. Il quittera la chorale quand l’une des interactions va parasiter l’ensemble de ses 4 axes. Nous retrouvons à travers les résultats du questionnaire les composantes personnelles du chant choral: les choristes spécifient d’une même voix, quelque soit leur origine et leur âge, que l’essence de la pratique chorale sont le plaisir, l’émotion et le partage (tableau 113) 28 Conclusion De par ses valeurs républicaines, parce qu’elle est tout à la fois une pratique de loisir et une pratique artistique, la pratique chorale est reconnue comme un outil formidable de cohésion sociale pouvant permettre l’expression artistique et collective. C’est aussi une pratique qui permet à chacun de trouver sa place dans un projet collectif par une contribution et une participation toute personnelle. La pratique chorale parce qu’elle est un outil d’émancipation personnelle pour chacun prouve ainsi qu’elle participe au bien-être de l’individu, qu’elle construit de manière évidente le Vivreensemble que la société actuelle souhaite généraliser. 29 Chapitre II - Les retraités en question 2.1/Les retraités, l’avenir de notre société Nous allons le montrer, les retraités seront demain une force politique et sociale prédominante, ils seront un pilier central pour l’équilibre social, familial, moral et économique de notre société future. De ce fait, du bien-être des retraités dépendra le bien-être de notre société toute entière. Et leur bien-être de demain est une question de société qui se pose aujourd’hui. Cette question apparait d’abord dans une littérature abondante : les nombreux ouvrages sur les séniors et retraités proposent une myriade de titres qui révèlent bien que la problématique posée par les retraités est nouvelle par son ampleur et toujours aussi anxiogène quand on perçoit les fortes réactions qu’elle provoque à travers les titres des ouvrages: L’invention des séniors, le Boom des séniors (Serge Guérin), la révolte du 3ème âge (Friedan Betty), les nouvelles frontières de l’âge (Richard Lefrançois), Le bien-vieillir, la révolution du 3ème âge (Maurice Tubiana), Sauver les retraites (Jacques Bichot), La société du risque (Ulrich Beck), le Pouvoir gris (Viriot-Durandal), Le droit de vieillir ( Puijalon, Trincaz), le Déclin du social, La retraite, une mort sociale ( Guillemard AM), etc… Ensuite, nous avons encore en mémoire les derniers débats nationaux sur le financement des retraites avec la dernière loi Fillon qui projette des départs à la retraite de plus en plus tard. Paradoxalement, la place et le rôle des retraités dans la société sont des sujets encore peu médiatisés à travers le débat parlementaire, mais ce dernier est vivace sur la toile : Séniorplanète, Séniorscopie, Agevillage, Pleine Vie, Cyberpapy sont autant de sites spécialisés qui portent le débat des plus âgés sur la place publique. Globalement, nous le constatons l’avenir des retraités est un débat de société qui commence à se poser aujourd’hui au centre des préoccupations citoyennes et qui traverse progressivement l’ensemble des politiques. 2.1.1/ Cinq grandes questions de société soulevées par les retraités Pourquoi s’intéresser aux retraités est-il si primordial pour l’avenir ? Parce ce qu’ils soulèvent les plus importants enjeux sociaux de ce 21ème siècle au niveau national, européen et mondial. Toutes les études depuis de nombreuses années invitent les politiques à intégrer l’inéluctable vieillissement de la population, vieillissement qui se fait d’ailleurs au niveau mondial et qui va, comme le signalait déjà en 1962 le rapport Laroque, impacter de manière significative la société française et mondiale. 30 Parce qu’ils seront de plus en plus nombreux Pour résumé : il y aura en 2050 deux fois plus de personnes âgées de + de 60 ans qu’en 2000. « Au 1er janvier 2050, la France métropolitaine compterait 70,0 millions d’habitants, soit 9,3 millions de plus qu’en 2005. … En 2050, un habitant sur trois serait âgé de 60 ans ou plus, contre un sur cinq en 2005. La part des jeunes diminuerait, ainsi que celle des personnes d’âge actif »35. Parce qu’ils remettent en question le financement des systèmes de solidarité intergénérationnel En France, le rapport de Pierre Laroque36 alertait dès 1962 les pouvoirs publics sur la nécessité de repenser les systèmes de solidarité intergénérationnelle « …Le vieillissement de la population entraîne des conséquences dans tous les domaines de la vie nationale ;…d’une manière inéluctable, il grève les conditions d’existence de la collectivité française…. il est établi que toute personne inactive vit de prélèvements sur la production de biens ou la création de services des actifs. .., compte tenu des prévisions démographiques, la charge de ce prélèvement augmentera… ». Parce que leur rôle sociétal évolue de manière importante Même si généralement les problèmes de la retraite sont traités à travers l’aspect financier, très rapidement les politiques ont intégré dans les réflexions la dimension sociale que soulevait le vieillissement de la population : « il faut rechercher quelle place peut et doit être faîte aux personnes âgées dans la société française d’aujourd’hui et, plus encore, dans celle de demain ».37 La création des CODERPA38 et du CNRPA en 1982, les conseils des sages39 nés en France en 1989, et les programmes d’actions et de réflexion comme les mouvements de la Flamboyance (lancé sous l’impulsion de Jack Lang en 81), et plus récemment la mise en place du Programme Bien Vieillir en 2007 ne sont qu’une partie visible d’une multitude d’initiatives (privées et publiques) mises en place depuis plus de trente ans, initiatives qui ont certes facilité l’évolution de la place des retraités dans la société mais qui n’ont malheureusement pas été partagées par le grand public. Redonner une place centrale aux séniors dans l’entreprise fait partie aujourd’hui des objectifs de l’Etat (à travers son plan pour l’emploi des séniors en 2006 par exemple) et de l’Europe. Changer l’image du sénior dans l’entreprise, faire en sorte que cela ne soit plus « celui qui coute cher et qui travaille moins vite ». 35 Source INSEE – 2006 36 Synthèse du rapport téléchargeable http://infodoc.inserm.fr/serveur/vieil.nsf/ 37 Rapport Pierre Laroque, déjà cité. 38 CODERPA : Conseil d’Orientation Départemental des Retraités et des Personnes âgées. 39 Les conseils des sages sont des instances de réflexion, de concertation et de proposition au niveau local, permettant à la fois aux retraités de rester intégrés dans la vie locale et aux élus municipaux - et, plus globalement, la collectivité - de s’entourer de l’expérience, des savoirs et des conseils des retraités. L’instance ne dispose pas d’un pouvoir décisionnel, mais est force de proposition. 31 L’image de la vieillesse et ses représentations ne vont pas échapper à la règle, les codes vont se multiplier et brouiller les pistes : un des exemples les plus significatifs, comme le rappelle Serge Guérin, est celle de la campagne de Dove qui en 2007 lançait une campagne publicitaire où on mettait en valeur la sensualité et la beauté des corps des cinquantenaires. La dimension et la place sociale des retraités ont énormément évolué à travers : -Leur rôle familial Les retraités sont très souvent des grands-parents et sont considérés aujourd’hui comme étant une génération « pivot » et une génération « ressource ». Dans leur ouvrage sur les grands-parents40, Claudine Attias-Donfut et Martine Segalen nomment ces retraités, qui sont pour la plupart des grands-parents, la génération « Phare »: - ils s’occupent de leurs parents très âgés qui se trouvent dans la plupart des cas en situation de grande dépendance. - ils jouent un rôle prépondérant dans l’éducation des petits-enfants et la garde fréquente de ces derniers constituent une aide conséquente qui « s’avère bien supérieure à celle des générations précédentes, malgré l’activité professionnelle plus fréquente des nouvelles grands-mères ». - ils ont vu leur rôle de grands-parents prendre de plus en plus d’importance au fur et à mesure que la cellule familiale se fragilise :«Quand surviennent des ruptures conjugales, les relations et entraides entre générations en sont aussi affectées : les grands-parents se mobilisent pour aider le jeune parent (la jeune femme) divorcé ou séparé, et prendre plus de responsabilités dans la prise en charge des enfants ». - ils représentent, pas leur situation financière autonome, une aide complémentaire, ou plus exactement une aide solidaire participant ainsi à « la redistribution intergénérationnelle ». -Leur rôle politique Les retraités pèsent de plus en plus dans nos systèmes de représentations sociales, le rapport « Sénior et Cité »41 souligne le vieillissement de nos élus : Au niveau municipal, les maires de plus de 60 ans représentent 40% contre 28,5% en 2001 les retraités sont de plus en plus nombreux : 32,33% en 2008 contre 29,7% en 2001. Au niveau national, à l’assemblé Nationale42 chez les députés, les 60/64 ans représentent 22,4% des députés en 2007 contre 6% en 1997. 59% des députés ont plus de 55 ans. Pour le Sénat : après le renouvellement de 2008, 58 % des sénateurs ont 61 ans et plus. Au parlement européen, on annonce à la nouvelle assemblée que 1 représentant sur trois est retraité (et il s’est rajeuni par rapport au précédent !). 40 Grands-parents, La famille à travers les générations, Claudine Attias – Donfut, Martine Segalen 41 Sénior et Cité, Monique Boutrand, 2009, rapport du COR 42 « l’âge de l’Assemblée, soixante ans de renouvellement du corps législatif : bientôt la troisième génération », Louis Chauvel- www.liens-socio.org/article.php3?id_article=3049 32 -Leur rôle économique Serge Guérin dans « l’invention des séniors » souligne à de nombreuses occasions le poids économique que représentent les séniors : « les plus de 50 ans représentent globalement 50% de la consommation totale des produits de grande consommation…Plus de 55% des achats de voitures neuves sont réalisés par des séniors, plus de 70% des ventes de camping-car se font auprès de cette cible…le tiers des achats de jouets est effectué par des grands-parents. Ce poids économique des retraités peut aussi s’expliquer par le fait :43 - qu’il n’y ait plus la prise en charge financière des enfants ; - que ces derniers aient fini de rembourser les crédits (ce qui se produit en moyenne à 52 ans pour l’accès à la propriété) - du décès des parents qui laissent un héritage (qui intervient vers 57 ans en moyenne). Mais l’arrivée depuis 2001, à la retraite des premières générations de « Baby-boomers »44, de « cette classe d’âge qui dispose de temps, de santé et de revenus meilleurs que les générations précédentes de retraités » ne doit pas faire oublier l’hétérogénéité des situations individuelles45 et qu’il est à prévoir que les dernières réformes de la retraite liées à la dégradation du marché du travail vont avoir pour conséquences d’augmenter le nombre de retraités pauvres46, mouvement déjà amorcé nous précise la fondation Abbé Pierre, mais malgré cela le poids économique des retraités restera une cible privilégiée et importante. Parce qu’ils élaborent de nouveaux paradigmes de société Le développement des métiers liés au service à la personne ne fait que s’accroître au point que certaines études aujourd’hui laissent à penser qu’un modèle économique basé sur les services à la personne et les emplois induits par les maisons de retraite serait plus profitable à certaines collectivités en milieu rural que de miser sur la valorisation touristique, et que ces dernières auraient tout à gagner à penser de nouvelles politiques pour rendre plus attractif leur territoire aux retraités et leur donner envie de rester sur place, de dépenser sur place, pour ne pas ainsi migrer vers les pôles urbains47. 43 Sénior et Cité, Monique Boutrand, 2009, rapport du COR, Senior et Cité « Générations qui vont apparaitre à l’après-guerre (1945 -1974) avec un taux de natalité des plus élevés et qui va se caractériser par un allongement de vie en bonne santé avec des personnes pour qui l’ascenseur social fonctionnera plutôt bien » Monique Boutrand, 2009, rapport du COR, Senior et Cité 44 45 « Le taux de pauvreté pour les personnes en retraite en France s’établissait en 2006 à 11% pour les 55-64 ans et 16% pour les plus de 65 touchant particulièrement les femmes plus nombreuses que les hommes à avoir connu une carrière incomplète…. » Monique Boutrand, 2009, rapport du COR, Senior et Cité 46 « La situation des personnes, essentiellement des femmes, qui ont effectué de longues périodes à temps partiel, restera très difficile : à l’horizon 2040, les pensions de retraite globale des femmes âgées de 65 à 69 ans seraient encore inférieures d’un quart à celles des hommes » - Monique Boutrand. Rapport Senior et Cité. 47 Les retraités : quel impact socio-économique sur nos territoires ? Illustration à partir de la zone de Bourganeuf dans la creuse. Dominique Vollet et Véronique Roussel S. Herviou, CEMAGREF. 33 Au niveau individuel, ce vieillissement48, ou plus précisément cet allongement de la vie est considéré par certains intellectuels français comme « une vie en plus »49. C’est 20 ans de plus, une nouvelle vie, voire une « nouvelle adolescence » pendant laquelle il est possible de jouir de la vie et de continuer d’évoluer, d’évoluer sur le plan affectif, social et culturel. Pourquoi ne pas donner un sens à de nouvelles études et d’abandonner (enfin !) les domaines de la production et de la performance, « ne plus manger avec boulimie mais déguster ?». Le jeune retraité voit devant lui un nouveau temps, un nouvel avenir, une nouvelle aube remplie de multiples promesses, d’espoir et de crainte, un nouveau temps de vie qui va prendre du temps et qui pourrait se résumer ainsi « La vieillesse est si longue qu’il ne faut pas commencer trop tôt » - Mark Twain. Parce qu’il y aura de plus en plus de retraités qui feront des pratiques artistiques Le constat est qu’il y aura demain de plus en plus de français qui pratiqueront les activités artistiques en amateurs « il est fort probable que ce mouvement se poursuivra dans les années à venir par le seul effet du renouvellement des générations : le nombre d’amateurs...devrait continuer à progresser »50. Devrons-nous réinventer les pratiques en amateurs pour des personnes de plus en plus âgées, même en bonne santé ? S’il y a plus de retraités demain, y aura-t-il plus de chorales ? Avec quels chefs de chœur ? Que chanteront les générations futures ? Comment penser les pratiques de demain ? Marc Nicolas dans la préface de « les amateurs » nous interpelle « L’évolution de ces trente dernières années et celles qui se préparent appellent un profond renouvellement de l’approche des activités artistiques en amateur dont les grandes lignes ont été définies dans les années 60 ». Marc Nicolas précisait que « l’importance de ces pratiques artistiques en amateur (et donc du chant choral) avaient été sous-estimés par les pouvoirs publics principalement parce qu’ils échappaient aux institutions ; il rappelle que les enjeux sont : - Sociaux : parce que le développement des pratiques artistiques amateurs est en résonnance avec quelques évolutions majeures de la société française et peut apporter ainsi une réponse aux maux de notre société contemporaine. - Economiques : les pratiques génèrent des flux économiques dont le poids est loin d’être négligeable: 1,5 milliards d’euros et 100 000 emplois induits (étude DEPS R.Ripon). - Artistiques : le monde des amateurs a souvent été un lieu d’innovation et de renouvellement des formes d’expression... ; les amateurs (même quand leurs productions peuvent apparaître de qualité médiocre…) vivent une expérience artistique ou esthétique importante à leurs yeux ». 48 « Ce qui est intéressant, c'est que l'âge de la vieillesse est une borne variable avec le temps, un seuil d'évolution démographique qu'il faut distinguer des chiffres administratifs. Il y a 50 ans, on était vieux à 65 ans. Si l'on arrive à faire reculer l'âge du vieillissement, en 2040, on sera vieux à 82 ans. Cela signifie que la société ne comptera pas plus de vieux ! Jusqu'à présent, les années d'espérance de vie gagnées sont des années « d'avant-vieillesse ».Robert Rochefort, sociologue, directeur général du CREDOC. 49 « Une vie en plus » aux éditions du Seuil dans la collection Essais. 50 « Les amateurs », préface de Marc Nicolas. 34 Conclusion Le retraité est une personne dont le statut est aujourd’hui au centre des préoccupations et des débats publics tant par la place centrale qu’il occupe dans la cellule familiale, ciment de notre société, que par les questions d’avenir qu’il soulève. Questions qui se traduisent en termes de démographie, d’économie, de logement, de santé, de culture et de modes de vie. Le retraité nous oblige à repenser les rapports et interactions entre individus et à réfléchir à de nouveaux paradigmes de société pour l’avenir. 2.1.2/ Les débats en France, en Europe et dans le Monde S’il y a déjà un bénéfice induit par la mondialisation c’est que la problématique du financement de la retraite apporte des réponses riches et diversifiées suivant les pays. Malgré un constat partagé par l’ensemble de l’union Européenne sur les évolutions démographiques, la diversité des situations historiques et des systèmes de retraites nationaux des membres de l’union déterminent des politiques différentes. La lecture de l’âge de départ à la retraite est déjà un exemple de l’hétérogénéité des situations. Dans l’Europe actuelle, le départ à la retraite (avec des différences entre hommes et femmes) varie de 57 ans (Italie) à 67 ans (Danemark). 51 Economiquement et historiquement on peut signaler la prédominance de deux modèles économiques avec « un modèle d’Europe du Nord qui combine un généreux système public par solidarité et un pilier par capitalisation. Enfin, le modèle anglo-saxon qui est dominé par le système de fonds de pension ». Comment les pays européens vont-ils pallier les insuffisances de ces deux systèmes et créer de nouveaux modèles économiques ? Certains pays de l’Union se retrouvent par exemple sur la constitution d’un fonds de réserve spécifique aux retraites : la France, la Suède, la Norvège, la Finlande, l’Irlande, l’Espagne et le Portugal ont adopté ce dispositif de préfinancement, prévu pour compléter les ressources propres du système »52. Même si le constat est partagé par tous, devant l’urgence de la situation, certains experts estiment par exemple que l’allongement de la durée du travail n’est pas une réponse suffisante et qu’elle doit être accompagnée d’une réforme de l’emploi conséquente. Anne-Marie Guillemard, sociologue à l’EHESS53, partage cette idée en soulignant le cas d’un pays dont les choix se démarquent : « Les Pays-Bas ont mis en place depuis 1995 une réforme de la politique de l’emploi sans réforme des retraites et ont vu leur taux d’emploi 51 Source GIP et Observatoire des retraites (http://www.observatoire-retraites.org) 52 François Lassagne, revue Science et Actualité - 2003 53 Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales 35 pour les salariés de 55 à 64 ans remonter de manière très nette, et de manière bien supérieure à tous les autres pays dans le même cas ». Et à ces deux pistes que sont l’allongement de la durée de cotisation et de la réforme de l’emploi, s’en rajoute d’autres : la hausse des taux de cotisations, la réduction du montant des retraites publiques et la mise en place des systèmes complémentaires par capitalisation. Mais il est évident que chacune de ces pistes a un risque et sera, pour le moins, peu populaire. Chacun des pays de l’Union, aujourd’hui, a mis en place des dispositifs qui se servent de ces 5 ingrédients et les dosent avec plus ou moins d’importance suivant les contextes nationaux. La dernière crise financière a mis sévèrement en difficulté tout le modèle anglo-saxon : les fonds de pension dans lesquels les retraités avaient leurs économies sont indexés sur les cours de la bourse et nous avons pu voir par exemple avec la crise des subprimes comment une grande partie des pensions de retraites avait fondue comme neige au soleil. Un reportage sur France 3, Avenue sur l’Europe (23 mai 2009) précisait que le retraité français était le mieux loti en Europe. Même s’il y a un minimum vieillesse et que ce dernier est de 670 € par mois pour ceux qui n’ont pas suffisamment cotisé, il n’en n’existe pas en Espagne et en Italie par exemple. Ce même reportage mettait en valeur l’exemple de la Slovénie…les retraités ont construit un parti politique pour défendre leurs droits : le DEXUS. Grâce à leurs succès électoraux, ils se sont retrouvés dans les 2 derniers gouvernements. Ils ont réussi à créer une loi qui permet d’indexer les pensions sur les salaires et non plus sur l’inflation. Certaines études et articles partagent le constat que la convergence vers un dispositif commun en Europe n’est pas à l’ordre du jour, conclusion paradoxale puisque chaque pays à conscience des limites et insuffisances de ses propres modèles et qu’ils se tournent tous vers un savant dosage des 5 dispositifs cités plus haut, c’est déjà, il nous semble, une politique commune. Le fait que l’Europe soit toute entière devant ces questions pourra, me semble-t’il , aider la France à repenser les nouvelles bases économiques de cette sécurité sociale, on pourra trouver une harmonie en s’inspirant de la richesse et de la diversité de ce qui se passe dans le monde. C’est ce que fait la Chine en demandant des expertises à l’Europe, un article de « monde » (2007) précise que la Chine était un pays qui n’était pas prêt en matière de prise en charge des personnes âgées. L’insuffisance des structures d’accueil et de soins à domicile ne sont qu’une partie du diagnostic. « En 2050, la Chine aura 100 millions de personnes âgées de plus que l'Inde." La question du financement des retraites est donc cruciale. Or, admet le Vice-ministre, "le taux de natalité diminue, en raison du contrôle des naissances. Nous avons maintenant des familles nucléaires avec quatre grands-parents, deux parents et un seul enfant : cette structure est complètement à l'envers !.... En 2050, 53 personnes actives travailleront pour 31 retraités et 16 enfants : la pression est énorme". 36 De pus, la plupart des mentalités chinoises sont encore prises dans les paradoxes que créent héritage culturel et société moderne. Mettre un parent en maison de retraite provoque de nombreux débats de plus en plus vivaces en chine « Si on met les parents en maison de retraite, est-ce contraire à la piété filiale ? ». La piété filiale est l’une des grandes valeurs de Confucius qui reviennent actuellement en force. Une étude (sur 25 pays) commandée par HSBC Assurances54 tend à montrer que 31% des personnes interrogées estiment que leurs gouvernements devraient accroitre l’effort de financement public des retraites mais ces dernières estiment aussi qu’il y a peu de chances que ces derniers répondent à ces attentes. Dans cette étude, en France les deux solutions qui recueillent le plus de suffrages pour faire face aux dépenses croissantes liées aux retraites sont : - le développement des systèmes de retraites complémentaires (41%) et - l’augmentation de l’âge à la retraite (21%) Cette même enquête montre que « quelque soit la région du monde, toutes générations confondues, les personnes interrogées sont unanimement conscientes qu’ils leur sera impossible désormais de compter sur une seule source de revenus. Elles considèrent que ce sera principalement à elles-mêmes et à leurs familles qu’il incombera de subvenir à leurs besoins au cours de cette phase de la vie ». Mais comme le souligne Monique Boutrand dans son rapport « cette conception qui semble faire consensus dans nombre de pays » est à l’opposé de cette conception de solidarité intergénérationnelle née à l’après-guerre et que notre gouvernement maintient encore aujourd’hui à travers les régimes par répartition. En fait, c’est plus qu’une question d’économie : dans le rapport commandé par le Bureau du Conseil Economique, Social et Environnemental à Monique Boutrand, il apparait que le modèle sur lequel se base notre société et les rapports entre les différentes générations doit être rebâtit. Le rapport précise qu’au-delà de la nécessité de penser au bien-être de la personne âgée, c’est le « vivre ensemble » dans la cité qui doit préoccuper les politiques et qu’ « il faut repenser le rôle et la place des séniors de demain dans une société ou la coexistence de 4 à 5 générations oblige à repenser le pacte social ». Toujours dans cette idée de permettre une vieillesse réussie, les politiques nationales cherchent aujourd’hui à appréhender au mieux les éléments constitutifs du Bien vieillir. L’INSSE (avec l’Irdes55) lance actuellement une grande enquête intitulée "santé, le vieillissement et la retraite en Europe : histoire de vie" qui se déroulera en simultanée et sous la même forme dans 12 pays européens pour ce faire. D’autres enjeux préoccupent l’ensemble de l’Union Européenne, ce sont les enjeux liés à l’emploi des séniors, aux solidarités intergénérationnelles, aux logements, aux migrations des retraités (qui se déplacent plus sur certains territoires que d’autres), aux risques de communautarisme, etc. 54 L’avenir des retraites, investir pour le futur – 2008 , Enquête HSBC - www.hsbc.com/retirement 55 Institut de Recherche et Documentation en Economie de la Santé. 37 En résumé, nous pouvons retenir que le vieillissement inéluctable des populations a fait de la question de la prise en charge des personnes retraitées et de leur bien-être une préoccupation mondiale. Chaque pays, suivant son histoire et ses modèles sociaux, tente d’apporter des réponses économiques qui sont basées soit sur un système de solidarité, soit sur un système de capitalisation des richesses, ou sur les deux à la fois. La mondialisation de la question sur l’avenir des retraités est la cause de deux situations qui peuvent rappeler que la mondialisation est (aussi) source de richesse : - le partage des savoir-faire entre les pays en matière de modèle économique et social: certaines nations cherchent dans d’autres pays, des réponses pour leurs propres sociétés. - Il existe une grande diversité de réponses sociales et financières en ce qui concernent les retraités : elles se traduisent tantôt par l’hétérogénéité de l’âge du départ à la retraite, parfois par l’importance du poids politique des retraités qui varie d’un pays à l’autre et souvent par les différentes prises en compte ou non de la précarité. Ce sous-chapitre nous a permis de déterminer l’importance que revêtent aujourd’hui les questions relatives à la retraite et aux retraités. A priori, tout ce qui concerne de près ou de loin le bien-être des personnes retraitées, comme par exemple la pratique chorale, revêtira aussi une grande importance pour les années à venir. D’où l’intérêt qu’il y a aujourd’hui à réfléchir à l’offre que l’on pourra proposer en matière de pratique artistique aux retraités, ce public d’avenir. 38 2.2/Les retraités, un savoir-être en évolution Il est important pour comprendre au mieux qui est le choriste retraité d’aujourd’hui de savoir d’où vient la notion de retraite et comment celle-ci s’est progressivement installée comme étant un droit commun à tous. L’idée plus ou moins contemporaine de la retraite telle que nous la connaissons aujourd’hui est apparue au 19ème siècle au moment où il y avait nécessité de poser une sécurité sociale adaptée à une nouvelle société industrielle. Mais cette idée que les plus anciens profitaient d’une rente ou d’une assistance apparait déjà depuis bien longtemps avec, dès 1544, la Création du Grand Bureau des Pauvres de Paris (période de guerre entre François 1er et Charles Quint).56 C’est le Plan Français de 1945 qui pose le fondement du système actuel : Le 4 octobre 1945, l’ordonnance n° 45-2250 spécifie : « il est institué une organisation de la Sécurité Sociale destinée à garantir les travailleurs et leurs familles contre les risques de toute nature susceptibles de réduire ou de supprimer leur capacité de gain, à couvrir les charges de maternité et les charges de famille qu'ils supportent... ». Et c’est avec ces pensions de retraite qu’est né un nouveau public, celui des retraités. La retraite était définitivement devenue une « identité sociale nouvelle ». Mais la retraite comme tout au long de sa mise en place demeure et reste encore un thème sensible, un thème conflictuel et passionnel qui renvoie sans cesse les Français devant des sujets anxiogènes par nature : leur avenir et leur vieillesse. Pour apprécier au mieux ce nouveau public, nous allons donc dans ce chapitre observer dans quelles conditions le retraité vient au monde, c’est à dire dans quelles conditions se passe le passage à la retraite tout en précisant quel peut être le contexte idéal pour que la « naissance » se passe bien. Nous verrons comment le passage à la retraite se construit sur la base de représentations individuelles, sur des habitus, sur des aspirations personnelles, dans un état d’esprit. Nous apprécierons par la suite comment, le phénomène anxiogène que représente le vieillissement impacte les comportements des retraités et comment ces derniers réorganisent leur nouvelle vie. Une typologie des différents comportements nous permettra d’avoir une lecture globalisée de la diversité des réactions et comportements des retraités. Ces différentes lectures auront pour objectif de nous éclairer sur l’état d’esprit des choristes retraités quand ils vont chanter à la chorale et de percevoir le sens et les finalités qu’ils accordent à leur pratique et plus globalement à l’ensemble de leurs pratiques culturelles. 56 Vous trouverez les moments clés de l’histoire des retraites à l’Annexe 3, p 143. 39 2.2.1/ Le passage à la retraite et le statut de retraité : représentations et comportements De nombreux psychologues et sociologues s’accordent à dire qu’aujourd’hui le passage à la retraite est un moment important dans la vie de tout individu. « le passage à la retraite constitue l’une des principales transitions vécues au cours de la durée de vie par les membres de nos sociétés contemporaines développées »57, Pour Georges Lapassade, « c’est une rupture58, pour Jack Mezirow, « Ce sont des « dilemmes perturbateurs »59 qui vont entraîner des « transformations de perspectives » et pour Lucette Colin c’est un « engendrement de rapports inédits à l'existence et donc traversée de frontières »60 Mais tout aussi importante qu’elle puisse paraître, pour Vincent Caradec, « la retraite même si elle s’avère être une crise responsable en plus de la perte du statut, de la privation d'un rôle instrumental et de la disparition d'un groupe de pairs, n'est souvent que passagère »61 Alors « psychologiquement » comment vivons-nous ce temps de passage pour une 3ème vie ? Monique Boutrand nous précise « La retraite demeure souvent en France une rupture brutale…même si les retraités s’estiment généralement plutôt heureux de leur état, une proportion non négligeable d’entre eux souffre de dépression au moment de la retraite »62. Finir sur l’idée qu’à la retraite nous pourrions faire partie des personnes touchées par la dépression n’est pas rassurante. Mais paradoxalement, dans ce même rapport, quelques paragraphes plus tôt, il est écrit « la retraite est perçue majoritairement presque partout comme étant un évènement positif ». Emmanuelle Crenner pour une enquête Insee (Histoire de Vie, 2006) donne une image plutôt consensuelle et écrit : Le changement que représente le départ à la retraite semble avoir été bien vécu par une majorité des retraités. … La majorité d’entre eux considère la période du passage à la retraite comme n’étant ni bonne ni mauvaise et près de 40 % d’entre eux pensent même que le départ à la retraite s’inscrit dans une période plutôt positive de leur vie ». Néanmoins une enquête du CREDOC (Poquet, 1996) fait apparaître six catégories de retraités dans laquelle nous trouvons celle des « personnes découragées et déprimées » qui représente12 %. 57 Le passage à la retraite, crainte et espoirs, Daniel Alaphilippe, Kamel Gana, Nathalie Bailly - Université François Rabelais -Tours. CAIRN. 58 59 De l'entrée dans la vie à une éducation tout au long de la vie . Colin L. et Lapassade G. (2008). Penser son expérience, développer l'autoformation Mezirow, J. ((2001). Lyon : Ed. De La Chronique Sociale. 60 Passer les frontières : une éducation tout au long de la vie ? Colin L. (2008) in COLIN, L. et Le GRAND, J-L. (2008) [dir.] L'éducation tout au long de la vie, Economica Anthropos. 61 Sociologie de la vieillesse et du vieillissement. Caradec V. (2008), Armand Colin. 62 Rapport Séniors et cité, déjà cité. 40 L’enquête sociologique "La retraite quinze ans après" (2004)63 dresse les portraits des retraités âgés aujourd'hui de soixante-quinze ans (retraités qui avait fait déjà parti d’une première enquête 15 ans auparavant) et montrent qu’ils sont heureux dans leur grande majorité, ….Seuls 10 % des personnes étaient malheureuses. La grande majorité bénéficiait plutôt d'un effet grandes vacances." Elle y dresse des typologies de retraités hiérarchisées en termes d'activités, dans laquelle nous retrouvons "l'abandon" : les fameuses 10 % de personnes malheureuses à l'heure de la retraite. Suivant que vous ayez lu l’un ou l’autre article, vous pouvez avoir une vision plus ou moins inquiétante ou plus ou moins optimiste et nous nous posons la question : mais alors qui va faire partie du groupe des déprimés… ? Pour apporter quelques éléments de réponse à cette question (question qui pourrait être l’objet d’un autre mémoire) je m’appuierai sur une étude faîte sur des salariés EDF-GDF qui participaient à une session de préparation à la retraite d’une entreprise, session proposée par l’entreprise, sur le thème du passage à la retraite. Les conclusions de cette étude nous éclaireront beaucoup pour la suite de notre réflexion : « Mais ce qui ressort avant tout de cette étude, c’est le poids des déterminismes sociaux. …la retraite s’inscrira, pour le plus grand nombre, dans la continuité psychologique et sociale du temps de travail. Ceux qui furent malmenés au cours de cette vie, car à la base de la hiérarchie sociale, manifestent le moins de craintes et d’espoirs ; on peut s’attendre à ce qu’ils subissent le plus passivement cette nouvelle période de leur vie. Quant à ceux qui ont traversé leur vie de travail de manière dynamique, occupant des emplois valorisants, gagnant des places dans la hiérarchie sociale, ils sont les plus inquiets, mais ils ont aussi plus de projets et d’attentes. On suppose qu’ils vont gérer leur retraite comme ils ont géré leur vie, de manière active, efficace et valorisante. Une fois de plus, l’emprise sociale paraît considérable et marque la transition qu’est la retraite, du sceau de la continuité. Elle nous conduit aussi à nous interroger sur ce qu’il faudrait faire pour que le passage à la retraite contribue à donner une deuxième chance à tous ceux qui ont été mal lotis dans la hiérarchie sociale - 64 Christiane Delbès rejoint cette conclusion quand elle précise que : « leurs modes de vie restent influencés par leurs anciens milieux professionnels et familiaux ». Même si la qualité de la retraite pour une personne sera aussi dépendante du niveau de revenu, de sa santé et de ses habitudes, les multiples constats quelque soient leurs interprétations laissent penser que la préparation pour passer cette transition est souhaitable. Les réponses à ces questions tiennent aussi compte de la représentation qu’à notre société moderne sur le retraité. 63 "La retraite quinze ans après" (2004)63 est une étude signée par Christiane Delbès, chercheur à la Fondation nationale de gérontologie, et Joëlle Gaymu, chercheur à l'Institut national d'études démographiques. 64 Le passage à la retraite : craintes et espoirs. Daniel Alaphilippe, Kamel Gana, Nathalie Bailly - Université François-Rabelais-Tours. CAIRN. 41 Représentations de la retraite et du retraité : entre subjectivité et réalité « Il n’y a pas très longtemps, pour nos pères et mères, l’entrée au 3ème âge signifiait le retrait de la vie sociale et la préparation au grand voyage vers l’au-delà. Mais avec les progrès de la médecine et l’augmentation de l’espérance de vie, un nouveau cycle s’est ajouté à la vie et la retraite constitue maintenant une période dont l’existence est aussi longue que celle du travail. ». François Colbert65 résume bien le constat que l’on peut faire aujourd’hui sur l’image de la retraite dans nos sociétés. La représentation de la retraite est intimement liée à celle de la vieillesse qui évolue en fonction des époques66. Nous retrouvons des textes sur ce sujet depuis Cicéron jusqu’à nos jours et nous nous apercevons donc que la représentation de la vieillesse varie en fonction de l’histoire. Mais à l‘intérieur d’une même époque, cette représentation varie aussi en fonction de l’âge des individus ou plus précisément suivant « leur position dans le parcours de vie. ». Dans l’enquête « Représentations de la vieillesse chez des jeunes adultes et des octogénaires », Cornelia Hummel67 montre que les jeunes adultes imaginent leur vieillesse à venir comme étant principalement un temps idéal où le bonheur, l’équilibre, la disponibilité, la solidarité intergénérationnelle ainsi que le transfert de connaissance à travers la famille en constitueront les valeurs ajoutées. Pour les octogénaires, il n’en va pas de même : « Les définitions sont autocentrées, les personnes-ressources et la vie relationnelle invisibles : les conjoints sont évoqués par leurs maladies ou leur décès, et la descendance est curieusement absente. On pourrait alors imaginer que la vieillesse des octogénaires se conjugue avec un état d’isolement et un sentiment de solitude : ce n’est pas le cas (les pertes sociales ne sont mentionnées que quatre fois), comme si la relation ne faisait même plus partie du champ du possible. Cette image de la vieillesse perçue de manière différente suivant les âges nous rappelle donc que cette dernière est très subjective, et pour nous en convaincre une fois de plus, lisons les résultats récents du sondage TNS Sofres/Notre Temps réalisé début juin 2004. En posant à un échantillon de 1 000 personnes, la question « À partir de quel âge avezvous le sentiment qu'une personne est âgée ? Pour les plus jeunes (18-34 ans), on est âgé Et ce seuil ne cesse de reculer au fur et à mesure des années. à partir de 64 ans. À partir de 50 ans, tous les interviewés s'accordent sur le chiffre de 74 ans. L'âge est un critère de choix des mots : les plus âgés retiennent retraité, les 50-74 ans : seniors. Avant, les répondants optaient pour ancien ou aîné. 65 François Colbert est professeur à la Haute Ecole de Commerce de Montréal. Vous trouverez à l’annexe 4 p 145 une synthèse de l’évolution de la perception de la vieillesse depuis le 18ème sicècle. 67 Cornelia Hummel est Docteur en sociologie, Maître-assistante au département de sociologie de l’université de Genève. 66 42 Conclusion Nous le constatons, les représentations du passage à la retraite sont extrêmement hétérogènes. Le passage à la retraite représente un changement des rapports avec les autres et de la perception de soi dans la société, ce qui entraine une diversité de réactions allant d’une forte angoisse devant l’inconnu à une attente sereine et curieuse de nouvelles expériences. D’une manière toute aussi diversifiée, le temps de retraite peut se vivre comme un nouveau temps de construction et de l’établissement de nouveaux rapports aux autres, être perçu comme un temps de la continuité, ou, au contraire, se traduire par un temps de repli. Il y a autant de retraite qu’il y a d’individu. 2.2.2/ Le vieillissement et ses conséquences sur les activités Quand on parle de personnes âgées on pense tout se suite au phénomène de vieillissement et à ses conséquences sur le comportement de ces derniers. Plusieurs sociologues ont présenté les conséquences de ce vieillissement avec plusieurs théories : La théorie de l’activité, Développée dans les années 1960 aux Etats-Unis par R. Havighurst et R. Albretch68, qui consiste à spécifier que le vieillissement réussi est celui qui maintient un niveau élevé d’engagement : il s’agit de compenser la perte de certains rôles antérieurs par l’intensification d’autres rôles comme celui de citoyen ou par l’investissement de nouveaux rôles comme celui des grands-parents. La théorie du désengagement, Toujours aux Etats-Unis, et dans les années 60, Elaine Cumming et William Henry69, précisent que le vieillissement s’accompagne d’un éloignement, d’un « désengagement » réciproque de la personne qui vieillit et des autres membres de la société dont elle fait partie. Il y a moins de rôles sociaux joués par l’individu, moins d’interactions. La théorie de la Déprise, Le concept de Déprise, forgé par Serge Clément et Marcel Druhle70 apparait pertinent pour appréhender le vieillissement au grand âge. La déprise désigne le processus de réaménagement de l’existence qui se produit au fur et à mesure que les personnes qui vieillissent doivent faire face à des circonstances. Elles remplacent les activités qu’elles ne peuvent plus faire par des substituts (par exemple en regardant la messe à la télévision faute 68 R. Havighurst, R. Albrecht, Older people, Longmans, Green et co, 1953 et Flexibility ant the social roles of the retired, American Journal of Sociology, 1954. 69 Elaine Cumming et William Henry, The Process of Disengagement, Basic Books, 1961. 70 Serge Clément et Marcel Druhle, Vieillesse ou Vieillissement, les processus d’organisation des modes de vie chez les personnes âgées, les Cahiers de la Recherche sur le travail social – 1988. 43 de se déplacer à l’église), elles poursuivent leur activité mais à un rythme plus ralenti ou dans une moindre mesure, elles délaissent certaines activités pour avoir prise sur d’autres. Les mécanismes pour un vieillissement réussi en trois opérations71 - la sélection de certaines activités par les personnes qui vieillissent, lorsqu’elles constatent que leurs forces déclinent ; - l’optimisation, qui consiste pour elles à s’investir fortement dans ces activités et à déployer des efforts particuliers pour les réaliser au mieux ; - la compensation qui les conduit à adopter des procédures ou des techniques permettant de palier leur déficiences (noter sur un carnet quand la mémoire devient défaillante…). Le cas du pianiste Arthur Rubinstein illustre bien ces propos : pour continuer à jouer du piano et à se produire en public jusqu’à un âge avancé, il a mis en œuvre cette triple stratégie : il a réduit son répertoire (sélection), il s’est d’avantage entraîné (optimisation), il a ralenti le rythme avant les mouvements rapides, qu’il ne pouvait pas jouer aussi vite qu’auparavant, afin de produire le contraste (compensation). Face au phénomène du vieillissement, l’individu met en place de nombreuses stratégies pour répondre aux incapacités que peut provoquer l’avancée en l’âge. Et ces stratégies peuvent se résumer par le choix ou la composition entre : -ne plus faire, -faire autrement, -faire autre chose, -ou ne rien faire. 71 Sociologie de la vieillesse et du vieillissement, Vincent Caradec, déjà cité. 44 2.2.3/ Caractéristiques et typologie des personnes âgées Ce chapitre va nous éclairer sur les éléments caractéristiques qui aujourd’hui définissent la population des personnes retraités. Cela nous permettra par la suite d’avoir une base de lecture et quelques références quand nous étudierons la sociologie des choristes retraités. Leurs revenus et niveau de vie Nous allons d’abord étudier dans quelles conditions de vie se produit ce changement majeur dans la vie qu’est la retraite et les comparer à celle de l’ensemble de la population. Revenus des retraités : des comparaisons délicates… Les différentes enquêtes menées en France et en Europe sur les conditions de vie et les niveaux de revenus sont toujours délicates à comparer du fait de méthodes d’investigation différentes d’un pays à l’autre et même parfois dans un seul pays. Néanmoins, par rapport aux actifs, les travaux du COR publié en 200772 montraient que nous ne sommes pas très éloignés de la parité des niveaux de vie « si la mesure effectuée ne prend pas en compte les revenus du patrimoine, le niveau de vie moyen des retraités apparaît comme inférieur d’environ 15% ; si elle tient compte, en incluant également les «loyers imputés73, alors l’écart serait d’environ 2% ». Les revenus des retraités : situations contrastées en France et en Europe De la même manière que nous verrons plus tard qu’il existe une pluralité des typologies de retraités, nous rappelons ici qu’il y a une diversité des situations individuelles qui est finalement à l’image de l’hétérogénéité des situations individuelles de notre société. Revenus des retraités : pensions et patrimoine principalement Les revenus des retraités, à l’inverse des actifs, se composent essentiellement des pensions et des revenus du patrimoine (et épisodiquement de salaire). Le niveau des pensions versées baissent depuis de nombreuses années. Ce taux de remplacement était de 85% en 1990 pour un salarié non cadre du secteur privé, il est estimé qu’il sera de 65% en 2050. Seuil de pauvreté : 13 % des retraités Le taux de pauvreté selon Eurostat est de 60% du revenu disponible74 (équivalent médian national) sur ce qui en France équivaut à 817€ pour une personne seule (INSEE 2005). La proportion de personnes à la retraite dont le revenu est en dessous de ce seuil de pauvreté est en 2006 pour l’ensemble de l’UE (27) de 19% et de 13 % pour la France. (11% pour les 50-64ans et 16% pour les plus de 65 ans). 72 Cinquième rapport du COR, Novembre 2007 73 La prise en compte du « loyer imputé » fait polémique : il correspond au loyer qu’un propriétaire pourrait tirer de son logement s’il le louait. Pour certains, ce mode de calcul, qui augmente sensiblement le niveau de revenu, ne tient pas compte des « sacrifices passés » pour accéder à la propriété. 74 Le revenu disponible qui nous servira un peu plus tard de comparaison avec les foyers des choristes interrogés «comprend les revenus d’activité, les transferts en provenance d’autres ménages et les prestations sociales nets des impôts directs. Il intègre également selon les définitions usuelles, les revenus du patrimoine ». 45 Même si les comparaisons sont délicates, la situation des femmes, en France comme en Europe, apparait nettement plus fragile que celle des hommes. Les retraités : principalement propriétaires Les retraités sont dans leur grande majorité propriétaires de leur logement 70%75. Ils font donc moins face à des charges telles que le paiement des loyers que les actifs. De ce fait, le niveau de vie peut en être largement valorisé. Niveau de vie des retraités En 2003, le niveau de vie des retraités par an et par unité de consommation76 atteignait 15 800€ sur la base des revenus disponibles hors patrimoine et avoisinait les 21 000€ avec les revenus du patrimoine (sans les loyers imputés). Leurs spécificités Vincent Caradec 77nous précise que les personnes âgées se distinguent : - par leurs pratiques : Elles sont plus casanières, moins actives tant pour les sorties culturelles et sportives que sur le plan sexuel ; elles sont aussi moins tournées vers les technologies nouvelles et sont moins sociables dans le sens où elles ont moins d’interlocuteurs et sont d’avantage tournées vers le domicile et la famille. - par leurs valeurs : Les enquêtes montrent deux « blocs générationnels » : les cohortes nées avant 1940 qui se caractérisent par une plus forte croyance religieuse, un sentiment de fierté nationale plus affirmé, des jugements moraux plus rigoristes, par exemple sur l’avortement et sur l’homosexualité. Elles sont moins attachées que celles nées après la seconde guerre à la liberté d’expression et à la participation politique active des citoyens. Mais il faut se garder de faire de cette description des personnes âgées le point final de cette analyse. - par leur importante hétérogénéité et diversité Les pratiques apparaissent extrêmement variées en fonctions des tranches d’âge : les sexagénaires se différenciant nettement des septuagénaires et des octogénaires. Ces différences s’expliquent par un effet d’âge et un effet de génération. 75 76 Cinquième rapport du COR, déjà cité Unité de consommation (Définition INSEE): pour comparer le niveau de vie des ménages, on ne peut s'en tenir à la consommation par personne. En effet, les besoins d'un ménage ne s'accroissent pas en stricte proportion de sa taille. Lorsque plusieurs personnes vivent ensemble, il n'est pas nécessaire de multiplier tous les biens de consommation (en particulier, les biens de consommation durables) par le nombre de personnes pour garder le même niveau de vie. Aussi, pour comparer les niveaux de vie de ménages de taille ou de composition différente, on utilise une mesure du revenu corrigé par unité de consommation à l'aide d'une échelle d'équivalence. L'échelle actuellement la plus utilisée (dite de l'OCDE) retient la pondération suivante : - 1 UC pour le premier adulte du ménage ; - 0,5 UC pour les autres personnes de 14 ans ou plus ; - 0,3 UC pour les enfants de moins de 14 ans. 77 Dans Sociologie de la Vieillesse et du vieillissement, analyse des Personnes âgées Insee 2005. 46 Cette diversité apparait d’autant plus marquée que coexistent dans le même groupe des « personnes âgées » les 2 blocs générationnels cités plus haut. Cependant cette diversité renvoie aussi à d’autres facteurs que l’âge comme le milieu social et le sexe. Les pratiques culturelles par exemple sont plus nettement influencées par le niveau d’études que par l’âge. En une quarante d’années, la composition sociologique des personnes âgées s’est transformée : - leur niveau d’études s’est élevé, elles comptent aujourd’hui plus d’anciens cadres et moins d’agriculteurs, elles vivent moins souvent à la campagne, leur situation économique est plus favorable, elles sont plus actives que leurs devancières, elles sont plus tolérantes. De plus, et ce n’est pas le moins important, le sens même de la retraite change : elle est considérée de plus en plus comme une vie en plus, ou du temps en plus pour la vie.78 Du fait de ces évolutions, la spécificité des personnes âgées tend à se réduire. Quand on étudie l’évolution des comportements d’une même cohorte suivant les effets d’âge et de période, cela a pour effet de nuancer la thèse d’« un repli massif sur l’espace domestique qui se produirait autour de la soixantaine »79. D’un coté on note bien une tendance au repli, mais à l’inverse, d’autres pratiques sont en expansion comme la gymnastique ou des sorties pour assister à un concert classique.80 Le passage à la retraite est aussi susceptible de réduire quelque peu les écarts sociaux et entre les sexes.81 Si l’on étudie les cohortes plus avancées en âge, la baisse des activités et le repli sur le domicile seront plus accentués. Les typologies des retraités Plusieurs typologies ont été proposées et chacune tente suivant des modalités différentes de proposer des modélisations de style de vie des personnes âgées. Un exemple : Anne-Marie Guillemard qui dès les années 60 propose 5 styles de vie : - la retraite « participation » - la retraite « revendication » - la retraite « consommation » » - la retraite « 3ème âge » - la retraite « retrait » 78 Une vie en plus, De Rosnay J, Servan Schreiber JL, De Closets François, Simonnet Dominique, collection Essais – Points 79 Les pratiques culturelles des retraités, Vincent Caradec 80 Les pratiques culturelles des retraités, Vincent Caradec, 81 Les Pratiques culturelles des personnes âgées sous la dir. de Paul Paillat Paris, la Documentation française, 1993 47 Quelques années plus tard, la FNG82 propose un modèle dans lequel nous trouvons cinq autres modèles de vie à la retraite : - la retraite loisirs (29% de l’échantillon) - la retraite conviviale (20%) - la retraite intimiste (20%) - la retraite retranchée (18%) - la retraite abandon (13%) Conclusion Les retraités se distinguent des non-retraités par de nombreuses caractéristiques. Ces dernières, nombreuses et variées, ont énormément évolué dans les domaines de la santé, de l’économie et des valeurs sociales. La multitude des typologies existantes nous incite aussi à penser que la façon d’observer les personnes retraitées que ce soit par le prisme de l’évolution de leur rapport aux autres et à la société (participation, consommation, retrait) ou par celui de leurs désirs et aspirations (loisir, convivialité, intimiste...) peut impacter de manière importante la façon que nous avons de les percevoir. Nous pouvons poser l’hypothèse que si leurs caractéristiques sont hétérogènes il en va de même pour leur comportement culturel. Vérifions-le dans le chapitre suivant. 82 Fédération Nationale de Gérontologie 48 2.2.4/ Le comportement culturel hétérogénéité et diversité des personnes âgées : Entre les théories du déterminisme et de l’interaction, les différentes sociologies ont montré que les pratiques culturelles des français sont largement influencées et liées à la position sociale de l’individu. Même si dans un premier temps les enquêtes ont montré quel était le poids des déterminismes sociaux et des relations de domination (Bourdieu), donnant ainsi lieu à la théorie de la légitimité culturelle, elles ont pu, par la suite, montrer avec des démarches qualitatives, que l’être humain pouvait, avec ses richesses et ses contradictions, sortir d’un comportement programmé : il pouvait pratiquer des activités culturelles « dissonantes», nouvelles et autres car il est en interaction constante avec les individus et les sociétés (Bernard Lahire). Et elles deviennent de plus en plus dissonantes dans une société individualiste où l’homme est « sommé » de se différencier de son groupe d’origine : un ouvrier à l’opéra et un cadre d’entreprise ira écouter Camille ou slamer. Mais il est exact que l’« on aura plus de chance » d’aller au théâtre ou d’écouter des concerts classique si : - on a un niveau d’études élevé, - on a pratiqué une activité artistique en amateur, - on a des parents de profession intellectuelle supérieure, - on a grandit dans une famille ouverte aux pratiques ou qui a donné une éducation propice à la connaissance et à l’expression culturelle. Les travaux sur les comportements culturels des personnes âgées de Vincent Caradec (2003) et de P. Paillat (1993) se basent principalement sur les données des enquêtes menées régulièrement par L’INSEE (emploi du temps et conditions de vie des ménages) et des Pratiques Culturelles menées par Olivier Donnat pour le ministère de la culture. Les personnes âgées sont plus casanières que l’ensemble de la population, néanmoins le comportement de ces 40 dernières années s’est tellement développé que quelques surprises en sont sorties et montrent que les spécificités avec les plus jeunes ont tendance à se réduire : - leur engagement associatif est supérieur à ceux des moins de 60 ans, - les écarts entre tranche d’âge sont moindres pour les sorties au cinéma, au théâtre et au restaurant. Ces évolutions s’expliquent comme nous l’avons vu plus haut par des effets de générations (personnes âgées plus diplômées, plus de cadre,…). Et comme le souligne Vincent Caradec « il existe une diversité des pratiques culturelles dans la population âgée telle que les retraités sont souvent plus proches de personnes plus jeunes appartenant à la même catégorie sociale que de personnes du même âge socialement éloignées. » Mais dans cette tranche d’âge des personnes âgées apparaissent une très grande hétérogénéité et diversité de comportements culturels qui ont pu être modélisés à partir de l’enquête pratiques culturelles de 1990 en 6 groupes : 49 - les « assoiffés de culture » (18 % des 60 ans et plus), - les « noctambules », - les « férus de culture populaire » (14 % des 60 ans et plus), - les « éternels attablés » (19 % des 60 ans et plus), - les « confinés à domicile » (21 % des 60 ans et plus), - les « exclus » (15 % des 60 ans et plus), Ces six groupes présentent des caractéristiques marquées en termes d’âge, d’ancienne catégorie socio professionnelle et, surtout, de niveau d’études, le diplôme constituant la variable la plus discriminante. Les retraités et les pratiques artistiques Passer de nombreux mois à côtoyer les choristes retraités peut nous donner l’impression qu’ils sont nombreux à avoir une pratique artistique : oui et non. Oui, car en 2005, il y avait 11 millions de retraités tous régimes confondus, ce qui entraîne qu’un peu moins de 1 millions de retraités en France en 2005 avaient une pratique artistique.83 2005, en % Fréquence de la pratique culturelle en amateur Agriculteurs exploitants Artisans, commerçants, chefs d'entreprise Cadres et professions intellectuelles supérieures Professions intermédiaires Employés Ouvriers (y compris ouvriers agricoles) Retraités Autres inactifs Ensemble Seulement De temps en Régulièrement Occasionnelpendant temps tout tout au long de lement ou certaines au long de l'année rarement périodes ou les l'année vacances 5 2 0 0 5 5 1 0 15 4 2 1 12 3 1 1 7 2 1 1 5 3 0 1 7 2 0 0 13 3 2 2 9 3 1 1 Jamais 93 90 78 82 89 91 91 81 87 Non, car en 2005, 91% des retraités n’ont pas eu de pratiques artistiques au cours des 12 derniers mois. Conclusion : le comportement culturel des retraités est hétérogène et varié. Certes, ce dernier est lié et influencé par la place sociale de l’individu mais pendant la retraite, ce comportement culturel évolue, s’éteint, se transforme, s’enrichit, ou s’amplifie parfois jusqu’au point de ne plus distinguer les effets de l’âge. Les pratiques artistiques sont une des composantes du comportement culturel des retraités et aujourd’hui si ces derniers apparaissent nombreux (un million environ) à pratiquer les différents arts, ils ne représentent que 9% de la population des retraités. 83 Se reporter au tableau – Evolution du nombre de cotisants et de retraité – source CNAV, Annexe 5 p145 50 Les choristes retraités font donc partie de ces 9 % de retraité qui pratique les activités artistiques. Afin de mener une enquête de terrain auprès des choristes isérois, déterminons dans un premier temps nos méthodes d’investigations. Quel champ d’étude sera étudié, quelles données seront recherchées ? En résumé, quelle va être notre méthode ? Chapitre III – Méthodologie pour enquêter sur les choristes retraités Pour aller à la rencontre des choristes retraités isérois, nous avons choisi de mener deux démarches simultanées et complémentaires. Ces démarches sont une « manière de faire »84, ou plus précisément sont « l’ensemble des méthodes et des techniques qui oriente l’élaboration d’une recherche et qui guide la démarche scientifique »85. - une démarche quantitative et objective dont l’outil principal sera un questionnaire proposé à l’ensemble des choristes. L’adjectif objective est entendu dans le sens que lui confèrent Max Weber et Durkheim : une démarche objective est une démarche neutre, parce qu’elle « permet de procéder à des observations épurées de nos jugements de valeurs, déformées par nos références culturelles, nos idées préconçues et nos préjugés. »86 - une démarche qualitative et compréhensive qui se traduira par l’interview de choristes retraités et non-retraités. La démarche compréhensive est acceptée ici dans le sens de Max Weber « qui se propose de comprendre par interprétation l'action sociale et ce faisant d'expliquer causalement son déroulement et ses effets ». Une démarche qui a pour objectif de percevoir le sens et les finalités des actions menées par les individus. 3.1 – la démarche quantitative et objective Le choix des chorales Une dizaine de chorales choisies en fonction de leurs lieux géographiques ont été retenues sur la base du listing des chorales qui m’avait été remis par le service Culture du Département de l’Isère. 84 Description de la méthodologie par le philosophe Renée Descartes (1637) Initiation pratique à la méthodologie des sciences humaines, Angers Maurice, Centre éducatif et culturel Inc, 1992 86 La démarche de recherche en sciences humaines, de la question de départ à la communication des résultats, François Depelteau, Editions De Boeck 85 51 A chaque fois, un contact téléphonique préalable à chaque responsable de chorale me permettait de présenter ma démarche universitaire. Ce dernier, après en avoir parlé à son bureau, me recontactait pour me donner rendez-vous sur un temps de répétition où je pouvais rencontrer les choristes généralement le soir sur leur lieu de répétition. Je profitais généralement de ce rendez-vous pour planifier, toujours avec le responsable de la chorale, des rencontres, une ou deux heures avant la répétition avec des choristes qui voulaient bien se prêter au jeu de l’interview. Choristes volontaires qui avaient été proposés et contactés par le (la) président(e). Tous ces contacts et rendez-vous se sont déroulés de janvier à juillet 2009. A une exception près, toutes les chorales et les choristes se sont prêtés au jeu avec plaisir et curiosité. Les choristes étaient très friands d’enquêtes et de données sur le chant choral. Tous, choristes, responsables et chefs de chœur m’ont demandé à pouvoir lire dès que possible les résultats de ce travail. A chaque fois, j’ai attiré leur attention sur les travaux que l’Institut Français d’Art Choral (IFAC) mettait à disposition sur son site87. Travaux remarquables sur les chorales et chefs de chœur que les responsables des chorales pourraient très bien télécharger sur leur site choral pour qu’ils soient plus largement diffusés, la majorité des chorales rencontrées ayant un site pour présenter leurs activités, dialoguer entre eux et parfois même pour télécharger leurs partitions. La distribution des questionnaires s’est déroulée suivant trois manières différentes : - Quand le chef de chœur le permettait, la première consistait, en dérangeant le moins possible la répétition, à distribuer à tous les choristes le questionnaire sur place afin qu’ils puissent le remplir sur un temps de pause ; - La seconde (la plus souvent retenue) est celle qui consistait à envoyer en amont par courrier un lot de questionnaires vierges au responsable de la chorale qui se chargeait de les distribuer à la première répétition venue. Je passais donc à la répétition suivante pour me présenter, interviewer, remercier et récupérer les questionnaires. - La troisième façon s’est réduite à un simple envoi par courriel du questionnaire aux choristes isérois. 87 « Le monde des pratiques chorales : esquisse d’une topographie » - Guillaume Lurton – DMDTS –Sept 2007 et « une approche des pratiques chorales en France » - DMDTS -Sept 2007. Ces 2 enquêtes ont été réalisées en partenariat avec l’Institut Français de l’Art Choral (IFAC), les Missions Voix en Région et le ministère de la Culture. 52 Le questionnaire, l’outil idéal pour objectiver les faits sociaux Emile Durkheim précise que la «familiarité» que chacun entretient avec sa société grâce à ces formulations «spontanées» est «le premier et le plus grand obstacle» à l'appréhension scientifique des phénomènes sociaux, car elle est elle-même un phénomène social.88 Le questionnaire est un outil qui va permettre d’avoir sans artifice des données « brutes », c’est ce qui en fera sa valeur, les données obtenues seront épurées de toute interprétation subjectives et personnelles. Ce qui en fera sa faiblesse c’est que nous ne pourrons peu ou pas interpréter leurs sens. Le questionnaire va être construit dans l’objectif de constater la fréquence et la nature des sorties culturelles, des modalités de transport pour aller à la chorale (voiture, vélo, à pied,…) et des raisons déclarées par les choristes pour expliquer pourquoi ils ont dû arrêter le pratique chorale au cours de leur vie. 88 Les règles de la méthode sociologique, Emile Durkheim, Folioplus Philosophie. 53 54 Construction du questionnaire 89 La stratégie consistait à proposer un questionnaire à l’ensemble des choristes, un questionnaire en cinq parties distinctes qui concernaient : - le parcours choral du choriste le sens qu’il porte à sa pratique chorale ainsi que ses opinions personnelles un état des lieux de ses pratiques artistiques et de ses sorties culturelles les attentes et les besoins du choriste concernant sa pratique chorale ses déterminants sociaux (sexe, âge, position sociale et familiale, capital scolaire, adresse, etc…) La formulation des questions devaient nous permettre pour la suite de distinguer les caractéristiques des pratiques culturelles des retraités et d’analyser les modes opératoires qui œuvraient à la construction du parcours choral. Le questionnaire n’a pas trouvé sa forme définitive du premier coup : il a fallu trois tentatives pour parfaire la formulation des questions : de ce fait, il y a eu une telle différence entre la première et la version finale du questionnaire que j’ai dû interroger à nouveau la première chorale rencontrée. Ce que nous avons fait cette fois-ci par échange de courriels. Le questionnaire a permis de manière efficace d’avoir : -un état des lieux du parcours choral des individus, -une vision des « effets leviers » qui leur permettaient d’intégrer une chorale, -le panorama de leurs pratiques et sorties culturelles. Les limites du questionnaire sont apparues notamment en ce qui concerne les attentes que les choristes avaient de la chorale : les réponses obtenues étaient difficilement exploitables dans la mesure où les questions renvoyaient à des finalités trop générales (trouver sa place dans le groupe, s’évader, rêver, prendre du plaisir..); De plus, la question sur l’implication familiale dans la pratique chorale aurait pu proposer des réponses multiples pour mettre en valeurs les différents liens familiaux (enfants/parents, grands-parents/petits-enfants, frère/sœur, …), liens qui n’ont pas pu apparaitre suffisamment avec la question « votre famille est-elle impliquée dans votre pratique chorale? ». Le questionnaire aurait aussi gagné en efficacité en proposant une question à choix multiples telle que : « que signifie pour vous, progresser dans une chorale ?» ; cette question aurait peut être permis de discerner le projet individuel de chaque choriste valorisant ainsi l’hypothèse qu’il y avait (ou pas) une différence entre les finalités des choristes retraités et des non-retraités. Une question sur la pratique bénévole des choristes aurait alimenté de manière intéressante le chapitre concernant la nouvelle identité culturelle des retraités. Elle aurait pu se substituer 89 Questionnaire vierge page 119 55 à la question « quelle musique préférez-vous ? » par exemple. Les relations entre les pratiques artistiques et les modes de bénévolat chez les choristes auraient été intéressantes à étudier. Des entretiens exploratoires préalables à la construction du questionnaire auraient pu nous alerter sur ces points. Résultats : Au final, 467 questionnaires ont été obtenus dont 88 par courriel. Le renouvellement des chorales : plutôt féminin ? Le nombre de 467 questionnaires n’a pas permis d’avoir un nombre de réponses suffisantes pour avoir un regard sociologique fiable sur ceux qui venaient chanter pour la première fois dans la chorale. En effet, les personnes qui intégraient pour la première fois une chorale se comptabilisaient au nombre de 20. Sur ces 20 personnes, il apparaissait une tendance à un renouvellement plutôt féminin mais il était délicat de tirer des conclusions sur la base d’un échantillon aussi faible. Tableau n°160 - le renouvellement suivant le sexe Sexe femme homme Total ancien 277 163 440 nouveau 14 6 20 Total 291 169 460 Tableau n°161 - le renouvellement suivant le sexe Sexe femme homme Total ancien 63% 37% 100% nouveau 70% 30% 100% Moyenne 63% 37% 100% Le codage des réponses, tris à plat et tris croisés. L’ensemble des données recueillies par les questionnaires a été codé dans un unique tableau Excel : à chaque colonne correspondait une question, et dans le cas de réponses multiple à une même question, nous rajoutions autant de colonnes supplémentaires qu’il y a avait de réponses possibles : colonne question 1 choix 1, colonne question 1 choix 2, etc…). Puis, à chaque ligne correspondait un choriste. Pour les questions où le nombre de réponse était laissé au libre choix du choriste, nous avons apprécié à la lecture finale le nombre maximum de réponses individuelles que nous retenions. Ce tableau final a servi par la suite à la mise en place de tous les croisements de données jugés nécessaires pour l’étude (tableau croisé dynamique). Le tri à plat permettait d’avoir les différentes proportions des réponses obtenues pour une seule question, comme celle concernant par exemple la répartition Homme /Femme (tableau 142, p62). Le tri croisé mettait en regard les réponses de 2 questions différentes, comme par exemple dans le tableau ci-dessus (tableau160), avec les réponses liées au sexe des choristes et à leur ancienneté dans la chorale. 56 3.2/ La démarche qualitative et compréhensive En complément de la démarche quantitative, la démarche qualitative a consisté à mener dans un premier temps des entretiens exclusivement avec des choristes retraités, homme ou femme. Ils étaient tous volontaires, et ne répondaient pas à un choix préalable d’un quelconque profil social : tous étaient les bienvenus. Ces interviews se voulaient être avant tout des temps privilégiés d’échange dont l’objectif était d’approfondir la connaissance des parcours choral des retraités. Nous pouvions alors, dans l’idée de la démarche compréhensive de Maw weber, qui précise que « Les comportements humains se laissent interpréter de façon compréhensive". », interpréter à notre tour le sens de l’activité des choristes retraités. Les questions se focalisaient d’avantage sur les moments « clés » qui influençaient leurs choix choral et sur la façon dont le chant choral impactait leur vie culturelle et familiale. Nous voulions ainsi vérifier l’hypothèse que la pratique chorale avait une autre valeur, une autre place dans la vie d’un retraité que dans celle d’un actif. Ces interviews se basaient sur un entretien semi-guidé qui reposait sur 5 thèmes : -le parcours choral -l’apport de la pratique chorale dans la vie quotidienne -l’évolution des pratiques culturelles pendant la retraite -l’impact de la retraite sur les pratiques culturelles -les interactions de la pratique chorale avec la famille proche Mais si les thèmes renvoyaient pour certains d’entre eux aux contenus des questionnaires, l’entretien, malgré le choix de thèmes généraux, présentait un espace de liberté dans lequel je pouvais écouter et réagir allant ainsi au gré des pistes que me proposait mon interlocuteur. Sans avoir d’idées précises sur la direction que je prenais, le dialogue ne cessait pas d’être à chaque fois riche d’enseignement. Au bout de quelques entretiens, l’impression de ne pas assez rentrer dans l’ « intimité » des choristes s’installait. Je proposais alors en dernière partie de l’interview de réagir le plus spontanément possible à des citations trouvées dans la presse et des ouvrages généraux. Les citations ainsi proposées cherchaient à faire émerger : -leur perception du temps de la retraite, « Après 60 ans, le temps et les sensations se valorisent : c’est consommer non plus avec boulimie mais en dégustant » -la représentation qu’ils avaient d’eux même suivant deux angles différents, « A la retraite, chanter c’est s’inventer une nouvelle position sociale », « Chanter dans une chorale après 60 ans c’est continuer à séduire » -leur capacité à transmettre leur passion de la musique à leurs enfants et petits-enfants « Chanter dans une chorale après 60 ans c’est être un médiateur culturel pour ses enfants et petits enfants » 57 Les limites de l’interview -une impression de « tourner en rond » Au-delà d’une vingtaine de rencontre l’ensemble des témoignages convergeait dans les mêmes directions. Il a été jugé préférable à ce moment-là de rencontrer d’autres choristes, non-retraité, afin que de nouveaux points de vue s’installent changeant ainsi le filtre « retraité » et la qualité de l’écoute. -les lieux de répétition n’étaient assez « neutres » Les entretiens ont eu lieu dans leur grande majorité sur les lieux de répétition une heure environ avant la séance de chant, les choristes interviewés était dans un état d’esprit particulier que l’on pourrait qualifier d’ « enthousiaste » ; ces derniers auraient été dans un état d’esprit différent si les interviews s’était déroulés chez eux, cela aurait pu induire des réponses peut être différentes quand à l’importance de la pratique chorale dans leur quotidien et modérer ainsi quelques réponses. J’ai procédé à l’interview de 27 choristes (dont un ancien choriste) avec 22 retraités, 4 salariés et 1 étudiant. 3.3 / Représentativité de l’échantillon Dans un premier temps, le choix des chorales à rencontrer s’est porté vers celles qui étaient susceptibles de présenter le plus grand nombre d’hommes et de femmes retraités. Cela a naturellement orienté les rencontres vers des chorales dont la moyenne d’âge était plus élevée que la normale90. Un premier dépouillement des questionnaires précisait une proportion de choristes retraités de 53%. Il y avait deux nécessités pour que l’échantillon soit significatif, il fallait : -que le nombre de choristes retraités soit assez conséquent pour pouvoir être représentatif -que l’ensemble des réponses se rapproche de celles que l’on peut avoir de chorales « types » issues d’enquêtes nationales. La première nécessité était atteinte mais la deuxième nous laissait dubitative dans le sens où le nombre de retraités était un peu trop élevé par rapport à une chorale « type ». Un appel à questionnaire fut décidé et lancé par courriel, à l’ensemble des chorales de l’Isère sans distinction particulière. Ceci a eu pour effet de rajeunir significativement l’échantillon : les choristes retraités représentaient finalement 44% des questionnés. 90 Nous parlons ici de normalité quand une chorale se rapproche de la typologie « moyenne » des chorales que nous avons pu établir sur la base des états des lieux des pratiques chorales qui se sont déroulés en Région entre 2001 et 2006. 58 Tableau 146 - Répartition des situations professionnelles des choristes nombre de choristes % retraité 205 44% travaille à temps complet 170 36% travaille à temps partiel 54 12% femme au foyer 17 4% étudiant 10 2% demandeur d'emploi 6 1% invalide 1 0% sans réponse 4 1% Total 467 100% Mais au fait quel est l’âge des choristes en France ? Combien y a-t’il de choristes retraités dans nos chorales ? Les dernières enquêtes nationales conséquentes sur le sujet choral (deux études de 2007, délivrées par la Direction de la Musique, de la Danse, du Théâtre et des Spectacles91) n’ont pas choisi d’aborder cet item. Dans l’une d’entre-elles, il est précisé que la pratique chorale est principalement une pratique d’adultes. « les trois quarts des chœurs de cette étude se définissent comme des chœurs d’adultes », 5% seulement se définissent come étant des chorales de « 3ème âge ». Géraldine Toutain, responsable de la Mission Voix en Bourgogne, personne ayant participé à cette enquête nationale nous éclaire en nous donnant quelques indications supplémentaires quant à l’âge des choristes : « A la question votre chorale est plutôt une chorale du 3ème âge, une chorale adultes ou de jeunes.. ?, les 3/4 qui se sont proclamées chœurs d’adultes ont bien entendu des retraités au sein de leur effectif. Ils se perçoivent comme des chorales d’adultes. Pour les 5% qui se déclarent être des chorales du 3ème âge, nous retrouvons des chorales de maison de retraite, de centre sociaux et de club du troisième âge » Nous pouvons remarquer là encore que la notion du 3ème âge reste employée de manière ambigüe car elle mélange la notion de personne dépendante et de personne indépendante. A propos de la méthodologie employée lors de l’enquête nationale, Géraldine Toutain expliquait qu’afin de connaître l’âge des choristes, il était demandé aux chorales de répondre à la question « combien, en pourcentage, elles avaient au sein de leur chorale des plus de soixante ans ? » mais les informations reçues n’ont pas pu être exploitées car certaines d’entre-elles présentaient des pourcentages et d’autres des chiffres. 91 « Le monde des pratiques chorales : esquisse d’une topographie » - Guillaume Lurton – DMDTS –Sept.2007 et « une approche des pratiques chorales en France » - DMDTS -Sept 2007. Déjà cités. 59 Les moyennes d’âge des chorales Des données supplémentaires en ce qui concerne les chorales en Bourgogne92 nous permettent d’avancer le chiffre moyen et indicatif de 32% de choristes présents dans les chorales qui ont plus de soixante ans Hélène Ecochard de la NACRe (Nouvelle Agence Culturelle en Région), nous donne accès aux données de la Région Rhône-Alpes : Sur la base de 357 questionnaires (de chorales) reçus nous obtenons une répartition par tranche d’âge suivante (données 2003) : moins de 18 ans 4% 18 - 26 ans 3% 26 - 40 ans 41 - 60 ans 61 ans et + 21% 43% 27% Nous constatons aisément que la majorité des choristes se situent dans la tranche d’âge des plus de 40 ans ce qui se confirme avec les dates de naissance déclarées par les 467 choristes isérois : Données qui se traduisent par tranche d’âge comme suit : moins de 18 ans 0% 18 - 26 ans 3% 26 - 40 ans 41 - 60 ans 61 ans et + 9% 46% 42% Dont 11% ont plus de 71 ans. Même si les chorales des moins de 18 ans n’ont pas été questionnées, les données confirment dans un premier temps que l’échantillon obtenu est plus âgé que la typologie « moyenne » d’une chorale en Région Rhône-Alpes. Pour élargir la comparaison au niveau national, avec les données d’autres régions, nous obtenons le tableau suivant : 92 qui se basent sur les réponses de 151 chorales. 60 Tableau 1 - Répartiton des effectifs des chorales par tranche d'âge et par régions moins de 18 ans 18 - 26 ans 26 - 40 ans 41 - 60 ans 61 ans et + Rhône-Alpes 6% 3% 21% 43% 27% Bourgogne 8% 9% 13% 37% 33% Poitou Charente 13% 3% 15% 41% 28% Alsace 13% 5% 13% 35% 34% Total 100% 100% 100% 100% Donc, pour étudier une pratique « adulte » du chant choral, pour étudier les choristes retraités et en faire ressortir les caractéristiques par rapport aux choristes non retraités, l’échantillon obtenu avec les questionnaires des choristes isérois est suffisamment représentatif du monde adulte choral. Conclusion : Cette première partie nous a permis d’avoir les grilles de lectures et les repères nécessaires pour pouvoir analyser les comportements et les pratiques artistiques des choristes isérois. Nous avons vu que les retraités d’aujourd’hui posaient à notre société toute entière des questions d’avenir dont les réponses détermineront l’équilibre économique, social et culturel de demain. Nous avons constaté que la pratique chorale participe au bien-être de l’individu parce qu’elle lui permet de s’émanciper à travers une société d’individu. Nous pouvons conclure cette partie avec l’idée qu’il serait dangereux de considérer les choristes retraités comme un public à part, mais qu’ils doivent être perçus comme une population « pivot » en interaction permanente avec les autres générations et qui inventent de nouveaux paradigmes de vie culturelle. 61 2EME PARTIE La voix des choristes Isérois 93 Chapitre IV - Le choriste retraité, un individu de Culture 4.1/ Modèle prédominant : femme, professeur de collège, milieu rural L’analyse des questionnaires de l’ensemble des choristes va, sans réelle surprise, nous présenter des résultats qui se rapprochent de ceux que l’on a habituellement avec des publics aux pratiques artistiques régulières : les choristes sont majoritairement féminins, avec une prédominance des cadres et professions intellectuelles supérieures, dont les revenus sont au dessus de la moyenne mais avec quelques particularités sociales et géographiques pour les choristes retraités que nous allons découvrir. La pratique est plutôt féminine Les résultats précisent une répartition homme/femme de 37%-63% Ces données sont à relativiser du fait qu’une des chorales rencontrées était une chorale d’hommes exclusivement ce qui a eu tendance à « masculiniser » l’échantillon. Sans cette chorale, nous aurions la répartition homme/femme de 31%-69%. Tableau 142 - Répartition Homme/Femme nombre de choristes Femme 293 Homme 171 sans réponse 3 Total 467 % 63% 37% 1% 100% Les données de l’enquête nationale pour les chorales en Rhône-Alpes donnent une répartition homme/femme de 24%-76%. La plus forte féminisation des chorales venant des groupes de demandeurs d’emploi, de ceux qui travaillent à temps partiel (aménagement du temps souvent choisi par les femmes pour être plus disponible pour le foyer). Qu’en est-il de cette répartition Homme/femme dans les chorales d’autres régions ? 93 Toutes les données sur les choristes (retraités ou non) présentes dans les tableaux de ce chapitre sont issues de l’enquête de terrain. 62 Tableau 2 - Répartition par tranche d'âge et par sexe des choristes suivant les régions < 18 ans >18 ans > 41 ans Homme Femme Rhône-Alpes 4% 24% 70% 24% 76% Bourgogne 8% 21% 70% 28% 72% Poitou Charente 13% 18% 69% 28% 72% Alsace 13% 18% 69% 36% 64% CR -Isère 0% 12% 88% 37% 63% Total 100% 100% 100% 100% 100% Un écart moindre entre homme et femme qui évolue suivant la moyenne d’âge de la chorale A la lecture du tableau précédent et en tenant compte que : - Rhône-Alpes est une des régions où la proportion de personne de plus de 65 ans fait partie des plus faibles (Insee), - les choristes Isérois questionnés sont dans l’ensemble plus âgés que les choristes interrogés dans l’enquête pratique chorale en Rhône-Alpes, - les 2 groupes de choristes les plus nombreux, celui des retraités, et celui de ceux qui « travaillent à temps plein » sont ceux qui présentent un des moindres écarts entre femme et homme avec respectivement 60%-40% et 56%-45% (après avoir enlevé la chorale d’homme, 68%-32% et 59%-41%). nous pouvons poser l’hypothèse que plus les choristes vieillissent et travaillent à plein temps et plus la proportion entre hommes et femmes s’atténue. Il parait difficile pour l’instant de vérifier cette hypothèse : il faudrait pour cela se baser sur un plus grand nombre de Région et s’assurer aussi que la récolte des données se fasse d’une manière identique. Des choristes hommes plus âgés Les hommes à la retraite sont proportionnellement plus nombreux (47%) que les femmes à la retraite (41%)94 ce qui pourrait se traduire par le fait que les hommes viennent à la chorale légèrement plus âgés que les femmes. Ce qui se vérifie avec les 467 choristes dont la moyenne d’âge pour les hommes se situe autour de 58 ans et de 55 ans pour les femmes. 94 Respectivement 43% et 41% sans la chorale d’homme 63 Les cadres et professions intellectuelles supérieures sont majoritairement représentées Comme nous le montre le tableau ci-dessous, les professions et catégories sociales (PCS) intellectuelles supérieures des choristes isérois, comme dans toutes les pratiques artistiques, sont dominantes avec la particularité que les employés sont plus nombreux que les professions intermédiaires : Les cadres et professions intellectuelles supérieures représentent 47%, les professions intermédiaires 27% et les employés 13%. Tableau 3 - Anciennes activités des choristes retraités professeur (secondaire et supérieur), profession scientifique employé professeur des écoles, instituteurs et assimilés cadre d’entreprise, ingénieur profession intermédiaire de la santé, du travail social,….. cadre de la fonction publique autre que professeur profession libérale artisan, commerçant, chef d’entreprise de mois de 10 salariés ouvrier, chauffeur routier et conducteur de taxi technicien, contremaître, agent de maitrise profession administration et commerciale d’entreprise agriculteur exploitant chef d’entreprise de 10 salariés ou plus clergé, religieux policier, militaire profession des arts du spectacle et de l’information Total nombre de choristes 41 25 23 21 16 15 10 8 8 7 5 3 2 2 2 1 189 % 22% 13% 12% 11% 8% 8% 5% 4% 4% 4% 3% 2% 1% 1% 1% 1% 100% Pour nous assurer du caractère dominant des cadres et professions intellectuelles supérieures, comparons les données de l’enquête avec la répartition des français actifs (qui ont un emploi) : Tableau 4 - Comparaison des PCS des choristes par rapport aux PCS des français choristes choristes non retraités choristes retraités agriculteurs 1,2% 0,8 1,6% artisans commerçants, chefs d'entreprise 5,1% 5 5,3% cadres professions intellectuelles sup 46,8% 45,6 46,6% professions intermédiaires 30,1% 33,6 27,0% employés 14,6% 14,1 15,3% ouvriers 2,3% 0,8 4,2% Total 100,0% 100% 100% français actifs * 2,1 6,2 15,5 23,6 29,8 22,8 100% *données Insee 2007 64 Quand les mondes féminins de l’éducation nationale et des employés rencontrent celui, masculin, des cadres d’entreprise - Un préalable : être retraité est une identité en soi. Pour étudier le parcours des choristes retraités et donc leurs PCS, nous avons décidé pour les paragraphes suivants de les identifier à leurs anciennes professions. Ceci est un choix, certes pratique, mais qui ne correspond pas apparemment à la réalité des retraités95 : les travaux de l’Insee nous précisent que pour sept retraités sur dix l’identification à la vie professionnelle disparaît. Plutôt que se référer à leur ancien métier, ils se sentent « retraités tout simplement ». Néanmoins, lorsqu’on parle de classe sociale, les retraités font à nouveau référence à leur ancien métier. Nous observons dont avec l’analyse des classes sociales des choristes retraités la prédominance du monde de l’Education Nationale dans la chorale : 1 choriste retraité sur trois en est issu (34%). La lecture des PCS des choristes non-retraités (tableau suivant) va nous révéler qu’il en est tout autrement : les choristes venant de l’Education Nationale ne sont pas aussi nombreux. Pour l’ensemble des choristes, 27% sont issus de l’Education Nationale, c'est-à-dire plus d’une personne sur 4. Ce qui confirme que la pratique chorale est une pratique prisée par les personnes de l’Education Nationale et plus particulièrement par les retraités de l’Education Nationale. Tableau 5 - Activités des choristes non retraités cadre d’entreprise, ingénieur employé profession intermédiaire de la santé, du travail social….. cadre de la fonction publique autre que professeur professeur (secondaire et supérieur), profession scientifique professeur des écoles, instituteurs et assimilés technicien, contremaître, agent de maitrise profession libérale artisan, commerçant, chef d’entreprise de mois de 10 salariés étudiant profession administration et commerciale d’entreprise chef d’entreprise de 10 salariés ou plus profession des arts du spectacle et de l’information agriculteur exploitant autre ouvrier, chauffeur routier et conducteur de taxi Total 95 nombre de choristes 41 34 29 27 27 26 18 12 9 9 6 3 3 2 2 2 250 % 16% 14% 12% 11% 11% 10% 7% 5% 4% 4% 2% 1% 1% 1% 1% 1% 100% Être retraité : tourner la page du travail, Emmanuelle Crenner, Insee, juillet 2004 65 Une mixité sociale : plus d’agriculteurs et d’ouvriers chez les choristes retraités ! Les écarts entre les catégories sociales sont plutôt homogènes à l’exception (remarquable) du groupe des choristes retraités où il y a un écart de 9 points entre le groupe des professeurs et des employés (Tab3). Le tableau 4a, permet de signaler, même si le nombre de choristes concernés est faible, qu’il y a une proportion d’ouvriers et d’agriculteurs plus importante chez les choristes retraités que chez les non-retraités. Ce résultat donne un écho à l’hypothèse de Paul Paillat quand il précisait que le fait d’être à la retraite, pour les sportifs, atténuait les inégalités sociales. Mais en l’occurrence ici, le faible nombre d’agriculteurs et d’ouvriers ne nous permet pas, là non plus, de conforter cette hypothèse mais de la souligner à nouveau. Pour les agriculteurs, l’évolution de la répartition des classes sociales nous montre que ces derniers sont de moins en moins nombreux, d’année en année. Qu’ils soient plus présents chez les retraités n’est pas une surprise, mais ils devraient avec les générations suivantes, être encore moins nombreux en fonction de l’évolution des métiers. Leur présence plus nombreuse pourrait s’expliquer par le fait que pour les ouvriers, dont les métiers sont souvent plus pénibles physiquement, le temps de la retraite est un nouveau temps « disponible » qui leur permet d’accéder plus facilement à une chorale le soir. L’homogénéité des classes sociales la plus remarquable, celle où les écarts sont « lissés » d’une classe à l’autre, est celle que l’on trouve dans l’ensemble des choristes isérois (tableau ci-dessous) montrant, une fois de plus, que la pratique chorale reste une pratique qui rapproche au mieux un grand nombre de classes sociales. Tableau 147 - Répartiton par PCS des choristes isérois nombre de choriste professeur (secondaire et supérieur), profession scientifique 69 cadre d’entreprise, ingénieur 62 employé 59 professeur des écoles, instituteurs et assimilés 49 45 profession intermédiaire de la santé, du travail social de la fonction publiqu cadre de la fonction publique autre que professeur 43 technicien, contremaître, agent de maitrise 25 profession libérale 24 artisan, commerçant, chef d’entreprise de mois de 10 salariés 17 profession administration et commerciale d’entreprise 11 ouvrier, chauffeur routier et conducteur de taxi 10 étudiant 9 agriculteur exploitant 5 chef d’entreprise de 10 salariés ou plus 5 profession des arts du spectacle et de l’information 4 clergé, religieux 2 policier, militaire 2 femme au foyer 1 stagiaire 1 sans réponse 24 Total 467 % 15% 13% 13% 10% 10% 9% 5% 5% 4% 2% 2% 2% 1% 1% 1% 0% 0% 0% 0% 5% 100% 66 La mixité sociale dominante est féminine Les données suivantes vont nous confirmer que la mixité des choristes retraités serait un modèle dans lequel prédominerait le monde féminin de l’Education Nationale et des employées avec le monde masculin des cadres d’entreprise hommes. Tableau 6 - Anciennes activités des choristes retraités suivant le sexe Catégorie SosioProfessionnelle femmes professeur (secondaire et supérieur), profession scientifique 30 employé 18 professeur des écoles 20 cadre d'entreprise 2 professions intermédiaires 13 cadre de la fonction publique autre que professeur 8 profession libérale 5 artisan, commerçant, chef d’entreprise de mois de 10 salariés 4 ouvrier, chauffeur routier et conducteur de taxi 2 technicien, contremaître, agent de maitrise 2 profession administration et commerciale d’entreprise 4 agriculteur exploitant 1 chef d’entreprise de 10 salariés ou plus 0 clergé, religieux 1 policier, militaire 0 profession des arts du spectacle et de l’information 1 Total 112 hommes 10 6 3 19 3 7 5 4 6 4 1 2 2 1 2 0 75 total 40 24 23 21 16 15 10 8 8 6 5 3 2 2 2 1 186 % 22% 13% 12% 11% 9% 8% 5% 4% 4% 3% 3% 2% 1% 1% 1% 1% 100% femmes 75% 75% 87% 10% 81% 53% 50% 50% 25% 33% 80% 33% 0% 50% 0% 100% 60% hommes 25% 25% 13% 90% 19% 47% 50% 50% 75% 67% 20% 67% 100% 50% 100% 0% 40% Un choriste retraité sur deux chante en milieu rural Pour obtenir une répartition géographique des lieux de répétition des choristes nous avons déterminé 3 zones urbaines de la manière suivante : Le milieu urbain est défini par les villes centres avec les villes qui lui sont géographiquement proches ou conjointes : Grenoble, Gières, Echirolles, Villefontaine, St Martin d’Hères, Meylan,… Le milieu périurbain est défini par les communes de tailles moyennes qui se situent dans un périmètre de 5 à 15 km des grands centres urbains (St Ismier, Montbonnot, Brié et Angonnes, Eybens, Poisat, …. Le milieu rural est défini par les communes de petites tailles qui se situent au delà des 20 km d’un centre urbain : Chatte, Frontonas, La Mure, Grand-Lemps, St Etienne de Crossey, Mens, Villard de Lans, etc… Nous obtenons la répartition suivante : 67 total 100% 100% 100% 100% 100% 100% 100% 100% 100% 100% 100% 100% 100% 100% 100% 100% 100% : Nous constatons ainsi que la majorité des choristes interrogés répètent en milieu urbain (41%). Mais Paradoxalement, en croisant le lieu de répétition avec les situations professionnelles des choristes, nous remarquons alors qu’un choriste retraité sur deux chante en milieu rural et qu'il y a une prédominance des choristes retraités en milieu rural : Tableau 8 - Répartition des choristes suivant la zone d'habitation et leur métier Situation professionnelle Total Périurbain Total Rural Total Urbain demandeur d'emploi 3 3 Etudiant 1 9 femme au foyer 6 6 5 invalide 1 retraité 49 101 52 travaille à temps complet 30 41 99 travaille à temps partiel 9 20 25 Total 98 169 193 Total 6 10 17 1 202 170 54 460 C’est un résultat paradoxal quand on sait que les ¾ des personnes âgées (+de 65 ans) sont installés dans les espaces à dominante urbaine (Fiche thématique Insee). C’est un résultat qui peut s’expliquer en croisant plusieurs constats : - le premier est que le milieu rural présente moins d’opportunité de sorties culturelles que les grandes et moyennes villes. De ce fait la pratique chorale, quand elle existe, représente un choix « central », plus « évident », plus accessible et incontournable pour les retraités qui cherchent une pratique artistique. La chorale prend d’autant plus d’importance au GrandLemps ou à la Mure que dans les grandes villes parce qu’elle est une des rares pratiques artistiques et collectives proposées. -le deuxième tient dans le fait que les réseaux d’influence sont beaucoup plus prégnants et favorisés dans une petite commune : il est plus facile à Frontonas de repérer et solliciter les amis ou ceux qui savent chanter (à la messe par exemple) pour rejoindre la chorale. Et nous y reviendrons plus loin, la chorale créée dans un petit village va prendre facilement une plus grande valeur ajoutée par rapport à celles des grandes cités, c’est une valeur 68 identitaire et citoyenne plus forte, c’est en effet celle de Frontonas qui va défendre les couleurs de la commune quand elle va se déplacer à des rencontres inter-chorales ou qu’elle partira à l’étranger dans le cadre de jumelage. C’est cette même chorale qui va avoir à cœur ou comme mission d’animer son village…. Et le constat qu’une chorale en milieu rurale est plus attractive pour les retraités en milieu rurale que dans les grandes cités va se confirmer avec le tableau suivant qui montre que plus les chorales sont éloignées des grandes agglomérations, plus la proportion de retraités est importante dans ces mêmes chorales: Tableau 9 - proportion des choristes suivant la zone d'habitation et leur métier Situation professionnelle Total Périurbain Total Rural Total Urbain demandeur d'emploi 3% 0% 2% Etudiant 1% 0% 5% femme au foyer 6% 4% 3% invalide 0% 1% 0% retraité 50% 60% 27% travaille à temps complet 31% 24% 51% travaille à temps partiel 9% 12% 13% Total 100% 100% 100% Total 1% 2% 4% 0% 44% 37% 12% 100% Les choristes possèdent un niveau d’études élevé Comparons dans le tableau suivant le niveau d’études des choristes par rapport : - aux données nationales - aux situations professionnelles des choristes Tableau 10 - Comparaison du niveau d'études des choristes par rapport à l'ensemble des Français diplôme obtenu nombre de choristes % ensemble des français * diplôme universitaire supérieur (>BAC+2) 215 46% 10,7% diplôme professionnel supérieur (BAC+2) 86 18% 9,2% études secondaires (BAC) 61 13% 13,7% études secondaires (CAP/BEP) 52 11% 20,4% études secondaires (BEPC) 22 5% 7,1% sans diplôme ou fin d'études primaires** 23 5% 28,0% études en cours 10,9% sans réponse 8 2% Total 467 100% 100% * données Insee 2008 ** dans ce groupe, tous les choristes ont déclaré avoir un certificat de fin d'études Nous pouvons constater ici que les choristes, quelques soient leurs situations professionnelles (7a), sont dans l’ensemble beaucoup plus diplômés que la moyenne nationale. 69 Les choristes retraités : moins diplômés ? Quand on regarde particulièrement le niveau d’études des choristes retraités, nous pouvons avoir comme première lecture le fait qu’ils sont sensiblement moins diplômés que l’ensemble des choristes ; cette lecture doit être relativisée. En effet, il faut prendre en considération un effet de génération, au fil des dernières générations, les études se sont de plus en plus allongées et le niveau d’étude a augmenté généralement sur l’ensemble de la population. Donc à génération égale, le niveau d’études des choristes retraités peut être considéré aussi élevé que de l’ensemble des choristes. Tableau 11 - Répartition du niveau d'études des choristes par situation professionnelle situation Professionnelle choristes >BAC+2 BAC+2 BAC CAP/BEP demandeur d'emploi 6 83% 0% 17% 0% étudiant 10 70% 10% 20% 0% femme au foyer 17 35% 12% 12% 24% invalide 1 0% 0% 0% 0% retraité 197 33% 14% 19% 15% semiretraite 1 100% 0% 0% 0% travaille à temps complet 170 61% 24% 5% 8% travaille à temps partiel 53 47% 28% 15% 9% Total choristes 455 47% 19% 13% 11% BEPC 0% 0% 18% 0% 9% 0% 1% 0% 5% CE 0% 0% 0% 100% 10% 0% 1% 0% 5% Tableau 12 Répartion du niveau d'études des choristes par rappor au bac > Bac < Bac ensemble des choristes 78% 22% choristes retraités 66% 34% français 2008 34% 66% Les choristes retraités ont des revenus au dessus des moyennes nationales. Sur l’ensemble des 168 choristes retraités qui ont répondu sur la composition de leur ménage et des revenus de ce dernier, nous pouvons constater que : - 61% des retraités vivent en couple, - 24% des retraités vivent seuls, - 15% ont encore des personnes à charge au domicile. Si nous comparons les revenus de ces foyers aux données nationales, nous obtenons le tableau suivant : 70 Total 100% 100% 100% 100% 100% 100% 100% 100% 100% Tableau 13 - Comparaison du revenu des foyers des choristes par rapport à l'ensemble des foyers français revenu disponible moyen des revenu disponible par type Constitution du foyer nombre de foyers ménages des choristes retraités de ménage - INSEE 2007 1 personne 39 23 000 19 430 1 couple 100 39 150 37 750 1 couple avec 1 enfant 8 35 520 43 230 1 couple avec 2 enfants 7 31 700 47 080 1 couple + 3 enfants et plus 9 27 500 50 740 Tableau comparatif qui confirme que les choristes retraités ont un niveau de revenu au dessus de la moyenne nationale de l’ensemble des ménages français. Pour les choristes retraités, vivant seul ou en couple En nous basant sur le niveau de vie moyen des retraités par an et par retraité qui se situe dans la fourchette 15 800€ (hors patrimoine) / 21 000 € (patrimoine inclus), il semble sur la base de l’échantillon étudié que le niveau de vie des choristes retraités est supérieur à la moyenne nationale du niveau de vie de l’ensemble des retraités. Pour les choristes retraités vivant avec d’autres personne à charge dans leur foyer La faiblesse de l’échantillon (24 foyers concernés) et l’absence d’informations complémentaires pour calculer le niveau de vie moyen des personnes composant le foyer (enfants ou adultes ?) ne nous permettent pas de dégager des informations fiables. Pour résumer ce chapitre nous pouvons donc constater que : - les choristes retraités, les personnes les plus âgées des chorales, proviennent massivement de l’Education Nationale et de la recherche et sont dans leur grande majorité des femmes. - il y a une prédominance des choristes retraités en milieu rural. - les choristes retraités sont le miroir d’une mixité sociale dans laquelle nous trouvons la prédominance du monde féminin des professions de l’Education Nationale et des employés avec le monde masculin des cadres d’entreprise. - la disponibilité que représente le temps de la retraite facilite sensiblement l’accès de cette pratique aux ouvriers et agriculteurs. - le niveau de vie des choristes retraités est supérieur à la moyenne nationale du niveau de vie de l’ensemble des retraités. - le niveau d’études des choristes retraités est supérieur à celui de l’ensemble des retraités. Si l’hypothèse de départ était de considérer que les choristes retraités avaient le même profil que celui de l’ensemble des retraités, force est de constater qu’il n’en est rien et que ces derniers se rapprochent plus du profil des personnes qui pratiquent régulièrement les pratiques artistiques et culturelles. De plus, la prédominance des choristes retraités en milieu rural attire notre attention sur le rôle extrêmement fédérateur pour les personnes âgées que peut avoir une chorale en milieu rural, un rôle fédérateur plus accru que celui que nous pourrions trouver en milieu urbain. 71 4.2/ Signe distinctif : assoiffé de Culture ! Est-ce que les comportements culturels des choristes retraités ont les mêmes caractéristiques des comportements de l’ensemble des retraités ? Telle était la question que nous posions dans l’introduction : nous allons voir à présent que les choristes retraités se distinguent de nombreuses manières. Quand nous rencontrons ces chanteurs amateurs et que nous constatons qu’ils sont aussi actifs dans leurs pratiques culturelles que les plus jeunes, voire même plus actifs quand on prend en compte le bénévolat des uns et des autres, nous pouvons être surpris : est-ce que Olivier Donnat et Paul Paillat 96qui montrent que globalement, les retraités pratiquent et fréquentent moins que les plus jeunes, nous parlent aussi des choristes retraités? Quand on voit la vigueur, l’énergie et l’engagement que mettent les choristes retraités dans leurs pratiques et leurs nombreuses sorties on peut se demander si on parle bien de retraités et ce paradoxe peut nous rappeler que « l’objet de toute science est de faire des découvertes et toute découverte déconcerte plus ou moins les opinions reçues »97 ; et le comportement culturel des choristes retraités peut nous déconcerter pour le moins. Le travail qui suit pourra donc contribuer à la fin de fausses représentations et permettra de « multiplier les points de vue pour éviter de tomber dans des images trop simples d’une réalité éminemment complexe »98. Nous verrons comment les choristes retraités, par exemple construisent une nouvelle identité sociale non plus sur la base du monde du travail, monde encore aliénant, centré sur la performance et l’individualisme, dont le mal principal se nomme « dépression »99, mais sur la base d’un réseau social où la vie familiale, les pratiques culturelles, sociales et sportives vont être un ciment de ces nouvelles identités instituant ainsi de nouveaux repères, de nouvelles valeurs sur lesquelles nous pourrions trouver les caractéristiques spécifiques de ces « nouveaux » individus. Et ces nouveaux individus, jeunes et moins jeunes retraités, sont aussi des personnes qui participent à l’élaboration d’une nouvelle société en pleine et nécessaire évolution (a world in progress), une société qui cherche un nouveau modèle. Ils contribuent donc à la construction d’un nouveau paradigme qui verrait le consumérisme prendre une place moins prégnante dans nos activités humaines, ou du moins qui n’occulterait plus le sens (et donc la culture) de nos gestes quotidiens.100 Ces nouveaux modèles pourront être, comme nous le suggère Bernard Stiegler, d’une part, « contributifs » (dans le sens, ou il n’y aurait plus uniquement le modèle Producteur/Consommateur), comme par exemple le réseau internet et Wikipédia, et d’autre part, « ré-inventés » par une société où les personnes, vivent encore plus longtemps , toujours en meilleure santé, remplissant une « nouvelle vie » de 25 ans et plus ! 96 Les pratiques culturelles des personnes âgées, Paul Paillat, déjà cité. Les règles de la méthode sociologique, Emile Durkheim, déjà cité. 98 Sociologie de la vieillesse et du vieillissement, Vincent Caradec, Collection 128, Ed. Armand Colin. 99 La fatigue d’être soi et le Culte de la performance, Alain Ehrenberg, Ed. Odile Jacod. et Hachette 100 La crise de la Culture, intervention de Christian Ruby à l’Observatoire des politiques culturelles. 97 72 Dans le questionnaire, pour analyser les pratiques culturelles, nous avons fait le choix de privilégier les sorties et les pratiques artistiques mettant ainsi de coté la lecture et la télévision qui reste, elle, l’activité culturelle prédominante dans la vie des français (3h par jour). La question « combien de fois au cours des 12 derniers mois êtes-vous allé au spectacle.. ? » nous a permis d’avoir une image des sorties culturelles de l’ensemble des choristes et plus particulièrement des choristes retraités. Une comparaison des données avec celles de L’ INSEE et avec celles de l’enquête des comportements culturels des grenoblois101 va nous permettre d’apprécier la proportion et l’intensité des sorties culturelles des choristes retraités. Les premiers résultats nous montrent que les choristes retraités respectent la hiérarchie connue lors des enquêtes sociologiques pour les français en général : les sorties au cinéma ainsi qu’aux concerts sont les deux premières sorties préférées des français. Mais l’information qui peut paraître surprenante est la proportion très élevée de choristes qui sont sortis au moins une fois : cette proportion est 2 à 3 fois plus élevée que l’ensemble des retraités français et 1 à 2 fois plus élevée que l’ensemble des français! Tableau 14 - Comparaison des fréquences des sorties des choristes retraités avec l'ensemble des français INSEE 2005 INSEE 2005 Enquête 2008** Sorties choristes retraités ensemble choristes ens. retraités ens. français grenoblois cinéma 84%* 88% 22% 47% 75% concert 85% 81% 20% 31% 57% musexpo 70% 70% 34% 39% 54% théâtre 52% 53% 14% 16% 26% danse 35% 37% 25% arts de la rue 31% 32% 61% cirque 15% 16% 21% slam 5% 5% opéra 16% 16% * 84% des choristes sont allés au moins une fois au cinéma ** données issues de l'enquête sur la pratiques culturelles des grenoblois 101 Tout en ayant à l’esprit que cette dernière a été conçue sur la base d’une vie citadine avec une offre culturelle sans commune mesure avec celle que l’on peut retrouver en milieu rural à La Mure au Grands Lemps. 73 Fréquence des sorties En ce qui concerne la fréquence des sorties, là encore nos choristes retraités se distinguent. Nous allons prendre comme outil de comparaison, la typologie de Jean-Paul Bozonnet qui différencie six types de public : les assidus et les habitués sont les deux publics qui sortent le plus souvent et les 2 derniers, le public occasionnel et le non-public qui sortent peu voire pas du tout. Tableau 15 - Nombre moyen de sorties par catégories de spectateurs Publics cinéma concert théâtre choristes retraités 8 4,6 3,7 ensemble des choristes 8,1 4,5 3,4 les grenoblois 7,3 3,6 0,9 les assidus 16,3 13,3 4,3 les habitués 14,2 3,9 1,4 les occasionnels 4,1 3,8 0,6 le non public 2,9 0,5 0,1 danse 2 2,3 0,6 2,5 0,9 0,6 0,2 musée expo 3,8 4,3 1,7 3,2 2,8 0,7 0,3 A la lecture de ce tableau, nous pouvons considérer que les choristes retraités se rapprochent de ceux que Vincent Caradec nomme les assoiffés de culture et de ceux que Jean-Paul Bozonnet nomme les assidus et les habitués ; les choristes retraités se retrouvent assez bien dans ces deux définitions. Et pour confirmer l’hypothèse qui consiste à dire que le comportement culturel des choristes retraités se rapproche de celui de l’ensemble des choristes, du moins dans le domaine des sorties culturelles, nous pouvons constater que le nombre moyen de sorties des choristes retraités est, à un point près, égal à celui de l’ensemble des choristes Tableau 16 - les sorties culturelles des choristes dans l'année Situation professionnelle nbre de choristes total des sorties demandeur d'emploi 6 133 étudiant 10 186 femme au foyer 15 216 invalide 1 1 retraité 199 3458 travaille à temps complet 164 2945 travaille à temps partiel 53 1218 Total 448 8157 Moyenne 22 19 14 1 17 18 23 18 74 Sorties à la ville et à la campagne Pour les choristes, comme pour l’ensemble des français, l’intensité de la consommation culturelle est toujours « signe d’urbanité » comme nous le précisait Bruno Maresca102 : l’analyse des questionnaires montre bien, là encore, la différence des comportements entre le milieu rural et urbain : Tableau 17 - Les sorties culturelles des choristes par secteur géographique situation géographique nb de choristes nb sorties annuelles* Périurbain 101 1800 Rural 164 2263 Urbain 187 4165 Total 452 8228 moyenne 18 13 22 18 *toutes sorties confondues Néanmoins, les situations individuelles des choristes retraités sont très contrastées ; - le grand âge et la ruralité impacte autant, sinon plus, que le niveau de diplôme et que la catégorie sociale, les sorties culturelles en les rendant moins fréquentes. - la fréquence des sorties (toutes sorties confondues) peut varier en moyenne de 0,2 à 7 sorties par mois, la pratique chorale mélange aussi bien le non-public que le public habitué et assidu mais dans l’ensemble, les choristes restent des « assoiffés de culture » par rapport à l’ensemble des retraités. Les informations issues des entretiens nous éclairent sur les causes de la baisse de fréquentation des choristes retraités pour le spectacle vivant, elles sont liées principalement : - à l’éloignement de l’offre culturelle : « Les sorties ? pour sortir, il faut aller loin…. A Grenoble… l’année dernière je suis allé écouter les valses de Vienne à Grenoble à la salle Messiaen …..Ici les hivers sont durs, c’est pas évident de se déplacer... il y a le chapiteau de l’Isère, on en entend parler… » Robert, 73 ans, agriculteur « Mais aller à Grenoble le soir non, j’ai 72 ans... se garer à Grenoble c’est pénible...et puis je garde les petits enfants jusqu’à 18h ! Les journées sont bien remplies mais s’il y avait un bus qui viendrait nous chercher pourquoi pas… » Eliane, 72 ans, éducatrice maternelle - à la qualité de l’« accueil culturel » : il est arrivé que quelques personnes habituées aux abonnements aient préféré le confort de leur domicile (ou plutôt de leur home studio) : « On allait au grand angle, on prenait l’abonnement puis on a arrêté car on pensait qu’on était mal placé, qu’on nous promenait » Guy, 74 ans technicien en électronique 102 Regards Croisés sur les pratiques culturelles, sous la direction d’Olivier Donnat, Documentation française. 75 - aux problèmes de santé qui obligent les personnes à « lever le pied » mais qui continuent néanmoins à rester actives d’une autre manière. Pour la pratique chorale, c’est la station debout qui apparait la difficulté principale des retraités (aux alentours des 65/70 ans). - à la solitude : sortir seul(e) le soir reste pour beaucoup une démarche délicate. « Je ne suis pas très cinéma...il me manque quelqu’un pour y aller, Meylan, c’est la campagne, je suis toute seule...le dimanche avec ma fille on va se balader...je suis très occupée toute la semaine… le soir, j’ai peur ! Ma voiture elle arrive à la porte ! J’ai très peur la nuit…je suis freinée à cause de ça. » Monique, 74 ans Et dans une moindre mesure, - au coût de la culture : c’est plus souvent les tarifs liés aux universités du temps libre et du troisième âge qui ont découragé certains pour aller découvrir d’autres domaines culturels. « Bien qu’avec de très bonnes retraites on est très juste… ce qui me retient c’est l’argent…c’est pourquoi je soigne et forme les gens gratuitement... je vais beaucoup au musée quand c’est gratuit…c’est ce que je privilégie...les choses gratuites » Germaine, 59 ans En conclusion Les choristes retraités pratiquent dans leur grande majorité les sorties culturelles avec assiduité. Et que ce soit en termes de fréquence ou en termes de variétés de spectacle, ils sortent en moyenne beaucoup plus que l’ensemble des français, retraités ou non. En complément de leur pratique chorale, ils vont de manière hétérogène à la rencontre du spectacle vivant qu’il soit à proximité ou présent dans les grandes institutions culturelles. Mais cela ne doit pas occulter que d’un choriste retraité à un autre, les comportements culturels varient d’un extrême à l’autre principalement en fonction de l’âge, de la santé et de l’éloignement de l’offre culturelle. 76 4.3/ Trois modèles pour construire son parcours choral Nous allons dans ce chapitre nous intéresser aux mécanismes qui se mettent en place pour qu’un individu intègre une chorale. « Les activités culturelles apparaissent socialement déterminées, mettant en valeur des effets de génération et de classe sociale….on choisit ses pratiques culturelles en fonction d’une combinatoire associant un cadre rassurant balisé de repères personnels et la sensation réelle d’une certaine forme d’évasion »103 A la lecture de ce paragraphe, on peut se poser la question suivante : chanter dans une chorale à l’âge adulte est-il un comportement pré-déterminé ? Le chant choral est-il une pratique déterminée par les habitudes prises par l’enfance ? Une enquête de l’INSEE sur le poids des habitudes dans l’enfance104 précisait que « L’intérêt pour la culture naît dès l’enfance et que les pratiques à l’âge adulte s’inscrivent dans la continuité de comportements plus anciens. Même ténus,… 41% des personnes qui ne pratiquaient aucune activité culturelle pendant l’enfance se tiennent entièrement en retrait des loisirs culturels à l’âge adulte. …Cette proportion ne s’élève plus qu’à 4% pour les adultes ayant eu des activités culturelles multiples étant enfants ». Déterminée ? Non. Nous n’avons pas les moyens avec cette étude de donner une réponse mais nous pouvons vérifier l’hypothèse qu’elle est facilitée par un nombre de facteurs précis. La pratique chorale va se réaliser tout au long d’un parcours de vie à des moments précis, il s’établira ainsi un parcours choral. - L’éducation musicale est un premier facteur important pour la pratique chorale puisque 55 % des choristes interrogés (tableau 109, p125) déclarent avoir reçu une éducation musicale. Pour ces derniers, pour un peu moins de la moitié, l’éducation musicale a eue lieu à l’école (tableau 110, p125). - L’imprégnation musicale dans la famille105, est aussi un facteur mais dans une moindre mesure : un choriste sur 5 a eu des parents qui pratiquaient la musique. La majorité des choristes interrogé n’avait pas de parents musiciens, et malgré cela quelque soit le milieu social, ils ont finalement intégré un ensemble vocal. L’analyse des questionnaires ne nous permet pas d’identifier les facteurs qui ont poussé les 45% de choristes qui n’ont pas eu d’éducation musicale et les 80 % qui n’ont pas eu de parents musiciens à aller vers une chorale. 103 Regards croisés sur les pratiques culturelles, déjà cité. 104 Les pratiques culturelles : le rôle des habitudes prises dans l’enfance, Chloé Tavan, INSEE, N°883 - Février 2003 105 Nous n’avons pas pris en compte l’écoute musicale des parents (radio et tourne-disque) qui apparaissent à travers les témoignages comme un élément important dans le souvenir du choriste. 77 Néanmoins, lors des entretiens, à travers les parcours choral des uns et des autres, de nouveaux facteurs vont apparaitre faisant ainsi apparaître de nouvelles pistes de réflexion : Intéressons-nous donc à leur parcours choral et découvrons sur quels « matériaux » ces derniers se construisent : Le premier constat est qu’iI y en a autant qu’il y a de choristes mais on peut les classer dans trois paradigmes distincts : - un parcours « en arche » - un parcours « continu » ou « fidèle » - un parcours « en discontinu » Le parcours en « arche » Le choriste a eu une première expérience chorale pendant sa période scolaire et universitaire. Il va s’en suivre une longue période professionnelle et familiale qui ne lui permettra plus (ou difficilement) de pratiquer. Il pourra revenir à cette pratique à un moment de la vie où les enfants sont un peu plus autonomes ou bien quand avoir une activité extra professionnelle et familiale sera devenue nécessaire pour le bien-être, où l’envie de chanter sera la plus forte. Cette reprise du chant choral se fera soit, en enchaînant des chorales « pour trouver son bonheur » soit avec une seule. C’est le parcours choral suivi par 45 % des choristes retraités interrogés (10/22). Nous verrons un peu plus loin, dans « le retour du choriste » quels peuvent être les « facilitateurs » de cette reprise chorale. Le parcours « fidèle » Le choriste n’a pas eu d’expérience vocale particulière (à l’exception de la chorale paroissiale) et reste attaché à sa première chorale « associative ». C’est le cas pour les adultes qui ont commencé la pratique chorale à un moment de la vie avancé et qui, fidèles à « leur » chorale, y sont depuis de nombreuses années (de 5 à 20 ans). C’est le parcours choral suivi par 32 % des choristes interrogés (7/22). Le parcours en discontinu Le choriste a eu une première expérience chorale (quelque soit la période de vie, scolaire ou non). Suite à des déménagements, des changements dans sa vie professionnelle et familiale, les chorales se succèderont au gré des rencontres et des nouveaux besoins avec de temps de temps des coupures entre chacune d’elles. La chorale permet le plus souvent dans ce cas d’être un outil d’intégration rapide et efficace quand on arrive dans un endroit nouveau. 78 C’est le parcours choral suivi par 23 % des choristes interrogés (5/22). Le retour du choriste « prodigue » Nous précisions en amont que d’autres facteurs qui facilitaient la pratique chorale apparaissaient à travers les entretiens. Sans oublier que pour certains la première expérience chorale s’est faite dans un cadre scolaire et donc dans un cadre contraint, voici les éléments qui facilitent le retour et la découverte d’une chorale : - le réseau des amis et de la famille, - le souvenir du chant comme bien-être, - la nécessité d’un projet (artistique, individuel ou de couple..), - la révélation lors d’un concert ou le choc esthétique Le réseau des amis et de la famille, le plus important des prescripteurs C’est un des facteurs le plus cité : pour 58% d’entre eux (tableau 114), les futurs choristes sont interpellés par un de leur ami, une de leurs bonnes connaissances et parfois par quelqu’un de sa propre famille pour intégrer une chorale. C’est, le plus souvent, un ami choriste ou un chef de chœur qui recrute pour sa chorale. Pour les choristes retraités, il en va de même : « c’est un copain qui m’a dit qu’il y avait une super chorale à Gières et on y est allé à 4 ou 5. Dès que je me suis retrouvé en état de préretraite… j’ai tout de suite repris à cette chorale », Jacques, « cela faisait longtemps que j’avais envie d’aller à la chorale,... et puis ma voisine lors d’une fête de quartier : « on chante sud américain, tu devrais venir, c’est sympa », Monique « Le déclic, ça était fait d’abord sur Lyon… parce que c’est ma mère qui m’a entrainé sur la chorale de Lyon », Bernadette « en sortant du cinéma, je rencontre une copine, elle me parle de sa chorale « ...cette année on fait un voyage au brésil. »….c’était en 2001, en plus le répertoire me plaisait beaucoup… », Jean -Jacques, « Je cherchais autre chose de ce que j’avais avant,... j’anime les chants à la messe et André est organiste… il m’a proposé de rejoindre sa chorale.… », Suzy, « une amie qui venait… que j’ai connue quand je suis venue habiter ici ... c’est un déménagement par mon mariage...en arrivant ici, une dame qui n’habitait pas très loin de chez moi me dit : « mais tu devrais venir à la chorale…. », Eliane, « ... puis c’est en revenant dans le pays d’où je suis, là bas, que le curé me dit « allez viens chanter, nous on chante dans une chorale », lui il était ténor, moi j’étais basse c’est comme ça que je suis rentré dans cette petite chorale dans le Royans », Christian, 74 ans, commerçant 79 « La première chorale, c’est en 88 à Lyon, …j’avais des amis.. « on s’amuse bien... on se marre bien …. viens voir le concert... », bon on est allé voir la petite messe de Rossini à l’église St Foy les Lyon...pourquoi pas… et je suis rentré dans cette chorale… », Jean « … il y avait un jeune chef de chœur qui chantait ici, qui m’a dit un jour « viens chanter à entresol tu verras, tu te régaleras », Pierre « … je suis arrivé par le biais d’un copain lorsque je travaillais. Je lui disais que j’avais chanté fut un temps et il m’a dit viens à la chorale, je lui ai dis que tant que je travaillais, non. Mais le jour où j’arrêterai, je viendrai à ta chorale », Jean-Marie, 65 ans, cadre d’entreprise « un groupe d’amis m’en a parlé », Robert « Mes amis ont dit « viens » ! Les choristes, je les connaissais tous, on se connait tous à la Mure, je faisais les marchés donc j’avais beaucoup de connaissances. » Guy Le souvenir du chant comme bien-être Quelquefois, à travers les témoignages, le souvenir d’un bien-être, d’une émotion et d’une époque particulière ont été soulevés comme indices : ceux qui ont chanté en chorale une première fois n’oublient pas (à quelques exceptions près) le plaisir et le partage qu’ils ont éprouvé. « Quand on a connu le plaisir du chant, on ne peut pas s’arrêter », Christophe Et, un peu comme la Madeleine de Proust, ils s’en souviennent avec nostalgie, et se promettent, dès le temps disponible retrouvé, d’y retourner. Pour d’autres, rejoindre une chorale sera le moyen de retrouver des amis d’enfance et de se rapprocher ainsi un peu plus de ses racines identitaires ou de se souvenir (chorale Italienne, chorale d’obédience juive, chant corse…). « J’ai eu besoin de m’investir dans des choses qui me plaisaient et j’ai repensé à ce chant que je n’avais jamais mis en pratique avant, mes enfants étaient musiciens,…. », Suzy « Le déclic c’était de retrouver des amis d’enfance et qu’il n’y a qu’à venir, on accepte tout le monde …mes motivations ? C’était la musique bien sûr, mais c’était retrouver des gens qui ont fait partie de mon milieu, de mon enfance », Jean 80 La nécessité d’un projet (artistique, individuel, de couple...) Certains vont trouver à travers la pratique chorale une réponse adaptée à leurs besoins, le besoin de faire une activité en couple, de trouver un sens ou de faire enfin ce qu’ils n’ont jamais eu le temps de faire auparavant : « Cela faisait longtemps que j’avais envie d’aller à la chorale, mais je n’avais pas envie d’y aller toute seule, j’avais envie d’y aller avec mon mari... il fallait trouver un répertoire qui plaise aux deux.. », Eliane « il y avait d’autres chorales, je préférais celle-là, elle était tournée vers des œuvres religieuses, Fauré, Pergolèse, ….ça avait un sens, les œuvres avaient un sens... je ne pourrai pas chanter quelque chose qui n’a pas de sens… », Pierre « Je me suis dit quand je serais à la retraite, je rentrerai dans une chorale et retournerai aux beaux arts », Colette « Là, j’étais stabilisé, j’étais libre, disponible et ma femme y était déjà depuis 4 ans et demi… à deux c’était mieux….avant j’étais en déplacement », Guy « alors moi comme j’habite à la campagne et qu’on voit pas grand monde, c’est une chorale que je garde parce que ça m’oblige à sortir le mardi après-midi, avoir des contacts et puis organiser des sorties, organiser des animations dans les maisons de retraite… moi je suis toujours à l’affût de discuter avec les gens », Robert « (avec la chorale et mon mari) On est allé en corse, l’année dernière et c’était extra…on y est allé au mois de mai …il y avait une flore extraordinaire…c’est cher... il faut participer... cette année on pensait aller en Italie... on ira l’année prochaine... avec notre ancien chef de chœur on est allé au pays basque, à Dijon, Lyon », Bernadette La révélation esthétique lors d’un concert ou au contact d’une œuvre Ils sont une minorité pour l’ensemble des choristes (10%) ainsi que pour les choristes retraités (2/22) à souligner le « coup de chœur » lors d’un concert : « Les entendre chanter m’a donner envie, ….j’allais les écouter régulièrement, j’y avais des connaissances, j’ai essayé, j’y suis resté, l’ambiance était formidable, et j’y suis allé avec mon mari ! », Suzy C’est aussi le choc culturel dont parlait Malraux qui va impacter un jeune homme de 16 ans « à 16 ans…. famille athée,…. le choc avec « jésus que ma joie demeure »... presque une honte de ne pas connaitre ce monde de la musique…je me suis promis de rentrer dans ce monde-là », Robert 81 La validation de la chorale Pour qu’une personne décide finalement de rester dans la chorale son principal choix va s’opérer en fonction du répertoire proposé dans 43% des cas (tableau 115). Mais si le répertoire reste la première raison pour « fixer » un choriste, les entretiens vont souligner que le répertoire seul ne suffira pas pour valider le choix de la chorale : la convivialité et l’empathie du choriste avec le groupe et/ou le chef de chœur seront aussi nécessaires dans un premier temps. Une étude106 mettait l’accent sur l’importance de la proximité dans la pratique chorale mais si cette dernière est importante pour 19% des choristes interrogées (tableau 115) par le questionnaire, à aucun moment, lors des entretiens, la distance a été facteur du « nonchoix » d’une chorale. Le temps disponible de la retraite, facilitateur de la pratique chorale ? La réponse est négative pour la majorité des choristes retraités : ils ont commencé la pratique chorale avant la retraite. Si une période de vie est la plus propice pour une activité chorale adulte, c’est généralement au moment où les enfants commencent à être autonomes, où le besoin de « vivre autre chose » prédomine. « C’est les enfants qui ont grandi, qui ont leurs propres activités et qui libèrent du temps aux parents, c’est à partir de ce moment-là que j’ai commencé à pouvoir plus m’engager dans des activités extérieures... je travaillais toujours à temps plein…même avec ma maman grabataire…. », Monique Seulement 2 personnes (sur 22) ont stipulé qu’elles ne pouvaient pas intégrer une chorale, faute de disponibilité avant le temps de la retraite. « Pendant mon activité, je n’ai rien fait d’artistique, à partir de ma retraite, je fais de la peinture, je suis à la chorale, à la gym… avant je n’avais pas le temps…je travaillais ! Quelquefois je sortais très tard, j’étais conseillère municipale pendant 2 mandats dans un petit village, j’étais monitrice de secourisme à la croix rouge... et ça me prenait trois soirs par semaine…je ne pouvais plus », Eliette 106 Les choristes – Etude du DEPS, 2000 82 Conclusion : La pratique chorale n’est pas une pratique déterminée, c’est une pratique qui se construit à partir d’un besoin. Même si l’éducation musicale et les habitudes prises dans l’enfance peuvent faciliter l’entrée dans un ensemble vocal, ce sont le plaisir du chant, les amis, le besoin d’émancipation et le choc culturel qui sont les éléments déclencheurs, les prescripteurs de cette pratique. Le choix du temps de vie dans lequel l’individu commence à chanter est très souvent lié à la disparition momentanée de contraintes professionnelles ou familiales dans la plupart des cas et parfois à une envie forte de faire autre chose. C’est la multitude des parcours de vie de chacun qui va construire la multitude des parcours choral des individus. Et malgré cette multitude, nous pouvons avoir une vision d’ensemble de ces parcours choral avec trois modèles qui se basent sur le souvenir du plaisir du chant (parcours en arche), sur la fidélité (parcours continu) et sur la récurrence (parcours discontinu) 83 Chapitre V - La nouvelle identité culturelle des choristes retraités «Les préférences auto-déclarées semblent une mesure plus directe de la façon dont les répondants utilisent les arts pour façonner leur identité et pour annoncer symboliquement leur place dans le monde »107 Nous allons observer dans ce chapitre la place et le rôle que joue la pratique chorale dans la vie des retraités. Nous montrerons que l’apport de cette pratique artistique est un élément majeur de la nouvelle identité culturelle que se construit le choriste retraité. Nous l’avons vu, une grande majorité de choristes retraités a commencé la pratique chorale avant la retraite, donc la pratique chorale apportait des éléments de bien-être au choriste avant ce nouveau temps de vie. Dans ce chapitre, nous regarderons comment va évoluer la place et l’apport de cette pratique chorale au moment où la vie professionnelle ne sera plus prédominante. 5.1/ L’agenda culturel du choriste retraité D’une composante professionnelle à une composante culturelle Nous l’avons vu précédemment, être retraité est une identité en soi pour 70 % des retraités. Pendant plus de la moitié de sa vie, l’individu s’est forgé une image sociale en fonction de la place professionnelle qu’il occupait. Il avait alors une identité professionnelle : cadre, ouvrier, employé ou agriculteur étaient des termes qui rapidement nous permettaient de visualiser et de concevoir des situations, des valeurs et une hiérarchie. Pour compléter notre perception de l’individu, la famille, les activités sportives, les hobbys, les pratiques religieuses, les valeurs morales et les modes de vie sociétaux dans laquelle il évolue venaient nous donner des indices supplémentaires pour constituer, comme le conçoit l’UNESCO108, l’identité culturelle de l’individu. Mais quelle image nous renvoie le retraité s’il ne donne plus aujourd’hui référence à son ancien métier, à son ancienne classe sociale, et qu’il nous précise « je suis retraité, avant tout ». Quand nous prenons le temps de discuter avec un choriste retraité sur ses habitudes culturelles, ce qui vient tout de suite à l’écoute, c’est la somme des activités toutes aussi différentes les unes des autres qui construisent sa semaine. Et cette somme d’activités, qui juxtaposent des pratiques de loisirs et sportives, des pratiques culturelles et des actions de bénévolat constituent alors une nouvelle 107 Le passage à des goûts omnivores : notions, faits et perspectives, R. A. Peterson, Sociologie et sociétés, Vol. XXXVI.1, 2004, p.145-164 (p. 155). 108 « Dans son sens le plus large, la culture peut aujourd'hui être considérée comme l'ensemble des traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et affectifs, qui caractérisent une société ou un groupe social. Elle englobe, outre les arts et les lettres, les modes de vie, les droits fondamentaux de l'être humain, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances ». Définition de l'UNESCO de la culture, Déclaration de Mexico sur les politiques culturelles. Conférence mondiale sur les politiques culturelles, Mexico City, 26 juillet 1996. 84 composante de l’identité culturelle du retraité (culturelle dans son expression anthropologique). Nouvelle dans le sens où ces activités vont prendre la place qu’occupait le temps de vie professionnelle. Bien sûr, le temps de vie d’une personne retraitée s’organise autour de la famille qui prend souvent une place prépondérante, et d’une autre pratique culturelle que l’on ne peut pas négliger, j’entends la télévision qui en moyenne marche 3h par jour. Mais n’est-ce pas séduisant comme idée, du moins philosophiquement, qu’une personne puisse décliner son identité non plus par sa composante professionnelle mais par celle culturelle ? Sortant ainsi d’une lecture induisant la hiérarchie des classes sociales, d’une lecture stéréotypée. Prenons l’exemple d’un retraité québecquois qui écrit un courriel pour décrire son intérêt sur de nouveaux projets intergénérationnels et qui se présente ainsi : Monsieur Claude Vallée Nouveau retraité, artiste109 Ce qui est aussi intéressant d’étudier dans la construction de cette nouvelle identité, c’est de percevoir le sens que mettent derrière ces activités les individus et le cas échéant comprendre pourquoi ils les ont choisies ; c’est ce qui m’a semblé important dans la méthode développée dans l’enquête sur les pratiques culturelles des Grenoblois où Jean-Paul Bozonet nous apporte les éléments permettant d’analyser « les pratiques culturelles comme une accumulation d’actions dont les finalités devront être mises en évidence : épanouissement, distraction, éducation, citoyenneté… ». L’agenda culturel du choriste retraité Comment s’organise la semaine d’un choriste retraité ? En fonction des données que j’ai recueillies à travers les entretiens, je me suis permis de construire un agenda sur la base des pratiques culturelles et des actions de bénévoles que ces derniers m’avaient exposées. Pour ce faire : - j’ai arbitrairement choisi de faire correspondre une activité par jour de la semaine ; - j’ai choisi de placer la pratique chorale le mercredi et les sorties le samedi ; - les activités qui sont citées sont celles qui sont faîtes le plus régulièrement, celles qui se rapprochent le plus d’un rythme hebdomadaire ; - les activités en italiques sont celles qui ont duré un long moment pendant la retraite mais qui se sont stoppées pour des raisons de santé ; - quand il y a plusieurs chorales dans la semaine, c’est qu’elles sont différentes les unes des autres, ce n’est pas la traduction des répétitions d’une même chorale ; Les sorties sont classées suivant une hiérarchie qui s’inspire de l’enquête sur les pratiques culturelles grenobloises mais avec quelques adaptations : 109 http://www.familis.org/riopfq/activites/projets.culturels.html 85 - les sorties englobent toutes les formes de sorties culturelles : cinéma, concerts, spectacles de théâtre, de danse, de cirque ainsi que les visites dans des musées et aux expositions…. - pour les gens qui sortent peu, l’expression la plus commune qu’ils aient prise pour le traduire est « à l’occasion ». Ce qui explique pour partie que je n’ai pas retenu le terme de non-public, mais de sortie « occasionnelle ». Il est à préciser que je n’ai pas rencontré de choristes retraités qui m’ont déclaré ne pas être allé une seule fois dans l’année écoulée à un spectacle ou au cinéma. Les sorties sont donc classées en 4 groupes : - Les sorties occasionnelles : - Les sorties régulières: - Les sorties habituées : - Les sorties assidues : de 1 à 4 fois dans l’année de 6 à 12 dans l’année entre 12 et 24 dans l’année plus de 24 sorties dans l’année. Cette procédure m’a permis de construire un agenda hebdomadaire culturel pour chaque choriste. Chacun d’entre eux, en fonction de ses besoins, a construit son agenda personnel et culturel qui montre alors une facette de sa nouvelle identité culturelle. Cet agenda se construit autour de 5 types d’activités : - les pratiques artistiques en amateurs - les sorties culturelles - les activités de loisir autour du domicile - les activités sportives - les actions de bénévolat 86 Voici le planning type des choristes retraités prénom Robert Germaine Bernard Guy Eliane Nicole suzy Jacques J-Pïerre Joelle Liliane Raymond Laurence Colette J-Marie Géneviève Mireille Jacques J-Jacques JChristian Christiane Liliane âge 74 74 74 73 73 72 70 69 68 68 68 68 66 65 65 64 64 64 62 61 60 59 lundi bénévolat (mairie) Chi kong chorale élevage de chèvres sport, rando bénévolat (Pdt chorale) Peinture Ecoute de la musique chorale Gym mardi apiculture chorale mercredi chorale chorale chorale chorale chorale chorale italienne chorale chorale chorale graphisme/ordinateur chorale chorale chorale chorale marche, gym broderie chorale Internet chorale chorale piano bénévolat chorale Patchwork Université TA chorale Chorale (chef) chorale bénévolat (chorale) Gîte (professionnel) chorale Bénévolat (social) chorale chorale bénévolat (chorale) chorale Broderie chorale bénévole (Pdte chorale) chinois chorale jeudi Université TA jardin bénévolat (chorale) marché université TA marche active voyage bénévolat bénévolat (chorale) université TA Bibliothèque sport jardinage bénévolat peinture bénévolat (enfants) vendredi vélo chorale bénévolat (syndicat) peinture Bénévolat ( hôpital) chorale joue d'un instrument culture musicale bénévolat (caritatif) marche et ski gîte montage de film balades Bénévole (soins) peinture, dessin gîte samedi s.occasionelles s.occasionelles s.occasionelles s.occasionelles s.assidues s.régulières s.régulières s.occasionelles s.habitués s.assidues s.régulières s.occasionelles s.occasionelles s.occasionelles s.occasionelles s.assidues s.occasionelles s.assidues s.habitués s.assidues s.habitués s.assidues dimanche animation messe animation messe animation messe course à pied gîte photo 87 5.2/ Le choriste retraité, un « non-public » âgé qui bouge ! La lecture du tableau du planning culturel peut attirer notre attention sur trois points : - Même si les enquêtes sur les pratiques culturelles distinguent bien les pratiques artistiques en amateurs des pratiques « spectateurs », même si les travaux des sociologues ont présenté et explicité les différentes formes du lien entre les deux110, il n’en reste que nous pouvons être tenté d’étiqueter de « non public » le choriste retraité qui sort peu, voire pas du tout, le considérant ainsi comme faisant partie des personnes en «repli », alors que ce dernier peut-être est une personne extrêmement active bénévolement avec plusieurs pratiques culturelles; parfois plus que certains qui sortent plus. Cela peut souligner parfois les limites des enquêtes statistiques qui ne prennent pas en compte le parcours de vie des individus. Jean Paul Bozonnet précisait que « le terme non-public nous a paru mieux convenir que celui d’exclu de la culture...en effet, il est certainement faux d’affirmer a priori qu’il est exclu de la culture puisque celle-ci peut s’incarner dans nombre d’activités domestiques. »111. Mais pas que « domestiques » : nous le constatons, la culture s’incarne dans d’autres sphères sociales telles que les activités bénévoles et les pratiques artistiques. Précision intéressante surtout quand on sait que le plus gros des 29% du « non public » des sorties culturelles grenobloises est constitué de retraités. - L’âge n’est pas un facteur discriminant pour avoir de nombreuses activités. Ce sont principalement les raisons de santé, diverses, qui arrivent à tout âge, qui obligent l’arrêt de certaines pratiques. Ce qui pose la question pour les futurs retraités de la gestion et de la préservation du capital « santé » comme étant un enjeu majeur pour leurs années à venir... - L’effet de contamination possible entre les habitudes culturelles des uns et des autres est ici intéressant à souligner. Ce dernier, d’ailleurs, pourrait faire l’objet d’une étude plus approfondie. En effet la chorale apparait comme être un lieu ou le mixage entre différents savoir-faire et savoir-être s’opère. Et s’il elle n’en est pas le lieu du moins le déclenche t’elle d’une autre manière : « notre chef de chœur s’occupent d’autres chorales, des petits groupes alors on va la voir quelques fois au mois d’avril…on est allé à sassenage... où il y avait une autre chorale », Sandrine « à son enterrement (d’une choriste), on s’est retrouvé à une vingtaine, 25 personnes, qui ne se connaissaient pas toutes mais qu’elle connaissait elle, dans chacune des activités, et un jour on s’est réuni pour parler d’histoire de stèle, et petit à petit, on a sympathisé et on a dit ce serait bien un jour de faire une journée un peu en mémoire...chacun a emmené son talent et chacun à chanté, joué de la guitare, fait des claquettes,… et on a fait une sorte de collectif culturel … en même 110 Lire par exemple Sociologie des pratiques culturelles, Philippe Coulangeon, Collection Repères – La Découverte 111 Pratiques et représentations culturelles des grenoblois, déjà cité. 88 temps j’ai découvert des clowns, j’ai vu des clowns de près, j’ai vu des choses fantastiques.. » Jean « Notre chef de chœur… comme elle voyait qu’on avait envie de jouer des instruments... a pris contact avec des musiciens pro et on a commencé avec des flûtes de pan de la salsa, et est né le premier atelier instrumental …on est reconnu comme pôle ressource en musique du monde », Monique Contamination qui va jusqu’à faire exécuter à une chorale des commandes groupées pour avoir, aux meilleures conditions financières, des produits gastronomiques tels que de formidables fromages ! Le temps de la retraite, le temps des nouvelles expériences Le choriste retraité est un individu actif qui peut profiter du temps disponible de la retraite pour commencer de nouvelles aventures. Nous commencions ce 5ème chapitre avec une citation de R.A. Petterson qui affirmait aussi « qu’en vieillissant, les individus assistent généralement moins souvent à des événements artistiques mais […] ils conservent leurs goûts pour les arts», c’est un constat que l’on peut relativiser avec les choristes retraités d’une part comme nous le précise Aurélien Djakouane « dans la mesure où si l’âge de la retraite constitue une période propice aux sorties culturelles, c’est aussi souvent l’occasion de renouer avec des pratiques ou des passions délaissées. »112, d’autre part, nous l’avons constaté, ces mêmes choristes retraités sortent plus et pour finir ils découvrent et commencent de nouvelles activités : « Vous savez quand on arrive à la retraite, la première chose que l’on essaye de faire, c’est de se trouver des activités, parce que souvent quand on arrête tout, bien c’est la fin…après le tout est de savoir ce qu’on fait », Jacques « Pendant mon activité, je n’ai rien fait d’artistique, à partir de ma retraite, je fais de la peinture, je me suis à la chorale, à la gym .. », Colette « Un des regrets que je suis en train de combler..moi finalement j’aimerais bien faire du théâtre et ça ( la chorale) ça allie théâtre et le chant, donc de plus en plus c’est une évolution des chorales dont je vous avais parlé..je vais commencer à faire autre chose que le chant mais tjrs en public… », Jean « Je me mets à peindre, à dessiner, à faire de la photographie : j’en profite je suis à la retraite ! ça fait partie des choses essentielles », Pilar 112 Du questionnaire à la biographie et vice-versa : regards croisés sur l’évolution des préférences esthétiques des spectateurs de théâtre – Aurélien Djakouane - Sociologie de L’Art , OPUS n° 9 - 1 0 , « Questions de méthode » Paris, L’Harmattan, 2006. Sous la direction d’André Ducret, pp. 107-123 89 5.3/ D’une culture de la distraction à l’épanouissement, instructive et bénévole une culture de « Apprécier autrement, déguster, avoir le temps de…. Lorsque je chantais à l’école normale, c’était le soir après mon travail...mais par exemple, je n’ai jamais voulu...je suis venu chanter ici quand j’étais à la retraite quand j’étais plus disponible...alors que dans les premières années je chantais essentiellement pour me détendre, par plaisir, ensuite…. », Pierre « Ensuite ? » Hier, c’était pour se détendre et aujourd’hui c’est pour quelle raison ? « …ensuite, c’est vrai que là depuis que je suis à la retraite j’essaye de travailler un peu plus…travailler pas spécialement ma voix, je ne suis pas musicien…mais je fais des efforts…pour m’améliorer », Jean Donc pour progresser, devenir meilleur ? Pour répondre à une des critiques que faisait Paul Paillat113 quand il regrettait le manque de clarté dans la définition de pratiques culturelles « C'est peut-être la détermination précise de ce qu'on appelle « pratiques culturelles » qui manque, puisqu'elle implique non seulement des actes, que l'on peut comptabiliser, mais tout un comportement sur la façon de choisir et de vivre ces actes qui, lui, ne peut être mis en chiffres et qui laisse le lecteur quelque peu sur sa faim ». Donc pour ne pas laisser le lecteur (et le rédacteur) sur sa faim, demandons à nos choristes retraités pour quelles finalités pratiquent-ils le chant choral ? Dans quel sens ? Quelles valeurs et quelles finalités les choristes retraités associent- ils à leur pratique chorale et aux activités de leur semaine ? A travers la pratique chorale, les témoignages nous permettent de discerner une évolution tout au long des temps de vie qui fait que les finalités de la pratique chorale évoluent d’une Culture de la distraction, à une Culture de l’épanouissement et du partage. 113 Les Pratiques culturelles des personnes âgées, Paul Paillat, la Documentation française, 1993. 90 - La culture de la distraction, de la détente Comme le rappelait Jean-Pierre qui au début chantait « pour se détendre, par plaisir », « …puis dans ma jeunesse quand j’étais à l’école normale, instituteur, j’aimais bien déjà…on chantait un peu de tout, des chants de la renaissance, nous chantions aussi des négro-spirituals…on pensait plus à faire les cons… » David Ou des responsables, salariés et étudiants qui recherchent la détente après une journée de travail : « Pour moi c’est une détente avant tout, quand j’arrive à m’extraire de la partie logistique, organisation, ce qui n’est pas fréquent, ...j’y prend du plaisir du fait que ça avance bien, que tout le monde est content, qu’il ya pas de soucis », JeanChristian « C’est plus une détente, mais il faut avoir un objectif, il faut progresser », Damien, (salarié) « Faire de la musique et me distraire », David (étudiant) Sur le temps de l’école et des études, la pratique chorale, nous l’avons vu plus tôt, c’est aussi une éducation et une pratique qui participent à la révélation d’une personnalité mais les termes employés aujourd’hui par ces adultes quand ils parlent de cette époque de vie évoquent plus la distraction et la détente. - La culture de l’épanouissement Aujourd’hui, ils témoignent dans leur grande majorité une culture de l’épanouissement, une culture instructive et mènent souvent des actions bénévoles. Pour la grande majorité des choristes retraités, la pratique chorale c’est l’épanouissement, le bien-être à travers le groupe. « Le bien-être...je loupe pas une répétition, le bien être c’est aussi bien le contact que tout le travail physique... pour moi c’est une thérapie », Bernadette « C’est un refuge pour moi la musique....on en prend de l’énergie...la musique c’est un truc qui permet de se ressourcer…quand vous n’avez pas la pèche, vous mettez un bon morceau de musique …et de temps en temps cela vous permet de franchir un moment difficile », Raymond « (le chant choral) Epanouissement, se sentir bien, se trouver avec les autres, j’aime partager cette joie, ce plaisir avec les autres…et puis, ça peut-être été, à un moment donné, une ligne de conduite…ça comptait beaucoup dans ma vie de couple, d’homme,… de citoyen ça nous aide à …y a des exigences quand vous faîtes partie d’une association, …quand ça vous oblige à respecter les autres...sans chant je crois qu’il m’aurait manqué quelque chose… », Jean-Jacques « C’est rencontrer d’autres personnes, chanter ensemble, pouvoir s’exprimer...ça fait un bien fou.. », Suzy 91 Et l’épanouissement revêtira pour chacun une réalité différente : pour les uns ce sera partager des émotions lors des concerts, arriver à s’exprimer devant les autres, pour d’autres, ce sera voyager en groupe, ou progresser dans sa technique. - La Culture instructive et l’action bénévole. La Culture instructive Cette dernière se trouve à travers de nombreuses actions que les choristes retraités mènent au quotidien. Chacun continue d’apprendre, de se cultiver, de s’améliorer, de s’adapter aussi bien à travers l’activité chorale qu’en dehors, dans une université du temps libre ou en allant voir d’autres pays par exemple. « Moi je vais me renseigner, je vais découvrir les œuvres, je prends des livres sur la flûte enchantée, je vais sur internet pour me renseigner aussi… », Jean « …Bon j’ai suivi des cours car je fais partie de la bibliothèque de mon village...alors on va nous mettre à l’internet…mais ici cela nous aiderait beaucoup... je vois qui y en a de plus en plus qui l’ont dans la chorale », Marie « Je fais du Chi Kong, cela fait partie de la médecine traditionnelle chinoise…on apprend à se concentrer...cette gymnastique vous régénère...je peux mieux me contrôler... ça me fait du bien ! », Joëlle « Ce matin, j’avais cours de géologie à Grenoble, l’après-midi, j’ai appris à tailler la vigne à un collègue …», Arthur « Je vais aussi de temps en temps avec mes amis à l’université du troisième âge », Germaine L’action bénévole « Les populations en bonne santé et aisées, s’éloignent de la perception de la retraite comme une période prolongée de loisirs et commencent à la voir plutôt comme une étape active de la vie dans laquelle ils peuvent contribuer à la société »114. Ce constat peut expliquer entre autre que les dernières études sur les retraités ont unanimement montré l’incroyable participation de ces derniers dans la vie associative115 : c’est un retraité sur deux pour les hommes et un peu moins pour les femmes qui participent à la vie associative en prenant bien soin de différencier que cette participation peut aller de la simple adhésion jusqu’à la prise de responsabilité. Les choristes retraités nous montrent que leurs actions bénévoles s’expriment de manière diversifiée et que ces dernières peuvent aussi se développer en dehors du cadre associatif. 114 Enquête 2006 -HSBC 115 Même si cela parait être dans une moindre mesure par rapport à d’autres pays comme les Etats Unis par exemple. 92 Leur bénévolat se réalise : • Dans la chorale, 56% des retraités116 donnent de leur temps à la chorale, contre 1 choriste sur deux. Ce temps bénévole prend plusieurs formes117, il est consacré : - pour 25% aux activités du Bureau et du CA de l’association (trésorier, président, secrétaire,..). - pour 67 % à la promotion et à l’organisation des concerts (34% et 33%). « …. à un moment donné, j’ai dit il faut que tu redonnes à ton tour ce qu’on m’a donné... ce que j’ai trouvé dans le chœur je le redonne à ma façon en aidant…ça c’est une conception que plus beaucoup ont...la conception d’un retour en forme associative où je ne suis pas consommateur, où je profite de l’association et …. je donne moi aussi de mon temps et de mes compétences », Pierre « On a chanté pour des maisons de retraite, on chante pour le téléthon traditionnellement, on a chanté pour Rétina et puis on a chanté il y a deux ans à Lyon pour un établissement qui se montait et qui allait accueillir des enfants autistes. Disons qu’il y a quelques années, on avait dit qu’on donnait 3 à 4 concerts par an pour l’humanitaire… », Jean « J’étais inscrite au CA pendant 4 ou 5 ans mais je me suis désinvesti du fait...que j’ai trouvé un autre travail qui m’a demandé beaucoup d’investissement et puis...l’éloignement fait que je ne peux pas m’investir comme je voudrais...mais dès que j’ai un moment de libre, je le fais » Liliane « oui, je fais partie du CA…au moment des concerts on est un peu plus occupés, mais aussi non, on a des réunions une fois par mois a peu près », Colette • Et dans la vie de tous les jours « …moi je vais m’occuper de faire passer des entretiens d’embauche, des simulations,… à des jeunes à Fontaine…Moi je pense que je leurs apporte pas mal et je suis sur que eux ils m’apportent aussi …indirectement ! Moi j’ai des connaissances, je leur fait partager mais eux ils ont des expériences qu’ils me font partager aussi, …je crois beaucoup en l’Homme et en cette possibilité d’échange…L’école, l’université n’a jamais été un endroit où les jeunes ont appris à se défendre dans un entretien d’embauche… », Jacques « Je suis engagé ailleurs aussi : le fleurissement de la commune, on participe aussi au jumelage de la Pologne...faut y être ...c’est un engagement aussi...on fait aussi un petit repas une fois par an pour une centaine de personnes...une fois ça, une fois autre chose,...je vais aller ramasser les filets qui aiguillent et récupèrent les grenouilles autour des étangs là avec M. X le conseiller général », Guy 116 Lire Tableau 120a, p 130. 117 Lire tableau 121, p 130. 93 «Tous les jeudis après-midi, je vais dans un hôpital de Coublevie en gériatrie pour voir des personnes très malades, pour ceux là aussi le chant c’est important...Pour des gens complètement perdus...on commence à leur chanter une vieille chanson et ils commencent à la chanter et à se rappeler les paroles », Louise Conclusion Le choriste retraité a remplacé son vieil agenda professionnel par un nouvel agenda culturel. Cet agenda personnalisé est aujourd’hui une « ossature » constituée de sorties culturelles, de pratiques artistiques et sportives, de bénévolat qui avec d’autres activités telles que la télé et la lecture viennent compléter la vie familiale. La pratique chorale est au centre de cette nouvelle ossature sur laquelle se construit la nouvelle identité culturelle du retraité. Si l’apport du chant choral se traduit plutôt par une façon de s’amuser pour les plus jeunes, par la détente ou comme une alternative, voire une thérapie aux épreuves du quotidien pour les adultes, il se traduit souvent pour les retraités par l’épanouissement et la réalisation de soi. Chapitre VI - Les choristes retraités, un prisme pour observer les politiques publiques L’idée de ce chapitre est venue tardivement. C’est à la suite de l’analyse des questionnaires et des entretiens que nous avons inversé une question qui était présente dès le départ : « comment optimiser nos politiques d’accompagnement pour la pratique chorale en milieu rural ?» et qui est devenue, quand nous avons pris conscience de leurs savoir-faire « comment le savoir-faire de ces choristes retraités peut-il optimiser notre service public et culturel ? » Nous allons tout au long de se chapitre provoquer des va-et-vient entre les modes opératoires des choristes retraités et de ceux des services publics de la culture dans l’objectif de rendre plus efficient les dispositifs pour faciliter les pratiques artistiques. Peut-on transposer des modes opératoires présents dans un domaine privé au domaine public ? 94 6.1/ Le savoir-être des choristes retraités : de nouvelles idées pour les services publics Les choristes retraités peuvent nous interpeller avec les 4 savoir-faire suivants : - la façon dont s’exprime la solidarité intergénérationnelle - la façon dont leur réseau d’influence fonctionne - l’exemplarité de la mixité sociale qu’ils traduisent (même s’il pêche par l’absence des ouvriers et bien d’autres…) - la découverte et la contamination des cultures et des savoir-faire Ces 4 savoir-faire nous renvoient très rapidement aux politiques sociales, de la famille, de l’intégration et du mixage social et peut-être moins aux politiques culturelles. Quand le choriste retraité échange avec ses petits-enfants sur le requiem de Mozart qu’il va chanter, le dimanche suivant, il ne se pose pas la question de savoir s’il fait de la médiation culturelle, ou de la cohésion sociale, Il fait naturellement les deux. La transmission culturelle qui s’opère en toute simplicité chez les choristes retraités et dans leurs familles, peut-elle être transposable dans nos services publics ? La solidarité intergénérationnelle chez les choristes, en France et dans le Monde « L’intergénération vise précisément à faire valoir cette évolution sociologique et démographique, en favorisant la fluidité des parcours de vie, la rencontre et les échanges entre les générations. Elle vise enfin à rendre aux personnes âgées leur rôle social, à sortir de l’idée selon laquelle la vieillesse serait un handicap pour la société. Et à mettre en lumière, au contraire, la richesse de cette génération qui représente une part croissante de la société française », Mohamed Malki118 La solidarité intergénérationnelle peut nourrir nos politiques culturelles : la vitalité des solidarités entre générations est une réalité désormais reconnue et largement confirmée par les enquêtes. Les retraités sont, nous l’avons dit, une génération « pivot » qui va participer activement à l’éducation de ses petits-enfants et qui partage ressources et temps avec ses enfants et parents119. Celle des choristes retraités s’exprime de nombreuses manières, elle s’exprime au sein même de la chorale mais il apparait clairement qu’elle se développe aussi de manière importante à travers une solidarité familiale de proximité. 118 Mohammed Malki, fondateur de l’association Accordages a été nommé conseiller technique auprès de Nora Berra au Secrétariat d’Etat aux Aînés. Il quittera Accordages fin juillet 2009. Faute de relève opérationnelle à court terme, tous les projets 2009-10 d’Accordages, compris la Biennale 2010, sont annulés. 119 Lire les travaux Attias-Donfut et Martine Segalen, déjà cités. 95 17 choristes retraités sur 22 (soit 77%) déclarent avoir des liens et échanges grâce à leur pratique chorale avec soit leurs enfants, petits-enfants, parents et/ou conjoint et ils sont plus nombreux, si on prend en compte la pratique instrumentale des retraités (19 sur 22). « Les enfants étaient musiciens, ma foi, j’avais choisi mon instrument moi aussi…mes deux enfants,…ils viennent chaque année à mes concerts...C’est mon activité à moi mais j’ai demandé à mon fils « joue moi ça car je ne suis pas sur de ce truc-là et il m’aide … il y a des rapprochements qui se font à travers la famille. Je trouve que le chant c’est important dans une famille parce que ça fait partie des bons souvenirs, des bons moments que l’on partage ensemble... souvent à chaque repas on chante...j’ai été habitué comme ça toute petite...je trouve que c’est important », Agnès « Souvent mes petites filles...quand je vais les voir, elles viennent (et me demandent) alors tu nous joues quelques chose...je ne veux plus leur demander de chanter avec moi parce que les gosses ils ne chantent pas comme nous on chante...(elles) me disent la balade nord irlandaise...tu la chantes pas comme nous ! alors on la chante plus ! ... je ne chante plus tellement avec elles...mais le principal c’est que les gens aient le temps de chanter », André « J’ai que mon mari...quelquefois qui vient…, quand ils sont disponibles, j‘ai une sœur, mon beau-frère et mon frère...autrement, ils viennent (m’écouter)», Manon « On a eu deux filles qui chantent toutes les deux dans une chorale et la deuxième est mariée avec un gars qui est musicien,… mon petit-fils il joue de la batterie...ma petite fille, elle joue la flûte traversière...mes filles ont du faire un DUMI à Lyon…(vous leur avez donné envie ?) oui et non, parce que ça c’est fait tard, elles sont venues m’écouter à des concerts ou on en parle souvent,...oui ça a du leur donner des idées et puis j’ai toujours aimé cela », Pierre « Martine s’est impliquée la dedans (la chorale)...d’abord pour éviter que je sois pas là la plupart du temps et puis parce qu’elle aime bien…vous lui demanderez…moi quand le l’ai connue on a parlé chorale, ...et elle est venue à Résonances...elle est venue aussi parce qu’on voulait se connaitre un peu mieux.. », Jean On le voit bien la pratique chorale du retraité se partage, de manière discrète à une autre plus passionnée, avec ses enfants, sa femme, ses amis et quelquefois avec ses parents. C’est une fois de plus le choriste retraité, grand parent (pour plus de 83 % des choristes) qui est un « pivot culturel » : donc pour une personne qui s’investit en terme de pratique culturelle, c’est un effet « boomerang culturel » qui s’installe sur le temps dans une famille et dans son entourage proche. Les solidarités familiales qui prennent différentes formes (temps de garde, aide financière, disponibilité) se complètent aussi par le « temps libre partagé en famille »120 avec les enfants adultes (activités de plein air, manuelles, culturelles, convivialité, intérieur, lieux de culte et visites au cimetière, vacances communes,…) qui n’est pas sans effet sur les inégalités intragénérationnelles. Ce temps libre partagé avec les petits-enfants est aussi important : ainsi 120 L’entraide familiale dans un environnement Multigénérationnel, Sylvie Renaut, CNAV, Paris. 96 dans l’ouvrage Grand parents, la famille à travers les générations121, un tiers des grandsparents garde hebdomadairement leurs petits-enfants et, un autre tiers, mensuellement ou occasionnellement. Les études montrent bien que les aides publiques et les solidarités privées sont complémentaires et facteurs de réduction des inégalités sociales. L'ensemble des politiques publiques doivent étayer le rôle important joué par la famille dans la redistribution des ressources entre générations afin qu'il puisse s'exercer pleinement dans le domaine de l'emploi, de la formation et de la protection sociale.122 Une contradiction toutefois est à signaler avec les résultats du questionnaire : à la question « Votre famille est elle associée à votre pratique chorale ? » seulement 35% des personnes interrogées (dont 36% sont des choristes retraités) ont répondu par l’affirmative. Cela peut s’expliquer par la formulation même de la question et du fait que le terme famille était trop vague. La question aurait dû proposer une liste des différentes formes que pouvaient prendre l’« association de la famille ». Les projets culturels, familiaux et intergénérationnels Nous pouvons relater 3 exemples de projets qui ont répondu au décloisonnement des pratiques, des langages, des publics et des groupes d’âge : -Le premier concerne une rencontre avec les collégiens au Train -Théâtre (à Portes les Valence, 2002), Evelyne Girardon, artiste interprète des musiques traditionnelles va demander aux enfants de chanter en public les chansons que leurs grands-parents chantaient étant plus jeunes. Les enfants en amont se sont rapprochés de leurs grandsparents et ont découvert une partie du patrimoine de ces derniers. Ceux-ci se sont déplacés pour écouter leur petits-enfants célébrer leur mémoire en chantant. L’émotion était au rendez-vous. La mixité sociale aussi. -Le second concerne le Conservatoire de Valence qui préparant un spectacle chanté avec ses élèves de formation musicale s’aperçoit qu’il lui manque des voix dans certains pupitres. Le Directeur va alors faire un appel aux parents qui souhaitent bénévolement se joindre au projet : une douzaine d’adultes viendra alors participer à l’aventure (2008). -Le troisième concerne la Maitrise de la Loire qui, sous l’impulsion de la politique départementale lors des Semaines Bleues, va aller dans une maison de retraite monter une création musicale mixant les maîtrisiens avec les personnes retraités de la résidence (2009). Les artistes et enseignants Il faut bien entendu prendre en compte la capacité qu’ont les artistes et les enseignants à inventer et construire à travers leurs arts et leur pratiques une place pour la famille et les proches de l’enfant : comment les investir ? Cela n’est pas si simple et ne fait pas partie systématiquement de leur formation initiale123 et de l’envie des uns et des autres. 121 Ouvrage de Claudine Attias-Donfut, Martine Segalen, Déjà cité. 122 Les transferts publics et privé entre générations, Etude dirigée par Claudine Attias-Donfut Les centres de formation tels que les CEFEDEM et CFMI (centre de formation des professeurs de musique et des musiciens intervenants) développent depuis quelques années déjà au sein de leur formation des modules où les futurs enseignants apprennent à développer des projets de territoire 123 97 Mais ces exemples de pratiques culturelles intergénérationnelles au sein du Service Culture, jeunesse et sport dans le Département de la Drôme sont rares. Ils sont financés à la marge : ils ne représentent qu’une faible partie des moyens dévolus aux pratiques en amateurs. Ils sont très souvent la traduction d’initiative d’artistes et d’individualités et plus rarement de politiques fortes et incitatives. Le travail pilote de Mohamed Malki avec Accordages Depuis peu, pour accompagner les élus et professionnels, l’association Accordages dont la mission est d’être une plateforme nationale ressource en direction de tous les professionnels de l’action sociale, présente un ensemble de projets pilotes qui sont autant d’exemples qui peuvent être développés au sein d’une collectivité : « un travail collectif sur la mémoire d’un quartier, de l’aide à l’insertion de jeunes par des retraités, de l’accompagnement des personnes âgées par des jeunes lors de séjours courts, de la diffusion de la culture scientifique auprès d’enfants grâce à la collaboration de seniors... Autant d’occasions de restaurer la solidarité entre générations au-delà du cadre de la famille, de lutter contre la stigmatisation des personnes âgées - et aussi contre celle des jeunes - et de mettre en lumière les bienfaits de la longévité, la possibilité d’apprendre, d’innover et de partager son savoir à tout âge ». Un des objectifs majeur d’Accordages est de combattre l’isolement des personnes âgées et non pas spécifiquement de celles qui sont dépendantes. Les services culturels ont-ils une commande politique pour se rapprocher des services sociaux (politique de la famille) et créer des outils culturels et intergénérationnels ? Quand vous lisez les comptes-rendus des biennales de L’Intergénération ou le dernier programme de la Biennale 2008, vous trouvez une pléthore d’acteurs sociaux, de professionnels de la gérontologie, des représentants de la CNAV, des CLIC, des CODERPA, des élus en charge des personnes âgées de certaines collectivités mais pas de représentants des services culturels. Par contre ces derniers n’oublient pas d’inviter des artistes pour clôturer leur journée qui sont parfois danseurs. En se servant de leurs institutions culturelles, les collectivités ont énormément œuvré dans cette direction à travers les politiques des villes et surtout ces dernières années à travers les contrats de ville : de multiples projets liant les citoyens exclus ou isolés avec les pratiques artistiques par l’intermédiaire d’artistes ont pu voir le jour. Les politiques du livre et de la lecture, des musées et médiathèques ont œuvré de manière exemplaire sur les thèmes tels que l’exclusion et l’intégration mais cela c’est fait souvent de manière inégale suivant les territoires et encore une fois très peu de manière intergénérationnelle. dans lequel ils exploitent l’ensemble des liens sociaux que peuvent développer les pratiques musicales. 98 La Belgique et Metiss’âges124 En 1993125, l’Europe consacrait une année aux personnes âgées et à la solidarité entre générations, le Service de l’Education Permanente126 (SEP) dont la mission est de soutenir les expressions créatives et citoyennes décidait de relayer le programme européen en Communauté Française. Pour ce faire, il décidait de promouvoir l’organisation de spectacles de théâtre actions montées par des groupes intergénérationnels et aussi de se faire l’écho de projets associatifs. De cette manière, il entendait contribuer à débusquer les stéréotypes qui renforcent les phénomènes d’exclusion réciproque entre jeunes et ainés. Le SEP organise régulièrement des cycles de rencontres intitulés Metiss’âges. Animés régulièrement par Elisabeth Franken, ces rencontres sont une mine d’informations qui décrit l’ensemble des projets hybrides et exemplaires qui démontrent bien que l’expression artistique des citoyens est l’affaire de tous : de l’ensemble des services publics, des rappeurs, du philarmonique de liège en passant par les maisons de quartiers. Le Canada et les projets intergénérationnels auprès de la jeunesse francophone et francophile La Fédération des aînées et des aînés francophones du Canada (FAAFC) et la Commission nationale des parents francophones (CNPF) ont pris connaissance des bienfaits des échanges intergénérationnels non seulement sur le mieux-être des aînés du Canada, mais aussi sur la construction identitaire des jeunes francophones et sur le potentiel des échanges intergénérationnels pour appuyer l'apprentissage du français chez les jeunes anglophones du pays. Ces constats ont incité la FAAFC et la CNPF à collaborer à la conceptualisation d'un plan d'action national qui verrait la mise en place de projets intergénérationnels dans chaque province et territoire du Canada au cours des deux prochaines années. La solidarité intergénérationnelle peut aussi se traduire par des politiques tarifaires plus ciblées : Les abonnements ainsi que les tarifs promotionnels ont fleuri ici et là pour faciliter l’accès à un public particulier : vous êtes un jeune, un abonné, un public du club 3ème âge, un public en difficulté, où vous venez avec qui vous voulez : « une place achetée, une place offerte ». 124 La Fondation Royale soutien par un concours national les initiatives intergénérationnelles : La Fondation Roi Baudouin en Belgique a lancé un concours visant à soutenir financièrement des projets encourageant de meilleures relations entre les générations, basées sur la réciprocité, sur le « vivre ensemble » ou qui font appel aux potentialités des personnes âgées et qui leur permettent de conserver un véritable rôle social. 125 C’est à la suite de cette année que La Fédération Européenne des Retraités et des Personnes Agées a été créée en 1993 par des travailleurs et des travailleuses à la retraite, désirant prolonger leur engagement syndical pour une société plus juste, plus démocratique, plus citoyenne et solidaire avec les jeunes et les travailleurs. 126 Nous n’avons pas de ministère équivalent en France, mais ce dernier pourrait être l’équivalent d’un ministère de la formation continue intégrant une politique d’éducation populaire; L’idée de c e ministère est de considérer que le parcours de vie de chaque citoyen se construit sur une formation globale et permanente basé sur la diversité, l’Inter et le Multiculturalisme. 99 Sur des temps particuliers pour les personnes âgées, telles que les Semaines Bleues et les semaines de la Flamboyance, ou pendant les spectacles pour les plus jeunes, les mercredis, comment les équipements culturels en partenariat avec les collectivités concernées pourraient-ils proposer des tarifs incitatifs ? Gratuité pour la première visite des enfants accompagnés d’un grands-parent, par exemple, la première visite étant comptabilisée autant pour l’enfant que pour l’adulte. Le réseau de sociabilité des choristes retraités : une nouvelle façon de communiquer Nous l’avons vu, 58% de l’ensemble des choristes ont intégré la chorale dans laquelle il chante par le biais d’un ami ou d’une bonne connaissance (auquel on rajoute 6% quand c’est une personne de la famille). 60% de ceux qui ont découvert la chorale sont des retraités contre 56% qui travaille à temps plein, ce qui peut paraître surprenant quand on décrit des personnes retraités, qui en dehors du monde du travail, sont censés avoir moins de prise avec les réseaux. Cela argumente bien que les réseaux des amis des choristes retraités sont aussi actifs, voire plus, que les réseaux d’amis de ceux qui travaillent à temps plein. Quand on veut annoncer un concert de telle ou telle chorale ou que l’on veut attirer l’attention de ces derniers sur un évènement culturel, plutôt que d’envoyer des affiches et des tracs dans un quelconque centre ville, Il me semble aujourd’hui plus pertinent de communiquer par : - le biais d’invitation à destination des choristes et de leur famille avec une attention toute particulière pour les retraités - leur site internet et leurs blogs Mais aussi de rencontrer régulièrement - les responsables des structures - les clubs du 3ème âge - les maisons de retraite - les salariés séniors dans les entreprises La mixité sociale : de nouvelles approches en entreprise et vers les publics Nous l’avons vu certaines entreprises accompagnent leurs salariés pour qu’ils préparent, à deux ou trois ans de l’échéance, leur retraite. Conscient de l’importance de cette préparation à la retraite, conscient de l’apport d’une pratique artistique dans la construction d’un individu qui va se retrouver face à une nouvelle vie, ne serait-il pas d’intérêt général d’aller à la rencontre des ouvriers pour que le temps d’une rencontre avec une chorale, ils puissent, d’une manière ludique, pousser la chansonnette (peut-être pour la première fois) et se dire pourquoi pas ? Si une telle option politique pouvait être retenue, il nous appartiendrait alors de prendre connaissance des modes de fonctionnement d’une entreprise ainsi que des savoir- être et savoir-faire des employés et ouvriers afin d’optimiser l’intégration d’une pratique artistique. Aller à la rencontre de nouveaux publics en difficulté ou qui ont eu peu accès à la culture est une mission que l’ensemble des institutions culturelles (publiques ou associatives) à la demande des collectivités développent de manière exemplaire mais elles restent 100 principalement axées sur l’éveil et la sensibilisation à la culture délivrés par les grandes institutions. Elles sont moins axées sur la diffusion des pratiques artistiques. La majorité des chorales elles aussi, naturellement, mènent des actions caritatives : rares sont celles qui ne vont pas une fois dans une maison de retraite, ne participent pas à un téléthon, ne va pas chanter à l’action Mille chœurs pour un regard, ou pour une autre action de solidarité comme celle de Rétina. Le choriste retraité et bénévole participe à cette action et à son élaboration : « je suis dans le conseil d’administration, bien sur que c’est important, je suis chargé d’aller à la prison de Vars prendre des contact, j’habite pas très loin….c’est moi qui ait proposé…Monica (chef de chœur) souhaiterait qu’on ait une action en direction des prisons et des hôpitaux.. », Pierre Néanmoins, en ce qui concerne les pratiques artistiques, rares sont les schémas départementaux pour les enseignements artistiques qui se sont rapprochés au moment de leur rédaction des politiques des services sociaux, de la famille des collectivités, des comités locaux d’insertion (CLI) et des associations départementales comme les CODERPA et les CLIC pour faciliter les pratiques des publics âgées ou des retraités. Les directives ministérielles qui transparaissaient à travers les Vade-mecum incitaient à la transdisciplinarité, au mixage des expressions artistiques mais ne laissaient que peu de place aux personnes âgées et retraités. Découverte, transmission et contamination des savoir-faire des choristes retraités: un exemple de politique contributive et participative En dehors de la pratique chantée, le choriste retraité trouve dans et en dehors de la chorale de nombreuses occasions de faire de nouvelles activités avec ou grâce à l’autre : apprendre une nouvelle activité, partager sa passion ou un savoir-faire, faire un voyage en groupe en Amérique du sud : - Eliane dispense les soins médicaux gratuitement - Robert apprend à tailler les vignes à un collège - Germaine anime les messes dominicales - Colette se met à naviguer sur internet pour la première fois - Laurence partage sa passion avec une amie choriste à travers la broderie - Joëlle et Géneviève vont suivre des cours à l’Université Tout Age - Jean-Jacques va accompagner bénévolement les plus jeunes dans leur recherche d’emploi, etc…. Par ces nombreux exemples, les choristes retraités donnent un exemple d’un groupe d’individus qui construisent une société participative où chacun va apporter son savoir-faire, contribuant ainsi à la progression et à l’émancipation des uns et des autres. 101 6.2/ Naissance des politiques pour le bien-être des retraités Pour les Départements, il n’existe pas de politiques publiques en direction des retraités. Celles qui existent et qui sont à l’origine d’importants financements publics depuis quelques années sont les politiques en direction des personnes dépendantes et exclus.127 Développer une politique, qu’elle soit culturelle ou non, spécifiquement pour les retraités pourrait bien entrainer quelques dérives communautaires inutiles. La valorisation de la personne retraitée passe aujourd’hui par la mise en place de politiques sociales favorisant l’échange et le croisement des savoir-faire entre générations et en direction des familles. Mais ce que font les politiques sociales, les politiques culturelles le font peu souvent voire pas du tout, elles n’ont pas intégré dans leur modes opératoires la culture partagée, solidaire, familiale et intergénérationnelle, ce que les choristes, eux, ont fait naturellement. Mais ce qu’il y a d’intéressant dans le Département de l’Isère c’est qu’il est le seul128 Département qui a, au sein de son service culturel (Pratiques artistiques/ Culture et lien social), recruté un chargé de mission dont l’intitulé même du poste ainsi que ses missions rappellent que l’objectif d’une politique culturelle, c’est aussi la cohésion sociale. Cette mission n’a pas pour objectif un public spécifique tel que les personnes âgées ou retraitées mais bien l’ensemble des publics. Elle a pour objectif que les pratiques artistiques deviennent la nécessaire passerelle, le nécessaire « liant » entre les publics, que ce soit celui des retraités ou non, des valides ou malades, ou de ceux qui sont en situation d‘exclusion. Néanmoins, ce lien entre les services publics manque parfois à l’appel : -quand dans le Guide pratique de l’autonomie en Isère, avec les 52 fiches actions que le Département met en place, nous nous apercevons qu’il n’y a pas de fiche action « culture » ou de fiche « pratique artistique » -quand nous remarquons que dans la constitution des groupes de réflexion et de coordination sur les personnes âgées (Coderpa, Clic,..), nous trouvons des élus, des acteurs et responsables des services sociaux mais aucun acteur des services culturels. -quand nous regardons les budgets de cette mission qui sont sans commune mesure à ceux dévolues aux politiques sociales. 127 En faisant ici référence notamment à l’Allocation Personnalisée d’Autonomie (APA), la prise en charge du RSA, les politiques en faveur des personnes handicapées,… 128 Il y a quelques semaines le Département de l’Ardèche venait de ré-intitulé un poste de Chargée de mission du spectacle vivant en Chargée de mission du spectacle vivant et lien social. 102 6.3/ Du lien social au lien intergénérationnel et familial Nous le précisions dans l’introduction, 9 retraités sur 10 n’ont pas de pratique artistique. Cela pourrait justifier que chaque Département, ou Intercommunalité ait son Mohammed Malki. Prendre en considération le « pouvoir gris culturel » que représentent les retraités semble aujourd’hui primordial : pour rapprocher les publics « éloignés » de la Culture, nous avons une batterie d’outils tels que les structures d’enseignement artistique (conservatoires et écoles associatives), les acteurs culturels, les lieux de diffusion et les artistes, pourquoi ne pas y associer plus souvent les retraités bénévoles ? Ils ont, nous l’avons vu, la capacité de partager et de transmettre, la culture tour autour d’eux. Nous pourrions avec eux, par leur entremise, développer des pratiques artistiques d’une autre façon. Bien entendu le lien intergénérationnel est une des formes possibles, une des composantes du lien social. Mais dans la réalité cette forme de lien est bien trop peu développée pour ne pas dire oubliée. Préférer le terme « intergénérationnel » à celui de « social » aurait pour objectif de : - rappeler que les séniors et retraités constituent une population d’avenir sur lesquelles nos politiques en sont encore à leurs premiers balbutiements. - mettre l’accent sur les solidarités intergénérationnels au cœur des politiques du Vivre ensemble. - valoriser la notion de contribution et de participation bénévole. Serait-il contraire à l’intérêt général qu’une mission nouvelle soit créée dans le Département de la Drôme, une mission intitulée Culture, Intergénération et Famille et qui aurait pour objectif : - la mise en place de dispositifs rapprochant les pratiques culturelles et les différentes générations, - la compréhension du fonctionnement des réseaux d’influence tant dans les entreprises que dans les différentes familles - la valorisation de la place et du rôle des séniors auprès des jeunes et des anciens - la création d’un espace ressource pour l’ensemble des retraités sur les questions liées à l’enseignement et à la pratique culturelle, - l’exploration et l’élaboration d’une vaste stratégie de financement pour la mise en œuvre à long terme des différents projets intergénérationnels - la création d’un réseau de partenaires institutionnels et associatifs pour faciliter l’accès aux pratiques artistiques, 103 - le diagnostic suivant les territoires des besoins et demandes culturels des retraités, - la prévention de l’isolement des personnes âgées par la pratique culturelle, - d’assurer la transversalité des services publics (Economie, Services sociaux, Jeunesse, Culture,..) avec les organismes spécialisés (Culture du Cœur, DRASS, Clic, CODERPA, etc…) pour une meilleure cohésion et efficience, - de provoquer la rencontre entre artistes et personnes âgées pour que l’expression artistique et la création leur soit accessible, - de mettre en place des plans de formation et d’accompagnement pour les acteurs et élus qui souhaitent mettre en place des politiques de solidarité culturelle. Cette mission pourrait être confiée soit à une association départementale qui a l’habitude de croiser les réseaux avec les pratiques artistiques telle que l’ADDIM Drôme (avec l’action Vagabondages par exemple) soit à un chargé de mission ou encore en élargissant les missions des dispositifs existants tel que Culture à l’Hôpital, Culture du Cœur ou des institutions culturelles. Pour conclure : Si les choristes retraités sont un prisme pertinent pour évaluer les politiques culturelles, c’est parce que leurs modes opératoires, à travers leur pratiques chorales, se basent sur des réseaux d’influence, sur la famille, sur la solidarité, sur la contribution, sur la mixité sociale et sur l’intergénérationnel. Ils donnent aussi une occasion aux politiques culturelles de (re)concevoir les pratiques artistiques non pas comme une simple offre mais plutôt comme un outil déterminant et central pour la construction culturelle de l’individu. Les choristes retraités nous renvoient aussi à la réalité d’un service public et culturel qui n’a pas, ou peu, la « culture du lien entre politiques et services ». Pour que dans quelques années nous ne faisions plus le constat que 9 retraités sur 10 ne fassent toujours pas de pratiques artistiques, les services culturels pourront développer des politiques à l’image des savoir-faire des choristes retraités, c’est à dire des politiques solidaires, intergénérationnelles, innovantes, contributives et « contaminantes ». Autant d’idées que nous trouvons dans les nouvelles politiques des Agendas 21. 104 CONCLUSION Les choristes retraités, faut-il les accompagner ou s’en inspirer ? 7.1/ Les choristes retraités, précurseurs de nouvelles préconisations pour le schéma départemental des enseignements artistiques En ce qui concerne les pratiques artistiques, en me basant sur l’étude des choristes retraités et des constats que je fais sur le territoire de la Drôme, sur le fonctionnement du Service Culture, et de celui de l’ADDIM Drôme, je peux présenter le diagnostic suivant : 1 - régulièrement de nombreuses chorales nous interpellent pour chanter sur le territoire, pour chanter mieux, dans des lieux (scènes ou patrimoine) qui valorisent leurs travaux avec si possible des moments privilégiant les rencontres avec d’autres chorales. 2 – les aides qui sont dévolues aux pratiques chorales amateurs sont relativement faibles (14 000 €) quand on les compare aux aides au spectacle vivant (création et diffusion artistiques, 1 070 000 € en 2009) et à l’enseignement artistique 1 184 000 € en 2009). 3 – Nous avons a priori des choristes retraités avec les mêmes caractéristiques que ceux de l’Isère, c'est-à-dire un public de Culture, qui n’est pas à proprement parlé, le public prioritaire de la démocratisation culturelle, ni un public exclu. 4 – Il y a une politique forte en direction des personnes âgées129 : un schéma départemental qui cible plutôt les personnes du 4ème âge, dépendantes, malades, exclues ou en situation de handicap et qui intègre pour l’instant de manière expérimentale les pratiques artistiques comme « effet levier » dans le bien-être des personnes130. 129 Pierre PIENIEK, Conseiller Général et Délégué aux Personnes âgées et à la Santé, présente les compétences et l’organisation du Département de la Drôme. Quatre Élus travaillent sur cette thématique. Marie-Josée FAURE sur le handicap, Alain GENTHON sur les questions relatives aux affaires sociales, la santé et la solidarité, Pierre COMBES sur l’insertion, et lui-même sur les personnes âgées. Bernard HAEGEL dirige le service personne âgées/ personnes handicapées comprenant les services :- développement (dirigé par Anne JOLIVET), aidant notamment le déploiement des structures,- promotion de l’autonomie (dirigé par Françoise MALLEGOL), gérant l’Allocation Personnalisée d'Autonomie (APA) et les aides sociales. 130 En accord avec Alain Genthon, Pierre Pieniek et Christine Priotto (Délégué à la culture), un dispositif expérimental nommé Vagabondages a été mis en place par l’ADDIM Drôme en 2009, action qui consistait à envoyer des tandems d’artistes qui allaient rencontrer sur site les personnes âgées construisant avec eux des ateliers artistiques. 105 5 – il n’y pas d’agenda 21 dans la Drôme. 6 – il n’y a pas de réflexion particulière pour les pratiques culturelles en direction des retraités et sur les politiques intergénérationnelles. 7 – les choristes retraités nous donnent un exemple de ce que peut être une pratique artistique contributive et participative. 8 – les choristes retraités montrent qu’ils sont une force culturelle formidable qui agit au quotidien sur son entourage, une force dont il faut tenir compte pour l’avenir. 9 - depuis quelques années maintenant sous l’impulsion des politiques culturelles du Département, les politiques mises en œuvre au sein de l’ADDIM Drôme ont permis aux structures d’enseignements et de pratiques artistiques en amateurs de développer de manière importante l’interdisciplinarité et les liens avec les structures de diffusion (Train-théâtre, Comédie de Valence, Auditorium Michel Petrucciani, Lux,..) et d’enseignements artistiques (Conservatoires, écoles de danse,..). 10 – les choristes retraités témoignent que chacun est capable de construire sa propre identité culturelle et citoyenne en se servant des propositions de pratique artistique, en proposant ses compétences bénévolement et en allant vers de nouvelles activités ou savoirs. 11 – les choristes retraités font partie d’une population qui se fera de plus en plus entendre tant du point de vue politique que du point de vue des demandes culturelles. Sur la base de ce constat, ce que m’inspirent les choristes retraités aujourd’hui pourrait se traduire par 4 préconisations que je pourrais proposer aux élus afin de les intégrer dans mes missions actuelles en tant que chargé de mission du Schéma des enseignements artistiques pour le Département de la Drôme : 1- Faire évoluer la médiation culturelle que les lieux de diffusion et d’enseignements développent actuellement pour faciliter l’accès aux pratiques artistiques : elle pourrait être plus participative et contributive, insistant vraiment sur les bienfaits de la diversité, de l’intergénération, de la solidarité et de l’implication familiale Les critères qui définissent les projets innovants131 pourraient intégrer ces 4 nouveaux items. 2- Faciliter la pratique artistique pour les futurs retraités qui n’en n’ont jamais fait, leur proposant ainsi une nouvelle chance de se (re)découvrir à travers l’expression et la création artistique. Cette démarche se traduirait par une réflexion avec les services économiques et sociaux de la collectivité puis par la mise en place de dispositifs permettant de faire le lien avec les entreprises, les usines, les clubs du 3ème âge, les syndicats pour les retraités, les structures d’enseignements et de pratique en amateurs. 131 Les projets innovants sont des dispositifs qui existent depuis une dizaine d’années ; développés par le Département et l’ADDIM Drôme, ils facilitent les actions culturelles des structures d’enseignement quand ces dernières innovent tant du point de vue pédagogique et artistique que sur la façon qu’elles ont d’aller vers l’« extérieur » (vers les lieux de diffusion, les compagnies, les publics,..). 106 3- Sensibiliser et communiquer sur l’identité culturelle des retraités drômois. Réfléchir à un outil de communication qui permettrait à chacun de s’identifier par ses pratiques culturelles et bénévoles montrant ainsi que des générations de retraités de 55 à 75 ans s’investissent, pratiquent, sortent et inventent une nouvelle vie. 4- Construire une charte de coopération culturelle pour l’ensemble des structures subventionnées par le Département de la Drôme dans laquelle chaque structure proposera des actions mettant en lien les retraités, les personnes dépendantes avec les autres publics. Les nouvelles stratégies qu’inspirent les choristes retraités se heurteraient aujourd’hui aux restrictions financières dues à la crise et aussi à la Révision Générale des Politiques Publiques (RGPP) qui a pour mission globale de rationnaliser et d’optimiser les dépenses publiques. Mais comme nous le rappelle Jean-Michel Lucas132 régulièrement tout est affaire de compromis et de bon sens. Faut-il continuer de les accompagner ? Depuis de nombreuses années les Départements et collectivités n’ont eu de cesse de développer et d’accompagner la pratique chorale avec des dispositifs qui aujourd’hui se traduisent principalement par : - la formation des chefs de chœurs ; - la formation technique et vocale des choristes et chefs de chœurs ; - des évènements inter-chorales qui rapprochent les chorales des lieux de diffusion, des institutions culturelles et des lieux d’enseignements ; - la rencontre des chorales avec des artistes professionnels de toutes disciplines artistiques ; - la rencontre avec des scénographes et metteurs en scène (déroulé des concerts, mise en espace, mise en scène avec son et lumière, costumes,…) Ces dispositifs doivent perdurer. Mais nous avons encore une dizaine de chorales sur notre territoire et le plus souvent en milieu rural qui n’a pas pu trouver de chefs de chœur. La nature ayant horreur du vide, cette pénurie récurrente entraine souvent l’apparition de chef de chœur qui se retrouvent à la tête de plusieurs chorales rurales, chefs de chœur, le plus souvent non qualifié (sans diplôme d’enseignement) et en situation de précarité sociale avec de nombreux petits employeurs. 132 Ancien conseiller au Cabinet de Jacques Lang, Ancien Drac de la Région Aquitaine, Jean Michel Lucas a écrit de nombreux textes sur les politiques culturelles sous le pseudonyme de Doc Kasimir Bisou. 107 Une nouvelle mission départementale En l’absence d’une maîtrise Drôme-Ardèche133 qui pourrait permettre l’irrigation sur le territoire d’un vivier de chefs de chœur en voie de professionnalisation aux chorales, nous pourrions nous inspirer des politiques qui, à l’époque de Jacques Lang, avaient été mises en place pour la musique à l’école : Il y a plus de trente ans, ces mêmes politiques avaient permis de « construire » un nouveau métier qui était celui du musicien intervenant qui allait dans les écoles primaires en milieu rural pour que l’éducation musicale soit partagée par tous. Les politiques départementales en matière d’éduction musicale ont aujourd’hui très bien fonctionné. Les musiciens intervenants sont là et, à la demande de l’Etat et des Départements, progressivement, cette compétence a été transmise aux collectivités et communautés de communes. Ne peut-on pas penser de la même manière qu’un métier de chef de chœur départemental pourrait voir le jour ? Un ou plusieurs chefs de chœur pourraient être engagés pour une mission départementale pour aller faire chanter les chorales en milieu rural. Une mission mais pour quel projet choral ? Mais un chef de chœur « départemental » ou une équipe « ressource » pourraient aussi accompagner les chorales pour qu’elles puissent être capables de déterminer sans hésitation l’objet de leur pratique. Guillaume Deslandres, président de l’IFAC134 précisait que nos politiques d’accompagnement de la pratique chorale ne prenaient pas assez en compte le projet personnalisé des chorales. Du moins fallait-il qu’elle puisse le nommer. Il souligne que, parfois, les dispositifs d’accompagnement des pratiques chorales projettent sur les chorales des demandes et des exigences artistiques qui ne sont pas les leurs, culpabilisant parfois les choristes avec une idée très particulière du progrès, liée trop souvent à la dimension artistique et technique. Alors une mission chorale départementale mais pour quel progrès ? Il n’y a pas de réponse précise à cette question, elle mériterait à elle seule un autre mémoire. Mais Guillaume Deslandres nous donne une piste sur la façon de procéder pour déterminer la nature de ce progrès : « il faut aborder ces pratiques avec bienveillance et humilité » Et c’est dans cet état d’esprit qu’il faudra accompagner les pratiques chorales sur les territoires en prenant à chaque fois le temps nécessaire pour déterminer avec les choristes 133 134 Lire le rapport de gestion « la Maîtrise de la Loire est- elle un outil pertinent pour les Départements Drôme – Ardèche ? », Roland Bouchon, OPC 2009. IFAC : Institut Français de l’Art Choral 108 les progrès qu’ils souhaitent réaliser. Ceci afin de savoir au mieux si nous pouvons les accompagner jusqu’où et comment. 7.2/ La nécessaire compréhension des parcours de vie pour des politiques culturelles efficientes Les choristes retraités, par leur demande fréquente de soutien, nous avaient donné le sentiment qu’ils avaient besoin de plus d’aide publique. Sans étude approfondie de ce public et des raisons qui l’ont poussé à pratiquer l’art choral, la question qui est le titre de cette conclusion ne se serait sans aucun doute pas posée. Si les lois de décentralisation continuent de renforcer l’autonomie des collectivités dans les prises de décision politiques, ce qui semble être le cas quand on prend conscience des réformes annoncées à travers la commission Balladur et de la « régionalisation » des compétences, on peut réfléchir à la nécessité d’avoir au sein des services de la collectivité territoriale la compétence « Etude des publics, étude des parcours culturels». Nous espérons bien sûr que le DEPS, Département des Etudes, de la Prospective et des Statistiques continuera de nous donner régulièrement le panorama des pratiques culturelles Françaises. En Rhône -Alpes, cette mission d’Observation des politiques culturelles est assurée pour partie par Nacre, la Nouvelle Agence Culturelle en Région. De nombreuses Régions en France, en direct on non, ont cette compétence : nous pouvons prendre l’exemple en Région Aquitaine, de la création récente de L’Observatoire Régional Culturelle au Conseil Régional Aquitaine135, ou avec un EPCC (Etat, Région) avec Spectacle Vivant en Bretagne. Mais ce que l’on peut percevoir à travers ces différentes missions d’observations régionales, c’est qu’elles sont souvent axées sur les missions des Régions et donc sur l’étude « statistique» des bassins d’emploi et des parcours professionnels de la culture et pas spécifiquement sur les parcours de vie et sur des études longitudinales, c'est-à-dire sur le temps, d’un même public. En ce moment, ces études régionales concernent : - les enjeux économiques de la Culture : les bassins d’emploi du spectacle vivant (compagnie, intermittents du spectacle, festivals,..), des enseignants artistiques (théâtre, musique, danse, cirque, image numérique), du poids économique de la pratique en amateur… - l’évolution des pratiques artistiques : orchestre à l’école, enseignements et pratiques du théâtre, développement des musiques du monde, évolution des classes CHAM, études des enseignements en Europe et extra-européen, du chant choral (par l’intermédiaire de la plateforme Interrégionale et des Missions voix), etc… 135 http://aquitaine.fr/politiques-regionales/culture/observatoire-regional-de-la-culture.html 109 Nous trouvons très peu d’enquêtes liées à un territoire. Certes nous avons régulièrement (tous les 10 ans) les enquêtes du DEPS, et notamment celles dirigées par Olivier Donnat136, qui nous proposent des données présentant des comportements culturels en fonction d’âge, de sexe et de classes sociales à une échelle nationale mais ces dernières ne peuvent pas se substituer à des travaux tels que ceux effectués sur la ville de Grenoble, ne serait-ce que par la démarche qualitative, où l’on prend le temps (et les moyens) d’aller à la rencontre des individus et de parler de leur expérience : « En effet, en partant des individus, en retraçant leur parcours social et en essayant de reconstituer leurs choix, pour ensuite construire de manière méthodique les types caractéristiques auxquels ils appartiennent en fonction de leur “ poids ” relatif dans les équilibres sociaux, on s’interroge nécessairement sur leurs expériences et donc sur le mode de formation de leur identité sociale. On s’efforce ainsi de dessiner leur horizon et pour ce faire, on définit leurs“ intérêts ” et leurs “ raisons d’agir ” a posteriori et bien au-delà de leurs identités de surface. »137 L’étude des parcours de vie pour faire évoluer les politiques culturelles. La ville de Grenoble dispose avec l’ouvrage Comportements et représentations culturelles des grenoblois, d’un formidable outil d’évaluations et de prospectives pour ses politiques culturelles à venir mais le temps et les moyens financiers pour réaliser ces travaux sont sans commune mesure avec la grande majorité des observations et études menées au niveau régional dans le domaine culturel. Les études à venir liées aux enjeux de demain Sans reprendre l’intégralité de la première partie, nous pouvons d’ores et déjà affirmer que les retraités, jeunes et moins jeunes, constituent le public de l’avenir. Devant cet enjeu majeur de notre société, pour : - que la pratique artistique s’inscrive au mieux dans les nouveaux contrats politiques sociaux (CUCS, Agenda 21, CDRA,…) - que les pratiques artistiques soient plus souvent facteurs du bien-être de ces derniers, - que les politiques intergénérationnelles puissent naître à travers une organisation nouvelle des services publics de la culture, une étude sur les parcours de vie culturels des retraités dans la Drôme pourrait être menée. Ou, si nous partons du constat qu’en Europe 81% de la population vit en région urbaine, cette étude pourrait concerner la future Communauté d’Agglomération du Grand Valence. Elle serait menée en collaboration avec un laboratoire de recherche ou confiée à un chercheur qui aura les compétences adéquates, compétences que nous ne trouvons pas forcément actuellement et généralement dans les collectivités. 136 La dernière enquête sur les comportements culturels des français doit être disponible dès la rentrée 2009. 137 Carrières de spectateurs au théâtre public et à l’opéra. Les modalités des transmissions culturelles en questions : des prescriptions incantatoires aux prescriptions opératoires Emmanuel PEDLER et Aurélien DJAKOUANE, déjà cité 110 Et si demain les sociologues et philosophes créaient un nouveau cadre d’emploi dans la fonction publique ? Au moment où les politiques se retrouvent au carrefour d’évolutions majeures de notre société (réforme Balladur, directives européennes, évolution de la constitution française), au moment où les politiques sont contraintes par une logique économique et du rendement (RGPP), au moment où les évolutions vont à un rythme de plus en plus élevé, associer à la construction de nos politiques futures des scientifiques et des penseurs nous serait peut-être profitable. Nous avons rencontré Luc Carton, philosophe, chargé de mission auprès de la Direction générale de la Culture, Ministère de la Communauté française de Belgique, qui de par sa mission, revisite les fondements et le sens des politiques culturelles belge au cœur d’un service public. Voilà un penseur au sein d’un ministère de la culture qui se décrit lui-même comme un « philosophe de terrain ». Nos services ne pourraient-ils pas intégrer des philosophes et des sociologues de « terrain » dans un système opérant ? Un sociologue et philosophe flamand Eric Corijn, qui apportait son point de vue scientifique et intellectuel sur la question du rôle de la culture sur la cohésion sociale et urbaine précisait « Nous vivons une ère historique de changement profond qui reconstitue la société humaine….aussi important que la révolution industrielle qui à profondément changé la société et la façon d’être ensemble.. ». Il nous rappelle une fois de plus la nécessaire réflexion « humaine » pour construire des politiques sociales et culturelles cohérentes. Rejoignant ainsi la réflexion que Bernard Stiegler nous livrait, il y a peu, lors d’une rencontre à l’Observatoire des politiques culturelles au centre Georges Pompidou « Je crois que nous devons aller vers une nouvelle économie qui n’est plus une économie consumériste mais une économie que j’appelle de la contribution. Ce que je crois c’est que les individus d’aujourd’hui ne veulent plus être des consommateurs, ils veulent être des contributeurs. Ce que veut le public d’aujourd’hui, qui est un vrai public et non pas seulement une audience, c’est participer à la production de son monde, il veut être actif et il le veut parce qu’il le peut, car l’homme ne veut que ce qu’il peut ». C’est une vision qui peut être partagée par tous ceux qui croient encore que la culture intergénérationnelle ne se résume pas à l’industrie culturelle. Mais l’émergence de ces politiques contributives sont aujourd’hui ralenties, d’une part, par la crise financière et mondiale et d’autre part, par l’attente du débat parlementaire sur les redéfinitions du rôle des collectivités et des compétences futures qui leurs seront attribuées. Pour certains cette période de questionnement reste une période idéale pour remettre à plat les politiques culturelles et faire en sorte qu’avec le concours de penseurs et de scientifiques, elles prennent une place centrale dans les années à venir pour participer à la « troisième vie » des citoyens ? 111 7.3/ Le lien social, l’avenir des politiques culturelles de demain ? Pour que les pratiques artistiques aient une nouvelle place dans la vie des personnes retraitées d’aujourd’hui et de demain, elles devront répondre à trois préalables : 1 – Les politiques culturelles doivent apprendre à être conjointes à l’ensemble des politiques publiques : le lien social, c’est aussi le lien entre services publics. Le service culture ne devrait plus rester normé avec des règlements spécifiques, ni cloisonné en direction de publics précis, il devrait compléter le service de l’économie, de l’industrie, de l’environnement, de l’éducation, etc… Parler de la valeur ajoutée d’une pratique artistique dans une entreprise peut surprendre mais peut aujourd’hui trouver sens dans une grande entreprise nationale de télécommunications qui réfléchit sur ses techniques de management afin de mieux gérer le stress de ses salariés. Développer une pratique artistique dans une entreprise, c’est aussi connaître le savoir-être des ouvriers. Ce lien inter-service, c’est aussi un état d’esprit qui permettrait dans quelques années que le projet éducatif sur l’eau, la terre, l’air et le feu soit accepté par le service « environnement » sur une ligne budgétaire conjointe à celle de la culture, traduisant ainsi un modèle financier supplémentaire pour la culture. 2 – La nécessaire redéfinition des pratiques artistiques Les pratiques artistiques évoluent autour de nous. Les définitions et les représentations que nous avons des pratiques artistiques doivent prendre en compte les nouvelles pratiques, les nommer et identifier les nouveaux patrimoines qu’elles construisent peu à peu. Un adolescent sur son ordinateur « colle » des morceaux de musique en les superposant à des vidéos, les envois sur Myspace et les partage sur la toile avec d’autres internautes : cela ne peut-il pas être perçu comme une nouvelle pratique artistique en amateur ? Internet sert de plateforme depuis quelques années maintenant à la construction collective de nouvelles œuvres d’art, donc est-il encore légitime de n’aider principalement que les pratiques chorales, les batteries fanfares, les harmonies et les musiques actuelles ? Il y a déjà un rééquilibrage nécessaire des aides publiques pour les pratiques chorégraphiques, théâtrales et celles des arts de la rue, pouvons-nous aussi nous préoccuper des pratiques numériques ? Quand cet adolescent sera lui-même à la retraite aura-t-il envie d’aller découvrir une chorale ou de continuer dans une maison intergénérationnelle d’avoir le matériel à la pointe de la technologie pour améliorer ses techniques de musique holographique ? Comment les politiques publiques peuvent-elles aider les structures d’accueil des personnes âgées à envisager les pratiques culturelles de demain dans leurs services ? 3 – La construction de politiques culturelles en direction des familles Nous le précisions plus haut, mener une politique uniquement en direction des retraités pourrait réveiller quelques dérives communautaires. S’il y a bien un public qui rassemble l’ensemble des publics que ciblent nos politiques c’est bien la cellule familiale et c’est aussi dans cette dernière que l’influence de l’action culturelle est la plus forte et que les séniors souhaitent apporter leurs richesses culturelles. 112 CONCLUSION En ce qui concerne le développement de la pratique chorale, les dispositifs qui existent déjà dans les Départements doivent dans leur ensemble perdurer. Néanmoins, les missions départementales « chant choral » pourraient évoluer et « inventer » un chef de chœur départemental ou une équipe ressource, qui à l’image des musiciens intervenants en milieu scolaire, auraient pour objectif de faire chanter et d’accompagner d’une manière plus personnalisée les chorales en milieu rural. Cet accompagnement se baserait sur un compromis dans lequel les items de projets et de progrès compléteraient celui de la qualité artistique. L’approche sociologique des choristes retraités nous a permis de distinguer des modes opératoires qui pourraient inspirer des politiques culturelles plus innovantes, solidaires et intergénérationnelles pour l’avenir. En l’absence de cette approche nous n’aurions peut-être pas perçu que le choriste retraité isérois n’est pas la « cible » que vise la démocratisation culturelle depuis quelques années mais un individu qui par le jeu de différents rôles sociaux est un médiateur culturel intergénérationnel important pour sa famille, ses proches et la société. Devant les enjeux démographiques et économiques qui se présentent à nous, le regard sociologique des pratiques culturelles nous semble encore plus nécessaire que jamais. En effet, comment les pouvoirs publics (et quelles collectivités ?) vont-ils accompagner les pratiques artistiques des retraités de plus en plus nombreux avec des comportements culturels qui ne cessent d’évoluer ? Si l’enquête sur les parcours de vie des choristes retraités nous apprend quels sont les réseaux d’influence et les prescripteurs de la pratique chorale, elle ne nous apprend pas quelles formes vont prendre les pratiques chorales de demain. Mais ce qui apparait aujourd’hui important pour que de plus en plus de personnes retraitées aient une pratique artistique, c’est de savoir comment ces pratiques se diffusent avant de se préoccuper de leurs formes à venir. Le choriste retraité Isérois est ici un formidable diffuseur culturel qu’il faut valoriser en lui proposant la meilleure place possible: celle auprès des jeunes et des moins jeunes. 113 BIBLIOGRAPHIE - Sociologie de la culture : ouvrages généraux ADORNO W.T, HORKHEINMER M, La dialectique de la raison, collection tel, Gallimard ATTIAS-DONFUT C, SEGALEN M, Grands Parents, la famille à travers les générations, Odile Jacob SEGALEN M, Sociologie de la Famille, Collection U, Armand Colin BERA M., LAMY Y., Sociologie de la culture, Armand Colin, 2003. COULANGEON Ph., Sociologie des pratiques culturelles, Paris, La Découverte, coll. « Repères », 2005. DONNAT O., Les Amateurs. Enquête sur les activités artistiques des Français, Paris, La Documentation française, 1996. DONNAT O., Les Pratiques culturelles des Français. Enquête 1997, Paris, La Documentation Française, 1998. DONNAT O. (dir.), Regards croisés sur les pratiques culturelles, Paris, La Documentation Française, 2003. DONNAT O., TOLILA P. (dir.), Le(s) public(s) de la culture, Paris, Presses de Sciences Po, 2003. HENNION A., MAISONNEUVE S., GOMART A., Figures de l’amateur, Paris, La Documentation Française, 2000. LAHIRE B., L'homme Pluriel. Les ressorts de l'action, Paris, Nathan, coll. « Essais & Recherche », 1988. SAEZ G. (dir.), Institutions et vie culturelles, Paris, La Documentation Française, « Les notices », CNFPT, 2004. URFALINO L’invention de la politique culturelle, Hachettes Littératures, Pluriel BOZONNET JP, DETREZ C, LACERENZA S, Pratiques et représentations culturelles des grenoblois, Editions de l’Aube ENHERBERG A., le culte de la performance. Les ressorts de l'action, Paris, Nathan, coll. « Essais & Recherche », 1988. ENHERBERG A., La fatigue d’être soi. Les ressorts de l'action, Paris, Nathan, coll. « Essais & Recherche », 1988. ELIAS NOBERT, la société des individus, collection Agora, Fayard 114 JAUSS H. R., pour une esthétique de la réception, Collection Tel, Gallimard CARADEC V, Sociologie de la vieillesse et du vieillissement, coll. « 128 », Armand Colin EMILE DURKHEIM, les règles de la méthode sociologique WARNIER JP, La mondialisation de la culture, coll. Repère, La Découverte MALRAUX A., la politique de la Culture, Folio Essais DARMON M, La socialisation, coll. 128, Armand Colin PAILLAT P, Les Pratiques culturelles des personnes âgées - la Documentation française, 1993 - Etudes et enquêtes (téléchargeables sur le site http://www.culture.gouv.fr/deps) DMDTS, 2007, Une approche des pratiques chorales en France DMDTS, 2007, Le monde des pratiques chorales : esquisse d’une topographie G. Lurton, DMDTS, 2007, Approche générationnelle des pratiques culturelles et médiatiques, O. Donnat, F. Levy - Rapport du COR BOUTRAND M, Seniors et cité, 2009 pour le Conseil Economique, Social et Environnemental, - Ouvrages généraux HERMANN H, Eloge de la vieillesse, livre de Poche GUERIN S, L’invention des Séniors Hachettes Littérattures, Pluriel DE ROSNAY J, SERVAN SCHREIBER JL, DE CLOSETS FRANÇOIS, SIMONNET DOMINIQUE, Une vie en plus, collection Essais - Points - Articles CARADEC V, les pratiques culturelles des retraités, Cairn mars 2003 TAVAN C, Les pratiques culturelles : le rôle des habitudes prises dans l’enfance, Conditions de vie des ménages, Insee FÉVRIER 2003 COLBERT F, La fréquentation des arts et la retraite, Quoi de neuf - juin 2007 DJAKOUANE A, Du questionnaire à la biographie et vice-versa : regards croisés sur l’évolution des préférences esthétiques des spectateurs de théâtre, Sociologie de l’art, OPUS n° 9 - 1 0 115 ,« Questions de méthode » - Paris, L’Harmattan, 2006. Sous la direction d’André Ducret, pp. 107-123 - Ouvrages consacrés aux méthodologies d’enquête. ARBORIO A.-M., FOURNIER P., L’enquête et ses méthodes : l’observation directe, Nathan Université, coll. « 128 », 1999. BERTAUX D., Les récits de vie, Paris, Nathan Université, coll. « 128 »,2001. BLANCHET A., GOTMAN A., L’enquête et ses méthodes : l’entretien, Nathan Université, coll. « 128 », 1992. DESROSIERES A., THEVENOT L., Les Catégories socioprofessionnelles, Paris, La Découverte, 2000. DE SINGLY F., L'enquête et ses méthodes : le questionnaire, Nathan Université, coll. « 128 », 1992. KAUFMANN J.-C., L’entretien compréhensif, Nathan Université, coll. « 128 », 1996. - Mémoire Anna Gometz - La mobilisation des savoirs chez les retraités à travers la pratique bénévole (Téléchargeable sur Mémoire Online) 116 SOMMAIRE ANNEXES ANNEXE 1 – Questionnaire vierge 117 ANNEXE 2 - Resultats du questionnaire 123 ANNEXE 3 - Les moments clés de l’histoire des retraites 143 ANNEXE 4 - Perception de la vieillesse depuis le 18ème siècle 145 Annexe 5 – Evolution du nombre de cotisants et de retraités 147 Annexe 6 – Liste des chorales rencontrées 148 117 ANNEXE 1 – QUESTIONNAIRE VIERGE Questionnaire n° Nom de la chorale : Nombre total de choriste : Style de musiques : Ville : Date : Enquête sur les choristes – 2009 Les Départements de l’Isère, de la Drôme et de l’Ardèche ont mis en place des dispositifs d’accompagnement pour les pratiques chorales. Ce questionnaire a donc pour objectif de mieux connaître les choristes amateurs, leur parcours, leurs goûts et leurs attentes. Nous vous remercions de répondre le plus précisément possible à l’ensemble des questions suivantes. Nous vous rappelons que ce questionnaire est strictement anonyme et confidentiel. Il ne vous prendra que quelques minutes. Cette enquête est réalisée dans le cadre d’un mémoire de Master coordonné par l’Observatoire des Politiques Culturelles. Ce travail est mené sous la direction scientifique d’Aurélien Djakouane, sociologue, chercheur au SHADYC (EHESS-CNRS) en étroite collaboration avec le Service des pratiques artistiques/lien social du Département de l’Isère, dirigé par Christiane Audemard et Gaël Astier. Pour de plus amples informations, vous pouvez contacter notre enquêteur Roland Bouchon… 1ERE PARTIE – VOTRE PARCOURS CHORAL. 1 – Est-ce la première année que vous chantez dans une chorale ? Oui Non Si NON, depuis combien d’années chantez-vous dans cette chorale ? : …… 2 – En quelle année avez-vous chanté dans une chorale pour la première fois ? : .......... Il s’agissait : D’une chorale scolaire ou universitaire D’une chorale paroissiale D’une chorale associative D’un conservatoire Autre, précisez :…………………………………………………………………………………… 3 – Au cours de ces années avez-vous cessé de fréquenter une chorale ? Oui Non Si OUI, combien d’année a duré cette interruption ? : ……………………………………. 4 – Quelles étaient les raisons de cette interruption ? Des contraintes professionnelles Un manque de plaisir D’autres loisirs Des contraintes familiales Un manque d’exigence artistique Autre, précisez :…………………………………………………………………………………… 5 – La première fois que vous êtes allé dans une chorale pour chanter, vous étiez : Seul Avec des amis En famille Avec l’école Autre, précisez :…………………………………………………………………………………… 6 – Avez-vous reçu une formation musicale (vocale/instrumentale)? Oui Non 118 Si OUI, c’était : A l’école Au conservatoire Dans des cours privés De manière autodidacte Autre, précisez :…………………………………………………………………………………… 7 – Lorsque vous étiez enfants, vos parents faisaient-ils de la musique ? Oui Non Si OUI, quels instruments pratiquaient-ils ? : ………………………………………………………… 8 – Pour vous, chanter, c’est : (3 réponses maximum) Avoir une activité physique S’engager vis à vis du groupe S’évader, rêver Trouver sa place dans le groupe Oser, avoir confiance en soi Partager, échanger, communiquer Avoir une pratique culturelle Ne pas être seul Prendre du plaisir, vivre des émotions Construire un projet en groupe Faire de la musique sans instrument Séduire Autre, précisez :…………………………………………………………………………………… 9 – Pour vous, chanter en concert, c’est essentiellement (une seule réponse) : Une poussée d’adrénaline, des émotions Se valoriser, se mettre en avant Profiter pleinement de la vie Se surpasser, se prouver à soi même Autre, précisez :…………………………………………………………………………………… 2EME PARTIE – VOUS ET VOTRE CHORALE. 10 – Comment avez-vous découvert la chorale où vous chantez aujourd’hui ? (1 seule réponse) Par des amis Par quelqu’un de ma famille Par moi-même Par l’école, l’Université Elle est à côté de chez moi A l’occasion d’un concert Par des affiches, des tracts Par d’autres médias (presse, internet) précisez : …………….. ………… Autre, précisez :…………………………………………………………………………………… 11 – Quelle est la raison qui vous a poussé à choisir cette chorale ? ? (1 seule réponse) Les répertoires proposés La proximité de mon domicile Les conseils d’un ami Les conseils de quelqu’un de ma famille Les conseils d’un professeur Les médias (presse, internet) précisez : ……………… Autre, précisez :…………………………………………………………………………………… 12 – Rencontrez-vous des difficultés techniques liées à la pratique vocale ? Oui Non Si OUI, ce sont des difficultés de ? Concentration Mémorisation Technique vocale Théorie musicale (solfège) Autre, précisez :…………………………………………………………………………………… 13 – Combien de kilomètres faîtes vous pour vous rendre au lieu de répétition ? : ……….km 14 – Quel moyen de transport utilisez-vous pour allez répéter ? : Marche à pied Voiture Co-voiturage Transports en communs 119 15 – Vous investissez-vous à la chorale en tant que bénévole? Oui Non Si OUI, vous aidez : Au secrétariat A la promotion des concerts A l’organisation des concerts 16 – En 2008, combien de concerts avez-vous fait avec cette chorale : …………… 17 – Votre famille est-elle associée à votre pratique chorale ? Oui Non Si OUI, sous quelle forme ? …………………………………………………………………………………………………………………… 3EME PARTIE - VOS PRATIQUES CULTURELLES 18 – Parmi les styles de musique suivant, cochez vos trois favoris Comédie musicale Musique classique, romantique ancienne Musique contemporaine RnB, rap, slam Musiques traditionnelles Jazz, gospel française Musique électronique Rock Autre, précisez :…………………………………………………………………………………… Musique baroque, Musiques du monde Variétés, chanson 19 – Avez-vous une autre pratique artistique amateur (théâtre, peinture, danse, composition musicale ou graphique sur ordinateur, etc.) ? Oui Non Si OUI, précisez laquelle et depuis combien d’année : …………………………………………………………………………………………………………………. ET, cette pratique vous encourage-t-elle à assister à des spectacles ? Oui Non 20 - Au cours des 12 derniers mois, combien de fois êtes-vous allé : Au cinéma ……………… A un spectacle de rue ……………… A un concert …………… A un spectacle de cirque…………… Au théâtre ……………… Au musée, à une exposition……… A l’opéra ……………………... A une soirée Slam…………… A un spectacle de danse…… 21 – Vous servez-vous d’internet pour écouter la musique ? Oui Non Si OUI, précisez : Vous télécharger des titres Vous télécharger des partitions Vous écoutez de la musique Vous visionnez des vidéos Autres, précisez : ………………………………………………………… 120 4EME PARTIE- VOS ATTENTES A L’EGARD DES POUVOIRS PUBLICS 22 – Près de chez vous, connaissez-vous une manifestation publique qui promeut la pratique chorale? Oui Non Si OUI, laquelle ? : ………………………………………………………………………………………………………………………… ………………………………………………………………………………………… 23 – Sélectionnez 4 activités que vous aimeriez faire plus souvent avec la chorale ? Chanter avec des professionnels Participer à des rencontres inter-chorales Assister à des conférences musicales Suivre une formation de technique vocale Chanter des créations musicales inédites Chanter dans des lieux patrimoniaux Chanter sur des vraies scènes de concert (théâtres, auditorium, etc.) Rencontrer des publics en difficultés (maisons de retraite, handicapés, etc.) Rencontrer des artistes d’un autre domaine que le chant Autre, …………………………………………………………………………………………………………………… précisez : 5EME PARTIE-– VOUS, TOUT SIMPLEMENT 24 – Vous êtes : Un homme Une femme 25 – Vous êtes né(e) en : 19………… 26 – Vous habitez la commune de : ………………………… ………………… précisez le code postal :…………… 27 – Avez-vous vécu longtemps ailleurs que là ou vous résidez actuellement ? Oui Non Si OUI, précisez le code postal ……………............…………… 28 - Quelle est votre situation professionnelle ? Travaille à temps complet Travaille à temps partiel Demandeur d’emploi Femme au foyer Inactif Autre, précisez : ………………………………………………………… Retraité Etudiant, élève 29 - Quelle est votre profession ? (Actuelle ou la dernière exercée) Agriculteur exploitant Artisan, commerçant, chef d’entreprise de mois de 10 salariés Chef d’entreprise de 10 salariés ou plus Profession libérale Profession des arts du spectacle et de l’information Professeur (secondaire et supérieur), profession scientifique Cadre de la fonction publique autre que professeur 121 Cadre d’entreprise, ingénieur Professeur des écoles, instituteurs et assimilés Profession intermédiaire de la santé, du travail social de la fonction publique Profession administration et commerciale d’entreprise Clergé, religieux Technicien, contremaître, agent de maitrise Employé Policier, Militaire Ouvrier, chauffeur routier et conducteur de taxi 30 – De combien de personnes votre foyer fiscal est-il composé (Vous inclus) : ………… Avez-vous des enfants ? Oui Non Non Des petits enfants ? Oui 31 - Dans quelle tranche de revenus se situe votre foyer ? (salaires/allocations cumulés nets) ? Entre 1000 € et 2 000 € par mois Entre 3 500 € et 5 000 € par mois Plus de 7500 € Entre 2000 € et 3500 € par mois Entre 5000 € et 7500 € 32 - Quel est votre niveau d’études? Fin d’études primaires (certificat d’études) Etudes secondaires (BEPC) Etudes secondaires (CAP/BEP) Etudes secondaires (BAC) Diplôme professionnel supérieur (BAC+2) Diplôme universitaire supérieur (>BAC+2) Nous vous remercions d’avoir répondu à ce questionnaire. Pour obtenir les résultats de l’enquête (octobre 2009) vous pouvez me contacter à l’adresse suivante : Roland Bouchon, 7 rue Henry Turin, 26000 Valence ou par mail à [email protected] 122 ANNEXE 2 : RESULTATS DU QUESTIONNAIRE 1 – Est-ce la première année que vous chantez dans une chorale ? Tableau 101 non oui sans réponse Total Nombre de choristes 443 20 4 467 % 95% 4% 1% 100% Depuis combien d’années chantez-vous dans cette chorale ? Tableau 102 1 an 2 à 5 ans 6 à 10 ans 11 à 20 ans 21 à 30 ans 31 et plus sans réponse Total Nombre de choriste 57 130 107 77 34 6 56 467 % 12% 28% 23% 16% 7% 1% 12% 100% 2 – En quelle année avez-vous chanté dans une chorale pour la première fois ? Bon nombre de choristes ont estimé faire la première fois du chant choral dans une chorale indépendante du milieu scolaire ou universitaire, de ce fait certain n’ont pas pris en compte comme la première fois, l’année où ils ont commencé à chanter à l’école, au collège ou à l’université. Ici la question aurait mérité d’être plus précise et de spécifier, « en dehors de vos études scolaires quand avez vous chanté…. » 123 Il s’agissait d’une chorale : Tableau 104 une chorale associative une chorale scolaire ou universitaire une chorale paroissiale une chorale municipale ou d'un conservatoire divers sans réponse Total Nombre de choriste 277 117 44 9 1 19 467 % 59% 25% 9% 2% 0% 4% 100% 3 – Au cours de ces années avez-vous cessé de fréquenter une chorale ? Tableau 105 oui non sans réponse Total Nombre de choriste 234 212 21 467 % 50% 45% 4% 100% Combien d’année a duré cette interruption ? Tableau 106 1 an 2 à 5 ans 6 à 10 ans 11 à 20 ans 21 à 30 ans 31 et plus sans réponse Total Nombre de choriste 28 51 48 43 20 28 16 234 % 12% 22% 21% 18% 9% 12% 7% 100% 124 4 - Quelles étaient les raisons de cette interruption ? Tableau 107 des contraintes professionnelles des contraintes familiales d'autres loisirs, d'autres choix un manque de plaisir un manque d'exigence artistique des raisons de santé études autre sans réponse Total choix n°1 117 44 36 8 5 5 4 5 10 234 choix n°2 1 62 14 4 5 1 7 94 Nombre de choristes 118 106 50 12 10 6 4 5 17 328 NB : Les choix ne sont pas la traduction d’un ordre prioritaire. 5 - La première fois que vous êtes allé dans une chorale pour chanter, vous étiez : Tableau 108 avec des amis seul à l'école, au collège, au lycée, à l'université en famille en couple sans réponse Total Nombre de choristes 174 163 62 50 10 8 467 % 37% 35% 13% 11% 2% 2% 100% 6 - Avez-vous reçu une formation musicale (vocale/instrumentale) ? Tableau 109 oui non sans réponse Total Nombre de choristes 255 209 3 467 % 55% 45% 1% 100% C’était Tableau 110 à l'école dans des cours privés au conservatoire de manière autodidacte sans réponse Total Nombre de choristes 117 70 52 11 5 255 % 46% 28% 20% 4% 2% 100% 125 % 36% 32% 15% 4% 3% 2% 1% 2% 5% 100% 7 – Lorsque vous étiez enfants, vos parents faisaient-ils de la musique ? Tableau 111 non oui sans réponse Total Nombre de choristes 365 97 5 467 % 78% 21% 1% 100% Quels instruments pratiquaient-ils ? Tableau 112 piano guitare violon chant accordéon saxophone trompette clarinette batterie chant choral violoncelle bugle cithare flute traversière / flûte à bec percussion trombone harmonica mandoline Vielle accordéon diatonique sans réponse Total 1er 35 12 9 9 6 4 4 3 2 2 2 1 1 1 1 1 2ème 10 2 2 2 2 1 2 1 1 1 3ème 1 1 3 2 1 5 2 1 1 1 4 97 33 9 instuments cités 46 15 14 13 8 5 6 4 3 4 2 1 1 6 1 1 2 1 1 1 4 139 % 33% 11% 10% 9% 6% 4% 4% 3% 2% 3% 1% 1% 1% 4% 1% 1% 1% 1% 1% 1% 3% 100% 126 8 – Pour vous, chanter, c’est : Tableau 113 prendre du plaisir, vivre des émotions partager, échanger, communiquer avoir une pratique culturelle construire un projet en groupe faire de la musique sans instrument s'évader, rêver oser, avoir confiance en soi s'engager vis-à-vis du groupe trouver sa place dans le groupe avoir une activité physique ne pas être seul séduire don de soi pour les autres faire un spectacle progresser sans réponse Total proposition n°1 proposition n°2 proposition n°3 38 178 152 122 113 16 28 56 23 25 81 1 16 86 84 14 59 25 9 80 2 29 18 3 20 3 5 3 3 1 1 1 3 15 88 467 467 467 total 368 251 107 106 103 98 93 82 50 20 11 3 1 1 1 106 1401 % 26% 18% 8% 8% 7% 7% 7% 6% 4% 1% 1% 0% 0% 0% 0% 8% 100% 9 – pour vous chanter en concert, c’est : Tableau 113 a une poussée d'adrénaline, des émotions profiter pleinement de la vie se surpasser, se prouver à soi même aboutissement d'un projet partager avec le public autre se valoriser, se mettre en avant sans réponse Total nombre de choristes 193 117 61 32 25 17 12 10 467 % 41% 25% 13% 7% 5% 4% 3% 2% 100% 127 10 – Comment avez-vous découvert la chorale où vous chantez aujourd’hui ? Tableau 114 par des amis par moi-même à l'occasion d'un concert par quelqu'un de ma famille elle est à côté de chez moi par des affiches, des tracts forum des associations internet création du chœur autre journal municipal par l'école, l'université annonce dans un journal guide de l'étudiant office du tourisme par la mairie un tram nommé culture sans réponse Total nombre de choristes 254 48 46 28 22 10 8 5 4 3 2 2 1 1 1 1 1 3 440 % 58% 11% 10% 6% 5% 2% 2% 1% 1% 1% 0% 0% 0% 0% 0% 0% 0% 1% 100% 11 – Quelle est la raison qui vous a poussé à choisir cette chorale ? Tableau 115 les répertoires proposés les conseils d'un ami la proximité de mon domicile autre les connaissances convivialité les conseils d'un professeur création du chœur les conseils de quelqu'un de ma famille la qualité du chef de chœur facilité d'accès les médias les horaires sans réponse Total nombre de choristes 200 94 88 14 13 11 10 7 7 6 4 3 1 9 467 % 43% 20% 19% 3% 3% 2% 2% 1% 1% 1% 1% 1% 0% 2% 100% 128 12 – Rencontrez-vous des difficultés techniques liées à la pratique vocale ? Tableau 116 oui non sans réponse Total nombre de choristes 290 164 13 467 % 62% 35% 3% 100% ce sont des difficultés de Tableau 117 technique vocale mémorisation théorie musicale concentration langue étrangère sans réponse Total nombre de choristes 105 85 76 9 3 12 290 % 36% 29% 26% 3% 1% 4% 100% 13 – Combien de kilomètres faîtes vous pour vous rendre au lieu de répétition ? Chaque choriste fait en moyenne 8km pour se rendre sur son lieu de répétition. 14 – Quel moyen de transport utilisez-vous pour allez répéter ? Tableau 119 voiture co-voiturage marche à pied vélo transport en commun sans réponse Total nombre de choristes 249 134 56 16 7 5 467 % 53% 29% 12% 3% 1% 1% 100% 129 15 – Vous investissez-vous à la chorale en tant que bénévole? Tableau 120 oui non sans réponse Total nombre de choristes 233 224 10 467 Tableau 120 a demandeur d'emploi étudiant femme au foyer retraité travaille à temps complet travaille à temps partiel Moyenne % 50% 48% 2% 100% nombre de choriste 1 4 8 112 88 20 233 non bénévole 83% 60% 53% 44% 47% 63% 49% bénévole 17% 40% 47% 56% 53% 37% 51% Total 100% 100% 100% 100% 100% 100% 100% vous aidez Tableau 121 à l'organisation des concerts à la promotion des concerts secrétariat aux répétitions par pupitre autre chef de chœur sans réponse Total nombre de choristes 79 76 55 3 2 1 17 233 % 34% 33% 24% 1% 1% 0% 7% 100% 16 – En 2008, combien de concerts avez-vous fait avec cette chorale ? Le nombre moyen de concert par an par choriste est de 4,2 130 17 – Votre famille est-elle associée à votre pratique chorale ? Tableau 123 non oui sans réponse Total nombre de choristes 295 160 12 467 % 63% 34% 3% 100% sous quelle forme ? Tableau 124 assiste aux concerts chante avec mon(ma) conjoint(e), en couple autre ma fille, mes enfants, mes sœurs et frères , mon père, ma mère est (sont) dans la même chorale aide à l'organisation des concerts sans réponse Total nombre de choristes 58 53 16 13 % 36% 33% 10% 8% 12 8 160 8% 5% 100% 18 – Parmi les styles de musique suivant, cochez vos trois favoris Tableau 125 musique classique, romantique musiques du monde chanson française, variétés musique baroque, ancienne jazz, gospel musiques traditionnelles comédie musicale musique contemporaine rock rnb, rap, slam musique électronique sans réponse Total musique favorite n°1 227 63 5 42 8 15 69 24 musique favorite n°2 31 91 27 112 66 61 musique favorite n°3 0 37 137 15 88 49 24 2 6 5 42 467 11 36 0 3 91 467 4 10 467 musiques citées 258 191 169 169 162 125 69 59 38 10 8 143 1401 Il est arrivé parfois difficile de différencier musiques traditionnelles et musiques du monde. Le questionnaire sur cette partie aurait mérité d’être plus précis dans la formulation. 19 – Avez-vous une autre pratique artistique en amateur ? Tableau 126 non oui sans réponse Total nombre de choristes 287 156 24 467 % 61% 33% 5% 100% 131 % 18% 14% 12% 12% 12% 9% 5% 4% 3% 1% 1% 10% 100% Précisez laquelle Tableau 127 peinture et aquarelle danse, de salon, folklorique, orientale et traditionnelle théâtre instruments à vents écriture et calligraphie piano dessin broderie instruments à cordes photo poterie batucada, percussions composition graphique composition musicale accordéon diatonique chant restauration de tableaux et encadrements montage de film sur ordinateur poésie sculpture, sculpture sur bois autre arrangements sur ordinateur cirque patchwork gravure sans réponse Total pratique n°1 38 25 13 9 6 6 6 4 4 4 4 3 3 3 2 2 2 2 2 2 2 1 1 1 1 10 156 Pratique n°2 3 2 5 1 3 1 1 1 2 1 1 1 1 23 pratiques citées 41 27 18 10 9 7 7 4 5 6 5 4 3 3 2 2 2 2 2 3 2 1 1 2 1 10 179 20 - Au cours des 12 derniers mois, combien de fois êtes-vous allé : Au cinéma Pour les 88% de choristes qui vont au cinéma, la moyenne est de 8,1 sorties par choriste dans l’année. NB : le nombre moyen de sorties est calculé sur les seuls pratiquants. 132 % 23% 15% 10% 6% 5% 4% 4% 2% 3% 3% 3% 2% 2% 2% 1% 1% 1% 1% 1% 2% 1% 1% 1% 1% 1% 6% 100% Aux Arts de la rue Pour les 32% de choristes qui vont aux spectacles des Arts de la rue, la moyenne est de 1,9 sorties par choriste à l’année A l’opéra Tableau 130 nombre de sorties 0 1 2 3 4 5 sans réponse Total nombre de choristes 380 51 14 1 2 4 15 467 % 81% 11% 3% 0% 0% 1% 3% 100% Pour les 16% de choristes qui vont à l’Opéra, la moyenne est de 1,5 sorties à l’opéra par an 133 Au concert Pour les 81% de choristes qui vont au concert, la moyenne est de 4,5 concerts par an Au cirque Tableau 132 nombre de sorties 0 1 2 3 4 6 sans réponse Total nombre de choristes 376 48 22 2 3 1 15 467 % 81% 10% 5% 0% 1% 0% 3% 100% Les 16% de choristes qui vont au cirque, y sont allés en moyenne 1,5 fois dans l’année Au slam Tableau 133 nombre de sorties 0 1 2 4 5 9 sans réponse Total nombre de choristes 428 18 1 2 2 1 15 467 % 92% 4% 0% 0% 0% 0% 3% 100% Les 5% de choristes qui vont au slam y sont allés en moyenne 2 dans l’année 134 Au théâtre 53% des choristes sont allés au moins une fois au théâtre. Ils y sont allés en moyenne 3,4 fois dans l’année. Aux musées et expositions 70% des choristes sont allés au moins une fois aux musées et expositions. Ils y sont allés en moyenne 4,3 fois dans l’année. 135 Au spectacle de danse 37% des choristes sont allés au moins une fois à un spectacle de danse. Ils y sont allés en moyenne 2,3 fois dans l’année. 21 – Vous servez-vous d’internet pour écouter la musique ? Tableau 137 non oui sans réponse Total nombre de choristes 250 207 10 467 % 54% 44% 2% 100% De quelle manière ? Tableau 138 vous écoutez de la musique vous téléchargez des titres vous téléchargez des partitions vous visionnez des vidéos vous écoutez la radio blog choriste sans réponse Total manière n°1 103 59 33 7 1 1 3 207 manière n°2 35 44 31 1 111 manières citées 138 103 64 7 1 1 4 318 136 % 43% 32% 20% 2% 0% 0% 1% 100% 22 – Près de chez vous, connaissez-vous une manifestation publique qui promeut la pratique chorale? Tableau 139 non oui sans réponse Total nombre de choristes 226 177 64 467 % 48% 38% 14% 100% Laquelle Tableau 140 foliephonies rencontres chorales nord Isère festivals, rassemblements nationaux et européens fête de la musique, concerts une autre chorale chorale de conservatoire lyon's club, téléthon fête de la musique forum des associations les choralies sans réponse Total nombre des choristes 53 31 29 26 14 5 2 2 2 1 12 177 % 30% 18% 16% 15% 8% 3% 1% 1% 1% 1% 7% 100% 23 – Sélectionnez 4 activités que vous aimeriez faire plus souvent avec la chorale ? Tableau 141 suivre une formation de technique vocale participer à des rencontres inter-chorales chanter avec des professionnels chanter dans des lieux patrimoniaux chanter sur de vraies scènes de concerts rencontrer des publics en difficulté chanter des créations musicales inédites rencontrer des artistes d'un autre domaine que le chant assister à des conférences musicales sans réponse Total choix n°1 36 169 224 8 1 1 3 choix n°2 166 129 choix n°3 109 46 9 17 24 1 104 83 30 48 13 8 17 467 39 5 436 10 5 402 choix n°4 choix cités 16 327 298 224 48 206 91 184 103 151 9 84 62 76 5 334 57 32 1639 137 % 20% 18% 14% 13% 11% 9% 5% 5% 3% 2% 100% 24 – Vous êtes : Tableau 142 Femme Homme sans réponse Total nombre de choristes 293 171 3 467 % 63% 37% 1% 100% 25 – Vous êtes né(e) en 20 - 30 ans 31 - 40 ans 41 -50 ans 51 - 60 ans 61 - 70 ans 5% 7% 15% 31% 31% 71 ans et plus 11% 138 26 – Vous habitez la commune de (Carte en construction) 27 – Avez-vous vécu longtemps ailleurs que là ou vous résidez actuellement ? Tableau 145 oui non sans réponse Total nombre de choristes 308 143 16 467 % 66% 31% 3% 100% 28 - Quelle est votre situation professionnelle ? Tableau 146 retraité travaille à temps complet travaille à temps partiel femme au foyer Etudiant demandeur d'emploi invalide semiretraité sans réponse Total nombre de choristes 204 170 54 17 10 6 1 1 4 467 % 44% 36% 12% 4% 2% 1% 0% 0% 1% 100% 139 29 - Quelle est votre profession (actuelle ou la dernière exercée)? Tableau 147 nombre de choriste professeur (secondaire et supérieur), profession scientifique 69 cadre d’entreprise, ingénieur 62 employé 59 professeur des écoles, instituteurs et assimilés 49 45 profession intermédiaire de la santé, du travail social de la fonction publiqu cadre de la fonction publique autre que professeur 43 technicien, contremaître, agent de maitrise 25 profession libérale 24 artisan, commerçant, chef d’entreprise de mois de 10 salariés 17 profession administration et commerciale d’entreprise 11 ouvrier, chauffeur routier et conducteur de taxi 10 étudiant 9 agriculteur exploitant 5 chef d’entreprise de 10 salariés ou plus 5 profession des arts du spectacle et de l’information 4 clergé, religieux 2 policier, militaire 2 femme au foyer 1 stagiaire 1 sans réponse 24 Total 467 Tableau 2 - Situation professionnelle /Sexe Situation professionnelle Femme Homme retraite 120 81 travaille à temps complet 94 76 travaille à temps partiel 44 10 femme au foyer 17 étudiant 8 2 demandeur d'emploi 5 1 semi-retraité 1 invalide 1 sans réponse 4 total 293 171 total 201 170 54 17 10 6 1 1 4 464 Femme 60% 55% 81% 100% 80% 83% 0% 100% 100% 63% Homme 40% 45% 19% 0% 20% 17% 100% 0% 0% 37% total 100% 100% 100% 100% 100% 100% 100% 100% 100% 100% 140 % 15% 13% 13% 10% 10% 9% 5% 5% 4% 2% 2% 2% 1% 1% 1% 0% 0% 0% 0% 5% 100% 30 – De combien de personnes votre foyer fiscal est-il composé (vous inclus) ? Tableau 148 a 2 personnes 1 personne 4 personnes 3 personnes 5 personnes 6 personnes 7 personnes 8 personnes sans réponse Total Nb de choriste 167 94 49 44 44 18 1 1 49 467 % 36% 20% 10% 9% 9% 4% 0% 0% 10% 100% Avez-vous des enfants ? Tableau 149 oui non sans réponse Total nombre de choristes 389 66 12 467 % 83% 14% 3% 100% Avez-vous des petits-enfants ? Tableau 150 oui non sans réponse Total nombre de choristes 204 202 61 467 % 44% 43% 13% 100% 141 31 - Dans quelle tranche de revenus se situe votre foyer ? Tableau 151 entre 2000 € et 3500 € par mois entre 3 500 € et 5 000 € par mois entre 1000 € et 2 000 € par mois entre 5000 € et 7500 € plus de 7500 € moins de 1000 € par mois sans réponse Total nombre de choristes 149 120 118 29 9 2 40 467 % 32% 26% 25% 6% 2% 0% 9% 100% 32 - Quel est votre niveau d’études? Tableau 152 diplôme universitaire supérieur (>BAC+2) diplôme professionnel supérieur (BAC+2) études secondaires (BAC) études secondaires (CAP/BEP) fin d’études primaires (certificat d’études) études secondaires (BEPC) sans réponse Total nombre de choristes 215 86 61 52 23 22 8 467 % 46% 18% 13% 11% 5% 5% 2% 100% > Bac 78% 142 < Bac 22% ANNEXE 3 - LES MOMENTS CLES DE L’HISTOIRE DES RETRAITES138 1544 : Création du Grand Bureau des Pauvres de Paris (période de guerre entre François 1er et Charles Quint ) 1670 : Sous Colbert, l’ordonnance du 19 avril prévoit le premier régime de retraite en France (pour la marine de guerre) 1768 : Création du régime de retraite des employés des Fermes Générales. 1789 :Sous l’influence de la Révolution se crée en 1790 la caisse de retraite des fonctionnaires de l’Etat 1791 :Le droit fondamental à l’assistance est proclamé, au moins comme principe. L’épargne individuelle est considérée comme source principale de protection sociale, 1831 :Création de la caisse des retraites militaires (période d’intervention française en Belgique envahie par la Hollande). 1853 : La loi du 9 juin 1853 organise un régime de pension par répartition des fonctionnaires géré par l’État, fixe l’âge normal de départ à la retraite à 60 ans et à 55 ans pour les travaux pénibles. Bénéficiaires : les fonctionnaires civils et les personnels militaires, les marins du commerce et de la pêche ainsi que les comédiens du Théâtre Français, les agents de la Banque de France et de l’Imprimerie Nationale. En dehors du secteur public, le développement de l’assurance vieillesse sera beaucoup plus lent. 1883 à 1889 : Bismarck édifie le système allemand des assurances sociales.(Régime obligatoire par répartition) financé par les cotisations ouvrières et Patronales. 1894 : Création de la caisse de retraite des mineurs 1900 : Création de la caisse de retraite des cheminots. 1905 :Loi sur l’assistance aux vieillards, infirmes et incurables, secours en espèce et hospitalisation gratuite. 1909 : Le régime des chemins de fer est copié sur celui des Mines. 1910 : Loi du 5 avril 1910 créant les R.O.P. (Retraites ouvrières et paysannes). 1914-1918 : La guerre a généré une poussée internationale en faveur du progrès social, mais le droit à la retraite ne concerne encore que peu de personnes en raison notamment du nombre de décès très important avant cet âge. 1928 : La loi du 21 mars 1928 (puis les décrets du 24 septembre 1965 et du 18 août 1967), a institué un statut commun à l'ensemble des ouvriers de l'Etat et doté ceux-ci d'un régime spécifique de retraite 1930 :La Loi du 30 avril 1930 modifiant les textes de 1928, crée le premier régime d’assurance vieillesse obligatoire (effet du 1.7. 1930) pour tous les salariés dont la rémunération annuelle ne dépasse pas 15.000 Frs de l’époque. 1939 - 1945 : La guerre, comme en 14-18, génère un impérieux besoin de protection sociale. Au moment de la deuxième guerre mondiale (1939), l’idée du droit à la retraite est donc acquise 2003 : La loi Fillon est mise en place pour sauvegarder la retraite par répartition et valoriser les placements individuels par répartition (PERP). 138 source rapport du COR et Rapport Laroque : « Politique de la vieillesse » 143 La lecture des nombreuses créations de caisse de retraite et l’ensemble des lois ne doivent pas nous faire oublier que ces dernières ne couvraient qu’une minorité de français : « à la fin des années trente, ceux qui touchaient une pension de retraite ne représentait que le quart de la population âgée et il n’était pas rare que ces pensionnés aient repris un travail »139 . Il n’y a qu’à peine une soixantaine d’année que l’ensemble des citoyens a vraiment pu bénéficier de la sécurité sociale et que souvent pendant cette période d’importants mouvements de citoyens ont souvent manifesté leur désir de ne pas avoir à sa charge de plus en plus de retraités « une loi du 8 juillet 1947 tenant compte de l’hostilité d’une partie de l’opinion publique, abroge la Loi du 13 septembre 1946 qui prévoyait l’extension d’une même sécurité sociale à tous les Français ». Les français on du mal avec l’idée de repousser l’âge de la retraite induite par l’espérance de vie qui s’allonge 140et par l’entrée de plus en plus tard dans la vie active. La retraite est un sujet éminemment politique ; il faut reposer aujourd’hui la protection sociale sur de nouvelles bases, il faut repenser les solidarités et c’est aussi un formidable facteur de cohésion sociale qui faut manier avec précaution : les disparités entre les différents régimes de retraites ne peuvent qu’échauffer les passions. On se souvient encore de l’échec de la réforme Juppé qui en 1995 proposait d’étendre la réforme Balladur (dont l’allongement des cotisations) à la fonction publique. Projet de loi qui avait été retiré devant l’hostilité d’une grande partie des fonctionnaires descendu massivement dans la rue. La retraite ne doit pas devenir un naufrage, le fameux « trou » de la sécurité sociale, le 5ème « risque », elle est et doit être un nouveau projet social, un formidable projet d’avenir « ce que nous avons su faire en 1944, à 40 millions dans un contexte de délabrement de nos santés et de nos structures économiques, pourquoi nos petits enfants mieux portant, plus instruits, ne sauraient-ils pas le faire à 61 millions » ! Toutes ces lois qui se sont succédées n’étaient finalement qu’une mise en forme par l’Etat des rapports de force et des compromis entre le trio que constituait de l’Etat, le Patronat et les Ouvriers. 139 La vieillesse et le vieillissement, Vincent Caradec, déjà cité. 140 En 2002, elle était de 75,2 pour les hommes et de 83 pour les femmes. En 2050, elle sera de 85 ans pour les hommes et 90 ans pour les femmes. 144 ANNEXE 4 - PERCEPTION DE LA VIEILLESSE DEPUIS LE 18EME SIECLE L’étude des représentations de la vieillesse, n’est pas un phénomène simple et peut se caractériser depuis le 18ème siècle par à un va-et-vient où s’alternent image positive et négative de la vieillesse ; Il n’y a pas d’explications faciles pour expliquer l’évolution de ces représentations mais un faisceau d’indice nous laisse penser que les images positives de la vieillesse sont liées « à la baisse de mortalité, à l’augmentation de la population âgée et des facteurs culturels,…. comme une attention plus grande portée aux individus et de façon plus générale à l’évolution des mentalités ». L’image de la vieillesse souvent associée à celle de la mort a souvent dans l’histoire réveillé bien des craintes et des appréhensions poussant l’être humain aux pire des atrocités : « …Aucune époque ne s’est exprimée avec une rage aussi unanime contre la vieillesse que le XVIe siècle. On sait, par exemple, que jamais les vieilles femmes, faibles parmi les faibles, pauvres parmi les pauvres, accablées traditionnellement de quolibets et de mépris, n’auront autant été poursuivies par la vindicte populaire que dans le courant de ce temps tourmenté, fournissant à la peur son contingent de victimes, et aux bûchers leur moisson de sorcières et d’hérétiques… » Plus tard et paradoxalement, c’est la mise à l’écart par l’enfermement qui sera l’une des formes de secours procurés à la vieillesse. « C’est l’effet positif de cette politique d’enfermement du XVIIe siècle, dont l’issue à la fin du XVIIIe siècle est, à l’inverse, une remarquable tentative de réhabilitation du vieillard et de la vieillesse, accomplie, après le temps de la surveillance, par la volonté de développer une assistance dont l’objectif est la réinsertion dans la société civile »141. Mais l’évolution des mentalités est en route : « Au cours du 18ème siècle les images positives de la vieillesse sont devenues de plus en plus nombreuses : au temps du pessimisme, celui des 16ème et 17ème siècle, a succédé le temps de l’optimisme. David Troyasky observe que la représentation des vieillards s’est faîte plus sympathique et que le thème littéraire du vieux barbon, vieil homme amoureux et ridicule, s’est effacé au profit d’une vision plus respectueuse des personnes âgées »142. Dès le 19ème siècle, la naissante société industrielle ainsi que le développement de la médecine participent sans le savoir à la dégradation de l’image de la vieillesse notamment en décrivant et étudiant les dégradations du corps humain après de longues vies de travaux dans les mines et les usines.143 141 Exclusion et vieillesse, Introduction historique, Jean-Pierre Bois, université de Nantes. 142 Sociologie de la vieillesse et du vieillissement, Vincent Caradec, collection 128 143 Sociologie de la vieillesse et du vieillissement, Vincent Caradec, collection 128 145 C’est au 20ème siècle, dans les années 30, c’est à dire après les premières lois sur les retraites, que va apparaître le thème de la vieillesse, ou plus précisément de cette vieillesse nouvellement à charge de la société : il ira sur la place publique et le concept du vieillissement de la population par Alfred Sauvy en 1928 va alimenter les débats. C’est à ce moment que la « pédagogie de l’inquiétude » prônée par les natalistes « qui sousentendaient que l’idée d’un affaiblissement économique et social de la nation était due au vieillissement de la population trouve un fort écho dans les mentalités ; il était vrai que l’hécatombe due à la guerre 14/18 était encore dans tous les esprits et une baisse de la natalité conjoncturelle avait préparé un terreau assez anxiogène. L’image du retraité, à la charge de la société, va progressivement se durcir « au point qu’un livre d’Alfred Sauvy et de Robert Debré, intitulé Les berceuses Marianne, ira jusqu’à imputer la défaite de 1940à l’envahissement de la société par les couches âgées : « Comment veut-on qu’un peuple comptant tant d’hommes âgés puissent se défendre ? Un organisme qui vieillit est un organisme qui se laisse envahir par des cellules inutiles, par des éléments incapables d’aucun travail différencié. La terrible défaillance de 1940, plus encore morale que matérielle, doit être rattachée en partie à cette redoutable sclérose. » A cette époque, cette littérature ne soulevait aucune opposition ».144 Cette image du vieillard indigent qui se désengage de la société ne va pas donner une image positive de l’entrée à la retraite au point que Christiane Delbès faisait un constat pour le moins étonnant sur des aprioris quand elle spécifie que "Les conclusions de 1981, 1982, 1984 ont contré les idées reçues qui répandaient à l'époque une crise de la retraite. On en avait une vision catastrophique, on croyait à un décès sur deux au passage à la retraite ! Or, justement, nos études ont nié une quelconque surmortalité ou sur-morbidité » Mais en même temps de plus en plus de français dès la fin des années 40 vont progressivement accepter ce système de retraité et ont le revendiquer de plus en plus fort. Ce qui explique pourquoi encore aujourd’hui que dans notre société contemporaine, coexistent deux représentations de la vieillesse, « deux pôles imaginaires de la vieillesse contemporaine : le premier représente l’image du retraité actif qui profite de l’existence tout en se montrant utile à ses proches et à la société. Le second est occupé par la personne âgée dépendante, rivée à son fauteuil, souffrant de solitude et n’attendant que la mort ». 144 Elise Fuster , historienne, conférence 2004 - Uncass 146 ANNEXE 5 – EVOLUTION DU NOMBRE DE COTISANTS ET DE RETRAITES 147 ANNEXE 6 – LISTE DES CHORALES RENCONTREES CHORALE CONTACTEES CLAP YO' HANDS LEMPSICHOEUR LA STEPHANELLE ENTRESOL DAUPHINELLE AIRS DU TEMPS ORFEO Musiques du Monde CHORALE DU RUBA CHORALE DE LA MURE CHORALE AVANIE ET FRAMBOISE RAINBOW SWINGERS - Ensemble Vocal des Universités de Grenoble BOFFET FAURE-COMTE Bally MARCOT CHAMBEROD DUBOIS CHABERT ALFAYA Teisseire ZAQUINE BROUE VERHOEVEN Jacqueline Marie-Antoinette Véronique Jean Pierre André Huguette Monica Aline Marie Françoise Mariek 1 rue Alfred Frédet 38100 Grenoble [email protected] / jahttp://clap-yo-hands.com 217 avenue de l’Europe 38690 Le Grand-Lemps [email protected] www.lempsichoeur.fr.fm Mairie 38960 [email protected] http://lastephanelle.free.fr 13 rue Gérard de Nerval 38400 Saint-Martin-d'Hères [email protected] www.entresol.org 338 allée des Ancolies 38330 Saint-Ismier [email protected] http://www.dauphinelle.net/ 12 allée des Vosges 38130 Echirolles [email protected] http://airsdutemps.blogspot.com/ 16 rue Paul Helbronner 38100 Grenoble [email protected] www.orfeomm.com 190 route anglancier 38290 Frontonas [email protected] 2, avenue des plantations 38350 La Mure [email protected] 90 avenue de la Verpillère 38090 Villefontaine 701 Avenue Centrale 38400 Saint-Martin-d'Hères [email protected] http://www.rainbowswingers.net Domaine Universitaire 06 07 58 73 35 foliephonies 04 76 55 84 12 04 76 06 05 27 04 76 24 37 17 foliephonies 04 76 52 30 14 foliephonies 04 76 23 13 53 Foliephonies 04 76 54 61 59 gospel et jazz Michel variétés françaises Valérie classique, variétés Renée musique religieuse ou profane, classique ou contemporaBruno baroque André chansons, classique Jérome musique du monde Monica VERAN MICHELI RIONDET PAPOZ CHAMBEROD DIZIN ALFAYA professionnel professionnel professionnel amateur amateur amateur professionnel 04 76 81 27 15 FSMD classique, opéra, variété ZAQUINE BROUE JECQUIER professionnel 06 15 88 22 15 foliephonies Marie Françoise varié : chants du monde et contemporain, classique, Séverine gospel... 148 professionnel TABLES DES MATIERES Sommaire 4 Paroles de choristes retraités 5 Le temps de la retraite pour les choristes 6 1ère partie Choristes et retraités, des valeurs universelles aux enjeux internationaux 24 Chapitre I - La pratique chorale, des valeurs universelles au service d’un projet personnel 24 1.1/ La pratique chorale et ses représentations comme société idéale 25 1.2/ Le chant choral : une activité artistique pas comme les autres 26 2.3/ Les composantes du chant choral : équilibre et interaction 27 Chapitre II - Les retraités en question 30 2.1/Les retraités, l’avenir de notre société 30 2.1.1/ Cinq grandes questions de société soulevées par les retraités 2.1.2/ Les débats en France, en Europe et dans le Monde 2.2/Les retraités, un savoir-être en évolution 2.2.1/ Le passage à la retraite et le statut de retraité : représentations et comportements 2.2.2/ Le vieillissement et ses conséquences sur les activités 2.2.3/ Caractéristiques et typologie des personnes âgées 2.2.4/ Le comportement culturel des personnes âgées : hétérogénéité et diversité 30 35 39 40 43 45 49 Chapitre III – Méthodologie pour enquêter sur les choristes retraités 51 2eme partie La voix des choristes Isérois 62 Chapitre IV - Le choriste retraité, un individu de Culture 62 4.1/ Modèle prédominant : femme, professeur de collège, milieu rural 4.2/ Signe distinctif : assoiffé de Culture ! 4.3/ Trois modèles pour construire son parcours choral Chapitre V - La nouvelle identité culturelle des choristes retraités 5.1/ L’agenda culturel du choriste retraité 5.2/ Le choriste retraité, un « non-public » âgé qui bouge ! 5.3/ D’une culture de la distraction à une culture de l’épanouissement, instructive et bénévole 62 72 77 84 84 88 90 149 Chapitre VI - Les choristes retraités, un prisme pour observer les politiques publiques 94 6.1/ Le savoir-être des choristes retraités : de nouvelles idées pour les services publics 6.2/ Naissance des politiques pour le bien-être des retraités 6.3/ Du lien social au lien intergénérationnel et familial 95 102 103 Les choristes retraités, faut-il les accompagner ou s’en inspirer ? 105 7.1/ Les choristes retraités, précurseurs de nouvelles préconisations pour le schéma départemental des enseignements artistiques 105 7.2/ La nécessaire compréhension des parcours de vie pour des politiques culturelles efficientes 109 7.3/ Le lien social, avenir des politiques culturelles de demain ? 112 Bibliographie 114 Sommaire annexes 117 ANNEXE ANNEXE ANNEXE ANNEXE ANNEXE ANNEXE 118 123 143 145 147 148 1 2 3 4 5 6 - QUESTIONNAIRE VIERGE - RESULTATS DU QUESTIONNAIRE - LES MOMENTS CLES DE L’HISTOIRE DES RETRAITES - PERCEPTION DE LA VIEILLESSE DEPUIS LE 18EME SIECLE - EVOLUTION DU NOMBRE DE COTISANTS ET DE RETRAITES - LISTE DES CHORALES RENCONTREES Tables des matières 149 150