8èmes Journées Régionales Prisons Perpignan

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8èmes Journées Régionales Prisons Perpignan
Le 31 mai 2011 à Perpignan
Les huitièmes Journées Régionales Prisons
(Hépatites virales, Sida, Addictions)
Former les acteurs de terrain. Quel rôle pour les réseaux ?
La journée est ouverte à 9 h en présence d’une quarantaine de personnes venant de diverses
associations et d’un représentant du directeur régional de l’Administration pénitentiaire.
Le capitaine Roche, représentant le directeur, donne d’abord des informations sur le centre
pénitentiaire.
Actuellement : 655 détenus répartis MAH de 120 places rempli avec plus de 200 détenus
CD 336 détenus, MAF 45 détenues, mineurs 12.
Il y a 20% d’étrangers. 78% des détenus sont condamnés à moins de 5 ans. 29 détenus ont
entre 60 et 80 ans. Il y a 59 bracelets électroniques.
En 2010, il y a eu 2 suicides et 15 tentatives.
30 détenus seulement ont un travail en concession ; 91 sont en formation.
Il y a 270 membres du personnel et 8 officiers.
Mme Bance, représentante du directeur du SPIP, donne les informations sur ce service :
Huit CPIP (conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation) travaillent auprès des détenus à
leur parcours d’exécution de peine.
En milieu ouvert 1800 personnes sont suivies, en moyenne entre 18 mois et 2 ans.
Plusieurs questions lui sont posées :
Quelle est la « balance » entre insertion et probation ?
La pauvreté en prison.
La population étrangère.
Les réponses laissent apparaître les difficultés :
Il faudrait à terme adjoindre des assistants sociaux aux CPIP qui ne peuvent pas tout
faire.
Les indigents reçoivent 20 € par mois depuis le début de l’année mais les budgets en
baisse jettent un doute sur la pérennité de la mesure.
La population étrangère a droit à une base de soins mais il faudrait une assistante
sociale au sein de l’UCSA pour régler les problèmes plus complexes.
Un médiateur socio-sanitaire devrait (bientôt) faire le lien entre UCSA et SPIP.
Mme Senzergues, cadre de santé, informe sur le service UCSA :
Elle fait l’historique de la prise en charge de la santé en prison jusqu’à la création de l’UCSA
en octobre 1994. Le SMPR était né en 1986.
Beaucoup de monde se presse chaque jour à l’UCSA : environ 100 détenus !
La prise en charge de la santé commence à la visite d’incarcération (dans les 48 h maximum)
où éventuellement des dépistages sont possibles, une radio des poumons (salle de radio sur
place), une consultation tabagique ou gynécologique peut être programmée.
Les personnes extraites pour l’hôpital sont averties le matin même, parfois le soir en cas
d’opération. Ces personnes sont dirigées sur l’hôpital de Perpignan ou l’UHSI de Toulouse
(18 lits).
Les médicaments sont distribués le lundi pour les traitements somatiques (105 patients) et les
lundis, mercredis et vendredis pour les psychotropes. Ces distributions durent de 2 h à 2 h 30,
c’est l’occasion de recueillir les doléances des détenus.
L’achat de médicaments est possible dans une pharmacie de ville conventionnée.
Quelques questions sont posées :
La confidentialité : les médicaments sont distribués dans un sachet de papier kraft au
nom du détenu ; les résultats de dépistage (labo payé par le conseil général) sont
transmis à l’UCSA. Mais un surveillant n’est jamais bien loin puisqu’il doit ouvrir et
fermer les portes.
Urgences : appel au centre 15 ou SOS médecins
Dossier médical : en cas de transfèrement, les éléments les plus importants sont faxés.
En cas de sortie, le dossier est archivé ; une relation avec un médecin de ville est
toujours possible.
Les sorties se font avec une prescription.
Le SMPR se charge des addictions, donne la substitution (Subutex ou Méthadone) avec un
accompagnement psychologique ou psychiatrique. Cela concerne actuellement une centaine
de détenus à Perpignan.
Intervention de l’association SIDACTION en milieu carcéral :
Le docteur R.Nouiouat annonce d’entrée qu’il y a un déficit d’action dans ce milieu alors que
l’argent est disponible.
Le cadre réglementaire ne devrait pas être un frein à l’action (surtout depuis l’existence de
l’UCSA) mais l’objectif n’est pas atteint.
La prison est un lieu de punition, d’enfermement (et aussi d’amendement). On peut donc
identifier les contraintes en milieu carcéral :
les actions de santé ne peuvent se faire sans l’aval du chef d’établissement
il faut un local pour recevoir les associations
il faut du temps de personnel pour les mouvements de détenus
les moyens de l’UCSA pour la prévention sont limités
la différence de culture entre l’association et les règles de l’établissement ; la culture
pénitentiaire est sécuritaire, l’exercice du métier est rendu plus difficile par la
surpopulation ; la perception de l’association par le personnel est parfois source de
conflit.
la difficulté pour une association de défendre la confidentialité et le soin.
le refus des détenus de s’inscrire au groupe de prévention du SIDA, par crainte de
stigmatisation.
les difficultés à tenir des réunions communes avec la direction, le SPIP et l’UCSA.
Le SIDACTION prépare un guide pour intervenir en prison. Le bénévole doit avoir des
qualités médicales mais aussi la connaissance des règles pénitentiaires.
Le Dr Nouiouat termine sur une note pessimiste : « l’aménagement de peine pour raison
médicale (loi de mars 2002) ne sert plus qu’à évacuer les mourants ».
Monter une action en milieu carcéral :
Présentation par Mlle Thieux, membres du CODES 66 (Comité départemental Education pour
la Santé).
Au CP de Perpignan, un module « addictions » a fonctionné pendant 6 ans (non reconduit
cette année) avec 16 à 20 détenus et sur 5 mois. Les différentes activités proposées étaient :
sport, relaxation, théâtre, groupes de paroles avec le concours du SMPR.
Le groupe de pilotage s’est réuni 1 fois par mois. Le financement venait de la mission
interministérielle de lutte contre les addictions.
On peut parler d’un bilan positif : les détenus s’engageaient sérieusement, ont dit leur bienêtre et on a vu la baisse des traitements par psychotropes. Les détenus avaient la possibilité, à
leur sortie, de rencontrer les mêmes personnes à Perpignan.
Il y a des freins à ce genre d’action qui nécessite une énorme charge de travail pour la mise en
œuvre :
la mise à disposition de locaux (pas toujours disponibles)
les surveillants ont parfois été gênés par l’idée de lutte contre les addictions et ont pu
penser que les détenus étaient mieux suivis qu’eux-mêmes
l’action leur donne une charge de travail supplémentaire (mouvements)
il n’a jamais été possible qu’ils soient « partie prenante » dans cette action de
prévention
Et pourtant une enquête faite auprès des surveillants du CD montre qu’ils aimeraient être plus
impliqués dans la vie du détenu. Cela doit s’entendre si la charge de travail est allégée,
certainement…
Discussion avec la salle :
un membre du SMPR dit que le CODES était « un plus, seulement »
M Roche explique qu’il est difficile de trouver des créneaux horaires, des locaux et
que la fin de la journée est à 17h. Le personnel est sans cesse en diminution…
le représentant interrégional avance quelques pistes : il faudrait détailler les actions
pour les faire accepter, le groupe d’une quinzaine est mal adapté à la prison…
une personne témoigne sur une action qui a eu lieu il y a 8 ans à la MAF ; il y avait de
grosses difficultés pour avoir un local, informer les femmes d’un changement, ce qui a
clos cette tentative.
témoignage d’une éducatrice sportive qui travaille à la MAF : il faut s’interroger sur la
multiplicité des actions qui aggravent les difficultés du personnel et dont les détenus
sont victimes à la fin, les moments de vacances scolaires sont souvent dénués
d’activités.
La réduction des risques en prison, états des lieux :
M Ferrer Boras de l’université de Perpignan Via Domitia intervient.
En France, cette prévention est éclatée : elle est prise en charge par des associations et par
l’état, l’administration.
En milieu ouvert, elle a déjà de grandes difficultés à se mettre en place et les problèmes sont
multipliés en prison. On y donne simplement des produits de substitution aux drogues mais
les pratiques à risques (injections, sexe et consommation) continuent de façon cachée. Le
discours de l’AP n’est pas très clair sur le sujet !
L’UCSA et le SMPR travaillent séparément sur les addictions, ils y sont obligés par
l’administration mais il serait bon qu’ils se coordonnent.
Les détenus toxicos, en général, ne participent pas aux activités, restent enfermés dans leur
cellule et leur toxicomanie…
La réduction des risques connaît un frein sur le plan général, cela vient « du politique » car le
sujet n’est pas porteur électoralement. Et cela se borne à la punition de l’usager.
Le CP fournit à l’UCSA des préservatifs mis à la disposition des détenus qui passent ; et pour
ceux qui ne vont jamais à l’UCSA ?
L’AP serait favorable à l’échange de seringues stériles mais « le politique » ne veut pas.
Il y a un nombre de plus en plus grand de détenus addicts et il est de plus en plus difficile de
les prendre tous en charge.
Les associations n’ont plus le soutien « du politique » et se trouvent en difficulté elles aussi.
Action éducative auprès des personnes porteuses d’une hépatite virale :
Elle est détaillée par Mme Senzergues, cadre de santé à l’UCSA.
Les personnes détenues ont un entretien avant le début du traitement puis un calendrier de
traitement avec un suivi pour observer la tolérance. La confidentialité est respectée et cela
entraine une bonne adhésion des participants qui ont aussi un infirmier référent.
L’UCSA a un partenariat avec le labo départemental pour le bilan sanguin en ce qui concerne
l’hépatite B. La vaccination est possible.
Action tabacologique :
Il y a eu un point info tabac-alcool à la MAH pendant 4 mois. Des bordereaux ont été
distribués, un groupe de 5 à 10 personne s’est constitué ; une activité de jeux avec expression
libre a été proposée ; elle a permis de repérer les personnes en demande de sevrage.
Prévention auprès des mineurs :
Faite par un infirmier et un animateur en collaboration avec les éducateurs de la PJJ sur des
groupes de six mineurs maximum.
Il y a eu huit séances, principalement sur le cannabis avec une orientation « l’art de la rue ».
Intérêt très positif des jeunes.
Il y a eu une séance par mois sur l’hygiène bucco-dentaire animée par deux infirmiers, un
dentiste et un diététicien. Résultats positifs.
Autres actions de l’UCSA :
conseils d hygiène corporelle depuis un an à la MAF par une ou deux infirmières.
Utilisation de « la boite à coucou » pour le lavage des mains. Résultats des deux
séances très positif.
Deux infirmières prennent en charge les personnes diabétiques : rendez-vous
individuel, évaluation des connaissances, établissement d’un contrat de soins.
traitement anti vitamine K : un infirmier fait les entretiens à l’UCSA, améliore les
connaissances de la personne, établit le carnet de suivi avec les résultats de l’INR.
Toutes ces actions permettent aux détenus d’avoir un espace de paroles, collectives ou
individuelle, et donnent de bons résultats.
Il y a un projet de partenariat avec le centre scolaire à la rentrée 2011 qui pourrait élargir la
population informée et au-delà soignée.
Chaque fois qu’un suivi psychologique se fait sentir celui-ci est pris en charge par le SMPR.
une prise en charge des mineurs sur le sujet des drogues illicites a été effectuée sur 12
mois à raison d’un atelier mensuel, avec un financement de la direction régionale de
l’AP.
Deux infirmiers ont travaillé avec un groupe de six mineurs (avec le « turn over » ce
sont 24 mineurs concernés) sur l’expression graphique et le vocabulaire. Une œuvre
collective était envisagée mais la pauvreté des productions n’a pas permis cette
réalisation.
Paroles de jeunes : « le cannabis, c’est plus important que les filles ».
Le lien avec l’extérieur sur ces sujets devrait être fait par la PJJ.
L’éducation thérapeutique, association AEHV-LR :
(Association Education Hépatites Virales- Languedoc Roussillon)
Mlle Daviau, infirmière coordinatrice présente l’association et son fonctionnement.
Le président est le docteur Mourrut, gastroentérologue à Carcassonne.
L’association forme les infirmières éducatrices qui travaillent avec des associations de
patients ; l’éducation thérapeutique est une obligation depuis la loi du 21 juillet 2009, elle vise
à améliorer les connaissances et les gestes techniques.
Les patients ont une prescription d’un gastroentérologue, ils doivent assister à des séances
éducatives et signent une charte ; ces séances sont gratuites pour le patient.
Pour les traitements de six mois, il y a cinq séances, ceux de 12 mois, sept séances.
Pour les traitements de trithérapie, les séances sont plus fréquentes.
Les patients sont en majorité des hommes ; 65 sont suivis dans les Pyrénées Orientales dont
un qui porte un bracelet électronique.
Quatre infirmières éducatrices les suivent dans le département.
Actualités
Addictions par le docteur Saut, psychiatre à l’hôpital de Thuir, membre du SMPR
Les addictions sont souvent associées à une personnalité psychotique. L’économie parallèle
souterraine permet d’échapper au présent, de se retrouver dans un état second. Le recours à la
pensée (au raisonnement) est inefficace, il faut se tourner vers les opiacés qui apaisent les
situations, en y adjoignant la psychothérapie.
En prison, les « cachetonnés » sont rejetés voire persécutés ; c’est un vrai problème.
En prison, tatouages et piercings sont faits dans de mauvaises conditions d’hygiène, il ya des
risques sanitaires.
Les détenus soignés au SMPR sont préparés à la sortie : le jour de la sortie, on donne des
médicaments ; puis la continuité des soins est suivie par le SPIP.
Un projet de meilleure prise en charge avec un éducateur spécialisé SMPR et un infirmier de
l’UCSA est à l’étude.
Hépatites B et C par le docteur Rémy, chef de service médecine sociale, pôle abdomen
hématologie oncologie santé publique au centre hospitalier de Perpignan.
Il y aurait 12% de détenus injecteurs en prison qui se partagent les seringues.
Le VIH a beaucoup diminué mais les hépatites progressent et le séjour en prison favorise la
contamination.
Il faut dépister dès l’entrée et consigner le résultat dans le dossier. Il faut donner des conseils
de prévention et proposer la vaccination VHB.
Les tests sont remboursés depuis 15 jours !
Il y a un appareil FIBROSCAN qui évalue la fibrose hépatique à l’UCSA de Perpignan. On
peut faire de 8 à 15 tests groupés.
Le traitement est très couteux mais on peut guérir des hépatites.
C : injection 1 fois/ semaine + médicaments Interféron ou Ribavirine
B : Interféron + Baraclude ou Viread
Il y a de nouveaux médicaments : trithérapie qui se prend en mangeant un corps gras (très très
cher).
Docteur Medus, service maladies infectieuses et tropicales au centre hospitalier de Perpignan
Entre 2000 et 2008, 82% de cas de syphilis à l’hôpital et entre 2004 et 2008 65% de cas de
gonococcie, ont été détectés.
Ces personnes étaient non traitées car ignorantes de leur maladie, elles la transmettent
d’autant plus facilement (2 sur 3).
La trithérapie (CD4 350 500) peut déclencher le diabète, favorise l’ostéoporose, le lymphome.
Ces personnes ont besoin d’un suivi médical, affectif et sexuel.
La prolongation de la vie amène à un besoin de greffe de rein ou de foie.
A la prison de Perpignan, des consultations « maladies infectieuses », faites en confidentialité,
ont permis de détecter 10 cas de SIDA.
Chantal Lochereau