manet 8 un bar aux folies bergères resumé
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manet 8 un bar aux folies bergères resumé
Edouard Manet 8 Le dernier chef d’œuvre : Un Bar aux folies Bergères Un Bar aux Folies bergères - 1881-1882 Huile sur toile Londres Courtaud Institute Cette œuvre est la dernière œuvre majeure d Manet, un chef d’ouvre qui évoque le Paris du divertissement à la fin des année 1870 et au début des années 80. Il est bien plus que cela, car nous avons là, l’une des œuvres les plus complexes de Manet en terme d’univers poétique, d’illusion et d’espace, le tout traité selon le principe de la peinture claire, c’est à dire cette technique impressionniste utilisée durant les dix dernières années de sa vie. Avant d’entrer plus profondément dans l’œuvre, parlons du lieu, les Folies Bergères. Edifiés au 32 rue Richer, dans le 9e arrondissement, en 1869, non loin de la rue Bergère, qui lui donnera son nom, il ouvre le 2 mai 1869. Les bars étaient placés dans un jardin artificiel au rez-de-chaussée. des artistes s’y produisaient telle la trapéziste Katarine Jones en 1881. (Photos 1881) un article paru dans le journal le Pavé, le 23 décembre 1868 en donne une bonne description. « Voici des détails très précis sur la future salle des Folies bergères : un rez-de-chaussée et un étage. Au rez-de-chaussée, des fauteuils d’orchestre et une rangée de loges, le tout bordé par une galerie garnie de tables de consommations. Au premier étage, une rangée de loges et répartition de la fameuse galerie qui sera à la fois un fumoir et un promenoir. Au fond, on a aménagé une salle spacieuse qui ne sera séparée de la salle de spectacle que par une balustrade. Cette pièce servira de foyer, de café, de lieu de causerie, avec ette différence que l’on pourra, en s’approchant de la balustrade, suivre le jeu des acteurs et prendre sa part du spectacle. Résumé : on servira des consommations ni aux places d’orchestre ni dans les loges, mais on pourra fumer partout. » Les Folies bergères étaient né, comme tant d’autres cafés-concerts de la nécessité d’ouvrir des établissements de grande envergure où les artistes, comédiens pour la plupart ou demi-mondaines, pouvaient chanter et ou danser, ce qui était formellement interdit au théâtre. le café-concert ou conf-conc comme il fut surnommé était un lieu qui réunissait salle de spectacle et un débit de boisson. Au fur et à mesure du temps, ce dernier aura tendance à disparaitre et le caf-conc deviendra le music-hall. Le principe du café chantant était apparu à la fin du XVIIIe avec l’ouverture de grands établissements - l’Alcazar en 1860 (aujourd’hui Pavillon Gabriel) dans le jardin des Champs Elysées et actif jusqu’en 1914 - l’Eldorado, inauguré le 30 décembre 1858, 32 bd de Strasbourg, détruit 1932 - la Scala, créé en 1874, 13 bd de Strasbourg et détruit en 1936 - les Folies Bergères - les Ambassadeurs, évoqué par Degas les Ambassadeurs, 1877, pastel Mba Lyon, était un établissement ancien, situé 1 avenue Gabriel, né en 1772, reconstruit en 1841 et démoli en 1929. On y a reconstruit un théâtre en 1831. Les cafés concerts présentaient habituellement un spectacle varié, suivant un programme bien établi en 3 parties : les chanteurs et les comiques faisaient l’ouverture (comme décrit dans l’article du Pavé), les spectateurs pouvaient aller et venir à leur gré et les artistes qui s’y produisaient faisaient du lieu un endroit de la vie moderne, aspect qui ne pouvait que plaire à Degas et Manet. Une des raison d’appréciation de ces lieux par les artistes est aussi le rendu de la lumière artificielle. Cependant, on note une différence entre les deux artistes. Degas s’intéresse à la scène, au spectacle. mange à l’arrière-plan, comme déjà il le fit avec Le Bal masqué à l’opéra. le sujet du café concert apparait soudainement dans l’œuvre de Degas vers 1876-1877 dans que l’on connaisse vraiment la raison, si ce n’est son goût pour le réalisme, les scènes populaires, le mélange des classes. Edouard King, un écrivain américain, dans un compte rendu de 1868 sur ses impressions de la vie parisienne (My Paris) note : « l’immense univers parisien se rassemble deux, trois fois par jour; c’est au café; il se répand en potins au café, il intrigue au café, il complote, il rêve, il souffre, il espère au café » Manet qui s’est installé dans l’atelier du peintre suédois Rosen, pour une période de 9 mois, en juillet 1878, au 70 rue d’Amsterdam, s’intéresse alors passionnante au thème du café et s’en est fait l’observateur en multipliant les croquis pris sur le vif qui vont se transformer en huile sur toile. Au Café, 1878, Winterthur, fondation Oskar Reinhart Il s’agit d’un café et non d’un café-concert, avec une mise en scène d’une famille (il ne peut en être autrement, surtout à cause de la présence de la jeune fille). L’homme est le graveur Henri Guérard et la jeune femme Ellen André; les personnages sont montrés dans l’isolement de leur pensée. On note une composition en diagonale (partant du bas), un nature morte, la confusion de la foule notée à l’arrière-plan, avec une fiche du spectacle pour les clowns Hallon Lees dont le numéro débita aux Folies Bergères le 24 mai 1875. Du café, Manet passera au café-concert lui offrant plus de possibilités sur le plan thématique et de la composition. Café-Concert 1878 Baltimore Walter art galleries Il s’agirait ici de la brasserie Reishoffen, boulevard de Rochechouart où apparaissent des personnages de différents classes sociales qui ne manifestent ici aucun désir de nouer une relation. Le café et le café-concert comme lieu de brassage social sans lendemain intéressent Manet. On y voit : une jeune femme de mœurs faciles (elle fume une cigarette) selon Etienne Moreau-Négaton, un homme au chapeau haut-deforme identifié comme un monsieur de la bourse par certains critiques, un ouvrier reconnaissable à sa blouse à droite, la serveuse à l’arrière, buvant un bock de bière, et la chanteuse, dont personne ne se soucie, connue à l’époque sous le nom de la belle Polonaise, à l’arrière réfléchie dans un miroir, signifiant qu’elle se tient à la place du spectateur. Bien sûr, les cafés-concerts permettaient de jouer avec l’espace et Manet n’est pas le seul à avoir utilisé ce procédé qui permet la simultanéité des scènes observées. (Gustave CAILLEBOTTE Dans un café 1880 Rouen Mba) Le Coin de café-concert 1879 Londres Il s’agit toujours de la même brasserie Reishoffen mais selon un autre point de vue qui privilégie la serveuse de bocks. Cette dernière vint poser dans l’atelier de Manet accompagnée de son amoureux que l’on voit au premier plan. La serveuse pose d’un bras le bock sur le comptoir et tient les autres de la main. L’homme au chapeau rond n’a quasiment qu’une présence formelle, il est précédé par une femme puis l’orchestre en parte caché par les consommateurs, puis à l’arrière-plan le spectacle, ce thème le retenant au point qu’il l reprend avec : La Serveuse de bocks 1879 Paris muse d’Orsay est considérée comme la seconde version du Coin de café-concert et les deux œuvres ont d’ailleurs été considérées comme la partie droite d’un grand tableau découpé par Manet, le caféConcert de Reichhoffen, dont la partie gauche serait Au Café (vu plus haut) avec ses personnages silencieux. 1 Manet Un Bar aux Folies Bergères les Mardis de l’art Edouard Manet 8 Le dernier chef d’œuvre : Un Bar aux folies Bergères Cette version est plus libre techniquement parlant avec la présence d’une touche nerveuse. On y retrouve quasiment les mêmes personnages, la serveuse de bocks nous regardant ici, l’ouvrier au premier plan, le chapeau rond a disparu au profit d’un haut-de-forme. La jeune femme devant lui est identifiéeL la profondeur du champ a été sensiblement réduite, nous rapprochant des personnages et créant un rapport plus intime avec eux. Deux ans plus tard, il commence le travail sur Un Bar aux Folies Bergères qu’il terminera en 1882 et présentera au Salon de mai. L’œuvre sera précédée d’une esquisse. Etude pour Un Bar aux Folies Bergères 1881 Coll. Part. Une note manuscrite de Léon Leenhoff en 1883 indique que l’esquisse a été peintre d’après des croquis pris aux Folies Bergères. Henri Duprax (peintre militaire) cause avec la fille du comptoir. Il fut peint dans l’atelier de la rue d’Amsterdam. Le personnage principal, celui de la serveuse, ne semble pas être le modèle définitif, mais comment en être certain? car nous avons finalement que peu d’informations sur la jeune femme qui s’appelait Suzanne ou Suzon et que Manet fit poser en atelier. Il se pourrait que le Portrait de jeune femme (dit aussi le Modèle des Folies Bergères) 1881 Pastel sur carton Dijon Mba, soit un portrait de Suzon. La jeune femme était anglaise, on louait ses cheveux d’or, qualifiée par la critique du salon de « belle fille blonde dont le buste s’enferme élégamment dans une robe bleue foncé ». Françoise Cachin a suggérée une source littéraire pour cette figure de femme, un passage du roman de Zola Le Ventre de Paris, dont Manet possédait une édition dédicacée, dans lequel le héros admire la belle charcutière du quartier des Halles devant un amoncellement de victuailles. « La belle Lisa resta debout dans son comptoir… Florent la contemplait, muet, étonné de la trouver si belle… Ce jour-là, elle avait une fraîcheur superbe, la blancheur de son tablier et de ses manches continuait la blancheur des plats jusqu’à son cou gras, à ses joues rosées ou revivaient les tons tendres des jambons et les pâleurs des graisses transparentes. Florent finit par l’examiner à la dérobée dans les glaces. Elle s’y reflétait de dos, de face, de côté. c’était toute une foule de Lisa montrant la largeur des épaules, la poitrine arrondie, si muette et si tendre, qui n’éveillait aucune pensée charnelle ». Si la description peut convenir à l’aspect physique de Suzon, la nature morte n’est pas en reste puisqu’il s’agit de l’une des plus éblouissantes de Manet : des bouteilles de champagne et de bière anglaise, à l’étiquette ornée d’un triangle rouge, un flacon de peppermint résumant le large éventail des classes sociales fréquentant les Folies bergères, un compotier de mandarines, un verre à pied servant de vase aux deux roses. Derrière Suzon, le miroir au cadre doré reflète la salle du café-concert et un chant qui serait le peintre Gaston Latouche, un ami de Manet. La salle est animée d’une foule d’homme et de femmes parmi lesquelles on remarque : - les jambes et les pieds chaussés de bottines vertes d’une trapéziste qui pourrait être cette Katarine Jones. on sait qu’elle se produisait au Folies bergères en 1881. - A l’aplomb de la trapéziste, une jeune femme en blanc accoudée au balcon est Mery Laurent. (Atelier Reutlinger Mery Laurent 1888-89). Mery Laurent (1849-1900), née Anne Rose Suzanne Louviot était actrice à ses heures, une brillante courtisane à l’intelligence vive, amie de Manet et dont Mallarmé était amoureux. Elle fut la protégée de Thomas Evans, dentiste de la famille impériale. elle inspire probablement le personnage d’Odette de Crécy à Marcel Proust. Elle rencontra Manet en 1876 et devint l’un de ses modèles favoris. (L’Automne 1881 Nancy Mba - Mery Laurent au chapeau noir 1882 pastel Dijon Mba) - Jeanne Demarcey, derrière Mery Laurent (Atelier Reutlinger Jeanne Demarcey vers 1890). Jeanne Demarcey (1865-1937) née Anne Darland connut Renoir et Manet avant de devenir l’une des actrices les plus populaires de l’époque dans les années 1880 et 1890. Elle pose dans l’atelier de la rue d’Amsterdam pour Le Printemps (Jeanne Demarcey) 1881 Malibu Getty muséum. Il s’agit du deuxième panneau allégorique des 4 saisons commandé par Antonin Proust la même année. Bien entendu, on remarque rapidement l’incohérence du reflet de Suzon dans le miroir. Luzon et le client commandant une consommation suscita une caricature de Stop parue dans le Journal amusant en mai 1882 avec la légende : « Une marchande de consolation aux Folies Bergères. Son dos se reflète dans une glace mais sans doute par la suite d’une distraction du peintre, un monsieur avec lequel elle cause et dont on voit l’image dans la glace n’existe pas dans le tableau. nous croyons devoir réparer cette omission ». Joris-Karl Huysmans, dans son compte rendu du salon s’en étonne également. « le Bar aux folies Bergères de M. Manet stupéfie les assistants qui se pressent en échangeant des observations désorientées sur le mirage de cette toile dont l’optique est d’une justesse relative. Le sujet est bien moderne mais que signifie cet éclairage? Allons donc, c’est un vague plein air, un bain de jour pâle » Au-delà de cette remarque sur la lumière, Huysmans parle du mirage de cette toile. En effet, la toile est un leurre, une œuvre qui défie la réalité et joue avec l’illusion, démontrant brillamment le pouvoir du peintre sur le sujet, ou pourraiton dire les sujets. Suzanne seule et Suzanne et le client. Ce qu’elle est, ce qu’elle pourrait être, prostitution, bouteilles, sexe… Le reflet improbable est une expression de temporalité, un moment passé, un moment à venir, un mentonnet manqué, un moment rêvé… La salle et le spectacle, d’autant plus troublant, que nous voyons non seulement le premier étage où se situe le bar (alors que l’on sait que les trois bras des Folies bergères se situaient au rez-de-chaussée), et le rez-de-chaussée. Où est donc le bar? en suspension dans le temps, l’espace? on songe ici aux Ménines de Velazquez… C’est le dernier chef d’œuvre, une rêverie sur un lieu qu’il traite de mémoire, des femmes aimées et appréciées, un moment de sa vie de dandy aimant les femmes et dont il ne peut plus profiter en raison de sa maladie. Une œuvre très mélancolique , un adieu à la vie, un adieu à la peinture, à un univers désormais inaccessible. 1 Manet Un Bar aux Folies Bergères les Mardis de l’art Edouard Manet 8 1 Le dernier chef d’œuvre : Manet Un Bar aux Folies Bergères Un Bar aux folies Bergères les Mardis de l’art