Synthèse Rencontre Cultures et Territoires

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Synthèse Rencontre Cultures et Territoires
Rencontres Cultures et territoires. Pourquoi s’engager ?
Bourg-en-Bresse, 10 et 11 février 2011
Synthèse réalisée par Claire Delfosse, Université Lyon2-LER
Reconnue comme un facteur important de développement, la culture n’a jamais été autant sollicitée
par les politiques publiques, du niveau local au niveau européen. Pourtant les difficultés sont
nombreuses et les incompréhensions rencontrées parfois complexes à dépasser. Les Rencontres
culture et territoire, organisées à l’occasion de la Semaine européenne de la marionnette à Bourg-enBresse en février 2011, ont proposé aux différents acteurs du développement culturel de réfléchir sur
les enjeux d’une politique culturelle de territoire concertée. Les participants à ces journées (élus,
artistes, techniciens des collectivités, professionnels de la culture, habitants, militants, étudiants…)
ont ainsi eu l’occasion d’échanger, de confronter et de partager leurs expériences, leurs sources
d’inquiétude et d’espoir.
Plusieurs idées fortes ressortent des débats. S’engager en faveur de la culture suppose la nécessaire
collaboration entre acteurs quel que soit leur horizon. La nécessité des financements croisés, la
mobilité même des populations (artistes et habitants) suscite de nouvelles formes de coopérations
entre territoires. Enfin la rencontre entre culture et territoire suppose que l’on pense les lieux.
I - Une multiplicité d’enjeux et de procédures nécessitant une collaboration entre
acteurs
La culture revêt de nombreux enjeux pour les territoires et leurs habitants. Elle renforce le
développement économique, favorise le renouvellement du lien social et contribue à améliorer la
qualité de vie. Aussi fait-elle l’objet d’une multiplicité de politiques et de procédures : des
procédures de développement rural, des politiques en faveur de la ville, mais aussi de développement
territorial portées par les régions, sans oublier les lignes ou procédures en faveur de l’éducation, et
même du commerce et de l’artisanat. La multiplicité de ces politiques offre des opportunités de
financement, mais ne facilite pas toujours la réalisation d’un projet local. Elle rend, en effet,
complexe le montage de dossier et le jeu d’acteurs. Réaliser un projet transversal est passionnant,
mais loin d’être toujours facile.
La question de l’évaluation des projets culturels est revenue à plusieurs reprises lors de ces journées.
Le contexte actuel, notamment le lancement de la révision générale des politiques publiques, pose
question aux acteurs culturels présents qui s’interrogent sur les manières de rendre visible leurs
actions et les justifier. Il est clair que l’impact des actions culturelles sur les territoires ne se mesure
pas non plus seulement d’un point de vue économique, ni seulement par un taux de remplissage de
salle. De nouvelles modalités d’évaluation des projets culturels doivent être inventées, des méthodes
plus qualitatives que quantitatives.
Une des questions centrales a été de réfléchir à la façon de mettre en lien les acteurs d’un même
territoire (culturels, économiques, socio-éducatifs, citoyens) afin de construire un projet artistique et
culturel. Aussi le rôle des médiateurs, des opérateurs culturels, de l’ingénierie culturelle a été
souligné tant pour favoriser les montages de dossier, que pour favoriser les collaborations entre
acteurs. L’ingénierie est également importante pour assurer la pérennité des initiatives.
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Et là il convient de souligner un point important qui est celui de la pérennité des actions ou tout du
moins de leur maintien dans un temps qui va au-delà de celui d’un dispositif qui s’inscrit par
définition dans le court terme.
La nécessaire collaboration entre acteurs passe aussi par les regards croisés entre disciplines
artistiques et le partage. En effet, il semble que certaines d’entre elles soient privilégiées, plus
reconnues que d’autres. Autre point abordé et récurrent en matière de culture, celui des liens,
passerelles et collaborations possibles entre artistes amateurs et des professionnels. Enfin il n’y a pas
de projet culturel sans public. Aussi la question de la participation des habitants des territoires a-t-elle
fait l’objet d’une attention particulière. Plusieurs intervenants ont souligné qu’un projet culturel de
territoire, ne doit pas seulement être pensé pour les habitants, mais avec eux, réaffirmant la place
centrale de la population dans les projets culturels. Aussi plusieurs expressions comme démarche
participative, collaborative, échanges, sont revenus au cours des débats. La question du public est
aussi importante en termes de légitimité politique des actions culturelles.
II- Coopération entre territoires
Le financement de la culture, la production de politiques culturelles font l’objet de plusieurs échelles
d’intervention de l’Europe à la commune. En effet, la culture a pris une nouvelle place dans de
nombreuses politiques de l’Union européenne par l’agenda européen à la culture en 2008. Elle est
aussi présente dans les programmes européens de développement local comme les programmes
Leader, une ligne importante pour la culture en milieu rural. Les financements croisés qui s’imposent
impliquent la coopération entre différentes échelles territoriales, dans une forme de coopération
verticale mais qui se fait au profit d’un territoire. La coopération entre territoires a lieu aussi de façon
horizontale : entre territoires de même « rang ». Celle-ci est favorisée par les programmes leader
notamment mais aussi par des programmes de développement régional. Elle vise à favoriser les
échanges méthodologiques, à diffuser les innovations et ainsi à assurer la reproductibilité des actions.
La collaboration entre territoires est également nécessaire face aux disparités entre territoires qui
demeurent importantes en termes d’équipements culturels, notamment entre ville et campagne. Ainsi
émerge un autre axe de coopération, celui entre « l’urbain », le « rural » et le « périurbain ». La
complémentarité entre urbain et rural est d'autant plus nécessaire que les populations sont mobiles.
Les mouvements migratoires en direction des espaces ruraux se maintiennent, voire se renforcent.
Les populations rurales et périurbaines expriment des besoins en matière d'offres et de services
culturels. La mobilité de la population fait qu'elle se déplace pour les besoins résidentiels, de travail,
mais aussi de loisirs. Aussi des citadins peuvent-ils aller en milieu rural chercher une offre culturelle.
On est donc plus dans une complémentarité ville campagne que dans un schéma ancien qui était celui
de la centralité urbaine avec des espaces en creux autour des villes. D'ailleurs la mobilité des
populations est aussi celle des artistes. Certains s'installent à la campagne diffusent en ville, diffusent
en ville mais habitent à la campagne, voire créent à la campagne et habitent en ville.
La complémentarité entre « l'urbain » et le « rural » vient aussi de la nécessité de trouver des
financements croisés, des collaborations entre les différents échelons territoriaux et entre les
collectivités territoriales de même rang mais de tailles différentes. Ainsi peut-on citer la mise en
œuvre des EPCC (Etablissement public de coopération culturelle) qui illustre ces modes de
complémentarité et qui implique également que les structures culturelles urbaines interviennent en
milieu rural. La coopération et la nécessaire mutualisation génèrent la création de nouvelles
structures, qui, pour certaines, se définissent comme un accompagnateur de projets des élus et
techniciens culturels. Ainsi de nouvelles formes de collaboration et même de gouvernance s'inventent
entre territoires.
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III – Penser les lieux
La collaboration entre acteurs et notamment entre artistes et public, la coopération entre territoires
amènent à repenser les rapports aux lieux : lieux de création, lieux de diffusion et lieux de vie.
L’ensemble des acteurs présents a évoqué la nécessité de sortir des lieux dédiés à la culture pour aller
à la rencontre de nouveaux publics et explorer de nouvelles formes de création culturelle. Souvent,
la culture ou les lieux associés restent intimidants pour la population. Ainsi est-il important de
« dédramatiser ces lieux », et de trouver d’autres lieux de diffusion (usine, cafés commerce de
proximité…). On pourrait même citer les représentations chez l’habitant. La culture se déplace ainsi
dans les « espaces de proximité », rencontre le quotidien. Diffuser dans d’autres lieux invite aussi à
renouveler des pratiques artistiques, les artistes collaborant entre différentes disciplines afin de
croiser les regards artistiques. Les lieux ont une grande importance dans le fait de créer, l'artiste
cherche l'inspiration dans des lieux originaux, inhabituels pour innover, concevoir son œuvre.
S’interroger sur le rapport de la culture à l’espace, au lieu, c’est aussi s’interroger sur les effets de la
culture sur la perception des lieux par les habitants et les « autres ». On connaît le rôle de distinction
et donc de discrimination que la présence ou l’absence d’action culturelle peut jouer. Mais plusieurs
intervenants ont souligné l’importance que la culture, l’artiste in situ peut jouer dans le regard que les
habitants portent sur leur lieu de vie, leur quotidien. Le but est de réinventer des notions de
proximité, de temps et de rencontres. Il faut penser le temps des élus, celui des procédures, celui des
artistes, mais aussi le temps des habitants. Les temporalités ne sont pas forcément les mêmes et cela
peut induire des formes de blocage et être source de difficultés.
Dans un questionnement qui, dans notre société de mobilité aux multiples appartenances, est celle de
l’ancrage, la culture contribue à créer du lien social dans les territoires, à créer ou re-créer des formes
d’appartenance territoriale. Par ailleurs, la question de l'in situ, du lieu de la rencontre, fait que des
territoires que l'on supposait « vides » du point de vue culturel, sont « porteurs de pratiques, plutôt de
pleins en somme ».
Conclusion
Ces journées ont souligné l’importance de la culture pour les territoires et leurs habitants. Outre les
enjeux économiques, sociaux et bien sûrs artistiques, s’engager en faveur d’une politique culturelle
de territoire revêt de vrais enjeux démocratiques. Les exemples présentés au cours de ces deux
journées montrent qu’il y a un socle commun partagé entre les différents acteurs de la culture, et
notamment la notion d’engagement présente dans l’intitulé du colloque. Ils renforcent l’idée que la
mise en place du processus culturel et l’impulsion de dynamiques culturelles sur les territoires se fait
dans la coopération entre tous les acteurs et non pas dans la concurrence. Par ailleurs ces journées ont
fait preuve de l’existence d’un foisonnement d’initiatives, de la capacité d’innovation et de
mobilisation qu’ont les acteurs, les artistes, les élus, les techniciens du développement, sans oublier
les habitants. Ces nouvelles conditions (volonté et/ou nécessité de collaborer, mobilisation, …) sont
en train d’élaborer de nouvelles formes de gouvernance de la culture, autour de réseaux, de nouvelles
structures d’ingénierie culturelle associées au développement, de nouveaux rapports des artistes au
public, aux territoires. Ces nouvelles formes de gouvernance doivent s’articuler avec une réflexion
sur les modalités de diffusion du travail des artistes, de réception de la culture sur les territoires.
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