les tapis art déco de la Maison Vrouyr
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les tapis art déco de la Maison Vrouyr
r enc o nt r e Les tapis Art déco de la Maison Vrouyr Établie à Anvers depuis 1920, la Maison Vrouyr en sera bientôt à la quatrième génération puisque la fille de Christian Vrouyr s’implique déjà dans l’entreprise familiale qui propose depuis sa création des tapis d’Orient anciens ou récents de qualité supérieure. Cette année, il présente à la Brafa un ensemble unique de tapis Art déco. Entretien de Christophe Vachaudez 80 art&culture – Comment se porte le secteur du tapis ancien en Belgique et à l’étranger ? – Comme dans tous les domaines, les pièces de qualité se maintiennent solidement sur le marché. Elles sont devenues des valeurs refuges. Il y a eu en outre la prise de conscience que beaucoup d’objets qualifiés naguère de “non-précieux ou très courants” avaient une valeur ethnographique à ne pas sous-estimer. Par bonheur, le marché a appris à apprécier davantage l’authenticité des tapis que les prouesses techniques. C’est un artisanat et il y a eu beaucoup de bouleversements au cours du xxe siècle. Le mode de vie a changé et la politique (révolution bolchevique dans les républiques soviétiques, révolution culturelle en Chine) a complètement ruiné les vieilles traditions. Beaucoup de productions ont été perdues à jamais. À nous de préserver ce qu’il en reste et de leur accorder le respect qu’elles méritent. marchands de mauvais aloi vous font avaler afin d’endormir les éventuelles réticences. La plupart du temps, plus belle est l’histoire, moins le tapis est intéressant. Il faut laisser parler le tapis… pas le marchand de tapis ! Il y a des copies en masse, fabriquées dans les pays d’origine eux-mêmes. L’Inde imite l’Iran, le Pakistan imite les Turkmènes, la Chine imite la Turquie et depuis peu, l’Iran fait des imitations en Iran ! Ce sont de vraies copies. Si vous voulez une porcelaine de Sèvres, il faut veiller à ce que ce ne soit pas une copie faite à Hong Kong car, quelle que soit la qualité d’exécution de l’artisan chinois, même s’il se surpasse, il ne pourra jamais produire une porcelaine de Sèvres authentique. C’est la même chose pour les tapis ! – Quelles époques couvrez-vous ? – Principalement le xixe et le xxe siècle. Mais nous estimons par ailleurs qu’il est de notre devoir d’encourager les trop rares initiatives cherchant à donner un nouvel essor au monde du tapis. Ce n’est donc pas par hasard si nous avons organisé un concours à l’Académie des Beaux-Arts d’Anvers, qui récompense une série de cartons et que nous sommes parvenus à faire exécuter en moins de six mois, afin que, en fin d’année, les étudiants voient aussi le résultat de ce qu’ils avaient conçu. Nous avons lancé une série de tapis avec des artistes contemporains vivant en Belgique et nous avons notamment organisé deux expositions avec une dessinatrice française qui a créé des modèles uniques pour notre collection. L’Eventail – Vous présentez une exceptionnelle collection de tapis Art déco à la Brafa. Pouvezvous nous en dire plus ? Christian Vrouyr – Nous y tiendrons cette année un stand de 150 m² et, en parallèle, l’extension de cette exposition dans notre galerie. D’une part nous présenterons une vingtaine de tapis issus des ateliers d’Elisabeth de Saedeleer, des pièces réalisées à partir des années 1920 et dont les cartons originaux sont signés Valerius de Saedeleer, Paul Haesaerts, Albert Van Huffel, Gustave Van de Woestijne, et d’autre part nous exposerons des tapis Art déco dont un couloir d’escalier de Horta, des tapis des Pays-Bas (notamment quelques velours d’Utrecht), quelques pièces belges, finlandaises, suédoises, sud-américaines, des tapis qui furent commandés (sans doute en Espagne ou au Portugal) par les Établissements Franck pour le siège de la Compagnie maritime belge mais aussi quelques pièces faites à domicile sur des canevas de façon à montrer combien le nouage de tapis a connu un engouement significatif à cette époque. Tous les tapis De Saedeleer et quelques autres seront présentés à la Brafa. – Est-ce une période importante pour la production de tapis ? – Pour la Belgique, c’est une période importante car la renommée d’Elisabeth De Saedeleer dépassait nos frontières et ses ateliers étaient considérés comme un des fleurons de Van Huffel pour de nombreuses demeures privées, pour la basilique de Koekelberg et pour le Memlinc Palace Hotel de Knokke-leZoute. – Vous déplacez-vous à l’étranger pour acheter de nouvelles pièces ? – Oui, c’est un des bonheurs de ce métier car, voyager, c’est découvrir dans les endroits les plus inattendus des tapis, voire même des créations étonnantes. On noue des tapis sur tous les continents de cette planète. J’apprends chaque jour, et je n’aurai jamais fini d’apprendre. l’art belge. Il est aujourd’hui difficile d’imaginer le rôle important qu’elle a joué en Europe et même aux États-Unis. Pour mémoire, les tapis que Jaap Gidding créa pour la maison Van Buuren proviennent des ateliers De Saedeleer ainsi que les tapis dessinés par – Y a-t-il des faux tapis sur le marché ? – Bien entendu. Il faut être prudent, s’informer avant de se lancer dans un achat, comparer, se méfier de merveilleux “contes et légendes des Mille et Une Nuits” que des art&culture 81