Martinique. L`île antillaise candidate au patrimoine mondial de l
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Martinique. L`île antillaise candidate au patrimoine mondial de l
Martinique. L'île antillaise candidate au patrimoine mondial de l'Unesco Martinique - 25 Septembre Ouest-France La Martinique pourrait être dans la liste du patrimoine mondial recensé par l'Unesco. | Fotolia La Martinique accueille une mission d'experts pour accompagner sa candidature à l'inscription au patrimoine mondial de l'Unesco. Plusieurs sites naturels sont concernés. Cette mission d'une vingtaine d'experts est conduite par Philippe Lalliot, ambassadeur de la France auprès de l'Unesco et de Perrine Laon, adjointe au chef du bureau chargé de l'animation du pôle patrimoine mondial au ministère de l'Écologie. L'île antillaise a été retenue en juin 2014 sur la liste indicative des biens naturels français en vue de son inscription au patrimoine mondial de l'Unesco. Sept sites retenus Plusieurs sites naturels de la Martinique sont concernés par cette démarche d'inscription. Il s'agit du Mont Conil et de la Montagne Pelée, des Pitons du Carbet et du Morne Jacob, de la presqu'île de la Caravelle, de la presqu'île des Trois-Ilets et du Rocher du Diamant ainsi que de plusieurs aires dispersées du sud de la Martinique. Porteur du projet pour la Région Martinique, l'écrivain martiniquais Patrick Chamoiseau a précisé les contours de cette mission. Selon lui, elle a pour objectif de « préciser la stratégie et les critères à retenir, d'esquisser le plan de gestion du bien naturel et de mobiliser la population martiniquaise autour de ce projet ». D'ici 2018 ? Plus de 200 personnes se sont vues présenter le projet lors d'une réunion à Fort-de-France, en présence de l'ambassadeur de la France auprès de l'Unesco. Au vu de la qualité de cette rencontre et des questions posées par les Martiniquais, Philippe Lalliot a estimé que ce projet était très « fédérateur ». Enfin l'ambassadeur a précisé que 2018 pouvait être une « ambition réaliste » pour une inscription de la Martinique sur liste du patrimoine mondial. La Martinique candidate au patrimoine mondial de l'Unesco Propos recueillis par C. Everard Lundi 27 janvier 2014 Réunion du comité scientifique en décembre dernier. Le Conseil régional soumet à l'Unesco la candidature de la Martinique pour le classement au patrimoine de l'humanité d'un ensemble de monuments écologiques allant de la montagne Pelée au rocher du Diamant. Un comité scientifique a été créé et a rendu un premier dossier en avril 2013. Un expert de l'Unesco, Yves Luginbhul, est venu récemment sur notre île. La procédure n'en est qu'à ses débuts. Pourriez-vous vous présenter et expliquer la raison de votre présence ? Je suis ingénieur-agronome, géographe, directeur de recherche émérite au CNRS. Je suis en Martinique en tant que membre du comité national des biens français du patrimoine mondial de l'Unesco. Mon rôle est d'expertiser le dossier de candidature de la Martinique. Quelle est la procédure à suivre pour la Martinique ? D'abord, le Conseil régional propose de faire inscrire une partie de la Martinique, en tant que bien naturel, sur la « liste indicative française du patrimoine mondial de l'Unesco » . C'est le tout début de la procédure et une longue marche qui commence. En effet, si cette proposition est acceptée par le comité national puis l'Unesco, il y aura ensuite un dossier à constituer. Ce dernier devra comporter trois éléments : - la description du bien, avec la définition de sa valeur universelle exceptionnelle. Elle repose sur des critères de l'Unesco ; - une analyse comparative avec des biens similaires ; - un plan de gestion de ce bien pour l'avenir. Le dossier à monter est lourd et exigeant car il y a de plus en plus de candidatures. Il demandera un travail énorme et aussi - c'est important de le dire publiquement - une mobilisation de la majorité des acteurs concernés, y compris la population. Tous les biens récemment inscrits ont pu témoigner d'une forte mobilisation sociale, avec l'organisation de manifestations, d'événements, de randonnées, de grandes réunions auxquelles ont participé les populations. Combien y a-t-il de sites ainsi classés dans le monde ? Il y en a un peu plus de 900 actuellement. C'est beaucoup de travail pour le pauvre Centre du patrimoine mondial de l'Unesco qui a peu de personnel! La France en a 38, parmi lesquels le château de Versailles, la baie du Mont-Saint-Michel, les quais de la Seine, la cathédrale de Vézelay, le vignoble de Saint-Émilion. Mais 34 autres dossiers sont soumis à la liste indicative. Quels sont les sites concernés en Martinique ? Trois grands ensembles : la montagne Pelée, le morne Jacob et la presqu'île des Trois-Ilets, ainsi que de petits sites comme la Caravelle. Quels sont les critères qui seront examinés ? Le dossier porte sur les biens naturels, donc une première série de critères concerne les phénomènes géologiques, c'est-à-dire le volcanisme, la tectonique ou encore la submersion-immersion des îles. D'autres critères portent sur la biodiversité de l'île. Ce qui est intéressant dans ce dossier est que les deux thématiques sont interdépendantes. La biodiversité découle de la géologie complexe d'émergence des cônes volcaniques. Ces derniers ont modifié le milieu, avec de très nombreuses migrations d'espèces venant d'Amérique du Sud et, dans une moindre mesure, d'Amérique du Nord. La Martinique est intéressante car c'est l'île qui a été la plus précocement émergée, d'abord par le Sud, puis, petit à petit, des parties se sont agrégées comme la montagne Pelée ou encore le mont Conil. Elle a ainsi concentré les flux d'espèces par les oiseaux, les bois flottants transportant des semences et des animaux, etc. Combien de temps ce dossier va-t-il prendre ? Il faut être patient! Les biens qui ont été déposés cette année, comme les volcans d'Auvergne ou la grotte Chauvet, étaient depuis une dizaine d'années sur la liste indicative. Cela pourrait peut-être aller plus vite pour la Martinique car nous avons peu de biens à dominante naturelle en France, par rapport aux biens à dominante culturelle. Mais je ne garantis rien! Yves Luginbhul : « Ce qui est intéressant dans ce dossier est que la géologie et la biodiversité sont interdépendantes » . Quelle sera la place du culturel alors ? C'est la question que nous nous posons. Nous en avons beaucoup parlé lors de la réunion du comité scientifique (1). Nous avons évoqué Saint-Pierre, par exemple, mais aussi la culture locale de la nature : les jardins créoles ou encore la connaissance empirique de la population. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il y avait très peu de ressources disponibles, les habitants sont allés chercher dans la forêt des ressources diverses pour leur alimentation. Cela peut faire partie de la culture. Quand doit être mis en place le plan de gestion dont vous avez parlé ? Il doit être déposé avec la candidature définitive mais il faut que tout soit en place. Il commence par l'inventaire de tous les espaces protégés et moyens de protection existants, ce qui est déjà fait, mais comporte aussi la politique de gestion menée par les collectivités territoriales. Tout cela demande des réunions, des discussions et du débat public. Comment doit se traduire l'implication de la population ? Par une protection individuelle du patrimoine ? Par l'adhésion de la société civile, des associations par exemple ? Tout à fait. Nous avons parlé des associations de randonneurs mais il peut y avoir d'autres formes d'associations impliquées, comme les associations culturelles. Elles ont un rôle très important à jouer. Un site estampillé Unesco lui confère une belle image mais pas beaucoup d'argent, non ? Effectivement, l'Unesco ne donne pas d'argent, mais il s'agit d'une forme de reconnaissance assez prestigieuse. Par exemple, cela augmente considérablement la fréquentation touristique. Sur ce point, il faut faire attention au côté pervers que cette fréquentation peu entraîner : le développement touristique implique des constructions et de nouveaux équipements qui peuvent aller à l'encontre de la préservation de l'authenticité et de l'intégrité des sites. Avez-vous un dernier message à faire passer ? Oui, il faut savoir que, désormais, nous essayons d'aborder les questions de patrimoine mondial et de paysage à travers l'économie. C'est une nouvelle forme de conception de l'économie tendue vers l'humain, le bien social et individuel. (1) Membres du comité scientifique : Parc naturel régional, Conservatoire botanique de Martinique, Deal, ONF, CNRS, CSRPN, Conservatoire du littoral, botanistes, géologues, entomologistes, historiens, spécialistes de la faune, etc. 981 biens au patrimoine mondial Actuellement, le patrimoine culturel et naturel que le comité du patrimoine mondial considère comme ayant une valeur universelle exceptionnelle comprend 759 biens culturels, 193 naturels et 29 mixtes (culturels et naturels) répartis dans 160 États. Depuis septembre 2012, 190 États ont ratifié la convention du patrimoine mondial. - Accès à la liste du patrimoine mondial (avec carte interactive) : whc.unesco.org/fr/list/