Distribution et Internet : bilan et perspectives

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Distribution et Internet : bilan et perspectives
Concurrences
Revue des droits de la concurrence
Distribution et internet
Bilan et perspectives
Colloque l Concurrences N° 4-2010
www.concurrences.com
Juliette VANARD
[email protected]
Avocat au Barreau de Paris,
Docteur en droit
Muriel CHAGNY
[email protected]
Professeur à l’Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines,
Directeur du master de droit
des contrats et de la concurrence
IRÈNE LUC*
[email protected]
Chef du service juridique,
Autorité de la concurrence
Magistrat détaché
Chargée de cours à l’Université Panthéon-Assas
Les actes de ce colloque sont publiés
dans la version électronique de la revue
@ Colloque
Distribution et Internet :
Bilan et perspectives
10 juin 2010
Matinée-débat
Organisée par le Comité
des Jeunes de l’AFEC
09.00-09.30
Les acteurs de la distribution en ligne
Juliette Vanard
l Avocat au Barreau de Paris, Docteur en droit
UGGC & ASSOCIÉS
47, rue de Monceau
75 008 Paris
09.30-10.00
Distribution exclusive et sélective à l’épreuve
de la vente en ligne… et de nouvelles “règles”
applicables aux restrictions verticales
Muriel CHAGNY l Professeur à l’Université de Versailles-Saint-Quentinl en-Yvelines, Directeur du master de droit des contrats
l et de la concurrence
10.00-10.30
L’approche de la distribution en ligne
par l’Autorité de la concurrence
Irène LUC
l Autorité de la concurrence – Chef du Service juridique
Concurrences
Concurrences N° 4-2010 I Colloque I Distribution et Internet I Paris, 10 juin 2010
54
Les actes de ce colloque sont publiés
dans la version électronique de la revue
Juliette VANARD
[email protected]
Avocat au Barreau de Paris,
Docteur en droit
Distribution et internet :
Bilan et perspectives
Les acteurs de la distribution
en ligne
Muriel CHAGNY
[email protected]
Professeur à l’Université de VersaillesSaint-Quentin-en-Yvelines,
Directeur du master de droit
des contrats et de la concurrence
Juliette VANARD
Avocat, Docteur en droit
IRÈNE LUC*
[email protected]
Chef du service juridique,
Autorité de la concurrence
Magistrat détaché
Chargée de cours à l’Université Panthéon-Assas
I. Introduction
1. Le thème “Distribution et internet” est un sujet d’une grande actualité compte
tenu de l’entrée en vigueur du nouveau règlement sur les restrictions verticales.
Abstract
T
he European Commission has revised the Vertical
Restraints Block Exemption Regulation and accompanying
Guidelines, which were 10 years old, and adopted the new
Regulation 330/2010 of 20 April 2010 and its Guidelines
of 19 May 2010. These new texts take into account the
development of the internet as a force for sales and for
cross-border commerce. As to the question of “who can sell
trough the internet”, it maintains the right for approved
distributors to use the internet freely to advertise or sell
their products. A ban of online sales can thus exist only in
exceptional cases when objectively required. In the interests
of both networks and consumers, manufacturers remain free
to decide how to distribute their products providing that
their agreements do not contain any hardcore restrictions of
competition (i.e. fixing the resale price or re-creating barriers
to the EU’s single market). Under the new Regulation, they are
expressly allowed to decide to sell only to dealers that have a
“brick and mortar” shop (thus to exclude “pure players”) and
to manage the use of the internet by requiring rules pertaining
to sales conditions, the website quality, advertising and
referencing, etc. to be respected.
La Commission européenne vient de modifier les textes qui
régissaient l’exemption de certaines catégories d’accords
verticaux, en place depuis 10 ans, et adopté le nouveau
règlement n° 330/2010 le 20 avril 2010 et ses lignes directrice
le 19 mai 2010. Ces nouveaux textes tiennent compte du fait
qu’internet est devenu un outil majeur pour les ventes et le
commerce transfrontalier. En ce qui concerne la question
de savoir “qui peut vendre par internet”, le droit pour
les distributeurs agréés d’utiliser librement internet pour
faire de la publicité ou vendre leurs produits est maintenu.
Une interdiction de la vente en ligne ne pourra ainsi exister
que dans des cas exceptionnels, si elle est objectivement
justifiée. Dans l’intérêt du réseau et des consommateurs, les
producteurs restent libres d’opter pour le mode de distribution
de leur choix, tant que leurs accords ne contiennent pas de
restrictions de concurrence caractérisées (fixation du prix de
vente, obstacle au marché unique de l’UE…). Les nouveaux
textes leur confèrent expressément la possibilité de décider
de ne vendre qu’à des détaillants qui disposent d’un point de
vente physique (exclusion des “pure players”), et d’encadrer
l’usage d’internet en élaborant des règles relatives aux
conditions de vente, à la qualité des sites, à la publicité
et au référencement, etc.
*Les arguments et opinions présentés dans cet article
n’engagent que son seul auteur, et non les institutions
et organismes auxquels il est affilié.
1. Le contexte de la réforme
2. En 1999, la Commission avait procédé à une réforme profonde des textes
gouvernant les restrictions verticales, passant d’une approche formaliste à une
approche plus économique fondée sur l’examen des effets produits sur le marché
par les accords verticaux. Cette réforme de fond s’était concrétisée par l’adoption
du Règlement n° 2790/99 du 22 décembre 1999 et de ses lignes directrices du
13 octobre 2000, applicable jusqu’au 31 mai 2010.
3. Compte tenu de cette échéance, la Commission a lancé en 2008 une consultation et
a réalisé un bilan afin d’apprécier l’application qui avait été faite de ces dispositions.
Estimant qu’elles avaient bien fonctionné, la Commission n’a pas jugé opportun de
les refondre profondément, et a opté pour des “ajustements” des textes plutôt que
pour une véritable réforme. Au travers de ces ajustements, l’objectif principal de la
Commission a été de tenir compte de l’évolution économique du marché depuis 1999.
4. Cela a abouti à l’adoption du Règlement n° 330/2010 du 20 avril 2010, suivi de
celle des lignes directrices le 19 mai 2010. Ce Règlement est entré en vigueur, le
1er juin 2010, avec une période transitoire d’un an. Les opérateurs ont donc jusqu’au
31 mai 2011 pour intégrer les nouvelles dispositions dans leurs accords.
5. Trois points forts apparaissent à la lecture des nouveaux textes :
J Premièrement, la Commission a opéré une réduction du safe harbour : si l’exemption
est toujours conditionnée à la détention de moins de 30 % des parts de marché, ce
taux va dorénavant être appliqué différemment. Par le passé, il était uniquement
apprécié par rapport aux parts de marché du fournisseur. À l’avenir, il sera également
apprécié par rapport aux parts de marché détenues par l’acheteur sur le marché sur
lequel il achète les biens ou services contractuels. L’appréciation se fera donc sur le
“marché intermédiaire”, l’objectif de cette modification étant de mieux prendre en
compte l’augmentation constante de la puissance d’achat de la grande distribution.
Producteur
Marché intermédiaire
Distributeur
J Deuxièmement, la Commission maintient l’approche en termes de restrictions
caractérisées mais fait plus de place à l’efficience économique. Elle consacre ainsi
toute une section aux justifications objectives, en regroupant aux points 60 à 64
des lignes directrices des exemples de situations individuelles dans lesquelles
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Ce document est protégé au titre du droit d'auteur par les conventions internationales en vigueur et le Code de la propriété intellectuelle du 1er juillet 1992. Toute utilisation non autorisée constitue une contrefaçon, délit pénalement sanctionné jusqu'à 3 ans d'emprisonnement et 300 000 € d'amende
(art. L. 335-2 CPI). L’utilisation personnelle est strictement autorisée dans les limites de l’article L. 122 5 CPI et des mesures techniques de protection pouvant accompagner ce document. This document is protected by copyright laws and international copyright treaties. Non-authorised use of this document
constitutes a violation of the publisher's rights and may be punished by up to 3 years imprisonment and up to a € 300 000 fine (Art. L. 335-2 Code de la Propriété Intellectuelle). Personal use of this document is authorised within the limits of Art. L 122-5 Code de la Propriété Intellectuelle and DRM protection.
@ Colloque
J Troisièmement, le règlement précise le régime applicable
aux ventes sur internet. Compte tenu du développement sans
précédent d’internet depuis 1999, les évolutions sur cette
question étaient très attendues.
6. En effet, si le phénomène de la vente en ligne existait déjà
en 1999 lors de l’adoption du règlement n° 2790/1999, il n’a
cessé de s’amplifier depuis. Quelques chiffres en témoignent :
en 2009, il y a eu 25 milliards d’euros d’achat en France, soit
une progression de plus 26 % par rapport à 2008.
Dans la mesure où le Règlement restera en vigueur jusqu’en
2022, ce caractère non contraignant semble laisser une marge
d’adaptation aux évolutions économiques qui ne manqueront
pas d’intervenir.
2. La distribution en ligne
11. Les ajustements apportés par les nouveaux textes
soulèvent trois questions :
1) Qui peut vendre ?
2) Quelles incidences sur les modes de distribution actuels ?
7. Les enjeux économiques sont donc extrêmement importants.
Conscients de cette réalité désormais incontournable, les
politiques font en outre montre d’une volonté de développer
le commerce en ligne, dont ils attendent plusieurs avantages :
3) Quelle approche de la vente en ligne par l’Autorité de la
Concurrence ?
J En premier lieu, des avantages pour la concurrence :
internet permet de renforcer la concurrence par les prix
dans l’Union Européenne, et favorise le développement d’un
véritable marché commun avec une harmonisation des prix
entre tous les États membres ;
II. Première question :
Les acteurs de la distribution en ligne
J En deuxième lieu, des avantages pour les consommateurs,
qui vont ainsi avoir accès à de nouveaux services : acheter à
distance de chez eux avec une grande flexibilité temporelle,
disposer d’une information renouvelée combinée à l’accès à
de nombreux avis d’internautes, etc. ;
J Enfin, des avantages pour les distributeurs et les
fournisseurs eux-mêmes, dès lors qu’internet leur permet de
toucher de nouveaux consommateurs, qu’ils ne pouvaient
pas atteindre auparavant.
8. Les ventes en ligne présentent donc des avantages certains,
mais il y a également des effets pervers bien connus, et
principalement un risque de parasitisme entre les points de
vente physiques et la distribution par internet, au détriment
des premiers.
9. Compte tenu de ces avantages et de ces inconvénients, la
Commission a cherché, lors de la préparation des nouveaux
textes, un juste équilibre entre l’intérêt des consommateurs de
pouvoir bénéficier des opportunités offertes par le commerce
en ligne et l’intérêt des fournisseurs de prévenir le parasitisme
et de préserver leur modèle de distribution. C’est donc dans
cet état d’esprit qu’ont été réalisés les ajustements introduits
dans le nouveau texte.
10. Il convient de préciser que les dispositions consacrées
à internet ont été maintenues dans les lignes directrices,
mais n’ont pas été introduites dans le corps du Règlement.
Certains opérateurs avaient pourtant manifesté le souhait
qu’internet soit traité directement dans le Règlement,
compte tenu de son importance. La Commission a toutefois
préféré laisser ce point dans les lignes directrices. Or, les
lignes directrices ne sont que de la soft law, c’est-à-dire des
présomptions réfragables qui n’engagent pas les autorités
nationales de la concurrence et permettent aux opérateurs de
solliciter une autre interprétation du droit de la concurrence.
12. Les lignes directrices énoncent les principes applicables à
la distribution en ligne (1.), ayant des conséquences pratiques
pour chacun des acteurs de la distribution (2.).
1. Le maintien des principes :
Il est interdit d’interdire,
sauf exceptions
1.1. Il est interdit d’interdire
13. L’étude du nouveau corpus de textes montre qu’il y
a eu finalement, sur ce sujet, assez peu de changements.
Le principe “il est interdit d’interdire” demeure ainsi
consacré. S’il figure désormais au point 52 des nouvelles
lignes directrices (ancien point 51), son énoncé est identique :
“En principe, tout distributeur doit être autorisé à utiliser
internet pour vendre ses produits.”
14. L’on retrouve également la maxime selon laquelle
“En règle générale, l’utilisation par un distributeur d’un site
internet pour vendre des produits est considérée comme une
forme de vente passive, car c’est un moyen raisonnable de
permettre aux consommateurs d’atteindre le distributeur.”
15. Le phrasé utilisé dans les précédentes lignes directrices est
donc conservé, ce qui témoigne du fait que l’interdiction de
la revente en ligne reste appréhendée comme une “restriction
caractérisée” au sens de l’article 4-b) du Règlement. Or, cette
qualification de restriction par l’objet dispense les autorités
de la concurrence d’avoir à démontrer au cas par cas les effets
anticoncurrentiels de la pratique, et ce quelle que soit la part
de marché de l’opérateur en cause.
16. Cette approche a fait beaucoup débat. Elle est en effet
assez contestable si l’on considère que, en principe, les
lignes directrices adoptées par la Commission n’ont que
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elle estime qu’une restriction caractérisée ne tombe pas
forcément sous le coup de la prohibition des ententes.
17. Peut-être sensible à cette critique, la Commission a,
à tout le moins, ajouté une phrase pour tenter de justifier
sa position. Introduite en ouverture du point 52 des lignes
directrices, cette phrase est toutefois assez sibylline : “internet
est un instrument puissant, qui permet d’atteindre un plus grand
nombre et une plus grande variété de clients que par les seules
méthodes de vente plus traditionnelles, ce qui explique pourquoi
certaines restrictions à son utilisation sont considérées comme
des restrictions de (re)vente”. Cela paraît assez “léger”
pour justifier une interdiction quasi-dogmatique. Sur ce
point crucial, la réponse de la Cour de justice à la question
préjudicielle qui a été posée par la Cour d’appel de Paris dans
l’affaire Pierre Fabre, et sur laquelle Irène reviendra, est donc
attendue avec impatience.
18. Toujours est-il que, en l’état actuel de l’interprétation
des règles et comme par le passé, dès lors que le fournisseur
accueille le distributeur dans son réseau, il ne peut pas lui
interdire d’avoir recours à internet pour distribuer ses produits.
Cette interdiction ne pourra être ni expresse ni indirecte, en ce
sens que le fournisseur ne peut pas imposer des règles ou des
normes aboutissant de facto à interdire le recours à internet.
19. En outre, ainsi que la Commission le précise aux
points 52 et 56 des nouvelles lignes directrices, les contraintes
qui pourront être imposées à la vente via internet devront être
équivalentes à celles qui sont appliquées pour la vente par les
magasins physiques. La Commission introduit d’ailleurs de
nouveaux exemples de restrictions qui peuvent être apportées
à la vente en ligne, point qui sera ultérieurement développé
par Muriel.
1.2. Le renforcement de la notion
de “justification objective”
20. Comme par le passé, le principe “il est interdit d’interdire”
souffre une exception. L’interdiction de recourir à internet
demeure ainsi possible si elle est objectivement justifiée.
Auparavant, il était prévu au point 51 que “l’interdiction
catégorique de vente sur internet ou sur catalogue n’est
admissible que si elle est objectivement justifiée”. Cette règle
a été reprise au point 60 des lignes directrices, qui précise
désormais que “des restrictions caractérisées peuvent, dans des
cas exceptionnels, être objectivement nécessaires à l’existence
d’un accord”.
21. S’ensuivent quatre paragraphes qui illustrent les cas
potentiels de justification objective. Totalement nouveaux,
ces développements spécifiques constituent une consécration
de la notion, et laissent espérer qu’il y aura, à l’avenir,
une plus grande faveur des autorités de la concurrence dans
l’accueil des justifications de l’interdiction de la vente par
internet.
22. Cet enthousiasme initial est toutefois tempéré par le constat
d’une évolution sémantique : il a en effet été expressément
ajouté que cette justification objective ne pouvait être
accueillie que “dans des cas exceptionnels”. Cette référence
nouvelle dans les lignes directrices fait inévitablement penser
à l’exigence de “circonstances exceptionnelles” qui avait été
retenue à deux reprises par le Conseil de la Concurrence
(décisions n° 06-D-28 du 5 octobre 2006 relative à des
pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution
sélective de matériels Hi-fi et Home cinéma et n° 07-D-07
du 8 mars 2007 relative à des pratiques mises en œuvre
dans le secteur de la distribution des produits cosmétiques
et d’hygiène corporelle), et qui rajoutait alors une condition
supplémentaire par rapport aux textes. Tout dépendra donc
de l’application qui en sera retenue.
23. À tout le moins, le renfort de détails et d’illustrations dont
font preuve les nouvelles lignes directrices doit être accueilli
avec satisfaction, la Commission ayant manifestement sur ce
point entendu le souhait des opérateurs :
J La première des justifications objectives est très connue :
il s’agit des raisons de sécurité ou de santé publique, dès
lors que “une restriction caractérisée peut être objectivement
nécessaire pour assurer le respect d’une interdiction générale
de vendre des substances dangereuses à certains clients pour
des raisons de sécurité ou de santé.” Là encore, il s’agit d’une
solution également consacrée en son temps par le Conseil de
la Concurrence.
J La seconde en revanche est plus innovante et concerne
une nouvelle marque ou un nouveau marché (point 61 des
nouvelles lignes directrices). La Commission a souhaité
prendre en compte l’hypothèse de l’introduction d’une
nouvelle marque ou de celle d’une marque existante sur
un nouveau marché qui nécessiterait des investissements
très importants de la part des distributeurs, le plus souvent
irrécouvrables. Dans ce cas, le fournisseur est autorisé à
interdire les ventes passives, en plus des ventes actives, sur un
territoire ou une clientèle donné, pendant un délai maximum
de deux ans. En d’autres termes, le fournisseur peut interdire
la revente par internet, considérée comme un moyen de
vente passif, à condition qu’il puisse démontrer l’existence
d’investissements irrécouvrables et qu’il en limite la durée à
deux ans. Reste à voir l’application qui pourra en être faite.
J Dans la même veine, la Commission ouvre au point 62
une possibilité d’interdire le recours à internet en cas de test
d’un nouveau produit ou de son introduction échelonnée
sur un territoire limité ou à une clientèle limitée. Dans cette
hypothèse, le fournisseur peut imposer aux distributeurs
désignés, c’est-à-dire à ceux chargés de réaliser le test,
de limiter leurs ventes actives en dehors du marché testé
pendant le temps nécessaire à ce test. L’objectif est de
permettre aux fournisseurs d’assurer que le test soit effectif
et se déroule bien. La Commission laisse une marge de liberté
aux opérateurs, dès lors que la durée de ce test relève de leur
appréciation souveraine.
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vocation à faire état des solutions couramment retenues
par les autorités communautaires après analyse juridique
approfondie. En d’autres termes, ne devraient y figurer au
titre de restrictions caractérisées que les pratiques qui sont
systématiquement qualifiées d’entraves manifestes à la
concurrence. Or, en l’espèce, au niveau communautaire,
il n’existe que deux lettres de confort qui ont été envoyées
à Yves Saint Laurent Parfums en 2001 (17 mai 2001,
communiqué de presse IP/01/713) et à B&W Loudspeakers
en 2002 (24 juin 2002, communiqué de presse IP/02/916).
La « pratique systématique » fait donc manifestement défaut.
J Le dernier exemple de justification objective a trait au
double prix. En principe, il est formellement interdit au
fournisseur de pratiquer un prix plus élevé pour les produits
destinés à être vendus par internet. La Commission
a toutefois prévu qu’une telle pratique pourrait être
mise en œuvre dans l’hypothèse où la vente par internet
entrainerait pour le fournisseur des coûts “sensiblement
plus importants que les autres formes de vente” (point 63).
À titre d’illustration, la Commission précise que tel pourra
être le cas si le produit nécessite une installation à domicile
en cas de vente hors-ligne. La Commission semble estimer
que l’absence d’installation à domicile en cas d’achat via
internet va occasionner davantage de plaintes et d’appels
en garantie du fabricant. C’est ce surcoût contentieux
potentiel pour le fabricant qui va justifier qu’il pratique un
prix plus élevé pour les produits destinés à être revendus
par internet.
24. En revanche, il n’y a aucune référence à la haute
technologie des produits, pas plus qu’à la protection de
l’image de marque, cas de justifications objectives dont la
consécration avait pourtant été appelée de ses vœux par
certains opérateurs (notamment dans le domaine du luxe).
25. Il ressort de cette étude des dispositions des nouveaux
textes relatives à la distribution sur internet que l’énoncé de
principe reste le même : “il est interdit d’interdire” la revente
par internet, sauf justification objective, mais l’on peut
imposer des conditions. La nouveauté réside uniquement
dans l’ajout d’illustrations et de développements, de façon à
mieux éclairer les opérateurs.
26. Ceci étant précisé, reste à étudier ce que ces nouveautés
vont, en pratique, changer pour chacun des intervenants sur
internet.
2. Les conséquences pratiques
pour les différents acteurs
de la distribution
2.1. Le fournisseur
27. Dans les précédents textes, il était précisé que le
fournisseur ne pouvait pas se réserver la vente par internet,
pas plus que la publicité. Il était également indiqué que “le
distributeur exclusif est protégé à l’égard des ventes actives sur
son territoire ou à sa clientèle par le fournisseur et par tous les
autres acheteurs dudit fournisseur”.
28. Cette disposition a été modifiée, étant désormais stipulé
au nouveau point 51 des lignes directrices que “le distributeur
exclusif est protégé des ventes actives sur son territoire ou à sa
clientèle par tous les autres acheteurs du fournisseur à l’intérieur
de l’Union, indépendamment des ventes du fournisseur”.
29. Il semble que cette modification soit passée relativement
inaperçue, n’ayant à ce jour pas vu de commentaire dessus.
À mon sens, elle revient à confirmer la possibilité pour le
promoteur d’un réseau exclusif d’avoir recours à internet et,
surtout, d’utiliser des moyens actifs de revente. L’on retrouve
finalement la solution initiée par la Cour de cassation dans
son arrêt Flora Partner du 14 mars 2006 (affaires n° 03-14639
– JurisData n° 032686, n° 03-14316 – JurisData n° 032759
– et n° 03-14640 – inédit).
2.2. Le distributeur
30. En ce qui concerne les distributeurs, c’est l’application
pure et simple du principe que l’on a vu précédemment :
liberté de recours à internet, mais une liberté sous contrôle
dès lors que le fournisseur va pouvoir imposer au distributeur
des normes dans le recours à internet.
31. Sur ce point, les nouvelles lignes directrices viennent
préciser que ces normes ne doivent pas être “identiques”,
mais “équivalentes à celles qui sont imposées pour la vente
dans un point de vente physique” (point 56). C’est une solution
qui, si elle n’était pas énoncée avant, n’est pour autant pas
nouvelle dès lors qu’elle avait été expressément posée par
le Conseil de la Concurrence dans les différentes décisions
d’engagement en la matière.
2.3. Les pure players
32. Le traitement des pure players était l’une des questions
centrales lors de l’élaboration des nouveaux textes.
L’on se souvient en effet que le Conseil de la Concurrence
avait admis leur exclusion dans la décision Bijourama /
Festina du 24 juillet 2006 (n° 06-D-24, relative à la distribution
des montres commercialisées par Festina France, validée par
CA Paris, 16 octobre 2007, n° 2006/17900). Cette solution
a été littéralement consacrée par la Commission dans ses
nouvelles lignes directrices, leur point 64 prévoyant désormais
expressément la possibilité “d’exiger des distributeurs qu’ils
disposent de un ou de plusieurs points de vente physiques
comme condition pour pouvoir devenir membre de son système
de distribution”.
33. L’idée est d’éviter un parasitisme dans les réseaux sélectifs
et de maintenir une incitation au service, dans l’intérêt des
consommateurs. La crainte fondant cette solution est en
réalité que le consommateur aille dans un magasin physique,
s’y fasse conseiller avant de revenir sur internet pour acheter
les produits, souvent à un prix moins élevé. Exiger la
détention d’un magasin physique oblige tous les distributeurs
à véritablement investir dans le réseau, et de créer ainsi une
solidarité et une égalité entre eux.
34. Si cette justification est recevable, l’on peut toutefois
se demander si cette règle est en adéquation avec la
réalité économique, dès lors que mettre en place un site
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Si l’on est curieux de voir l’application qui en sera faite à
l’avenir, ces deux exceptions tenant à la nouveauté des
produits ou marque ou à leur introduction sur un nouveau
marché rappellent inévitablement la solution qui avait été
retenue par la Cour d’appel de Paris dans l’affaire Pacific
Création en 2008 (18 avril 2008, n° 07/04360), où la Cour
avait validé “le fait de tester dans les seuls points de vente
physiques le lancement de ses nouveaux produits” pendant
une période d’un an. La durée dépendra bien évidemment
toujours du contexte particulier de chaque espèce.
35. Toujours est-il que, la Commission ayant posé cette règle,
elle a également évoqué le problème soulevé par la coexistence
entre les sites internet et les magasins physiques. Le risque
pourrait en effet être de voir des pratiques de contournement
de la règle par la création de magasins “alibi”, créés par des
distributeurs peu scrupuleux pour intégrer le réseau mais
laissés par la suite à l’abandon.
Commission valide expressément le principe d’une quantité
différente pour les ventes off-line et pour les ventes on-line en
précisant que “une telle exigence peut devoir être plus stricte
pour les ventes en ligne s’il est plus aisé pour un distributeur
non agréé d’obtenir les produits par internet”.
41. Il résulte de ces différents développements qu’il n’y a,
dans les nouveaux textes régissant les restrictions verticales,
pas de grande nouveauté en ce qui concerne les acteurs de la
distribution sur internet. En revanche, la Commission a pris
soin d’apporter des précisions utiles, en tout cas en termes
de sécurité juridique, pour les opérateurs. Il me semble que
les nouveaux textes vont avoir plus d’incidences sur les
différentes formes de distribution, sujet que va maintenant
traiter Muriel.
■
36. Sur ce point, la Commission a précisé que le fournisseur
pouvait imposer au distributeur “qu’il vende au moins
une certaine quantité absolue (en valeur ou en volume) des
produits hors ligne, pour assurer le bon fonctionnement de
son point de vente physique”. Cette possibilité ne permettra
toutefois pas au promoteur du réseau de faire un véritable
contrôle de proportionnalité entre les ventes physiques et
les ventes en ligne, mais à tout le moins de s’assurer que le
magasin physique n’est pas factice.
2.4. Les plateformes
37. Là encore, la position de la Commission était
particulièrement attendue. En effet, le Conseil de la
Concurrence avait admis l’exclusion des plateformes dans sa
décision “Produits cosmétiques” du 8 mars 2007 (décision
n° 07-D-07 relative à des pratiques mises en œuvre dans
le secteur de la distribution des produits cosmétiques et
d’hygiène corporelle), tout en se félicitant du fait que certains
opérateurs aient d’ores et déjà accueilli les plateformes.
L’on pouvait donc noter une certaine ouverture du Conseil de
la Concurrence, ou à tout le moins un statu quo en attendant
une position plus formelle.
38. Sur ce point, la Commission indique au point 54 de
ses nouvelles lignes directrices que le fournisseur peut
conditionner le recours par ses distributeurs à des plateformes
de vente en ligne au respect, par ces plateformes, “des normes
et conditions qu’il a convenues pour l’utilisation d’internet par
les distributeurs”.
39. Il est évident que cela va limiter le recours aux
plateformes : l’on voit en effet difficilement comment une
plateforme va faire pour respecter toutes les conditions
imposées par chacun des réseaux. L’application qui sera faite
de cette disposition est bien entendu très attendue.
2.5. Les moyens de lutte
contre les free riders
40. Pour finir, il convient d’évoquer brièvement les moyens
de lutte contre les free riders. La solution consacrée au
point 56 des nouvelles lignes directrices est bien connue, dès
lors qu’elle consiste à limiter la quantité qu’un acheteur final
peut acheter à chaque achat. La nouveauté réside en ce que la
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Ce document est protégé au titre du droit d'auteur par les conventions internationales en vigueur et le Code de la propriété intellectuelle du 1er juillet 1992. Toute utilisation non autorisée constitue une contrefaçon, délit pénalement sanctionné jusqu'à 3 ans d'emprisonnement et 300 000 € d'amende
(art. L. 335-2 CPI). L’utilisation personnelle est strictement autorisée dans les limites de l’article L. 122 5 CPI et des mesures techniques de protection pouvant accompagner ce document. This document is protected by copyright laws and international copyright treaties. Non-authorised use of this document
constitutes a violation of the publisher's rights and may be punished by up to 3 years imprisonment and up to a € 300 000 fine (Art. L. 335-2 Code de la Propriété Intellectuelle). Personal use of this document is authorised within the limits of Art. L 122-5 Code de la Propriété Intellectuelle and DRM protection.
internet implique également la réalisation d’un véritable
investissement, que ce soit en termes de constitution pure du
site ou en termes de marketing. En effet, à l’heure actuelle,
faire un site qui i) va donner confiance aux consommateurs, ii)
soit visible sur la toile et iii) respecte les normes du réseau va
représenter un investissement très lourd. La règle pourrait
donc, dans certains cas, être discutable.
Les actes de ce colloque sont publiés
dans la version électronique de la revue
Muriel CHAGNY
Professeur à l’Université de VersaillesSaint-Quentin-en-Yvelines ;
Directeur du master de droit
des contrats et de la concurrence
Abstract
D
espite (or because of ?) its advantages for competition,
Internet is also a little bit dangerous, for “brick and mortar”
retailers and for manufacturers. As to the question of
territorial protection versus e-commerce, the use of internet
can be restricted, within an exclusive distribution system, only
when considered as a form of active sale, whereas appointed
dealers should be free to sell on line, both actively and
passively. Suppliers may also manage the use of Internet by
requiring quality standards, but they must not prevent, by this
mean, dealers to sell on line.
E
n dépit (ou à cause ?) de ses avantages pour la concurrence,
Internet est aussi perçu comme un danger par les distributeurs
et les fabricants. En ce qui concerne la question de la
protection territoriale à l’épreuve du commerce en ligne,
l’utilisation d’internet peut être restreinte, dans le cas de la
distribution exclusive, seulement lorsqu’elle est considérée
comme une forme de vente active, tandis que les distributeurs
agréés doivent être libres de réaliser des ventes en ligne,
qu’elles soient actives ou passives. Les fournisseurs peuvent
également encadrer l’usage d’Internet par des exigences
qualitatives, mais ne doivent pas empêcher, de cette façon,
les distributeurs de vendre en ligne.
Distribution et internet :
Bilan et perspectives
Distribution exclusive
et sélective à l’épreuve
de la vente en ligne…
et des nouvelles “règles”
applicables aux restrictions
verticales1
1. Je voudrais, pour commencer, remercier le comité des jeunes de l’AFEC, et en
particulier, les membres du Bureau, à l’initiative de cette manifestation, pour cette
invitation, ce d’autant plus que celle-ci me conduit à revenir sur un thème qui m’est
particulièrement cher, celui de la rencontre des contrats et du droit de la concurrence,
sous le prisme un peu particulier d’Internet.
2. Traditionnellement, on enseigne que le fabricant bénéficie de la liberté d’organiser
le mode de distribution de ses produits comme il l’entend. C’est, pour reprendre
une expression de l’autorité de la concurrence, “un principe de base”. Ce principe
supporte néanmoins une limite puisqu’il vaut seulement “sous réserve que le mode
de distribution mis en œuvre n’ait pas pour objet ou pour effet de porter atteinte à la
concurrence”.
3. Ainsi le recours à la distribution exclusive comme sélective est-il admis alors même
que ces modes de distribution ont, par construction même, une incidence sur le jeu de
la concurrence. Se pose alors la question de savoir en quoi Internet change la donne,
dans quelle mesure ce bouleversement technologique est susceptible de contrarier les
objectifs du maître du réseau et l’organisation du réseau voulue par celui-ci.
4. À vrai dire, la question n’est pas nouvelle ; puisqu’elle était déjà envisagée dans
les précédentes lignes directrices sur les restrictions verticales du 13 octobre 2000 et
qu’elle a par ailleurs été au cœur de plusieurs décisions françaises émanant aussi bien
de l’autorité de la concurrence que du juge de droit commun (R. SAINT-ESTEBEN,
“Distribution, Internet et la pratique décisionnelle récente des autorités de
concurrence” et M. CHAGNY, “Distribution, Internet et le juge de droit commun”,
Concurrences version électronique 1-2010). Il est permis d’observer que, sauf erreur,
l’autorité spécialisée n’a été saisie et ne s’est saisie que de dossiers intéressant la
distribution sélective tandis que les juridictions judiciaires ont eu, pour leur part, à
connaître d’affaires plus diverses, allant de l’exclusivité territoriale, notamment en
matière de franchise, à la distribution sélective.
5. Il s’agit alors de savoir si cette rencontre à haut risque entre Internet, les réseaux
traditionnels de distribution et le droit de la concurrence, se présente sous un jour
nouveau avec les nouvelles “règles” dorénavant applicables aux restrictions applicables.
6. L’utilisation des guillemets dans la référence aux “règles” est de mise car le
choix a été fait par la Commission, alors qu’elle augmentait, de façon significative
l’importance quantitative des développements consacrés à Internet, de maintenir
cette question importante des restrictions apportées à la distribution en ligne dans
les lignes directrices. Celles-ci, qui se rattachent à ce qu’il est usuel de qualifier de
“droit mou”, sont dépourvues de valeur contraignante à l’égard des autorités et les
1
Si cette contribution a été partiellement remaniée, pour les besoins de la publication, le choix a été fait, dans le prolongement
d’une présentation orale, de ne mentionner qu’un nombre limité de références. Pour des développements plus complets,
dont cette conférence est inspirée, v. M. Chagny, “Les nouveaux défis du droit de la concurrence : préserver la concurrence du
commerce électronique sans excès de compétition”, in Les nouveaux défis du commerce électronique, Lextenso, 2010, à paraître ;
M. Chagny et S. Choisy,“Les nouvelles règles applicables aux restrictions verticales de concurrence : quels changements pour la
distribution en ligne ?”, JCP G 2010, I, 774.
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@ Colloque
7. En définitive, il convient d’examiner comment l’affirmation des
lignes directrices, selon lesquelles “en principe, tout distributeur
doit être autorisé à utiliser Internet pour vendre ses produit”
(pt 52), se décline selon les différents types d’organisation
retenus par le fabricant, ce qui revient à s’interroger sur la
portée du principe ainsi énoncé. Cela revient à se demander ce
qu’il reste, d’une part, de la protection territoriale accordée à
un distributeur (I) et, d’autre part, de la cohérence du réseau de
distribution, à l’épreuve de la vente en ligne (II).
I. La protection territoriale
à l’épreuve de la vente en ligne
8. À partir du moment où Internet a précisément pour
caractéristique de gommer les distances, d’abolir les frontières,
la question de la pérennité de la protection territoriale ne peut
manquer de se poser avec acuité. Cependant, elle se présente
de façon assez différente selon qu’on est en présence d’une
exclusivité (1.) ou d’un réseau de distribution sélective (2.).
9. En effet, dans le cas où une exclusivité a été consentie, est
admise une exception à la restriction caractérisée énoncée
à l’article 4 b) du règlement. Cette exception concerne
la restriction des ventes actives sur un territoire ou une
clientèle alloués exclusivement à un autre acheteur ou que le
fournisseur s’est réservés (Lignes directrices Pt 51).
10. S’agissant, au contraire, de la distribution sélective, la
restriction des ventes aux utilisateurs finals constitue une
restriction caractérisée visée par l’article 4 c) du règlement,
ceci sans qu’il y ait lieu de distinguer selon qu’il s’agit de
ventes actives ou passives (Lignes directrices, Pt 56).
11. Il faut par ailleurs examiner l’exception admise
– nouvellement, par les lignes directrices, en raison des
investissements réalisés par le distributeur (3.).
1. La protection territoriale éprouvée
dans la distribution exclusive
En présence d’une exclusivité, et même si sa pertinence a pu
être discutée dans le cas d’Internet, la distinction entre ventes
actives et ventes passives a été conservée dans les nouvelles
lignes directrices. Le régime des limitations apportées
à l’usage d’Internet est très différent selon qu’on est en
présence de restrictions aux ventes passives, couvertes par le
règlement d’exemption, ou de restrictions aux ventes actives.
Ces dernières constituent des restrictions caractérisées,
qualification qui exclut le bénéfice du règlement d’exemption
et qui rend des plus improbables l’admission de la licéité de
la pratique à l’issue d’un examen individuel.
12. Il est par conséquent essentiel de déterminer le contenu
respectif des ventes passives et actives dans le cadre d’Internet.
13. Les nouvelles lignes directrices maintiennent
incontestablement la prééminence de la qualification de vente
passive dans le cas où le distributeur recourt à Internet. Cela
apparaît clairement à la lecture du point 52, dont il résulte
qu’“en règle générale, l’utilisation par un distributeur d’un
site Internet pour vendre des produits est considéré comme
une forme de vente passive” (souligné par nos soins). Le texte
apporte sur ce point un certain nombre de précisions,
indiquant sans surprise que dans l’hypothèse où un client
visite un site internet ou bien choisit d’être automatiquement
informé, il s’agit d’une vente passive. Il ajoute également que
le fait d’offrir sur le site un choix entre plusieurs langues ne
remet pas en cause, en soi, le caractère passif de la vente.
14. Par contraste, les hypothèses de ventes actives,
susceptibles d’être restreintes ou interdites au distributeur,
sont réduites à la portion congrue. Elles supposent une
démarche spécifique à destination des clients qui sont dans
le périmètre d’exclusivité. Cette qualification suppose,
comme l’indiquent bien les lignes directrices au point 53,
“des efforts visant à atteindre spécifiquement un territoire
ou une clientèle particuliers”. Tel sera le cas, par exemple,
de l’envoi de courriels non sollicités (Pt 51). Il en est de
même de la démarche indiscutablement active consistant à
payer un moteur de recherche ou un fournisseur d’espace
publicitaire en ligne pour qu’ils diffusent une publicité
spécifiquement aux utilisateurs établis sur un territoire
particulier ou encore à faire de la publicité en ligne
spécifiquement destinée à certains clients relevant du
territoire d’autres distributeurs Pt 53).
15. Il en résulte que l’“interdiction d’interdire” le recours à
Internet aux membres du réseau est dotée d’une très large
portée, s’étendant à un certain nombre de pratiques et de
stipulations. Là encore, les lignes directrices proposent un
certain nombre d’illustrations au point 52, permettant de
faire le départ entre ce qui est interdit et ce qui reste possible.
16. Il est évidement interdit de limiter le volume global des
ventes réalisées via internet car cela reviendrait à limiter
notamment les ventes passives (Pt. 52 c). En revanche, il
est possible d’exiger que le distributeur vende au moins
une certaine quantité absolue – en valeur ou en volume –
de produits hors ligne. Ceci est très manifestement destiné
à permettre au fournisseur d’éviter les “magasins alibis”,
ouverts à seule fin de satisfaire l’exigence d’un magasin
physique et d’accéder au réseau afin de pouvoir se livrer,
pour l’essentiel, au commerce en ligne. Il est alors permis de
se demander ce qu’il adviendra de la jurisprudence française
ayant admis qu’un fournisseur réserve la vente en ligne de
ses produits aux distributeurs membres du réseau physique
depuis plus d’un an (CA Paris, 18 avril 2008, Pacific Création /
PMC Distribution, n° 07/04360). Si, à l’instar des seuils en
valeur absolue, cette solution permet d’éviter les “magasins
alibis”, elle exclut cependant, de façon plus radicale, la vente
en ligne aux distributeurs physiques récemment installés.
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juridictions nationales. Ce n’est pas dire pour autant qu’elles
sont privées de valeur persuasive sur la pratique décisionnelle
et la jurisprudence nationales. À lire, en particulier, les
décisions de l’Autorité de la concurrence, celles-ci tiennent le
plus grand compte des lignes directrices : non seulement elles
y font référence quand le droit européen est applicable, mais
également à titre de “guide d’analyse” au moment de mettre
en œuvre uniquement le droit interne.
18. Le dernier procédé envisagé par les lignes directrices est
plus indirect puisqu’il consiste à “pénaliser” financièrement
les ventes par Internet. C’est la question de la dualité de
prix consistant à appliquer une tarification différente selon
que les produits sont destinés à être vendus en ligne ou en
magasin physique. Le sort réservé par les lignes directrices
à cette différenciation tarifaire a quelque peu évolué : si le
texte définitif a maintenu, comme le projet d’origine, soumis
à consultation, la qualification de restriction caractérisée
pour la pratique consistant à soumettre les distributeurs à
des prix d’achat plus élevés pour les produits destinés à être
revendus sur Internet (Pt 52 d), il admet aussi qu’elle puisse
bénéficier d’une exemption individuelle dans l’hypothèse
où les ventes en ligne sont à l’origine de coûts plus élevés
pour le fournisseur (Pt 64 ; Rappr. Civil Court de Zutphen,
30 décembre 2005 ; “Distribution et Internet : quels défis pour
le droit de la concurrence ?”, colloque de l’AFEC, 5 octobre
2009, Concurrences version électronique 1-2010).
2. La protection territoriale impossible
dans la distribution sélective ?
Dans le cas de la distribution sélective, la qualification
délicate entre vente active et vente passive n’a pas lieu d’être.
Toute restriction aux ventes en ligne, quelles qu’elles soient,
constitue une restriction caractérisée. Les lignes directrices
indiquent en effet que “dans un système de distribution
sélective, les distributeurs devraient être libres de vendre,
tant activement que passivement, à tous les utilisateurs finals,
y compris par Internet” (Pt 56 souligné par nos soins).
19. Cela étant, une autre clause stipulée dans les contrats de
distribution sélective serait susceptible d’instituer une telle
protection territoriale et d’empêcher la vente en ligne si l’on
n’y prenait garde.
20. Connue sous l’appellation de clause de localisation, elle
consiste à interdire aux revendeurs d’exercer leur activité
à partir de locaux différents ou encore d’ouvrir un magasin
dans un autre lieu que celui dans lequel ils exercent. Une telle
disposition contractuelle est effectivement admise par le
règlement d’exemption. Or, on peut imaginer – et l’argument
a été développé dans l’affaire Fabre (Cons. conc. n° 08-D-25,
29 octobre 2008, Distribution des produits cosmétiques et
d’hygiène corporelle vendus sur conseils pharmaceutiques)
– de soutenir que l’ouverture d’un site Internet par un membre
du réseau de distribution sélective contrevient à cette clause
de localisation et peut donc lui être interdit sur ce fondement.
21. Toutefois, la Commission s’est attachée, dans les lignes
directrices, à éviter qu’une telle stipulation lorsqu’elle est
prévue permette d’exclure tout recours à la vente en ligne
par les revendeurs agréés. Elle a effet indiqué que “dans ce
contexte, l’utilisation par un distributeur de son propre site
internet ne peut être assimilée à l’ouverture d’un nouveau point
de vente en un lieu différent” (Pt 57).
22. Nouvelle dans les lignes directrices, cette précision peut
sembler directement inspirée des solutions françaises, qu’il
s’agisse d’un arrêt de la Cour de cassation (Cass. com.14 mars
2006, n° 03-14639 : “la création d’un site Internet n’est pas
assimilable à l’implantation d’un point de vente dans le secteur
protégé”) ou de la position adoptée par l’Autorité de la
concurrence (Cons. Conc. n° 08-D-25, déc. préc., Pt 63 :
un “site internet n’est pas un lieu de commercialisation mais
un moyen de vente alternatif utilisé, comme la vente directe en
magasin ou la vente par correspondance, par les distributeurs
d’un réseau disposant de points de vente physiques”).
Elle correspond également à la position développée par la
Commission intervenant en qualité d’amicus curiae devant
la cour d’Appel de Paris (“l’utilisation de l’Internet ne peut
pas être assimilée exactement à l’ouverture d’un point de vente
physique dans un lieu d’établissement non autorisé par le
fournisseur”. (CA Paris, 29 octobre 2009).
23. On peut néanmoins relever que les lignes directrices font
état de “son propre site Internet”, ce qui pourrait autoriser
peut-être un raisonnement différent dans le cas où le
distributeur passe par une plateforme. Sous cette seule réserve
éventuelle, il est bien certain que l’interprétation du terme
“point de vente” effectuée par les lignes directrices conforte
la liberté des revendeurs agréés de recourir à Internet.
3. La protection territoriale
exceptionnellement admise
en cas d’investissements
En contrepoint des nouveautés évoquées jusqu’à présent et
destinées à favoriser le commerce en ligne au sein du réseau,
les lignes directrices admettent une exception temporelle
de portée limitée et qui vise, quant à elle, à protéger les
investissements du réseau physique.
24. Elles prévoient en effet que “les restrictions aux ventes
passives qui sont nécessaires pour qu’un distributeur récupère
les investissements réalisés pour créer et/ou développer
un nouveau marché ne relèvent généralement pas, pendant
les deux premières années, de l’article 101 § 1 TFUE” (Pt 61).
25. À la lecture du texte, le caractère restreint de cette exception
qui vaut, aussi bien pour les ventes passives, expressément
visées, qu’a fortiori pour les ventes actives, apparaît nettement.
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17. Sont également considérées comme constitutives de
restrictions caractérisées aux ventes passives les pratiques
destinées, par un moyen ou par un autre, à empêcher la
réalisation d’une opération de vente avec un client qui serait
dans un secteur relevant d’un autre distributeur. Procèdent
de cette idée aussi bien la pratique consistant à imposer de
mettre un terme à l’opération de vente par Internet selon
les données de la carte de crédit du client (Pt 52 b) que
l’exigence d’empêcher l’accès du site aux clients situés sur
un autre territoire ou de prévoir un renvoi automatique
vers les sites Internet du fabricant ou d’autres distributeurs
(Pt 52 a). De telles dispositions contractuelles apparaissent
en effet de nature à contrarier les objectifs du droit de la
concurrence dans sa volonté de favoriser autant que faire se
peut la distribution en ligne comme vecteur de concurrence
au bénéfice des consommateurs. Cela étant, il reste possible
d’exiger du distributeur une information à destination des
visiteurs de son site web, celle-ci prenant la forme de liens vers
les sites d’autres distributeurs et/ou du fournisseur (Pt 52 a).
26. Si cette exception a déjà été admise par la cour d’appel
de Paris qui, dans l’arrêt déjà signalé, a considéré que “n’est
pas susceptible d’être incriminé le fait de tester dans les
seuls points de vente physiques le lancement de ses nouveaux
produits dans la mesure où cette restriction est limitée dans
le temps à une durée maximale d’un an” (CA Paris, 18 avril
2008, déc. préc.), elle évoque aussi celle prévue, au bénéfice
du licencié d’une technologie nouvelle ayant consenti des
investissements substantiels, par les lignes directrices sur
les accords de transfert de technologie (Lignes directrices
relatives à l’application de l’article 81 du traité CE aux
accords de transfert de technologies, JOUE, 27 avril 2004,
C-101/2, Pt 101).
II. La cohérence du réseau
de distribution à l’épreuve
de la vente en ligne
27. En dépit ou à cause des avantages qu’il comporte,
Internet fait figure de fauteur de troubles pour les réseaux de
distribution dont il pourrait remettre en cause la cohérence.
Cet aspect est envisagé par les lignes directrices qui admettent
le principe d’un contrôle par le fournisseur de l’utilisation
d’Internet par les distributeurs, ceci précisément afin de
préserver la cohérence du réseau (1.). Cependant – et c’est là
qu’est la nouveauté sur ce point dans les lignes directrices –
ce contrôle s’accompagne désormais d’un contrôle destiné à
éviter que des exigences excessives du fournisseur n’entravent
indirectement la vente en ligne (2.).
1. Le contrôle possible par le fournisseur
au nom de la cohérence du réseau
La possibilité pour le fournisseur de procéder à un contrôle
est admis pour la commercialisation par Internet comme
pour les ventes physiques effectuées dans un point de vente.
Il s’agit bien de permettre au maître du réseau de s’assurer
que l’activité de ses revendeurs sur Internet reste cohérente
avec son modèle de distribution (Pt 52).
28. Comme le faisait déjà le précédent texte (Lignes
directrices du 13 octobre 2000, pt 51), les nouvelles lignes
directrices indiquent que “Le fournisseur peut imposer
des normes de qualité pour l’utilisation du site internet
à des fins de vente de ses produits, comme il le ferait pour
un magasin, une annonce publicitaire ou une action de
promotion en général” (Pt 54). Elles ajoutent cependant,
plus nouvellement, que “cela peut être utile en particulier
pour la distribution sélective”, précision qui implique qu’une
telle surveillance à l’effet d’assurer la cohérence du réseau
vaut aussi pour d’autres types de distribution, par exemple
dans la franchise (v. aussi Pt 52).
29. Contrairement au projet initial, le texte définitif envisage
les ventes par Internet effectuées via une plateforme
électronique pour admettre expressément la possibilité d’un
contrôle exercé par le fournisseur. Il est précisé que ce dernier
a, en cas d’hébergement par une plateforme, la possibilité
d’exiger que les clients ne visitent pas le site du distributeur
via un site portant le logo ou le nom de la plateforme.
2. Le contrôle sous contrôle
des Autorités de la concurrence
au soutien de la vente en ligne
De façon inédite par rapport à l’ancien texte, les lignes
directrices assujettissent cependant le contrôle institué par
le maître du réseau à un contrôle manifestement inspiré
de la pratique décisionnelle de l’Autorité française de
concurrence.
30. Elles qualifient de restriction caractérisée “toute obligation
visant à dissuader les distributeurs désignés d’utiliser internet”
(Pt 56), ce qui fait indiscutablement écho à la sanction par
l’Autorité de la concurrence des restrictions qui aboutissent,
par des exigences excessives, à vider la vente par Internet de
son contenu.
31. Les lignes directrices explicitent ensuite de quelle
façon les revendeurs peuvent être empêchés ou dissuadés
de vendre en ligne. Elles font référence à “des conditions
qui ne sont pas globalement équivalentes à celles aux point
de vente physique”, en s’attachant à préciser cette notion
d’équivalence. Celle-ci ne s’entend pas d’une identité des
exigences posées, mais il faut en revanche que celles-ci
poursuivent les mêmes objectifs et aboutissent à des résultats
comparables et, en outre, que la différence soit justifiée par
la nature différente des modes de distribution. Cela n’est
pas sans évoquer l’exigence posée par l’Autorité de la
concurrence de restrictions, qui pour être acceptables au
regard du droit de la concurrence, doivent être comparables
à celles qui s’appliquent dans le point de vente physique du
distributeur.
32. Il est toutefois permis de penser que la pratique
décisionnelle française est plus rigoureuse que ce que
prévoient les lignes directrices. En effet, l’appréciation du
contrôle exercé par le fournisseur est, pour le moment,
soumise à une troisième condition cumulative, selon laquelle
les restrictions posées à la vente en ligne doivent être
proportionnelles à l’objectif visé, et qui ne figure pas dans le
texte de la Commission.
33. Se pose alors la question de savoir si une inflexion de
la pratique décisionnelle de l’Autorité de la concurrence
est à attendre sur ce point, sous l’influence des lignes
directrices. Le moment est donc venu de passer la parole à
■
Madame Irène Luc.
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Elle est circonscrite, tout d’abord, quant à l’hypothèse visée,
étant le seul cas dans lequel les restrictions sont nécessaires
à la récupération des investissements consacrés à la création
et/ou au développement d’un nouveau marché. Son étendue
dans le temps apparaît limitée aux deux premières années.
Cela étant, il est permis de penser que le champ temporel
pourrait aller au-delà de deux ans à la condition qu’il soit
effectivement justifié qu’une durée plus longue est nécessaire
à la récupération des investissements.
Les actes de ce colloque sont publiés
dans la version électronique de la revue
Distribution et internet :
Bilan et perspectives
L’approche de la distribution
en ligne par l’autorité
de la concurrence
Irène LUC
Autorité de la concurrence – Chef du service juridique
Abstract
T
he French Conseil de la concurrence considered, in several
decisions, that an absolute prohibition of sale on the internet
within a selective distribution network constitutes an
anticompetitive practice by object, which cannot benefit from
a block exemption under the block exemption regulation
(former regulation (EC) n° 2790/1999 of the Commission of
22 December 1999 replaced by regulation (EU) n° 330/2010
of the Commission of 20 April 2010 on the application of
article 101(3) of the Treaty on the Functioning of the European
Union to categories of vertical agreements and concerted
practices). The practice may, however, be exonerated under
the angle of its contribution to economic progress, which it
is up to the company concerned to prove. Restraints to sale
on the internet may be authorized if they have the purpose
of adapting the layout of the website to the presentation
requirements of the selective distribution. Nevertheless, these
adjustments must not be excessive to the point of resulting de
facto in a total prohibition.
Le Conseil de la concurrence a considéré, dans plusieurs
décisions, qu’une interdiction absolue de vente en ligne au sein
d’un réseau de distribution sélective constitue une pratique
anticoncurrentielle par objet, insusceptible de bénéficier d’une
exemption par catégorie au sens du règlement d’exemption
(ancien règlement (CE) No 2790/1999 DE LA COMMISSION
du 22 décembre 1999 remplacé par le règlement (UE)
No 330/2010 DE LA COMMISSION du 20 avril 2010
concernant l’application de l’article 101, paragraphe 3,
du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne à des
catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées).
La pratique peut en revanche être exonérée au regard de
sa contribution au progrès économique qu’il appartient à
l’entreprise en cause de démontrer. Des restrictions à la
vente en ligne peuvent en revanche être autorisées, lorsqu’il
s’agit d’adapter la configuration du site web aux exigences
de présentation de la distribution sélective. Toutefois,
ces aménagements ne doivent pas être excessifs au point
d’aboutir de facto à une interdiction totale.
Introduction
1. Je voudrais moi aussi remercier les organisateurs de cette matinée. Je suis très
heureuse de représenter aujourd’hui l’Autorité de la concurrence et d’aborder ce
sujet particulièrement d’actualité.
2. C’est essentiellement la pratique décisionnelle du Conseil de la concurrence que je
vais exposer puisque l’Autorité de la concurrence n’a pas encore rendu de décisions
en matière de vente en ligne. Le Conseil de la concurrence a, quant à lui, rendu
quatre décisions posant la problématique de la vente en ligne au sein d’un réseau de
distribution sélective, dans lesquelles il a posé les jalons de sa pratique décisionnelle,
dont je vais vous rappeler la teneur.
3. Je commencerai mon intervention en rappelant les effets pro-concurrentiels de la
distribution en ligne, puis les inconvénients attachés à ce mode de distribution.
1. Les avantages
4. Les avantages de la vente en ligne vous ont déjà été exposés et le Conseil les a
détaillés dans ses décisions. Elle permet d’animer la concurrence et de fournir de
nouveaux services. Elle stimule la concurrence en prix : alors que la dimension spatiale
propre au commerce “physique” isole les distributeurs dans leur zone de chalandise
respective, un plus grand nombre de distributeurs se trouve en concurrence frontale
lorsqu’ils vendent en ligne. La concurrence par les prix est donc forcément plus
intense quand on adopte un système de distribution en ligne. Par ailleurs, les services
et les prix peuvent être plus facilement comparés. Enfin, le commerce en ligne rend
de nouveaux services, permet aux consommateurs de commander sans se déplacer et
en dehors des heures d’ouvertures des magasins etc.
5. Bref, pour le Conseil, suivant en cela la théorie économique, le commerce en ligne
satisfait la demande de consommateurs qui, peut-être, n’auraient pas procédé à un
acte d’achat si ce système de distribution en ligne n’existait pas. Donc, ce système
permet de susciter une demande nouvelle et, en cela, c’est un système positif.
2. Les inconvénients
6. C’est un système de distribution qui induit aussi des effets négatifs que le Conseil
a également soulignés dans sa pratique décisionnelle. Muriel et Juliette vous ont déjà
parlé du phénomène de parasitisme.
7. Comme je l’ai rappelé en introduction, la pratique décisionnelle du Conseil est
limitée pour l’instant à des cas de vente par internet dans des systèmes de distribution
sélective (I.). Le Conseil considère que les interdictions absolues de vente en ligne sont
prohibées et constituent des ententes anticoncurrentielles (II.), sauf circonstances
exceptionnelles et il admet, corrélativement, les adaptations des systèmes de vente en
ligne aux nécessités légitimes de la distribution sélective (III.).
*Les arguments et opinions présentés dans cet article
n’engagent que son seul auteur, et non les institutions et
organismes auxquels il est affilié.
8. Les critères de vente en ligne peuvent être adaptés pour satisfaire les besoins
des fournisseurs qui souhaitent sélectionner leurs distributeurs et je vous citerai
un certain nombre de ces aménagements, qui ont été jugés licites ou illicites par le
Conseil de la concurrence.
Concurrences N° 4-2010 I Colloque I J. Vanard, M. Chagny, I. Luc, Distribution et internet : Bilan et perspectives
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Ce document est protégé au titre du droit d'auteur par les conventions internationales en vigueur et le Code de la propriété intellectuelle du 1er juillet 1992. Toute utilisation non autorisée constitue une contrefaçon, délit pénalement sanctionné jusqu'à 3 ans d'emprisonnement et 300 000 € d'amende
(art. L. 335-2 CPI). L’utilisation personnelle est strictement autorisée dans les limites de l’article L. 122 5 CPI et des mesures techniques de protection pouvant accompagner ce document. This document is protected by copyright laws and international copyright treaties. Non-authorised use of this document
constitutes a violation of the publisher's rights and may be punished by up to 3 years imprisonment and up to a € 300 000 fine (Art. L. 335-2 Code de la Propriété Intellectuelle). Personal use of this document is authorised within the limits of Art. L 122-5 Code de la Propriété Intellectuelle and DRM protection.
@ Colloque
9. Le Conseil, et, à sa suite, l’Autorité, a souvent rappelé le
principe fondamental de la liberté commerciale du fabricant,
qui peut organiser son réseau de distribution comme il
l’entend. Ceci étant posé, les autorités de concurrence
admettent que le fournisseur puisse vouloir, compte tenu de
la nature de ses produits, sélectionner ses distributeurs selon
des critères plus ou moins rigoureux. Il peut notamment
adopter un système de distribution sélective.
10. Le simple fait d’adopter un système de distribution
sélective restreint la concurrence puisque le nombre de
distributeurs habilités à distribuer le produit concerné
est limité. Si la concurrence en prix est en quelque sorte
limitée par la raréfaction des distributeurs, la demande des
consommateurs augmente ou est mieux satisfaite grâce à la
qualité des services prodigués par les distributeurs agréés qui
profite en définitive aux consommateurs finals, ce qui génère
des effets pro-concurrentiels.
11. Ce système de distribution est extrêmement vulnérable
aux phénomènes de passagers clandestins : si des distributeurs
se mettent à vendre exclusivement en ligne, il est à craindre
que les consommateurs se fassent prodiguer des conseils dans
les magasins physiques (en dur) et achètent sur internet où les
prix proposés sont souvent moins élevés. Le risque est alors
grand que les distributeurs ne veuillent plus investir dans la
qualité de leur magasin ou dans les conseils prodigués aux
consommateurs, si cet investissement est indûment capté par
des “pure players”, qui vendent exclusivement en ligne et
n’ont donc pas à s’acquitter de ces investissements.
12. Au total, le réseau de distributeurs sera moins efficace et
les fabricants seront aussi pénalisés ; ils sont donc en droit
de se protéger contre ce phénomène. Le Conseil a tout à fait
reconnu la légitimité pour les fabricants de se défendre contre
les pratiques de parasitisme. Simplement, comme dans tous
les problèmes du droit de la concurrence, la question est
jusqu’où ne pas aller trop loin, en quelque sorte. Dans cette
appréciation, le Conseil et les autorités de concurrence
européennes sont aidés par le règlement communautaire et
les lignes directrices de la Commission européenne.
13. À l’époque où le Conseil a rendu ses quatre décisions, c’était
encore l’ancien règlement qui était en vigueur, ainsi que les
anciennes lignes directrices. Pour apprécier le comportement
des fournisseurs dans ces quatre affaires, le Conseil a, dans la
mesure où le commerce intracommunautaire était susceptible
d’être affecté par les pratiques en cause, appliqué le règlement
communautaire à la lumière des anciennes lignes directrices,
comme guide d’analyse utile.
14. Pour résumer très brièvement la logique de l’ancien
règlement (et aussi du nouveau, qui ne change rien sur ce
point), mises à part les restrictions caractérisées qui ne
peuvent être exemptées automatiquement et qui peuvent
éventuellement faire l’objet d’une exemption individuelle,
les pratiques qui sont mises en œuvre au sein d’un réseau de
distribution sélective sont a priori licites, au regard du droit
de la concurrence, dès lors que le fabricant détient une part
de marché inférieure à 30 %. C’est ainsi que les critères de
distribution posés par les fabricants pour sélectionner leurs
distributeurs sont couverts par cette exemption a priori.
15. Ces critères qui définissent les qualités auxquelles doivent
répondre les distributeurs pour être agréés dans le réseau, sont,
par exemple, relatifs aux caractéristiques du magasin, à son
agencement, au nombre d’articles exposés, au nombre et la
taille des vitrines, aux conditions d’exposition des articles etc.
16. Ce point est important car le Conseil de la concurrence
a été fréquemment saisi, dans les années 90, de la licéité,
au regard du droit de la concurrence, de ces critères de
sélection : il s’agissait de vérifier s’ils correspondaient bien
aux nécessités de la distribution sélective et ne conduisaient
pas, finalement, à verrouiller certaines formes de distribution
moins onéreuses, notamment la vente par des distributeurs
pratiquant des prix plus compétitifs ou des prix discount.
17. Le Conseil a censuré un certain nombre de clauses à cette
époque en les estimant disproportionnées aux nécessités de la
distribution sélective2.
18. Aujourd’hui, dès lors que le fabricant détient une part de
marché inférieure à 30 %, il choisit ses critères de distribution
sélective comme il l’entend.
19. C’est ainsi que le Conseil a admis qu’un fabricant qui
dispose d’une part de marché inférieure à 30 % choisisse
de vendre ses produits par l’intermédiaire d’un réseau de
distributeurs sélectifs dotés d’un magasin physique, un
véritable magasin dont les caractéristiques sont déterminées
dans les contrats de distribution sélective et qui répond à des
critères précis. Le fabricant peut vouloir réserver la vente
en ligne à ces distributeurs sans avoir à se justifier et sans
encourir les foudres des autorités de concurrence.
20. Mais, la liberté des fournisseurs n’est pas totale puisque
l’article 4 du nouveau règlement (comme de l’ancien) énumère
un certain nombre de restrictions caractérisées qui font
échapper le fournisseur à l’exemption par catégorie. Ce sont
les clauses qui imposent des prix de vente, qui instituent
des protections territoriales absolues ou qui restreignent les
livraisons croisées entre distributeurs.
21. Les interdictions de ventes passives ou actives, cela a été
rappelé, je ne vais donc pas y insister, constituent des clauses
noires au sein des réseaux de distribution sélective. La vente
en ligne, qui peut constituer aussi bien une vente passive
qu’une vente active, est donc concernée par cette disposition
qui prohibe l’interdiction des ventes passives ou actives.
22. Deux idées ressortent de la pratique décisionnelle du
Conseil, qui inspirent également les lignes directrices de la
Commission européenne :
J le principe de prohibition des interdictions générales de
vente en ligne ;
J les possibilités d’adaptation des critères de ventes en ligne
aux nécessités de la distribution sélective.
2
Voir par exemple décision n° 99-D-78 du 15 décembre 1999 relative à des pratiques
anticoncurrentielles dans le secteur de la porcelaine de Limoges
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I. La distribution sélective
II. Le principe de prohibition
24. Dans la décision 08-D-253, le Conseil a sanctionné
la société Pierre Fabre Dermo-Cosmétiques, pour avoir
enfreint l’alinéa 1er de l’article 81 du traité CE (devenu
l’article 101 TFUE) en interdisant catégoriquement aux
membres de son réseau de distribution sélective de vendre
ses produits en ligne. Le Conseil a enjoint Pierre Fabre de
modifier ses contrats de distribution, afin de permettre à
ses distributeurs de vendre ses produits en ligne, s’ils le
souhaitent. Néanmoins, il a laissé ouverte la possibilité, pour
Pierre Fabre, de poser des critères particuliers de distribution
en ligne, et donc d’adapter cette vente à ses propres exigences
de qualité. Il lui a également infligé une sanction pécuniaire
extrêmement modique de 17 000 euros.
25. La société Pierre Fabre a obtenu de la Cour d’appel de
Paris un sursis à exécution de l’injonction4, en alléguant
que son exécution immédiate la mettrait dans une situation
financière inextricable. La Cour d’appel a fait droit à cette
demande et a suspendu l’injonction.
26. Lorsque l’affaire a fait l’objet d’un examen au fond,
la Cour d’appel, suivant en cela les observations orales à
l’audience du commissaire du Gouvernement, a décidé de
poser une question préjudicielle à la Cour de justice.
27. Pour arriver à sa décision de sanction, le Conseil s’est
fondé sur le droit communautaire de la concurrence et donc
sur le règlement en vigueur, le règlement de 1999 et sur
les lignes directrices de la Commission sur les restrictions
verticales ainsi que sur les lignes directrices de la Commission
concernant l’application de l’article 81 paragraphe 3. Pierre
Fabre prétendait que ses pratiques d’interdiction de vente
en ligne ne constituaient pas des restrictions caractérisées, et
donc n’entraînaient pas la violation de l’alinéa 1 de l’article 81,
et à titre subsidiaire, que ces pratiques étaient justifiées
économiquement sur le fondement de l’alinéa 3 de l’article 81.
1. Sur l’interdiction générale
30. Sur l’interdiction générale, je serai très brève. Le Conseil
a clairement posé que l’interdiction générale de vente en ligne
constituait une restriction de vente passive ou active au sein
d’un réseau de distribution sélective et, comme telle, une
restriction de concurrence par objet.
31. Le Conseil a donc estimé qu’il n’avait pas à aller plus
loin dans la démonstration des effets anticoncurrentiels des
pratiques.
32. Pierre Fabre contestait cette analyse devant la Cour
d’appel. Pour cette société, à supposer même que cette
interdiction de vente par internet constitue une restriction
caractérisée au sens du règlement, cette circonstance
ferait seulement échapper la pratique à l’exemption
par catégorie, mais ne démontrerait pas pour autant
qu’il s’agissait d’une restriction par objet, prohibée par
l’alinéa 1 de l’article 81. Selon Pierre Fabre, le Conseil
aurait donc dû démontrer que la pratique avait un objet
ou un effet anticoncurrentiels.
33. La question est clairement posée à la Cour de justice par
la Cour d’appel de Paris dans sa question préjudicielle (arrêt
de la Cour d’appel de Paris du 29 octobre 2009) :
L’interdiction générale de vente par internet dans un réseau
de distribution sélective constitue-t-elle une restriction
caractérisée ou une restriction par objet ?
34. C’est cette question que la Cour va résoudre
prochainement.
2. Sur l’exemption
35. Le Conseil a examiné les arguments avancés par
Pierre Fabre et les a estimés non concluants pour exonérer
la pratique sur le fondement de l’alinéa 3 de l’article 81.
Pierre Fabre soutenait quatre points.
28. Le Conseil a rappelé, dans sa décision Pierre Fabre, ce
qu’il avait déjà énoncé dans ses trois décisions précédentes,
à savoir que l’interdiction générale de vente par internet
constituait une restriction caractérisée de concurrence, non
exemptable par catégorie (1.).
36. Le premier point était relatif à la protection de la santé
publique : l’interdiction de vente en ligne garantissait le bienêtre du consommateur grâce à la présence physique d’un
diplômé en pharmacie lors de la délivrance du produit dans
les magasins. Bien évidemment, lorsqu’un consommateur
achète par internet des produits dermo-cosmétiques, sa peau
ne peut être préalablement examinée par un pharmacien
(sauf à prévoir une webcam, ce qui était d’ailleurs exigé par
certains fabricants de produits dermo-cosmétiques dans une
affaire ayant donnée lieu à la décision 07-D-075, exigence que
le Conseil a jugée excessive).
29. Dans un deuxième temps, le Conseil a examiné si, en
l’espèce, Pierre Fabre justifiait d’une contribution suffisante
au progrès économique pour exonérer cette pratique
d’interdiction générale (2.).
37. Pierre Fabre soutenait en deuxième et troisième points
que l’interdiction de la vente par internet permettait
de prévenir les risques de contrefaçon et les risques de
parasitisme.
3
4
Décision du 29 octobre 2008 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de
la distribution de produits cosmétiques et d’hygiène corporelle vendus sur conseils
pharmaceutiques
Arrêt du 29 octobre 2009
5
Décision du 8 mars 2007 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la
distribution des produits cosmétiques et d’hygiène corporelle (cette décision, n’ayant pas
fait l’objet de recours, est définitive)
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23. Trois décisions sur les quatre rendues par le Conseil
constituaient des décisions d’engagements ; elles ont donc
donné lieu à une analyse des pratiques un peu moins
développée que la décision Pierre Fabre, qui constitue la
seule décision au fond en matière de vente en ligne dans le
cadre de la distribution sélective.
39. Sur le premier point, à savoir la nécessité de dispenser
des conseils aux clients, le Conseil a pris en compte une
décision de la Cour de Justice des communautés européennes
et notamment, un arrêt du 11 décembre 2003, Deutscher
Apothekerverband eV, rendu non pas en matière de pratiques
anticoncurrentielles mais en matière de liberté de circulation
des produits. La Cour avait jugé que la réglementation
d’un État membre interdisant aux pharmacies de vendre
par internet des médicaments non soumis à prescription
médicale constituait une restriction non justifiée au principe
de libre circulation des marchandises.
40. On voit bien que la justification qui était alors avancée était
la même que dans l’affaire Pierre Fabre, à savoir la nécessité
d’informer le client, de lui prodiguer des conseils de visu.
41. La Cour de justice, s’agissant de médicaments délivrés
sans ordonnance, a écarté cet argument, estimant que cette
interdiction n’était pas justifiée. Les modalités de vente, même
par internet, permettaient, selon la Cour, une interactivité
qui satisfaisait finalement à l’obligation de conseil qui devait
être dispensé au client.
42. Le Conseil a estimé que si ce raisonnement était valable
pour les médicaments délivrés sans ordonnance, a fortiori
était-il applicable pour des produits dermo-cosmétiques qui
sont des produits relativement anodins, dont la délivrance
ne nécessite, en tous cas, pas autant de précautions que les
médicaments.
43. Sur le deuxième point, à savoir les risques de contrefaçon,
le Conseil a expliqué dans sa décision que l’interdiction de
vente par internet n’était pas nécessaire pour lutter contre
la contrefaçon dès lors que la société Pierre Fabre DermoCosmétiques pouvait et avait choisi de réserver la vente par
internet à ses distributeurs agréés et pouvait ainsi surveiller
son réseau de distribution.
44. Sur le troisième point, le Conseil a été sensible à la question
du parasitisme à laquelle il a consacré des développements
assez longs dans sa décision. Le Conseil a tout d’abord
contesté l’emploi du terme même de “parasitisme” : le
parasitisme peut jouer entre des distributeurs opérant
dans des magasins physiques et ceux vendant en ligne. Le
parasitisme ne peut exister au sein d’un réseau de distribution
sélective où tous les distributeurs sont dotés de magasins
physiques et où certains vont, s’ils ont la liberté de le faire, se
doter ou pas d’un site internet.
47. Pierre Fabre alléguait que les petites officines qui
n’auraient pas les moyens d’investir dans un système de
distribution en ligne verraient leurs clients s’orienter vers
les grosses officines, qui, elles, auraient les moyens de le
faire et qui capteraient la clientèle à leur détriment.
48. Le Conseil s’est penché sur ce problème qui est inhérent
à la différence de taille et de capacité d’investissement
entre les distributeurs. Le Conseil a constaté que la
vente des produits dermo-cosmétiques ne représentait
qu’une faible part du chiffre d’affaires des officines
concernées, entre 5 et 15 % et que le risque n’était pas
grand. Finalement, le départ hypothétique de la clientèle
de Pierre Fabre vers certaines grosses officines du fait que
seules ces officines se seraient dotées d’un site internet
n’apparaissait pas de nature à nuire à la concurrence et
aux opérateurs en place.
49. Enfin, sur le quatrième point, à savoir que la vente en
ligne ne conduirait pas à des prix inférieurs, le Conseil a
répondu que cette observation était démentie par les faits.
Dans tous les secteurs de l’économie, on constate que les
ventes en ligne conduisent en principe à des prix de détail
inférieurs à ceux de la vente physique.
50. Durant l’audience de la Cour d’appel, le ministre de
l’Économie, représenté par un membre de la Direction
Générale de la Concurrence et de la Répression des Fraudes,
a estimé que l’analyse du Conseil ne reposait pas sur le
règlement communautaire, muet sur la question, mais
sur une interprétation erronée des lignes directrices de la
Commission Européenne, qui, selon lui, n’étaient pas claires
sur ce point. Il est vrai que les nouvelles lignes directrices ont
apporté quelques clarifications à ce sujet.
51. Le ministre de l’Économie a estimé qu’il appartenait à la
Cour de justice de se prononcer une bonne fois pour toute
sur ce sujet, non encore tranché par la jurisprudence.
52. Il faut encore signaler, s’agissant de cette affaire
Pierre Fabre, que la Commission Européenne, ce qui est
exceptionnel, est intervenue devant la Cour d’appel comme
amicus curiae, sur le fondement de l’article 15 paragraphe 3
du règlement 1/2003, justifiant son intervention par la
nécessité d’une application cohérente de l’article 81 du
Traité (devenu article 101 TFUE) et par la circonstance
que le Conseil de la concurrence était la première autorité
nationale de concurrence à sanctionner au fond une
interdiction générale de vente en ligne. Donc, il y avait
un intérêt particulier à ce que la Commission défende son
point de vue.
45. Or, tel était le cas du réseau de distribution Pierre
Fabre : les distributeurs agréés étaient des officines, et donc
possédaient tous des magasins physiques.
53. Bien que les conclusions de la Commission ne lient pas
le juge national, elles ont apporté un éclairage important en
confirmant l’interprétation effectuée par le Conseil des lignes
directrices de la Commission, interprétation que Pierre Fabre
prétendait complètement erronée.
46. Le Conseil a ensuite vérifié s’il pouvait cependant exister
des distorsions de concurrence entre les distributeurs sélectifs
qui se seraient dotés d’un site web et les autres, qui n’en
auraient pas les moyens.
54. La Commission n’a contredit le Conseil que sur un point
mineur. Le Conseil avait estimé, à la lecture des anciennes
lignes directrices, que les justifications objectives des
pratiques, les faisant échapper à la prohibition de l’alinéa 1
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38. Enfin, Pierre Fabre prétendait que la suppression
de cette interdiction n’apporterait aucune concurrence
supplémentaire, en terme de prix, et en particulier, aucune
baisse de prix.
60. Dans sa décision 06-D-287 qui concernait la distribution
de matériels hi-fi, le Conseil a admis que les critères de
sélection des distributeurs puissent être adaptés à la
distribution par internet.
55. La Cour d’appel de Paris a décidé de poser une
question préjudicielle à la Cour de justice dans un arrêt
du 29 octobre 2009 et a sursis à statuer dans l’attente de
l’arrêt de la Cour.
62. Dans la décision 06-D-28, le Conseil a admis que l’achat
en ligne de matériel hi-fi de haute qualité exige du client en
ligne une attestation préalable selon laquelle il s’est rendu
préalablement dans un magasin physique et a bénéficié des
conseils des personnes présentes dans ce magasin avant
d’acheter. Est donc exigée de la part du client qui veut acheter
en ligne une attestation d’écoute préalable dans un magasin
de distributeurs agréés.
56. Elle a renvoyé à la Cour de justice la question de savoir :
“si l’interdiction générale et absolue de vendre sur internet
des produits contractuels aux utilisateurs finals imposée aux
distributeurs agréés dans le cadre d’un réseau de distribution
sélective constitue effectivement une restriction caractérisée de
la concurrence par objet”.
57. Une fois que la Cour aura tranché cette question, l’affaire
reviendra devant la Cour d’appel qui devra, à ce moment
là, si elle estime que la pratique constitue une restriction
caractérisée, se pencher sur la question de savoir si cette
restriction est justifiée par une contribution suffisante au
progrès économique.
III. Les aménagements
à la vente en ligne
58. Pour terminer, je voudrais parler des restrictions aux
modalités du commerce en ligne que le Conseil a considérées
comme licites parce qu’elles étaient proportionnelles aux
nécessités de la distribution sélective.
59. Si les interdictions générales de vente par internet sont
prohibées, toute restriction n’est pas interdite pour autant
puisque, tout d’abord, comme je l’ai dit tout à l’heure, le
fournisseur peut réserver la vente en ligne aux membres de son
réseau dotés de magasins physiques. Le Conseil l’a rappelé
dans l’affaire Bijourama (affaire 06-D-246). Il a estimé que
dès lors que le fournisseur avait une part de marché inférieure
à 30 %, il lui était loisible de réserver la vente par internet
à ses distributeurs sélectifs dotés de magasins physiques.
Par contre au-delà de 30 %, la question de la justification de
cette restriction se pose à nouveau. La Cour d’appel de Paris
a confirmé cette décision dans un arrêt du 16 octobre 2007,
estimant Festina France fondée à exiger, pour maintenir une
certaine image de qualité, notamment par un service aprèsvente efficace et assurer la mise en valeur de ses produits, que
la vente sur internet n’intervienne dans l’intérêt même des
consommateurs que comme complément d’un point de vente
physique et uniquement en complément d’un point de vente
physique.
6
Décision du 24 juillet 2006 relative à la distribution des montres commercialisées par
Festina France, confirmée par un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 16 octobre 2007
61. Je vais aussi vous énumérer un certain nombre de clauses
restrictives à la vente en ligne qui ont été soit validées soit
invalidées par le Conseil aux termes d’un examen très détaillé
de chacune d’entre elles.
63. On voit bien dans cette affaire concernant des enceintes
de grande valeur et très sophistiquées sur le plan technique,
l’enjeu pour le fournisseur tenant à ce que son matériel
soit testé concrètement dans un magasin dans de bonnes
conditions acoustiques etc.
64. Effectivement le non respect de cette clause par le
distributeur constituera une clause de résiliation des contrats
de distribution.
65. L’examen de l’affaire des produits dermo-cosmétiques
07-D-078 s’est soldé par une procédure d’engagement (seul
Pierre Fabre n’a pas voulu entrer dans cette procédure
d’engagement et a été sanctionné dans une décision à part).
L’examen de cette affaire a permis au Conseil de dresser une
liste de certaines clauses licites et illicites.
66. Ces clauses concernent soit des normes de qualité posées
par le fournisseur (1.) soit des restrictions quantitatives (2.).
1. Normes de qualité
67. S’agissant des normes de qualité, le Conseil a considéré
qu’elles doivent permettre effectivement d’adapter la
distribution en ligne aux critères de qualité de la distribution
sélective mais que, au-delà d’une certaine limite, ces clauses
constituent en réalité un empêchement pour les distributeurs
de vendre en ligne, et donc équivalent à une interdiction pure
et simple, disproportionnée et illicite.
68. S’agissant des plates-formes, le Conseil a admis que la
création par les détaillants de liens depuis et vers d’autres sites
et notamment, vers des plates-formes, puisse être soumise à
l’autorisation écrite et préalable du fournisseur.
69. Il a pris en considération le fait que ces plates-formes
fonctionnent comme intermédiaires entre vendeurs et
acheteurs mais ne permettent pas dans tous les cas d’identifier
7
Décision du 5 octobre 2006 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la
distribution sélective de matériels Hi-fi et Home cinéma (cette décision n’a pas fait l’objet
de recours)
8
Décision du 8 mars 2007 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la
distribution des produits cosmétiques et d’hygiène corporelle
Concurrences N° 4-2010 I Colloque I J. Vanard, M. Chagny, I. Luc, Distribution et internet : Bilan et perspectives
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(art. L. 335-2 CPI). L’utilisation personnelle est strictement autorisée dans les limites de l’article L. 122 5 CPI et des mesures techniques de protection pouvant accompagner ce document. This document is protected by copyright laws and international copyright treaties. Non-authorised use of this document
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de l’article 81 (problèmes de sécurité, de préservation de la
santé, …), ne s’appliquaient que dans les cas de la distribution
exclusive. Selon le Conseil, en effet, la distribution sélective
n’était pas concernée par ces justifications objectives qui
ne pouvaient être prises en compte qu’au titre de l’alinéa 3
de l’article 81. Mais, mis à part ce point sans effets sur la
solution du problème, puisque les justifications objectives
n’étaient pas démontrées en l’espèce, les deux analyses
convergeaient entièrement.
2. Restrictions quantitatives
70. Le Conseil a donc constaté qu’en l’état du droit, et en
l’état de certaines plates-formes qui ne procèdent pas à cette
identification des vendeurs, il était licite pour les fabricants
d’apporter une restriction à ces liens qui orienteraient les
consommateurs vers les plates-formes.
78. Il vous a été rappelé, tout à l’heure, que les limitations
du volume total de l’activité de vente en ligne sont prohibées
mais que le fournisseur pouvait fixer un montant minimum
de ventes hors ligne. C’est à un examen au cas par cas
auquel doivent se livrer les autorités de la concurrence : cette
limitation est-elle raisonnable ou pas en vertu des usages de
la profession ? etc. Tout cela s’examine in concreto.
71. Dans le même sens, les nouvelles lignes directrices de la
Commission soulignent que certains fournisseurs peuvent
effectivement poser des restrictions aux liens vers les platesformes et exiger qu’elles satisfassent aux critères de qualité de
la distribution sélective.
72. S’agissant du référencement par moteurs de recherches,
le Conseil a estimé que dès lors qu’il s’agissait de moteurs de
recherches naturels, ces référencements ne devaient pas être
soumis à l’autorisation préalable du fabricant puisqu’il s’agit
de simples référencements opérés de manière automatique
par des robots qui sillonnent et analysent en permanence le
contenu disponible sur internet sans qu’une aucune démarche
particulière ne soit entreprise par les auteurs de ces contenus
et que donc nécessairement les liens qui en découlent ne
peuvent que renvoyer vers les sites des distributeurs agréés
dont le fabricant a par définition déjà pu vérifier le contenu.
73. L’exigence d’un site exclusif dédié aux produits du
fabricant a également été soumise au Conseil.
74. Un certain nombre de fabricants de produits dermocosmétiques consentaient à autoriser la vente en ligne, mais à
condition que le site soit exclusivement réservé à la vente de
produits vendus sous conseils pharmaceutiques comme les
produits dermo-cosmétiques.
75. Ils exigeaient également que le point de paiement en ligne
soit réservé aux seuls produits dermo-cosmétiques. Le Conseil
a estimé que ces exigences étaient disproportionnées par
rapport à l’objectif visé, car l’exigence d’un site exclusif
dédié à ces produits dermo-cosmétiques aurait obligé les
distributeurs qui ne vendent pas exclusivement des produits
dermo-cosmétiques sur conseils pharmaceutiques, mais qui
vendent des produits d’hygiène courante par exemple, à créer
un site dédié à ces seuls produits, ce qui aurait été source
de coûts supplémentaires de nature à les dissuader d’ouvrir
une boutique en ligne.
76. Les parties ont accepté de modifier leurs contrats en
fonction des réserves du Conseil et ont opté pour de simples
pages dédiées à ces produits dermo-cosmétiques au sein de
leur site.
77. S’agissant des limitations quantitatives, celles-ci sont plus
délicates à apprécier.
79. Les limitations de produits vendus par transaction
appellent par exemple un examen minutieux.
80. Le fournisseur peut-il poser des limitations par
transaction en ligne dans ses contrats ? A priori, si un client
achète de grosses quantités de produits en ligne, c’est qu’il
veut les revendre en dehors du circuit de distribution sélective
pour faire du parasitisme.
81. Le Conseil a estimé que lorsque la demande est anormale,
le fournisseur peut se prémunir contre de telles pratiques et
donner son accord préalable aux distributeurs à la délivrance
d’une quantité importante de produits par internet.
82. Enfin, pour terminer, certaines clauses constituent des
clauses noires puisque ce sont des clauses qui portent sur
les prix, qui restreignent les quantités ou qui répartissent les
marchés. Il est évident que conformément au droit commun,
ces clauses sont prohibées, notamment les clauses qui
permettent aux fournisseurs de contrôler la publicité en ligne
sur les prix.
83. Le fournisseur ne peut en effet contrôler la publicité en
ligne que si celle-ci ne porte pas sur les prix directement ou
indirectement.
84. En conclusion, la pratique du Conseil a été largement
validée a posteriori par les nouveaux textes communautaires.
Elle a été sévèrement critiquée par la doctrine. Il faut
maintenant sagement attendre l’arbitrage éclairé de la
Cour de justice pour départager les tenants de deux thèses
opposées : ceux qui pensent que la vente en ligne signe l’arrêt
de mort de la distribution sélective, appelée à disparaître
et ceux qui vont jusqu’à souhaiter que des “pures players”
soient autorisés à vendre en ligne sans disposer d’aucun
magasin physique.
85. On voit bien que ces deux thèses sont à des années-lumière
l’une de l’autre et que le débat est loin d’être achevé au sein de
la communauté juridique.
■
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le vendeur et donc, dans certains cas, risquent d’encourager
les faux vendeurs professionnels qui ne sont pas agréés par
les fabricants et qui vendent des produits de manière illicite
sur ces plates-formes.
Concurrences
est une revue trimestrielle couvrant l’ensemble des questions de droits
communautaire et interne de la concurrence. Les analyses de fond sont effectuées sous forme
d ’ a rticles doctrinaux, de notes de synthèse ou de ta bleaux juri s p ru d e n t i e l s. L’ a c t u a l i té
jurisprudentielle et législative est couverte par dix chroniques thématiques.
Editorial
Droit et économie
Elie Cohen, Laurent Cohen-Tanugi,
Claus-Dieter Ehlermann, Ian Forrester,
Thierry Fossier, Eleanor Fox, Laurence Idot,
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