pdf doctrines - Olivier Fréget

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pdf doctrines - Olivier Fréget
Concurrences
Revue des droits de la concurrence
Libéralisation des jeux
à la française, une vraie-fausse
ouverture à la concurrence ?
Doctrines l Concurrences N° 3-2010 – pp. 45-57
Olivier Fréget
[email protected]
l Avocat
Marie Potel-saVille
[email protected]
l Avocat
Olivier Fréget*
[email protected]
Avocat
Marie Potel-saville*
[email protected]
Libéralisation des jeux à la
française, une vraie-fausse
ouverture à la concurrence ?
Avocat
Abstract
T
he French Gambling Act was initiated under a certain
pressure from the European Commission, under the impulse
of the Court of Justice case law, given that the compliance
with EU law of the previous blanket prohibition in France of
gambling apart from State monopolies, partly justified by the
need to limit gambling occasions, was highly debated. The new
Act already provides that it will be revised in 18 months, but
in the meantime, it seems worth analysing the Act in light
of two main objectives : on the one hand, is the new French
regime now compliant with EU law, in particular Article 56
TFEU guaranteeing free movement of services? On the
other hand, does the new Act enable an effective opening to
competition for the online activities at stake, in particular
in terms of equality of chances between incumbents and new
entrants? One of the specificities of the online gambling sector
in France also lies in the fact that four regulators will be able
to apply their powers : the French Gambling Authority (Arjel)
of course, but also the French Competition Authority (ADLC),
as well as the CSA and the CNIL.
L
a loi nouvelle relative à “l’ouverture à la concurrence” des
jeux en ligne est née d’une certaine pression de la Commission
européenne, sous l’impulsion de la jurisprudence de la Cour de
Justice, la conformité au droit communautaire du monopole
précédemment confié à la FDJ et au PMU sur l’ensemble des
jeux et paris sportifs, notamment au motif de la limitation
des occasions de jeux, étant sujette à caution, en l’état de
la politique commerciale particulièrement dynamique de
ces opérateurs. Si le nouveau texte prévoit déjà sa révision
dans 18 mois, on peut s’interroger sur ces deux principaux
objectif proclamés ou non : d’une part, la loi nouvelle est-elle
désormais conforme au droit communautaire, en particulier
à l’article 56 TFUE garantissant la liberté de prestation de
service? D’autre part, la loi permet-elle, pour les activités
“libéralisées” une ouverture effective à la concurrence,
assurant l’égalité des chances entre opérateurs historiques
et nouveaux entrants? L’une des particularités de ce secteur
tient également à ce que pas moins de quatre autorités
administratives indépendantes ont vocation à y appliquer
leurs pouvoirs : l’Arjel bien entendu, mais également
l’Autorité de la concurrence, ainsi que le CSA et la CNIL,
pour les aspects qui les concernent.
*
Les auteurs précisent qu’ils ont notamment consulté
pour des opérateurs nouveaux entrants.
1. Au-delà de la frénésie qui a régné au printemps autour de l’entrée en vigueur du
nouveau cadre législatif applicable aux jeux en ligne, la rentrée semble propice à une
analyse quelque peu distanciée du nouveau cadre applicable aux jeux en ligne, au
regard de deux enjeux fondamentaux : liberté de prestation de service et droit de la
concurrence.
2. Remontant jusqu’à 1836, le cadre législatif français applicable aux loteries, jeux
de hasard, paris et casinos méritait largement d’être dépoussiéré1 et surtout rendu
conforme au droit de l’Union européenne. On le sait, c’est en grande partie sous la
pression de la jurisprudence de la Cour et celle de la Commission européenne qu’est
née la nouvelle loi du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la
régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne2.
3. Il faut dire que l’ancien régime, conférant le monopole des loteries et jeux de
hasard à la Française des Jeux (FDJ) et celui des paris hippiques au Pari mutuel
urbain (PMU), sous peine de lourdes sanctions pénales, avait été contesté dès 1989
dans les affaires Ladbroke3. C’est sur le fondement du droit de la concurrence, (en
particulier des articles 90 TCE – désormais 106 TFUE – d’une part, et 85 et 86 TCE –
101 et 102 TFUE – d’autre part) que cet opérateur avait mis en cause les pratiques du
PMU4 et d’une dizaine de sociétés de courses françaises, sans succès5. S’il était déjà
acquis que les articles 85 et 86 TCE étaient bien applicables à l’activité économique
que constituent les jeux d’argent ou paris, la Commission avait fait preuve d’une
relative atonie dans leur application aux opérateurs monopolistiques français6.
1
La prohibition des loteries et jeux d’ar gent en France remontait à 1836 (loi du 21 mai 1836 portant prohibition des loteries,
JORF du 20 août 1944, p. 79), celle des paris sur les courses hippiques à 1891 (loi du 2 juin 1891 ayant pour objet de réglementer
l’organisation et le fonctionnement des courses de chevaux, JORF du 3 juin 1891, p. 2457). Quant aux casinos, leur exploitation
non autorisée était sanctionnée de puis 1883 (loi n° 83-628 du 12 juillet 1983 interdisant certains appareils de jeux, JORF du
13 juillet 1983, p. 2154).
2
Loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 r elative à l’ouverture à la concur rence et à la r égulation du secteur des jeux d’ar gent et de
hasard en ligne, JORF n° 0110 du 13 mai 2010, p. 8881.
3
Voir TPICE, 18 septembre 1995, Ladbroke Racing c/ Commission , aff. T-548/93, Rec. p. II-2565, CJCE, 11 novembre 1997,
Commission et République Française c/ Ladbroke Racing, aff. jointes C-359/95 P et C-379/95 P, Rec. p. I-6265. Le TPICE avait
été saisi d’un recours en annulation ayant pour objet l’annulation de la décision de la Commission du 29 juillet 1993 rejetant
une plainte au titre des articles 85 et 86 du traité CEE, ainsi que le réexamen immédiat de la plainte n° IV/33.374.
4
Les pra tiques en cause visaient notamment des accor ds visant à octr oyer au PMU des dr oits ex clusifs pour la gestion et
l’organisation du pari m utuel hors hippodrome sur les cour ses organisées ou contrôlées par lesdites sociétés , et d’autre part à
appuyer une demande et l’obtention d’une aide d’État en faveur du PMU et, enfin, de permettre au PMU d’étendre ses activités
à des États membres autres que la République française.
5
En substance, alors que le TPI avait considéré que la Commission aurait d’a bord dû conclure son analyse sur la compa tibilité
du régime exclusif français au droit communautaire sous l’angle de l’article 90, avant de décider si elle pouvait ou non écarter
l’application des articles 85 et 86, la Cour en r evanche estime que l’analyse préalable de la compatibilité de la loi française au
droit communautaire n’était pas nécessaire, dans la mesure où, afin de déterminer si les articles 85 et 86 sont applicables, seule
compte la “possibilité de comportements autonomes”laissée par cette loi aux opérateurs.
6
Par une seconde plainte en 1989, Ladbroke avait agi notamment contre le PMU pour violation des articles 85 et 86, quant au
refus opposé par ce dernier de voir Ladbroke retransmettre des images et commentaires sonores des courses hippiques françaises.
À la suite de modifications des accords en cause, la Commission s’y était déclarée favorable sur le fondement de l’article 85, mais
ne s’était pas prononcée sur 86, ce que le Tribunal considéra comme une carence de la Commission (TPICE, 24 janvier 1995,
Ladbroke Racing Deutschland c/ Commission, aff. T-74/92, Rec. p. II-115).
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(art. L. 335-2 CPI). L’utilisation personnelle est strictement autorisée dans les limites de l’article L. 122 5 CPI et des mesures techniques de protection pouvant accompagner ce document. This document is protected by copyright laws and international copyright treaties. Non-authorised use of this document
constitutes a violation of the publisher's rights and may be punished by up to 3 years imprisonment and up to a € 300 000 fine (Art. L. 335-2 Code de la Propriété Intellectuelle). Personal use of this document is authorised within the limits of Art. L 122-5 Code de la Propriété Intellectuelle and DRM protection.
Doctrines
La Cour de cassation s’était d’ailleurs ralliée à la position
du juge communautaire, dans un arrêt Zeturf8, considérant
qu’il est nécessaire de rechercher si l’intérêt général sur lequel
se fondent les objectifs consistant à limiter les occasions de
jeux et à prévenir l’exploitation de ces activités à des fins
criminelles ou frauduleuses n’est pas déjà sauvegardé par les
règles auxquelles le prestataire de services est soumis dans
l’État membre où il est établi. Le Conseil d’État, pour sa
part, avait déjà émis quelques réserves, dès 2000, quant à
la compatibilité avec le droit communautaire du monopole
du PMU en l’état de la forte diversification de ses activités9,
puis, par une question préjudicielle, s’était montré également
sensible au principe de cohérence des restrictions face à une
politique commerciale “dynamique” du monopole10.
C’est dans ce contexte que la Commission, relayant les
critiques de la Cour à l’égard de nombreux États membres11
avait mis en cause dans un avis motivé du 27 juin 2007 la
conformité à l’article 49 du Traité CE (devenu article 56
du TFUE) des restrictions imposées par la France aux
opérateurs de paris sportifs à distance disposant d’une licence
dans un autre État membre, pour des motifs de lutte contre
l’addiction alors que les monopoles d’État français offraient
toujours davantage d’occasions de jeu12.
5. Si la France avait formellement obtempéré, via le projet
de loi du 25 mars 2009, celui-ci n’en avait pas moins suscité
plusieurs critiques de la part de la Commission13. Celle-ci
pointait du doigt les dispositions relatives à la délivrance de
l’agrément et à l’absence de prise en compte des autorisations
délivrées dans d’autres États membres, ou encore celles
relatives aux droits des organisateurs de compétitions et
manifestations sportives, dont le monopole se voyait étendu
7
CJCE, 6 novembre 2003, Piergiorgio Gambell i e .a., af f. C-243/01, R ec. p . I-13031. P our
mémoire, la Cour a vait estimé que la pr ohibition italienne des paris sportifs , sous peine
de sanctions pénales , constituait une r estriction aux libertés de pr estation de services et
d’établissement, laquelle aurait pu êtr e justifiée par le motif d’intér êt général consistant à
limiter les occasions de jeux, à condition toutef ois qu’il y ait une cohér ence dans la politique de
l’État à cet ég ard, la cohérence étant exclue lorsque des États mènent dans le même temps une
politique nationale de forte expansion des jeux sous monopo le. Voir également CJCE, 24 mars
1994, Her Majesty’s Customs and Ex cise c/ Gerhar t Schindler et Jörg Schindler, aff. C-275/92,
Rec. p. I-7289, CJCE, 21 octobre 1999, Questore di Verona et Diego Zenatti, aff. C-67/98, Rec.
p. I-1039 et CJCE, 6 mars 2007, Massimiliano Placanica, aff. C-338/04, Rec. p. I-1891.
8
Cass. Com., 10 juillet 2007, Zeturf c/ GIE PMU, Bull. civ. IV, n° 186.
9
CE sect., 15 mai 2000, Confédération française de prof essionnels en jeux automatiques ,
n° 202666.
10 CE sect., 9 mai 2008, Zeturf, n° 287503.
11 La Commission avait ainsi adressé une vague d’avis motivés pour violation de l’article 49
(désormais 56 TFUE) aux Éta ts membr es sui vants Danemar k, Finlande , Hongrie
(21/03/2007, IP/07/360), Grèce et Suède – ainsi que la F rance (27/06/2007, IP/07/909),
après avoir enquêté en 2006 sur les dif férentes r estrictions na tionales (v oir notamment
IP/06/436 et IP/06/1362).
12 IP/07/909.
13 Notification 2009/0122 F, avis motivé de la Commission du 8 juin 2009 sur le projet de loi
relatif à l’ouverture à la concur rence et à la r égulation du secteur des jeux d’ar gent et de
hasard en ligne.
au droit de consentir à l’organisation de paris. La Commission
était également sceptique quant au taux maximum de retour
au joueur prévu par le projet ou encore quant à l’obligation
faite d’avoir un représentant fiscal établi en France.
6. La loi nouvelle s’affirme en outre comme un instrument
de libéralisation, fut-elle partielle, du secteur, “ouvrant à la
concurrence” les activités en ligne de paris sportifs, paris
hippiques et jeux de cercle. Or, l’expérience des secteurs
ayant fait l’objet d’une libéralisation – télécom, énergie,
etc. – montre qu’il ne suffit pas, loin s’en faut, de proclamer
l’ouverture à la concurrence pour qu’elle advienne, mais
que tant la loi que les régulateurs doivent accompagner ce
processus par des mesures concrètes permettant d’assurer
l’égalité des chances entre opérateurs historiques et nouveaux
entrants.
7. C’est donc assez naturellement sous ces deux angles qu’il
convient d’analyser la loi nouvelle.
D’une part, les conditions d’accès imposées aux nouveaux
entrants, parmi les plus contraignantes au sein de l’Union,
et le flou entourant les conditions dans lesquelles des licences
obtenues dans d’autres États membres seront prises en
compte par le nouveau régulateur, l’Arjel, permettent-ils de
considérer comme réglée la problématique de la conformité
du régime français au droit de l’Union, en particulier à
l’article 56 TFUE ? (I.)
D’autre part, il semble que l’Autorité de la concurrence n’ait
été que peu associée au processus législatif de “libéralisation”
du secteur et l’on peut s’interroger sur les lacunes du nouveau
régime au regard du droit de la concurrence, en particulier
dans la mesure où la loi est parfaitement silencieuse sur le
traitement des avantages historiques dont bénéficient la FDJ
et le PMU et permet la cohabitation, au sein des mêmes
entités, d’activités libéralisées et d’activités encore sous
monopole, sans prévoir de garde-fous (II.).
I. Une loi qui n’épuise pas
la problématique de la conformité
du cadre français aux libertés
de circulation
8. On rappellera que les restrictions à la libre prestation de
services sont admises si elles sont justifiées par des raisons
impérieuses d’intérêt général, si elles sont propres à garantir
la réalisation de l’objectif poursuivi et ne vont pas au-delà
de ce qui est nécessaire pour l’atteindre. On s’attachera ici en
particulier au principe de cohérence systématique, au test de
proportionnalité et au test de nécessité.
Comme nous l’avons vu ci-dessus, le principe de “cohérence
systématique” impose, lorsque l’État choisit la prohibition
totale en dehors des monopoles, que la politique commerciale
de ceux-ci soit cohérente avec l’impératif d’intérêt général
allégué pour justifier la restriction, en particulier lorsqu’il
s’agit de la limitation des occasions de jeux.
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4. C’est ensuite sur le terrain de la liberté de prestation de
services que s’est déplacée la contestation du régime français,
dans la lignée de la jurisprudence Gambelli et ses suites7,
qui a posé le principe de “cohérence systématique” entre
l’impératif d’intérêt général allégué, en particulier lorsqu’il
s’agit de la limitation des occasions de jeux, et la politique
commerciale des monopoleurs.
10. Les très récents arrêts De Lotto, du 3 juin 201016, ne nous
semblent pas davantage constituer un revirement : dans cet
arrêt, le principe de politique cohérente et systématique
est maintenu, mais la Cour précise que toute politique
commerciale dynamique des monopoleurs n’y sera pas
nécessairement contraire. Si le dynamisme commercial
(offre “attractive”, création de nouveaux jeux et publicité)
n’a vocation qu’à récolter des fonds en vue du financement
d’activités sociales par exemple, la restriction sera considérée
comme non proportionnée ; en revanche, si la politique
d’expansion des jeux monopolistiques est destinée à enrayer
l’offre illégale en canalisant l’envie des parieurs dans les
circuits légaux et si la politique d’expansion des jeux n’a pas
une ampleur telle qu’elle la rend inconciliable avec l’objectif
de limitation de la dépendance aux jeux, la restriction pourra
être acceptée.
Rappelons également sur ce point que de nombreuses affaires
dans ce secteur sont encore pendantes devant les juridictions
de l’Union17.
11. Quant au test de proportionnalité, il suppose qu’il n’y ait
pas de mesure moins contraignante permettant d’atteindre
l’objectif recherché18. À titre d’illustration, l’imposition de
“charges financières exorbitantes pour l’accomplissement
des formalités requises” a été jugée disproportionnée19.
14 CJCE, 8 septembre 2009, Departementos de Jogos da Santa Casa da Misericordia de Lisboa,
aff. C-42/07, non encore publié au Recueil.
15 Dans cet ar rêt, la Cour a, il est vrai, admis qu’un Éta t membre de l’Union eur opéenne,
le Portugal, puisse maintenir le monopo le public d’un opéra teur de jeux, et ce malgr é le
principe de libre prestation de services.
16 CJUE, 3 juin 2010, Sporting Ex change c/ Minister v an J ustitie, af f. C-203/08, non
encore publié au Recueil, et CJUE, 3 juin 2010, Ladbrokes Betting & Gaming , Ladbrokes
International c/ Stichting de Nationale Sporttotakisator, aff. C-258/08, non encore publié au
Recueil.
17 Voir conclusions de l’Avocat Général Jan Mazak présentées le 23 février 2010 dans l’affaire
C-64/08, Staatsanwaltschaft Linz c/ Ernst Engelmann : cette affaire concerne une question
préjudicielle à pr opos de la compa tibilité de la législa tion autrichienne selon laquelle
l’exploitation des jeux de hasar d est r éservée à un monopo le d’État ou à des entr eprises
autorisées, au mo yen de concessions , par le Gouv ernement. Voir ég alement conclusions
de l’Avocat Général Yves Bot pr ésentées le 23 février 2010 dans les affaires C-447/08 et
C-448/08, Otto Sjörberg, Anders Gerdin c/ Aklagaren : cette af faire concerne une question
préjudicielle relative à la conformité, avec le droit communautaire, de la législation suédoise,
qui interdit et sanctionne pénalement la pr omotion, en Suède , de loteries or ganisées en
dehors de son ter ritoire, et conclusions de l’A vocat Général Pao lo Meng ozzi pr ésentées
le 4 mar s 2010 dans l’af faire C-46/08, Carmen Media Group : cette af faire concerne une
question préjudicielle relative à la compa tibilité de la r églementation allemande a vec les
dispositions relatives à la liberté de prestation de services.
18 Voir notamment CJCE, 28 no vembre 1978, Michel Choquet , af f. 16/78, R ec. p. 2293,
paragraphe 8, CJCE, 17 décembr e 1981, Alfred John Webb, af f. 279/80, R ec. p. 3305,
paragraphe 20, CJCE, 18 juillet 2007, Commission c/ Italie, aff. C-134/05, Rec. p. I-6251,
pt 45, où la Cour a considér é que “des mesures restrictives à la l ibre prestation des ser vices
ne peuvent être justifiées par des raisons impérieuses d’intérêt g énéral que si c’est mesures
sont nécessaires pour la protection des intérêts qu’elles visent à garantir et pour autant que ces
objectifs ne puissent être atteints par des mesures moins restrictives”.
19 CJCE, 28 novembre 1978, Michel Choquet, aff. 16/78, Rec. p. 2293, paragraphe 8.
12. Le test de nécessité implique pour sa part de déterminer
si l’objectif invoqué en tant qu’exigence impérieuse d’intérêt
général l’est à juste titre20. Ce dernier test revêt un caractère
particulièrement important lorsque le produit ou le service
en question fait déjà l’objet, dans l’État membre d’origine,
d’une réglementation, à laquelle il se conforme. À cet
égard, la Cour a développé une abondante jurisprudence
concernant les autorisations préalables que certains États
ont tenté d’imposer à des prestataires de services établis dans
d’autres États membres, où ils sont par ailleurs déjà soumis
à une autorisation similaire pour l’exercice de leur activité21.
En effet, elle considère bien souvent que cette exigence fait
“double emploi”22 et qu’elle ne serait donc pas nécessaire.
C’est à la lumière de ces principes que les principales
dispositions de la loi (1.) doivent être analysées, soulevant
ainsi des interrogations sur la compatibilité de plusieurs
d’entre elles avec le principe de libre prestation de service (2.).
1. Principales dispositions de la loi
nouvelle
1.1. Innovation de certaines exigences
juridiques
13. Sans rentrer dans le détail, relevons que le nouveau
régime prévoit la libéralisation des activités de paris sportifs,
paris hippiques ou jeux de cercles en ligne. En revanche, les
activités “en dur” demeurent sous le monopole respectif de
la FDJ pour la loterie et les jeux de hasard et du PMU pour
les paris sportifs.23
Les opérateurs de jeux souhaitant exercer leur activité en
France24 doivent tout d’abord faire une demande d’agrément
auprès du nouveau régulateur des jeux, l’Arjel (Autorité
20 Voir Laurence Idot, :“Protection de l’environnement, libre circulation, libre concurrence :
bilan de la jurispr udence de la Cour de J ustice”., article accessib le à l’adr esse suivante :
http://www.finances.gouv.fr/fonds_documentaire/dgccrf/02_actualite/ateliers_concu/
environnement7.pdf. Selon les ter mes mêmes de l’Avocat Général Poiares Maduro, “le test
de nécessité inhérent au principe de propor tionnalité impose à l’État membre de destination
de v érifier si des e xigences pour suivant le même objectif d’intérêt g énéral sont é galement
imposées dans l’État membre d’origine et, le cas éc héant, d’en mesurer l’équiv alence aux
fins de satisfaction de celui-ci ; en cas de ré ponse positive, s’impose à lui une ob ligation de
reconnaissance de l’exigence équivalente déjà satisfaite dans l’État membre d’établissement”
(Conclusions de l’Avocat Général P oiares Maduro dans l’af faire C-134/05, 14 décembre
2006, Commission c/ Italie, Rec. p. I-3475, pt 16.)
21 CJCE, 18 jan vier 1979, Ministèr e Public et Chambr e Syndicale des a gents artistiques et
impresarii de Belgique, aff. jointes 110 et 111/78, Rec. p. I-607, pt 30.
22 CJCE, 22 janvier 2002, Canal Satellite Digital, aff. C-390/99, Rec. p. I-607, pt 36.
23 A cet égard, la presse s’est fait l’écho de ce que la société Stanleybet a récemment attaqué le
monopole de la FDJ sur son r éseau physique en déposant une requête devant le Conseil d’Etat
suite au r efus du gouvernement de lui laisser ouvrir des points de v ente en France (Les Echos ,
9 mars 2010). Le Conseil d’Etat ne s’est pas encore prononcé à la date de rédaction de cet article.
24 La question du champ d’applica tion ter ritorial de la loi française à une acti vité menée
exclusivement sur inter net, donc par définition internationale voire mondiale , pour rait
mériter une analyse à part entière. Relevons simplement ici que la loi ne traite ce point que
par le biais de l’obligation de créer un site en “.fr”, sans régler la question de l’application
éventuelle de la loi française, notamment des sanctions qu’elle prévoit, à un site en “.com”.
Après une tendance de la jurispr udence à l’applica tion très large de la loi française par
le biais du critèr e de l’accessibilité du site inter net à partir d’un or dinateur en F rance
(voir notamment CA Paris , 17 mar s 2004, T.K., Yahoo! Inc. c/ Association des dé portés
d’Auschwitz et des Camps de Haute Silésie, MRAP), cette compétence quasi-universelle a été
atténuée par l’exigence d’un facteur de rattachement supplémentaire,“suffisant, substantiel
ou significatif ”(voir CA Paris , 6 juin 2006, Google c/ Axa, CA Paris , 9 se ptembre 2009,
République du Chil i c/ Gazmuri e .a.), notamment “l’orientation du site v ers un pub lic
français”(CA Versailles, 4 mars 2009, Groupe Partouche International).
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9. Relevons d’ailleurs que l’arrêt très commenté dit Santa
Casa14 ne constitue pas à notre sens un revirement de la
jurisprudence communautaire sur ce point, mais un arrêt
illustrant le fait que, si l’État met réellement en œuvre
une politique cohérente et systématique de limitation des
occasions de jeux par les opérateurs autorisés, il peut alors
se prévaloir de l’impératif de lutte contre la dépendance au
jeu, y compris en imposant une prohibition totale en dehors
du monopole15.
Le sésame permet ainsi aux opérateurs en ligne concernés
d’exercer pleinement leur activité en France, pour une
durée de cinq ans, renouvelable27. À condition, bien sûr, de
respecter l’ensemble des obligations qui leur sont imposées
par la loi, à commencer par la lutte contre le blanchiment,
contre l’addiction, la protection des mineurs pour ne citer
que les principales.
14. Un régime de sanctions pénales accompagne le nouveau
dispositif, visant à lutter contre les sites illicites (3 ans
d’emprisonnement et 90 000 euros d’amende, portés à 7 ans
et 200 000 euros lorsque l’infraction est commise en bande
organisée, ainsi que des peines complémentaires pour les
personnes physiques et les personnes morales).
Relevons à cet égard que la publicité et les formes de
promotion en faveur d’un opérateur de jeux disposant
d’un agrément sont désormais licites, mais soumises à de
strictes conditions : obligation d’y insérer un message de
mise en garde contre l’addiction au jeu, interdiction dans les
publications, programmes télévisés, sites internet “destinés
aux mineurs”, ainsi que dans les salles de cinéma lors de
la diffusion d’œuvres cinématographiques accessibles aux
mineurs (soit de facto interdite dans quasiment tous les
cas au cinéma)28. Le nouveau régime prévoit en outre de
lourdes sanctions – 100 000 euros d’amende, le juge pouvant
porter ce montant au quadruple des dépenses publicitaires
consacrées à l’activité exercée sans agrément –, à la fois en cas
de publicité non conforme en faveur d’un site agréé et en cas
de publicité ou communication commerciale en faveur d’un
site non agréé29.
15. À noter enfin que l’article 17 de la loi impose aux candidats
à l’agrément, sauf la FDJ et le PMU (on y reviendra), de
justifier de ce que l’ouverture et l’approvisionnement des
comptes joueurs ont été effectués postérieurement à la
25 Arrêté inter ministériel du 17 mai 2008 portant appr
applicable aux opérateurs de jeux en ligne.
obation du cahier des char ges
26 Le cahier des char ges compr end 11 parties distinctes et r
equiert des inf ormations
administratives et judiciair es (identité et adr esse des dirigeants , identité et siège social
de chaque société du gr oupe et de chaque éta blissement, dénomina tion sociale et nom
commercial, identité de chaque actionnair e détenant plus de 5 % du capital social si SA,
condamnations pénales), des inf ormations financières et compta bles (bilans , comptes de
résultats et annex es, tableaux de tr ésorerie, garanties financières, plan d’af faires, moyens
humains et matériels), juridiques (contrats de partenariats, de sous-traitance, de licence de
marques, contrats proposés aux joueurs et conditions générales de vente, contrats de travail
types), ainsi qu’un lourd volet technique.
27 La mission de pr éfiguration de l’Arjel a pub liquement indiqué qu’elle souhaitait pouv oir
délivrer les premières licences à temps pour la Coupe du Monde de F ootball, qui débute le
11 juin 2010.
28 Loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 r elative à l’ouv erture à la concur rence et à la
réglementation du secteur des jeux d’argent et de hasar d en ligne, articles 9 et 57, JORF
n° 110 du 13 mai 2010, p. 8881.
29 Loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 r elative à l’ouv erture à la concur rence et à la
réglementation du secteur des jeux d’argent et de hasar d en ligne, articles 9 et 57, JORF
n° 110 du 13 mai 2010, p. 8881.
délivrance de l’agrément (disposition communément appelée
“black-out” sur les comptes existants). Le texte ne règle pas
explicitement le sort des comptes joueurs existants, c’est-àdire créés avant l’obtention de l’agrément par l’opérateur30.
En l’état, le décret d’application n’est guère plus explicite.
Il est donc probable qu’il implique que les opérateurs en
ligne qui ont déjà ouvert des comptes joueurs à des résidents
français, par exemple sur la base de licences obtenues dans
d’autres États membres, en exerçant leur liberté de prestation
de services, doivent fermer l’ensemble de ces comptes, sans
avoir le droit de mettre en place une procédure automatique
de réouverture31.
1.2. Complexité des exigences techniques
16. L’une des particularités du système français tient
notamment à l’extrême sophistication des “exigences
techniques”32, que les opérateurs doivent respecter dans la
mesure où la loi prévoit que l’agrément n’est délivré que si
l’opérateur met en place un dispositif technique qui permet
de garantir une traçabilité des opérations de jeu d’une part
(archivage en temps réel notamment), et de générer et de
transmettre des rapports sur l’activité de jeu d’autre part
(article 3133).
17. Cette disposition, ainsi que le dossier des exigences
techniques imposent une architecture du SI et des principes
d’archivage et de transmission des données très précis :
(i) l’opérateur doit mettre en place un dispositif appelé
“frontal”, hébergé en France, c’est-à-dire un serveur
accessible par un nom en “.fr” qui recueille et archive les
transactions, le flux ne devant aller que du joueur vers la
plate-forme de jeu (et non l’inverse), de manière sécurisée ;
30 On relève d’ailleurs que, au cours des débats parlementaires, une autre rédaction avait été
envisagée et adoptée par le Sénat, qui visait explicitement à obliger les opérateurs à clôturer
les comptes joueurs existants afin d’obtenir leur agrément : Le IV de l’article 16 énonçait
alors : “Pour les personnes, autres que celles visées à l’ar ticle 57 (l’article 57 dans le projet
de loi est l’article 68 de la loi adoptée, qui est applicable aux opérateurs historiques), ayant
eu une activité d’opérateur s de jeux ou de paris en l igne à destination de joueur s résidant en
France préalablement à la promulg ation de la présente loi, la décision d’octroi d’a grément
est suspendue jusqu’à la f ourniture par ceux-ci de la justification de la clôtur e des comptes
de ces joueurs”. Toutefois, cette rédaction, qui obligeait clairement les opérateurs privés à
fermer les comptes joueurs existants, a été écartée par l’Assemblée nationale, le rapporteur
du projet ayant indiqué que cette f ormulation n’était “pas satisfaisante et pour rait même
être jugée anticonstitutionnelle”, motif pris, notamment, de ce que de “telles dispositions
limiteront drastiquement le nombre des opérateurs pouvant être légalement agréés dans notre
pays”(J.-F. Lamour, Rapport fait au nom de la Commission des Finances , de l’Économie
générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale sur le projet de loi relatif à
l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en
ligne (n° 1549), 22 juillet 2009).
elative à l’ouv erture à la concur rence et à la
31 Loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 r
réglementation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne, article 17, alinéa 3, JORF
n° 110 du 13 mai 2010, p. 8881.
32 Tel que pr évu par l’article 11 du Décr et n° 2010-509 du 18 mai 2010 r elatif aux
obligations imposées aux opérateurs agréés de jeux ou de paris en ligne en vue du contr ôle
des données de jeux par l’Autorité de régulation des jeux en ligne, JORF n° 114 du 19 mai
2010, p. 9223.
33 Loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 r elative à l’ouv erture à la concur rence et à la
réglementation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne, article 31, JORF n° 110
du 13 mai 2010, p. 8881 : “L’opérateur de jeux ou de paris en l igne titulaire de l’a grément
prévu à l’ar ticle 21 est ten u de procéder à l’arc hivage en temps réel, sur un suppor t matériel
situé en France métropolitaine, de l’intégralité des données mentionnées au 3° de l’article 38.
L’ensemble des données échangées entre le joueur et l’opérateur transitent par ce support.”
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(art. L. 335-2 CPI). L’utilisation personnelle est strictement autorisée dans les limites de l’article L. 122 5 CPI et des mesures techniques de protection pouvant accompagner ce document. This document is protected by copyright laws and international copyright treaties. Non-authorised use of this document
constitutes a violation of the publisher's rights and may be punished by up to 3 years imprisonment and up to a € 300 000 fine (Art. L. 335-2 Code de la Propriété Intellectuelle). Personal use of this document is authorised within the limits of Art. L 122-5 Code de la Propriété Intellectuelle and DRM protection.
de Régulation des jeux en Ligne), autorité administrative
indépendante. La demande d’agrément, qui peut être déposée
devant l’Arjel depuis le 18 mai, nécessite, sur la base du cahier
des charges tel qu’adopté par arrêté interministériel25, la
compilation d’un volume très conséquent d’informations26,
et pourrait être comparée en cela à la préparation des
notifications d’opérations de concentrations devant les
autorités compétentes.
(iii) l’opérateur devra transmettre à l’Arjel, périodiquement
ou à la demande des données nécessaires à la supervision des
jeux ;
(iv) l’opérateur devra interroger le fichier des interdits de
jeu et le cas échéant bloquer le compte de ses clients qui y
figurent.
18. On relève en particulier l’exigence du “coffre-fort”
(article 31 de la loi) : il s’agit d’un dispositif de stockage sécurisé
des données journalisées, l’Arjel précisant que ce système
doit garantir “l’exhaustivité, l’intégrité et la confidentialité
des données journalisées, grâce à des mécanismes de chaînage,
d’horodatage et de chiffrement.” À cette fin, le coffre-fort
devra obtenir une “certification de sécurité de premier niveau”
(CSPN), délivrée par l’Agence Nationale de la Sécurité des
Systèmes d’Information (ANSSI, agence placée sous l’égide
du Premier ministre et chargée de lutter contre la “cybermenace”). On remarque que cette certification est requise
notamment pour les opérateurs agissant dans le secteur
de la défense ou pour les SI des institutions financières.
Cette certification doit garantir que le coffre-fort (i) résiste
aux menaces (injection d’enregistrements, altération
des enregistrements, vol de données, etc.) et (ii) garantit
l’authentification des utilisateurs et administrateurs.
19. Si 11 opérateurs ont obtenu l’agrément de l’Arjel lors
de la “première vague”, le 7 juin dernier34 (à temps pour la
Coupe du monde de football qui a débuté le 11 juin), il nous
semble que le caractère proportionné de ces exigences par
rapport aux objectifs poursuivis mérite d’être analysé.
2. Interrogations sur la compatibilité
de certaines dispositions de la loi avec
l’article 56 TFUE
2.1. Cohérence du maintien des monopoles
pour les activités “en dur” avec la politique
commerciale des opérateurs historiques ?
20. La FDJ et le PMU ont mené depuis plusieurs années
une politique de très forte expansion commerciale, toutes
activités confondues (“en dur” et en ligne). Dans un
communiqué du 15 janvier 2010, la FDJ annonçait ainsi
être devenue “la deuxième loterie mondiale”, indiquant
notamment qu’elle “a enregistré près de 10 milliards d’euros
de mises, soit une progression de 8,6 % par rapport à 2008.”
34 Les opérateurs suivants ont obtenu un agrément auprès de l’Arjel à la date du 7 juin 2010 :
Betclic, Beturf, BES SAS, Everest Gaming Limited, La Française des Jeux, France Pari,
Iliad Gaming, Pari Mutuel Urbain, Sajoo, SPS Betting France, Table 14. À la connaissance
des auteurs, la plupart des détenteurs de l’agrément ont eu recours à un prestataire externe
pour la partie technique, y compris les “grands”opérateurs déjà actifs dans plusieurs États
membres sous différentes licences ou agréments nationaux.
La FDJ affichait également de fortes progressions de la vente
de ses jeux : progression de 7,5 % pour les jeux de loterie,
dont 5,1 % pour les jeux de tirage, et 15 % de nouveaux
joueurs – soit un million – pour le nouveau loto et 16,9 % de
croissance pour les jeux de grattage (Millionnaire, Solitaire,
Astro, Vegas). La FDJ affirmait ainsi que “le lancement d’une
nouvelle génération de jeux (Cash) a également suscité un réel
engouement”. Les paris sportifs de l’opérateur historique ont
également progressé de 24 % en 2009, la FDJ soulignant “la
percée des paris en ligne, qui ont bondi de plus de 60 % par
rapport à 2008”35.
Outre la progression constante des ventes de jeux, les
opérateurs historiques ont également multiplié régulièrement
leurs points de vente, créant un réseau maillant tout le
territoire (en 2008, 38 700 points de vente, soit 6 000 de
plus que les points presse et les débits de tabac, et environ
le double du nombre de bureaux de postes). On relève
également des budgets marketing et communication en forte
progression pour les deux opérateurs (14 % de progression de
budget communication tous médias confondus pour la FDJ
en 2008 et 75 % pour le PMU), ainsi que la multiplication
des partenariats, en particulier sur l’année 2009 et début
201036.Dans ces conditions, on pourrait s’interroger sur
la compatibilité du maintien de la prohibition totale des
activités de jeux “en dur” avec l’article 56 TFUE, même
si l’on devait considérer que les arrêts De Lotto, précités,
constituent davantage que des arrêts d’espèce. Si l’on reprend les
critères énoncés dans ces arrêts, la canalisation dans les circuits
légaux de l’envie de jouer n’apparaît pas explicitement dans les
objectifs de la loi mentionnés à l’article 3, néanmoins les travaux
parlementaires en font état37. Toutefois, la question de l’ampleur
de la politique d’expansion en particulier de la FDJ nous semble
demeurer entière, en l’état de ses ambitions affichées.
2.2. Proportionnalité des obligations
de coffre-fort et de “black out” ?
21. La loi française a pour objectifs de “prévenir le jeu excessif
ou pathologique et protéger les mineurs, assurer l’intégrité, la
fiabilité et la transparence des opérations de jeu, prévenir les
activités frauduleuses ou criminelles ainsi que le blanchiment
de capitaux et le financement du terrorisme et veiller au
développement équilibré et équitable des différents types de
jeu afin d’éviter toute déstabilisation économique des filières
concernées.” (article 3).
Si ces objectifs justifient certaines exigences juridiques et
techniques, on relève, par exemple, que l’obligation de créer
un coffre-fort est inédite à notre connaissance au sein de
l’Union. Aucun opérateur exerçant déjà une activité même
sous licence d’un autre État membre n’avait eu à développer
un tel coffre-fort, qui nécessite donc de lourds investissements
de la part des opérateurs, et des mois de travail de préparation
35 Communiqué disponible sur le site de la FDJ : http://www.francaisedesjeux.com/groupe/
essentiel-groupe/actualites/lire/actualite/3500/titre/la-francaise-des-jeux-devient-la2eme-loterie-mondiale.
36 Accords de la FDJ , respectivement avec la Ligue de F ootball Professionnel pour les deux
prochaines saisons, avec Orange, Yahoo, TF1, le Groupe Barrière ; accords du PMU a vec
PartyGaming ou encore RMC.
37 Voir notamment Rapport de la Commission des finances devant le Séna t du 19 jan vier
2010, p. 35.
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(ii) toute connexion d’un joueur réputé français à la plateforme de jeu devra être redirigée vers ce “frontal”, ainsi
que les données échangées ultérieurement entre le joueur et
la plate-forme. Ces données devront être stockées dans un
“coffre-fort” restant à disposition de l’Arjel localement ou
par accès distant ;
22. De même, l’obligation pour l’opérateur d’opérer luimême le frontal n’existe pas dans le système de licence italien
dont le législateur français s’était initialement inspiré39, pas
plus que dans le système instauré par le “Gambling Act
2005”40 au Royaume-Uni, par exemple, alors que tous deux
poursuivent les mêmes objectifs de lutte contre la fraude et
le blanchiment. Les exigences techniques françaises avaient
d’ailleurs généré de très nombreuses interrogations de la part
des candidats à l’agrément, ainsi qu’en témoigne la page
“foire aux questions” du site de l’Arjel41.
En l’espèce, il semble que l’objectif d’intégrité des opérations
de jeux, de lutte contre le blanchiment et la fraude puisse être
atteint par des mesures techniques moins contraignantes que
celle du coffre-fort : ainsi au Royaume Uni les opérateurs sont
soumis à certaines obligations, en application du “Proceeds of
Crime Act 2002”42, parmi lesquelles l’obligation de nommer
une personne en charge de veiller à la prévention de la fraude
et du blanchiment d’argent, notamment en informant les
autorités compétentes de tout soupçon en ce sens. De plus,
les opérateurs doivent identifier les risques relatifs à la fraude
et au blanchiment d’argent et, en conséquence, mettre en
place des “procédures adéquates” permettant de lutter contre
de tels risques, sans qu’une mesure technique plutôt qu’une
autre ne leur soit imposée.
23. Par ailleurs, l’article 17 imposant le “black out” sur les
comptes existants jusqu’à obtention de l’agrément a pour
effet de priver les opérateurs autres que la FDJ et le PMU de
leur base clients alors qu’elle a pu être acquise légalement du
point de vue du droit communautaire43, dont la primauté se
voit ainsi bafouée44.
38 On relève ainsi que de nombreux prestataires offrent désormais leurs services pour fournir
une architecture “conforme aux exigences de l’Arjel”.
39 Dans le système italien, c’est le r égulateur qui gèr e lui-même la pla te-forme par laquelle les
informations sur les opéra tions de jeux r emontent. Nous comprenons en ef fet que le «fr ontal»
est géré par SOGEI, centre technique, pour le compte de l’autorité italienne ce qui lui per met
d’avoir connaissance des données essentielles liées aux transactions et de contrôler les opérateurs
licenciés. En cas de r évocation de licence, la connexion à SOCEI est suspendue , ce qui provoque
l’arrêt du site. Il pourrait être intéressant de voir si, lors de la révision de la loi dans 18 mois, le
Législateur prévoie que Arjel puisse être dotée de son propre frontal.
40 Gambling Act 2005 du 7 avril 2005.
41 Initialement, site de la mission de pr éfiguration de l’Arjel, v oir FAQ : http://www .prearjel.fr/IMG/pdf/FAQ_20100512.pdf.
42 Proceeds of Crime Act 2002 du 24 juillet 2002 : http://www .opsi.gov.uk/acts/acts2002/
ukpga_20020029_en_1. La Gamb ling Commission a adopté des lignes dir
ectrices
spécifiques au secteur des jeux d’argent et de hasar d, dans lesquelles elle détaille , sur le
fondement de cette loi, les obligations imposées aux opérateurs :“Duties and responsibilities
under the Proceeds of Crime Act 2002, Advice to operators (excluding casino operators)”,
Septembre 2009 et “The prevention of Money Laundering and Combating the Financing
of Terrorism – Guidance for remote and non-remote casinos”, Décembre 2007.
43 Parmi les opérateurs ayant vocation à entrer sur le marché français, nombre de sociétés exercent
d’ores et déjà leur acti vité dans des conditions r égulières. Conformément à un a grément qui
leur a été déli vré par les autorités d’un autr e membre de l’Union eur opéenne, ces opéra teurs
interviennent, en ef fet, dans un cadr e légal, contrôlé par les autorités pub liques de l’État dans
lequel ils sont implantés, ce qu’ont occulté le législateur et le gouvernement français.
44 On rappellera, en ef fet, que l’inter diction a bsolue pr écédemment édictée par la loi
française, alor s que dans le même temps les monopo les d’Éta t, FDJ et PMU , étaient
autorisés à pra tiquer une po litique commer ciale particulièr ement a gressive, cr éant des
dizaines de nouveaux jeux chaque année , a été considér ée par la Commission eur opéenne
comme imposant une r estriction à la libr e pr estation de service (article 49, désor mais
56 TFUE) disproportionnée et injustifiée (voir avis motivé de la Commission). Dans ces
conditions, des opérateurs établis dans un autre État membre pouvaient considérer être en
droit d’offrir des paris et jeux en ligne aux résidents français, sur le fondement des articles
précités, le droit interne devant être écarté comme contraire au droit communautaire.
La conformité de cette mesure à l’article 56 TFUE pourrait
être débattue, dans la mesure où elle rend l’exercice de
l’activité d’opérateur de jeux en ligne en France moins
attractive que dans d’autres États membres sans que cela
n’apparaisse justifié ni proportionné.
En effet, au cours des débats parlementaires, cette restriction
semble avoir été justifiée par la volonté de maintenir “l’ordre
public et l’ordre social”45 en restreignant l’activité d’opérateurs
jugés illégaux et par l’idée que les opérateurs “historiques”
devraient faire l’objet, compte tenu de leurs missions – perçues
comme étant spécifiques –, d’un traitement particulier.
La compatibilité de ces justifications avec la jurisprudence
communautaire nous semble pouvoir être mise en question.
S’agissant du risque que ferait peser l’ouverture sur l’ordre
public, aucune étude n’a permis d’établir le lien entre
une ouverture à la concurrence et un risque potentiel de
développement des activités criminelles46, la même remarque
s’appliquant à un éventuel risque créé par les activités de jeux
pour la santé publique47.
24. Dans son avis motivé sur le projet de loi, la Commission
avait relevé à cet égard que : “La France ne saurait, en notant que
parmi les 27 États membres, c’est elle qui s’est donné le système
le plus abouti et le plus rigoureux en matière de blanchiment
d’argent, considérer ou supposer automatiquement qu’aucun
opérateur de la communauté n’est en mesure d’apporter des
garanties suffisantes contre le blanchiment d’argent ou qu’il
est exclu que l’on puisse soumettre ces opérateurs au régime et
au contrôle efficace mis en œuvre par les autorités françaises
en matière de blanchiment d’argent. En tout état de cause,
la commission n’a connaissance d’aucune évaluation correcte
effectuée des autorités françaises concernant les systèmes
mis en place par des opérateurs privés pour lutter contre le
blanchiment d’argent”.
Gageons que la Commission sera attentive, lors de la révision
de la loi prévue dans 18 mois, à la façon dont l’article 17
aura été appliqué en pratique et, en particulier, à la marge de
manœuvre qui aura été laissée par le régulateur aux opérateurs
historiques durant le “black out” de leurs concurrents.
2.3. Reconnaissance des exigences déjà
satisfaites dans d’autres États membres ?
25. La loi française se borne à indiquer que la détention par
un candidat à l’agrément en France d’une licence de jeux
dans un autre État membre sera “prise en compte” (article 16
de la loi), sans plus de précision.
45 Exposé des motifs du projet de loi relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation
du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne, p. 5.
46 L’inertie des pouv oirs pub lics français contraste a vec les initia tives d’autr es pa ys, où
les États ont pris soin de mener des études pr écises afin de mettre en r elation les r ègles
applicables à leur marché et les objectifs poursuivis (v. notamment Gambling Commission,
British Gambling Prevalence Survey, septembre 2007).
47 Dans son rapport de 2008, l’INSERM a vait ainsi pu stigma tiser l’absence de toute étude
épidémiologique sur la question ( Jeux de hasard et d’arg ent – Conte xtes et ad dictions,
Expertise collective Inserm, chapitre 15), un même constat ayant été établi par le “Rapport
Durieux” : “Ni le Comité du jeu responsab le, créé en 2006 pour ré guler l’activité de la FDJ,
ni l’observatoire des jeux à distance créé au ministère de l’intérieur , ni, enfin, l’observatoire
des jeux créé par des chercheurs ne permettent à l’heure actuelle de disposer des connaissances
utiles à la régulation du marché”(B. Durieux, Rapport de la mission sur l’ouverture des jeux
d’argent et de hasard, mars 2008, p. 25).
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même pour des opérateurs expérimentés, lesquels sont
d’ailleurs pour la plupart contraints de recourir à un
prestataire externe assurant cette partie technique38.
26. La mise en place de standards de sécurité a par ailleurs
pour objectif de garantir que les joueurs ne sont pas exposés
à certains risques, notamment concernant leurs données
personnelles. Ainsi, les règles de sécurité s’appliquent aux
systèmes qui enregistrent, conservent et traitent les données
sensibles relatives aux consommateurs, telles des données
sur leur carte bancaire, mais également aux systèmes dans
lesquels sont conservées les données liées au compte du
joueur et aux mises engagées ou encore aux systèmes qui
génèrent les nombres au hasard et influent dans le résultat
des jeux en question.
Dès lors, l’imposition de l’obligation de coffre-fort à un
opérateur titulaire d’une licence de jeux au Royaume-Uni
pourrait ne pas être considérée comme justifiée. On rappellera
que la reconnaissance mutuelle est précisément l’un des
points sur lesquels la Commission avait considéré dans son
avis motivé du 8 juin 2009 que le projet de loi tel que déposé
le 25 mars 2009 devant l’Assemblée était lacunaire.
27. Si le texte définitif de la loi prévoit bien, en son article 16,
dernier alinéa, que l’entreprise sollicitant l’agrément
“communique, à titre d’information, dans l’hypothèse où elle
opère légalement dans son État d’établissement pour une même
catégorie de jeux ou de paris en ligne, les exigences et, en
général, la surveillance réglementaire et le régime des sanctions
auxquels elle est déjà soumise dans cet État”, cela ne garantit
en rien une prise en compte effective de ces licences existantes
par le régulateur.
La réponse fournie par l’Arjel sur ce point sur son site internet
ne fournit d’ailleurs aucune précision utile (simple mention
d’une “prise en compte”51). Il reste donc à voir comment, en
pratique, le nouveau régulateur appréciera l’existence d’une
licence dans un autre État membre.
II. Une loi susceptible de soulever
des difficultés au regard du droit
de la concurrence
28. Lorsqu’un secteur est ouvert, même partiellement,
à la concurrence, deux facettes de la libéralisation sont
indispensables : d’une part, en creux, le nouveau cadre
législatif doit assurer l’égalité des chances, sans favoriser
les opérateurs historiques ; d’autre part, il est souvent
nécessaire que les autorités de régulation et/ou de
concurrence accompagnent le mouvement de libéralisation
par la suppression progressive des avantages historiques dont
bénéficient de façon persistante les anciens monopoleurs52.
Dans ce contexte, on peut s’interroger sur l’article 17 de la loi,
obligeant les opérateurs candidats à la licence à clôturer leur
compte joueur dans l’attente de la délivrance de leur agrément,
sauf pour les anciens monopoles, ainsi que sur la coexistence
d’activités libéralisées et sous monopole au sein des mêmes
opérateurs historiques (1.). De même, l’article 63 étendant le
monopole des fédérations sportives au “droit de consentir à
l’organisation” des paris sur leurs compétitions mérite d’être
analysé au regard des articles 106 et 102 du Traité (2.).
1. Lacunes et risques du nouveau
dispositif au regard de la nécessaire
égalité des chances entre opérateurs
historiques et nouveaux entrants
1.1. Risques liés au “black out”
29. On l’a vu, aux termes de l’article 17 de la loi, les
opérateurs de jeux candidats à la licence doivent justifier
auprès de l’Arjel de ce que l’ouverture de leurs comptes
joueurs et leur approvisionnement initial par le titulaire de ce
compte sont intervenus postérieurement à la date d’agrément
de l’opérateur, sauf, précisément, pour la FDJ et le PMU53.
30. La conformité de ce mécanisme aux articles 106 et 102
pourrait également être soulevée, dans la mesure où la loi
pourrait créer des conditions susceptibles de favoriser la
préemption du marché par les opérateurs historiques, ou
à tout le moins pérenniser l’avance prise par les opérateurs
historiques. À l’inverse, s’agissant de l’ouverture à la
concurrence des renseignements téléphoniques, le Conseil
avait à l’époque considéré que l’avantage de l’opérateur
historique était tel qu’il était nécessaire d’assurer l’égalité des
chances par une forme de “remise à zéro”, tous les opérateurs
devant changer leur numéro, y compris le 1254.
52 Voir notamment“Arrivée des génériques et libéralisation de secteurs protégés par des droits exclusifs :
une comparaison pertinente ?”, contribution à l’ouvrage collectif Concurrence, Santé Publique,
innovation et Médicament, sous la direction de Marie-Anne Frison-Roche, LGDJ, 2010.
48 www.gamblingcommission.gov.uk.
49 Voir Gamb ling Act, Part 5, Para graph 69, Section 2 et Licensing
enforcement policy statement, chapter 3.
, Compliance and
50 Gambling Commission, “Remote gambling and software technical standards”, août 2009.
51 Voir la “foire aux Questions”disponible sur le site de la “pré-arjel” : www.prearjel.fr.
53 L’article 17 précise que cette obligation s’applique aux personnes “autres que celles visées à
l’article 68”de la loi, lequel renvoie à la fois à l’article 5 de la loi du 2 juin 1891, qui vise le
PMU, et à l’article 42 de la loi de finances pour 1985, lequel renvoie in fine (via plusieurs
renvois à des décrets de 1985 et 1978), à la FDJ.
54 Cons. Conc., demande d’a vis n° 05-A-16 du 28 juillet 2005 r elatif à la transition v ers
un nouveau f ormat de numér otation pour les services de r enseignements télé phoniques,
BOCCRF n° 10 du 8 décembre 2006.
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53
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(art. L. 335-2 CPI). L’utilisation personnelle est strictement autorisée dans les limites de l’article L. 122 5 CPI et des mesures techniques de protection pouvant accompagner ce document. This document is protected by copyright laws and international copyright treaties. Non-authorised use of this document
constitutes a violation of the publisher's rights and may be punished by up to 3 years imprisonment and up to a € 300 000 fine (Art. L. 335-2 Code de la Propriété Intellectuelle). Personal use of this document is authorised within the limits of Art. L 122-5 Code de la Propriété Intellectuelle and DRM protection.
En l’espèce, on relève plusieurs similitudes entre certaines
exigences imposées par la “Gambling Commission”48 au
Royaume Uni et celles imposées par l’Arjel en France : outre
la fourniture de nombreuses informations sur sa situation
personnelle et financière49 (solidité financière de la société,
passé judiciaire de l’opérateur candidat à l’agrément, identité
des actionnaires de la société), la “Gambling Commission”
impose aux opérateurs titulaires d’une licence au Royaume
Uni de respecter certains standards techniques et de sécurité50,
parmi lesquels l’obligation de conserver un historique détaillé
des activités de jeux, comprenant l’identité des joueurs, les
sommes gagnées et perdues.
marque57 et que 84 % des Français lui associent une image
de fiabilité, tandis qu’une étude récente révèle que 49 % des
sondés sont sceptiques à l’égard de l’ouverture du secteur à la
concurrence, 54 % des sondés étant méfiants58.
1.2. Difficultés générées par la coexistence
d’activités libéralisées et sous monopole au
sein des mêmes entités sans garde-fou
Dès 1994, le droit de la concurrence avait identifié ce
phénomène dans un avis fondateur en s’intéressant au cas
d’EDF et GDF et au “capital confiance” sans égal dont
ils bénéficiaient aux yeux des consommateurs français,
mettant en exergue cette source potentielle de perturbations
concurrentielles59.
31. La loi nouvelle ne prévoit aucun garde-fou quant aux
risques de distorsions de concurrence susceptibles d’être
induits par la coexistence d’activités libéralisées et d’activités
sous monopole au sein de la FDJ et du PMU.
On le sait, la position de nouvel entrant, face à des opérateurs
historiques bénéficiant de nombreux avantages hérités de
leur monopole, est le plus souvent une situation fragile, tant
sur le plan commercial que financier55. C’est d’ailleurs pour
cette raison que l’Autorité porte le plus souvent une attention
particulière aux pratiques des opérateurs dominants mises en
œuvre juste au moment de la libéralisation, phase critique qui
peut décider de la survie ou de la disparition des nouveaux
entrants56.
Or, la loi nouvelle prévoit que le monopole de la FDJ est
maintenu sur toutes les activités de jeux “en dur” (jeux
de tirage, jeux de grattage, paris sportifs) ainsi que sur les
activités de jeux de grattage et de tirage en ligne. Le PMU
n’est, quant à lui, concurrencé que sur les activités de paris
hippiques en ligne, l’offre “physique” n’étant pas ouverte à la
concurrence.
Si la persistance de ces droits exclusifs n’est pas en elle-même
contraire au droit de la concurrence, le comportement des
opérateurs historiques dans le cadre de cette coexistence
devra être soigneusement contrôlé, afin d’éviter tout abus de
position dominante, lié par exemple à l’utilisation de l’image
de marque de la FDJ et du PMU et au risque de subventions
croisées.
32. Les opérateurs historiques bénéficient, en effet, d’une
image de marque particulière, du fait de la confusion ayant
existé – ou existant toujours – entre l’État régulateur et
l’état opérateur durant de nombreuses années. La légitimité
de la FDJ ou du PMU ne peut ainsi être comparée avec
aucune autre dont peut bénéficier une entreprise privée.
Elle est un dérivé de la confiance que les consommateurs, en
Europe continentale du moins, placent dans l’État. La FDJ
et le PMU n’y font pas exception, le rapport annuel de la
première indiquant que 99 % des Français connaissent sa
55 Voir notamment Comm. CE, déc . C(2007) 2010, 10 mai 2007, Banque P ostale, Caisses
d’Epargne et Crédit Mutuel (droits spéciaux octroyés pour la distrib ution des livrets A et
bleu) : “S’agissant plus par ticulièrement des opérateur s étrangers, il convient de soul igner
qu’un concurrent qui tente de s’établir sur un marché se trouve, du fait de sa qualité de nouvel
entrant, dans une situation commerciale et financière fragile. P ar conséquent, toutes les
contraintes qui ont pour effet de limiter son activité ont sur celui-ci un effet plus sensible que
sur l’activité des opérateurs déjà présents.”(§82).
56 Voir par ex emple Cons. Conc. Déc. n° 09-MC-01 du 8 a vril 2009 r elative à la saisine au
fond et à la demande de mesures conservatoires présentée par la société Solaire Direct, Cons.
Conc., déc. n° 07-D-33 en date du 15 octobre 2007 relative à des pratiques mises en œuvre
par la société France Télécom dans le secteur de l’accès à Internet à haut débit, et CA Paris,
9 avril 2002, confirmant la décision du Conseil 02-MC-03.
33. La distorsion de concurrence induite par la confusion
entretenue entre activités réglementées et libéralisées a été
par la suite maintes fois confirmée par le Conseil60, puis par
l’Autorité, qui a condamné Gaz de Grenoble notamment pour
avoir exploité l’image associée au service public au titre de ses
activités de gestionnaire de réseaux, afin de promouvoir ses
activités concurrentielles de fournisseur d’électricité61. De la
même façon, une communication institutionnelle d’EDF
qui introduisait une confusion volontaire entre activités
sous monopole et activités concurrentielles a été considérée
comme induisant une distorsion de concurrence62.
En l’état, les marques FDJ et PMU seront bien utilisées
pour l’ensemble des activités de ces deux opérateurs, de sorte
qu’une certaine vigilance semble nécessaire.
34. S’agissant du risque de subventions croisées, il est de
jurisprudence constante que le fait, pour une entreprise
disposant d’un monopole légal, d’accorder des “subventions
croisées” à certaines de leurs filiales, leur permettant
de pratiquer des prix prédateurs ou anormalement bas,
constitue un abus. Par subvention croisée, on entend
l’utilisation de tout ou partie de l’excédent des ressources
que procure l’activité sous monopole, pour subventionner
57 Source : rapport d’activité 2008 de la Française des Jeux, p. 29
58 Source : http://www.kuzeo.com/news/967/que-pensent-les-francais-de-l-ouverture-desjeux-d-argent-en-ligne.
59 Cons. Conc., avis n° 94-A-15 du 10 mai 1994 relatif à une demande d’avis sur les problèmes
soulevés par la diversification des activités d’EDF et de GDF au r egard de la concurrence,
BOCCRF n° 19 du 20 octobre 1994 :“L’image des deux établissement publics [EDF et GDF]
est, en l’espèce , un a vantage immatériel impor tant pour les filiales qui leur sont rattac hées
puisque souvent cette bonne notoriété re pose sur des a ppréciations de sérieux, de fiabilité ou
de sécurité avec des garanties d’universalité et de continuité […] EDF [est] perçu tant par les
particuliers que par les entreprises comme [un] interlocuteur de référence pour les utilisations
après compteur de l’énergie , ce qui lui confère un rôle de conseil, de cer tificateur, voire de
prescripteur de fait. Il ressort donc que toute filiale d’EDF ou de GDF dès lor s qu’elle utilise
son a ppartenance au g roupe pub lic comme argument tec hnique, financier ou commercial,
bénéficie d’atouts de nature à fausser le jeu de la concurrence sur le marché où elle exerce son
activité”.
60 Cons. Conc., déc. n° 97-D-76 du 21 octobre 1997 relative à des pratiques relevées dans le
secteur des pompes funèbres à Gonesse et dans les communes limitrophes et dans le secteur
de la marbrerie funéraire dans le département du Val d’Oise, BOCCRF n° 1 du 29 janvier
1998.
61 Aut. Conc., déc. n° 09-D-14 du 25 mars 2009 relative à des pratiques mises en œuvre dans
le secteur de la f ourniture de l’électricité , notamment pt 70. L ’Autorité condamne asse z
sèchement l’opérateur en r elevant notamment : “GEG utilise l’image du ser vice public au
soutien de ses intérêts de fournisseur d’électricité alors que c’est uniquement en sa qualité de
gestionnaire du réseau de transport qu’elle exerce une mission de service public, la fourniture
d’électricité ne figurant plus dans le périmètre du service public de l’électricité mais dans celui
du secteur ouvert à la concurrence. GEG, en sa qualité de fournisseur, ne peut revendiquer une
appartenance au service public pas plus que les qualités censées découler de cette appartenance
(« les v aleurs du ser vice public opposées aux finalités “strictement financières” imputées au
nouveau concurrent »).”
62 Décision n° 09-MC-01 du 8 a vril 2009 r elative à la saisine au f ond et à la demande de
mesures conservatoires présentée par la société Solaire Direct.
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(art. L. 335-2 CPI). L’utilisation personnelle est strictement autorisée dans les limites de l’article L. 122 5 CPI et des mesures techniques de protection pouvant accompagner ce document. This document is protected by copyright laws and international copyright treaties. Non-authorised use of this document
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L’Autorité de la concurrence pourrait donc exercer sa
vigilance sur les comportements des opérateurs historiques
durant la ou les périodes de fermeture obligatoire de compte
par ses concurrents.
À noter que la Commission a adopté une conception qui
semble plus restrictive que celle de l’Autorité française, dans
la mesure où elle considère que : “du point de vue économique,
les « subventions croisées » supposent, d’une part, que les
produits d’un service donné ne permettent pas de couvrir les
coûts incrémentaux propres à ce service et, d’autre part, qu’il
existe un service ou tout un domaine d’activité de l’entreprise
dont les produits dépassent les « coûts de fourniture isolée »65.”
35. Le risque d’abus peut notamment résider dans “l’utilisation
d’un réseau commercial amorti par l’activité sous monopole
ou, plus largement, l’activité de service public en vue de
développer des activités concurrentielles”66. Or, précisément
dans le cas de la FDJ et du PMU, ils bénéficient tous deux
d’un réseau de points de vente en France particulièrement
dense. Ainsi, la FDJ disposait de 37 600 points de vente
physiques fin 2008, en faisant ainsi le plus important des
réseaux physiques de France67. Quant au PMU, il propose
des paris dans 10 400 points de vente68.
On rappellera également que la FDJ a déjà été condamnée
par le Conseil pour une pratique de subvention croisée
constitutive d’un abus de position dominante69. La société
d’économie mixte avait fait bénéficier sa filiale, la Française
de maintenance, d’une sur-rémunération de ses prestations
de maintenance informatique et était assurée de couvrir le
déficit généré par la rente que lui procuraient ses activités
sous monopole.
En l’espèce, on pourrait déjà s’interroger sur le lancement par
le PMU, en mai 2010, de la “carte de paiement”70, laquelle,
selon les déclarations du PMU doit lui permettre “d’assurer
63 Voir notamment Cons. Conc. déc. n° 00-D-47 du 22 novembre 2000 relative aux pratiques
mises en œuvre par EDF et sa filiale Citélum sur le marché de l’éclairage public, BOCCRF
n° 14 du 30 décembre 2000, n° 00-D-50 du 5 mars 2001 relative à des pratiques mises en
œuvre par la société Française des J eux dans les secteur s de la maintenance informatique
et du mobilier de comptoir , BOCCRF n° 6 du 24 avril 2001, n° 00-D-57 du 6 décembre
2000 relative à des pratiques mises en œuvre par la SEM Gaz et Électricité de Gr enoble et
les sociétés GESTE et GEC Achats sur le marché des prestations de services dans le domaine
de l’énergie et du bâ timent, BOCCRF n° 2 du 23 février 2001, n° 02-D-34 du 11 juin
2002 r elative à des pra tiques d’Électricité de F rance dans les secteur s de l’éner gie et de
l’ingénierie r elative à l’utilisa tion des éner gies, BOCCRF n° 14 du 30 septembre 2002
et n° 02-D-63 du 8 octobre 2002 r elative aux pra tiques consta tées dans le secteur des
télécommunications.
64 Cons. Conc., avis n° 94-A-15 précité.
65 Comm. CE, déc. 2001/354/CE du 20 mar s 2001, Deutsche P ost AG, aff. COMP/35.141,
JOCE n° L. 125 du 5 mai 2001, p. 27.
66 CE, Rapport pub lic 2002, co llectivités pub liques et concur rences, p. 237, http://www.
conseil-etat.fr/ce/rappor/index_ra_li0202.shtml#.
la fluidité entre Internet et les points de vente”. Il s’agirait,
selon les déclarations du PMU, d’inciter la clientèle du Net
et celle du mobile à ne pas perdre de vue le réseau en dur du
PMU.
2. Création d’un nouveau droit exclusif
au bénéfice des fédérations sportives,
au regard du risque d’abus automatique
2.1. Extension du monopole des
fédérations sportives au droit de
“consentir à l’organisation de paris”
sur les compétitions qu’elles organisent
36. L’article 63 de la loi nouvelle étend expressément le
monopole d’exploitation des fédérations sportives au droit
de “consentir à l’organisation de paris sportifs” sur les
compétitions qu’elles organisent, modifiant ainsi l’article
L. 333-1 du Code du sport, qui ne mentionnait jusqu’à
présent, de façon expresse que les droits audiovisuels71.
Cela signifie que sans l’autorisation de la fédération ou
organisateur en cause, l’opérateur de jeux, même agréé, ne
pourra pas offrir de paris sur une compétition donnée, sans
avoir à violer le monopole d’exploitation prévu à l’article
L. 333-1 du Code du sport.
Aux termes de cette disposition, les fédérations et
organisateurs de manifestations sportives ne pourront, d’une
part, accorder aucun droit exclusif à un opérateur ni, d’autre
part, exercer une quelconque discrimination entre opérateurs
agréés pour une même catégorie de paris. Tout refus de
conclure un contrat avec un opérateur devra être motivé par
la fédération ou l’organisateur de manifestations sportives.
Par ailleurs, tout projet de contrat entre une fédération ou
un organisateur de manifestations sportives et un opérateur
de jeux et paris en ligne devra être transmis, préalablement à
sa signature, à l’Arjel et à l’Autorité de la concurrence, qui
disposeront alors d’un délai de quinze jours pour donner leur
avis sur son contenu.
Ces garanties n’épuisent toutefois pas la problématique
de la conformité de cette disposition au droit de l’Union
européenne, d’autant que l’une des justifications avancées
initialement pour l’instauration de ce nouveau droit “sui
generis” résidait dans les moyens financiers nécessaires
aux fédérations pour lutter contre le risque de fraude
des manifestations sportives, pouvant être induit par les
paris sportifs. L’article 63 énonce en effet que les contrats
devant être conclus avec les fédérations “ouvrent droit à
rémunération tenant compte notamment des frais exposés
pour la détection et la prévention de la fraude”.
67 Rapport annuel 2008 de la Française des Jeux, p. 32.
68 Rapport annuel 2009 du PMU, p. 1.
69 Décision n° 00-D-50, précitée.
70 “L’objectif est de donner la possibilité à nos parieurs de jouer sans argent liquide, à partir
d’un compte qu’ils auront ouvert sur notre site Internet pmu.fr ou à partir d’un formulaire
en point de vente, explique au Figaro Philippe Germond, le PDG du PMU. Ce n’est pas une
carte prépayée.”
71 Toutefois, la F édération française de tennis a vait déjà soutenu, sous l’empir e de la loi
ancienne, que son monopole au titre de l’article L. 333-1 du Code du sport lui donnait le
droit de s’opposer à l’or ganisation de paris par des opéra teurs de jeux sur R oland Garros
en 2007, v oir TGI de Paris , 30 mai 2008, FFT c/ Unibet et CA Paris , 1re chambre,
14 octobre 2009, Unibet International c/ FFT.
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une offre présentée sur le marché concurrentiel63. En d’autres
termes, la “rente de monopole” sert à “financer” une activité
concurrentielle sur le marché, même si celle-ci n’est pas en
tant que telle rentable. Dans un tel cas, on peut, en effet,
craindre qu’“un éventuel déficit structurel des activités de
diversification serait indéfiniment compensé par les résultats
positifs tirés de l’activité du monopole”64.
En outre, d’un point de vue pratique, cette disposition
implique que les opérateurs de jeux devront conclure
autant de contrats qu’il existe de fédérations sportives ou
organisateurs d’événements sur lesquels les paris sportifs
sont autorisés73, et payer autant de “redevances”.
2.2. Conflit d’intérêt créé par la loi entre le
nouveau rôle de “police du marché” confié
aux fédérations et leur activité commerciale
38. On le sait, la seule détention d’un droit de monopole
n’est pas critiquable en tant que telle. L’Autorité rappelle
régulièrement que “la détention et l’exercice d’un droit
exclusif d’exploitation ne sauraient constituer, en eux-mêmes,
une atteinte au droit de la concurrence”74.
En revanche, il résulte d’une jurisprudence non moins
constante que l’extension d’un monopole sans nécessité
objective, constitue un abus75. Précisément, en matière de
droits exclusifs accordés à une organisation sportive, la Cour
a rappelé dans une affaire MOTOE “qu’une entreprise peut
être mise dans une telle position [dominante] lorsqu’elle se
voit accorder des droits spéciaux ou exclusifs lui permettant de
déterminer si, et le cas échéant, sous quelles conditions d’autres
entreprises peuvent accéder au marché en cause et y exercer
leurs activités”76.
39. Cette affaire est intéressante en ce qu’elle concernait une
organisation sportive, ayant pour double activité d’une part
d’organiser des compétitions et de gérer leur exploitation
commerciale et, d’autre part, d’autoriser les autres
associations à organiser des compétitions sportives77.
La Cour a affirmé “qu’une entreprise peut être mise dans une
telle position [dominante] lorsqu’elle se voit accorder des droits
spéciaux ou exclusifs lui permettant de déterminer si, et le cas
échéant, sous quelles conditions d’autres entreprises peuvent
accéder au marché en cause et y exercer leurs activités”78.
Rappelant également que le seul risque d’abus créé par la
mesure étatique était suffisant pour caractériser la violation
combinée des articles 102 et 106 TFUE79, la Cour a jugé
que les dispositions grecques faussaient l’égalité des chances
entre les différents opérateurs économiques en conférant
à l’organisation sportive en cause, l’ELPA, “un avantage
évident sur ses concurrents” qui “peut donc amener l’entreprise
qui en dispose à empêcher l’accès des autres opérateurs au
marché concerné”80. En outre, la Cour a considéré qu’en
donnant à l’ELPA le pouvoir de donner un avis conforme
sur les demandes d’organisation de courses, la loi grecque
faussait la concurrence.
On pourrait donc s’interroger sur la conformité de l’article 63
de la loi aux articles 106 et 102 TFUE et sur la possibilité,
dans la négative, d’écarter le droit national non conforme au
droit de l’Union.
40. La Commission n’avait d’ailleurs pas accueilli
favorablement l’extension du monopole en droit français lors
de la notification du projet de loi (alors, l’article 52) et semble
avoir considéré, essentiellement au terme d’un compromis
politique, que ce n’est que dans la mesure où ce nouveau
droit permettrait aux fédérations et organisateurs de
percevoir une rémunération strictement proportionnée aux
frais engagés pour la lutte contre la fraude des manifestations
sportives qu’elle pourrait être conforme au droit de l’Union
européenne81.
Rendez-vous est donc pris dans 18 mois, à l’occasion de
la révision prévue de la loi française, afin de déterminer
comment aura été appliqué ce nouveau droit sui generis et
surtout à hauteur de quels montants de rémunération pour
les fédérations, par rapport aux frais effectivement engagés
pour assurer l’intégrité de leurs compétitions.
72 Décret n° 2010-614 du 7 juin 2010 relatif aux conditions de commercialisation des droits
portant sur l’or ganisation de paris en r elation a vec une manifesta tion ou compétition
sportives, JORF du 8 juin 2010.
73 La décision du Co llège de l’Arjel n° 2010-009 du 29 mai 2010 liste pr ès d’une centaine
de compétitions , dans 15 disciplines distinctes (donc autant d’or ganisateurs distincts) :
athlétisme, sport automobile , a viron, bask etball, c yclisme, équita tion, f ootball, g olf,
handball, judo, motocyclisme, rugby, tennis, tennis de table et volleyball.
74 Cons. Conc ., demande d’a vis n° 03-A-01 du 10 janvier 2003 r elatif à la situa tion de
concurrence dans le domaine du sport et du tennis en particulier , au regard du titre III de
l’ordonnance du 1er décembre 1986, de venu le li vre IV du Code de commer ce, BOCCRF
n° 7 du 16 juin 2003.
75 Voir notamment CJCE, 3 octobre 1985, CBEM, aff. 311/84, Rec. p. 3261, pt 27, également
CJCE, 13 décembre 1991, Régie des télégraphes et des télé phones c/ GB-Inno-BM SA , aff.
C-18/88, Rec. p. I-5941, pts 18 à 21. Confirmé notamment par CJCE, 25 octobre 2001,
Firma Ambulanz Glöckner et Landrkeis Südwestpflaz, aff. C-475/99, Rec. p. I-8089, pts 31
et suivants ; et Aut. Conc. Avis n° 09-A-49 du 7 octobre 2009 r elatif aux conditions de
concurrence dans le secteur de l’assurance emprunteur pour le crédit immobilier.
76 CJCE, 1er juillet 2008, MOTOE, aff. C-49/07, Rec. p. I-4863, pt 38.
77 L’ELPA, r eprésentante en Gr èce de la F édération inter nationale de motoc yclisme, était
organisatrice a vec l’ETHEAM (comité na tional des compétitions motoc yclistes) de
courses motocyclistes et concluait “dans ce cadre des contrats de par rainage, de pub licité et
d’assurance destinés à exploiter commercialement ces compétitions”. Son avis conforme était
nécessaire pour organiser de tels évènements. L’association MOTOE avait sollicité une telle
autorisation, qui lui avait été refusée. Un tribunal grec, saisi du litige, interrogea la CJCE
sur la compatibilité du droit hellénique avec le droit communautaire.
78 CJCE, 1er juillet 2008, MOTOE, aff. C-49/07, Rec. p. I-4863, pt 38.
79 CJCE, 1er juillet 2008, MOTOE, aff. C-49/07, Rec. p. I-4863, pts 49 et 50 :“en tout état de
cause, il y a violation des articles [102 TFUE et 106, paragraphe 1, TFUE] dès lors qu’une
mesure imputable à un Éta t-Membre, et notamment celle par laquelle celui-ci confèr e des
droits spéciaux ou ex clusifs au sens de cette der nière disposition, crée un risque d’a bus de
position dominante”.
80 CJCE, 1er juillet 2008, MOTOE, af f. C-49/07, R ec. p. I-4863, pt 51 : La CJCE r envoie
aux éléments sui vants : “voir, par analo gie, ar rêts de la CJCE du 19 mar s 1991, France
c/ Commission, aff. C-202/88, Rec. p. I-1223, pt 51, et du 13 décembre 1991,
GB-Inno-BM, aff. C-18/88, Rec. p. I-5941, pt 25”.
81 Notification 2009/0122 F, avis motivé de la Commission du 8 juin 2009 sur le projet de loi
relatif à l’ouverture à la concur rence et à la r égulation du secteur des jeux d’ar gent et de
hasard en ligne.
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37. Or, le décret d’application indique que “le prix en
contrepartie de l’attribution du droit d’organiser des paris
s’exprime en proportion des mises”72, ce qui semble assez
éloigné de la louable préoccupation de lutte contre la fraude.
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III. Conclusion : Le rôle des
autorités de contrôle afin
d’accompagner le processus
de libéralisation et notamment
prévenir les risques de pratiques
anticoncurrentielles
41. L’activité de jeux en ligne est désormais soumise au
contrôle de l’Arjel, bien entendu, mais également à celui
du CSA pour ce qui concerne la publicité télévisée et
radiophonique en faveur des opérateurs de jeux agréés, à
celui de la CNIL s’agissant des aspects liés à la protection
des données personnelles, ainsi qu’à celui de l’Autorité
de la concurrence, s’agissant d’éventuels comportements
anticoncurrentiels.
Malgré l’absence de disposition dans la loi habilitant l’Arjel à
s’assurer que l’ouverture du marché ne se fera pas uniquement
au bénéfice des opérateurs historiques82 (contrairement à
l’Arcep ou à la CRE), on observera avec attention l’action
de l’Arjel en termes d’égalité de traitement entre opérateurs
historiques et nouveaux entrants.
L’Autorité de la concurrence, quant à elle, ne se voit confier
par la loi nouvelle qu’un rôle relativement résiduel de contrôle
des projets d’accords conclus entre les fédérations sportives
et les opérateurs de jeux, et ne disposera que de 15 jours pour
les analyser, un délai bien court compte tenu de sa charge de
travail.
Toutefois, l’Autorité a pleinement compétence, comme
pour toute activité économique, pour se pencher sur le
comportement concurrentiel des différents acteurs des jeux
en ligne, en particulier lors de la phase critique d’ouverture du
marché à la concurrence. À l’instar de l’action de l’Autorité
dans le secteur des télécoms et de l’énergie notamment, il lui
appartient désormais d’exercer sa vigilance dans ce secteur
d’accompagner le processus de libéralisation effective et
d’être particulièrement attentive à cet égard à la phase de
transition lors de cette “libéralisation”, fût-elle en demiteinte.
n
82 L’objectif institué à l’article 3, I, 4° de la loi, “veiller au dé veloppement équil ibré et
équitable des diff érents types de jeux afin d’éviter toute déstabil isation économique des
filières concernées”ne semble pas inclure l’égalité des chances entre opérateurs et nouveaux
entrants.
Concurrences N° 3-2010 I Doctrines I O. Fréget, M. Potel-Saville, Libéralisation des jeux à la française, une vraie-fausse ouverture à la concurrence ?
57
Concurrences
est une revue trimestrielle couvrant l’ensemble des questions de droits
communautaire et interne de la concurrence. Les analyses de fond sont effectuées sous forme
d ’ a rticles doctrinaux, de notes de synthèse ou de ta bleaux juri s p ru d e n t i e l s. L’ a c t u a l i té
jurisprudentielle et législative est couverte par dix chroniques thématiques.
Editorial
Droit et économie
Elie Cohen, Laurent Cohen-Tanugi,
Claus-Dieter Ehlermann, Ian Forrester,
Thierry Fossier, Eleanor Fox, Laurence Idot,
Frédéric Jenny, Jean-Pierre Jouyet, Hubert Legal,
Claude Lucas de Leyssac, Mario Monti,
Christine Varney, Bo Vesterdorf, Louis Vogel,
Denis Waelbroeck...
Emmanuel COMBE, Philippe CHONÉ,
Laurent FLOCHEL, Penelope PAPANDROPOULOS,
Etienne PFISTER, Francisco ROSATI, David SPECTOR...
Chroniques
E NTENTES
Interview
Michel DEBROUX
Laurence NICOLAS-VULLIERME
Cyril SARRAZIN
Sir Christopher Bellamy, Dr. Ulf Böge,
Nadia Calvino, Thierry Dahan, John Fingleton,
Frédéric Jenny, William Kovacic, Neelie Kroes,
Christine Lagarde, Mario Monti, Viviane Reding,
Robert Saint-Esteben, Sheridan Scott,
Christine Varney...
P R AT I QU E S
Tendances
Muriel CHAGNY
Mireille DANY
Marie-Claude MITCHELL
Jacqueline RIFFAULT-SILK
Jacques Barrot, Jean-François Bellis, Murielle
Chagny, Claire Chambolle, Luc Chatel,
John Connor, Dominique de Gramont,
Damien Géradin, Christophe Lemaire,
Ioannis Lianos, Pierre Moscovici, Jorge Padilla,
Emil Paulis, Joëlle Simon, Richard Whish...
Doctrines
Guy Canivet, Emmanuel Combe, Thierry Dahan,
Luc Gyselen, Daniel Fasquelle, Barry Hawk,
Laurence Idot, Frédéric Jenny, Bruno Lasserre,
Anne Perrot, Nicolas Petit, Catherine Prieto,
Patrick Rey, Didier Theophile, Joseph Vogel...
Pratiques
Tableaux jurisprudentiels : Bilan de la pratique
des engagements, Droit pénal et concurrence,
Legal privilege, Cartel Profiles in the EU...
Horizons
Allemagne, Belgique, Canada, Chine, Hong-Kong,
India, Japon, Luxembourg, Suisse, Sweden, USA...
U N I L AT É R A L E S
Frédéric MARTY
Anne-Lise SIBONY
Anne WACHSMANN
P R AT I QU E S
RESTRICTIVES
E T C O N C U R R E N C E D É L OYA L E
DI S T R I BU T I O N
Nicolas ERESEO
Dominique FERRÉ
Didier FERRIÉ
C O N C E N T R AT I O N S
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Stanislas MARTIN, Igor SIMIC, David TAYAR,
Didier THÉOPHILE
AI D E S D’ ÉTAT
Jean-Yves CHÉROT
Jacques DERENNE
Christophe GIOLITO
P RO C É D U R E S
Pascal CARDONNEL
Christophe LEMAIRE
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Chantal MOMÈGE
R É G U L AT I O N S
Joëlle ADDA
Emmanuel GUILLAUME
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SE C T E U R
PUBLIC
Bertrand du MARAIS
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P O L I T I QU E
I N T E R NAT I O NA L E
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Revue des revues
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