Format PDF - Mélanges de la Casa de Velázquez

Transcription

Format PDF - Mélanges de la Casa de Velázquez
Mélanges
de la Casa de Velázquez
Nouvelle série
36-1 | 2006
Transitions politiques et culturelles en Europe
méridionale (XIXe-XXe siècle)
Teófanes EGIDO (coord.), Javier BURRIEZA SÁNCHEZ,
Manuel REVUELTA GONZÁLEZ, Los Jesuitas en España y
en el mundo hispánico
Jacob Schmutz
Éditeur
Casa de Velázquez
Édition électronique
URL : http://mcv.revues.org/2698
ISSN : 2173-1306
Édition imprimée
Date de publication : 15 avril 2006
Pagination : 321-323
ISBN : 978-8495555861
ISSN : 0076-230X
Référence électronique
Jacob Schmutz, « Teófanes EGIDO (coord.), Javier BURRIEZA SÁNCHEZ, Manuel REVUELTA GONZÁLEZ, Los
Jesuitas en España y en el mundo hispánico », Mélanges de la Casa de Velázquez [En ligne], 36-1 | 2006,
mis en ligne le 22 octobre 2010, consulté le 30 septembre 2016. URL : http://mcv.revues.org/2698
Ce document a été généré automatiquement le 30 septembre 2016.
© Casa de Velázquez
Teófanes Egido (coord.), Javier Burrieza Sánchez, Manuel Revuelta González, L...
Teófanes EGIDO (coord.), Javier BURRIEZA
SÁNCHEZ, Manuel REVUELTA GONZÁLEZ,
Los Jesuitas en España y en el
mundo hispánico
Jacob Schmutz
RÉFÉRENCE
Teófanes EGIDO (coord.), Javier BURRIEZA SÁNCHEZ, Manuel REVUELTA GONZÁLEZ, Los Jesuitas
en España y en el mundo hispánico, Madrid, Marcial Pons Historia - Fundación Carolina
(Centro de Estudios Hispánicos y Iberoamericanos), 2004, 511 p.
1
Il est à la fois facile et difficile d’écrire l’histoire des Jésuites en Espagne : facile, car la
plupart des documents ont été assez soigneusement édités ou publiés par la Compagnie
de Jésus elle-même, qui s’est par ailleurs dotée d’une magistrale histoire interne pour
l’Espagne, la Historia de la Compañía de Jesús en la Asistencia de España publiée en sept
volumes entre 1902 et 1925 par le P. Astraín, et qui n’a cessé depuis d’être allègrement
pillée par les historiens. Pour la même raison, il est aussi difficile d’écrire une histoire de
la Compagnie : car il faut déployer un grand effort documentaire et critique pour,
justement, se démarquer de cette histoire officielle si soigneusement établie. On peut dire
d’emblée que le présent ouvrage, dirigé par Teófanes Egido a choisi la voie de la facilité :
son seul mérite est d’offrir une synthèse historique facilement accessible pour étudier cet
ordre religieux moderne dont l’histoire se confond profondément avec l’histoire de
l’Espagne des cinq derniers siècles.
2
Les chapitres concernant les deux premiers siècles (XVIe et XVIIe), rédigés par J. Burrieza
Sánchez, un jeune historien de l’université de Valladolid, témoignent d’un réel effort de
synthèse. Le chapitre VI – sous la responsabilité de Teófanes Egido – traite du siècle sans
Mélanges de la Casa de Velázquez, 36-1 | 2009
1
Teófanes Egido (coord.), Javier Burrieza Sánchez, Manuel Revuelta González, L...
doute le plus dramatique qu’ait connu la Compagnie en Espagne : le XVIIIe siècle, qui fut à
la fois celui de sa consécration dans les sphères du pouvoir et celui de sa brutale
suppression en 1767. Les chapitres VII-XIII, rédigés par M. Revuelta González, professeur
d’histoire à l’université de Comillas, portent sur l’histoire la plus récente, au cours de
laquelle la Compagnie a été cinq fois restaurée et quatre fois supprimée en Espagne (1820,
1835, 1868 et 1931). Le style de ces derniers chapitres est typique de la manière d’écrire
d’un jésuite à propos d’autres jésuites. Ses jugements de valeur sont aussi nombreux que
circonspects : tel pape est qualifié de « Gran Papa » (Léon XIII, p. 283) ; les directives des
généraux de la Compagnie sont nécessairement « sensées » (p. 322), leurs écrits
inévitablement de « grande qualité doctrinale » (p. 404). L’évocation de l’avant-dernier
général Pedro Arrupe n’échappe pas au style hagiographique : son généralat est qualifié
de « prophétique et charismatique » (p. 402), sa maladie est décrite sous les traits de la
« passion » (p. 439). Le dernier chapitre (chap. XIII) n’est qu’une sorte de rapport de
police sur l’actuel généralat de Hans-Peter Kolvenbach. L’ouvrage se termine très
brusquement par la description du Service jésuite aux réfugiés en Indochine.
3
Cette absence de conclusion laisse sans doute entendre que la Compagnie est toujours
bien vivante, et qu’il est impossible de mettre un point final à son histoire. Mais le lecteur
aurait tout de même été en droit d’attendre une synthèse sur ce qui pousse aujourd’hui
tant d’historiens non-jésuites, en Espagne comme à l’étranger, à étudier la Compagnie de
Jésus. Si cet ouvrage contribue clairement à assurer la visibilité de la Compagnie de Jésus
dans la société et l’histoire espagnoles, il n’est pas sûr en revanche qu’il en accroisse
vraiment l’intelligibilité. Bien au contraire, en particulier dans la première partie, les
nombreux concepts historiographiques proposés au cours des trente dernières années
pour expliquer la spécificité de la théologie moderne dont les jésuites ont été le fer de
lance sont simplement énumérés sans autre forme de procès et ne font l’objet d’aucun
« test » empirique : ainsi, la page 33 énumère en quelques lignes quatre importants
concepts, ceux de « christianisation » (J. Delumeau), « modernisation » et
« confessionnalisation » (W. Reinhard), ainsi que celui de « discipline sociale » (la
Sozialdisziplinierung de G. Oestreich, qui, à l’instar de nombreux noms étrangers maltraités
dans ce volume, devient « Oesterreich »). La même absence de jugement critique se
retrouve à la p. 62, où ce ne sont pas moins de cinq grandes interprétations
historiographiques de la présence du protestantisme en Espagne (Ménendez Pelayo,
Kamen, Bataillon, González Novalín, Tellechea) qui sont traitées en… vingt-cinq lignes,
sans conclusion. Dès que l’on quitte les données de l’histoire positive, cet ouvrage renoue
en fait avec des poncifs interprétatifs très anciens, et témoigne même d’une foi
démesurée dans les documents officiels de la Compagnie de Jésus. Ainsi, en matière
d’éducation, la Ratio studiorum a beau être un document fondamental de la pédagogie
moderne (p. 111), les auteurs ne prennent pas en compte les nombreux « arrangements »
qui ont été réalisés avec ces directives initiales et qui ont été à l’origine de
l’extraordinaire créativité intellectuelle propre aux jésuites espagnols. La présentation
des débats doctrinaux (par exemple les controverses de auxiliis sur la grâce ou la querelle
du probabilisme) régresse au niveau de l’historiographie du XIXe siècle : le probabilisme
(pp. 171 sqq.) continue à être vu – dans une superbe ignorance de l’importante littérature
secondaire sur le sujet produite ces dernières années hors d’Espagne (A. Jonsen et
St. Toulmin, S. Burgio, S. K. Knebel, M. W. F. Stone, pour ne citer que les principaux,
l’auteur se contentant de citer les conclusions sociologisantes de J. Delumeau) – comme
une sorte de « décadence » après la génération de Suárez, dont il est par ailleurs faux de
Mélanges de la Casa de Velázquez, 36-1 | 2009
2
Teófanes Egido (coord.), Javier Burrieza Sánchez, Manuel Revuelta González, L...
dire que c’est lui qui l’a imposé dans la Compagnie (p. 173), et qui est présenté assez
naïvement comme « ayant assimilé le thomisme » (pp. 104-105), sans dire un mot de
l’extraordinaire variété des sources intellectuelles de cet auteur. Le rapport entre la
Compagnie et les universités donne également lieu à un traitement insatisfaisant : les
conflits des années 1620-1630, associés à la visite de Jansénius en Espagne, sont réglés très
sommairement. Par ailleurs, si T. Egido (p. 230) rappelle la fondation des « cátedras de
Suárez » au XVIIIe siècle, les auteurs omettent de rappeler que les jésuites disposaient
depuis la régence de Marianne d’Autriche et de Nithard de chaires réservées dans les
universités d’Alcalá et de Salamanque, sur lesquelles se sont illustrés certains des plus
grands philosophes que la Compagnie ait donnés à l’Espagne du XVIIe siècle (J. Barbiano,
R. Lynch, I. F. Peinado, G. de Ribadeneira, T. González de Santalla, etc., autant de noms
que l’on cherchera d’ailleurs désespérément dans l’index, à l’exception du dernier).
4
Cet ouvrage s’avère donc n’être qu’une histoire extrêmement convenue, sans innovation
documentaire ni conceptuelle, peu au fait des tendances récentes dans le domaine de ce
qu’il faudra un jour appeler la « jésuitologie ». Même du point de vue strictement
historique, l’ouvrage pèche parfois par omission, en présentant une histoire très
« politiquement correcte », omettant soigneusement tous les sujets polémiques. Pour la
période ancienne, on cherchera en vain des informations sur l’attitude de la Compagnie
face aux accusations rituelles selon laquelle ses initiales (S. J.) signifieraient en réalité
synagoga iudaeorum, ce qui la mena à adopter la ligne dure en matière de limpieza de sangre
alors même que son second général était d’origine juive. La description des colonies
adopte systématiquement le point de vue du missionnaire : on y laisse de côté la position
ambiguë de certains acteurs, en premier lieu de Vieira, simplement exalté pour ses
sermons comme « défenseur de la liberté des Indiens » (p. 223) alors même que ses écrits
doctrinaux témoignaient d’une attitude bien plus dure et discriminatoire. Les sujets qui
fâchent sont donc soigneusement laissés de côté : la Compagnie de Jésus ressort
finalement de ce livre telle qu’elle a toujours voulu apparaître, c’est-à-dire moderne,
puissante, ad majorem Dei gloriam. Ceux qui ne connaissent rien à l’histoire jésuite y
trouveront une utile synthèse, ainsi qu’une bibliographie élémentaire. Les autres seront
inévitablement déçus.
AUTEURS
JACOB SCHMUTZ
Université de Paris IV-Sorbonne
Mélanges de la Casa de Velázquez, 36-1 | 2009
3