Trame générale de visite de la Vallée Engloutie du lac de

Transcription

Trame générale de visite de la Vallée Engloutie du lac de
Trame générale de visite de la Vallée Engloutie
du lac de Guerlédan
Introduction
Mise en situation géographique :
Présentation globale du lac sur le plan géographique :
Si l’on suit le Blavet dans le sens où il coule, la vallée du lac de Guerlédan commence à l’écluse de
l’abbaye de Bon-Repos et s’arrête au lieu-dit Guerlédan, sur la commune de Mur de Bretagne. Le lac
fait 304 hectares et contient 51 millions de mètres cube d’eau.
Le lac est parfaitement au centre de la Bretagne, loin de rien, proche de tout. Ses rives relient les
départements des Côtes d’Armor, et du Morbihan. La rive sud est en Morbihan, la rive nord en
Côtes-d’Armor. 5 communes jalonnent le pourtour du lac : Saint-Gelven, Caurel, Mur de Bretagne,
Saint-Aignan et Sainte-Brigitte.
Nous allons donc descendre dans la vallée ici sur la commune de …..,
Comment se fait-il que nous puissions descendre dans le lac :
Pour employer des termes précis, il serait préférable de parler de la « retenue » de Guerlédan, plutôt
que de lac, puisqu’il s’agit d’une retenue d’eau formée derrière un barrage. Ce dernier est une
structure relativement ancienne car créée au début du XXe siècle, entre 1921 et 1932. Le barrage
fête donc cette année ses 83 ans. La loi décennale sur les barrages de plus de 20 mètres, impose un
contrôle technique complet de l’ouvrage tous les 10 ans. Il peut-être réalisé par contrôle
subaquatique, par un abaissement partiel de la retenue, ou par une vidange totale. Cette dernière
solution a déjà été appliquée en 1951, 1966, 1975 et 1985. A cette époque il était annoncé que ce
serait la dernière vidange. Trente ans se sont écoulés depuis. Entre temps des inspections
subaquatiques ont permis de s’assurer du bon état de la structure en 1995 et 2006.
La vidange de cette année, comme les précédentes, a pour premier objectif la question de sécurité
publique, en s’assurant du bon état de l’ouvrage. Il s’agit donc de refaire l’étanchéité de la paroi du
barrage à l’amont (côté lac). De restaurer les conduites de fonds : celles qui ont servi depuis le 01
avril 2015 à vidanger le lac. De mettre en place un système de batardeau devant les conduites de
fond. Il s’agit d’un caisson qui viendra se placer devant les conduites, côté lac, afin de les mettre à
sec et intervenir sur ces conduites immergées sans vider le lac. La période de vidange a été choisie
pour des raisons techniques. Au printemps et en été, le Blavet est au plus bas. Le lac ne risque pas
de s’emplir à nouveau et de perturber les travaux. Aucune autre période n’aurait permis d’avoir la
retenue à sec pendant 6 mois.
La question de sécurité publique s’étend donc à toute la vallée, car en vidant la retenue, les
paysages incroyables que vous voyez aujourd’hui se trouvent à découvert. Contrairement à la
vidange de 1985, ce ne sont pas 10, mais 30 ans qui se sont écoulés depuis la dernière vidange. Le
fond de vallée est bien plus envasé qu’il ne l’était en 1985. Les vestiges qui se trouvent au fond du
lac ont passés 83 ans sous l’eau et ne sont pas stables. Par ailleurs, les moyens de communication
ayant beaucoup évolués, et la vidange s’étendant sur 6 mois au lieu de 2 en 1985, il est fort possible
qu’il y ait beaucoup plus de curieux à venir découvrir la vallée engloutie cette année. Les services de
l’État étant propriétaires du barrage et garants de la sécurité publique, ils ont pris un arrêté
interdisant la descente dans la vallée. Si les trois offices de tourisme n’avaient pas organisé les
visites accompagnées et commentées dans le fond de la vallée, il ne serait tout bonnement pas
autorisé de descendre.
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Pour toutes ces raisons, nous vous invitons à rester en groupe avec votre guide jusqu’au bout de la
visite, à garder le gilet qui vous a été remis. Ceci bien-sûr afin de garantir votre sécurité, et vous
permettre de découvrir les richesses, la complexité et la profondeur d’un tel patrimoine.
Un contexte naturel exceptionnel :
Le patrimoine naturel de la vallée de Guerlédan est le socle de toute son histoire.
Roche
Socle au sens premier car la roche mère sous nos pieds présente des particularités. La vallée de
Guerlédan est traversée par un « cisaillement » géologique1. Donc d’une rive à l’autre, la roche n’est
pas la même, et leur point de rencontre est une zone propice au passage d’un cours d’eau. Ce
dernier fait alors son lit au creux de la faille.
Eau
Le Blavet, prend sa source à 248 m d’altitude, sur la commune de Bourbriac au sud de Guingamp. Il
coule vers le sud sur 148 km, et se jette dans la rade de Lorient. Il s’agit donc d’un fleuve côtier, dont
les eaux ont un débit soutenu.
Ici, il se fraye un chemin entre les roches de schiste briovérien de la rive nord et les grès armoricains
de la rive sud2. Le Blavet creuse ici une vallée ayant 40 mètres de profondeur pour la partie lac,
bordée de collines culminant à 254 mètres d’altitude au niveau de la butte de Malvran (SaintAignan).
Cette vallée encaissée s’élargit au lieu-dit Guerlédan, à l’est du lac (Mûr-de-Bretagne). La toponymie
reflète la situation géographique : en breton, « Guer » signifie rivière et «lédan » signifie large.
Forêt
La beauté et l’intérêt du site réside également dans les importantes zones boisées qui l’entourent.
Les forêts de feuillus et de résineux sont nombreuses autour du lac. La plus grande est celle de
Quénécan. Ce massif boisé au sud-ouest de la vallée s’étend sur 3000 hectares en gestion privée, et
400 hectares en gestion départementale au sud est. Vient ensuite le bois de Caurel, environ 15
hectares sur la rive nord, (commune de Caurel), en gestion privée.
D’autres petits bois jalonnent le pourtour de la vallée :
- Bois du Fao au sud-ouest (Sainte-Brigitte)
- Bois du Robot, entre Roc Trégnanton et le village de Kériven, sur la rive nord (Saint-Gelven et
Caurel).
- Bois du Pouldu, entre l’anse de Sordan et la chapelle Saint-Tréphine, rive sud, (Saint-Aignan)
-Le bois du Cornec, au niveau de l’anse de Landroanec (Mur de Bretagne).
Un paysage industriel du XIIe siècle à nos jours :
Ces matières premières vont permettre une activité industrielle importante sur le site de Guerlédan.
L’exploitation des ressources naturelles est effective dès l’époque néolithique tardive (3500, 1500
ans avant notre ère). La présence d’un intéressant patrimoine mégalithique en atteste : les allées
couvertes du Liscuis (Laniscat) ou celle de Coët-Correc (Mur de Bretagne) sont faites de grandes
plaques de schiste, extraites à proximité.
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http://sigesbre.brgm.fr/Histoire-geologique-de-la-Bretagne,59.html consulté le 03 mars 2015
Dans le détail la géologie du secteur est bien plus complexe, mais si nous apportons des détails nous
risquons de perdre nos visiteurs.
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-L’exploitation artisanale3 de ces ressources est véritablement identifiée à la fin du XIIe siècle, avec
l’arrivée des moines cisterciens, et la construction de l’abbaye de Bon repos, à la demande du
vicomte de Rohan Alain III, en 1184.
-Elle se poursuit avec la fabrication de charbon de bois en forêts, et l’exploitation du minerai de fer
contenu dans la roche, pour les forges des Salles.
-Le schiste ardoisier va également être exploité en plaquettes pour la couverture des maisons, en
grandes palisses pour la création de cloisons, et en petit appareil pour la construction de murs
porteurs.
-le Canal de Nantes à Brest permettra le transport des matériaux et aura un impact sur le
développement de l’agriculture.
-Enfin la construction du barrage entre 1921 et 1932, permettra d’électrifier l’ensemble du
Morbihan, les Côtes d’Armor et une partie du Finistère.
La découverte de la vallée est celle d’un site naturel autant qu’industriel, ce que l’on pourrait appeler
un « paysage culturel », fruit du travail d’équipe entre la nature et l’homme pendant plus de 800
ans.
Possibilité de suivre assez logiquement la chronologie de ces différentes activités industrielles.
I L’exploitation du bois : Abbaye de Bon Repos et les Forges des
Salles
L’abbaye de Bon-Repos
Le bois dont nous sommes entourés est une matière première exploitée dès l’époque médiévale, du
temps de la présence des puissants seigneurs de Rohan sur ce territoire. Dès le XIIe siècle (1120), à
la création de la vicomté de Rohan, le fief des Salles est déjà marqué par la présence d’un château
d’habitation appartenant à cette très puissante famille.
A quelques pas de là, en 1184, est fondée l’abbaye cistercienne de Bon-Repos, à la demande d’Alain
III et de Constance de Bretagne Penthièvre (fille du duc de Bretagne Conan IV). Comme je vous le
disais précédemment, l’écluse de Bon Repos correspond aujourd’hui à la fin officielle du lac de
Guerlédan. L’histoire dit qu’Alain III de Rohan après avoir chassé en forêt de Quénécan, aurait trouvé
le site de Bon Repos, propice à un sommeil réparateur (légende rapportée par Jean de Rostrenen en
1479). De manière plus concrète, les vicomtes de Rohan furent enterrés pendant près de 350 ans
dans l’abbatiale. Le nom de l’abbaye correspondrait donc plutôt au repos éternel des vicomtes de
Rohan.
Les cisterciens vivant en autarcie, en retrait du monde, les Rohan leur donnent le droit de pâture
dans leur forêt. Il faut imaginer les bois bien plus animés qu’ils ne le sont aujourd’hui. De
nombreuses personnes vivaient en forêt, pratiquant le sylvo-pastoralisme (le pacquage des animaux
en forêt).
Les frères récupèrent le bois vert, le bois mort et le bois sec sur le site de Trégnanton. Ils installent
pêcheries et moulins sur le Blavet.
En 1204, le bois de Caurel leur revient. L’époque est prospère pour eux avant d’amorcer une période
de déclin entre le XVe et le XVIIIe siècle. Les moines exploitent déjà le minerai de fer contenu dans
le schiste et fendent déjà les ardoises pour la couverture des bâtiments conventuels, en contrepartie
de l’autorisation des Rohan pour le pacquage des animaux en forêt. La pierre sur le secteur de Bon
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Le travail des moines n’est pas proprement industriel, mais assure leur subsistance et va transformer
sensiblement le paysage.
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Repos est un patrimoine de première importance. Les schistes ardoisiers sont précieux. Mais un
second patrimoine, plus discret, marque l’identité géologique de ce secteur. Suivant le phénomène
de la tectonique des plaques, le socle rocheux du secteur de Bon-Repos et des Forges des Salles fait
de schiste, percute dans cette zone le socle de granit venant de Rostrenen. Par métamorphisme, de
petits cristaux se créent. Ils ont la forme de longues et fines baguettes. Lorsqu’on les tranche et que
l’on regarde la vue en coupe, nous pouvons voir un losange clair avec du carbone au centre. Cette
forme géométrique a été utilisée au XIIIe siècle, pour orner le blason de la famille de Rohan.
Les Forges des Salles
L’autre activité, plus proprement industrielle développée par les Rohan, est celle de la forge. La
présence de minerai de fer dans la roche et l’abondance de bois pour faire le charbon favorise
l’implantation de cette industrie. Les besoins en acier de la flotte française permettent l’essor de la
sidérurgie. La création des Forges des Salles s’inscrit dans cette dynamique. Le village sidérurgique
tel que nous le connaissons aujourd’hui, est celui créé à la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe
siècle. Cependant, les Forges des Salles existaient dès 1623. En 1635 la présence d’un haut fourneau
est attestée.
Le haut fourneau en 9 mois produit 500 tonnes de fonte.
La production d’1 tonne de métal va impliquer la combustion de 370 hectolitres de charbons de
bois, soit 8 à 10 000 cordes de bois, l’équivalent de 250 hectares de forêt ayant au moins 20 ans
d’âge.
Entre la gestion de la forêt au XIIe siècle, et l’industrie à partir du XVIIe siècle, les grandes futaies de
la forêt du centre Bretagne vont peu à peu disparaître. Les hêtres, les chênes rouvres (dit aussi
chêne sessile) vont laisser place à des essences colonisatrices comme le boulot, le pin sylvestre etc.
Si bien qu’au XIXe siècle, près de 50% de la forêt laisse place à la lande. Aujourd’hui, lorsque nous
parlons de la forêt autour du lac de Guerlédan, celle de Quénécan se compose en moyenne de 70%
de feuillus et 30% de conifères. Le bois de Caurel se compose essentiellement de conifères.
Les travailleurs des forges
Parmi la centaine de personnes qui travaillait aux forges, les charbonniers avaient un statut
particulier.
Il est coutume de dire que le chemin visible à flan de colline sur la rive sud, entre l’anse de Sordan et
Beau-Rivage, est le chemin des femmes du village de Kériven. A partir de la création du canal de
Nantes à Brest en 1842, elle passait le Blavet pour aller en forêt chercher des fagots de bois, qu’elles
ramenaient à la maison pour alimenter le feu et cuisiner. Les sabotiers passaient là, les charbonniers
également. Ils franchissaient le blavet au niveau de l’écluse du Pouldu. Ils pouvaient ensuite
rejoindre le « Café Thomas4 », un peu plus à l’est, situé au dessus de l’écluse n°126, de Kermarker.
Avant de se rendre au café Thomas, leurs journées et leurs nuits de travail étaient bien remplies. Si
vous vous promenez en forêt de Quénécan, ou dans le bois de Caurel, vous verrez encore quelques
fois l’emprise au sol des « Fauldes » dites aussi « places à feu». Il s’agit de structures circulaires de
10 mètres de diamètre. Le charbonnier entassait là des buches de 1 mètre de long, placées debout,
à l’oblique. La « place à feu » se structurait autour d’une cheminée centrale triangulaire, et
l’ensemble était couvert de terre pour que la combustion se fasse à l’étouffée. La structure pouvait
atteindre 3 mètres de haut. La combustion était extrêmement lente. Il fallait trois semaines pour que
le bois soit réduit en charbon. Jusqu’à trois meules pouvaient brûler en même temps. Le
charbonnier vivait donc en forêt, avec femmes et enfants, afin de s’assurer qu’aucune flamme ne
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Tenu par la famille Thomas
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prenne, et que le fondement de la place à feu reste sec5. Il se déplaçait souvent. Le charbon qu’il
produisait partait vers les forges des salles ou vers celles de Saint Gilles Vieux-Marché. En 1880, le
métier a disparu, avec la fermeture du haut fourneau des forges des Salles.
II L’exploitation de la roche : les ardoisières de Saint-Gelven,
Caurel et Mur de Bretagne.
Les débuts de l’exploitation ardoisière
A flanc de colline, vous remarquez également les trous béants qu’ont laissés dans le paysage,
l’exploitation du schiste ardoisier. A priori, dès le XVIe siècle, une petite exploitation du schiste pour
la production d’ardoise avait déjà lieu, si l’on en croit certains actes seigneuriaux, rédigés à la
demande des vicomtes de Rohan, en faveur des moines de l’abbaye de Bon Repos. L’abbaye aurait
été couverte d’ardoise dite Mordorée, thème sur lequel nous reviendrons plus tard. Par ailleurs
certaines descriptions des maisons paysannes des XVIe et XVIIe siècles laissent entendre que ces
habitations profitaient des matériaux locaux pour la toiture de leurs maisons. Il est à noter que
l’ardoise ne sera pas uniquement utilisée pour la couverture des maisons, mais également en
grandes plaques appelées « palisses », qui formaient cloisons dans les maisons paysannes. L’ardoise
pouvait également être un matériau de construction pour les murs porteurs de petites maisons, de
murets ou autres lavoirs.
La mordorée et la bleue
L’âge d’or de l’exploitation ardoisière pour la rive nord du Lac est bien la fin du XVIIIe et tout le XIXe
siècle. Le bassin ardoisier exploité s’étendait de Trégnanton jusqu’à Mur de Bretagne.
Si l’on remonte même dans les landes du Liscuis, au dessus de l’abbaye de Bon Repos, était extraite
l’ardoise dite « mordorée ». Cette dernière était exploitée en surface. Au contact de l’air, le minerai
de fer contenu dans cette pierre rouille, et lui donne ses reflets orangés. Étant en partie à l’air libre,
l’ardoise perd également en humidité, ce qui la rend cassante. Elle ne se fend alors qu’à certains
endroits précis, ce qui ne facilite pas son utilisation.
La bleue de Saint-Gelven, Caurel et Mur de Bretagne était, quant à elle, extraite en profondeur.
N’ayant pas été au contact de l’air, elle garde une teinte bleue-noir. Elle est plus humide, plus facile
à fendre. Elle a donc été la plus prisée au cours du XIXe siècle.
Le filon de Mur de Bretagne étant de très bonne qualité, a été exploité de façon intensive, et s’est
essoufflé en une dizaine d’années (entre 1870 et 1880).
Certains historiens disent que le filon de Trégnanton et Caurel a été exploité avec des moyens
artisanaux, mais à un rythme industriel. De fait, aux alentours de 1860, près d’un million d’ardoises
sortait chaque année des ardoisières de la rive nord du lac.
Au XIXe siècle, le travail des carriers se structure de la manière suivante : les patrons carriers
embauchent 5 à 6 personnes. Certains sont appelés le Fonceur6. Ils travaillent dans le fond de la
carrière. Cette dernière pouvait descendre en moyenne sur 6 mètres de profondeur, on parle alors
de carrière à ciel ouvert. C’est le cas des carrières entre Kériven et Beau-Rivage. Elles sont situées
très bas dans la vallée, afin de pouvoir acheminer facilement les matériaux jusqu’au Blavet. Les plus
profondes vont jusqu’à 70 mètres de profondeur, comme à Trégnanton. Les fonceurs descendaient
et remontaient dans la carrière par une échelle de meunier, ou par des marches aménagées dans la
paroi rocheuse. Ils allaient chercher des blocs de pierre pesant parfois 50 à 100 kilos sur leur dos.
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L’humidité sous la meule pouvait entrainer des explosions.
Après vérification, on dit bien fonceur, et pas fondeur, pour l’homme qui travaille dans le fond de la
carrière.
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Les Fendeurs prenaient ensuite le relais, dans un petit abri que l’on appel un « tue-vent ». Il
protégeait l’ouvrier et l’ardoise, afin que cette dernière ne sèche pas trop vite et qu’elle reste fissile
(qu’elle reste facile à découper). Ils débitaient les ardoises en feuillets (le fendage), puis les
calibraient (le rondissage). Le format standard de l’ardoise de Saint-Gelven, Caurel, Mur était de 27
sur 16 centimètres. Parfois le format 24 sur 12 cm était pratiqué et dans certains cas, les fendeurs
faisaient de l’ardoise « échantillonnée7 ».
Les ardoisiers, comme les charbonniers travaillaient en famille. Le métier se transmettait de père en
fils. Les villages de Kériven et Kergoff, sur la commune de Caurel, ont été prospères grâce à cette
activité. Au milieu du XIXe siècle, 80 familles à Kériven vivaient grâce aux ardoisières. Les ouvriers
étaient des tâcherons (payés à la tâche, donc à la quantité d’ardoise sortie). Le patron carrier leur
délivrait leur paye chaque fin de semaine. Le travail était ingrat et engendrait à la fois des troubles
musculo-squelettiques, mais également des problèmes respiratoires.
L’alcoolisme était aussi un problème. Suite à leur journée de travail, les ardoisiers partaient dépenser
leur paye, en partie au café Thomas. Cette épicerie et débit de boisson, était tenu par la famille d’un
patron-carrier qui après avoir payé ces ouvriers, récupérait leur salaire en leur vendant de l’eau de
vie. Ces ouvriers étaient éternellement endettés.
Bien que le rythme ait été soutenu dans les carrières de Saint-Gelven-Caurel-Mur, l’exploitation n’a
pas été suffisamment rationnalisée pour faire face à la concurrence des ardoises venues d’Anjou.
Le filon Saint-Gelven-Caurel-Mur a compté jusqu’à 60 ardoisières, mais anarchiquement réparties
sur le flanc des collines costarmoricaines. L’ouverture du Canal de Nantes à Brest n’a pas
immédiatement porté préjudice à l’industrie ardoisière de la vallée. Paradoxalement, le canal a été
ouvert à la navigation en 1842, mais la batellerie bretonne n’était pas suffisamment structurée pour
développer un commerce important. Cependant, à partir de 1880, le corps de métier s’organise, la
circulation sur le canal est facilitée. Les ardoises venant du gisement de Trélazé en d’Anjou s’avèrent
moins chères et arrivent autant par le canal que par le chemin de fer. Enfin, certains carriers au
chômage iront par nécessité, travailler sur le chantier du barrage entre 1923 et 1930.
III L’exploitation de l’eau : la canalisation du Blavet et
l’aménagement du Barrage de Guerlédan
Le canal de Nantes à Brest
Sans l’eau le monde reste sans relief, la forêt dépérit, la roche casse. L’acteur principal de la vallée de
Guerlédan est bien l’eau. Celle du fleuve Blavet dont il a été question en introduction, mais aussi
celle de ces affluents : le ruisseau des Forges en Sainte-Brigitte et Perret, le Daoulas et ses chaos
rocheux au niveau de l’abbaye de Bon-Repos, le ruisseau du Liscuis réputé pour ne jamais tarir, ceux
de Sordan, Landroannec etc.
Les eaux tumultueuses du Blavet, connues pour leurs crues importantes ont été domptées par le
projet de canalisation des voies d’eau intérieures, initié dès le XVIe siècle sur la Vilaine, et ayant
véritablement pris forme à la demande Napoléon Ier. En 1802, une paix fragile est signée avec
l’Angleterre. Les tensions économiques et militaires sont fortes, notamment sur la question de la
gestion des colonies. Napoléon anticipe sur le blocus maritime que les anglais envisagent de mettre
en place. Il souhaite mettre en lien les arsenaux de Nantes et Brest par une seule et même voie
d’eau. Le but étant de faire voyager les hommes et les marchandises par l’intérieur, sans dépendre
de la mer. Par ailleurs à cette époque, la qualité des routes est telle, qu’il est bien plus rapide et sûr
de passer par une voie de circulation liquide, que par une route.
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Sur mesure
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Pour mettre en œuvre le projet, Napoléon récupère une étude menée en 1745 par le comte François
Joseph de Kersauson. L’idée est de mettre bout à bout 8 cours d’eau naturels : l’Erdre, l’Isaac, l’Oust,
le Blavet, le Kergoat, le Doré, l’Hyères, et l’Aulne, en les reliant par des sections artificielles. Le canal
de Nantes à Brest sera achevé en 31 ans : de 1811 à 1842. La voie d’eau forme une longue coulée
bleue de 364 km entre Nantes et Châteaulin, ponctuée de 238 écluses.
La principale difficulté est de permettre aux bateaux de passer les reliefs. Les écluses sont donc là
pour amener progressivement les bateaux au niveau imposé par le relief naturel. Lorsque le relief
s’accentue les écluses sont rapprochées, on parle alors d’échelles d’écluses, comme à Trégnanton où
11 écluses se concentrent sur 3,5 km. Un exemple frappant est à relever sur la section artificielle du
canal de Nantes à Brest, liant l’Oust au Blavet. Sur la commune de Neulliac, au lieu-dit « Le Roz » qui
signifie « coteau » ou « colline » en Breton, 12 écluses sont regroupées sur à peine 1,5km.
Lors de la mise en eau de la retenue de Guerlédan, 17 écluses et demie ont été submergées. Celle
du Moulin neuf, tout à l’est, a servi de socle pour la construction du barrage. Viennent ensuite les
écluses de :
-Castel-Finans
-Caurel (maison éclusière)
-Kergoff.
-Pouldu (maison éclusière, dite maison Jouan, avec ferme et verger)
-Baraval
-Kermadec
-Trégnanton (maison éclusière) et son échelle de 11 écluses sur 3,5 km, jusqu’à celle dite « des
forges » incluse. Cette dernière est également connue sous le nom d’écluse de Bellevue ou écluse
« Nicolo », du nom d’un de ses éclusiers. Les noms des écluses sont les suivants : Cosquer, Cuillerret
(maison éclusière), Zélo, Saint-Gelven, Malvran (maison éclusière), Toul er Lann, Toul Houët, Les
Granges (maison éclusière), Le Logeau, Les Forges (maison éclusière).
Les écluses du canal de Nantes à Brest ne sont pas toutes dotées d’une maison éclusière. Sous le lac,
7 ont été englouties. Avant l’arrivée de l’électricité avec le barrage de Guerlédan, les bateaux
s’annonçaient à l’aide d’une corne. L’éclusier venait alors préparer l’écluse pour faire passer le
bateau.
Quand il faut descendre : les portes de l’écluse sont toutes les deux fermées8, et l’écluse se remplit
grâce à l’ouverture d’une petite trappe dans les portes. Une fois l’écluse remplie le bateau entre. La
porte est refermée derrière lui. La trappe dans la porte à l’aval est alors ouverte. Le niveau d‘eau
descend et amène le bateau à hauteur du bief suivant. La porte à l’aval s’ouvre et l’embarcation
poursuit son chemin.
Quand il faut monter : Le bateau entre dans l’écluse, dont la porte à l’aval est ouverte. La porte se
ferme derrière lui. L’écluse est remplie grâce à l’ouverture de petites trappes dans la porte amont. Le
bateau monte avec l’eau. Une fois l’écluse remplie la porte amont s’ouvre, et l’embarcation poursuit
son chemin.
Le bateau emmenait ainsi avec lui 300 mètres cube d’eau à chaque éclusage.
En 31 ans de travaux, les relations tendues avec nos proches voisins de Grande Bretagne sont
pacifiées. Les visées militaires d’un tel ouvrage ont été mises de côté. La visée commerciale de
l’ouvrage a lentement pris son essor, ne devenant signifiante qu’à partir de 1880. Malgré la rude
concurrence de la voie ferrée et l’amélioration du réseau routier, le transport de marchandises sur
le canal de Nantes à Brest s’est maintenu jusqu’à la Première Guerre mondiale.
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Quand il n’y a pas de bateau à écluser, l’écluse à systématiquement une porte ouverte et une porte
fermée.
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Sur les bateaux transitent des matériaux de construction : bois, ardoises, pierre. Les engrais tels que
le maërl (sable coquillé, ayant les vertus de la chaux), la chaux, sont les premières marchandises
transportées. Plus tard viendront les céréales et autres denrées alimentaires faciles à conserver.
On transportait sur une péniche, 100 fois ce qu’une charrette pouvait transporter. Les premières
embarcations étaient de petites gabares à fond plat, dotées d’un mat amovible pour aider au
déplacement du bateau. Elles étaient halées à force d’homme. Un harnais, appelé bricole, reliait
l’homme à l’embarcation. Plus tard, le cheval prendra le relais, surtout lorsque la gabare
transportant 50 à 70 tonnes est remplacée par le chaland Nantais (ce que nous appelons
communément une péniche), transportant jusqu’à 120 tonnes. La « bourde », longue perche de
bois, était également l’outil du marinier aidant à faire bouger les lourdes embarcations.
Les hommes, les animaux, marchaient sur le chemin de halage, servant autant de voie de circulation
que de digue à proprement parlé, pour assurer l’étanchéité du canal. Il faut aussi concevoir le halage
comme un ingénieux système pour lutter contre l’envasement du canal. Les petits ruisseaux dont
nous avons parlé tout à l’heure, sont autant de sources pour alimenter le canal en eau, mais aussi en
sédiments et autres dépôts organiques. Le halage fait barrière à ces matières. L’eau des ruisseaux
coule vers des déversoirs, puis rejoint le canal, mais les dépôts organiques restent dans les fossés
longeant l’extérieur du chemin de halage.
Les fossés en eau le long du canal, ont également servi à faire tremper les troncs d’arbre et les
portes éclusières, du temps où elles étaient en bois, afin qu’elles restent humides et qu’elles ne se
fendent pas en séchant. La propriété conservatrice de l’eau est encore sensible autour de nous avec
la présence des arbres toujours sur pied depuis 83 ans. Au-delà de 70% d’humidité, l’oxygène
gazeux qui permet le développement de champignons et d’insectes xylophages disparaît. Le bois se
conserve alors très bien.
Lorsque deux bateaux se croisaient, la priorité était donnée aux descendants, maîtrisant moins leur
vitesse. La corde reliant le bateau et le cheval montants, était détendue, pour pouvoir passer sous le
bateau. Les harnais reliant la bête et le bateau étaient dotés de systèmes pour détacher rapidement
l’animal, lorsque la corde s’agrippait à la coque de la péniche descendante. Malgré ce système
certains chevaux ont effectivement été victimes d’accidents.
Une société du canal s’est peu à peu mise en place. Les mariniers, les éclusiers, voisinant à
Guerlédan avec les charbonniers et les ardoisiers. Ils se retrouvaient au café Thomas, ou dans les 6
cafés installés entre les villages de Kériven et Kergoff. Les mariniers faisaient commerce avec les
éclusiers, qui aménageaient souvent un espace potager ou verger à proximité de leur maison
éclusière (c’est la raison d’être du verger de la ferme des Jouan, à l’écluse du Pouldu). Les ouvriers se
baignaient dans le canal pour se laver. Les maisons à cette époque n’étaient pas pourvues d’eau
courante. La vallée de Guerlédan était un véritable microcosme ouvrier.
Le Barrage
L’arrivée du barrage est le point d’orgue du développement industriel de la vallée de Guerlédan.
La création du barrage de Guerlédan relève d’une volonté politique à l’échelle de l’État, et d’un
fameux coup du hasard à échelle locale.
Le ministère des travaux publics, portefeuille tenu par Yves Le Trocquer, souhaitait que les
ressources naturelles de France soient exploitées pour la production électrique. En Bretagne la
question est d’autant plus importante, car la région, très à l’ouest, est difficile à desservir.
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Le premier pôle urbain électrifié dans la région est Châteaulin, au bout du canal de Nantes à Brest,
en 1887. L’électricité est produite par centrales thermiques, comme à Châteaulin, Saint-Brieuc et
Saint-Nazaire, ou dans de petites centrales hydroélectriques privées, le long du Blavet.
Pour une production hydroélectrique signifiante, seul le Blavet semble exploitable. Cependant, la
maitrise de l’électricité est autant un enjeu économique que politique.
De petits syndicats d’électrification voient le jour au début du XXe siècle. Leurs projets vont être
contrariés par la proposition du sous-préfet du Morbihan en 1921. Ce dernier s’appelle Joseph
Ratier. Il propose la création d’un barrage de 45 mètres de haut au lieu-dit Guerlédan, pour
électrifier d’un seul coup le Morbihan, les Côtes d’Armor, et une partie du Finistère. Il passe pour un
doux rêveur, personne ne le soutient, pas même son préfet.
Pendant ce temps là à une toute autre échelle, un jeune homme nommé Auguste Leson, rentre de la
Première Guerre mondiale. Il a eu le temps de valider, avant d’être réquisitionné, un diplôme
d’ingénieur en électricité. Il revient à Pontivy, son lieu de naissance où habite sa famille. Il s’installe
chez sa mère avec sa femme, et s’attèle à une tâche compliquée : trouver du travail. Il souhaite
entreprendre dans les travaux publics, et se penche sur les matières premières disponibles sur le
territoire. Passionné de géologie, il acquiert une très bonne connaissance du socle rocheux du
secteur de Guerlédan. Alors que ses recherches semblent mener à l’impasse, il rencontre lors d’une
de ses expéditions, Monsieur Strowsky, un de ses anciens professeurs au lycée Joseph Loth. Ce
dernier lui explique le projet du sous-préfet, et l’invite à lui rendre visite. S’il ne trouve pas de travail
à l’issue de cette rencontre, au moins aura-t-il fait une bonne action en écoutant le sous-préfet.
Suite à sa rencontre avec Joseph Ratier, Auguste Leson est persuadé de la faisabilité du projet. Il a la
crédibilité de l’ingénieur que le sous-préfet n’a pas. Il a le réseau qui lui permet de mobiliser
l’entreprise qui sera le premier promoteur du projet : la Société Générale d’Entreprise.
La demande de concession pour la création du complexe hydroélectrique de Guerlédan est déposée
en 1921 par la SGE. Un an plus tard est créée l’Union Hydroélectrique Armoricaine (UHEA) dont
Auguste Leson devient directeur, pour gérer directement le chantier et l‘exploitation du site
hydroélectrique de Guerlédan.
Le béton commence à couler dans les goulottes en 1924, mais d’importants retards et contretemps
vont amener à l’arrêt du chantier le 05 septembre 1925. Les fondations sont posées, mais les
différentes tranches du barrage ne sont pas encore sorties de terre.
La société Energie Industrielle reprend le chantier à la place de la Société Générale d’Entreprise. Plus
sérieuse et solide, elle donne un souffle nouveau au chantier, en mobilisant des fonds venus du
Canada. Le chantier repart en mars 1927. Le barrage est inauguré le 12 octobre 1930, en présence
de l’ancien ministre des travaux publics Yves Le Trocquer, ayant soutenu le projet à l’origine.
Le nombre d’ouvriers a fluctué sur le chantier de 50 à 350 hommes du temps de l’Energie
Industrielle. Deux hommes ont perdu la vie lors du chantier.
Le barrage achevé mesure 45 mètres de hauteur, 206 mètres de long entre les collines de CastelFinans (Saint-Aignan) et Trévéjean (Mûr-de-Bretagne). A la base, il fait 33,5 mètres de large. Á la
crête il se rétrécie pour ne plus faire qu’1,5 mètre de large. C’est donc un grand trapèze rectangle,
dont le parement aval est oblique et le parement amont est perpendiculaire au sol. Son poids assure
la stabilité de l’ensemble, raison pour laquelle on parle de « barrage poids ». 110 000 mètres-cubes
de béton ont été nécessaires à sa construction. La densité du matériau est différente en fonction des
zones du barrage, afin de faire face à la pression des 51 millions de mètres-cube d’eau de la
retenue. Par ailleurs, ce béton n’est en aucun cas armé. Une certaine quantité d’eau filtre dans le
béton, ce qui est tout à fait normal et maitrisé. S’il y avait eu du métal dans le béton, l’humidité
l’aurait rouillé. Il s’agit donc de béton « banché » ou coffré.
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Afin de mieux maitriser les entrées d’eau dans le barrage. La vidange cette année permet de
restaurer le parement côté lac, et d’en assurer la plus grande étanchéité.
Du temps de sa construction, le complexe hydroélectrique produisait pour éclairer le Morbihan, les
Côtes d’Armor et une partie du Finistère, sur un réseau moyenne et haute tension de 15 000 et
45 000 volts. La ville de Lorient, ayant investit 1 million de francs dans le projet, bénéficiait de
l’électricité produite à Guerlédan pour alimenter la base sous-marine. Les troupes de l’occupation,
consciente de l’importance stratégique de Guerlédan lors de la Seconde Guerre mondiale ont
d’ailleurs occupé le complexe hydroélectrique à cette période. Entre 1943 et 1944, les alliés ont
cherché à reprendre le contrôle de Guerlédan en bombardant la zone à plusieurs reprises. L’objectif
n’était pas d’atteindre le barrage, mais surtout le transformateur, encore visible rue du lac à Mur de
Bretagne.
Pendant ces bombardements, a été coulé le fameux petit langoustier appelé Gwen Ha Du. Auguste
Leson en avait fait l’acquisition suite à la construction du barrage. Construit en Vendée, à SaintGilles Croix de Vie, il s’appelait à l’origine le « Sans gènes ». Il devait servir à tracter les embarcations
sur le lac. N’ayant finalement jamais servi à ça, il a surtout permis aux visiteurs officiels et
prestigieux, de profiter du site de manière privilégier. Il fut coulé par les alliés car les troupes de
l’occupation l’avait équipé d’un ballon à filin servant de bouclier anti-aérien.
Aujourd’hui le complexe hydroélectrique de Guerlédan est toujours une propriété de l’État, et EDF9,
créé en 1946, est concessionnaire. La centrale possède quatre groupes de production. Depuis la
plage de l’anse de Guerlédan, au dos du barrage sont visibles quatre prises d’eau, permettant
d’acheminer l’eau aux turbines par quatre conduites forcées. Ainsi, la centrale peut produire jusqu’à
15 MW par heure. On dit alors que la centrale a une « puissance installée10 de 15 Méga Watt ». Dans
les faits, l’usine ne produit pas d’électricité tout le temps. Elle fournit de l’électricité lors des pics de
consommation. Sa production correspond à celle d’une ville comme Pontivy (environ 15 000
habitants). De son côté, le réseau de distribution géré par ERDF a beaucoup évolué. Quand on parle
de haute tension aujourd’hui, il s’agit plutôt de 400 000 volts au minimum. A Guerlédan, le courant
sort de la centrale et est élevé à 63 000 volts, avant de rejoindre le réseau.
Il est important de préciser que le courant produit à Guerlédan ne va pas exclusivement à Pontivy. Il
est réinjecté dans le réseau et distribué de façon aléatoire, comme le reste de l’électricité produite
par EDF. Nous pouvons donc nous rassurer quand à l’alimentation électrique du secteur pendant la
vidange. Le réseau EDF a une capacité de production plus importante que ce qui est consommé. Le
système est pensé pour pouvoir arrêter certaines unités de production le temps de la maintenance.
D’autres unités de production prennent alors le relais.
Par ailleurs, le barrage et la retenue de Guerlédan ne servent pas uniquement à la production
d’électricité. Ils sont aussi d’importants régulateurs de crues pour le Blavet. En temps normal, le
barrage laisse passer 2,5 mètres cube d’eau par seconde, ce qui correspond au débit moyen du
Blavet. En période de sécheresse, la retenue lâche de l’eau pour garder un niveau constant au cours
d’eau en aval11. En période de crue, le système fonctionne de manière préventive. En hiver le niveau
du lac est abaissé12, pour pouvoir se remplir à nouveau en cas de forte pluie. L’eau accumulée
pendant les intempéries est alors récupérée par le lac et relâchée progressivement par les
évacuateurs de crues, que l’on peut voir à droite de l’ouvrage quand on se trouve à l‘anse de
Guerlédan. Ces derniers peuvent évacuer jusqu’à 465 mètres cubes d’eau par seconde. Lors de
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Électricité de France
La puissance installée est le potentiel maximum de production de la centrale en 1 heure.
C’est ce que l‘on appel aussi « le soutien d’étiage »
L’abaissement du lac en hiver est couramment appelé « creux hivernal »
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l’importante crue de l’hiver 2014, ils ont évacué 150 mètres cubes par seconde. Lors des travaux de
cette année, le terrain derrière les évacuateurs de crue va être décaissé, afin de redonner toute leur
capacité de débit aux évacuateurs de crue.
Enfin, la retenue du barrage de Guerlédan est une source majeure pour l’alimentation en eau
potable du Morbihan. Le syndicat Eau du Morbihan qui gère cette production, distribue l’eau du
Blavet dans tout le département. Une partie part même vers la Loire Atlantique. Deux facteurs ont
été considérés pendant la préparation de cette vidange : la qualité et la quantité d’eau potable pour
les particuliers, pour l’industrie et l’agriculture. Pour répondre à ces besoins, Eau du Morbihan a créé
de nouvelles canalisations pour mobiliser toutes les ressources en eau du département, afin de
répondre à la question de la quantité. Pour la qualité, une nouvelle station d’épuration a été
construite en vue de l’évènement. Par ailleurs, la petite retenue qui se trouve entre le barrage de
Guerlédan, et le petit barrage de Saint-Aignan, est également, pendant la vidange, un bassin de
décantation. Les sédiments tombent dans le fond du bassin, stoppés par le petit barrage de SaintAignan dont les vannes seront fermées. L’eau passe alors à la déverse au-dessus du barrage. Elle est
ainsi ré-oxygénée pour permettre à la faune et la flore aquatique de se développer normalement.
Des contrôles de la qualité d’eau ont été faits pendant la vidange et seront maintenus jusqu’à ce
que le lac soit à nouveau plein. Ils sont tout à fait satisfaisants à l’heure actuelle.
La question de la conservation des poissons a été une préoccupation majeure pour les services de
l’Etat et pour EDF. La question a été étudiée en étroite collaboration avec les Fédérations de pêche
des deux départements. Près de 18 tonnes de poissons (carpes, brochets, sandres, brèmes et
poissons blancs) ont été récupérés au moment de la vidange. Un pêcheur professionnel a installé
son filet à l’aval du barrage, et a récupéré les poissons à la sortie des vannes de fond. Ces derniers
ont été en partie vendus, ou transformés en farine animal, pour nourrir d’autres poissons
carnassiers, afin que la chaine alimentaire reste cohérente. L’argent issu de la vente des poissons
servira au rempoissonnement de la retenue, où 18 tonnes d’alvins seront réintroduits. Ils auront le
temps de se développer jusqu’en 2018, année de la réouverture probable de la pêche.
Conclusion
Tout est fait pour qu’une vidange telle que nous la vivons aujourd’hui ne se renouvelle que le plus
tard possible. Cette cinquième vidange totale du lac de Guerlédan est donc une chance rare pour
découvrir les vestiges immergés dans le lac, mais elle est avant tout nécessaire pour des raisons de
sécurité publique. Grâce aux travaux de maintenance, le barrage et la centrale seront en parfait état
de fonctionnement. Le lac va se remplir progressivement au gré des intempéries et du débit du
Blavet à partir du mois d’octobre. Nous espérons qu’il sera de nouveau plein début 2016. La centrale
sera alors remise en fonctionnement. Les baignades reprendront depuis les plages aménagées au
bord du lac. Les activités nautiques telles que le ski-nautique, le wake-board, ou les croisières
commentées des vedettes de Guerlédan pourront reprendre à Beau-Rivage. La vue sur le lac sera
toujours imprenable depuis Roc Trégnanton. Le pédalo et la navigation de plaisance seront à
nouveau praticables depuis l’anse de Sordan. La base départementale de plein air pourra à nouveau
proposer ses stages de voile et de canoë. Les visites du Musée de l’électricité de Saint-Aignan
reviendront au bord de l’eau et continueront à transmettre l’histoire du site et expliquer la raison
d’être du barrage. La vie reprendra son cour, sur et sous le Lac de Guerlédan, mais vous pourrez
désormais y revenir en connaissant un peu mieux ce que cache la vallée engloutie et partir à la
découverte des nombreux autres trésors du centre Bretagne.
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