La situation des personnes d`origine abkhaze en Géorgie Mise à

Transcription

La situation des personnes d`origine abkhaze en Géorgie Mise à
GEORGIE
Note
18 septembre 2014
La situation des personnes d’origine abkhaze en Géorgie
Mise à jour de la situation depuis la publication
du Rapport de mission sur la Géorgie de 2012
Avertissement
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Par le biais d’une mission diligentée en Géorgie du 9 au 20 septembre 1, l’Office français
de protection des réfugiés et apatrides a constaté que « les Abkhazes [n’étaient] pas la
cible de discriminations sur le territoire contrôlé par les autorités géorgiennes ». A
l’époque, il apparaissait que cette minorité ethnique connaissait des conditions
d’intégration favorables.
1. Le cadre juridique relatif au traitement des personnes d’origine
abkhaze en Géorgie
Les conditions d’octroi, de perte et de retrait de la nationalité géorgienne sont régies par
une loi de 1993 appelée « Loi organique sur la nationalité géorgienne », dont la dernière
modification date du 30 avril 2014 2. Selon les stipulations de ce texte de loi, les citoyens
géorgiens sont égaux devant la loi « sans distinction de race, de couleur de peau, de
langage, de sexe, de religion, d’opinion politique ou autre, de nationalité, d’ethnie et de
groupe social, d’origine, de fortune ni de condition sociale » (article 4, paragraphe 1).
Ainsi, toute personne d’origine abkhaze peut acquérir la nationalité géorgienne pour peu
qu’elle remplisse les conditions fixées dans le Chapitre II de la loi (Acquisition de la
citoyenneté géorgienne). Par exemple, une personne d’origine abkhaze obtiendra
automatiquement la nationalité géorgienne à sa naissance si l’un de ses parents est
citoyen géorgien.
Il est nécessaire de noter que l’Etat géorgien ne reconnaît pas l’Abkhazie en tant qu’Etat
indépendant. Ainsi, les personnes se revendiquant de citoyenneté abkhaze sont en réalité
considérées comme géorgiennes aux yeux de l’Etat géorgien. Il convient d’ailleurs de
préciser que l’indépendance de l’Abkhazie n’est reconnue que par quelques Etats 3 ; les
autres pays du monde considèrent que cette entité territoriale relève juridiquement de la
souveraineté géorgienne.
L’article 38 de la Constitution géorgienne du 24 août 1995 énonce que :
« Les citoyens géorgiens sont égaux dans la vie sociale, économique, culturelle et
politique sans aucune distinction fondée sur l'origine nationale, ethnique, religieuse
ou linguistique conformément aux principes et aux normes universellement
reconnus du droit international et ont tous le droit de développer librement leur
culture sans aucune discrimination ou restriction. Ils peuvent employer leur propre
langue dans la vie publique et privée. » 4
En règle générale, la loi n’établit pas de différence de traitement envers les minorités
ethniques lorsqu’il s’agit des droits de l’homme et des droits sociaux (conditions de
travail, liberté de religion, liberté de circulation, etc.). 5
Le Code pénal géorgien comprend des dispositions antidiscriminatoires. Un amendement
à l’article 53 du Code pénal datant du 27 mars 2012 prévoit que le caractère
discriminatoire d’un crime sera constitutif de circonstance aggravante. 6
1
Office français de protection des réfugiés et apatrides – Cour nationale du droit d’asile (OFPRA –
CNDA), Rapport de mission en Géorgie du 9 au 20 septembre 2012, OFPRA, DIDR, 03/2013, 174 p.
2
GEORGIA, National Legislative Bodies, Organic Law of Georgia on Georgian Citizenship, Kutaisi,
30/04/2014
3
La Fédération de Russie, le Nicaragua, le Venezuela et la République de Nauru
4
Gouvernement géorgien, The Constitution of Georgia, Site officiel du parlement géorgien, Tbilissi,
2006, 36 p. [traduction de la Commission de Venise pour la démocratie par le droit :
http://www.venice.coe.int/webforms/documents/default.aspx?pdffile=CDL%281995%29069-f]
5
US Department of State, Country Report on Human Practice 2013 – Georgia, US Department of
State, Bureau of Democracy, Human Rights and Labor, 2013, 64 p.
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2. L’intégration des personnes d’origine abkhaze en Géorgie : les
principes et les pratiques
D’après les sources consultées, la situation a évolué dans le sens d’une amélioration,
même s’il convient de noter que des obstacles subsistent dans l’intégration des
personnes d’origine abkhaze – et plus généralement des minorités ethniques établies en
Géorgie (arméniennes, azéries, russes).
2.1. Des prises de position et des déclarations politiques favorables
Plusieurs séries de mesures permettent de constater que les différents gouvernements
géorgiens mettent un point d’honneur à renforcer l’intégration des minorités ethniques,
dont font partie les personnes d’origine abkhaze.
En 2005, un Conseil des minorités ethniques (appelé aussi Conseil des minorités
nationales) a été établi. Celui-ci rassemble la plupart des organisations minoritaires
présentes sur le territoire géorgien. Ce conseil a vocation à permettre aux minorités et au
gouvernement géorgien d’établir un dialogue de coopération et de consultation. 7
Le Conseil des minorités ethniques participe par ailleurs à la gestion et au contrôle du
« Concept national et Plan d’action pour la tolérance et l’intégration civile » pour la
période 2009-2014. Ce concept a été impulsé par un ministère créé en 2008 : le
Ministère pour la Réconciliation et l’Egalité civique. 8 Le plan représente une stratégie
d’intégration, dont les objectifs sont divers. Le rapport de l’ECRI (European commission
against Racism and Tolerance, organe de protection des droits de l’Homme du Conseil de
l’Europe) de 2010 sur la Géorgie 9 les résume ainsi : promotion de l’égalité des chances
pour tous les citoyens, y compris dans l’éducation ; garantie de la participation effective
des minorités ethniques dans tous les domaines ; création des conditions nécessaires à la
préservation et à l’épanouissement de la culture et de l’identité des minorités ethniques.
En juin 2014, le gouvernement géorgien était en train d’élaborer un nouveau plan, pour
la période 2014-2019. 10
Le nouveau ministre pour la Réconciliation et l’Egalité civique, Paata Zakareishvili, a
décidé de donner une nouvelle impulsion au plan d’action depuis son arrivée à la tête du
ministère pour la Réconciliation et l’Egalité civique en 2012. Son objectif politique est de
construire un climat de confiance entre Géorgiens et Abkhazes, en stimulant les
échanges commerciaux et les liaisons terrestres entre les deux territoires. Il souhaite
développer la possibilité pour les Abkhazes d’obtenir des documents géorgiens afin qu’ils
puissent venir travailler, étudier et voyager sur le territoire géorgien. 11
2.2. Les modalités pratiques de la mise en œuvre des principes de la
politique d’intégration
D’après les sources consultées, il est possible de conclure que la prise en compte des
minorités par les autorités et les structures géorgiennes s’effectue en deux phases : une
6
UN Committee on the Elimination of Racial Discrimination, State Report on implementation of the
Convention on Elimination of racial discrimination – Georgia, 11/07/2014, 59 p.
7
Minority Rights Group International, Report on the EU Eastern Partnership (EaP) and its impact on
the situation of minorities and minority rights, juin 2014, 52 p.
8
Ibid.
9
European Commission against Racism and Intolerance, Rapport de l’ECRI sur la Géorgie
(quatrième cycle de monitoring), 15/06/2010, 43 p.
10
Minority Rights Group International, op. cit.
11
Bertelsmann Foundation, Georgia country report, 2014, 42 p.
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sur la tolérance envers la culture des groupes minoritaires et une autre sur leur
intégration dans la vie sociale et politique géorgienne.
Dans les lieux où ils sont dominants, les groupes minoritaires communiquent dans leur
langue d’origine. En ce qui concerne le cadre scolaire, le gouvernement y propose des
cours en langue minoritaire, en plus des cours en géorgien. Pour l’année scolaire 20132014, le gouvernement a instauré un programme bilingue dans les régions concernées. 12
Dans son dernier rapport sur la Géorgie, le Commissaire aux droits de l’Homme du
Conseil de l’Europe a toutefois noté que les conditions d’enseignement pour les groupes
minoritaires n’étaient pas optimales : les cours de géorgien ne sont pas toujours d’une
qualité suffisante et les cours de langues minoritaires pâtissent grandement d’un manque
de moyens (manque de manuels traduits, absence de formation des professeurs). 13
Depuis juin 2013, des programmes d’actualité télévisuels sont quotidiennement diffusés
en arménien, azéri, russe, abkhaze et ossète sur la chaîne de télévision publique
Georgian Public Broadcaster (GPB). 14 Le groupe GPB fournit par ailleurs des versions
audio de programmes d’actualité nationaux abkhaze, ossète, arménien, russe et azéri. 15
S’adressant au Commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe, le Défenseur
Public de Géorgie nuance le propos en affirmant que ces programmes ne prodiguent pas
d’information compréhensible aux minorités. 16 Il est nécessaire de noter que la chaîne
russophone PIK a fermé en octobre 2012 17, privant ainsi de nombreuses minorités ne
parlant pas le géorgien d’une importante source d’information sur la Géorgie et la
région. 18
Au niveau du système médical, une stratégie a été mise en place pour la période 20112015 sous l’égide du ministère du Travail, de la Santé et des Affaires Sociales de
Géorgie. Un des objectifs principaux de ce plan était d’assurer l’égalité d’accès au
système et aux structures médicales dans le pays. Pour ce faire, le ministère du Travail,
de la Santé et des Affaires Sociales a lancé plusieurs campagnes d’information relatives
aux programmes médicaux et aux avantages sociaux dans les langues minoritaires des
différents groupes ethniques. 19
Les personnes appartenant à des minorités ethniques rencontrent néanmoins des
difficultés à intégrer la vie politique du pays. Sur 150 députés, il y a seulement 3
Arméniens, 3 Azéris et 1 Ossète. Les membres de ces minorités ne sont présents ni dans
le Cabinet du ministre d’Etat, ni dans la Cour Suprême ou dans la Cour
constitutionnelle. 20 L’intégration à la vie sociale et politique du pays est en très grande
partie dépendante au degré de connaissance de la langue géorgienne. 21 C’est d’ailleurs le
cas dans de nombreux domaines professionnels et sociaux. 22
D’après les sources consultées, aucun phénomène de persécution n’a été recensé ces
dernières années. Si l’intégration des personnes d’origine abkhaze n’est pas encore
aboutie, il apparaît que cette minorité évolue dans un cadre de plus en plus tolérant.
12
US Department of State, Country Report on Human Practice 2013 – Georgia, op. cit.
Conseil de l’Europe, Rapport du Commissaire aux droits de l’Homme Nils Muiznieeks, d’après sa
mission en Géorgie du 20 au 25 janvier 2014, mai 2014, 32 p.
14
UN Committee on the Elimination of Racial Discrimination, op. cit.
15
US Department of State, Country Report on Human Practice 2013 – Georgia, op. cit.
16
Conseil de l’Europe, op. cit.
17
US Department of State, Country Report on Human Practice for 2012 – Georgia, US Department
of State, Bureau of Democracy, Human Rights and Labor, 2012, 61 p.
18
Conseil de l’Europe, op. cit.
19
UN Committee on the Elimination of Racial Discrimination, op. cit.
20
US Department of State, Country Report on Human Practice 2013 – Georgia, op. cit
21
Minority Rights Group International, op. cit.
22
US Department of State, Country Report on Human Practice 2013 – Georgia, op. cit.
13
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Bibliographie
Documents OFPRA
Office français de protection des réfugiés et apatrides – Cour nationale du droit d’asile
(OFPRA – CNDA), Rapport de mission en Géorgie du 9 au 20 septembre 2012, OFPRA,
DIDR, 03/2013, 174 p.
http://www.ofpra.gouv.fr/documents/Rapport_de_mission_Georgie_modif_2013_web.pdf
Rapports internationaux
UN Committee on the Elimination of Racial Discrimination, State Report on
implementation of the Convention on Elimination of racial discrimination – Georgia,
11/07/2014, 59 p.
http://www.ecoi.net/file_upload/1930_1406709146_cerd-c-geo-6-8-6490-e.doc
Conseil de l’Europe, Rapport du Commissaire aux droits de l’Homme Nils Muiznieeks,
d’après sa mission en Géorgie du 20 au 25 janvier 2014, mai 2014, 32 p.
http://www.ecoi.net/file_upload/1226_1400594411_com-instranetgeorgia.pdf
European Commission against Racism and Intolerance, Rapport de l’ECRI sur la Géorgie
(quatrième cycle de monitoring), 15/06/2010, 43 p.
http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/ecri/country-by-country/georgia/GEO-CbC-IV2010-017-FRE.pdf
Rapports nationaux
US Department of State, Country Report on Human Practice 2013 – Georgia, US
Department of State, Bureau of Democracy, Human Rights and Labor, 2013, 64 p.
http://www.state.gov/j/drl/rls/hrrpt/humanrightsreport/index.htm?year=2013&dlid=220
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US Department of State, Country Report on Human Practice for 2012 – Georgia, US
Department of State, Bureau of Democracy, Human Rights and Labor, 2012, 61 p.
http://www.state.gov/documents/organization/204499.pdf
Rapport d’ONG
Minority Rights Group International, Report on the EU Eastern Partnership (EaP) and its
impact on the situation of minorities and minority rights, juin 2014, 52 p.
http://www.minorityrights.org/12422/briefing-papers/partnership-for-all-impact-ofeastern-partnership-on-minorities.html
Think tank
Bertelsmann Foundation, Georgia country report, 2014, 42 p.
http://www.btiproject.de/fileadmin/Inhalte/reports/2014/pdf/BTI%202014%20Georgia.pdf
La source : fondation allemande créée en 1977 détenant 77% des parts de la
multinationale Bertelsmann. La fondation est très active sur les enjeux politiques,
sociaux, économiques, éducatifs, culturels et médicaux.
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Textes législatifs
Gouvernement géorgien, The Constitution of Georgia, Site officiel du parlement géorgien,
Tbilissi, 2006, 36 p.
http://www.parliament.ge/files/68_1944_951190_CONSTIT_27_12.06.pdf
GEORGIA, National Legislative Bodies, Organic Law of Georgia on Georgian Citizenship,
Kutaisi,
30/04/2014,
traduction
officielle
en
anglais
disponible
sur
http://www.refworld.org/docid/53835fe14.html
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