Contribution de l`analyse du liquide synovial au diagnostic des

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Contribution de l`analyse du liquide synovial au diagnostic des
Contribution de l'analyse du liquide synovial au
diagnostic des affections articulaires
Sylvette BAS
Service de Rhumatologie
Département de Médecine Interne
Hôpital Universitaire de Genève
Anatomie d'une diarthrose ou articulation mobile ou articulation synoviale
(187 dans le corps humain)
Tendons relient les muscles aux os
Extrémités des os recouvertes de cartilage hyalin = cartilage articulaire (2 à 4 mm)
Surfaces articulaires réunies par une capsule fibreuse dense
- partie externe de la capsule constituée de ligaments qui tiennent les os entre eux
- partie interne de la capsule recouverte par la membrane synoviale (organe de glissement) qui sécrète
le liquide synovial (lubrifiant) dans la cavité articulaire
Membrane synoviale
La couche bordante de la membrane synoviale est constituée de synoviocytes disposés en une à quatre
couches cellulaires. On distingue les synoviocytes de type A ressemblant à des macrophages, jouant le
rôle de phagocytes et les synoviocytes de type B ressemblant à des fibroblastes et synthétisant l’acide
hyaluronique et différentes protéines. Entre la couche superficielle de la membrane synoviale et la
capsule articulaire, on trouve du tissu conjonctif.
Liquide synovial
Composition
Composition chimique identique à celle du plasma sanguin + mucopolysaccharides.
Eau
Sels minéraux
Petites molécules (glucose, acide urique, bilirubine)
Protéine (13 mg/l)
Le composant le plus important sécrété par les cellules synoviales est le hyaluronate, composé par la
répétition d'un disaccharide (le ß-D-glucuronyl-ß-D-N-acetyl-glucosamine) de poids moléculaire supérieur
à 10 000 kDa.
Rôle
- lubrifiant (le hyaluronate est responsable des propriétés uniques de visco-élasticité du liquide synovial)
- source de nutrition (glucose, oxygène) pour le cartilage articulaire (qui n'est pas vascularisé)
- élimination des produits métaboliques (lactate, gaz carbonique) provenant du cartilage articulaire
Arthrocentèse
Les indications sont à la fois diagnostiques et thérapeutiques
Indications diagnostiques
L'analyse du liquide synovial permet de différencier une arthrite inflammatoire d'une arthrite non
inflammatoire. Elle permet de diagnostiquer une arthrite infectieuse ou une arthrite microcristalline.
3
Un nombre élevé de leucocytes (> 100000 / mm ) exige une décision thérapeutique rapide à cause de la
forte suspicion d'une arthrite infectieuse et risque de destruction articulaire.
Indications thérapeutiques
Il faut ponctionner le liquide d'une articulation gonflée car la distension de la capsule articulaire provoque
l’apparition de douleurs, dues à la tension et à l’irritation des terminaisons nerveuses. La distension de la
capsule, des tendons et des ligaments entraîne aussi une instabilité de l’articulation. Le liquide synovial
peut contenir des éléments agressifs (enzymes protéolytiques, cytokines inflammatoires, micro-cristaux
ou micro-organismes) qu’il est préférable d’évacuer.
1
Technique
Si suspicion arthrite septique: prélèvement aseptique avant toute antibiothérapie afin de pouvoir
interpréter les résultats des cultures
=> examen direct, coloration de Gram, culture
(colorations et cultures particulières selon le type de suspicion, par exemple:
Coloration de Ziehl si suspicion de Mycobactéries
Culture sur gélose chocolat si suspicion de gonocoques)
Habituellement:
Un aliquote est placé dans un tube avec un anticoagulant (EDTA) pour pouvoir effectuer un comptage et
une répartition fiables des cellules.
Un aliquote destiné à la recherche de cristaux est placé dans un tube sans anticoagulant car les
anticoagulants peuvent être la source d'artéfacts.
Examen du liquide synovial
Examen macroscopique
Volume
Faible normalement mais en cas d’anomalie à l’intérieur de l’articulation ou en cas de traumatisme la
synoviale peut réagir en sécrétant une quantité importante de liquide, à l’origine d’un épanchement de
synovie (hydarthrose).
Si la quantité de liquide prélevé d'une articulation régulièrement aspirée (par exemple une articulation
septique) diminue, cela peut indiquer une amélioration.
Viscosité
normalement importante: liquide filant ressemblant à du blanc d'œuf
Si le liquide est plus fluide, s'écoule plus facilement, se comporte comme de l'eau, il y a une diminution
anormale de la viscosité qui est habituellement due à l'inflammation:
- les molécules de hyaluronate se trouvent sous forme dépolymérisée,
- la concentration en hyaluronate est le plus souvent inférieure à la normale, compte tenu de la dilution
due à l’augmentation de l’exsudation.
Couleur
Le liquide synovial normal est sans couleur ou couleur paille (présence d'un peu de bilirubine).
Les liquides septiques sont jaunes, bruns ou verts.
Une couleur blanche peut être due à des cristaux d'urates ou d'apatites.
Un liquide xanthochromique (jaune foncé) évoque une hémorragie ancienne avec dégradation des
hématies => si l'arthropathie a une composante traumatique, le liquide synovial est soit rouge, soit
xanthochromique selon que l'hémorragie est fraîche (traumatisme occasionné au moment de la ponction)
ou ancienne (hémophilie ou traumatisme intra-articulaire).
Des débris noirs ou gris peuvent être des particules de métal ou de plastique provenant d'une prothèse.
Des lipides flottant au-dessus du liquide sont l'indication d'une fracture.
Transparence
Le sepsis peut rendre le fluide opaque. La présence de beaucoup de cristaux peut rendre le liquide
opalescent.
Le liquide synovial normal ne coagule pas. La formation d'un caillot se fait lorsque le fibrinogène et
d'autres facteurs de la coagulation (prothrombine et facteurs V et VII) sont présents. Ces molécules sont
absentes d'un liquide normal et ne sont présentes que dans un liquide inflammatoire. La taille du caillot
est même considérée par certains auteurs comme étant proportionnelle à l'importance du processus
inflammatoire.
Comptage des cellules
Le comptage des cellules permet un diagnostic différentiel préliminaire.
3
Un liquide synovial normal a moins de 200 cellules/mm
3
Les liquides synoviaux non inflammatoires ont de 200 à 2000 cellules/mm
3
Une augmentation du nombre des leucocytes (généralement au-dessus de 2000 cellules/mm ) indique
une inflammation.
Des comptages supérieurs à 100000 sont habituellement dus à des arthrites septiques, mais peuvent
aussi être dus à une polyarthrite rhumatoïde, une goutte, une chondrocalcinose, un syndrome de Reiter.
Répartition des cellules
2
En cas d'articulation septique ou de goutte, le pourcentage de polymorphonucléaires peut être très élevé
(> 90 %) ce qui n'est jamais le cas dans une polyarthrite rhumatoïde.
Une éosinophilie est associée à certaines maladies telles que la maladie de Lyme.
Caractéristiques
Normal
Inflammatoire
Septique
< 3,5
Non
inflammatoire
> 3,5
Volume (genou) (ml)
> 3,5
> 3,5
Viscosité
Très élevée
Elevée
Faible
Variable
Couleur
Claire
Paille
Variable
Transparence
Transparent
Transparent
Nombre de
3
leucocytes / mm
% de
polymorphonucléaires
200
200 - 2000
Paille à
opalescent
Translucide,
parfois opaque
2000 - 50000
< 25
< 25
Souvent > 50
Opaque
> 50000, souvent >
100000
> 75
Arthrose et arthrite
Arthrose
maladie non inflammatoire
dégradation du cartilage
la douleur intervient pendant ou après une activité qui fait travailler l'articulation fragile et elle disparaît
avec le repos
Arthrite
maladie inflammatoire
inflammation de la membrane synoviale
la douleur se manifeste au repos, souvent en fin de nuit, et s'estompe dans la matinée après la reprise
des activités
Arthrose
Liquide synovial
Volume de 1 à 50 ml
Habituellement clair, couleur paille
Viscosité normale
3
Nombre de leucocytes < 2000/mm
Mononucléaires principalement
Définition
Processus dégénératif chronique affectant primairement le cartilage hyalin puis la membrane synoviale,
secondairement l’os et les tissus périarticulaires
Epidémiologie
Articulations portantes sont les plus sujettes: genou, cou, hanche, bas du dos, mains
Aussi fréquente chez l'homme que chez la femme
Augmentation de l’incidence avec âge
La plus commune des affections rhumatismales
50% des adultes, 25% de l’ensemble de la population
L’une des maladies chroniques les plus fréquentes
Etiologie
L'arthrose n’est plus considérée comme une conséquence normale du vieillissement mais comme étant
due à l’interaction de multiples facteurs:
- génétiques,
- métaboliques,
3
- biochimiques,
- biomécaniques
Facteurs de risques et causes possibles
1. L'âge: Le vieillissement articulaire n'est pas l'arthrose, mais il y prédispose au-delà de 50 ans.
A 55 ans: 5 - 15 % des individus ont une arthrose du genou, 3 sur 4 ont une arthrose vertébrale.
Après 65 ans: arthrose vertébrale pratiquement universelle
2. Le sexe: le risque est plus important chez les femmes avec un développement plus rapide des
dommages articulaires au niveau des mains et des hanches (mise en place de prothèses)
3. Une surcharge pondérale pour les articulations d'appui: corrélation avec arthrose du genou clairement
établie
4. Des défauts d’axe entraînant mauvaise position au niveau articulaire (cause congénitale (les genoux en
X par exemple) ou accidentelle (fracture intra-articulaire))
5. La profession: genou des carreleurs, coude des conducteurs d’engins vibrants... (microtraumatismes
répétitifs)
6. Certaines activités sportives: rachis lombaire des skieurs, genou des footballeurs...
7. Une tendance familiale (arthrose digitale) => facteurs génétiques
En étudiant des familles victimes de formes précoces de la maladie, une mutation dans les gènes codant
pour le collagène a été découverte.
Cartilage
Le cartilage hyalin est le plus abondant de l’organisme.
C'est un tissu conjonctif composé de
- cellules (chondrocytes) enrobées dans matrice extracellulaire constituée
- de fibres incluses dans un gel visqueux hydraté de protéoglycanes (glycoprotéines): une cinquantaine de
molécules de protéoglycanes liées à une seule chaîne d’acide hyaluronique forment un agrégat.
Les molécules de collagène (essentiellement de type II) s’assemblent en fibrilles organisées en un réseau
tridimensionnel.
Le métabolisme du cartilage est faible car les chondrocytes sont normalement solitaires et rares.
Toutefois, le cartilage est en perpétuel renouvellement, avec des phases de destruction compensées par
des phases de reconstruction. Les chondrocytes assurent ce remodelage régulier du cartilage qui est
soigneusement contrôlé.
Au cours des phases de destruction les chondrocytes assurent la sécrétion d’enzymes de dégradation
(protéases) dont l’activité est contrôlée par les inhibiteurs tissulaires des métalloprotéases.
Au cours des phases de reconstruction, les chondrocytes effectuent la synthèse de collagène et de
protéoglycanes.
Contrairement aux autres tissus, qui sont nourris via la circulation sanguine, le cartilage est nourri par
imbibition de substances nutritives qui se trouvent dans le liquide synovial car dans le cartilage adulte, il
n'y a ni nerfs, ni vaisseaux sanguins ou lymphatiques.
Pathogénèse
Au niveau cellulaire
Il n'y a pas de mécanisme expliquant clairement l’interaction des différents facteurs impliqués.
L'arthrose peut se définir comme un défaut de tentative de réparation du cartilage endommagé.
Les chondrocytes répondraient de manière inappropriée à des microtraumatismes répétitifs en relâchant
des enzymes de dégradation (métalloprotéases = collagénase, stromélysine et gélatinase) et des
cytokines (IL-1, TNF, IL-17, IL-18) dont le rôle est complexe et non complètement élucidé.
Les métalloprotéases sont normalement inhibées par les inhibiteurs tissulaires des métalloprotéases mais
lorsque le rapport entre les deux est altéré, les métalloprotéases deviennent actives et augmentent la
dégradation du cartilage.
Au niveau articulaire
L'arthrose, qui débute le plus souvent sans cause apparente, correspond à une destruction plus rapide
que la reconstruction, ce qui provoque une usure anormale du cartilage.
Lorsque le cartilage hyalin est en voie de dégénérescence, cela se traduit par des foyers de
ramollissement et une surface de plus en plus grossière et fissurée. Il y a démasquage histologique des
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fibrilles de collagène (perte de protéoglycane…). Cela entraîne une synovite non spécifique intermittente
(sécrétion anormale de liquide synovial). Une destruction totale du cartilage est possible.
En réaction au processus de dégénérescence du cartilage, l'os s'hypertrophie dans certaines zones
(zones de charge). Des ostéophytes (ou becs de perroquet) se développent (prolifération osseuses) en
bordure de l’articulation, particulièrement à la colonne vertébrale.
Des débris de cartilage peuvent rester dans l'articulation, irriter la membrane synoviale, stimuler les
fibroblastes et les macrophages synoviaux, aboutissant à la synthèse de très nombreux médiateurs
inflammatoires. Cette inflammation va déclencher la libération de certaines enzymes capables de détruire
les débris de cartilage mais aussi le cartilage sain. La lésion prend ensuite de l'ampleur…c'est ce qui se
passe en cas de poussées congestives quand l'arthrose fait mal.
Dans l'arthrose, l'inflammation est un phénomène secondaire. Les cellules inflammatoires ne sont pas
prédominantes.
Polyarthrite rhumatoïde
Liquide synovial
Volume modéré à important
Viscosité diminuée
3
Nombre de leucocytes pouvant être > 100000/mm (beaucoup plus faible si la maladie est contrôlée)
Polynucléaires neutrophiles généralement prédominants
Définition
maladie inflammatoire, chronique et idiopathique
Prévalence
Maladie répartie partout dans le monde avec une prévalence d’environ 1% mais des variations sont
observées dans différentes populations adultes:
0,1% (Libéria/Nigéria)(âge?)
5,3% (Indiens Pima, USA)
Etiologie
Inconnue
Epidémiologie
L'implication de facteurs hormonaux est démontrée, entre autres, par le fait que la maladie est trois fois
plus fréquente chez les femmes que chez les hommes, que la grossesse peut avoir des effets bénéfiques
sur les symptômes et que l'incidence est plus faible sous contraception orale.
Le poids des facteurs génétiques a été démontré par le fait que 10% des malades atteints de polyarthrite
rhumatoïde ont une histoire familiale de polyarthrite, que le taux de concordance est supérieur chez le
jumeaux homozygotes que chez les jumeaux dizygotes. L'analyse des marqueurs génétiques a révélé
une association entre le développement de la polyarthrite rhumatoïde et la présence d'une séquence
particulière appelée épitope partagé des allèles HLA-DRB1*0401 et *0404.
Des agents infectieux ont longtemps été suspectés mais la preuve de leur responsabilité n'a jamais pu
être démontrée.
Manifestations cliniques
Maladie débutant généralement lentement par atteintes bilatérales petites articulations périphériques
symptômes: douleur, raideur, gonflement
Les articulations les plus frappées au départ sont les métacarpophalangiennes, métatarsophalagiennes,
interphalagiennes proximales (doigts, orteils) et les autres articulations des mains puis une atteinte
symétrique et progressive des articulations des membres se développe.
C'est une maladie hétérogène. Dans certains cas, elle est peu agressive puisque des rémissions totales
(10% des cas de polyarthrite rhumatoïde) ont été constatées.
Physiopathologie
5
Un facteur non déterminé enclenche un processus inflammatoire qui débute probablement au niveau de la
couche bordante de membrane synoviale.
Les infiltrats leucocytaires produisent des chimiokines qui attirent davantage de monocytes et de
lymphocytes.
Angiogénèse
La membrane synoviale peut s’épaissir considérablement et atteindre plusieurs fois son épaisseur
normale. Les cellules bordantes se multiplient créant une masse appelée pannus qui ressemble à un
organe lymphoïde (zone corticale contenant des agrégats de cellules B et zone paracorticale contenant
des lymphocytes T). Une grande densité de cellules mononucléaires est présente.
Il n'y a pas d'examen histologique permettant un diagnostic de la polyarthrite rhumatoïde mais une
hyperplasie des cellules de la couche bordante ainsi qu'une infiltration profonde de lymphocytes et de
cellules plasmiques est caractéristique de la polyarthrite rhumatoïde.
Des cytokines de l’inflammation: TNF-α et IL-1ß sont produites.
La destruction de l'articulation est la résultante de la synovite inflammatoire. Le pannus peut pénétrer
dans l'os et recouvrir le cartilage avant de détruire les deux structures ainsi que les structures
périarticulaires (tendons, ligaments et capsule articulaire).
Les enzymes protéolytiques (métalloprotéases de la matrice) sont surtout produites par les fibroblastes
synoviaux dans le pannus, ou relâchées par les polynucléaires dans le liquide synovial.
Les ostéoclastes résorbent l'os.
Nouveaux traitements (biologiques)
Goutte
Liquide synovial
Volume modéré à important
Couleur paille à opalescente, translucide à opaque
Viscosité diminuée
3
Nombre de leucocytes pouvant être > 50000/mm (le degré de leucocytose semble être proportionnel à la
quantité de cristaux)
Polynucléaires neutrophiles prédominants
Présence de cristaux d’urate
Recherche de cristaux dans le liquide synovial à l’aide d’un microscope à lumière polarisée
compensée
Fortuitement, les cristaux d’urates et de pyrophosphates ont des propriétés optiques différentes ce qui
aide à les différencier en lumière polarisée compensée. Les cristaux de pyrophospate de calcium
dihydratés (Ca2P2O7 2H20) ont une biréfringence positive alors que les cristaux d'urates monosodiques
monohydratés (C5H3N4O3Na H2O) ont une biréfringence négative. Quand l'axe longitudinal d'un cristal de
pyrophosphate est orienté parallèlement à la ligne d’orientation figurant sur le compensateur, le cristal est
bleu. Si on effectue une rotation de 90°, le cristal perd sa couleur (zone d'extinction) puis à angle droit de
la ligne d'orientation, il apparaît jaune. Quand l'axe longitudinal d'un cristal d'urate est orienté
parallèlement à la ligne d’orientation figurant sur le compensateur, le cristal est jaune. Si on effectue une
rotation de 90°, le cristal perd sa couleur (zone d'extinction) puis à angle droit de la ligne d'orientation, il
apparaît bleu.
Aspect des cristaux d'urate
Les cristaux d'urate monosodique ont habituellement une forme d'aiguille ou de fin bâtonnet aux
extrémités effilées mais parfois ils sont petits et difficiles à visualiser. En lumière polarisée compensée, ils
sont fortement biréfringents. Des agrégats (beachballs), de forme shérique, ne sont pas rares. Ils
proviennent souvent de tophi.
La sensibilité de la détection de cristaux dans le liquide synovial est de 85% (l'absence de visualisation
des cristaux ne permet pas d'exclure le diagnostic de goutte).
Les cristaux sont fréquemment associés à des fragments de tissu, des amas de cellules ou de la fibrine.
Il est souvent impossible de distinguer si les cristaux sont attachés à l’extérieur des cellules ou s’ils ont été
phagocytés et sont contenus à l’intérieur de la membrane cellulaire. Toutefois, le processus inflammatoire
6
n’est pas seulement dû à la phagocytose du cristal. La surface du cristal peut interargir directement avec
les protéines du liquide synovial et activer, par exemple, le complément conduisant ainsi à une réponse
inflammatoire.
Définition
Perturbation du métabolisme des purines entraînant une hyperuricémie et une formation de cristaux
d’urate de sodium qui se déposent dans les articulations, le tissu sous-cutané et les reins.
Epidémiologie
Dans les pays occidentaux, 5 à 15% de la population a une hyperuricémie mais la goutte ne se développe
que chez 0,5% de la population.
Maladie deux fois plus fréquente chez les hommes que chez les femmes
Cause la plus fréquente d’arthrite inflammatoire chez l’homme après 30 ans
Chez la femme n'apparaît qu'après la ménopause
Manifestations cliniques
Différentes phases peuvent être distinguées:
- Hyperuricémie asymptomatique
Une augmentation de l'acide urique peut rester longtemps sans symptôme, donc non diagnostiquée.
- Attaques récurrentes de goutte aigüe avec inflammation articulaire et périarticulaire:
Crise brutale n’atteignant presque toujours qu’une articulation, de préférence celle de la base du gros
orteil
Accès très inflammatoire et très douloureux.
- Goutte chronique:
Dépôts de cristaux d'acide urique appelés tophi sous forme de masses dures et indolores au niveau des
tissus cellulaires sous-cutanés et périarticulaires. Ils siègent préférentiellement au niveau des mains et
des pieds, du pavillon de l'oreille, du tendon d'Achille, de la bourse rétro-olécrânienne.
Dans la goutte chronique, le pronostic est dominé par l'atteinte rénale (insuffisance rénale).
Manifestations rénales:
Lithiase (formation de calculs dans les canaux excréteurs) urique (10 à 30 %): colique néphrétique
(calculs radiotransparents), uropathie obstructive latente, néphropathie ascendante.
Néphropathie goutteuse interstitielle avec protéinurie compliquée d'hypertension artérielle et d'insuffisance
rénale.
Métabolisme des purines et sources d'acide urique
Les bases puriques sont l'adénine et la guanine qui sont des composants des acides nucléiques. Il existe
deux voies dans la synthèse des purines:
- la voie "de novo" dans laquelle les purines sont synthétisées à partir de précurseurs non puriques
- la voie de "récupération" dans laquelle les bases puriques libres proviennent de la dégradation des
acides nucléiques d'origine endogène ou exogène. L'hypoxanthine guanine phosphoryl transférase
(HGPRT) est impliquée dans cette voie. Les acides nucléiques d'origine endogène proviennent de la
dégradation de matériel organique (destructions cellulaires). Les acides nucléiques d'origine exogène
proviennent de l'alimentation dans laquelle ils se trouvent généralement sous forme de nucléoprotéines
qui sont dégradées par les enzymes protéolytiques du suc pancréatique et du suc intestinal.
Les bases puriques peuvent être oxydées. Ainsi la guanine peut être convertie en xanthine puis en acide
urique et l'adénosine peut être convertie en inosine et en hypoxanthine et finalement en acide urique.
L'acide urique peut être absorbé à travers la muqueuse intestinale et excrété dans l'urine. En fait, 70 à
80% de l'acide urique est éliminé par les reins et de 20 à 30% par les intestins (oxydation par les
bactéries intestinales).
Les sources d’acide urique sont donc l’ingestion de nourriture renfermant des purines et la synthèse
endogène de nucléotides puriques servant à la synthèse des acides nucléiques.
Pathogénèse
L'acide urique est donc le produit final de la dégradation des purines, au terme de leur métabolisme chez
l'être humain. En revanche, certains animaux possédant une uricase sont capables d'oxyder l'acide urique
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en allantoïne soluble, ce que l'être humain et les singes anthropomorphes ont perdu dans l'histoire de
l'évolution. L'allantoine est dix fois plus soluble que l'acide urique et est facilement éliminé par les reins.
L’acide urique étant seulement partiellement soluble dans les fluides corporels, ce défaut enzymatique fait
courir le risque d'un dépôt tissulaire sous forme de cristaux d'urate.
L’élimination d’acide urique équilibre sa production quand les concentrations plasmatiques sont
inférieures à la limite théorique de solubilité de l'urate monosodique (environ 7 mg/dl). Néanmoins, la
marge de sécurité est relativement étroite. Un taux d'urate supérieur à 7 mg/dl est considéré comme étant
élevé parce qu'il excède la valeur de saturation pour l'urate à la température du corps et au pH du sang.
Le liquide synovial est un moins bon solvant que le plasma pour les urates car dans les articulations
périphériques comme la hanche, la température peut être aussi basse que 20°C.
Réaction inflammatoire engendrée par les cristaux d’urate de sodium dans l’articulation
La crise aigüe de goutte correspond à la réaction inflammatoire qu’engendrent les cristaux d’urate de
sodium dans l’articulation. Les cristaux activent différents systèmes humoraux dans lesquels le facteur XII,
la kallikréine, les kinines et le sytème du complément jouent un rôle. L'activation du complément entraîne
la formation de C3a et de C5a conduisant à l'accumulation de polynucléaires neutrophiles et de
macrophages dans l'articulation et la membrane synoviale. La phagocytose des cristaux induit le
relâchement de radicaux libres toxiques et de leucotriènes (LTB4). La mort des neutrophiles entraîne la
libération d'enzymes lysosomiales destructrices et les synoviocytes secrètent une variété de médiateurs
comprenant l'IL-1, l'IL-6, l'IL-8 et le TNF-α qui vont encore amplifier la réponse inflammatoire et augmenter
les dommages des structures articulaires pouvant conduire à la destruction du cartilage et de l'os.
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