REPORTER DE MODE

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REPORTER DE MODE
polka
5.80 / USA $ 9.75 PHOTO FRANÇOISE HUGUIER (DÉTAIL)
#7
MAGAZINE
HORS-LA-LOI
A Calais, avec ceux qui
H I V E R 2 0 0 9 - 2 0 1 0 DOM
5.80 / ALL
6.50 / BEL
5.80 / CH 10 FS / CDN $ 9.75 / ESP
5.80 / GR
5.80 / ITA
5.80 / JPY 2000 / LUX
5.80 /PORT
accueillent les réfugiés
KOSUKE OKAHARA
DIANE GRIMONET
REPORTER
DE MODE
FRANÇOISE HUGUIER
DAMES DE CŒUR
WILLY RONIS
ALGER, 2 JUILLET 1962
MARC RIBOUD
IRANIENNES ET REBELLES
ZOHREH SOLEIMANI
ROXANE B
ALEXANDRA BOULAT
SÃO PAULO SAUVAGE
CARLOS CAZALIS
JULIO BITTENCOURT
HAUTE VOLTIGE
TOMASZ GUDZOWATY
UN MONDE FRAGILE
BRUNO CALENDINI
XAVIER DESMIER
RUSSIE BLANCHE
ALEXANDER GRONSKY
RWANDA
L’amour plus fort
que la barbarie
JONATHAN TORGOVNIK
Hermes.com
V I V E M E N T L’ H I V E R !
polka
#7
MAGAZINE
HIVER 2009 - 2010
au sommaire
Le mur ...........................................9
LES PHOTOGRAPHES DE POLKA #7
L’éditorial d’Alain Genestar ........................15
Willy Ronis....................................17
CELUI QUI NOUS PARLAIT D’IMAGES
par Philippe Sollers et Gérard Uféras
www.polkamagazine.com
Hommage à Christian Poveda ........27
[email protected]
par Alain Mingam
Kosuke Okahara, Diane Grimonet ...28
LES HORS-LA-LOI DE CALAIS
par Brigitte Bragstone, Alban Denoyel, Audrey Gordon et Emilie Musset
Alexander Gronsky........................42
RUSSIE, LE PAYS BLANC COMME NEIGE
par Claude-Marie Vadrot
Françoise Huguier .........................50
UNITED COLORS
par Jean-Kenta Gauthier
© Julio Bittencourt
Carlos Cazalis, Julio Bittencourt ....62
LE TRIMESTRIEL DU PHOTOJOURNALISME
«Polka Magazine» La cour de Venise, 12, rue Saint-Gilles 75003 Paris. Tél.: 01 71 20 54 97.
Directeur de la publication: Alain Genestar. [email protected]
Editeur: Edouard Genestar. [email protected]
Directrice éditoriale: Adélie de Ipanema. [email protected]
Rédacteur en chef: Dimitri Beck. [email protected]
Secrétaire générale: Brigitte Bragstone. [email protected]
Conseillère éditoriale: Joëlle Ody. [email protected]
Développement: Alban Denoyel. [email protected]
et Jean-Kenta Gauthier. [email protected]
Direction artistique: Michel Maïquez assisté de Ludovic Bourgeois.
Edition: Tania Gaster, Pascale Sarfati, Samia Adouane.
Comité éditorial: Christian Caujolle, Jean Cavé, Jean-Jacques Naudet (à New York), Didier Rapaud,
Reza, Marc Riboud, Sebastião Salgado. Et bienvenue à Robert Delpire qui rejoint le comité éditorial.
Opérations spéciales: Victor Genestar et Gwendoline de Spéville.
Publicité: Polka Régie, Tél.: 01 71 20 54 97 / 0622762772.
Ont aussi participé à ce numéro
Kishanthi Bandara, Karyn Bauer, Marc Bervillé, Annie Boulat, François Caron, Laurent Chmiel, Lorène
Durret, Liza Fetisova, Victoire Garnier, Elise Girardot, Lionel Hoëbeke, Caroline Mangez, Lou
Mollgaard, Manon Moreau, Yemeli Ortega, Bernadette Pelletier, Guelia Pevzner, Devrig Plichon,
Peggy Porquet, Mylène Prieur, Mario et Véronique Ordonez, Willy et Dominique Rizzo, Noémie
Sergent, Muriel Simottel, Lukasz Smudzinski, Chantal Soler, Brian Storm, Claire Tomasella, JeanLouis Vibert-Guigue.
Agences: Rapho / Eyedea, Getty Images, Agence VII, Agence VU’, Webistan.
Laboratoires de photographies: Central Color, Picto, Dupon.
Fabrication: Le Révérend Imprimeur - Valognes, Manche (50) - Tél.: 0145364000.
et SNN Poligrafia, Sp. Z o.o., Varsovie, Pologne, imprimé en U.E.
Gestion des ventes au numéro: «A juste Titres», 67, avenue du Prado, 13006 Marseille,
tél.: 04 88 15 12 44 – [email protected]
Commission paritaire: 1210K89693.
Dépôt légal: 4e trimestre 2009. ISSN: 1962 - 3488.
Droits de reproduction textes et photos réservés pour tous pays.
« Polka Magazine » est une publication de Polka Image. Siège social : 27, rue Jasmin 75016 Paris.
SARL au capital de 34 000 euros, RCS de Paris 497659094.
SÃO PAULO, MÉTROPOLE SAUVAGE
par Annie Gasnier et Beatriz Milhazes
Jonathan Torgovnik .......................76
CONÇUS DANS LA HAINE, ÉLEVÉS DANS L’AMOUR
par Olivier Rogez
Tomasz Gudzowaty........................82
AIR FORCE
par Jérôme Baboulène
Bruno Calendini, Xavier Desmier ....90
UN MONDE ANIMAL SI FRAGILE
par Joëlle Ody
Marc Riboud ................................100
2 JUILLET 1962, JOUR DE FÊTE À ALGER
par Jean Daniel
Polka rubriques
Expo ............................................108
ROXANE B., ALEXANDRA BOULAT,
ZOHREH SOLEIMANI
IRAN: BELLES ET REBELLES
par Jean-Pierre Perrin
Art...............................................120
LA PHOTOGRAPHIE ET L’ART IRANIEN
par Edouard Genestar
Enquête .......................................123
TOUCHE PAS À MA PHOTO
par Elisa Mignot
Regards sur… JR ..........................127
L’ŒIL ÉTAIT SUR LA SEINE ET REGARDAIT PARIS
par Théophile Pillault
Livres
ELLEN VON UNWERTH: GLAMOUR FRÄULEIN ..................128
DENNIS HOPPER: LE BIKER DE HOLLYWOOD ...................132
LIZZIE SADIN: REGARDEZ BIEN CES ENFANTS .................138
L’œil d’evene................................145
ABONNEZ-VOUS A POLKA MAGAZINE
FLOATING DRIVE-IN
par Mélanie Carpentier
Tous les détails en page 144.
Prise de vue .................................146
GAGNEZ AVEC SONY DES REFLEX ET DES COMPACTS NUMÉRIQUES
Prochain numéro : printemps 2010, en vente fin février 2010
GRAZIE GRAZIA
par Christian Caujolle
hiver 2009 – 2010 I
3
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LUNDI 26 OCTOBRE 16 H 37
Le «mur»inachevé, avec les sujets
des photographes de Polka #7
présentés ci-dessous et dans les
deux pages suivantes.
DIANE GRIMONET
Depuis plus de dix ans, Diane Grimonet se met à la
hauteur des petites gens dont l’histoire est
ballottée au gré d’une situation professionnelle,
familiale ou légale difficile. Ces personnes que l’on
appelle parfois les sans-voix, Diane a voulu leur
donner au moins une
image. D’abord
photographe de
comédiens, elle a
décidé de quitter
les planches
pour s’attaquer
au bitume. Chômeurs,
demandeurs d’asile,
SDF, sans-papiers,
femmes en errance... la liste des stars de la
précarité est longue. «On dit que ce sont des sujets
qui ne sont pas visuels, dans lesquels il ne se passe
rien.» Et pourtant elle montre ce que l’on ne veut
pas voir, en partageant la vie de ceux qui n’en ont
pas, sans jamais se cacher. «Je m’assois parmi eux
et je ne dis rien. Alors ils me demandent qui je suis
et comprennent que je suis venue essayer de leur
rendre un peu de la dignité qu’ils ont perdue. Je
capte les vies qui ont basculé, les naufrages
intimes, les petits riens, très loin du spectaculaire.
Je guette cette étincelle qui traverse un visage.»
Son travail sur «les hôtels de la honte» a été
projeté au festival du photojournalisme Visa pour
l’Image en 2009.
ALEXANDRA BOULAT
Elle était la fille de Pierre, qui a longtemps travaillé
pour «Life», et d’Annie, fondatrice de l’agence
Cosmos. Elle avait, comme l’on dit, de qui tenir.
Mais elle écrivit sa propre histoire avec son regard
et sa sensibilité. Elle a vu beaucoup de guerres et
réalisé des longs reportages, dont beaucoup au
Proche-Orient et en Iran. En 2001, elle a participé à
la création de
l’agence VII.
Elle était talentueuse et belle.
Alexandra est
morte à Paris, le
5 octobre 2007.
©DR
«Je continue de photographier les histoires qui me
touchent.» La première qui bouleverse Kosuke
Okahara est celle du Kosovo. De là, le désir du
jeune homme de devenir photographe, son intérêt
pour l’«Ibasyo» qui correspond, en japonais, au
«lieu de l’existence physique et émotionnelle des
individus», à la «paix intérieure des gens». Né en
1980 au Japon, Kosuke Okahara n’a de cesse
d’arpenter le monde, de traquer la souffrance
humaine, en Asie, en Afrique, en Amérique du Sud.
Celle des réfugiés du Darfour, des drogués et de
leurs dealers en
Colombie, des jeunes
japonais qui se mutilent.
Le regard du photographe
est empreint d’empathie,
jamais de pitié. Comme
lorsqu’il aborde la
condition des lépreux en Chine : «C’était important
pour moi de ne pas les montrer comme des
victimes.» Un travail pour lequel il a reçu la mention
honorable au prix Kodak de la Critique
Photographique en 2007. Kosuke Okahara devient
membre de l’agence Vu’ la même année. Ses
photos ont été exposées au Tokyo Metropolitan
Museum of Photography, au musée d’Art asiatique
de Fukuoka, au Kiyosato Photo Art Museum, à la
Nikon Gallery de Tokyo, et au Foreign
Correspondents’ Club de Thaïlande. Elles ont fait
l’objet de publication au Japon et aux Etats-Unis.
©Alban Denoyel
© K h a n h D a n g - Tr a n
KOSUKE OKAHARA
ROXANE B.
Franco-iranienne, Roxane B. grandit en Iran et
arrive à Paris à 18 ans pour étudier les arts plastiques. «J’ai eu l’expérience enrichissante devenir
adulte dans un autre univers, où le mot – liberté – a
un sens.» Toujours attirée par les problèmes humanitaires, elle fait des reportages à travers le monde.
Au cours d’un voyage en Iran, elle retrouve en 2007
les femmes de son âge qui n’ont rien connu d’autre
que le quotidien de la république islamique.
Roxane B. souhaite conserver l’anonymat. D’où
l’absence de photo dans cette bio.
hiver 2009 – 2010 I
9
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Nou ve au re cor d de p er f e c tion
*Au cœur de l’image
Nikon D 3 0 0 S : v i dé o HD e t s on s téré o
Nikon D300S : format DX, 12,3 millions de pixels, vidéo HD, son stéréo, double logement pour carte mémoire, 7 vps.
Tout en conservant un boîtier extrêmement convivial, le Nikon D300S intègre la vidéo haute définition Nikon D-movie,
l’enregistrement stéréo (par micro stéréo séparé), une cadence de prise de vue atteignant 7 vps et un double
logement pour cartes mémoire CF et SD. Il est compatible avec plus de 50 objectifs Nikkor. Bienvenue chez Nikon.
Né en 1969 au Mexique, Carlos Cazalis commence
sa carrière en photographiant la rébellion zapatiste.
Deux ans plus tard, il rejoint l’AFP en tant que
pigiste, relatant l’actualité quotidienne et se
consacrant à des sujets personnels comme les
courses de taureaux, les transsexuels et les enfants
de la rue, réalisé pour l’ONG Casa Alianza. L’ère du
numérique le conduit aux Etats-Unis en 1999 pour
un master en design à la Parson School de New
York, où il enseignera par la suite. En Espagne, il
revient à la
photographie
comme
collaborateur
indépendant avec
l’Agence Corbis
ainsi que pour le
«New York
Times», le
«Stern», le
«Guardian » et bien d’autres. Installé au Brésil, il
prépare aujourd’hui un livre témoignant de
l’urbanisation massive des mégalopoles mondiales
New Delhi, Mexico City. Carlos Cazalis
a reçu en 2009 un World Press Photo,
première place dans la catégorie
«Contemporary issue».
JULIO BITTENCOURT
© Autoportrait
© Vi c t o r R o m e r o
CARLOS CAZALIS
Le vide, il l’explore en photographiant des paysages
épurés, presque autistes. Né en 1980 à Tallinn, en
Estonie, Alexander Gronsky enchaîne les voyages
et s’intéresse aux effets de l’environnement sur le
comportement des gens qui y vivent. Installé à
Moscou depuis 2005, le photographe travaille
essentiellement en Russie dont les grandes étendues aux conditions hostiles deviennent le théâtre
d’une histoire sans drame, celle de vies isolées et
silencieuses. Dans l’univers statique d’Alexander
Gronsky, chaque objet, chaque sujet, constitue l’un
des éléments du paysage alors déshumanisé. Une
atmosphère grave qui dévore la moindre intimité
pour ne laisser place qu’à la solitude et à la méditation. Alexander
Gronsky, qui a
rejoint l’agence
Photographer.ru
en 2003, a
publié dans de
nombreuses revues dont « Esquire Russie»,
«Newsweek»,
« Géo » et « Le
Monde 2».
« La photographie et les métropoles sont des
créations des temps modernes. La “cité” s’offre à la
photographie comme support et en même temps
est l’un de ses sujets de prédilection. Tous deux
rencontrent des crises liées à leur développement
et à leurs limites. » A 29 ans, le jeune photographe
brésilien se sert de « la photo comme une sorte de
mégaphone pour
donner la parole aux
sans-voix». L’enfant
de São Paulo qu’il
est vit depuis son
adolescence à New
York. Depuis 2006, il
travaille en
indépendant autant
pour la presse
magazine et quotidienne internationale que pour la
publicité au Brésil, aux Etats-Unis, en Europe et
au Japon. Ses travaux sont exposés en
galeries et dans les musées à travers le monde. Il a
publié son premier livre en 2008, « In a Window
Prestes Maia 911 Building». Il en expose une partie
à la 2e biennale des images du monde de
Photoquai. Il a reçu le prix de la Fondation Conrado
Wessel 2007-2008 et le prix Leica Oskar
Barnack 2007.
FRANÇOISE HUGUIER
Françoise Huguier aime l’Histoire, les archives, les
images d’antan. Dans son atelier, elle emmagasine
les revues japonaises d’avant-guerre, les archives
soviétiques sur l’architecture du régime. Françoise
Huguier a une histoire. Sa tendre enfance, elle l’a
passée dans la plantation familiale, en Indochine.
A huit ans, en 1951, elle est enlevée avec son grand
frère par les
indépendantistes:
ils sont restés
huit mois dans des
camps. A la
lumière de ce
passé, on
comprend
l’attention toute particulière que la photographe
apporte, dans ses séries de mode, à raconter les
pays, les gens, les histoires. Françoise Huguier
apprécie les castings de rue, comme si le choix de
natifs participait du repérage. Elle privilégie les
mises en scène simples, elle recherche le naturel,
jusque dans les moindres détails. « Je travaille avec
une lumière naturelle, qui vient dans un sens, un
seul sens. » Contrairement à un certain cinéma où
tout est parfaitement éclairé. « Je n’aime pas
beaucoup les ciels bleus, voyez-vous?»
JONATHAN TORGOVNIK
En 2006, il entame un travail de trois ans au
Rwanda consacré à photographier et à interviewer
les femmes victimes des violences sexuelles
pendant le génocide de 1994 et devenues mère de
l’enfant de leur agresseur. Sous l’angle – peut-on
aimer un enfant né du viol? – il raconte ces femmes
qui élèvent les enfants de leur violeur. En 2007, il
remporte le prix du portrait photographique de la
National Portrait Gallery pour l’une de ces images.
Inspiré par les personnes qu’il rencontre, il cofonde
la Foundation Rwanda* pour améliorer les
conditions de vie de ces enfants en créant des
écoles secondaires et
en aidant leurs mères.
Né en Israël en 1969,
diplômé de l’école des
Arts Visuels de New
York, Jonathan
Torgovnik est
largement exposé et
publié dans de nombreux journaux: «Newsweek»,
«Aperture» , «Geo», «Sunday Times Magazine»,
«Stern»... On retrouve ses photos dans
les collections permanentes de la Bibliothèque
nationale de Paris et du Museum of Fine
Arts de Houston.
*www.foundationrwanda.org
© Tr i s t a n S i e g m a n
ALEXANDER GRONSKY
©Roland Allard
Née à Téhéran en 1969, cette photojournaliste
iranienne diplômée de l’université Azad de Téhéran
en art de la photographie a collaboré à différents
magazines et journaux iraniens. Journaliste freelance depuis 2002, son travail a été publié à
l’international dans plusieurs journaux comme «Le
Figaro», « Stern», « Télérama», « Boston Globe»,
«Fortune»,
«Elle», « Die
Welt am
Sontag»,
l’«Humanité»...
Ses photos ont
dévoilé
l’existence des
femmes actives
en Iran. Lors de
leur parution,
elles ont
provoqué une
réelle surprise comme celle de cette jeune femme,
pilote de course. 60% des effectifs des
universités iraniennes est féminin.
Ouvrières, intellectuelles ou sportives,
elles portent toutes le voile : l’insigne
obligatoire de leur condition.
© I v e t a Va i v o d e
©Delphine Minoui
ZOHREH SOLEIMANI
hiver 2009 – 2010 I
11
Jamais le luxe n’a eu
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La Jaguar XF re
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Matériaux nobles, trad
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DE 0 À 100KM/H
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BOÎTE SÉQUENTIELLE
AV E C PA L E T T E S A U VO L A N T
J A G U A R. F R
Jaguar France (Division de Jaguar Land Rover France SAS) - Siren 509 016 804 RCS Versailles
© Nicola Gleichauf
Elle a passé huit ans dans 11 pays différents pour
rendre compte des conditions d’incarcération des
mineurs dans le monde. « Une société se juge aussi
à la manière dont elle traite ses enfants... » Dire que
Lizzie Sadin est une photographe engagée est
presque un pléonasme. Depuis 1992, cette
photographe arrête son regard partout où la dignité
humaine est mise en cause. Lizzie Sadin a choisi de
photographier les sujets humains les plus
dramatiques: la violence conjugale en France,
l’élimination des
petites filles en Inde,
les mariages forcés au
Pakistan... Son travail
sur les lieux de
détention des mineurs
dans le monde,
«Mineurs en peines»,
a été récompensé par
plusieurs prix en France
et à l’étranger.
LE CHOIX DE LA
PHOTO D’ACTUALITÉ
- FRANCE INFO
São Paulo de
Carlos Cazalis page 66
A retrouver dans la chronique PHOTOS
PHOTOGRAPHES de Pascal Delannoy
tous les samedis 5 h 12 - 6 h 42 - 10 h 13 22 h 43 - 00 h 43 et sur france-info.com
© Xiao Kuan
LIZZIE SADIN
BRUNO CALENDINI
XAVIER DESMIER
MARC RIBOUD
Henri Cartier-Bresson et de Capa. Il intègre l’agence
Magnum en 1953. Après un long séjour en Inde, il
devient l’un des premiers photographes
occidentaux à pénétrer en Chine après
la révolution maoïste, pays qu’il explorera
pendant 40 ans. Poète des paysages et des instants
de vie, Marc Riboud rend compte aussi des crises et
des conflits sans pour autant s’apparenter à la
démarche d’un reporter de guerre. Exposé, publié,
célébré dans le monde entier, ce voyageur
infatigable sort deux livres : « les Tibétains»,
(éd. de l’Imprimerie Nationale) et, «Algérie,
Indépendance», (éd. Bec en l’Air). Marc Riboud
prépare aussi de grandes expositions à Dallas,
Shanghai, Pékin...
« J’essaie systématiquement de capter la
“personnalité” des animaux que je photographie et
de les sublimer par un angle inattendu, une astuce
photographique, une ambiance dramatique, un clin
d’œil humoristique... en privilégiant l’originalité et
surtout l’esthétique. » Après une longue expérience
parisienne dans différents domaines de la
photographie, Bruno Calendini s’oriente vers la
prise de vues de nature. L’attirance pour les grands
espaces et la vie sauvage
emmène ce Français, né en
1965, dans le delta de
l’Okavango, puis en Afrique
de l’Est et à Madagascar.
Il entame alors un travail
de fond sur la faune avec
des techniques et des
traitements d’images peu utilisés en photographie
de nature. Son exposition présentée pour la
première fois au Festival de Montier-en-der en 2005
est fortement inspirée de ses expériences passées
dans le portrait, la mode ou encore le sport.
Des clichés rendus intemporels par un traitement
sépia et regroupés dans son livre « Sauvages »
(éd. le monde de la photo/Cacimbo). Les couleurs
sont désormais à l’honneur dans ses nouveaux
reportages en Afrique pour un rendu photographique
très personnel, inspiré de la peinture.
« J’étais l’étranger en Algérie et en Algérie,
l’étranger est reçu comme un père», raconte Marc
Riboud touché par l’accueil
d’une délégation du FLN qu’il
suit en Kabylie pour annoncer
de village en village la bonne
nouvelle de l’Indépendance.
Le photographe de « l’instinct
de l’instant » saisit la liesse, la
ferveur, l’émotion que
provoque l’indépendance de l’Algérie après des
années de guerre. Né en 1923, Marc Riboud se
lance dans la photographie sous l’impulsion de
Il a vite appris à mettre la tête sous l’eau. Sans
fermer les yeux. Le jeune garçon, né en 1960 à
Meudon, se prend tôt à rêver de fonds marins et
commence la plongée à l’âge de 10 ans. Une
passion qui se mêle à celle de la photographie.
Les deux deviendront
indissociables quand
Xavier Desmier,
diplômé de l’EFET de
Lyon, rejoint l’équipe
Cousteau en 1981.
Plongeur-caméraman,
il enchaîne les missions en Amazonie et réalise une
quarantaine de films pour l’émission «Thalassa».
Après avoir intégré l’agence Rapho en 1993, il
oriente son objectif vers le monde polaire qui le
fascine. Direction l’archipel Crozet, dont les images
sont récompensées en 1998 par le premier prix au
«World Press » catégorie Environnement. « Dans les
pas de Paul-Emile Victor», l’explorateur se rend sur
les côtes orientales du Groenland pendant l’hiver et
l’été 2006. Ses photos sous-marines font le tour du
monde. Elles circulent pendant quatre ans en
France et en Europe dans le cadre de l’exposition
«Sixième Continent » et sont régulièrement
publiées dans « National Géographic», « Géo»,
«Grands Reportages», « Terre Sauvage», « Paris
Match», « New York Times», « Time»...
© Bernard Mathieu
Il cultive la discrétion. On sait de lui qu’il est né en
1971. Après une licence en droit à l’université de
Varsovie, Tomasz Gudzowaty choisit la
photographie pour se consacrer aux témoignages
sur la société contemporaine. Photographe à la fois
classique et humaniste, il
a commencé par des
travaux sur la nature et
particulièrement l’Afrique
avant de s’investir dans
des documentaires
sociaux puis dans le
reportage sportif. Ses
photos ont été éditées dans « Max Magazine »,
«L’Equipe», « The Guardian», « Newsweek»,
«Forbes», « Time » et « Photo». Il a également publié
plusieurs livres. Il a remporté de nombreux prix
parmi les plus importants décernés aux
photographes, tels que le Word Press Photo,
Pictures of the Year, NPPA Best of Photojournalism.
Il est représenté par Focus Fotoagentur de
Hambourg et la Yours Gallery à Varsovie.
© Laurent Dubois
© Autoportrait
TOMASZ GUDZOWATY
DÉSORMAIS, POLKA MAGAZINE EST INTERACTIF AVEC
Polka Magazine est également interactif, grâce à la technologie hy.pr (anciennement smub), pour les sujets suivants: L’éditorial d’Alain Genestar, et les photos d’Alexander Gronsky, Françoise Huguier, Carlos Cazalis, Julio
Bittencourt, Tomasz Gudzowaty, Bruno Calendini, Xavier Desmier et Marc Riboud.
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Voici comment :
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hiver 2009 – 2010 I
13
Celui qui nous parlait d’images
WILLY RONIS
1910-2009
Il aimait les femmes, toutes les femmes :
syndicalistes, marinières, marchandes de frites, écuyères, amoureuses,
en robe du soir ou toutes nues. L’hommage de Polka, avec les légendes de
Philippe Sollers, Gérard Uféras et… Willy Ronis.
WILLY RONIS
NEUILLYSAINT-FRONT,
1948
«Et maintenant,
c’est l’hiver, on est
dans un château,
Mouche a 15ans,
elle est assise
devant un grand
feu de bois dans
une cheminée
ancienne: les
briques, les
chenets, le
tisonnier sont
ses instruments,
elle se chauffe,
elle entre dans
le feu. Ronis est
assis par terre
derrière elle, juste
où il faut pour
faire éclater sa
beauté. C’est une
jeune sorcière,
une magicienne,
elle a des pouvoirs
cachés. Comme
toujours, Ronis
trouve une courbe
inattendue et
puissante (l’arc
de la cheminée, la
colonne vertébrale
éclairée). D’où
sort cette
beauté?»
Philippe Sollers
hiver 2009 - 2010 I
17
CALAIS, 7 JUIN 2009
Un réfugié du Tchad, qui a quitté son pays à la suite du
conflit du Darfour, sort de la maison abandonnée
squattée par de nombreux Soudanais.
28 I polka magazine #7
Kosuke
Okahara
Il y a les centaines de
migrants sans papiers qui,
depuis la destruction de la
« jungle », n’ont plus d’abri.
Il y a aussi ces quelques
habitants qui leur ouvrent
leur porte. Les uns
comme les autres défient la
législation française.
CALAIS, LES HORS-LA-LOI
hiver 2009 - 2010 I
29
DIANE GRIMONET
CALAIS, OCTOBRE 2009
Moustache reçoit Ahmed chez lui, et lui prépare un thé
après lui avoir donné des vêtements.
36 I polka magazine #7
Diane
Grimonet
Ils sont parfois
dénoncés par leurs
voisins, désavoués par
leurs proches, surveillés
par la police. Mais pour
Moustache, Brigitte et les
autres Calaisiens de
bonne volonté, l’accueil
est un devoir humain.
POUR EUX, L’HOSPITALITÉ FAIT LOI
hiver 2009 - 2010 I
37
MOSCOU, HIVER 2009
L‘hiver et la neige ne sont pas des
symboles de la mort pour les peuples du Nord,
mais, au contraire, du repos qui vient comme une
libération et un soulagement après les labeurs
de l’automne. Tout prend une apparence
douillette. «L’hiver! Le paysan triomphe et
rafraîchit la route avec son traîneau!»
(Alexandre Pouchkine). La nature prend le dessus
sur l’urbanisation et la désolation.
Alexander Gronsky
RUSSIE, LE PAYS BLANC COMME NEIGE
Vingt ans après la chute du Mur et les premières fissures du régime
soviétique, la Russie refuse de regarder en face les sombres années de l’Empire
rouge. Elle enfouit son histoire. Comme sur ces photos d’Alexander Gronsky
où la neige immaculée cache les cicatrices des villes.
Françoise Huguier
UNITED COLORS
Son studio est le décor de la vie.
Pour photographier la mode, Françoise Huguier
montre les femmes dans un univers réel.
Une cuisine, un champ de canne à sucre, un café.
Journaliste de terrain, elle est aussi metteur
en scène de ses images.
Carlos Cazalis
SAO PAULO, MÉTROPOLE SAUVAGE
Avec ses 22 millions d’habitants, la capitale économique du Brésil, siège des grandes
compagnies, draine tous les espoirs du continent sud-américain. Les riches construisent des
condominiums de luxe sous haute surveillance, les pauvres survivent sur les trottoirs ou
dans les favelas. La plus forte concentration au monde de tensions sociales.
SÃO PAULO, MAI 2007
Connu sous le surnom
du «Moulin», ce modeste bidonville
niché au cœur de São Paulo, entre voie
rapide et chemin de fer, abrite une
cinquantaine de familles. Cette favela
est devenue tristement célèbre en
raison des nombreux cadavres jetés à
l’intérieur de l’ancien moulin et des
trafics de drogue qui y ont cours.
Julio Bittencourt
PRESTES MAIA 911,
SAO PAULO
Jonathan Torgovnik
CONÇUS DANS
LA HAINE, ÉLEVÉS
DANS L’AMOUR
Au Rwanda, pendant les massacres de 1994,
250 000 femmes ont été violées. Selon les estimations,
20 000 enfants sont nés de ces crimes. Dans ce reportage
réalisé entre 2006 et 2009, inédit en France, des mères ont
accepté de témoigner, en posant avec leur fils ou leur fille.
VALÉRIE ET SON FILS, ROBERT
«Aujourd’hui, je suis libre. Je me sens satisfaite
et j’ai foi en Dieu et dans les associations humanitaires qui nous soutiennent.
Ils nous encouragent à vivre positivement.»
Photo de droite
CLARE AVEC SA FILLE, ELIZABETH
«Je ne sais pas combien ils étaient, mais à chaque fois que j’étais “sauvée”
par quelqu’un, il me violait puis me conduisait dans un autre endroit où j’étais violée
à nouveau. C’est comme ça que je me déplaçais.»
76 I polka magazine #7
Tomasz Gudzowaty
AIR FORCE
Indiens, Chinois, Ukrainiennes, ces sportifs défient les lois de la pesanteur.
Au prix d’un long entraînement, aussi mental que physique. L’artiste polonais livre
une vision quasi anthropologique du sport et de ses pratiques ancestrales,
nous révélant un art d’une folle exigence.
Au moment du sommet de Copenhague sur le
réchauffement climatique, Polka publie ces photos d’animaux dont l’environnement est gravement
menacé. De l’Afrique subsaharienne où chassent
les grands fauves, à l’océan Antarctique des
prédateurs marins, l’équilibre du vivant vacille.
Les décisions qui doivent être prises au Danemark
par la communauté internationale engagent l’avenir de la planète. Polka est partenaire du festival
animalier de Montier-en-Der, qui se tient du 19 au
22 novembre 2009. Son objectif : sensibiliser
l’opinion publique à la protection de la nature.
Bruno Calendini
UN MONDE ANIMAL
SI FRAGILE
BRUNO CALENDINI
KENYA, 2005
Perché sur un rocher,
ce gros babouin baye aux
corneilles! Cela se passe le soir
pendant la saison des pluies.
Mâle dominant, il guide une
colonie de babouins sur la
Baboon Cliff. C’est le nom de la
falaise qui domine le lac Nakura
en fond de décor sur la photo.
Des flamants roses et des
pélicans correspondent aux
petits points blancs visibles au
bord du lac. Dangereux
pour l’homme, les babouins
attaquent souvent les
flamants roses.
«Le traitement de mes photos est
très inspiré de la peinture.»
Bruno Calendini
Marc Riboud
2 JUILLET 1962,
JOUR DE FETE A ALGER
Ces photos en noir et blanc, extraites de son dernier livre,
« Algérie, indépendance » ont la couleur de l’époque, à la manière
d’un album de famille. Marc Riboud ne photographie pas le sang,
ni la mort, mais la joie et la vie avec, comme l’écrit
Jean Daniel dans sa préface, « une sensibilité de poète de la
quotidienneté et d’historien de l’intime ».
polka expo
Trois ans, jour pour jour, après les attaques terroristes du 11 septembre 2001, Caroline
Mangez, grand reporter à « Paris Match » embarquait avec Alexandra Boulat,
photographe à l’agence VII, pour un voyage de trois mois le long de ce que George
W. Bush qualifiait d’« axe du Mal ». Kaboul-Bagdad en passant par l’Iran où elles ont
séjourné quarante-cinq jours... Il ne s’agissait pas de courir après les bombes, simplement
de soulever un coin de ces voiles sous lesquels des femmes, réduites à l’état d’ombres
alors qu’elles constituent la majorité de la population, étaient priées de s’ensevelir au
nom de la modestie qui leur était prêchée en public. Alexandra Boulat est morte en
septembre 2007, à la suite d’une rupture d’anévrisme. Nous l’appelions « Alex ».
TÉHÉRAN, 2004
Une thèse sur les chants
traditionnels du nouvel an
avait permis à Orkideh Hajivandi
et ses musiciennes d’obtenir
l’autorisation de former le premier
groupe «pop» féminin de
l’histoire post-révolution. Si
elles étaient fières de s’être
produites en concert devant un
public exclusivement féminin
après approbation des textes par
le ministère de la Guidance, leurs
bluettes parlant d’amour étaient
en revanche interdites sur les
ondes. En privé, derrière
les rideaux, elles s’éclataient,
littéralement accrochées
à leurs basses...
Caroline Mangez
Alexandra Boulat
QUAND LA PHOTOGRAPHE SOULEVAIT
UN COIN DU VOILE
polkaart
«LA PHOTO EST DEVENUE
LE FER DE LANCE DE L’ART IRANIEN»
Rencontre avec Anahita Ghabaian Etehadieh, directrice de la Silk Road Gallery
à Téhéran et commissaire de Photoquai 2009.
A
ujourd’hui c’est la photographie qui est l’art le plus
adapté, le plus moderne
pour dépeindre la société
iranienne. Plus que la
peinture ou la sculpture
encore très ancrée dans le passé, trop fidèle
à des techniques traditionnelles », précise
d’entrée Anahita Ghabaian Etehadieh.
Tout comme il existe un cinéma iranien, il y a une photographie iranienne
dont les acteurs sont progressivement
reconnus à l’étranger.
L’histoire démarre avec la naissance
de la technique photographique, il y a plus
de cent soixante-cinq ans. Sous l’ère
Qajar, l’Iran connaît une période de stabilité relative et s’ouvre vers l’Occident. Ce
Shah, éclairé, puis ses descendants, font le
choix d’introduire la photographie à la
cour. «Les photographes officiels s’affranchissent des conventions artistiques et
proposent une photographie très avantgardiste, saisissant aussi bien les personnalités que les femmes, les harems... »
Photoquai à Paris a réalisé une très belle
rétrospective sur ce sujet .
« La photographie touche la population avec le développement des studios de
quartier dans les années 20. Un style qui
illustre bien la rencontre de la culture occidentale avec les traditions iraniennes. »
L’Iran a toutefois fait l’impasse sur les
grands mouvements photographiques portés par Alfred Stieglitz, Man Ray, Walker
Evans ou Henri Cartier-Bresson.
« La production à cette époque est
essentiellement tournée vers les portraits de
famille ou les photos d’identité. Aucun écrit
ne permet d’identifier des courants. Il faut
attendre les années 60 avec Ahmad Aali,
pour voir naître une photographie plasticienne. C’est finalement la chute du dernier
Shah en 1979 et la Révolution islamique
qui précipitent l’Iran sur la scène internationale et propulse une nouvelle génération de
photographes, des photojournalistes et des
«
120 I polka magazine #7
un entretien avec E d o u a r d G e n e s t a r
documentaristes. Certains ont fuit le
régime autoritaire comme Abbas, Reza ou
Alfred Yaghobzadeh. D’autres, nombreux,
ont pu rester comme Bahman Jalali. Tous
ont couvert l’actualité de leur pays ou ont
été influencés par elle. » Le musée de la
Monnaie de Paris revient sur « 30 ans
d’histoire de photojournalisme iranien »,
jusqu’au 20 décembre.
« Ce qui réunit les photographes iraniens y compris les reporters, c’est la poésie parfois écrite en légende ou sur les
images. Importante dans la culture, elle est
« IMAGE OF IMAGINATION », 2002, BAHMAN JALALI
Exposée à Paris Photo à la Silk Road Gallery.
présente partout dans la photographie,
même quand elle aborde des faits horribles. Depuis, la fin de la guerre Iran-Irak,
les photographes se sont orientés vers des
sujets plus intimistes, affranchis de tout
code. Au milieu des années 80, le premier
diplôme de photographie a été créé.
Depuis, la photographie iranienne est en
pleine évolution. »
Bahman Jalali, exposé à Paris Photo
par la Silk Road Gallery, symbolise ce
passage vers un nouveau genre. « Il surprend régulièrement en revenant sans cesse
sur ses réalisations, il les complète, les
renouvelle. Son travail de mémoire sur
l’Iran, à travers l’urbanisme ancien du Sud
du pays ou, sa technique de superposition
de peinture et d’écritures sur des images
anciennes, tranchent avec ses photos de
reportages des années 80. Avec le temps,
Bahman s’est assagi. De témoin, il est
devenu interprète, historien, poète, artiste.
Il revendique l’art dans la photographie y
compris dans ses images documentaires.
Il assume cette période de terrain, elles
font partie de son œuvre. »
La photographie iranienne s’exporte
bien, même si l’Iran est moins représenté
dans le monde que l’Inde ou la Chine. « La
photo est devenue le fer de lance de l’art
iranien. C’est la première fois que se produit à Paris un événement global autour de
la photographie iranienne, la peinture de
notre pays n’y a jamais eu droit. » Même
s’il n’y a pas encore de vrais collectionneurs, « les Occidentaux achètent, la diaspora aussi, mais à la différence de l’Occident, la photographie au Moyen-Orient
tarde à être reconnue comme art, et se vend
moins bien que la peinture même si elle
s’en inspire ».
L’Iran possède de vrais artistes
comme Bahman Jalali et tous ceux exposés actuellement à Paris. « Même les photographes exilés en Europe ou aux EtatsUnis sont imprégnés de références
iraniennes. Abbas, par exemple, a consacré tout son travail à l’étude des religions.
Il a quitté jeune l’Iran mais la Révolution
islamique a suscité, chez lui, le besoin
d’aller voir à travers le monde l’empreinte
de la religion. L’histoire récente de l’Iran
a déterminé son itinéraire ».
•
• « la photographie arabe et iranienne », Paris
Photo, du 19 au 22 novembre, au Carrousel
du Louvre, Paris.
• « 2e biennale des images du monde. La photographie iranienne à l’honneur », Photoquai,
musée du Quai Branly, Paris, jusqu’au 22 novembre. Le livre-catalogue est paru aux éditions Actes Sud (202 pages, 30 €).
• « 30 ans de photographie documentaire iranienne », La Monnaie de Paris, jusqu’au
20 décembre.
APPEL A
CANDIDATURE
2010
Le Prix HSBC pour la Photographie, accompagne chaque année la promotion de
deux jeunes talents photographiques. Nous faisons appel à vous, professionnels
et passionnés de la photographie, pour participer au concours qui déterminera les
deux lauréats 2010.
Dès le 5 octobre 2009, connectez-vous sur le site HSBC pour télécharger le
dossier de candidature :
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Clôture du concours : 27 novembre 2009
Michel Comte, Carla Bruni, 1993. Courtesy of the Artist and Guy Hepner.
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artnet fournit de l’information en profondeur sur l’activité du marché de l’art : Une ligne éditoriale riche, un
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importantes galeries internationales.
polka enquête
TOUCHE PAS A MA PHOTO
Le débat sur la mise en scène et la retouche fait rage. Mais pourquoi refuser le progrès technique
quand il sert l’information ? « Le but, dit Jean-Jacques Naudet, est de rendre
une image plus parfaite au bénéfice de celui qui la voit. »
par E l i s a M i g n o t
ERIC
BAUDELAIRE
2006
Scène de guerre
dans les rues
de Bagdad,
recomposée dans
les studios
hollywoodiens
de la série
télévisée
«Over There».
( c ) P h o t o E r i c B a u d e l a i r e « T h e D r e a d f u l D e t a i l s » c - p r i n t , d i a s e c , 2 0 9 x 3 7 5 c m ( d i p t y c h ) , c o m m i s s i o n C n a p / A D A G P.
D
eux étudiants des Arts décoratifs de Strasbourg ont décidé,
en juin dernier, de berner l’un des plus grands magazines
de photojournalisme. Avec un reportage sur les ga-
lères de la vie d’étudiants en France complètement inventé, composé et légendé au plus
proche de ce qu’on peut attendre de la vérité, ils
ont gagné un prix qui, lui, est vrai : le Grand Prix
Paris Match du photoreportage étudiant 2009. L’épisode est presque
anecdotique ; la rédaction de l’hebdomadaire en a vu d’autres et sa
réputation n’a essuyé qu’un léger coup de griffe. Pourtant dans les
temples de la photo que sont Arles et Perpignan, la mésaventure a
fait débat. Qu’on s’insurge ou qu’on rie sous cape, tout le monde
s’accorde à dire que le travail des étudiants n’est évidemment pas
du photojournalisme, mais un malaise plane. Plus gênant que ce bidonnage monté de toutes pièces et surtout avoué, voici le spectre de
la mise en scène – celle qui avance masquée, bien plus pernicieuse
et redoutée – qui réapparaît. Encore une fois.
Le sujet est délicat. On peut le balayer du revers de la main en
alléguant que toute photographie est construite, qu’elle est un choix,
l’expression d’une subjectivité et qu’ainsi la mise en scène existe de
fait. Soit. On peut ajouter que depuis qu’il existe des photos, il existe
des faux, et sortir des tiroirs de l’Histoire des clichés de propagande
qui, selon les époques, ont gagné ou perdu quelques-uns de leurs
figurants. Certes. Et pourtant, de façon récurrente, des reporters sont
traités de faussaires : ils auraient fait poser leur sujet ou retouché une
photo. Ils ne sont pourtant pas des cas isolés... Qu’ont-ils fait pour mériter cette vague d’indignations? Existerait-il des mises en scène plus
ou moins acceptables? Ont-ils dépassé les limites? Dans ce cas, où est
placée la ligne rouge? Elle est mouvante, voilà le problème, et dépend
du photographe, du lieu de diffusion autant que du contexte de perception. Nul besoin d’édicter des règles de bonne conduite. L’honnêteté
intellectuelle et la conscience professionnelle, seules, font loi.
«Il faut être lucide, tonne Marc Brincourt, rédacteur en chef adjoint du service photo de “Paris Match”. On avait 4 000 dossiers
pour le concours, je n’allais pas envoyer des reporters aux quatre coins du monde pour tout vérifier ! Et on ne le fait pas non plus
avec les sujets du mag car on fait con-fian-ce à nos photographes.
Sinon comme le “National Geographic”, on contrôle tout, et ça sort
huit mois après !»
L’éternel débat sur la photo prise par Robert Capa du républicain
espagnol tombant au combat est probablement le plus connu des querelles sur la mise en scène qui remuent périodiquement la profession.
La posture du milicien n’est-elle pas douteuse ? Etait-ce bien, à
l’époque, une zone de combat ? Autre cas d’école : est-ce l’armée
américaine ou l’armée sud-vietnamienne qui a bombardé au napalm
le village dont la petite fille, immortalisée par Nick Ut en 1972, s’enfuit sur la route, nue et hurlant de douleur ? La réponse importe peu,
diront certains : le professionnalisme de ces hommes n’en sera pas
remis en cause et la portée symbolique et historique de leurs clichés
non plus. Mais Adnan Hajj, le photographe de >>suite page 124
hiver 2009 – 2010 I
123
polka livres
Ellen von
Unwerth
GLAMOUR
FRÄULEIN
Son énergie féminine
et ses images sensuelles,
souvent inspirées du
cinéma, ont imposé sa
signature dans les plus
grands magazines. Ellen
von Unwerth, ancien
mannequin, est l’une des
figures incontournables de
la mode. « Fräulein », le
dernier livre de la
photographe allemande
publié chez Taschen,
renouvelle le genre.
«Fräulein», d’Ellen von Unwerth,
textes d’Ingrid Sischy, édition
collector en coffret de luxe limité
à 1500 exemplaires signés
par l’artiste, 482 pages, trilingue,
éd. TASCHEN, 500 €.
Photo ci-contre
ELLEN VON UNWERTH
ROOM 211, LONDON, 2000
128 I polka magazine #7
hiver 2009 - 2010 I
129
polka livres
Lizzie Sadin
par Ye m e l i O r t e g a
138 I polka magazine #7
REGARDEZ
BIEN CES ENFANTS
Profondément humaniste, Lizzie
Sadin est spécialisée dans les grands
reportages portant sur la défense
des droits de l’homme et la
dénonciation de toutes les injustices.
Pour la Journée mondiale des droits
de l’enfant – le 20 novembre –
Polka réédite ces quelques images
de ses « Mineurs en peine »,
exposées à Visa pour l’image
en 2007, publiées la même année par
le « Figaro Magazine ». Huit ans
d’acharnement ont été nécessaires
pour infiltrer une soixantaine de
prisons dans onze pays... Un travail
remarquable, récompensé par de
nombreux prix et salué par
Actes Sud, qui accueille Lizzie Sadin
dans sa collection Photo Poche,
à paraître fin novembre.
LIZZIE SADIN
ISOLATEUR D’INSTRUCTION DE
LEBEDEVA (PRÉVENTIVE), QUARTIER DES MINEURS,
SAINT-PÉTERSBOURG, RUSSIE, SEPTEMBRE 2001
«Les jeunes sont enfermés 23 heures sur 24 dans des conditions
d’un autre âge, dans une même cellule avec des adultes qui font
office de kapos. Ils manquent de produits d’hygiène et de nourriture
et sont soignés à l’aspirine lorsqu’ils sont atteints de la tuberculose
ou du sida… Ils sont soumis au racket et à la violence, et n’ont
jamais la visite de leurs parents car ils sont détenus très loin de leur
domicile. Parfois ils attendent deux ou trois ans avant d’être jugés,
bien souvent pour des délits qui ne mériteraient pas cette durée...»
hiver 2009 – 2010 I
139

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