Fiches TD 2014-2015 LUNEL S1

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Fiches TD 2014-2015 LUNEL S1
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UNIVERSITE PARIS VIII
(L. 1)
INTRODUCTION HISTORIQUE AU DROIT
(Séances de travaux dirigés)
A. LUNEL
Maître de conférences
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METHODE DU COMMENTAIRE DE TEXTE EN HISTOIRE DU DROIT
Le commentaire de texte en histoire du droit doit impérativement se conformer aux règles
suivantes :
1. - PRÉPARATION (durée de l'exercice: 1 h. 30)
Elle commence par:
1. Une lecture approfondie du texte, crayon à la main (durée 20 mn).
Il s'agit de décortiquer le texte, en repérant ses principales articulations et en soulignant les
mots et les notions essentielles qui feront l'objet de définitions dans le commentaire. En lisant
le texte, il convient, sur des feuilles de brouillon que l'on utilisera qu'au recto, de noter les
idées principales contenues dans le texte et les connaissances acquises en cours auxquels elles
renvoient. À partir de cette analyse du texte, on peut ensuite procéder à :
2. L'élaboration du plan (durée 40mn)
a) Méthode d'élaboration. - Partant de l'analyse du texte et des notes prises au brouillon,
l'élaboration du plan doit permettre ensuite la construction d'un devoir qui évitera deux
écueils principaux :
1/ La dissertation, qui consiste à réciter son cours ou à exposer de manière théorique des
questions qui se sont pas en rapport direct avec le texte.
2/ La paraphrase qui consiste à répéter le contenu du texte sans l'analyser.
Pour éviter ces travers, l'élaboration du plan doit être effectuée uniquement à partir du
contenu du texte lui-même. Les idées jetées au brouillon doivent être numérotées et l'on doit
ensuite tenter de faire entrer tous ces numéros dans les différentes parties du plan que l'on
élabore.
b) Règles d'élaboration. - Le plan doit respecter impérativement trois règles :
1/ Il doit d'abord à tout prix être organisé en deux parties.
2/ Il doit ensuite être parfaitement symétrique : si la première partie comprend deux
paragraphes, la deuxième doit aussi en comprendre deux; si la première en comprend trois ce qui est le maximum possible - la deuxième en comprend également trois.
3/ Il doit enfin être équilibré : les parties et les paragraphes doivent être sensiblement de la
même taille.
Deux grands types de plan sont possibles. Le commentaire peut en effet être soit
thématique soit linéaire.
- Le commentaire thématique consiste à choisir deux idées fortes du texte ou encore deux
axes de réflexion (par ex. pourquoi / comment) à partir desquels sera organisé le commentaire.
- Le commentaire linéaire, qui est de loin la meilleure formule, mais la plus difficile,
consiste à commenter le texte ligne à ligne voire même mot à mot en respectant très
scrupuleusement l'ordre dans lequel il a été rédigé.
c) Règles de présentation.- Le plan du texte doit impérativement être apparent. Il faut
donc donner aux parties et aux sous-parties des titres. Mais le devoir doit cependant pouvoir
aussi être lu sans ces titres. En tête de chacune des parties, il faut par conséquent annoncer en
une ou deux phrases les sous-parties. Par ex. : « Après avoir abordé telle question (A), nous
nous pencherons sur telle autre (B)) ou encore « Avant d'examiner tel problème (B), nous
étudierons tel autre (A) ».
À la fin de chaque sous-partie, il faut en outre ménager une phrase de transition qui assure
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le lien avec la partie suivante.
D'où cette présentation :
I. Titre
Annonce des sous-parties
A / Titre
Transition
B / Titre
Transition
II. Titre
Annonce des sous-parties A / Titre
Transition
B / Titre
Transition
3. La rédaction de l'introduction (durée 30 mn)
L'introduction du commentaire de texte est un élément capital du devoir, quantitativement,
elle représentera souvent jusqu'à 25% de l'ensemble. Elle comprend obligatoirement quatre
points, nécessairement présentés dans l'ordre qui suit :
a) Présentation du texte et de l'auteur. - Il faut ici indiquer tout d'abord la nature du
texte: normatif (capitulaire, ordonnance, extrait du Corpus juris civilis...) ; diplomatique
(charte, notice, extrait de cartulaire ... ) ; narratif (chronique) ; littéraire (œuvre de fiction ... )
etc. On doit ensuite donner sa date et présenter son auteur, s'il est connu.
b) Contexte historique du texte. - Le texte doit être replacé dans son contexte politique,
économique, social et culturel de la manière la plus précise possible. On évitera à cette
occasion la dissertation et le hors sujet en veillant notamment à ne pas évoquer des questions
contemporaines du texte mais sans rapport direct avec son contenu.
c) Problématique juridique et historique du texte. - Partant du contexte, il convient
ensuite de mettre en exergue les problèmes de critique que pose le texte relativement à
l'histoire du droit et des institutions. C'est à partir de ces problèmes qu'est bâti le plan, selon la
manière indiquée ci-dessus.
d) Annonce du plan. - Découlant naturellement de la problématique qui précède,
l'annonce du plan, qui se fait en une ou deux phrases doit être à la fois parfaitement correcte
du point de vue littéraire et sans aucune équivoque. Par exemple: «Ainsi, ayant envisagé telle
question (1), nous pourrons nous pencher sur telle autre (II) ».
NB La préparation qui précède sera le seul exercice demandé le jour du plan sur
table. À l'issu de cette préparation, le devoir se poursuit par la rédaction.
II. LA RÉDACTION
Le plan détaillé ayant été minutieusement établi, la rédaction du devoir ne pose aucune
difficulté particulière de méthode. Quelques précautions s'imposent cependant.
1. D'abord, on doit veiller sans cesse à suivre le texte de près, afin de ne pas disserter au
lieu de commenter. Pour ce faire, il est conseillé de partir de très courtes citations ou de mots
du texte que l'on reprend directement pour les commenter.
2. Ensuite, on doit absolument veiller à la rigueur de l'analyse historico-juridique. L'écueil
principal à éviter est bien sûr l'anachronisme qui, nécessairement, entraîne une erreur
d'interprétation. Deux règles permettent de l’éviter :
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a) À aucun moment il ne doit être fait allusion, dans le corps du devoir, à un fait ou un
événement postérieur au texte commenté : pas plus qu'on ne peut expliquer le présent par
l'avenir, on ne peut en effet expliquer le passé par le présent ou par des éléments plus récents
que ceux sur lesquels on se penche.
b) Tout jugement personnel, même neutre doit être absolument banni : l'opinion
personnelle du commentateur est par essence sans intérêt.
3. Enfin, il faut veiller à respecter les normes littéraires admises dans la présentation
matérielle du commentaire. À ce propos, on peut rappeler que :
a) L'emploi du futur dans le passé est strictement prohibé.
b) Les majuscules s'emploient seulement en début de phrase, pour les noms propres et
pour les institutions uniques lorsqu'il s'agit de choses, jamais lorsqu'il s'agit de personnes. On
écrit donc l'Église, l'État, le Parlement, mais le roi, l'empereur, le pape... Lorsque l'institution
est accompagnée d'un adjectif, celui-ci ne prend une majuscule que lorsqu'il est placé avant :
le Tiers-État, mais les États généraux ... Le mot saint ne prend une majuscule que lorsqu'il est
appliqué à une fête, un lieu une institution (la Saint-Jean, la commune de Saint-Cloud, la
basilique Saint-Pierre), jamais lorsqu'il est employé comme prédicat : le roi saint Louis. Dans
ce dernier cas, on ne l'utilise que lorsqu'il est indispensable pour identifier le personnage (on
dit saint Louis, mais Thomas d' Aquin, Jeanne d'Arc etc.). Cas particuliers :
Saint-Esprit, Sainte-Trinité, Saint-Office, Saint-Siège, Saint-Empire, Sainte-Alliance.
On met aussi une majuscule aux noms des peuples (les Burgondes, les Francs) et aux noms
des grandes périodes historiques: l'Antiquité, le Moyen Âge (sans trait d'union), l'Ancien
Régime, la Révolution, l'Empire etc. II est bon de rappeler également que les majuscules,
contrairement à une légende fort répandue, doivent impérativement être accentuées à peine
d'entraîner de regrettables confusions; comment distinguer sans accent, par exemple : LES
ENFANTS LÉGITIMÉS DE LOUIS XIV et LES ENFANTS LÉGITIMES DE LOUIS XIV ?
c) Le millésime des rois de France, des empereurs et des papes doit impérativement être
libellé en chiffres romains et non en chiffres arabes et il en va de même, en dépit d'une
habitude aussi récente que déplorable, des siècles. Hormis ces cas et les dates, pour lesquelles
on doit en revanche employer les chiffres arabes, tous les nombres doivent être écrits en
toutes lettres.
d) Un devoir ne doit jamais être rédigé à la première personne du singulier. On évitera
également le pluriel de majesté (nous verrons ... ) pour préférer la troisième personne (on peut
constater ... ), le style indirect (il semble intéressant de voir ... ).
À la fin du commentaire, on doit aussi rédiger une conclusion.
Rédaction de la conclusion: elle doit nécessairement comprendre trois points.
a) L'appréciation générale de la sincérité du texte. - Celle-ci doit se garder de toute
analyse subjective et ne reposer que sur des données de méthodologie historique. On
appréciera par exemple de manière fort différente un document normatif ou diplomatique et
un document littéraire ou narratif.
b) L'apport historique et juridique du texte. - Il s'agit ici de montrer dans quelle
mesure le contenu du texte est original ou à l'inverse banal et de replacer cette originalité ou
cette valeur d'exemple dans l'histoire générale du droit et des institutions.
c) L'ouverture. - La dernière phrase de la conclusion doit être une porte ouverte sur
l'avenir : les répercutions qu'a pu avoir le texte ou les institutions qu'il décrit dans la suite de
l'histoire.
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La généralisation de la citoyenneté romaine: Édit de Caracalla (212)
Papyrus de Giessen
(Éd. P.-F. GIRARD, Text. de droit romain, II, Camerino, 1977, p. 478-490, trad. J.
GAUDEMET,Inst. de l'Ant., p. 309)
L'empereur César Marc Aurèle Sévère Antonin [= Caracalla] a dit: « Maintenant, donc... il
vaut mieux, en repoussant les plaintes et les libelles, rechercher comment je peux rendre grâce
aux dieux immortels de m'avoir conservé sain et sauf .. par une telle victoire. C'est pourquoi je
pense pouvoir ainsi magnifiquement et pieusement donner satisfaction à leur majesté, si
j'amène au culte des dieux les pérégrins chaque fois qu'ils entrent au nombre de mes sujets. Je
donne donc à tous les pérégrins qui sont sur la terre le droit de cité romaine (tout gere de cité
demeurant), exception faite pour les déditices [... ]. Cet édit augmentera la majesté du peuple
romain quand sera accordé la même dignité à l'égard des autres pérégrins... »
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Le comte, agent de l'administration royale
MARCULFE, Formules, I, 8
(éd .. K. ZEUMER, MGH, LL, v, p. 47-48 ; trad. IMBERT -SAUTEL, Hist. des inst., I, p. 340)
Charte de duché, de patriciat ou de comté. - La perspicacité de la clémence royale est
louée dans sa perfection pour ce qu'elle sait choisir entre tous les sujets ceux que distinguent
leur mérite et leur vigilance et il ne convient pas de remettre une dignité judiciaire à
quiconque avant d'avoir éprouvé sa foi et son zèle. En conséquence, comme il nous semble
avoir trouvé en toi, foi et efficacité, nous t'avons confié la charge du comté, du duché ou du
patriciat, dans tel pays, que Un tel, ton prédécesseur, paraît avoir assumée jusqu'à présent,
pour l'assumer et la régir, en sorte que tu gardes toujours une foi intacte à l'égard de notre
gouvernement, et que tous les peuples habitant là - tant Francs, Romains,. Burgondes que
toute autre nation - vivent et soient administrés par ta direction et ton gouvernement et que tu
les régisses par droit chemin, selon leur loi et coutume, que tu apparaisses le grand défenseur
des veuves et des orphelins, que les crimes des brigands et des malfaiteurs soient sévèrement
réprimés par toi, afin que les peuples vivant dans la prospérité et dans la joie sous ton
gouvernement aient à demeurer tranquilles; et que tous ce que dans cette charge l'autorité du
fisc est en droit d'attendre que tu l'apportes toi-même, chaque année, à nos trésors.
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Montesquieu, De l'esprit des lois [1748],
in Œuvres complètes, Paris, Éditions du Seuil, 1965, Livre XXVIII, Chapitre 4. «Comment le droit romain se
perdit dans le pays du domaine des Francs, et se conserva dans le pays du domaine des Goths et des
Bourguignons », p. 725-726.
Le pays qu'on appelle aujourd'hui la France, fut gouverné, dans la première race, par la
loi romaine ou le code Théodosien, et par les diverses lois des barbares qui y habitaient. Dans
le pays du domaine des Francs, la loi salique était établie pour les Francs, et le code
Théodosien pour les Romains. Dans celui du domaine des Wisigoths, une compilation du
code Théodosien, faite par l'ordre d'Alaric, régla les différends des Romains ; les coutumes de
la nation, qu'Euric fit rédiger par écrit, décidèrent ceux des Wisigoths. Mais, pourquoi les lois
saliques acquirent-elles une autorité presque générale dans les pays des Francs ? Et pourquoi
le droit romain s'y perdit-il peu à peu, pendant que dans le domaine des Wisigoths le droit
romain s'étendit, et eut une autorité générale ? Je dis que le droit romain perdit son usage chez
les Francs, à cause des grands avantages qu'il y avait à être Franc, barbare, ou homme vivant
sous la loi salique ; tout le monde fut porté à quitter le droit romain pour vivre sous la loi
salique. Il fut seulement retenu par les ecclésiastiques, parce qu'ils n'eurent point d'intérêt à
changer. Les différences des conditions et des rangs ne consistaient que dans la grandeur des
compositions, comme je le ferais voir ailleurs. Or, des lois particulières leur donnèrent des
compositions aussi favorables que celles qu'avaient les Francs : ils gardèrent donc le droit
romain. Ils n'en recevaient aucun préjudice ; et il leur convenait d'ailleurs, parce qu'il était
l'ouvrage des empereurs chrétiens. D'un autre côté, dans le patrimoine des Wisigoths, la loi
wisigothe ne donnant aucun avantage civil aux Wisigoths sur les Romains, les Romains
n'eurent aucune raison de cesser de vivre sous leur loi pour vivre sous une autre : ils gardèrent
donc leurs lois, et ne prirent point celles des Wisigoths.
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Les missi dominici agents de l'administration centrale
Instruction de Louis le Pieux aux missi (825)
(éd. BORETIUS, MGH, Cap. reg. Franc., l, p. 308 ; trad. LA RONCIÈRE et ALII, L'Europe au Moyen Âge,
I, p. 117)
À Besançon, qui est le diocèse de l'archevêque Bernoin, Hermin, évêque et Monogold,
comte. À Mayence, qui est le diocèse de l'archevêque Heistulf, le même Heistulf évêque et
Ruodbert, comte. À Trêves Hetti, archevêque et Adalbert, comte. À Cologne Hadabold
archevêque et Emund, comte. À Reims, Ebon, archevêque, quand il le peut ; et quand il est
empêché que Ruothad, évêque, à sa place, et Ruofrid, comte, supervisent six comtés, à savoir
Reims, Châlons, Soissons, Senlis, Beauvais et Laon; et, supervisant les quatre évêchés
dépendant de ce diocèse, à savoirNoyon, Amiens, Thérouanne et Cambrai, Régnier évêque et
Bérenger, comte. - Rappel des attributions desdits missi au titre de leur légation. D'abord,
qu'ils réunissent une assemblée en deux ou trois endroits, où tous ceux qui dépendent de leur
légation puisse se rendre; et qu'à tous, en public, ils notifient ce qu'est leur légation, à savoir
qu'ils ont été installés par nous comme missi, pour que si quelque évêque ou quelque comte
pour un empêchement quelconque ne pouvait accomplir son ministère, il ait recours à eux et
qu'avec leur aide il accomplisse son ministère; et si le cas est de nature à ne pas être réglé par
leurs conseils, qu'il soit, par eux, porté à notre connaissance. Et si, d'aventure, un évêque ou
un comte aura été un peu trop négligent en son ministère, qu'il soit réprimandé et remis dans
le droit chemin par les conseils de ces missi. Et que tout le peuple sache qu'ils ont été installés
pour que tout individu, qui par négligence, incurie ou indisponibilité du comte n'a pu obtenir
justice ; et, quand quelqu'un, par nécessité, aura fait appel à nous, que nous puissions nous en
remettre à eux pour statuer définitivement sur les plaintes de ceux que nous aurons renvoyés.
Et que ces missi, courant çà et là, ne se dispersent pas sans raison valable ou nécessité
absolue, sauf, d'aventure, s'ils ont appris que l'une des fonctions [publiques] relevant de leur
légation voyait se produire quelque chose de nature à exiger leur présence et à ne pouvoir être
réglée sans leurs conseils ou leur aide. De ce fait ils doivent en plus veiller à ce que la
négligence de ces [fonctionnaires] ne laisse dans leur légation rien qu'il faille corriger ; et
quand ils ont reconnu qu'il y avait nécessité certaine et véritable, qu'ils ne négligent pas
d'exécuter nos ordres. Nous voulons aussi que [ ... ] ce que nous avons décidé par nos
capitulaires généraux, quel qu'en soit l'objet, soit porté par eux à la connaissance de tous. [ ... ]
Et si d'aventure quelque difficulté qu'ils ne puissent régler laissait imparfait quelque chose de
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ce que nous avons décidé et ordonné, qu'ils en réfèrent à nous et nous l'indiquent à temps,
pour que soit corrigé par nous ce qui n'a pu être corrigé par eux.
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Fulbert de Chartres, Lettre à Guillaume V d'Aquitaine (1020)
(éd. Rec. des hist. des Gaules, X, p. 463; trad. GANSHOF, Qu'est-ce que la féodalité, p. 135-36)
Au très glorieux duc d'Aquitaine Guilhem, Fulbert, évêque. Invité à écrire sur la teneur
de la fidélité, j'ai noté brièvement pour vous ce qui suit, d'après les Livres qui font autorité.
Celui qui jure fidélité à son seigneur doit toujours avoir les six mots suivants présents à la
mémoire : sain et sauf, sûr, honnête, utile, facile, possible. Sain et sauf, afin qu'il ne cause pas
quelque dommage au corps de son seigneur. Sûr, afin qu'il ne nuise pas à son seigneur en
livrant son secret ou ses châteaux forts qui garantissent sa sécurité. Honnête, afin qu'il ne
porte pas atteinte aux droits de justice de son seigneur ou aux autres prérogatives intéressant
l'honneur auquel il peut prétendre. Utile, afin qu'il ne fasse pas de tord aux possessions de son
seigneur. Facile et possible, afin qu'il ne rende pas difficile à son seigneur le bien que celui-ci
pourrait facilement faire et afin qu'il ne rende pas impossible ce qui eût été possible à son
seigneur. C'est justice que le vassal s'abstienne de nuire ainsi à son seigneur. Mais ce n'est pas
ainsi qu'il mérite son fief, car il ne suffit pas de s'abstenir de faire le mal, mais il faut faire le
bien. Il importe donc que sous les six aspects qui viennent d'être indiqués, il fournisse
fidèlement à son seigneur le conseil et l'aide, s'il veut paraître digne de son bénéfice et
s'acquitter de la fidélité qu'il ajurée. Le seigneur aussi doit, dans tous ces domaines, rendre la
pareille à celui qui a juré fidélité. S'il ne le faisait pas, il serait à bon droit taxé de mauvaise foi;
de même que le vassal qui serait surpris manquant à ses devoirs, par action ou par simple
consentement, serait coupable de perfidie et de parjure.
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Richer, Histoire de son temps, Liv. IV
(D'après l'édition originale donnée par G.-H. Pertz, traduction par J. Guadet, Paris, Renouard, 1845, t.II, p. 155,
157, 159 et 16I).
Au temps fixé, les grands de la Gaule qui s'étaient liés par serment se réunirent à
Senlis. Lorsqu'il se furent formés en assemblée, l'archevêque [Adalbéron] [ ... ] leur parla
ainsi : « [ ... ] Louis de divine mémoire ayant été enlevé au monde sans laisser d'enfants, il a
fallu s'occuper sérieusement de chercher qui pourrait le remplacer sur le trône pour que la
chose publique ne restât pas en péril, abandonnée et sans chef [ ... ] Le trône ne s'acquiert
point par droit héréditaire, et l'on ne doit mettre à la tête du royaume que celui qui se distingue
non seulement par la noblesse corporelle, mais encore par les qualités de l'esprit ; celui que
l'honneur recommande, qu'appuie la magnanimité. [ ... ] Décidez vous plutôt pour le bonheur
que le malheur de la république. Si vous voulez son malheur, créez Charles souverain; si vous
tenez à sa prospérité, couronnez Hugues, l'illustre duc. [. .. ] Donnez-vous donc pour chef le
duc, recommandable par ses actions, par sa noblesse et par ses troupes, le duc en qui vous
trouverez un défenseur non seulement de la chose publique, mais de vos intérêts privés. Grâce
à sa bienveillance vous aurez en lui un père. [. .. ] Cette opinion proclamée et accueillie, le duc
fut, d'un consentement unanime, porté au trône, couronné à Noyon le 1er juin par le
métropolitain et les autres évêques [ .. .]. Entouré des grands du royaume, il fit des décrets et
porta des lois selon la coutume royale, réglant avec succès et disposant toutes choses. [ ... ]
Voulant laisser avec certitude après sa mort un héritier au trône, il voulut se concerter avec les
princes, et lorsqu'il eut tenu conseil avec eux, il envoya d'abord des députés au métropolitain
de Reims, alors à Orléans, et lui-même alla le trouver ensuite pour faire associer au trône son
fils Robert. L'archevêque lui ayant dit qu'on ne pouvait régulièrement créer deux rois dans la
même année, il montra aussitôt une lettre envoyée par Borel, duc de l'Espagne citérieure,
prouvant que ce duc demandait du secours contre les Barbares. [. .. ] Il demandait donc qu'on
créât un second roi, afin que si l'un des deux périssait en combattant, l'armée pût toujours
compter sur un chef. Il disait encore que si le roi était tué et le pays ravagé, la division
pourrait se mettre parmi les grands, les méchants opprimer les bons, et par suite la nation
entière tomber en captivité. Le métropolitain comprenant que les choses pourraient tourner
ainsi, se rendit aux raisons du roi. Et, comme les grands étaient réunis aux fêtes de la Nativité
du Seigneur pour célébrer le couronnement du roi, Hugues prit la pourpre et il couronna
solennellement, dans la basilique Sainte-Croix, Robert son fils, aux acclamations des Français,
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et l'établit roi des peuples occidentaux depuis le fleuve de Meuse jusqu'à l'Océan.
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Procès verbal du couronnement de Philippe 1er (1059)
(Recueil des historiens des Gaules et de la France, t. XI, p. 32-33)
L'an de l'Incarnation du Seigneur 1059, indiction douze, vingt-huitième du règne du
roi Henri finissant ce jour, dix des calendes de juin, la quatrième année de l'épiscopat de
Gervais ; le saint jour de Pentecôte, le roi Philippe a été sacré par l'archevêque Gervais dans
l'église cathédrale, devant l'autel de Notre-Dame selon l'ordre suivant. La messe commencée,
avant la lecture de l'épître le seigneur archevêque se tourna vers le roi et lui exposa la foi
catholique, lui demandant s'il y croyait et s'il la voulait défendre. Sur sa réponse affirmative,
on lui présenta la professio ; l'ayant acceptée, il en fit lui-même la lecture, bien qu'il ne fût
alors âgé que de sept ans et il la souscrivit. Cette professio était ainsi : « Moi Philippe, par la
faveur de Dieu bientôt futur roi de France, en ce jour de mon ordination je promets devant
Dieu et devant ses saints de conserver à chacun de vous le privilège canonique, la foi qui lui
est due et la justice; d'être leur défenseur autant que je le pourrai avec l'aide de Dieu, comme
il est juste qu'un roi agisse en son royaume, en faveur de chaque évêque et de l'Église à lui
commise ; d'accorder aussi au peuple qui nous est confié, de notre autorité ; des lois
conformes à ses droits ». Cette lecture achevée, le roi déposa cette promesse entre les mains
de l'archevêque, en présence d'Hugues de Besançon, légat du pape Nicolas II. Étaient
également présent: Hermafroi, évêque de Sion, Mainard archevêque de Sens,Barthélémy,
archevêque de Tours, Heddon évêque de Soissons, Roger, évêque de Chalons, Elinand,
évêque de Laon, Baudoin évêque de Noyon, Riolant, évêque de Senlis, Lietbert, évêque de
Cambrai, Guy, évêque d'Amiens, Aganon évêque d'Autun, Hardouin, évêque de Langres,
Achard, évêque de Chalon-sur-Saône, Isembert, évêque d'Orléans, Imbert, évêque de Paris,
Gautier, évêque de Meaux, Hugues, évêque de Nevers, Geoffroy, évêque d'Auxerre, Hugues,
évêque de Troyes, Itier, évêque de Limoges, Guillaume, évêque d'Angoulême, Arnoul,
évêque de Saintes, Werec, évêque de Nantes, enfin les abbés de Saint-Remi, Saint-Benoît-surLoire, Saint-Denis, etc. L'archevêque Gervais prit en main le bâton pastoral de saint Remi et
exposa, au milieu du plus grand calme, pour quelles raisons il avait le droit d'élire et de
consacrer le roi, depuis que saint Remi avait baptisé et consacré Clovis. Il montra ensuite
comment le pape Horsmide avait donné à saint Remi ce droit de consécration en même temps
que la primatie de toute la Gaule et comment le pape Victor lui avait renouvelé ce privilège à
lui et à son église. Alors avec le consentement de son père Henri, l'archevêque procéda à
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l'élection royale de Philippe. Après lui, les légats du Siège romain quoiqu'il eût été dit
expressément que cette cérémonie pouvait avoir lieu sans l'assentiment du pape, les légats y
assistèrent cependant pour faire honneur au prince et lui témoigner son affection. Après eux,
l'archevêque et les évêques, les abbés et les clercs. Ensuite Gui, duc d'Aquitaine. Après,
Hugues, fils et envoyé du duc de Bourgogne. Après, les envoyés du marquis Baudouin et ceux
de Geoffroy, comte d'Anjou. Ensuite le comte Raoul de Valois, Herbert de Vermandois, Gui
de Ponthieu, Guillaume de Soissons, Renaud, Roger, Manassé, Hilduin, Guillaume
d'Auvergne, Aldebert de la Marche, Foulques d'Angoulême, le vicomte de Limoges. Après,
les chevaliers et le peuple, tant grand que menu, donnant leur consentement d'une seule voix,
approuvèrent en criant trois fois : « Nous approuvons, nous voulons qu'il en soit ainsi. » Alors
Philippe rendit lui-même un précepte, comme avaient fait ses prédécesseurs, concernant les
biens de Notre-Dame, le comté de Reims, les biens de Saint-Rémi et d'autres abbayes. Il le
confirma et souscrivit. L'archevêque souscrivit également. Il l' établit grand chancelier comme
avaient toujours fait ses prédécesseurs pour les archevêques de Reims. Il fut ensuite consacré.
L'archevêque revint à son trône, fit apporter le privilège du pape Victor et en fit donner
lecture en présence des évêques. Cette cérémonie s'accomplit dans le recueillement, sans
trouble et sans que personne fit la moindre opposition.
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Consulat d'Arles (vers 1142-1155)
(éd. C. GIRAUD, Essai sur l'hist. du dr.fr., II, Paris, 1846, p. 1-4 ; trad. IJ\1BERT-SAUTEL, Hist. des inst., II, p.
71-72)
Au nom de Notre Seigneur Jésus-Christ. Moi, Raymond, archevêque d'Arles, sur le conseil de
chevaliers et prudhommes que nous voulons avoir avec nous, avec le consentement et
l'assentiment de certains autres, en l'honneur de Dieu et de la glorieuse Vierge Marie, sa mère,
ainsi que de saint Trophime et de son église, nous établissons et nous ordonnons de fonder dans la
cité et le bourg d'Arles, un consulat, valable, légal et convenable, étant sauf le domaine et le droit
des seigneurs majeurs et mineurs qui ont participé au présent consulat et y participeront à l'avenir;
que chacun, en vérité, dans ce consulat, ait son droit, obtienne justice par la main des consuls et
fasse justice, étant saufs les statuts et bonnes coutumes qui ont déjà été reçus et jurés dans d'autres
consulats [ ... ]. - Dans ce consulat, il y aura douze consuls, quatre chevaliers, quatre parmi les
habitants du bourg, deux choisis parmi ceux du Marché, deux parmi ceux du Borcharium, par qui
ceux qui font partie du consulat seront régis et gouvernés ; et le gouvernement du consulat étant
accepté, ils auront le pouvoir de juger et de mettre à exécution les jugements, tant au sujet des
héritages que des injures et de tous autres délits. - Ceux qui auront été élus pour élire les consuls
jugeront que, toute crainte et toute préférence négligées, ils ont élu au gouvernement de la cité
ceux qu'ils ont estimés les plus aptes, en leur âme et conscience et suivant le conseil de
l'archevêque. - Le consul élu prêtera le serment suivant: moi, un tel, élu consul, je jure que de
toutes manières, à ma connaissance, je régirai et gouvernerai ceux qui font partie avec moi du
consulat, par le conseil, le meilleur et le plus discret, de ceux qui feront partie du consulat; et que
je ne manquerai pas à exercer ma fonction de consul, jusqu'à ce qu'un autre soit élu; et si quelque
discorde s'élève entre nous, consuls, j'y mettrai fin avec le conseil de l'archevêque et des meilleurs
du consulat et que je ferai en sorte qu'il en soit ainsi; et pour discuter une affaire, je ne recevrai ni
promesses ni argent de personne ; et nul, pendant la durée de mes fonctions consulaires, ne sera
cité en justice, qui ne fasse partie du présent consulat, ou n'en ait fourni préalable caution: ainsi
Dieu m'aidera et ces saints Évangiles. - Ceux qui entrerons dans le consulat feront le serment
suivant : moi, un tel, je jure ce consulat pour cinquante ans, en toute bonne foi, intelligence et
soumission aux consuls; et si je suis élu consul, je ne refuserai pas; et ainsi Dieu m'aidera et ces
saints Évangiles [ ... ] - Que nul étranger ne soit reçu dans le consulat sans le consentement et la
volonté de l'archevêque et de tous les consuls...
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Philippe de Beaumanoir, Coutumes de Beauvaisis, § 1043,1512-1513 et 1515
(éd. SALMON, Paris, 1900, t. II, p. 23-24 et 261-265 ; texte modernisé)
1043. Parce que nous parlons en ce livre, en plusieurs lieux, du souverain et de ce qu'il
peut et doit faire, certains pourraient entendre, parce que nous ne nommons ni comte, ni duc,
que ce fût du roi. Mais en tous les lieux où le roi n'est pas nommé, nous l'entendons de ceux
qui tiennent en baronnie, car chaque baron est souverain en sa baronnie. Cependant, le roi est
souverain par dessus tout et a, de plein droit, la garde générale de tout le royaume, par quoi il
peut faire tous les établissements qu'il lui plait pour le commun profit et ce qu'il établit doit
être tenu. Ainsi, il n'y a nul si grand au dessous de lui qui ne puisse être traduit en sa cour
pour déni de justice ou pour faux jugement et pour tous les cas qui touchent le roi. Et parce
qu'il est souverain par dessus tout, c'est lui que nous nommons quand nous parlons de cette
souveraineté qui n'appartient qu'à lui [ ... ]. - 1512. Nul ne peut faire un nouvel
établissement ... , ni de nouveaux marchés, ni de nouvelles coutumes, sauf le roi dans le
royaume de France ou sauf en temps de nécessité. En effet, chaque baron, en temps de
nécessité, peut faire mettre en vente les denrées de ses sujets... , mais il ne peut faire de
nouveaux marchés ni de nouvelles coutumes sans le consentement du roi. Le roi, en revanche,
peut bien le faire quand cela lui plait et quand il voit que c'est le commun profit, ainsi qu'on le
voit chaque jour, lorsque le roi donne une nouvelle coutume à certaines villes ou à certains
barons qui sont à lui ou de ses sujets ou encore pour refaire des ponts, des chaussées, des
églises ou d'autres commodités publiques : tandis que le roi peut le faire dans tous les cas, les
autres que le roi ne le peuvent pas. - 1513. fi faut savoir que si le roi fait un quelconque
établissement pour le commun proflt, il ne doit pas porter atteinte aux droits acquis, ni à ceux
qui adviennent avant le moment où l'établissement entre en vigueur. Mais dès lors qu'il est
publié, on doit l'observer fermement pour le temps qu'il est commandé de le faire,
perpétuellement ou temporairement. Quiconque le transgresse s'expose alors à l'amende qui
est établie par le roi ou son consei1 : car quand il fait un établissement, il taxe d'amende ceux
qui iront contre cet établissement; et tous les barons et ceux ayant justice sur leurs terres
perçoivent les amendes de leurs sujets qui enfreignent l'établissement, selon la taxation fixées
par le roi. Cela s'entend cependant lorsque ils font observer l'établissement du roi sur leur terre,
car s'il sont rebelles ou négligents, le roi, par leur faute, y met la main et peut lever les
amendes .... - 1515. S'il en est ainsi que le roi peut faire de nouveaux établissements, il doit
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bien prendre garde toutefois à ne les faire que pour une cause raisonnable, pour le commun
profit et par grand conseil et, spécialement à ne pas les faire contre Dieu ou contre les bonne
mœurs. Car s'il agissait ainsi -laquelle chose, ce qu'à Dieu ne plaise, n'arrivera jamais, ses
sujets ne devraient pas lui obéir, car chacun doit pardessus tout aimer et redouter Dieu de tout
son cœur et pour l'honneur de la Sainte Église et seulement après son seigneur terrestre. Ainsi
chacun doit d'abord faire ce qui relève du commandement de Notre Seigneur dans l'espoir
d'avoir le don des biens célestes et ensuite seulement obéir au seigneur terrestre selon ce qu'il
faut faire relativement aux possessions temporelles.
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Théorie canonique de la coutume. Guillaume de Paris (XIIIe siècle), Formularius
1. La coutume est un certain droit établi par les mœurs, c'est-à-dire l'usage
répété des hommes, qui est reçu pour loi, quand la loi est déficiente. Ce qui en effet
est rédigé par écrit est qualifié loi ou constitution ; ce qui n'est pas mis par écrit,
garde son nom de coutume, comme il est déclaré et comme il est dit aussi ailleurs. Il
est apparu en effet, que le droit est établi par écrit ou non. On appelle, en effet,
coutume, ce qui est dans l'usage commun.
2. La coutume est introduite quand le peuple commence à observer quelque
chose dans cet esprit qu'à l'avenir il y'ait coutume, ou, au dire. d'autres, quand il plaît
expressément au peuple que quelque chose soit observé pour que désormais il y ait
coutume, autrement non, par ce fait même que le droit coutumier est autre avant que
la coutume ne soit introduite.
3. La coutume est introduite par un seul acte, comme d'un seul acte ou d'une
seule intention est établie la possession ou la quasi-possession, quoique par un acte
unique, la possession ou la quasi-possession soit acquise ou perdue
4. Une telle coutume, introduite de la manière qui a été dite, emporte le droit
dans le lieu où elle est en vigueur, pourvu seulement qu'elle soit raisonnable. Une
telle coutume sert à l'interprétation de la loi, parce qu'il importe peu qu'elle ait sa
justification dans l'écriture ou dans la raison. Une telle coutume est tenue pour loi,
lorsque la loi est défaillante, comme il a été dit, et de cette coutume vient le droit.
D'ailleurs, si elle n'est pas raisonnable, il en est autrement. En effet, pour établir des
règles nouvelles, il doit y avoir une utilité évidente à s'éloigner du droit qui a semblé
longtemps équitable. Si on doute d'une telle coutume, les uns affirmant son existence,
les autres, la niant et qu'on se soit prononcé pour son existence, on dit que la coutume
a été reconnue dans un jugement contradictoire, on ne dit pas que la coutume a été
introduite, mais qu'elle a été confirmée quoique, dans l'argumentation de la décrétale
Abbate, on dise qu'elle a été introduite. D'ailleurs, si la coutume n'est pas introduite,
mais qu'il y ait eu une certaine habitude et une certaine observance des hommes
laquelle n'ait pas duré Jusqu'à la prescription quadragénaire, selon les canons, cet
usage ne vainct pas le droit; ainsi parlent les recueils de droit au même titre de la
Coutume, et le droit ne périt pas, mais si cet usage a été poursuivi jusqu'à la
prescription, le droit périt et la loi aussi est vaincue. Mais si la coutume a été
observée pendant si longtemps que la mémoire des hommes ait perdu le souvenir de
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son origine, elle vainct la loi. Il en est de même pour cette coutume que 1’Eglise
romame observe et qu’elle prescrit aux autres d'observer, et pour la coutume que
quelqu'un introduit à son prejudice. Et ce que j'ai dit de la prescription de la coutume,
je l’entends quand elle est introduite à l'occasion d'un objet qui est prescriptible ;
autrement, non…
7. Et à noter que la coutume contraire au droit naturel, ne peut se purger de ce
vice par aucun délai ; en consequence les mauvaises coutumes ne se confirment par
aucun délai, parce que, dans ce cas, plus la coutume dure et plus elle devient
pernicieuse et dangereuse...
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Philippe de Beaumanoir, Coutumes de Beauvaisis,
(Texte adapté, J.-M. Carbasse, Intr. Hist. Au droit, p. 131-132)
« Prologue. - § 1: La grande espérance quee nous avons en l’aide de Celui par qui
toutes choses sont faites et sans qui rien ne pourrait être fait ... nous donne envie de
mettre tout notre cœur et notre intelligence au travail pour composer un livre grâce
auquel ceux qui désirent vivre en paix puissent apprendre rapidement comment se
défendre contre ceux qui les assigneront en justice à tort et pour mauvaise cause, et
comment distinguer le droit du tort, selon l'usage et la coutume de Clermont en
Beauvaisis. Et parce que nous sommes de ce pays-ci, et que nous nous sommes occupé
de garder et faire garder les droits et coutumes de cette comté par la volonté du très
haut et très noble homme Robert. fils du Roi de France, comte de Clermont, nous
devons avoir le désir plus particulier d'écrire sur les coutumes de ce pays-ci plutôt que
d'un autre ; et nous avons trois raisons principales qui nous y poussent.
§ 2: La première raison, c'est que Dieu a commandé que l'on aimât son prochain
comme soi-même, et que les habitants de ce pays-ci sont notre prochain pour raison de
voisinage et de naissance ("nacion") ...
§ 3 : La seconde raison, c'est pour faire. avec l’aide de Dieu. quelque chose qui
plaise à notre seigneur le comte et à ceux de son conseil ; car, s’il plait à Dieu, il pourra
apprendre dans ce livre comment il devra garder et faire garder les coutumes de sa terre.
la comté de Clermont, de sorte que ses hommes et le menu peuple puissent vivre en
paix au-dessous de lui et qu'ainsi tricheurs et fripons soient démasqués et repoussés
("boutés arrière") par le droit et la justice du comte.
§ 4: La troisième raison. c'est qu'il va de soi que nous avons mieux en mémoire ce
que nous avons vu pratiquer et juger depuis notre enfance en ce pays-ci plutôt qu'en
d'autres dont nous n'avons appris ni les coutumes ni les usages.
§ 6 : Et... nous entendons appuyer principalement ce livre sur les jugements qui ont
été rendus de notre temps en ladite comté de Clermont ; et aussi pour partie sur les
clairs usages et claires coutumes qui y ont été de tout temps observés et pratiqués ; et
pour partie, dans les cas douteux en ladite comté, sur les jugements rendus dans les
chatellenies voisines; et [enfin] sur le droit qui est commun à tous au royaume de
France"…
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§ 7: … Il m'est avis, que ces coutumes qui sont maintenant en usage, il est bon et
profitable de les écrire et de les enregistrer de façon qu'elles soient maintenues sans plus
changer dorénavant ; car, comme les mémoires sont chancelantes et la vie des hommes
courte, ce qui n'est pas écrit est bientôt oublié. On le voit bien, les coutumes sont si diverses
que l'on ne pourrait pas trouver au royaume de France deux chatellenies qui usent dans tous
les cas d'une même coutume...
Chapitre 1. - De l'office du Bailli
§ 29 : Quiconque entre en office de baillie doit jurer sur les [reliques des] saints qu'il
gardera le droit de son seigneur et d'autrui, qu'il ne prendra rien pour faire droit ou pour
faire tort et qu'il maintiendra une droite et loyale justice. Et quand il a fait ce serment, il doit
œuvrer de manière à ne pas être parjure...
§ 31 : Parce que ce serait chose trop longue et trop pénible pour les hommes qui font
les jugements de mettre en jugement tous les cas qui viennent devant le bailli, celui-ci doit
s'efforcer d'expédier les affaires quand il sait ce qu'il faut faire selon la coutume, et quand la
chose est claire et évidente, Mais ce qui est douteux, et les affaires importantes ("grosses
querelles") doivent être mises en jugement. Et il ne convient pas que l'on mette en jugement
les cas qui ont déjà été jugés autrefois, même si le jugement a été fait par d'autres personnes,
car l'on ne doit pas faire plusieurs jugements pour un même cas ...
Chapitre XXIV. - De coutumes et d'usages
§ 682 : Parce que tous les procès sont jugés selon les coutumes et que ce livre parle
généralement des coutumes de la comté de Clermont, nous dirons en ce chapitre brièvement
ce qu'est la coutume et ce que l'on doit tenir pour coutume, bien que nous en ayons déjà
parlé spécialement dans les précédents chapitres selon ce qui convenait aux cas dont nous
parlions; et nous parlerons aussi des usages, de ceux qu'il faut respecter et des autres, et de
la différence qu'il y a entre usage et coutume.
§ 683 : La coutume est prouvée de deux manières. C’est d'abord lorsqu'elle est générale
dans toute la comté et qu'elle existe depuis si longtemps que quiconque peut s'en souvenir
sans contestation [ ... ] Et l'autre manière de reconnaitre une coutume, c'est, lorsqu'il y a eu
contestation sur une coutume alléguée par une partie, l'approbation de cette coutume en
justice, comme il est advenu bien des fois en partages de succession et en autres querelles.
Voilà les deux voies pour prouver une coutume. Et ces coutumes [prouvées], le comte est
tenu de les garder et faire garder par ses sujets de telle façon que nul ne les corrompe. Et si
le comte lui-même voulait les corrompre ou souffrait qu'elles fussent corrompues, le Roi ne
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le devrait pas souffrir, car il est tenu de garder et faire garder les coutumes de son royaume.
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Ordonnance de Philippe IV, juillet 1312
Philippe par la grâce de Dieu, roi de France ... C'est pourquoi nos
ancêtres
ont
accordé
de
nombreux
privilèges
pour
l'étude
à
Paris,
principalement de la Théologie, mais aussi pour celle des arts libéraux qui y
préparent et ils ont pris soin d'en faire accorder par le Siège Apostolique. Cette
étude en effet dispensatrice de la lumière de la foi catholique, la conserve
comme l'arche d'Alliance du Testament, en ayant engendré et enfermé les
germes, source insigne de la science divine, répandant ses courants à travers le
monde entier. C'est pourquoi, Dieu aidant, nous nous proposons de ranimer
cette étude et de l'établir de la manière la plus large. Pour que là même l'étude
de la Théologie prospère plus favorablement, nos ancêtres n'ont pas permis
qu'y soit instituée une étude des lois séculières et du droit civil, bien au
contraire, ils ont eu soin qu'elle soit interdite, sous peine d'excommunication,
par le Siège Apostolique. D'ailleurs pour les affaires et les causes judiciaires
qui ne touchent pas la spiritualité ni les sacrements de la foi, notre royaume est
régi principalement par la coutume et les usages, non par le droit écrit, bien
qu'en certaines parties dudit royaume, nos sujets, par suite de la permission de
nos ancêtres et de la nôtre, se servent pour plusieurs choses de droits écrits,
non qu'ils soient liés par les droits écrits, mais bien par la coutume qu'ont
introduite les usages conformément au texte du droit écrit. Cependant, comme
les études des arts libéraux introduisent à la science de la Théologie, de même
la dogmatique des lois ct du droit écrit conduit à la perfection l'intelligence de
la raison, la dirige sur les usages, fournit une doctrine pour la réalisation de la
justice, en un mot prépare l'intelligence des coutumes. Ainsi l'Antiquité nous
apprend que les Romains ont reçu les usages dès l'origine et le droit écrit des
Grecs à cause de leur érudition. Donc il a plu à nos prédécesscurs, et il nous
plait que l'étude des lois même séculières et du droit écrit soit assurée dans des
lieux remarquables de notre royaume - étant réservée l'organisation susdite des
études parisiennes - avec le dessein surtout d'animer des doctrines d'équité et
de raison, par lesquelles on a l'habitude de juger dans les causes judiciaires de
ce royaume, là où manquent jugements, constitutions, ou ordonnances de nos
ancêtres ou de nous-même, toutes dispositions que nous plaçons avant la
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coutume, et là où on ne peut trouver une coutume certaine d'après laquelle
juger. Certes que nul ne pense que nous recevons ou que nos ancêtres ont reçu
n'importe quelles coutumes ou lois parce qu'il est permis dans divers lieux et
divers studia de notre royaume qu'elles soient commentées par des maîtres.
Beaucoup de choses, en effet, profitent à l'enrichissement du savoir et à
l'enseignement, quoiqu'elles n'aient pas été reçues : ainsi l'Eglise n'a pas recu
divers canons - parce qu'ils sont tombés en désuétude ou qu'ils n'ont pas été
reçus dès l'origine - lesquels, cependant, sont commentés dans les écoles par
ceux qui y étudient dans un but d'érudition : car aussi bien connaître les
sentiments, les méthodes et les usages des hommes de divers lieux et de divers
temps, profite grandement à l'enseignement de chacun.
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Claude Leprestre, Questions notables de droit, Paris, éd. 1663, p. 226-229.
Après la mort de Louis le Hutin, laissant une seule fille de sa première femme et
Clémence sa seconde femme, enceinte, les barons et seigneurs de la France ordonnèrent que
Philippe, son frère, serait déclaré régent ; afin que, si Clémence accouchait d'un fils, il
continuât la régence jusqu'à la majorité de l'enfant et que, si elle accouchait d'une fille, il fût
déclaré roi [ ... ]. Le fils qui naquit de Clémence, nommé Jean, ne vécut que huit jours et
Philippe fut reconnu roi. Eudes, duc de Bourgogne, voulut défendre le droit au royaume pour
Jeanne (sa nièce), la fille de Louis le Hutin, alléguant que le droit lui ordonnait de succéder à
son père qui n'avait ni fils, ni plus proche héritier qu'elle. La chronique non imprimée de ce
temps écrit : « on lui opposa que les femmes ne devaient point succéder au royaume de
France, sans pouvoir pourtant en apporter de preuves évidentes ». Cette chronique ne fait
aucune mention de la loi salique [ ... ]. Charles le Bel, frère de Philippe, lui succéda au
royaume en excluant les filles de Philippe qui ne lui en firent d'ailleurs aucune controverse.
Mais après la mort de Charles le Bel, qui avait laissé sa femme enceinte (et accoucha d'une
fille), la dispute se renouvela plus fort que jamais entre Philippe de Valois son cousin, et
Édouard, roi d'Angleterre, son neveu. Philippe de Valois défendait son droit par la loi salique
qui donnait la succession de la couronne au plus proche parent mâle du défunt. Édouard
déniait la loi salique [ ... ]. Les raisons de l'un et l'autre ayant été entendues en assemblées des
États généraux, au jugement desquels ils s'étaient remis, il y eut décision au profit de Philippe
de Valois [ ... ].
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Arrêt dit « Lemaistre » ou « de la Loi salique»
rendu le 28 juin 1593 par le Parlement de
Paris
Sur la remontrance ci-devant faite à la cour par le procureur général du roi et la matière
mise en délibération, ladite cour, toutes chambres assemblées, n'ayant, comme elle n'a jamais
eu, autre intention que de maintenir la religion catholique, apostolique et romaine et l'État
royal et couronne de France sous la protection d'un bon roi très chrétien, catholique et français,
a ordonné et ordonne que remontrances seront faites cette après-dîner par Maître Jean
Lemaistre, président, assisté d'un bon nombre de conseillers en ladite cour, à Monsieur le
lieutenant général du royaume*, en présence des princes et officiers de la Couronne étant à
présent en cette ville, à ce qu'aucun traité ne se fasse pour transférer la Couronne en la main
de prince ou princesse étrangers; que les lois fondamentales de ce royaume soient gardées et
les arrêts donnés par ladite cour pour déclaration d'un roi catholique et français exécutés; et
qu'il ait à employer l'autorité qui lui est commise pour empêcher que, sous prétexte de la
religion, la Couronne ne soit transférée en main étrangère contre les lois du royaume ; et
pourvoir le plus promptement que faire se pourra au repos et soulagement du peuple, pour
l'extrême nécessité en laquelle il est réduit. Et néanmoins, dès à présent, ladite cour déclare
tous traités faits et à faire ci-après pour l'établissement de prince ou princesse étrangers, nuls
et de nul effet et valeur, comme faits au préjudice de la loi salique et autres lois
fondamentales de l'État.
* Cette fonction de chef suprême de la police de l'État était alors remplie par le duc de Mayenne, membre de
la famille des princes de Lorraine, ducs de Guise, chefs de la Ligue.
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La définition de la souveraineté. Jean Bodin, Les six livres de la République (1576)
(éd. Lyon, 1593, texte adapté)
I, 1. La république est un droit gouvernement de plusieurs ménages et de ce qui
leur est commun, avec puissance souveraine [ ... ] Tout ainsi que le navire n'est plus que
bois sans forme de vaisseau, quand la quille, la poupe et le tillac sont ôtés, aussi la
République sans puissance souveraine qui unit tous les membres et partie d'icelle et tous
les ménages et collèges en un corps n'est plus République [ ... ]. - 9. La souveraineté est la
puissance absolue et perpétuelle d'une République [ ... ], elle n'a d'autre condition que la
loi de Dieu et de la nature ne commande. Il faut que ceux-là qui sont souverains ne soient
aucunement sujets au commandement d'autrui et qu'ils puissent donner loi aux sujets et
casser ou anéantir les lois inutiles pour en faire d'autres, ce que ne peut faire celui qui est
sujet aux lois ou à ceux qui ont commandement sur lui. C'est pourquoi la loi dit que le
prince est absous de la puissance des lois et ce mot de loi emporte aussi en latin le
commandement de celui qui a la souveraineté [ ... ]. Aussi voyons-nous à la fin des édits et
ordonnances ces mots: « Car tel est notre plaisir «, pour faire entendre que les lois du
prince souverain, ores qu'elles fussent fondées en bonnes et vives raisons, néanmoins
qu'elles ne dépendent que de sa pure et franche volonté [ ... ]. Quant aux lois qui
concernent l'état du royaume et l'établissement de celui-ci, d'autant qu'elles sont annexées
et unies avec la couronne, le Prince n'y peut déroger, comme est la Loi salique, et quoi
qu'il fasse, toujours le successeur peut casser ce qui aura été fait au préjudice des lois
royales [ ... ]. -11. La première marque du prince souverain, c'est la puissance de donner
loi à tous en général et à chacun en particulier, qui est incommunicable aux sujets [ ... ].
Sous cette même puissance de donner et casser la loi sont compris tous les autres droits et
marques de souveraineté [ ... ], comme décerner la guerre ou faire la paix, connaître en
dernier ressort des jugements de tous magistrats, instituer et destituer les plus grands
officiers, imposer ou exempter les sujets de charges et subsides, octroyer grâces et
dispenses contre la rigueur des lois, hausser ou baisser le titre, valeur et pied des monnaies
[ ... ]. - II, 1. Puisque nous avons parlé de la souveraineté et des marques et droits de celleci, il faut voir en toute République ceux qui tiennent la souveraineté pour juger quel est
l'État [ ... ]. Il n'y a que trois États ou trois sortes de République, à savoir la monarchie,
l'aristocratie et la démocratie : la monarchie s'appelle quand un seul à la souveraineté [ ... ]
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et que le reste du peuple n'y a que voir ; la démocratie ou l'état populaire, quand tout le
peuple ou la plupart de celui-ci en corps a la puissance souveraine ; l'aristocratie, quand la
moindre partie du peuple a la souveraineté en corps et donne loi au reste du peuple [ ... ]. 2. Nous avons dit que la monarchie est une sorte de République en laquelle la
souveraineté absolue gît en un seul Prince [ ... ] ; toute monarchie est seigneuriale ou royale
ou tyrannique [ ... ] La monarchie royale ou légitime est celle où les sujets obéissent aux
lois du monarque et le monarque aux lois de la nature, demeurant la liberté naturelle et la
propriété des biens aux sujets. La monarchie seigneuriale est celle où le prince est fait
seigneur des biens et des personnes par le droit des armes et de bonne guerre, gouvernant
ses sujets comme le père de famille ses esclaves. La monarchie tyrannique est celle où le
monarque, méprisant les lois de nature, abuse des personnes libres comme d'esclaves et
des biens des sujets comme des siens...
29
Louis XIV, Édit touchant l'étude du droit civil et canonique, et du droit français, et les
matricules des avocats (Saint-Germain-en-Laye, avril 1679),
in Isambert, Recueil général des anciennes lois françaises depuis l'an 420 jusqu'à la Révolution de 1789, Paris,
Belin-Leprieur, 1829, t. XIX, p. 196-197, p. 199.
Louis, etc. L'application que nous avons été obligé de donner à la guerre que nous
avons soutenue contre tant d'ennemis, ne nous a point empêché de faire publier plusieurs
ordonnances pour la réformation de la justice : à présent qu'il plaît à Dieu nous faire jouir
d'une paix glorieuse, nous trouvant plus en état que jamais de donner nos soins pour faire
régner la justice dans nos états, nous avons cru ne pouvoir rien faire de plus avantageux pour
le bonheur de nos peuples, que de donner à ceux qui se destinent à ce ministère les moyens
d'acquérir la doctrine et la capacité nécessaires, en leur imposant la nécessité de s'instruire des
principes de la jurisprudence, tant des canons de l'église et des lois romaines, que du droit
français. Ayant d'ailleurs reconnu que l'incertitude des jugements qui est si préjudiciable à la
fortune de nos sujets, provient principalement de ce que l'étude du droit civil a été
presqu'entièrement négligée depuis plus d'un siècle, dans toute la France, et que la profession
publique en a été discontinuée dans l'université de Paris. Savoir faisons que nous, pour ces
causes, etc., disons, statuons et ordonnons par ces présentes signées de notre main.
ART. 1. Que, dorénavant, les leçons publiques du droit romain seront rétablies dans l'université
de Paris, conjointement avec celles du droit canonique, nonobstant l'article 69 de l'ordonnance
de Blois et autres ordonnances, arrêts et règlements à ce contraires, auxquels nous avons
dérogé à cet égard.
2. Qu'à commencer à l'ouverture prochaine qui se fera ès écoles, suivant l'usage des lieux, le
droit canonique et civil sera enseigné dans toutes les universités de notre royaume et pays de
notre obéissance où il y a faculté de droit, et que dans celles où l'exercice en aurait été
discontinué, il y sera rétabli.
3. Et, afin de renouveler les statuts et règlements, tant de la faculté de Paris que des autres, et
de pourvoir à la discipline desdites facultés, à l'ordre et distribution des leçons et à l'entretien
des professeurs, voulons et ordonnons qu'après la publication qui sera faite des présentes, il
sera tenu une assemblée dans chacune desdites facultés, en présence de ceux qui auront ordre
d'y assister de notre part, pour nous donner avis sur toutes les choses qui seront estimées
30
utiles et nécessaires pour le rétablissement desdites études du droit canonique et civil.
4. Enjoignons aux professeurs de s'appliquer particulièrement à faire lire et faire entendre, par
leurs, écoliers, les textes du droit civil et les anciens canons qui servent de fondement aux
libertés de l'église gallicane. [ ... ].
14. Et, afin de rien omettre de ce qui peut servir à la parfaite instruction de ceux qui entreront
dans les charges de judicature, nous voulons que le droit français, contenu dans nos
ordonnances et dans les coutumes, soit publiquement enseigné ; et à cet effet, nous
nommerons des professeurs qui expliqueront les principes de la jurisprudence française, et qui
en feront des leçons publiques, après que nous aurons donné les ordres nécessaires pour le
rétablissement des facultés de droit canonique et civil.
31
François 1er, Ordonnance sur le fait de la justice (Vil1ers-Cotterêts, août 1539)
in Isamberl, Recueil général des anciennes lois françaises depuis l'an 420 jusqu'à la Révolution de 1789, Paris,
Belin-Leprieur, 1828, t XlI, p.600-602, p.610-611.
François ... Sçavoir faisons à tous présens et advenir que, pour aucunement pourvoir
au bien de notre justice, abréviation des procès et soulagement de nos sujets, avons, par édit
perpétuel et irrévocable, statué et ordonné, statuons et ordonnons les choses qui s'ensuivent:
1. C'est à sçavoir que nous avons défendu et défendons à tous nos sujets de ne faire citer ni
convenir les laïcs pardevant les juges d'Église ès actions pures personnelles, sur peine de
perdition de cause et d'amende arbitraire.
2. Et avons défendu à tous juges ecclésiastiques de ne bailler ni délivrer aucunes citations
verbalement ou par écrit, pour faire citer nosdits sujets purs lays èsdites matières pures
personnelles, sur peine aussi d'amende arbitraire ...
4. Sans préjudice toutefois de la juridiction ecclésiastique ès matières de sacrement et
autres pures spirituelles et ecclésiastiques, dont ils pourront connaître contre lesdits purs
laïcs selon la forme de droit, et aussi sans préjudice de la juridiction temporelle et
séculière contre les clercs mariés et non mariés, faisans et exerçans états ou négociations,
pour raisons desquels ils sont tenus et ont accoutumé de répondre en cour séculière, où ils
seront contraints de ce faire, tant ès matières civiles que criminelles, ainsi qu'ils ont fait
par ci-devant.
5. Que les appellations comme d'abus, interjettées par les prêtres et autres personnes
ecclésiastiques, ès matières de discipline et correction ou autres pures personnelles et non
dépendantes de réalité, n'auront aucun effet suspensif ; ainsi nonobstant lesdites appellations
et sans préjudice d'icelles, pourront les juges d'Église passer outre contre lesdites personnes
ecclésiastiques.
50. Que des sépultures des personnes tenans bénéfices sera faict registre en forme de preuve,
par les chapitres, collèges, monastères et cures, qui fera foi et pour la preuve du temps de la
mort, duquel temps sera fait expresse mention esdicts registres, et pour servir au jugement des
procès où il seroit question de prouver ledit temps de la mort ...
51. Aussi sera fait registres, en forme de preuve, des baptêmes, qui contiendront le temps et
l'heure de la nativité, et par l'extraict dudict registre se pourra prouver le temps de la majorité
ou minorité, et fera pleine foy à ceste fin ...
53. Et lesquels chapitres, couvents et cures seront tenus mettre lesdicts registres par chacun an
32
par devers le greffe du prochain siège du bailli ou sénéschal royal, pour y estre fidèlement
gardés et y avoir recours quand mestier et besoin sera...
33
La séance du Parlement de Paris du 3 mars 1766, dite séance de la flagellation.
(Éd. Flammermont, Remontrances du Parlement ... , Coll. de documents inédits de
l'histoire de France, Paris, 1895.)
Lorsque le roi a été monté sur les hauts-sièges ... s'étant assis et couvert il a dit : «
J'entends que la présente séance ne tire pas à conséquence ... Messieurs, je suis venu moimême répondre à vos remontrances. Monsieur de Saint-Florentin s'étant approché du roi,
ayant mis un genou à terre, a pris des mains de S. M. la réponse, et ayant repris sa place, l'a
fait passer au sieur Joly de Fleury, ... qui en a fait la lecture ainsi qu'il suit:
Ce qui s'est passé dans ces parlements de Pau et de Rennes ne regarde pas mes autres
parlements ; j'en ai usé à l'égard de ces deux cours comme il importait à mon autorité, et je
n'en dois compte à personne.
Je n'aurais pas d'autres réponses à faire à tant de remontrances qui m'ont été faites à ce
sujet, si leur réunion, l'indécence du style, la témérité des principes les plus erronés et
l'affectation d'expressions nouvelles pour les caractériser, ne manifestaient les conséquences
pernicieuses de ce système d'unité que j'ai déjà proscrit et qu'on voudrait établir en principe,
en même temps qu'on ose le mettre en pratique.
Je ne souffrirai pas qu'il se forme en mon royaume une association qui ferait dégénérer
en une confédération de résistance le lien naturel des mêmes devoirs et des obligations
communes, ni qu'il s'introduise dans la Monarchie un corps imaginaire qui ne pourrait qu'en
troubler l'harmonie. La magistrature ne forme point un corps, ni un ordre séparé des trois
ordres du royaume ; les magistrats sont les officiers chargés de m'acquitter du devoir
vraiment royal de rendre la justice à ses sujets, fonction qui les attache à ma personne et qui
les rendra toujours recommandables à mes yeux.
Je connais l'importance de leurs services : c'est donc une illusion, qui ne tend qu'à
ébranler la confiance par de fausses alarmes, que d'imaginer un projet formé d'anéantir la
magistrature et de lui supposer des ennemis auprès du trône; ses seuls, ses vrais ennemis sont
ceux qui, dans son propre sein lui font tenir un langage opposé à ses principes ; qui lui font
dire que tous les parlements ne font qu'un seul et même corps, distribué en plusieurs classes;
que ce corps, nécessairement indivisible est de l'essence de la Monarchie et qu'il lui sert de
base ; qu'il est le siège, le tribunal, l'organe de la Nation ; qu'il est le protecteur et le
dépositaire essentiel de sa liberté, de ses intérêts, de ses droits; qu'il lui répond de ce dépôt, et
serait criminel envers elle s'il l'abandonnait ; qu'il est comptable de toutes les parties du bien
34
public, non seulement au roi, mais aussi à la Nation ; qu'il est juge entre le roi et son peuple ;
que, gardien respectif : il maintient l'équilibre du gouvernement, en réprimant également
l'excès de la liberté et l'abus de pouvoir ; que les parlements coopèrent avec la puissance
souveraine dans l'établissement des lois ; qu'ils peuvent quelquefois, par leur seul effort
s'affranchir d'une loi enregistrée et la regarder à juste titre comme non existante ; qu'ils
doivent opposer une barrière insurmontable aux décisions qu'ils attribuent à l'autorité
arbitraire et qu'ils appellent des actes illégaux, ainsi qu'aux ordres qu'ils prétendent surpris, et
que, s'il en résulte un combat d'autorité, il est de leur devoir d'abandonner leurs fonctions et
de se démettre de leurs offices, sans que leur démission puisse être reçue.
Entreprendre d'ériger en principes des vérités si pernicieuses, c'est faire injure à la
magistrature, démentir son institution, trahir ses intérêts, et méconnaître les véritables lois
fondamentales de l'État ; comme s'il était permis d'oublier que c'est en ma personne seule que
réside la puissance souveraine, dont le caractère propre est l'esprit de conseil, de justice, de
raison ; que c'est de moi seul que mes cours tiennent leur existence et leur autorité ; que la
plénitude de cette autorité, qu'elles n'exercent qu'en mon nom, demeure toujours en moi, et
que l'usage n'en peut jamais être tourné contre moi; que c'est à moi seul qu'apprtient le
pouvoir législatif sans dépendance et sans partage ; que c'est par ma seule autorité que les
officiers de mes cours procèdent, non à la formation, mais à l'enregistrement, à la publication,
à l'exécution de la loi, et qu' il leur est permis de me remontrer ce qui est du devoir de bons et
utiles conseillers; que l'ordre public tout entier émane de moi et les droits et les intérêts de la
Nation, dont on ose faire un corps séparé du monarque, sont nécessairement unis avec les
miens et ne reposent qu'en mes mains.
Les remontrances seront toujours reçues favorablement quand elles ne respireront que
cette modération qui fait le caractère du magistrat et de la vérité, quand le secret en conservera
la décence et l'utilité, et quand cette voie si sagement établie ne se trouvera pas travestie en
libellés, où la soumission à ma volonté est présentée comme un crime ... ; mais, si après que
j'ai examiné, ces remontrances et qu'en connaissance de cause j'ai persisté dans mes volontés,
mes cours persévéraient dans le refus de s'y soumettre, au lieu d'enregistrer du très exprès
commandement du roi, formule usité pour exprimer le devoir de l'obeissance, la confusion et
l'anarchie prendraient la place de l'ordre légitime, et le spectacle scandaleux d'une
contradiction rivale de ma puissance souveraine me réduirait à la triste nécessité d'employer
tout le pouvoir que j'ai reçu de Dieu pour préserver mes peuples des suites funestes de ces
entremises...
35
Jean-Étienne-Marie Portalis, Discours préliminaire sur le projet de Code civil (1er pluviôse
an IX),
in Discours et rapports sur le Code civil, Bibliothèque de philosophie poliiique et juridique, « Textes et documents »,
Caen, Centre de philosophie politique et juridique, 1992, p. 9.
Nous nous sommes également préservés de la dangereuse ambition de vouloir tout
régler et tout prévoir. Qui pourrait penser que ce sont ceux mêmes auxquels un code paraît
toujours trop volumineux, qui osent prescrire impérieusement au législateur la terrible
tâche de ne rien abandonner à la décision du juge? [ ... ] Un Code, quelque complet qu'il
puisse paraître, n'est pas plutôt achevé, que mille questions inattendues viennent s'offrir au
magistrat. Car les lois, une fois rédigées, demeurent telles qu'elles ont été écrites; les
hommes, au contraire, ne se reposent jamais; ils agissent toujours ; et ce mouvement, qui
ne s'arrête pas [ ... ], produit à chaque instant quelque combinaison nouvelle, quelque
nouveau fait, quelque résultat nouveau. Une foule de choses sont donc nécessairement
abandonnées à l'empire de l'usage, à la discussion des hommes instruits, à l'arbitrage des
juges. L'office de la loi est de fixer, par de grandes vues, les maximes générales du droit;
d'établir des principes féconds en conséquences; et non de descendre dans le détail des
questions qui peuvent naître sur chaque matière. C'est au magistrat et au jurisconsulte,
pénétrés de l'esprit général des lois, à en diriger l'application. De là, chez toutes les nations
policées, on voit toujours se former, à côté du sanctuaire des lois, et sous la surveillance
du législateur, un dépôt de maximes, de décisions et de doctrines qui s'épure
journellement par la pratique et par le choc des débats judiciaires, qui s'accroît sans cesse
de toutes les connaissances acquises, et qui a constamment été regardé comme le vrai
supplément de la législation. [ ... ] Il serait sans doute désirable que toutes les matières
pussent être réglées par des lois. Mais, à défaut de texte précis sur chaque matière, un
usage ancien, constant et bien établi, une suite non interrompue de décisions semblables,
une opinion ou une maxime reçue, tiennent lieu de la loi.