L`IVG à domicile
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L`IVG à domicile
REVU ES GEN ERALES P Interruption de grossesse 1 L’IVG à domicile P. FAUCHER Service de Chirurgie Gynécologique, Maternité Aline de Crépy, Hôpital Bichat-Claude Bernard, PARIS. L’interruption de grossesse par procédés médicamenteux est réalisable en France depuis 1988. Les drogues utilisées sont l’association de 200 ou 600 mg de mifépristone per os et de 400 µg de misoprostol per os jusqu’à un terme de 7 semaines d’aménorrhée. Les contre-indications de la méthode sont très rares, son efficacité (définie par l’absence de révision utérine) se situe autour de 97 % et sa sécurité est excellente avec des complications hémorragiques rarissimes (< 1 %). Une supervision médicalisée en établissement de soins ne s’imposant plus systématiquement, l’avortement médicamenteux est désormais réalisable en ville par des médecins ayant passé une convention de collaboration avec un centre hospitalier référent prêt à accueillir à tout moment les patientes nécessitant des soins urgents ou devant bénéficier d’une révision utérine chirurgicale. e terme “IVG à domicile”, largement employé par les médias, désigne en fait une interruption de la grossesse par procédés médicamenteux (association de mifépristone et de misoprostol) sans hospitalisation [1]. Cette absence d’hospitalisation systématique pour un avortement médicamenteux permet désormais à un praticien installé dans un cabinet de ville de réaliser des interruptions volontaires de grossesse (IVG dite “en ville”). Depuis le vote de la Loi n° 2001-588 du 4 juillet 2001 révisant les modalités de l’interruption volontaire de grossesse et la parution du décret d’application concernant la pratique des IVG hors établissement de soins en mai 2002 [2], il aura fallu attendre plus de 2 ans pour que tous les textes officiels paraissent [3-5] et que la loi puisse ainsi s’appliquer. L ❚❚ UN PREALABLE : L’HOSPITALISATION SYSTEMATIQUE N’EST PLUS JUSTIFIEE La décision de garder les femmes en observation après la prise de misoprostol était prévue dans le protocole initial du fait de la dangerosité cardiaque de la prostaglandine utilisée (sulprostone) au début des études cliniques et de la crainte d’une complication hémorragique. L’utilisation du misoprostol qui ne présente pas d’effet délétère sur les coronaires ne justifie plus cette hospitalisation. Concernant la crainte d’une hémorragie, plusieurs études [6-9] ont montré que cet accident, quand il survenait, se situait au-delà des 3 heures d’hospitalisation. Quant aux exceptionnelles et gravissimes Précautions pour utiliser le misoprostol complications infectieuses récemment observées aux Etatsà domicile (ANAES 2001) Unis, elles n’auraient pas pu être évitées par une hospitalisation car elles sont survenues bien au-delà du délai de 3 heures après ● Distance entre le domicile de la patiente et le centre hospitalier référent limitée (délai de transport de l’ordre de 1 heure) la prise des comprimés de misoprostol [10]. En conséquence, le et possibilité de le joindre et/ou de s’y rendre 24 h/24. rapport de l’ANAES sur l’interruption volontaire de grossesse ● Choix du lieu laissé à la patiente. publié en 2001 [11] donne implicitement la possibilité aux ● Patiente accompagnée par un proche à domicile. femmes de prendre le misoprostol à la maison avec cependant ● Précautions particulières d’information de la patiente, notamquelques précautions (encadré). ment sur la conduite à tenir en cas d’hémorragie. ● Evaluation médicopsychosociale des patientes éligibles. ● Limitation à 7 SA. L’évaluation médicopsychosociale des patientes éligibles renvoie aux contre-indications de l’avortement médicamenteux. Il P Réalités en Gynécologie-Obstétrique • N° 114 • Octobre 2006 2 P Interruption de grossesse s’agit d’abord des très rares contre-indications aux drogues utilisées : allergie à la mifépristone ou au misoprostol, porphyrie héréditaire, insuffisance hépatique ou rénale, insuffisance surrénale chronique, asthme sévère non équilibré. En aucun cas l’âge, le tabagisme, les affections cardiovasculaires ne sont des contre-indications à l’avortement médicamenteux, contrairement hélas aux informations données dans les notices des médicaments. Il s’agit ensuite des contre-indications de la méthode : troubles hémorragiques, traitement anticoagulant, anémie profonde, DIU en place, patiente ne comprenant pas les explications fournies, patiente ambivalente (délai de réflexion), mauvaise tolérance psychologique, patiente sans hébergement. ❚❚ LES FEMMES CONSULTANT A L’HOPITAL PEUVENT CHOISIR D’ETRE OU NON HOSPITALISEES Depuis 2001 et grâce au rapport de l’ANAES, de nombreuses équipes hospitalières proposent à leurs patientes de ne pas être hospitalisées et de prendre le misoprostol chez elles. La patiente reçoit, au moment de la prise de la mifépristone, les comprimés de misoprostol qu’elle prendra 48 heures plus tard chez elle, ainsi qu’une ordonnance d’antalgiques et une contraception. Une feuille d’information détaillée et les numéros de téléphone pour joindre le Planning familial et les urgences hospitalières lui sont remis. Une étude française a montré la très bonne acceptabilité pour les patientes de la prise du misoprostol à domicile [12]. Des problèmes administratifs se posent cependant aux équipes qui veulent laisser le choix aux femmes de rester chez elles, car la seule tarification existante comprend une hospitalisation, qui devient dans ce cas “fictive”. Les textes réglementaires disponibles ne précisent toujours pas quelle doit être la tarification pour une IVG médicamenteuse pratiquée dans un établissement de soins public ou privé, mais sans hospitalisation. Certaines équipes continuent de facturer aux patientes (et à l’Assurance Maladie !) le seul forfait existant de 257,91 € ; d’autres équipes utilisent la nouvelle tarification de la T2A avec le code JNJP001 qui correspond à l’évacuation médicamenteuse d’un utérus gravide (soit 57,6 €) ainsi que deux consultations pré- et post-IVG. ❚❚ LA CONSTITUTION D’UN RESEAU DE SOINS AVEC DES PRATICIENS DE VILLE Un praticien de ville ne peut pas décider seul du jour au lendemain de pratiquer des IVG médicamenteuses. Il doit se mettre en lien avec un établissement de soins pratiquant des IVG médicamenteuses qui devra assurer sa formation et qui permettra une continuité des soins en organisant la prise en charge des patientes 24 h/24 en cas de problèmes ou de complications. Il appartient donc aux centres d’IVG publics ou privés d’établir des liens avec des praticiens motivés exerçant aux alentours. Etant donné qu’aucun financement particulier n’a été attribué à la constitution de ces réseaux, leur mise en place repose sur la bonne volonté des équipes hospitalières. Il faut remarquer cependant qu’en Ile-de-France un dossier promoteur de réseau de soins a été déposé et accepté en 2004 par l’URCAM et la DRASS et est né grâce au financement attribué à l’association REVHO. La mission principale de REVHO1 est de permettre la réalisation d’IVG en ville. Il assure un soutien logistique aux centres d’IVG, organise la formation des médecins de ville, fournit documents, base de données, renseignements, aide juridique et administrative… Les praticiens de ville intéressés par la pratique de l’avortement médicamenteux peuvent donc contacter le réseau afin d’avoir des informations. En 2006, il faut cependant constater que la signature de conventions entre médecins de ville et centres d’IVG ne s’est pas généralisée et reste l’apanage de centres “historiquement” très actifs pour la défense du droit à l’IVG ou d’individus fortement impliqués dans la pratique de l’orthogénie. Pourtant, une étude publiée en 2004 a montré que la surcharge de travail pour les professionnels hospitaliers était très modérée puisque seulement 5 % des femmes prises en charge en ville viennent consulter aux urgences ou au Planning familial et qu’une aspiration chirurgicale ne sera nécessaire que dans 6,2 % des cas [13]. ❚❚ LA PRATIQUE DES IVG MEDICAMENTEUSES EN VILLE 1. – Les formalités administratives Lorsque le praticien a trouvé un centre hospitalier qui a mis sur pied un réseau avec la ville pour la pratique de l’IVG, il doit signer une convention avec ce centre. Cette convention précise les modalités de la collaboration entre le praticien de ville et le centre hospitalier. Ce document est indispensable pour pouvoir pratiquer des IVG médicamenteuses en ville. Une copie de cette convention est d’ailleurs adressée à plusieurs orga1 L’association REVHO Réseau Entre la Ville et l’Hôpital pour l’Orthogénie Hôpital Saint-Vincent-de-Paul 82, avenue Denfert-Rochereau – 75014 Paris Tél./Fax : 01 40 48 86 93 – e-mail : [email protected] P Réalités en Gynécologie-Obstétrique • N° 114 • Octobre 2006 3 L’IVG à domicile nismes : l’agence régionale de l’hospitalisation, la direction départementale des affaires sanitaires et sociales, le conseil départemental de l’ordre des médecins, le conseil départemental de l’ordre des pharmaciens et la caisse primaire d’assurance maladie sous le ressort de laquelle le praticien exerce. Le centre hospitalier acceptera de signer avec le praticien de ville lorsqu’il se sera assuré que celui-ci présente les compétences professionnelles nécessaires pour pratiquer des IVG médicamenteuses. Généralement, une session de formation est organisée dans cet objectif et est suffisante devant la loi pour les médecins présentant une qualification universitaire en gynécologie médicale ou en gynécologie obstétrique. Pour les médecins généralistes, il faut, en plus de la formation théorique, pouvoir attester d’une pratique actuelle ou passée des interruptions volontaires de grossesse médicamenteuses dans un établissement de santé. Pour les généralistes n’ayant jamais pratiqué d’interruptions de grossesse, la pratique de stages hospitaliers dans un centre d’IVG est tout à fait envisageable dans cette optique et un certificat d’aptitude sera délivré au terme de cette formation pratique. Grâce à cette convention, le médecin de ville va pouvoir aussi se procurer en pharmacie d’officine les produits nécessaires à l’interruption de grossesse. Cette commande rédigée sur une ordonnance précisera le nom des médicaments et le nombre de boîtes commandées, indiquera la mention “usage professionnel” ainsi que le nom de l’établissement de santé avec lequel le praticien a conclu une convention et la date de cette convention. 2. – L’information aux patientes Il faut dans un premier temps aider la patiente à choisir entre la méthode médicamenteuse et la méthode chirurgicale. Les deux méthodes, médicamenteuse et instrumentale, sont efficaces et ont un taux de complications très bas dans les conditions sanitaires actuelles. Certaines femmes préfèrent un acte chirurgical ponctuel, elles redoutent les saignements et les douleurs induits par les médicaments. Pour d’autres, l’acte chirurgical, même de très courte durée et fait sous anesthésie locale, reste un geste invasif. Le tableau I résume la comparaison des deux méthodes [14]. Si la patiente choisit l’avortement médicamenteux, il faut lui expliquer clairement le protocole à suivre. La première étape est l’absorption orale de la mifépristone. Après cette prise, la patiente peut mener ses activités normalement. De légers saignements peuvent survenir et l’expulsion à cette étape ne survient que dans 5 % des cas. Même si des saignements surviennent, la patiente doit prendre les comprimés de misoprostol 36 à 48 heures plus tard comme prévu. L’expulsion a lieu le plus Avortement médicamenteux Avortement chirurgical A partir de 4 SA A partir de 6-7 SA Jusqu’à 7 SA Jusqu’à 14 SA N’est pas invasif Technique invasive Evite l’anesthésie Anesthésie locale ou générale Durée de l’évacuation : de quelques heures à quelques jours Durée de l’évacuation rapide Succès : 95-98 % Succès : 99 % Les complications sévères sont rares Les complications sévères sont rares, mais peuvent inclure des complications mécaniques (plaie du col, perforation). Durée du saignement : 10-13 jours Durée du saignement : 8-10 jours Douleur++ Douleur+ Suivi+++ Suivi+ La patiente a un meilleur contrôle de la méthode Le praticien a un meilleur contrôle de l’acte Tableau I. souvent dans les 2 à 6 heures qui suivent la prise des comprimés ou plus rarement dans les 3-4 jours qui suivent. Lors de l’expulsion, les saignements sont le plus souvent plus abondants que des règles et accompagnés de caillots. L’œuf est parfois visible sous la forme d’une petite boule blanche gélatineuse de 1 à 3 centimètres. Ces saignements s’accompagnent de douleurs comme les règles ou plus fortes. Des nausées, des vomissements, voire plus rarement diarrhée et frissons sont présents. Tous ces symptômes sont de courte durée (2 à 3 heures). Si la douleur est trop importante, la patiente ne doit pas hésiter à utiliser les antalgiques prescrits. Si à n’importe quel moment de la procédure les saignements sont très abondants (plus de deux garnitures par heure pendant plus de deux heures), si les douleurs ou une fièvre persistent plus de 24 heures, il est impératif de venir consulter aux urgences de l’hôpital ou de la clinique. Des saignements d’abondance modérée persisteront en moyenne 15 jours. Une visite de contrôle est programmée 15 jours-3 semaines après la prise des comprimés pour vérifier le succès de la méthode. En cas d’échec (1-2 % de grossesses évolutives), une aspiration chirurgicale sera proposée. Pour optimiser le suivi du déroulement de l’avortement, le médecin remettra donc à la patiente: – un document écrit dans lequel est rappelé le déroulement clinique de l’avortement ainsi que l’adresse précise et le numéro de téléphone du service de l’établissement de santé signataire de la convention et apte à prendre en charge la patiente en cas de complications ou d’échec de la méthode, P Réalités en Gynécologie-Obstétrique • N° 114 • Octobre 2006 P Interruption de grossesse – une fiche de liaison, définie conjointement avec l’établissement de santé signataire de la convention, contenant les éléments du dossier médical utiles en cas de consultation en urgence à l’hôpital. Cette fiche de liaison sera également transmise au centre hospitalier référent en fin de procédure. Cela permettra à l’établissement de santé de surveiller le fonctionnement de son réseau et d’établir des statistiques qui seront communiquées chaque année au médecin inspecteur régional de Santé publique. 3. – Les documents nécessaires – la convention type annexée au décret du 3 mai 2002 en double exemplaire (pour le médecin et pour l’établissement de soins), – une copie des conventions adressée aux organismes de tutelle, – pour les médecins généralistes, une attestation d’expérience de la pratique des IVG médicamenteuses, – une attestation d’entretien social si la femme est mineure, – une feuille d’information sur le déroulement de la méthode. – une feuille de consentement à l’IVG, – un document écrit dans lequel sont indiqués l’adresse précise et le numéro de téléphone du service concerné de l’établissement de santé signataire de la convention, – une fiche de liaison remise à la patiente, – une copie de la fiche de liaison adressée à l’établissement au moment de la prise des médicaments et lors de la visite de contrôle, – les déclarations anonymisées des interruptions volontaires de grossesse. 4. – Les “quatre” consultations La circulaire du 26 novembre 2004 est venue préciser les modalités pratiques de réalisation des IVG médicamenteuses en ville, et le moins qu’on puisse dire est que le dispositif est inutilement compliqué et parfois incohérent. Quatre consultations sont obligatoires pour faire l’IVG. Un forfait de 191,74 € (aucun dépassement d’honoraires n’est autorisé) payable au moment de la prise de mifépristone couvre ces quatre consultations. Le remboursement de l’Assurance Maladie est fixé à 70 % si la codification FHV/FMV est utilisée sur les feuilles de soins ou par télétransmission. Les analyses de biologie et/ou les échographies éventuelles ne sont pas comprises dans ce forfait. Ces quatre consultations comprennent la confirmation de la demande d’IVG après avoir respecté le délai de 7 jours de réflexion, la prise de la mifépristone, la prise du misoprostol et la visite de contrôle 15 j3 semaines plus tard pour vérifier l’efficacité de la méthode. P L’utilisation du misoprostol qui ne présente pas d’effet délétère sur les coronaires ne justifie plus une hospitalisation systématique pour réaliser un avortement médicamenteux. P Les deux méthodes d’IVG, médicamenteuse et instrumentale, sont efficaces et ont un taux de complications très bas dans les conditions sanitaires actuelles. P L’IVG médicamenteuse peut désormais être réalisée entièrement en ville par un gynécologue, un endocrinologue, un médecin interniste ou un médecin généraliste. P Le praticien de ville doit se mettre en lien avec un établissement de soins pratiquant des IVG médicamenteuses qui devra assurer sa formation et qui permettra une continuité des soins en organisant la prise en charge des patientes 24 h/24 en cas de problèmes ou de complications. P Plusieurs questions doivent être encore résolues: révision de l’AMM pour la dose utile de mifépristone, galénique du misoprostol, pratique des IVG médicamenteuses dans les centres de santé et dans les centres de planification familiale. Il faut remarquer que la consultation de confirmation de la demande d’IVG est inexplicablement distincte de la consultation pour prendre la mifépristone (un va-et-vient en salle d’attente peut résoudre le problème !). La prévention de l’isoimmunisation Rhésus chez les femmes Rhésus négatif est recommandée dans les 72 heures qui suivent la prise de la mifépristone. Une ampoule de Rophylac 200 µg sera administrée en intraveineux ou en intramusculaire par le médecin ou par une infirmière de ville. Il faut s’étonner aussi de l’obligation faite aux femmes de revenir voir le médecin pour prendre le misoprostol sous ses yeux. Non seulement cette obligation n’est pas conforme aux recommandations de l’ANAES, mais elle risque de conduire certaines femmes à expulser sur le trajet du retour à leur domicile… Cette obligation de prendre un médicament sous les yeux du médecin n’existe pourtant pas pour des médicaments beaucoup plus dangereux que le misoprostol, comme le Sildénafil (Viagra) par exemple… Faut-il voir là une reviviscence de la contrition morale faite aux femmes qui avortent ? 5. – Polémiques à propos des médicaments utilisés Comme si les choses n’étaient pas assez compliquées, il existe deux polémiques concernant les médicaments à utiliser dans le cadre de ces IVG en ville. La première polémique concerne la dose de mifépristone. Si on suit l’indication donnée dans l’AMM du produit, il faut donner 3 comprimés de mifépristone (600 mg), tandis que si on suit les recommandations de l’ANAES, il est équivalent de donner un seul comprimé (200 mg). Le but d’une autorité comme l’ANAES étant d’indiquer aux médecins les bonnes pratiques, on ne voit pas ce P Réalités en Gynécologie-Obstétrique • N° 114 • Octobre 2006 POINTS FORTS 4 5 L’IVG à domicile qui empêcherait de suivre cette recommandation et pour quelle raison on serait poursuivi pour avoir suivi son conseil… Rappelons que le prix de la boîte de trois comprimés de mifépristone (Mifégyne) que se procure le médecin en ville est fixé à 76,37 €. La deuxième polémique, plus délicate, concerne l’utilisation du misoprostol qui existe en pharmacie sous deux formes : le Gymiso dont le prix est de 15,37 € pour 2 comprimés et qui possède l’AMM pour l’interruption de grossesse médicamenteuse et le Cytotec dont le prix est de 19,19 € pour 60 comprimés qui n’a pas l’AMM pour cette indication. Le choix est vite fait si on raisonne en termes d’économie de santé et de DCI, mais le souci vient du fait que deux circulaires ministérielles indiquent que la spécialité à utiliser est le Gymiso. Une grande première dans les textes officiels de la République Française qui a fait crier certains au scandale alors qu’il ne faut peut-être y voir qu’une énorme maladresse… 6. – Les centres de santé et de planification familiale De façon très regrettable, les centres de santé et les centres de planification et d’éducation familiale (CPEF) ont été oubliés dans le dispositif de l’avortement médicamenteux en ville. Ces structures situées au contact de la population et présentant du personnel (médecins, infirmières, conseillères conjugales) et du matériel (biologie, échographie) sont pourtant parfaitement adaptées pour pratiquer des interruptions de grossesse. La situation est néanmoins susceptible d’évoluer si on examine l’exemple de la Seine-Saint-Denis où, sous l’impulsion de la responsable de la planification du département et de celle du centre d’IVG de l’hôpital Delafontaine, les centres de planification familiale du département ainsi que les centres de santé peuvent désormais pratiquer des IVG médicamenteuses. En effet, en mai 2005, le Conseil général de Seine-Saint-Denis a, après délibération, autorisé la pratique de l’IVG médicamenteuse dans les CPEF du département et approuvé la passation de convention entre les médecins de ces centres et les établissements de santé pratiquant l’IVG. Une étude dans un des CPEF [15] a montré la faisabilité et la sécurité de la méthode dans ce cadre, et cela pour une population particulièrement précaire. Il appartient donc aux responsables départementaux de la santé reproductive de se mobiliser afin de faire évoluer les choses. celle de la patiente aidée par l’information sur les avantages et les inconvénients de chacune des méthodes. Certaines femmes font le choix de l’avortement médicamenteux qu’elles jugent plus “naturel”, préservant mieux leur intimité, leur permettant d’avoir un contrôle sur ce qui leur arrive. La possibilité donnée récemment aux médecins de ville de pratiquer des IVG médicamenteuses devrait faciliter aux femmes l’accès à l’avortement médicamenteux car les consultations hospitalières, où les gynécologues se raréfient, sont surchargées. Cela permet également d’intégrer l’acte d’avortement dans le cadre des soins de la médecine de ville, le sortant ainsi de “ghettos” où la réprobation morale et le désintérêt l’avaient ■ conduit à être enfermé. Bibliographie 1. FAUCHER P, HASSOUN D. Interruption Volontaire de Grossesse médicamenteuse. Edition ESTEM 2005. 2. Décret n° 2002-796 du 3 mai 2002 fixant les conditions de réalisation des interruptions volontaires de grossesse hors établissement de santé et modifiant le décret n° 2000-1316 du 26 décembre 2000 relatif aux pharmacies à usage intérieur. 3. Décret n° 2004-636 du 1er juillet 2004 relatif aux conditions de réalisation des interruptions volontaires de grossesse hors établissements de santé. 4. Arrêté du 23 juillet 2004 relatif aux forfaits afférents à l’interruption volontaire de grossesse. 5. Circulaire n° DGS/DHOS/DSS/DREES/04/569 du 26 novembre 2004 relative à l’amélioration des conditions de réalisation des interruptions volontaires de grossesse : pratique des IVG en ville et en établissements de santé. 6. SCHAFF EA, SYDALIUS LS, EISINGER SH, FRANKS P. Vaginal misoprostol administrated at home after mifepristone (RU 486) for abortion. J Fam Pract, 1997 ; 44 : 353-60. 7. ALLEN R, WESTHOFF C, DE NONNO L, FIELDING S, SCHAFF E. Curettage after mifepristone-induced abortion : frequency, timing and indications. Obstet Gynecol, 2001 ; 98 : 101-6. 8. GUENGANT JP, BANGOU J, ELUL B, ELLERTSON C. Mifepristone-misoprostol medical abortion. Home administration of misoprostol in Guadeloupe. Contraception, 1999 ; 60 : 167-72. 9. ELLUL B, PEARLMAN E, SORHAINDO A, SIMONDS W, WESTHOFF C. In depth interview with medical abortion clients : Thoughts on the method and home administration of misoprostol. J Am Med Women Assoc, 2000 ; 55 : 169-72. 10. FISCHER M, BHATNAGAR J, GUARNER J, REAGAN S, HACKER JK, VAN METER SH, POUKENS V, WHITEMAN DB, ITON A, CHEUNG M, DASSEY DE, SHIEH WJ, ZAKI SR. Fatal toxic shock syndrome associated with Clostridium sordellii after medical abortion. N Engl J Med, 2005 ; 353 : 2 352-60. 11. ANAES. Recommandations pour la pratique clinique. Prise en charge de l’interruption volontaire de grossesse jusqu’à 14 SA. Mars 2001. 12. DAGOUSSET I, FOURRIER E, AUBENY E, TAURELLE R. Use of Misoprostol for medical abortion : a trial of the acceptability for home use. Gynecol Obstet Fertil, 2004 ; 32 : 28-33. ❚❚ CONCLUSION 13. FAUCHER P, BAUNOT N, MADELENAT P. The efficacy and acceptability of mifepristone medical abortion with home administration misoprostol provided by private providers linked with the hospital : a prospective study of 433 patients. Gynecol Obstet Fertil, 2005 ; 33 : 220-7. En France, les demandes d’interruption de grossesse sont faites suffisamment tôt pour que, dans un grand nombre de cas, le choix entre l’avortement chirurgical et l’avortement médicamenteux soit possible. La décision finale doit être 15. HASSOUN D, PERIN I. L’interruption volontaire de grossesse médicamenteuse dans un centre de planification familiale : l’expérience d’un réseau ville-hôpital de Seine-Saint-Denis. J Gynecol Obstet Biol Reprod, 2006 ; 35 : 483-9. 14. FAUCHER P, HASSOUN D. L’interruption volontaire de grossesse hors établissement de santé par méthode médicamenteuse, en dix questions. Mises à jour en Gynécologie et Obstétrique du CNGOF. Vigot Paris 2004. Réalités en Gynécologie-Obstétrique • N° 114 • Octobre 2006