Mercedes-Benz T80 - Belgian Mercedes

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Mercedes-Benz T80 - Belgian Mercedes
Mercedes-Benz T80
>> Ou comment battre le record de vitesse
Texte: Ronny Cnudde | Photos: Daimler Communications
L
a Mercedes-Benz T80 fut développée dans
un but bien précis: battre le record absolu
de vitesse, mieux connu sous l’appellation
anglaise de ‘Land Speed Record’ (LSR).
Le célèbre pilote automobile allemand Hans
Stuck, qui rêvait, depuis longtemps, de s’adjuger
le record de vitesse sur terre, parvint à convaincre Mercedes-Benz de développer une voiture
de course spéciale. Officiellement, le projet fut
lancé par Adolf Hitler, lui-même grand amateur
de course automobile, sous l’influence de Stuck.
Agé alors de 35 ans, Hans Stuck était l’un des
tout grands pilotes de l’Auto Union-team.
Dans ce cadre, il roula, notamment, pour
Austro-Daimler et Mercedes-Benz. Le projet
T80 débuta, en 1937, sous la direction du Dr
Ferdinand Porsche, qui s’était fixé comme
objectif de concevoir une voiture atteignant une vitesse de pointe de 550 km/h.
Après quelques tentatives réussies de la part
des Anglais George Euston et John Cobb
d’améliorer le LSR en 1938-39, les objectifs
durent être revus à la hausse: 600 km/h serait le but visé. Finalement, lorsque la voiture
fut prête fin 1939, la vitesse à atteindre était
déjà passée à 750 km/h. Etant donné qu’il
s’agissait du premier record de vitesse à être
couru sur le sol allemand, Hitler utilisa le projet T80 à des fins de propagande: la suprématie de la technologie allemande ferait le tour
du monde via la télévision allemande.
Dans un premier temps, la construction de la
voiture fut confiée à Auto Union. Un choix logique puisque Stuck appartenait encore à cette
équipe et que Porsche avait conçu toutes les
voitures de course d’Auto Union. Cependant,
Auto Union n’accéda pas à cette demande, et
celle-ci atterrit dans les bureaux de Stuttgart.
La source d’énergie constituerait le grand défi
à relever. Porsche avait calculé que, pour battre le record de vitesse, il faudrait un moteur
d’une puissance de 3.000 cv. Jusqu’alors aucun moteur d’avion allemand n’avait dépassé
une puissance de plus de 1.000 cv. C’est à
cette époque que Mercedes-Benz commença
à développer
les moteurs
d’avion de la
série DB600.
Le
DB601
atteignait une
puissance prometteuse de
1.300 cv, ce qui
était encore
nettement insuffisant. L’on
imagina résoudre ce problème par l’utilisation
de deux moteurs, mais les ingénieurs finirent
par concevoir un moteur capable de développer la puissance requise.
Fin prête pour 1939, la T80 avait coûté 600.000
marks. Elle avait été dotée d’un moteur d’avion
Daimler-Benz DB603 V12 cylindres de 44,5 litres. Ce moteur, dérivé du DB601, propulsait
les avions de combat Messerschmitt Bf 109.
Le moteur était le troisième d’une série de
prototypes. Dans la variante utilisée, la puissance avait été élevée à 3.000 cv. Le carburant
nécessaire à son fonctionnement consistait
en un mélange d’alcool méthylique (63%), de
benzène (16%), d’éthanol (12%), d’acétone
(4,4%), de nitrobenzène (2,2%), d’avgas (2%)
et d’éther (0,4%). A l’instar des avions, le moteur fut intégré, cylindres vers le bas. Dans
le cas des avions, cette position présentait
l’avantage d’accueillir des armes entre les
deux rangées
de cylindres,
placées en forme de V.
La voiture possédait trois essieux, les deux
essieux arrière
étant entraînés
par le moteur.
Cette voiture
à six roues mesurait 8 mètres de long et pesait 2,7 tonnes. Pour éviter que les roues ne
dérapent, l’équipe de Ferdinand Porsche avait
conçu un système permettant de comparer la
vitesse des roues avant non entraînées à celle
des roues arrière qui étaient entraînées par le
moteur. Lorsqu’une différence de vitesse était
Gazette | Chronique d’une automobile 35
constatée, l’approvisionnement en carburant
était abaissé jusqu’à ce que la vitesse redevienne identique. Ce système antidérapant
était le précurseur mécanique de ce qui serait
utilisé, 50 ans plus tard, comme ASR.
Pour freiner ce bolide de près de trois tonnes,
lancé à grande vitesse, chacune des six roues
possédait quatre patins de frein, dont chacun
était équipé d’un cylindre de commande de
frein. Trois pompes de frein centrales étaient
nécessaires à l’activation de ces 24 cylindres
de commande de frein, soit un par essieu. Ce
fut, en partie, grâce à la collaboration du spécialiste en aérodynamique, Josef Mikcl, que la
T80 parvint à atteindre la vitesse visée de 750
km/h. Deux petites ailes avaient été montées
sur les côtés pour éviter que la voiture ne devienne instable à vitesse élevée et qu’elle ne
perde le contact avec le sol. Cette carrosserie
fortement aérodynamique n’avait plus qu’un
coefficient de traînée de 0,18.
Comme il s’agissait d’une tentative de record
allemande, celle-ci devait se dérouler en Allemagne et non dans les plaines salées de Bonneville aux Etats-Unis, où les concurrents anglais avaient battu tous les records à l’époque.
Après bien des recherches, les ingénieurs allemands découvrirent un tronçon d’’Autobahn’
entre Dessau et Leipzig, qui pourrait servir au
projet. Moyennant quelques modifications, il
était possible d’y créer un tronçon de 10 kilomètres d’une autoroute droite et plate. Les
travaux débutèrent, bétonnant également la
berme centrale de façon à dégager un ruban
de béton de 25 mètres de large. La tentative
de record requérait au minimum une longueur de 10 kilomètres, mais aucune distance de
réserve n’y était incluse en cas de malchance.
La tentative avait été prévue pour janvier
1940 au cours de la ‘Rekord Woche’ (Semaine
du Record), mais la Seconde Guerre mondiale
vint bouleverser tous les plans. L’événement
fut annulé, et la T80 remisée. Son moteur fut
monté dans un avion. Après la guerre, en
1947, John Cobb placerait le LSR à une vitesse de 634 km/h au volant de sa Railton Mobil
Special. Ce record était toujours de 116 kilomètres inférieur à celui que les ingénieurs de
la T80 s’étaient fixé en 1940. Cet objectif ne
serait, d’ailleurs, jamais atteint par une voiture équipée d’un moteur conventionnel. En
1964, Art Arfons atteignit 875 km/h à bord de
son ‘Green Monster’, mais ce bolide disposait
d’un moteur à réaction. Durant la guerre, la
T80 fut transportée en Carinthie en Autriche.
De nos jours, la voiture (sans moteur) peut
être admirée au Musée Mercedes-Benz de
Stuttgart.
Données techniques:
Poids total: 2.896 kg
Pneus: (6) 7.00 x 32
Longueur: 8,24 mètres
Largeur: 3,20 mètres
Hauteur: 1,74 mètre
Coefficient de traînée: 0,18
Vitesse de pointe estimée entre 550-750 km/h
Moteur: moteur V 12 cylindres, refroidissement par liquide. Injection directe du
carburant. Moteur turbo.
Transmission: 0,518 : 1
Alésage: 162 mm
Course: 180 mm (7.09 in)
Puissance: 3.000 cv (2.210 kW) @ 3200 t/m
Moteur: 44.5 litres
Compression: 7.5 sur 1 (bloc de gauche),
7.3 sur 1 (bloc de droite)
Poids du moteur: 920 kg