1er partie de l`article
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magenta jaune cyan noir LE FAIT DU JOUR De plus en plus de DROGUES. Une enquête rendue publique ce matin l’atteste : le nombre de jeunes, collégiens et lycéens, qui essayent ou fument régulièrement du cannabis, continue d’augmenter. Cette drogue, pas si douce, est en train de s’imposer chez les ados. L ES PÉTARDS seraient-ils plus « tendance » que les bonnes vieilles cigarettes ? Les résultats de l’enquête Espad menée auprès de 16 000 collégiens et lycéens âgés de 12 à 18 ans dans 400 établissements*, montrent une très forte progression de la consommation du cannabis en France. Le nombre d’ados de 16-17 ans qui avouent avoir fumé au moins une fois un « pétard » a plus que doublé en dix ans. En 2003, près d’un garçon sur deux et 41 % des filles de cette tranche d’âge y ont déjà « goûté ». La « première bouffée » n’est pas la seule à devenir chose courante. Ils sont aussi trois fois plus nombreux à fumer régulièrement : un garçon sur trois en 2003 et une fille sur dix s’offrent plus de dix joints dans l’année. Enfin, le nombre d’ados devenus « accros » est loin d’être négligeable. A l’âge de 16 ans, un garçon sur dix et une fille sur vingt fument plus de dix pétards par mois. La principale surprise des médecins est de constater que cette addiction, qui avait déjà fortement augmenté de 1993 à 1999, continue toujours de progresser alors qu’ils pensaient qu’un seuil était atteint. gue est de nouveau à la mode », constate François Beck, l’un des auteurs de l’étude pour le compte de l’OFDT. (Observatoire français des drogues et des toxicomanies). Les risques pour la santé ne sont pas nuls C’est historique ! Le shit, chez les ados, se situe désormais au même niveau que l’alcool, dont la consommation reste stable. La drogue de Bob Marley, qu’on croyait définitivement associée aux années 1970 et aux hippies, est donc en train de s’imposer chez les ados. « Cette dro- Autant les drogues dures n’attirent pas cette génération, autant elle estime, à tort, que le cannabis n’est pas « vraiment dangereux » pour leur santé. D’ailleurs, répondent-ils tous la main sur le cœur, « le shit, c’est pas vraiment illégal, on ne fait rien de mal ». La loi, pourtant, est hyperrépressive : l’usage de cannabis est passible de prison. Mais qui va en prison pour un pétard ? Personne. « On a la législation la plus dure en Europe et pourtant, on est le pays où l’on fume le plus », ajoute François Beck. Autrement dit même l’Espagne et le Pays-Bas, réputés eldorados des fumeurs, ont su mieux éviter la progression du phénomène. Alors que faut-il faire ? Dépénaliser ? Les sénateurs, missionnés par Jean-Pierre Raffarin, sont absolument contre. Ouvrir des « cannabistrots » comme le proposent les 2 000 militants pro- chanvre du Circ, le Centre international de recherche cannabique ? Cette réponse paraît peu réaliste. « Sous la gauche comme sous la droite, les gouvernements ont sous-estimé la consommation du cannabis, ils ont préféré y voir un phénomène marginal. Maintenant, il faut parler vrai » affirme Marie Choquet, une des meilleures spécialistes de la question à l’Inserm. Les risques pour la santé ne sont pourtant pas nuls. Accidents de scooters, démobilisation scolaire, repli sur soi… Les médecins découvrent maintenant la réalité des dégâts chez les gamins fragiles devenus dépendants. « Une prévention ciblée s’impose, comme pour le tabac », estime Anne Coppel, sociologue et auteur de « Peut-on civiliser les drogues ? » (éditions La Découverte). « On aurait dû diffuser depuis longtemps un spot télé qui montre un gamin en train de dormir sur sa copie de bac… avec une voix off implacable : Tu t’es vu quand t’as fumé ? » Florence Deguen et Marc Payet * Enquête menée par l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies et l’Inserm de 1993 à aujourd’hui. « Avec le shit, en cours, ça marche au ralenti » A MARTIN, 17 ans, lycéen dans les Yvelines UJO URD’H UI âg é d e 17 ans, Martin* affirme avoir fumé son premier joint à l’âge de 15 ans, bu sa première bière dès « 12, 13 ans » et… connu son « premier coma éthylique » à 14 ans ! « A jeun, j’ai avalé une bouteille de rhum de 75 centilitres en cinq minutes. Je suis tombé raide. J’ai failli mourir. Au réveil à l’hôpital, je me suis senti un peu minable. J’ai vraiment regretté », confie-t-il en évoquant cette triste expérience dont il ne se vante pas. Pantalon en treillis XXL et grosses baskets délacées, le jeune homme en classe de seconde qui arbore dreadlocks et bandana noir, assure depuis LE FAIT DU JOUR 2 et 3 LA POLITIQUE 4 et 6 VOTRE ECONOMIE VIVRE MIEUX LES FAITS DIVERS 7à9 10 et 12 13 à 16 LES JEUX « s’être donné des limites, même si je sais que je les dépasse parfois ». Vodka, tequila, gin… : ce lycéen des Yvelines apprécie l’alcool et avoue que « dans les squats (fêtes), on boit facilement une bouteille à deux ». Martin semble plus raisonnable en matière de tabac : « Je fume de temps en temps, environ deux garos (cigarettes) par jour. Mais je fais très attention à ne pas devenir accro. » Fumet-il autre chose que de l’herbe à Nicot ? Sans complexe, ce jeune musicien qui joue de la basse répond : « Oui, de temps en temps, je fume de la beuh (herbe) avec mon meilleur ami, que je connais depuis la maternelle. On se téléphone, l’un des deux ramène le spouf (l’herbe) et on va fumer n’importe où, dans la rue, dans ma chambre, au sous-sol, en forêt… » Martin se considère-t-il comme un consommateur de cannabis régulier ? « Y a pas de règle. Je peux passer trois, quatre jours sans fumer et puis prendre trois joints le même jour. » Lorsqu’il a classe, il préfère s’abstenir : « En cours, quand on a pris du shit, on a du mal à comprendre. Ça marche au ralenti. On rigole pour un rien, c’est euphorisant. » 17 LES SPORTS 18 à 21 LE SPORT HIPPIQUE 22 à 25 LES ANNONCES 26 et 27 LES SPECTACLES 28 à 31 LA TELEVISION 32 à 35 LA METEO, L’HOROSCOPE 36 LE KENO 16 ! Les informations départementales et la circulation sont en cahier central. « J’ai des amis qui sont passés à la cocaïne » A l’en croire, se procurer de l’herbe est on ne peut plus facile : « Au lycée, dans la cour à la récré ou dans la rue, je connais les revendeurs qui font de la qualité », confie-t-il évasivement. Avant d’annoncer les prix : « 25 " les 12 grammes de cannabis. Pour le shit en barrette, c’est un peu moins cher. » Très organisé, Martin ne compte pas sur l’argent de poche pour s’approvisionner : « Je me dé- QUARTIER DES HALLES (PARIS Ier), HIER. Consommateur occasionnel, Martin pense être capable d’éviter la dépendance au cannabis. (LP/FREDERIC DUGIT.) brouille. J’achète des instruments de musique pas cher que je retape et que je revends sur Internet. » Depuis qu’elle a trouvé « un sachet de beuh sur mon bureau dans ma chambre », sa mère sait qu’il fume du cannabis, même s’il a cherché à « lui faire croire que c’était la première fois, juste pour essayer ». Son père, musicien aussi, lui a demandé d’être « raisonnable » mais, à en croire le fiston, le paternel est mal placé pour faire la morale : il consomme de temps en temps de la « beuh hilarante » ! Bref, les parents ont beau avoir découvert le pot-auxroses (ou plutôt à herbe…), Martin continue à fumer, il a juste trouvé une cachette pour le cannabis. Très lucide, il reconnaît ressentir parfois le manque, qu’il définit d’une expression : « C’est en vouloir de plus en plus souvent. » Lorsqu’il éprouve cette sensation, il dit être en mesure de résister : « Je ne veux pas devenir dépendant, comme certains qui fument ça comme des cigarettes. Alors, je me force à respecter une période de sevrage. » Quant aux drogues dures, il déclare n’avoir jamais essayé : « J’ai des amis qui sont passés à l’ecsta et à la cocaïne. Moi, je ne veux pas toucher à ça, ce serait la dérive. » Philippe Bavere l (*) Le prénom a été changé. 2 MERCREDI 14 AVRIL 2004 magenta jaune cyan noir