Le Goret - Habitat Jeunes Montluçon
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Le Goret - Habitat Jeunes Montluçon
SAISON 2012/2013 Le Fracas, Centre Dramatique National de Montluçon, Le GORET LE GORET (Frank Pig Says Hello) de Patrick McCabe mise en scène Johanny Bert création le 12 octobre 1 SAISON 2012/2013 Le Fracas, Centre Dramatique National de Montluçon, Le GORET © Me&Edward 2 SAISON 2012/2013 Le Fracas, Centre Dramatique National de Montluçon, Le GORET Le Goret (Frank Pig Says Hello) une pièce de Patrick McCabe (Irlande) Traduction Séverine MAGOIS avec le soutien de la Maison Antoine Vitez - Imaginaire Irlandais Équipe de création mise en scène Johanny Bert assistant à la mise en scène Thomas Gornet* scénographie Johanny Bert et Audrey Vuong création lumières David Debrinay Frank et tous les autres personnages Julien Bonnet* manipulations sonores et techniques Stéphanie Manchon, Jean-Jacques Mielczarek, Morgan Romagny formes marionnettiques Judith Dubois production LE FRACAS, Centre dramatique national de Montluçon / Auvergne, Dieppe Scène Nationale * acteurs permanents du Fracas Première création en France Le texte de la pièce paraîtra en octobre 2012 aux Éditions Espaces 34 3 SAISON 2012/2013 Le Fracas, Centre Dramatique National de Montluçon, Le GORET REPRÉSENTATIONS création au Fracas, CDN de Montluçon du 12 au 18 octobre vendredi 12, samedi 13, mardi 16, jeudi 18 octobre à 20h30 mercredi 17 octobre à 19h30 Yzeure Espace mardi 23 octobre Théâtre de Cournon d’Auvergne samedi 27 octobre Théâtre des Célestins à Lyon du mardi 20 novembre au samedi 1er décembre Centre Dramatique National de Besançon Franche-Comté mercredi 5, jeudi 6 et vendredi 7 décembre La Comédie de Valence du lundi 18 au jeudi 21 février Scène Nationale de Dieppe le mardi 9 avril Biennale internationale des Arts de la Marionnette 2013 à Paris en mai (date à préciser) 4 SAISON 2012/2013 Le Fracas, Centre Dramatique National de Montluçon, Le GORET Résumé Dans un petit village dʼIrlande du Nord, au début des années 60, Frank, un garçon fragile et monstrueux ébranlé par une vie familiale disloquée et un entourage hostile, vit son enfance de « pʼtit cochon ». Ballotté entre une mère dépressive et un père sans envergure, Frank est rongé par un appétit démesuré pour obtenir de lʼattention. Aujourdʼhui il redonne voix à cette enfance marginalisée. En lui, subsiste toujours ce « pʼtit cochon » de malheur. À travers une narration morcelée et onirique, Frank ressuscite un à un les abandons qui ont miné son chemin tout en continuant de se saouler du ciel couleur dʼorange quʼil a un jour aperçu audessus de la flaque dʼeau glacée devenue son seul royaume. Frank, le garçon boucher, sʼengage sur le territoire de lʼenfance, comme un guerrier lancé à lʼassaut de sa propre histoire traquant les fragments de ses souvenirs perdus. 5 SAISON 2012/2013 Le Fracas, Centre Dramatique National de Montluçon, Le GORET Extraits du texte de Patrick McCabe : Le Goret Scène 1 FRANK Bonjour. Groin, groin comme Pʼtit Goret fait son apparition avec un gâteau dʼanniversaire. Frank joue deux vers dʼune chanson à la trompette. PʼTIT GORET (chante) « I am a little baby pig and Iʼll have you all to know With my little curly tail and my nose thatʼs turned up so. » [Je suis un tout petit cochon Et croyez-moi, vous le saurez Avec ma queue en tire-bouchon Et mon petit nez retroussé.] FRANK Ça c'est moi quand j'étais petit. (Chante deux vers de la chanson.) Comme vous pouvez voir j'étais un joyeux petit cochon (Joue de la trompette.) … du matin au soir. PʼTIT GORET Du soir au matin ! Frank joue un vers de la chanson à la trompette. Pʼtit Goret souffle les bougies du gâteau. FRANK La première fois que j'ai vu Joe il était en train de casser la glace de la flaque. PʼTIT GORET Bonjour. JOE Bonjour, Frank. PʼTIT GORET Je m'appelle Pʼtit Goret. JOE Non — tu t'appelles Frank. Frank, point final. Tʼes pas un cochon, dis ? PʼTIT GORET Cʼest Mickey Douglas quʼa dit que jʼen étais un. JOE Il est où ton gros anneau de museau ? PʼTIT GORET J'ai pas de gros anneau. JOE Alors t'es pas un cochon. PʼTIT GORET Qu'est-ce que tu fais ? JOE Je casse la glace. PʼTIT GORET Qu'est-ce que tu ferais si tu gagnais cent millions de milliards de dollars ? JOE Je m'achèterais un million de barres Flash. Ou un million de roudoudous. Non — un million de barres Flash. Non — un million de Triggers. Comme Pʼtit Goret attaque la glace : FRANK Le ciel était de la couleur des oranges. Quelqu'un avait peint le ciel en orange. Jusqu'au fin fond de l'horizon. Orange. Frank joue de la trompette. PʼTIT GORET J'ai une cachette ! FRANK On avait une cachette. Moi et Joe. C'était la plus belle cachette du monde. PʼTIT GORET Hé les chiens, le premier qu'essaie de se réfugier dans notre cachette, il est mort. 6 SAISON 2012/2013 Le Fracas, Centre Dramatique National de Montluçon, Le GORET FRANK Tire dessus, Pʼtit Goret ! PʼTIT GORET Banzaï ! Banzaï ! FRANK Aâââââârgh ! PʼTIT GORET Banzaï, fils du soleil levant. FRANK C'est Joe et moi qu'avaient fait la cachette. C'était mon meilleur copain. PʼTIT GORET (écrivant) « Cette cachette a été constructée par Joe Super Purcell et moi et n'importe qui qu'essaie de rentrer dedans il se fait trouer la peau — alors restez dehors ou crevez. Ordre de Sa Majesté ! » Scène 2 FRANK C'est surtout Joe qui l'avait faite. Moi, je ramenais les bouts de bois. Joe, c'était le meilleur. Philip Nugent — il se prenait pour le meilleur. PʼTIT GORET Ha ha ha. FRANK Quelle blague. PʼTIT GORET Philip Nugent le meilleur. FRANK Quelle blague ! PʼTIT GORET Ha ha ha ha ! FRANK C'était Joe le meilleur. PʼTIT GORET Le meilleur ! FRANK Philip et son blazer. PʼTIT GORET Le vieux blazer. FRANK Et la cravate ! PʼTIT GORET La cravate ! FRANK Cette sale vieille cravate à rayures ! PʼTIT COCHON Cette sale vieille cravate à rayures ! Pause. FRANK Mais les bandes dessinées — les bandes dessinées, Pʼtit Goret ! PʼTIT GORET Les meilleures de toutes. FRANK Les bandes dessinées ! PʼTIT GORET Les meilleures bandes dessinées du monde. FRANK Superman Dandy Beano Topper Victor Hornet Hotspur Hurricane Diana Bunty Judy — PʼTIT GORET Et Commandoes ! Pause. FRANK J'ai dit à Joe : PʼTIT GORET Il nous les faut, Joe. FRANK On lʼa plumé — faut bien dire. Philip, il sʼen fichait. Je le sais bien. C'était sa mère. Si elle s'en était pas mêlée, y aurait pas eu d'histoires. Mais ça, elle pouvait pas, pas vrai ? PʼTIT GORET Toujours à fourrer son nez partout. 7 SAISON 2012/2013 Le Fracas, Centre Dramatique National de Montluçon, Le GORET FRANK Son nez partout — à tous les coups. PʼTIT GORET Tout ça parce qu'elle avait vécu en Angleterre. Scène 3 Toc toc. PʼTIT GORET Ouvre, Mʼman, c'est moi. Toc toc. PʼTIT GORET Ouvre, Mʼman, c'est moi. MʼMAN Je vais me pendre. PʼTIT GORET Toc toc ! Ouvre, Mʼman, c'est moi. MʼMAN Je vais me pendre. Reviens plus tard, Pʼtit Goret. PʼTIT GORET Ça y est M'man, t'as fini de te pendre ? MʼMAN Non, je le fais pas comme il faut. PʼTIT GORET Ben, c'est pas ce qu'on dit dans cette ville, Maman ? Ces cochons — ils font rien comme il faut. MʼMAN Cʼest ça quʼon dit, petit. PʼTIT GORET Autant me laisser entrer alors. MʼMAN Ah ben d'accord alors. MʼMAN Tu veux goûter, petit ? PʼTIT GORET Oui, je prendrais bien des épluchures de patates et un vieux topinambour, sʼil te plaît. MʼMAN Tiens. PʼTIT GORET J'ai rencontré tout un tas de gens là-haut en ville. MʼMAN C'est vrai, Pʼtit Goret ? PʼTIT GORET Vrai de vrai. MʼMAN Et qu'est-ce qu'ils t'ont dit ? PʼTIT GORET Ils m'ont dit : « C'est pour quand la prochaine panne, Pʼtit Goret ? » MʼMAN Et quʼest-ce que tʼas dit, Pʼtit Goret ? PʼTIT GORET J'ai dit : « Oh là là, c'est quoi une panne ? » MʼMAN Et qu'est-ce qu'ils ont dit, Pʼtit Goret ? PʼTIT GORET (machônnant son pain) Ils disent : « C'est quand on t'emmène au garage. » MʼMAN Ha ha — sont-ils drôles. Scène 8 La Cuisine : une image du Sacré-Coeur. FRANK (coup de klaxon) Tut ! Tut ! PʼTIT GORET M'man ! MʼMAN P'tit Goret ! PʼTIT GORET Fini les garages, M'man ! MʼMAN Les garages, on n'en parle plus, Pʼtit Goret. 8 SAISON 2012/2013 Le Fracas, Centre Dramatique National de Montluçon, Le GORET PʼTIT GORET Les garages — bonne chance ! MʼMAN Et si je faisais quelques gâteaux. PʼTIT GORET Bonne chance, les garages. MʼMAN Des p'tits gâteaux pour Alo. PʼTIT GORET On s'en fiche, Mʼman, de ce que disent les gens. MʼMAN Ces gâteaux, Pʼtit Goret, je les fais ou pas ? PʼTIT GORET Comme tu veux, Mʼman. MʼMAN Et puis non. PʼTIT GORET Comme tu veux, Mʼman. MʼMAN Et puis si. PʼTIT GORET C'est comme tu veux, Mʼman. MʼMAN Et puis non. PʼTIT GORET Oui, Mʼman. MʼMAN Et puis non. PʼTIT GORET C'est comme tu veux, Mʼman. MʼMAN Ou p'têt que oui. FRANK Elle en a fait. MʼMAN La la la la la la. Et si je refaisais des gâteaux, P'tit Goret ? PʼTIT GORET Y a plus la place, Mʼman. MʼMAN Je sais ce que je vais faire, je vais en refaire quelques-uns. PʼTIT GORET Où est-ce qu'on les mettra, Mʼman ? MʼMAN Ou des petis babas-collerettes ? PʼTIT GORET Oui, Mʼman. MʼMAN Cʼest une bonne idée. FRANK Jʼai recroisé Philip et sa mère dans la rue plusieurs fois après ça mais j'allais pas me prendre la tête avec eux. J'étais trop occupé à penser à l'oncle Alo. C'est vers cette époque que j'ai trouvé un nouveau nom pour la maison — PʼTIT GORET La Maison des Gâteaux. FRANK On entrait, et ils étaient là. Sur la machine à laver. Et dʼautres en haut de l'armoire. Y avait ceux avec glaçage, ceux sans glaçage, tous décorés avec des vermicelles, de la pâte d'amande et tout plein de dessins différents. Et jʼavais bien du mal à chasser toutes les mouches ! Bzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzz ! PʼTIT GORET La Maison des Gâteaux ! Ta-ta-tam ! Allez les mouches, ça suffit maintenant ! Je vous le dirai pas deux fois. Pʼtit Goret court partout, écrasant les mouches. Il finit par terre. Pʼpa souffle dans sa trompette. 9 SAISON 2012/2013 Le Fracas, Centre Dramatique National de Montluçon, Le GORET PʼPA Je sais pas en jouer ! Ils ont raison, petit. Ton père sait pas en jouer ! Qu'estce que je vais faire ? Qu'est-ce que je vais faire ? (Ivre.) Je jouais de la trompette quand les crétins de cette ville se décrottaient les bottes. Tu m'entends ? (Au désespoir.) Tu m'entends ? Pʼpa souffle dans sa trompette. PʼPA Cite-moi un seul gars de cette ville qui sait jouer de la trompette, allez, vas-y ! Il sait en jouer, Mickey Douglas ? Charlie Lawrence ? Harry Conolly ? Pas un seul ! Mais moi je sais en jouer. Il sait en jouer, Benny Brady ! (Avec frénésie.) C'est un truc qu'on me volera jamais ! Pʼpa souffle dans sa trompette. Je savais en jouer avant. Tu te souviens ? (Joue de la trompette.) « I dreamt that I dwelt in marble halls »… [« J'ai rêvé d'un palais tout de marbre bâti… »] Moi aussi petit, j'ai eu un papa. Il nous a abandonnés, moi et Alo. Dans la Maison aux Cent Fenêtres. Annie ? Annie, sʼil te plaît. Pʼtit Goret récupère la trompette et commence à jouer. Mʼman est en train de pétrir une préparation pour gâteaux. MʼMAN Tu sais quoi ? PʼTIT GORET Quoi, Mʼman ? MʼMAN Ton papa mʼa aimée un jour. (Pétrit.) Je me suis endormie sur son épaule… (Pétrit.) … un jour. Scène 9 Pʼtit Goret va se mettre à la fenêtre. PʼTIT GORET Joe ! Te voilà ! JOE Oh hé, bonjour Francie ! T'entends Tango McFee comme il aboit ? TANGO Ouarf ! Ouarf ! Ouarf ! PʼTIT GORET Évidemment que je l'entends, Joe. Ils se livrent à un pot-pourri dʼaboiements. JOE Tu sais ce qu'il dit quand il fait ça ? PʼTIT GORET Non, je sais pas. Qu'est-ce qu'il dit ? JOE Comment veux-tu que je sache ? Je parle pas la langue des chiens. Ils rient. FRANK Toc toc. Je pouvais pas le quitter des yeux ! ALO Te voilà, soldat. C'est devenu un vrai géant. FRANK J'ai dit : « Alo », mais cʼest pas sorti. Il portait un mouchoir rouge à la poche de son veston et le pli de son pantalon, c'était une vraie lame de rasoir. ALO Je reprendrais bien un verre de votre meilleur malt ! Il est où Benny le hardi ? FRANK Mais Pʼpa n'est jamais arrivé. ALO Sûr quʼon va commencer quand même. (Chante.) « Underneath the arches… » [« Sous les ponts… »] 10 SAISON 2012/2013 Le Fracas, Centre Dramatique National de Montluçon, Le GORET PʼTIT GORET « Underneath the arches… » ALO Oh oui, comme le temps passe ! Je n'oublierai jamais le jour où j'ai quitté cette ville pour le pavé londonien ! Alors à la santé de tous ceux qui sont réunis ici ! TOUS Hip hip hip ! Hourra ! Hip hip hip ! Hourra ! ALO « Don't sit under the apple tree with anyone else but me ! » [« Ne tʼassieds pas sous le pommier avec un autre que moi ! »] PʼTIT GORET « Anyone else but me ! Anyone else but me ! » Pause. Ils chantent un couplet de la chanson. ALO Mary — faut qu'on s' marie ! « Underneath the arches ! » TOUS Ha ha ha ! Est-il drôle ! ALO (ivre et désespéré) C'est pas drôle ! TOUS Ha ha ha ! ALO Je t'ai toujours voulue ! Je t'ai toujours aimée ! TOUS Bravo Alo ! FRANK Ça faisait un moment que P'pa était là, mais personne nʼavait remarqué. PʼPA Alo, quel homme ! Hip hip hip ! (Silence.) Hourra ! (Pause.) Ça le reprend. Pauvre vieux Alo — ça le reprend. Combien de temps ça va encore durer, Alo ? Faut qu'on se marie ! Tʼas jamais eu le courage de lui faire ta demande. Alo est allé loin ! Alo, quel homme ! Camden Town ! Alo est allé loin ! PʼTIT GORET Il se fait tard ? Bien tard. Bonsoir. Allez, bonsoir ! Allez, bonsoir ! Allez, bonsoir ! (Chante.) « Don't sit under the apple tree with anyone else but me… » Alo. Alo. ALO Il se fait tard. Serait peut-être temps que j'aille au lit. Au revoir. PʼTIT GORET Au revoir, Alo. FRANK Et cʼétait la dernière fois que je le voyais de ma vie. P'pa trébuche avec sa trompette. PʼPA Alo ! Alo ! Pʼpa repose la trompette. FRANK Oh — et Mʼman. Elle est retournée au garage. Je lʼai jamais revue après ça parce que… 11 SAISON 2012/2013 Le Fracas, Centre Dramatique National de Montluçon, Le GORET Intentions de mise en scène / Johanny Bert Le texte de Patrick McCabe met en jeu un personnage dont la mutation complexe vers lʼadolescence a figé le langage dans lʼenfance pour mieux affronter les dégradations de la vie. Son texte est aussi une formidable partition pour des acteurs : construit en séquences rapides, concises, où de multiples personnages se croisent, se répondent et constituent lʼimaginaire dévorant de Frank. Lorsque jʼai lu le texte, jʼai été tout de suite frappé par ce double personnage enfant/adulte dans son écriture et sa langue, simple, si directe. Une sensation de tourbillon dans lequel se mêlent un attachement à ce personnage et un malaise certain, qui sʼaccroît au fur et à mesure du texte. Comme une rencontre intime avec la folie. Cet enfant nous sourit, mais son sourire est étrange, meurtrier, triste. Un enfant difficile, à l'émotivité maladive qui raconte sa dérive inéluctable vers la violence. Son témoignage est plein de bruit et de fureur, émouvant et drôle sur les ravages de la solitude, la ségrégation sociale. Le fil tendu tout au long du texte est une succession de séquences, de fuites, qui peuvent être inventées ou transfigurées par Frank adulte. Je souhaite donner corps à ce texte au travers dʼun seul acteur qui sʼadresse au public. Frank est seul en scène. Il raconte son enfance. Un enfant inadapté au monde qui lʼentoure. Nous suivons son histoire à travers le prisme de son regard. Regard violent parce que sans repères. Tout est jeu, tout est fuite en avant. Un enfant abandonné dans une vie brutale, sans prise avec la réalité, semblant marcher sur un muret étroit, attiré par le vide. Il va se cogner à la vie avec une inébranlable gaieté de vivre, jusqu'à ce que les entailles, trop nombreuses, creusent un abîme irrécupérable. Lʼhumour qui se dégage du texte, ravageur parce quʼinsolent, nous démunit. Pour moi, tous les personnages sont vus sous le regard de Frank. Cʼest son histoire et sa folie qui me fascinent et cʼest bien à travers son corps quʼil me semble juste de retranscrire un amoncellement dʼautres personnages. Il est Frank et présente à coté de lui Pʼtit Goret, figurine/poupée/pantin symbole de son enfance endeuillée. 12 SAISON 2012/2013 Le Fracas, Centre Dramatique National de Montluçon, Le GORET À travers cette figurine, il joue le spectacle de sa vie, qui émerge de sa mémoire, comme des éclats d'émotions. Il est aussi traversé par tous les autres personnages. Des souvenirs en mouvement. Peut-être les invente-t-il ? Peut-être sont-ils les lambeaux de son mal ? Lʼacteur manipule à vue des formes marionnettiques constituées à partir de son corps. Il met en jeu, dirige, des objets ou des prothèses, qui parfois sʼéchappent de lui. Elle apparaissent, disparaissent, sʼemparent de lui… Il est donc toutes les voix et son corps est traversé par tous les personnages. Il est dans un espace noir, truqué, rêve dʼillusion de vie, dans lequel son corps est aspiré, disloqué. Espace de jeu et de fantasme. Un ou deux acteurs / assistants manipulateurs sont présents au plateau, ombres discrètes, non visibles, la plupart du temps, des spectateurs. Ils manipulent par moments des personnages, poursuivent un mouvement impulsé à une forme marionnettique par Frank ou sʼajoutent à son corps, pour donner à Frank un corps transfiguré. Ils pourront être aussi des figures transparentes, réelles et humaines issues de son imaginaire. (Père, mère, Joe ?) 13 SAISON 2012/2013 Le Fracas, Centre Dramatique National de Montluçon, Le GORET Inspirations plastiques et formes marionnettiques Pegah Pasyar 14 SAISON 2012/2013 Le Fracas, Centre Dramatique National de Montluçon, Le GORET 15 SAISON 2012/2013 Le Fracas, Centre Dramatique National de Montluçon, Le GORET Oguzhan Cürgü 16 SAISON 2012/2013 Le Fracas, Centre Dramatique National de Montluçon, Le GORET Photos John 'Hoppy' Hopkins 17 SAISON 2012/2013 Le Fracas, Centre Dramatique National de Montluçon, Le GORET Photo de TIna Mérandon « petits lutteurs » 18 SAISON 2012/2013 Le Fracas, Centre Dramatique National de Montluçon, Le GORET PATRICK McCABE, lʼauteur Né en 1955 à Clones, Patrick McCabe est aujourdʼhui considéré comme un des plus grands écrivains irlandais contemporains. Principalement auteur de romans et de nouvelles, McCabe a également adapté lui-même plusieurs de ses œuvres pour le théâtre et le cinéma. Ses fables, presque toujours situées dans de petites villes irlandaises, sont le plus souvent occupées en leur centre par une figure marginale. Elles se caractérisent par leur climat sombre et orageux, par leur humour caustique et par un mélange particulier de réalisme social, dʼonirisme, de culture irlandaise traditionnelle et de « pop culture » (les références à des films de série b, à des « comics » ou à des chansons sentimentales y abondent). Frank, le garçon boucher, une réécriture pour la scène que Patrick McCabe a brillamment réalisée à partir de son roman le plus célèbre : « The Butcher Boy ». Ce roman a été récompensé à sa sortie en 1992 par la plus haute distinction littéraire irlandaise, le « Irish Times Irish Literature Prize for Fiction » et a été finaliste du prestigieux « Booker prize ». SÉVERINE MAGOIS, la traductrice Après des études d'anglais et une formation de comédienne, elle s'est peu à peu orientée vers la traduction théâtrale. Elle travaille depuis 1992 au sein de la Maison Antoine Vitez, centre international de traduction théâtrale, dont elle coordonne de nouveau le comité anglais. Depuis 1995, elle traduit et représente en France l'œuvre de Daniel Keene (Éditions Théâtrales), auteur australien très présent sur les scènes françaises, ainsi que le théâtre pour enfants de l’Anglais Mike Kenny (Actes Sud/Heyoka). Elle a par ailleurs traduit, pour la scène et/ou lʼédition, des pièces de : Sarah Kane (LʼArche), Marie Clements, Kay Adshead (Lansman), Terence Rattigan (Les Solitaires intempestifs), Goran Stefanovski (LʼEspace dʼun instant), Harold Pinter, Martin Crimp (LʼArche), John Retallack, Nilo Cruz (LʼArche), Mark Ravenhill, Lucy Caldwell (Théâtrales), Athol Fugard, David Almond (Actes Sud/Heyoka), Simon Stephens (Voix navigables), Amir Nizar Zuabi (Théâtrales), Matt Hartley (Théâtrales)… Elle a également co-traduit avec Jérôme Hankins une partie de la correspondance d'Edward Bond et collaboré à la traduction de son livre théorique La Trame cachée. En mai 2005, elle reçoit, avec Didier Bezace, le Molière de la meilleure adaptation dʼune pièce étrangère pour La Version de Browning de T. Rattigan. Depuis janvier 2010, elle est membre du collectif artistique de la Comédie de Valence, à l'invitation de Richard Brunel, son nouveau directeur. 19 SAISON 2012/2013 Le Fracas, Centre Dramatique National de Montluçon, Le GORET JULIEN BONNET, le comédien Nous nous sommes rencontrés lors dʼun laboratoire de recherche autour de formes marionnettiques avec un auteur invité. Cʼest en 1996 qu'il intègre les ateliers de La Comédie de Saint-Étienne. Lʼannée suivante il part à Aix-en-Provence faire un DEUST théâtre sous la direction de Danielle Bré puis il entre à LʼAcadémie Théâtrale du Théâtre de lʼUnion (CDN de Limoges) en 1999. À la sortie de lʼécole en 2001, il poursuit sa formation avec des stages dirigés par Gennadi Bogdanov, François Rancillac, Lyèce Boukhitine, Delphine Eliet, Raffaella Giordano, Lory Leshin, Ami Hattab Haim Isaacs et Thomas Lebrun. Dès 1998, il participe à diverses créations : Roméo et Juliette dʼaprès Shakespeare (Les Tempestant), Les Noces du Pape dʼEdward Bond (Franck Dimeck), Noces de sang de Federico Garcia Lorca (Paul Golub), Le Petit Poucet dʼaprès Perrault (Karine Geslin), Un visa pour lʼamour (spectacle musical co-écrit avec Marie Blondel), Queues, Fusées, Pierres tombales dʼArmando Llamas (Benjamin Body), Calme-toi Platonov dʼaprès Tchekhov (Nadège Taravellier), Dandin Requiem dʼaprès Molière (Guillaume Cantillon). Il travaille régulièrement avec Nathalie Garraud et Olivier Saccomano Cie Du zieu dans les bleus (Les Européens dʼHoward Barker, Dans le dos des villes surprises dʼaprès Aimé Césaire, Ismène dʼaprès Eschyle et Sophocle, Ursule dʼHoward Barker, Victoria de Felix Jousserand), Gilbert Rault (Histoire de lʼoie de Michel Marc Bouchard, Les Aventures dʼAuren le petit serial killer de Joseph Danan, Ma famille de Carlos Liscano), Cécile Fraisse (À tous ceux qui de Noëlle Renaude, Le Voyage de Jason de David Léon). 20 SAISON 2012/2013 Le Fracas, Centre Dramatique National de Montluçon, Le GORET JOHANNY BERT Johanny Bert a pu élaborer, au fur et à mesure des rencontres et des créations, un langage théâtral personnel. Ce langage théâtral part de lʼacteur en le confrontant à dʼautres disciplines artistiques comme le théâtre dʼobjet, la forme marionnettique. En 2000, il crée au Puy-en-Velay la Compagnie Théâtre de Romette, espace dʼexpérimentation et de création. La Cie a été en résidence au Théâtre Municipal du Puy-en-Velay (alors Scène conventionnée) de 2007 à 2009 puis au Polaris à Corbas (69). En 2010 et 2011, Johanny Bert était artiste associé à la Scène nationale de Clermont-Ferrand. Dans cette Cie, il mène une recherche qui sʼest élargie au fur et à mesure des créations autour de la question de lʼécriture. Des créations dans lesquelles le langage est une partition visuelle qui sʼécrit au plateau et dont le point de départ est une matière textuelle ou lʼunivers dʼun plasticien (Le Petit bonhomme à modeler, Les Pieds dans les nuages, Ceux dʼailleurs). La question de lʼécriture sʼest concrétisée par des commandes à des auteurs (Histoires Postit, on est bien peu de chose quand même !, Parle moi dʼamour, Les Orphelines), à partir de textes écrits pour le théâtre (LʼOpéra de Quatʼsous de Bertolt Brecht et Kurt Weill, LʼOpéra du Dragon de Heiner Müller), ou dʼune partition chorégraphique écrite avec Yan Raballand (Krafff) . Johanny Bert aime travailler aussi avec dʼautres équipes artistiques lors de commandes de mise en scène : la compagnie lyrique Les Brigands pour Phi Phi (Prix national de la critique 2011), Le Préau - Centre Dramatique Régional de Basse-Normandie, Vire (Les Orphelines de Marion Aubert), ou avec Le Centre lyrique dʼAuvergne (Hänsel & Gretel, opéra de Engelbert Humperdinck). Nommé directeur du Centre Dramatique de Montluçon (Les Fédérés puis le Festin) depuis janvier 2012, Johanny Bert y poursuit son travail de création et de diffusion accompagné dʼune équipe dʼacteurs permanents. Identité de travail Travailler avec des acteurs et les emmener vers une forme de jeu incluant des formes marionnettiques est un travail passionnant que je développe dans la plupart des créations. Je ne me définis pas comme un marionnettiste pour autant, mais plutôt comme un metteur en scène qui cherche dans son rapport à la dramaturgie et au plateau à transcrire des corps transformés, à donner aux acteurs de nouveaux instruments de jeu qui deviennent des prothèses ou des prolongements de leurs sensations. Chaque dramaturgie implique une réflexion sur le rapport entre le texte et lʼimplication de jeu à travers ce texte. La forme marionnettique est souvent un instrument que je propose à lʼacteur comme mise en abîme du personnage, mais pas toujours. Ainsi la présence de ce corps délégué est intimement lié à un questionnement de dramaturgie plutôt quʼune forme artistique et technique déterminée comme point de départ. Lorsque jʼutilise des formes marionnettiques, je travaille en collaboration avec des plasticiens à qui je propose des signes visuels, des intentions plastiques et des relations souhaitées entre lʼacteur et lʼobjet. Personnages éphémères, morceaux de papier, constructions plus élaborées inspirées de techniques traditionnelles ou recherches à partir de matières. La forme marionnettique est un véritable instrument dʼinterprétation, un prolongement fascinant pour lʼacteur qui mêle et questionne différents arts comme les arts plastiques, le travail chorégraphique et lʼécriture. Le centre dʼinterprétation de lʼacteur se décale et cela lui permet souvent davantage de liberté. Lʼacteur est toujours à vue dans la manipulation et son corps, quʼil soit personnage dans lʼaction ou ombre discrète manipulatoire, reste présent comme un créateur de lʼinstant, portant un regard sur ce quʼil raconte. Le fait dʼutiliser des formes marionnettiques à lʼintérieur de créations est, simultanément, un objet de curiosité pour les spectateurs et un défi aux clichés sur la marionnette, à combattre avec passion. 21 SAISON 2012/2013 Le Fracas, Centre Dramatique National de Montluçon, Le GORET 2011 : Hänsel & Gretel Opéra de Engelbert Humperdinck Production du Centre Lyrique Clermont-Auvergne, soutenue par le Conseil Régional d’Auvergne,en coproduction avec le Théâtre de Romette, le Théâtre Musical de Besançon et La Rampe, scène régionale Rhône Alpes à Echirolles. 2010 : L’Opéra du Dragon De Heiner Müller Production : Théâtre de Romette, en coproduction avec La Comédie-scène nationale de Clermont-Ferrand, Le Polaris-centre culturel de Corbas, L’Arc-scène nationale du Creusot 2009: Les Orphelines De Marion Aubert Commande du Préau,Centre Dramatique Régional de Basse-Normandie à Vire, en coproduction avec le Théâtre de Romette, Le Polaris-centre culturel de Corbas, La Grande Ourse - Scène Conventionnée Jeune Public de Villeneuve les Maguelone. Cette œuvre a bénéficié de l’aide à la production et à la diffusion du fonds SACD Théâtre 2008: L’Opéra de Quat’sous De B. Brecht et K. Weill Création en collaboration avec La Fédération Philippe Delaigue, production : Théâtre de Romette, en coproduction avec le Théâtre des Célestins à Lyon,le Théâtre du Puy en Velay, le Théâtre de Cusset, Le Centre culturel Le Polaris à Corbas, la Ville De Riom, l’ABC à Dijon 22 SAISON 2012/2013 Le Fracas, Centre Dramatique National de Montluçon, Le GORET 2007 et recréation 2011: Krafff De Yan Raballand (Compagnie Contrepoint) et Johanny Bert Production : Théâtre de Romette, en coproduction avec La Comédie , scène nationale de Clermont-Ferrand, la compagnie Contrepoint. Avec le soutien du Centre National de la Danse en Rhône Alpes et du Centre Chorégraphique National de Rilleux-La-Pape 2007: Ceux d’ailleurs De Johanny Bert et Didier Klein Production : Théâtre de Romette, Théâtre du Puy en Velay 2005: Histoires Post-it. On est bien peu de choses quand même. Commande d’écriture à Emmanuel Darley, Perrine Griselin, Sophie Lannefranque et Fabienne Mounier. Production : Théâtre de Romette, La Comédie, Scène Nationale de Clermont-Ferrand/Festival A suivre. 2004 : Les Pieds dans les nuages Inspiré de l’univers du plasticien américain Robert Parkeharisson. Production : La Comédie, Scène Nationale de Clermont-Ferrand, Le Centre Culturel Le Bief Ambert 23 SAISON 2012/2013 Le Fracas, Centre Dramatique National de Montluçon, Le GORET LE FRACAS, Centre Dramatique National de Montluçon Espace Boris Vian, 27 rue des Faucheroux, 03100 Montluçon Tél. : 04 70 03 86 18 - Fax 04 70 03 86 17 [email protected] 24