Maple Hell
Transcription
Maple Hell
dxrknight Maple Hell Publié sur Scribay le 02/05/2016 Maple Hell À propos de l'auteur Seulement là, au fond, dans un coin, au milieu et au plafond Licence Tous droits réservés L'œuvre ne peut être distribuée, modifiée ou exploitée sans autorisation de l'auteur. Maple Hell Table des matières Maple Hell 1 - taxi, champs et Maple Hill 3 Maple Hell Maple Hell Maple Hill est un enfer campagnard paumé - personne ne sait trop où - en plein centre du Mainland. Les attractions mises à la disposition des quelques six cent habitants sont exclusivement des champs, une maison hantée et une station service. Voilà. Mais lorsqu'on vous fout là-dedans, ne reculez pas : il suffit de plonger tête la première dans les ramas de foin et autres substances non-identifiées et espérer ne pas trop mal s'en sortir. Car autant ne pas se mentir, une fois atterri ici, votre principal but devient aussitôt d'en partir. Bon séjour parmi les fœtus Kansasais, nouveaux-nés ou enterrés. 4 Maple Hell 1 - taxi, champs et Maple Hill Je devais avoir quatorze ans lorsque ma mère m'a poussé dans un avion de l'O'Hare pour le Kansas. Mais qu'est-ce que je raconte, bien sûr que j'avais quatorze ans. Après tout, c'est l'âge parfait : assez grand pour me débrouiller seul une fois sur place, mais pas trop pour rassembler mes cinquante dollars de cadeau d'adieux et me faire la malle je-ne-sais-où. J'habiterai chez mon oncle, le soleil continuerait de se lever, et ma mère pourrait enfin assumer pleinement son irresponsabilité sans m'avoir sur le dos - et sûrement sur une quelconque conscience-. Quatorze ans. L'âge inéluctable des conneries adolescentes et de la puberté à son heure la plus glorieuse. Alors en plein secondaire, j'avais pourtant pris l'habitude de changer d'école ; mais jamais de m'envoler si loin de tout ce qui m'était désormais familier. Chicago, la circulation, les touristes, bref, le bordel commun à toutes les villes phares de tous les pays du monde sur cette planète. Je peux vous dire que je ne m'attendais tout de même pas à ça. L'atterrissage se fit aux alentours de midi. Personne ne m'attendait. J'avais les oreilles totalement bouchées, je crevais de faim, et le paysage jaunâtre que je pouvais entrevoir par l'hublot ne me disait rien, vraiment rien. Une fois descendu, mes pas me guidèrent d'eux-mêmes vers les toilettes. Je ne sais pas ce qui m'a pris lorsque je fis face à la cuvette, seulement qu'un goût âcre remonta abruptement le long de ma trachée en m'arrachant la gorge, et sortit de ma bouche en dégoulinant par paquets vers l'eau puante. Ce qui rendu la chose douloureuse, puisque je n'avais rien à vomir. Merde. Mon corps tituba jusqu'au lavabo, et je pressai l'unique bouton avant de pencher la tête en dessous du robinet. L'eau était gelée. Premier souvenir que j'aurais de ce pays. Mais à la suite de longues minutes à cracher les derniers restes de mon repas de la veille, je m'engageai enfin en direction de la sortie, bien décidé à me tirer de cet endroit flippant même si j'empestais un mélange acerbe de poubelle et de chat mort. Oui, je puais, et le regard que m'adressa le chauffeur de taxi lorsque je montais sur le siège passager me le confirma. Faut dire que je devais vraiment être moche à voir. Ma mère ne m'avait pas laissé le temps de prendre de douche - ni d'affaires d'ailleurs - si bien que j'avais juste l'air d'un camé clandestin en quête d'une apothéose sereine ; avec à la clé poudre brune et seringues. Un type de mon âge qui sort d'un aéroport accompagné d'un seul sac à dos fait plutôt louche, j'en conviens. « Maple Hill, m'avait pourtant annoncé ma parente, tu verras, c'est super. » 5 Maple Hell Évidemment que je n'y avais jamais cru. Simplement espéré que ce ne soit pas aussi pire que ce que j'imaginais. Pas aussi paumé que ce que je craignais. Eh ben si, jackpot. Les routes s'étalaient devant moi pendant que le chauffeur muet ne paraissait même pas respirer (et j'étais persuadé que mes effluences pestilentielles n'avaient rien à voir avec ça). Quand on me disait "Kansas" j'avais davantage tendance à faire le rapport avec Dust In The Wind, que des champs, des champs, un cimetière et encore des champs. Plus le taxi s'éloignait de l'aéroport, plus mes espoirs s'évanouissaient à travers les parcelles de tournesols. Et je m'enfonçai profondément dans mon siège lorsque la voiture quitta la route de Topeka (aka seule civilisation du coin d'après mes maigres recherches). Il s'enfouissait dans la campagne, le véhicule, de plus en plus à chaque minute. Le silence devenait oppressant, je transpirais du dos et je réalisais à quel point j'aimais les grandes villes. Finalement, l'auto passa devant un panneau bleu marine, qui affichait fièrement en lettres dorées : « Bienvenue à Maple Hill ! » À croire que vivre dans ce trou perdu était un choix. Les maisons plain-pied défilaient des deux côtés de la route, une tous les cinq cent mètres. Mon oncle vivait dans une ferme, à ce qu'on m'avait laissé entendre. Une vieille ferme. Avec pierres apparentes et potager. Je l'ai su lorsque la voiture s'est stoppée face à l'étrange baraque, et que le chauffeur m'a demandé sa paye avant de me jeter sur la chaussée. Et je dis chaussée parce qu'il n'y avait pas de trottoir. Je ne sais pas combien de temps je suis resté bouche ouverte et bras ballants derrière le portail, à observer les feuilles de plants de tomates se balancer au gré du vent. Mes cheveux volaient un peu, eux-aussi. Mes mains devinrent moites lorsqu'un homme dans la cinquantaine, rabougri et affreusement maigre, sortit par la porte arrière et s'arrêta en m'aperçevant. Sa salopette tombait le long de ses cuisses, toute droite pour raser le sol poussiéreux. « Hey, Harden ! Mais qu'est-c'tu fous là petit ? Pas la peine de rester planté là. 6 Maple Hell Un sourire franc déformait ses lèvres en dévoilant ce que, après délibération, l'on pourrait appeler des dents. Je mis du temps à tout saisir, lui, mon oncle, toi, Harden, bouger tes fesses, portail, entrer. C'est donc ce que je fis. Poussai la porte en bois, m'avançai en traînant les pieds dans la terre pendant que le vieillard me fixait - toujours en faisant des grimaces-. — T'es bien grand dis-moi, ta mère t'avait décris plus impubère. Merci ma mère. — Annie va certainement arriver, elle te fera visiter la fabuleuse propriété qu'nous logeons, n'est-ce pas. T'aimes, hein gamin ? Annie ? Je m'empressai d'acquiescer. Je ne connaissais pas d'Annie. — Bien sûr. De vifs tressauts se prennant pour des éclats de rire le remuèrent alors. — Oublie tes bonnes manières gamin, t'es plus à la ville maintenant. Il me donna une tape sur l'épaule - je fronçais les sourcils - et une voix claire interrompit le tout : — Papa, laisse-le tranquille. Tu vas lui faire peur dès le premier jour. L'homme glissa ses pouces entre les anses de sa salopette et sursauta de nouveau. — Ouais, t'as raison. » Une fille à peine plus âgée que moi s'approcha. Brune, svelte, élancée et serrée dans une courte robe à fleurs. J'ai une cousine. Depuis quand étais-je censé avoir une cousine ? Ce fut sûrement ma première surprise à Maple Hell. 7