Promesses et jambes en l`air de Jean Chrétien

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Promesses et jambes en l`air de Jean Chrétien
Décembre 2001
Contes et comptes du prof Lauzon
Promesses et jambes en l'air de Jean Chrétien
2e partie
par Léo-Paul Lauzon
Imaginez-vous donc que Fred, mon thérapeute, a lu mon dernier texte et qu'il a trouvé que j'ai
fait beaucoup de progrès. C'est clair qu'il est pas trop content que j'aille dénoncé les fausses
promesses du parti Libéral, puisque Fred est un rouge à cause qu'il aime cette couleur. Même si je
trouve qu'une couleur n'est pas garante des idéaux d'un parti politique, je me suis toujours
abstenu de le lui dire. Fred aime pas trop être obstiné sur ses idées en politique. Toutefois,
comme il est très professionnel et qu'il se concentre principalement sur mon progrès
thérapeutique, il a vu que j'avais fait des efforts. Que pour une fois, j'avais suivie sa doctrine la
jalousie et la colère c'est comme du chocolat: ça se partage car mon article avait ciblé non pas le
gouvernement québécois, comme je le fais souvent, mais le gouvernement fédéral. Alors pour
poursuivre dans la même veine, voici ce que j'ai à rajouter. Peut-être que Fred changera de
couleur après avoir lu mon article, ou plutôt qu'enfin il verra aussi rouge que moi!
Alors que tous les pays de l'Organisation de coopération et de développement économique
(OCDE), sauf les États-Unis et bien évidemment sa succursale du Canada, dénoncent l'usage
abusif et frauduleux des paradis fiscaux par les compagnies et les nantis (Paradis fiscaux: la
position américaine inquiète l'OCDE. La Presse du 11 juin 2001), Paul Martin, notre cher ministre
des finances, ne voit pas où est le problème tel que rapporté dans le texte du journaliste de La
Presse Gilles Toupin du 4 avril 2001 et intitulé: «Martin hésite à déclarer la guerre aux paradis
fiscaux». Dans son article, le journaliste écrit que «Au Canada, depuis 1992, il n'est pas une
année où le vérificateur général n'a pas dénoncé la gravité de la situation et l'inertie du
gouvernement». Puis, il ajoute «Les banques canadiennes ont ouvert pas moins de 57 succursales
dans les Antilles (où se logent plusieurs paradis fiscaux), soit la moitié de leurs succursales à
l'étranger». En passant, pour votre information, juste aux îles Cayman, il y a un p'tit 1 200
milliards de dollars canadiens qui y repose paisiblement. Cette statistique a été reproduite dans
un texte de La Presse du 5 août 2001 rédigé par l'excellent journaliste Réal Pelletier. Aux îles
Cayman, on y retrouve environ 15 000 habitants autochtones seulement. Ça fait de cette île une
grosse succursale bancaire pour les dominants de la terre. «Les États-Unis défendent "leurs"
paradis fiscaux», tel est le titre de l'article de Frédéric Wagnière paru dans La Presse du 17 mai
2001. Pour revenir brièvement à Paul Martin, j'ai retrouvé pour vous un article du journal Le Soleil
daté du 24 avril 1997 qui avait pour titre: «À l'abri du fisc, plusieurs filiales de l'empire de Paul
Martin créées dans des paradis fiscaux». Voilà pourquoi je suis si fier d'être canadien, les
politiciens ne cessent de nous montrer l'exemple.
Quand aux brevets sur les médicaments qui protègent indûment les compagnies pharmaceutiques
d'origine et leur permet d'arnaquer les malades avec des prix immoraux, voici le titre révélateur
de l'article de La Presse du 22 mars 2001 et titré: «Le ministre Tobin fait son mea culpa». Lorsque
le ministre fédéral de l'industrie, Brian Tobin, était dans l'opposition, il avait été, avec raison, un
féroce opposant à la prolongation des brevets. Aujourd'hui, il a changé d'idée parce que, selon lui,
ses craintes ne se sont pas matérialisées. No problemo et trois cloches pour sa farce plate: ben
oui, les pharmaceutiques en général réalisent à chaque année seulement un p'tit taux de
rendement après impôts sur le capital investi d'environ 40% et même plus. Faut pas oublier que
les pharmaceutiques versent fidèlement à tous les ans leur belle grosse dîme lors de la quête des
libéraux fédéraux. Cette manie de changer d'idées, les ministres libéraux ont appris ça de leur
chef.
«Massé admet candidement que le surplus de l'assurance-emploi sert à diminuer le déficit», titre
La Presse du 8 mars 1997. Marcel Massé était à l'époque le président du Conseil du trésor. «Les
compressions dans l'assurance-emploi étaient une erreur selon Chrétien», titre le Journal de
Montréal du 5 novembre 2000. «Assurance-emploi: soyons plus généreux, demandent les
Libéraux» titre Le Devoir du 1er juin 2001. À ce jour, les libéraux poursuivent leur réflexion sur le
sujet. Le débat porte sur comment être généreux tout en donnant encore moins aux chômeurs.
En attendant d'être plus généreux, «Pettigrew n'entend pas interrompre la chasse aux chômeurs
en vacances» titre La Presse du 24 juillet 1997. Faut toutefois laisser en paix les milliards de
dollars détournés annuellement dans les paradis fiscaux avec la complicité des banques pour ne
pas irriter notre gratin économique.
Les chômeurs et les assistés sociaux, eux, c'est pas du tout pareil. Ces irréductibles récidivistes
mettent en péril les générations futures et le sacro-saint principe d'équité fiscale si cher à nos
élus. Enfin, pas question pour moi de passer à un autre sujet sans y mettre une bonne dose de
positivisme. «Ottawa a sabré dans l'assurance-emploi pour le bien des jeunes, dit Pettigrew», titre
Le Devoir du 27 mai 1998 et «Zone de libre-échange: Pettigrew ne voit pas pourquoi il faut rendre
les négociations publiques». Ça se passe de commentaires. En passant, Pierre Pettigrew est ce
sinistre ministre fédéral du Développement des ressources humaines.
Quant à l'accroissement de la pauvreté et des inégalités au pays, on ne peut pas accuser Jean
Chrétien de lésiner sur le sujet afin d'éradiquer une fois pour toutes ce fléau. «Les pauvres se
seraient appauvris sous le régime fédéral», tel est le titre de l'article paru dans le Journal de
Montréal du 24 juin 2001 qui faisait référence à une étude de Statistiques Canada, qui, utilisant
un nouvel indicateur de pauvreté, démontre que les familles à faible revenu se sont appauvries
lors des quatre premières années du régime libéral, et ce, malgré la croissance de l'économie au
cours de ces années. Épris de compassion, «Chrétien promet de combattre la pauvreté» (La
Presse, 12 juillet 2001). Faisant alors preuve d'un courage politique hors de l'ordinaire et d'une
soif du partage hors de l'extraordinaire, Chrétien n'y a pas été par quatre chemins: «Ottawa
comptera les pauvres autrement» (La Presse, 25 juillet 2001). Il s'agissait juste d'y penser.
En effet, en retenant l'approche de l'organisme patronal d'extrême droite de l'Institut Fraser, Jean
Chrétien fera passer instantanément le taux de pauvreté au Canada à 8% au lieu des 17% de
Statistiques Canada, d'où le titre de l'article de La Presse du 24 juillet 2001: «Deux fois moins de
pauvres qu'on le croit». On a fait le même tripotage de statistiques pour les chômeurs, le
prétendu exode des cerveaux, les supposés mérites des privatisations, etc. Claude Picher de La
Presse, que Bernard Landry aime bien, fantasme et orgasme sur les éjaculations intellectuelles du
Fraser Institute.
Comme le souper de ma bonne mère m'attend, je terminerai par quatre p'tites vites.
Premièrement, «Chrétien concocterait un revenu annuel garanti» (La Presse 12 décembre 2000),
puis «Chrétien nie vouloir créer un revenu minimum garanti» (Journal de Montréal 13 décembre
2000). Cette fois, au moins, ça ne lui a pas pris beaucoup de temps pour changer d'idée. Ça
s'améliore avec le temps.
Deuxièmement, quant à l'éventuelle nomination d'un conseiller éthique indépendant contenu dans
le programme électoral libéral de 1993, Jean Chrétien et ses ouailles sont revenus sur leur
promesse encore une fois «Les députés de Chrétien ont dû voter contre leur propre programme
en matière d'éthique» (Le Devoir 14 février 2001). Troisièmement, quant à son refus catégorique
d'autoriser au pays la venue de cliniques de santé à but lucratif, cette fois, on ne peut pas dire
qu'il a changé d'idée, il a tout simplement oublié «Cliniques à but lucratif: les libéraux semblent
avoir oublié» (La Presse 15 janvier 2000). La mémoire est une faculté qui oublie, n'est-ce pas?
Quatrièmement et dernièrement, dans le dossier du scandale de la Banque de développement du
Canada, une société d'État fédérale, «Chrétien se défend d'ingérence politique (Journal de
Montréal 15 novembre 2000) suivi, pas longtemps après, deux jours après pour être plus précis,
de «Chrétien passe aux aveux: le premier ministre reconnaît être intervenu auprès du président
de la Banque de développement du Canada», dans Le Devoir du 17 novembre 2000. Mon Dieu
qu'on a le don d'exagérer. Il est simplement intervenu pour aider financièrement un de ses amis
homme d'affaires, pas pour aider un chômeur ou un assisté social. Il me semble que c'est normal
et même amplement justifié. En plus, c'était un ami de sa circonscription électorale de
Shawinigan.
Comme vous avez été à même de le constater à la lecture de mon long article, les innombrables
dénis du gouvernement fédéral, de Jean Chrétien et de ses acolytes se font toujours au détriment
du monde ordinaire et au profit de la minorité possédante. Après, on viendra nous seriner que le
Canada est un beau pays démocratique qui a bien fait de s'opposer à l'entrée de Cuba dans les
traités de libre-échange de l'Amérique justement en raison de ses carences démocratiques.
Et le titre de mon article que vous me dites? Eh bien, Jean Chrétien en bon politicien qu'il est fait
des promesses en l'air pour servir la majorité ordinaire et se tient les jambes en l'air pour mieux
servir la minorité extraordinaire.