Christine ARNOTHY (1930 - ) - CRISES

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Christine ARNOTHY (1930 - ) - CRISES
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Christine ARNOTHY (1930 - )
Lors de la Seconde Guerre Mondiale, conflit qui dure de 1939 à 1945, la Hongrie est un
pays jusque là épargné par les violences de la guerre. Cependant, les Allemands " qui y sont
entrés en maîtres se sont retranchés dans Budapest et entendent défendre la ville qu'assiègent les
Russes ".
Christine Arnothy raconte alors dans son roman autobiographique ce siège de deux mois qu'elle a
vécu, au bord du Danube, enfermée dans la vieille cave d'un bâtiment encore debout. Réfugiée au
sous sol, elle a le sentiment que sa jeunesse lui est à jamais volée. Douze hommes et femmes sont
donc là à attendre que cesse les bombardements et autres fusillades, en espérant que la fin des
conflits marquera également la fin de leur calvaire.
1) Le témoin :
Christine Arnothy, de son vrai nom Christine Kovach de Szendrö, est un écrivain né à Budapest
le 20 Novembre 1930, dans un famille issue de la grande bourgeoisie, descendant d'Israël.
D'origine austro hongroise par son père aristocrate et germano-polonaise par sa mère, sans doute
d'ascendance juive, qui l'éleva dans une atmosphère plurilingue, avec une préférence marquée
pour le français. Elle possède également des racines allemandes par son grand père. Ainsi,
Christine fut très vite confrontée à quatre cultures différentes, et même cinq car elle a baigné dans
une famille francophile (elle a appris le hongrois et le français simultanément), qui la poussa à
s'installer à Paris pour commence des études classiques (elle porte un intérêt certain pour la
littérature française) et une brillante carrière internationale. Selon ses propres dires, elle est " née
sans racines, elle est un condensé d'Europe centrale, un composé de cinq ethnies ". Comme elle
l'affirme lors d'une interview accordée à France Culture le 31 Mars 2008, " La situation sociale de
ma famille m’a livrée d’office aux rancunes de l’Histoire. J’ai appris de ma mère en première
langue le français. Depuis l’âge de neuf ans, mon seul intérêt dans l’existence, c’est l’écriture.
J’ai quinze ans et je ne veux pas mourir est le texte intégral conçu dans la cave à la lumière d’une
bougie […] J’ai choisi comme terre natale la France ". Reprenant son journal tenu pendant le
siège, Christine Arnothy achève cette autobiographie de jeunesse qu'elle adresse au journal Le
Parisien Libéré, qui lui décerne le " prix Vérité " en 1954. L'homme qui lui remet ce prix est un
résistant, fondateur et directeur général du Parisien Libéré, Claude Bellanger (1910-1978), qui
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deviendra plus tard son époux, à qui elle dédicace son ouvrage en souvenir de ce 17 décembre
1954. Son premier livre inaugure une carrière dont le succès ne peut être démenti. La suite de
J’ai quinze ans et je ne veux pas mourir, intitulée Il n’est pas si facile de vivre, est publiée chez
Fayard en 1957. Depuis 1964, les deux récits sont publiés ensemble, sous le titre de J’ai quinze
ans et je ne veux pas mourir. Ainsi, à l'époque, la presse ne cesse de tarire d'éloges ce court
roman, dont l'authenticité et l'émotion qu'il dégage ne laissent pas indifférent. Selon le journal le
Combat, le roman est emprunt de " pages émouvantes où le pittoresque le dispute au dramatique
". L'Alsace, le 16 juin 1955, précise " qu'il y a quelques semaines, le jury du prix Vérité, que
préside Georges Duhamel, découvrait, parmi les manuscrits qu'on lui avait soumis, un texte court,
mais d'un accent tout à fait émouvant. Une vraie personnalité d'écrivain s'y révélait. (…) Le style
est net. Point de surcharge. Un instinct très sûr de ce qui est important, du détail caractéristique et
à portée générale. Ce tout petit livre est à retenir parmi ceux qui auront plus tard le mystérieux
pouvoir d'évoquer les grandes misères de la dernière guerre ". Par la suite, Christine Arnothy
poursuit l'écriture et publie entre autres Le Cardinal prisonnier, La Saison des Américains, Le
Jardin noir. Elle écrit aussi pour le théâtre et la télévision. De 1966 à 2004, elle est journaliste
pour la rubrique littéraire du Parisien. Dans les années 1980, elle use du pseudonyme de William
Dickinson pour éditer trois romans policiers. Toutefois, elle préfère abandonner ce genre pour se
" consacrer pleinement à sa propre carrière, ne revenant à William Dickinson qu'en 2004 avec
L'Homme aux yeux de diamant ". D'autre part, le 15 septembre 1989, le Président de la
République française, François Mitterrand, a rendu une visite privée à Christine Arnothy, à
Martigny. Il a inauguré par la même occasion la première exposition de la Fondation Bellanger. Il
a alors fait l'éloge de Claude Bellanger, vice-président de l'Agence France-Presse et président de
la Fédération Internationale des Editeurs de journaux.
2) Le témoignage :
Comme je l'ai dit plus haut, l'auteur, qui est également la narratrice, a survécu au siège de
Budapest où pendant deux mois, la ville était livrée à un " gigantesque duel, occupée par les
Allemands et assiégée par les Russes, chaque armée voulant y prouver sa supériorité ". Christine
remplissait alors d'une écriture encore enfantine ses cahiers d'écolière dans la cave. Elle écrivait à
la lueur d'un lacet trempé dans du saindoux. Ces cahiers sont la base de ce récit écrit dans un style
sobre, épuré, bref, sans fioritures. Le succès du livre tient donc au fait qu'il est accessible à tous
car écrit par une jeune fille de 15 ans, à laquelle nimporte quel enfant peut s'identifier.
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Dramatique et émouvant, J’ai 15 ans et je ne veux pas mourir ouvre un regard sur la vie ainsi que
les relations humaines, il est chronologique et le titre attire les lecteurs, qui d'instinct veulent
découvrir l'histoire de Christine. Il s'agit d'un extraordinaire récit des souffrances, des angoisses
éprouvées. Les épisodes se succèdent, dramatiques ou pittoresques. Chaque personnage est
dépouillé de toute convention sociale. On y décèle ainsi un accent nouveau, prenant, inoubliable.
L'auteur ne fait pas de considérations politiques, ni d'effets littéraires non plus. Le livre, c'est la
guerre elle-même, en ce qu'elle frappe les victimes civiles. C'est l'humanité déchirée, vue par les
yeux de la jeunesse " qui ne veut pas mourir ". C'est comme une sorte de victoire de la jeunesse
sur la mort, avec un accent de simple vérité qui nous touche tout particulièrement. Cette fillette
allie au sens aigu de l'observation une grande loyauté envers elle-même. " Ses dons d'écrivain
apparaissent dans le court récit de l'agonie de Budapest et font de son récit une œuvre marquante
où le réalisme s'accorde avec la plus haute spiritualité ". Dans ce témoignage qu'elle dédie à son
défunt mari, Christine considère que son enfance lui a été volée, car ces deux mois l'ont fait
grandir à tel point qu'elle quitte le monde des adolescents avant même d'y être entré et se retrouve
projettée dans un monde d'adultes, poussée à assumer des responsabilités, une pression sur ses
épaules fragiles et cette guerre qu'elle nous raconte très justement, avec beaucoup de recul. La
narratrice de 15 ans passe le temps en lisant ce qu’elle a pu emporter : Balzac et Dickens. Entre
les grandes mesquineries des uns et les petits exploits glorieux des autres, l’adolescente raconte
sans emphase ni apitoiement les morts violentes, l’omniprésence des cadavres, la lutte pour
trouver à manger et à boire, les lectures et l’écriture de son journal à la lueur d’une misérable
bougie de saindoux, l’arrivée des Russes qui n’apporte pas la paix attendue. Cet ouvrage,
assimilé souvent au témoignage d'Anne Franck à cause du contexte historique ainsi que du jeune
âge des auteurs, fut publié dans près de 27 pays et ce journal de guerre est l’un des 5 titres de
livres les plus vendus en France selon l'annonce du numéro de Télérama consacré au 50ème
anniversaire du Livre de Poche. A titre d'exemple, la première édition en suédois par Albert
Bonniers Förlag en 1956 et traduit par Eva Alexanderson se vendra à près de trois millions
d'exemplaires seulement un an après sa publication.
3) L'analyse :
Par son caractère réaliste, l’œuvre touche le lecteur et l’amène à s’identifier à Christine.
Seulement, au fur et à mesure de l'histoire, on perçoit la spécificité de la jeune-fille. Dès les
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premières pages du livre, l'auteur décrit avec précision chacun des personnages qui vivent plus ou
moins aux côtés d'elle et de sa famille.
Ainsi, le témoin, qui parle à la première personne (" moi ", " je ") nous présente tout d'abord aux
pages 14/15/16, les concierges de la maison dans laquelle ils ont élus domicile, vus comme un
ménage modeste mais dont le fils fait la fierté de la famille. Somme toute égoistes, elle était
habituée à de gros pourboires tandis que lui, un gringalet aux traits blêmes, fuyait tout le monde
du regard. Une autre pièce abritait une jeune femme du nom d'Ilus, au " visage fané de poupée ",
avec son bébé âgé d'à peine quelques mois. De plus, dans la cave se trouve un futur médecin, "
qui arbore une frimousse couverte de taches de rousseur ", plutôt flatté de voir que sa présence est
un facteur d'apaisement. La tante de cet étudiant est veuve d'un banquier, petite femme
rondelette, toujours impeccable et très près de ses bijoux. De tendance curieuse, elle passe son
temps à se plaindre et à souligner le rôle héroïque que jouerait son mari si il était encore en vie.
En outre, le procureur, vieux monsieur, a été le dernier a quitter son domicile avec son épouse, de
nationalité suisse, facteur qui conforte l'homme dans son idée que rien ne pourra lui arriver. Un
Juif du nom de Radnai faisait également partie du " voyage " et vivant sous le couvert de faux
papiers, tout le monde l'avais pris sous son aile pour la cacher. Après une semaine de vie en
communauté, les gens se mirent à se haïr. La veuve du banquier poussait des cris d'énervement
chaque fois qu'elle aperçevait la concierge. Les gens tournaient l'un autour de l'autre comme des
chiens enragés, guettant le moment propice pour s'entre-déchirer. Ces rivalités sont le fruit de cet
enfermement subit, chacun est contraint de vivre avec l'autre sans l'avoir décider. Un plus tard
dans le récit, un couple, dont le refuge vient d'exploser sous les yeux de tous, vient trouver un peu
d'hospitalité dans la cave d'en face. Eve et Gabriel, amoureux fous l'un de l'autre, incarnent la
tendresse et la beauté d'un amour pur qui décide les autres habitants à les héberger. Enfin et
surtout, il y avait Pista, un militaire russe perdu qui fait une apparition presque divine dans la
cave et se présente comme un digne sauveur, capable de braver tous les dangers pour ramener un
peu de farine ou de quoi soigner un malade. En effet, à la page 17 du livre, la narratrice nous
précise qu'à l'arrivée de Pista, " nous le regardâmes comme s'il descendait d'une autre planète.
Nous voulions le toucher pour nous assurer qu'il s'agissait vraiment d'un être vivant et non d'une
fantasmagorie de notre imagination torturée [ par la faim ] ". Le soldat est alors presque perçu
comme une sorte de Messi, dont les vivres ravivent les habitants qui d'un seul coup, sont tous
unis par un même sentiment. Il est intéressant d'observer que la perspective d'un bon repas fait
taire les rancoeurs (p. 21), chacun trouvant sa place autour de ce " banquet ". De plus, cette idée
est renforcée par le fait qu'un couple de restaurateurs qui jusque là restait à l'écart de peur de se
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faire prendre ses vivres, s'invite à la table et offre de bon coeur un goulasch. Cependant, cette
généreuse attention pose une condition importante. L'aubergiste réclame un tiers de la farine
rapportée par Pista. Ainsi, quoiqu'il se passe, en temps de siège donc de restriction, la nourriture
influe en très grande partie sur le moral et le comportement des gens, les réduisant parfois à l'état
animalier (" telles des bêtes déchaînées, nous nous acharnions sur les morceaux de viande ").
Tout au long du roman, on assiste tantôt à des élans de générosité, tantôt à l'égoïsme la plus
primaire.
D'autre part, les violences de la guerre sont présentes et brièvement décrites à plusieurs reprises
dans le récit. La jeune fille évoque ainsi des bombes, des obus, explosions ou des tirs de
mitraillettes qui frôlent la cave où ils sont tous réfugiés (p. 27, 29, 33, 49...). Néanmoins, aucun
détail précis sur le déroulement des combats à l'extérieur de la Hongrie ou même de Budapest
n'est évoqué. L'auteur se limite au stric périmètre qui la concerne directement.
A ce titre, la mort reste omniprésente à travers ce roman, pensée qui hante la tête de tous les
réfugiés dans une telle situation de siège : " dans cette cave, nous allions mourir ", ou bien " je
sentais mes yeux se mouiller en pensant à la mort ". Après la destruction du piano de son
adolescence par une bombe, qu'elle appréciait peu (et qui terminait un chapitre de sa vie
d'adolescente ), la jeune fille nous dit avec une humilité déconcertante, " une âpre fierté m'envahit
à l'idée qu'à quinze ans, j'allais mourir d'une mort de grande personne " p. 27). Une phrase d'une
immense tristesse mais tellement sage à la fois qui nous rappelle que l'auteur n'était qu'une enfant
au moment des faits. Associé à cela, de nombreux mots ou expression se référant à la peur
traduisent ce sentiment éprouvé par tous : trembler, frémir, " j'ai peur ", craignais, horreur. Ce
récit d'une vie quotidienne rythmés par cette perpétuelle sensation de panique rend le livre
d'autant plus poignant et réaliste que l'on essaye tous de s'imaginer à quoi cela pouvait
ressembler. La narratrice nous décrit alors le rêve comme échappatoire, une sorte d'antidote, de
soupape face à cette pression permanente : " Et, alors, c'était toujours le réveil torturant. La
réalité, l'horrible cave ( ... ). Comme je désirais chaque fois me réfugier de nouveau dans le pays
des songes " p. 22. Dans plusieurs passages du livre, la jeune fille utlilise des métaphores,
personnification et autres comparaisons afin de rendre encore plus réel son histoire. Ainsi, des
balles de mitrailleuses sont comparées à une averse de grêle, et des chevaux à moitié mort qui la
poussent légèrement dans le dos comme pour l'inciter à avoir pitié d'eux.
A ce titre, il faut noter que les chevaux tiennent une place importante dans le roman, car lorsque
Christine découvre qu'elle vient d'ingurgité un morceau de l'animal (pensant que c'était un boeuf
), elle se met à vomir de dégoût. De plus, elle n'hésite pas une seconde à sacrifier l'eau récoltée au
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péril de sa vie aux chevaux, dont le regard désespéré eut raison de sa propre soif ( " Jamais de ma
vie je n'oublierai ce moment. Je m'approchai tout d'abord du cheval assis, lui présentai l'eau. Le
gémissement heureux qu'il laissa échapper me rappela les cris que nous avions poussés en
arrivant au bain " (p. 30).
Il est également intéressant d'observer que lors de l'expédition des habitants vers l'établissement
des bains pour récupérer de l'eau, toute pudeur disparait et la perspective de se laver et de se
sentir propre met à terre tous les tabous. C'est également dans ce genre de situations extrêmes que
les caractères se dévoilent : ainsi, la veuve du banquier, qui ne pouvait supporter un instant de
plus son odeur de pouilleuse se jette sur la première douche qui fonctionne. La jeune mère au
contraire, prête de bon coeur le minuscule morceau de savon qu'elle possèdait (p. 39). La guerre
est alors vue comme révélateur de personnalité.
Par ailleurs, pour survivre à la faim, à la vie sans lumière (la seule source lumineuse était
composée de saint-doux dans une boîte à cirage, avec un lacet de soulier en guise de mèche.
Cette chandelle à l'odeur écoeurante répandait une lueur jaunâtre et falote), aux bombardements
et à la mort qui les guettait, les habitants ont pu notamment tenir moralement grâce à un facteur
de premier plan, la religion. En effet, d'abondantes références divines sont faites, comme des
appels au secours ou bien une reconnaissante pour les avoir épargné jusque là : " la maison a été
touchée sept fois et nous ne cessons de louer Dieu pour les robustes caves voûtées de notre
immeuble presque centenaire ". De plus, un épisode clé du roman vient souligner ce propos. Un
des rares moments qui met tous les réfugiés d'accord concerne le prêtre, que Pista a pu faire venir
afin qu'il célèbre la messe (p. 41). Cette expectative met tout le monde en joie, qui prépape cet
événements comme la libération du pays. La jeune fille accentue le caractère essentiel de la
messe en précisant que même M. Radnai, Juif athée, met du coeur à être présentable face au
prêtre. Cette messe est donc l'occasion inespérée pour tous ceux qui survivient dans cette cave de
confier leurs peur de la mort, leur crainte de la vie après la guerre... Mais surtout, la cérémonie
sur termine sur le mariage d'Eve et de Gabriel, chargé d'un fort symbolisme car ce voeu de
fidélité est " prononcé ici au seuil de l'éternité et à l'ombre permanente de la mort ".
Enfin, dans ce livre, le rapport à l'ennemi est décrit de façon ambigue. En effet, les Allemands qui
entendent défendre la ville de Budapest contre les Russes prennent le parti des réfugiés. De fait,
lors d'un épisode de vol de vivres, les réfugiés sont soupçonnés donc convoqués par un
Allemand. Seulement, après quelques minutes, le véritable coupable se dénonce et tout le monde
retourne dans la cave sans encombres. De plus, plus tard dans le récit, deux soldats Allemands
viennent implorer l'aide des habitants et, M. Radnai est le premier à sacrifier quelques éléments
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de sa " garde robe " pour sauver ces jeunes hommes. De plus, un passage du roman met en
lumière un allemand alertant les habitants sur le danger d'emprunter la porte du rez de chaussée,
qui les mènerait tout droit vers la mort. Un geste héroïque de la part du soldat. " Les quais du
Danube sont illuminés par des fusées rouges. C'est ainsi que les Russes délimitent les endroits
qu'ils vont encadrer de leurs feux d'artillerie " (p. 49). Cette phrase illustre le début de la dernière
bataille aboutissant au retrait des troupes allemandes et russes de la terre hongroise. Cette phrase
est paradoxale en ce sens que l'on a l'impression que ce sont les soviétiques qui délivrent les
Hongrois de l'emprise allemande, ce que le livre tend à nous préciser : " les Allemands sont
partis, nous voilà sauvés ". Cette " libération " soviétique se fait sous les bombardements, la
haine, la violence et la multiplication des morts ([ les Russes ] " s'avançaient en rangs
désordonnés, occupant toute la largeur de la rue, leurs armes braquées en avant "). En fait,
Budapest qu'occupait l'armée allemande est assiégée par l'Armée Rouge. En 1940, le régime
ultra-nationaliste de Miklos Horthy s’allie à l’Allemagne nazie. A la fin de la guerre, les troupes
allemandes fuyant devant l’Armée rouge se retranchent notamment à Budapest, d’où elles seront
délogées le 11 février 1945. Les ponts sont systématiquement dynamités et la capitale se retrouve
en cendres comme nous l'explique l'auteur en parlant du Lanc Hid (pont aux Chaînes) et le pont
Elizabeth, tout deux écroulés. Le pays passe d'une occupation à l'autre, c'est une sorte de terrain
de lutte entre les deux puissances. La Hongrie se semble être d'un pion parmi les deux échiquiers,
une Nation de plus soumise à leur autorité respective.
Après s'être réfugiés dans leur maison de campagne, Christine et ses parents traversent trois ans
plus tard la frontière pour se rendre en Autriche et ainsi commencer une nouvelle vie. Ils
aboutissent dans un camp de réfugiés en Autriche d'où Christine veut s'arracher à tout prix. Cette
existence recommencée est le thème de Il n'est pas si facile de vivre qui fait suite à J'ai quinze
ans et je ne veux pas mourir.
Ce témoignage rend accessible et compréhensible par tous une partie de ce que la guerre fait
subir aux hommes. Même si nous ne pouvons que l'imaginer, l'histoire de cette jeune adolescente
de quinze ans touche chacun de nous, ce qui explique que l'ouvrage fut recommandé dans les
écoles, comme source à part entière de ce qui " fut le sort de tant de personnes pendant et après la
Seconde Guerre Mondiale ".
Nastassia LESPRIT (Université Paul-Valéry Montpellier III)

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