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Intervention de Jean-Paul Bret
s a m e d i
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s e p t e m b r e
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69e anniversaire de la Libération
de Villeurbanne
Le 3 septembre 1944, quand la Première Division française libre,
commandée par Diego Brosset, entre dans Lyon, Villeurbanne
vient de vivre dix jours marqués par une insurrection et sa
répression par la XIe Panzer division SS.
Au matin du 24 août, tandis que les Allemands vident les prisons
lyonnaises et exécutent leurs prisonniers, de jeunes résistants
font le coup de poing du côté du Tonkin. Ils ont décidé de
libérer leurs camarades, détenus par l’armée d’occupation et
dont la vie est en danger. Depuis le 6 juin et le débarquement
en Normandie, les forces alliées progressent. Chaque jour, ville
après ville, village après village, elles gagnent du terrain. A
Paris, des combats ont éclaté le 19 août. Au soir du 24 août,
les véhicules de la 2e Division blindée du Général Leclerc, dont
les premiers chars sont conduits par les Républicains espagnols
de la Nueve, se postent devant l’hôtel de ville parisien. En
Provence, le débarquement a eu lieu le 15 août. Le 19 août,
les armées de libération ont reçu l’ordre de libérer Toulon et
Marseille.
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Partout en France, les Alliés progressent. Les Allemands, qui
sentent la fin arriver, se livrent à des exactions. Au Fort de Cote
Lorette à Saint-Genis-Laval, 120 résistants sont exécutés, puis
brûlés. L’abbé Boursier de l’église Sainte-Thérèse, résistant de la
première heure, fait partie des victimes. L’homme, qui a caché
des armes dans son église, hébergé des résistants et évoqué
ouvertement ses positions anti-allemandes dans ses prêches du
dimanche, a fini par être arrêté, puis sauvagement torturé et
assassiné. C’est dans ce contexte d’angoisse et d’espoir qu’un
groupe de jeunes résistants des FTP-MOI et de l’UJRE se réunit
rue Son-Tay, à la limite de Lyon et Villeurbanne.
Des coups de feu éclatent. S’enchaînent alors des affrontements
tout au long de la matinée. La population, d’abord observatrice,
imagine que l’heure de la Libération est venue et « qu’il s’agit de
partisans descendus du maquis », comme l’explique l’écrivain
Philippe Collin. « Des drapeaux tricolores apparaissent aux
fenêtres, des slogans sont criés (…). Lorsque la colonne arrive
à la mairie, ce sont plusieurs centaines de personnes qui
la suivent et cette foule va augmenter au fil du temps. (…)
Plusieurs bâtiments sont occupés, la mairie bien sûr mais aussi
la Poste, le central téléphonique, le commissariat… Des armes
sont récupérées », écrit l’historien, dans son livre, L’insurrection
de Villeurbanne a-t-elle eu lieu ?, publié pour le cinquantième
anniversaire de l’événement.
En quelques heures, la ville change de physionomie. Des
Charpennes à Cusset, les barricades se dressent, constituées de
meubles, d’arbres coupés, de voitures et de tramways renversés.
La population fait feu de tout bois. Le commandant Lefort, qui
dirige l’inter-région des FTP-MOI, a pris la tête des opérations.
Toute la nuit, entouré de résistants aguerris, il définit un plan
de défense car les Allemands sont sur le qui-vive. Lucienne
Fernandez, une Villeurbannaise qui a aujourd’hui 90 ans, a
rapporté son souvenir sur le site Internet de la Ville.
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« Il faisait très chaud, dit-elle, en cette fin d’août 44, (…) je
rentrais chez moi, rue Pierre-Cacard, quand j’ai commencé à
entendre des coups de feu. Je savais que la Libération approchait,
que les Allemands étaient sur le point d’être vaincus. J’étais avec
une jeune femme que j’avais rencontrée et on a fait le trajet
ensemble. Arrivées rue du 4-Août, on a croisé un jeune soldat
Allemand, armé bien sûr, j’étais sûre qu’il allait tirer, il nous a
regardées, est passé derrière nous et il a continué son chemin ».
En réalité, les Allemands n’entendent pas se laisser faire. Si,
au début, ils tentent quelques incursions sans insister, s’ils
restent calmes en apparence, ce qui surprend la population,
comme nous venons de l’entendre dans ce témoignage, ils
préparent leur riposte, qui sera violente et sanglante. Après
deux jours d’insurrection, la XIe Panzer Division est sollicitée.
Elle positionne ses chars. Les canons tirent sur Villeurbanne.
Il y a des morts et des blessés. Le 26 août, en fin d’aprèsmidi, les Allemands ordonnent à la population de démonter
les barricades, ce qu’elle fera tandis que les Armées alliées se
rapprochent heure après heure de l’agglomération lyonnaise.
Des combattants se replient sur le Nord Isère où des heurts
éclatent comme à Pusignan ou Pont-de-Chéruy. Certains
tombent sous le feu. Il faudra attendre le samedi 2 septembre
pour que les Alliés entrent dans Villeurbanne. «Tout à coup,
explique Lucienne Fernandez, c’était fini. La ville était libre.
On a ressenti un immense soulagement. Nous sommes même
allées route de Chassieu pour voir les Américains qui y étaient
installés ». Les Alliés progressent vers Lyon. Les Allemands font
sauter les ponts. Les combats font rage jusqu’au 3 septembre
où Lyon retrouve officiellement sa liberté. En France, il faudra
attendre les 10 et 11 mai 1945, près d’un an plus tard, c’est-àdire après le 8 Mai et la Capitulation de l’Allemagne nazie, pour
que le territoire national recouvre son indépendance pleine
et entière, avec la chute des dernières poches de résistance
allemande, à Lorient et à Saint-Nazaire.
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C’était il y a soixante-neuf ans. Sept décennies se sont écoulées
depuis, sept décennies au cours desquelles le monde a changé
comme jamais il n’avait changé dans toute l’histoire des
hommes. Si la construction européenne a permis de bannir la
guerre du territoire européen, d’autres conflits ont continué
à marquer tragiquement la vie du monde, comme aujourd’hui
en Syrie ou en quelques pays d’Afrique. A l’heure où les
images circulent vite, nous avons souvent le sentiment d’être
transformés en observateurs impuissants. C’est l’un des terribles
paradoxes de notre époque car il interroge sur le rôle de la
connaissance. A quoi sert-il de savoir si nous ne pouvons rien
faire ? Les témoins de la deuxième guerre mondiale n’ont eu
de cesse de raconter tant les atrocités subies, que la révolte qui
les avait poussés à agir. Stéphane Hessel, disparu au printemps
dernier, en aura été l’infatigable messager, nous offrant, par
son évocation du passé, des clés pour comprendre. Avec sa
capacité d’indignation, toujours intacte, il nous invitait non pas
seulement à nous souvenir, mais à ouvrir les yeux sur notre
époque, à rester clairvoyants en toutes circonstances, à refuser
tout défaitisme, pour demeurer des femmes et des hommes
libres.
Jean-Paul Bret
maire de Villeurbanne