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Intervention de Jean-Paul Bret s a m e d i 7 s e p t e m b r e 2 0 1 3 69e anniversaire de la Libération de Villeurbanne Le 3 septembre 1944, quand la Première Division française libre, commandée par Diego Brosset, entre dans Lyon, Villeurbanne vient de vivre dix jours marqués par une insurrection et sa répression par la XIe Panzer division SS. Au matin du 24 août, tandis que les Allemands vident les prisons lyonnaises et exécutent leurs prisonniers, de jeunes résistants font le coup de poing du côté du Tonkin. Ils ont décidé de libérer leurs camarades, détenus par l’armée d’occupation et dont la vie est en danger. Depuis le 6 juin et le débarquement en Normandie, les forces alliées progressent. Chaque jour, ville après ville, village après village, elles gagnent du terrain. A Paris, des combats ont éclaté le 19 août. Au soir du 24 août, les véhicules de la 2e Division blindée du Général Leclerc, dont les premiers chars sont conduits par les Républicains espagnols de la Nueve, se postent devant l’hôtel de ville parisien. En Provence, le débarquement a eu lieu le 15 août. Le 19 août, les armées de libération ont reçu l’ordre de libérer Toulon et Marseille. www www Partout en France, les Alliés progressent. Les Allemands, qui sentent la fin arriver, se livrent à des exactions. Au Fort de Cote Lorette à Saint-Genis-Laval, 120 résistants sont exécutés, puis brûlés. L’abbé Boursier de l’église Sainte-Thérèse, résistant de la première heure, fait partie des victimes. L’homme, qui a caché des armes dans son église, hébergé des résistants et évoqué ouvertement ses positions anti-allemandes dans ses prêches du dimanche, a fini par être arrêté, puis sauvagement torturé et assassiné. C’est dans ce contexte d’angoisse et d’espoir qu’un groupe de jeunes résistants des FTP-MOI et de l’UJRE se réunit rue Son-Tay, à la limite de Lyon et Villeurbanne. Des coups de feu éclatent. S’enchaînent alors des affrontements tout au long de la matinée. La population, d’abord observatrice, imagine que l’heure de la Libération est venue et « qu’il s’agit de partisans descendus du maquis », comme l’explique l’écrivain Philippe Collin. « Des drapeaux tricolores apparaissent aux fenêtres, des slogans sont criés (…). Lorsque la colonne arrive à la mairie, ce sont plusieurs centaines de personnes qui la suivent et cette foule va augmenter au fil du temps. (…) Plusieurs bâtiments sont occupés, la mairie bien sûr mais aussi la Poste, le central téléphonique, le commissariat… Des armes sont récupérées », écrit l’historien, dans son livre, L’insurrection de Villeurbanne a-t-elle eu lieu ?, publié pour le cinquantième anniversaire de l’événement. En quelques heures, la ville change de physionomie. Des Charpennes à Cusset, les barricades se dressent, constituées de meubles, d’arbres coupés, de voitures et de tramways renversés. La population fait feu de tout bois. Le commandant Lefort, qui dirige l’inter-région des FTP-MOI, a pris la tête des opérations. Toute la nuit, entouré de résistants aguerris, il définit un plan de défense car les Allemands sont sur le qui-vive. Lucienne Fernandez, une Villeurbannaise qui a aujourd’hui 90 ans, a rapporté son souvenir sur le site Internet de la Ville. www www « Il faisait très chaud, dit-elle, en cette fin d’août 44, (…) je rentrais chez moi, rue Pierre-Cacard, quand j’ai commencé à entendre des coups de feu. Je savais que la Libération approchait, que les Allemands étaient sur le point d’être vaincus. J’étais avec une jeune femme que j’avais rencontrée et on a fait le trajet ensemble. Arrivées rue du 4-Août, on a croisé un jeune soldat Allemand, armé bien sûr, j’étais sûre qu’il allait tirer, il nous a regardées, est passé derrière nous et il a continué son chemin ». En réalité, les Allemands n’entendent pas se laisser faire. Si, au début, ils tentent quelques incursions sans insister, s’ils restent calmes en apparence, ce qui surprend la population, comme nous venons de l’entendre dans ce témoignage, ils préparent leur riposte, qui sera violente et sanglante. Après deux jours d’insurrection, la XIe Panzer Division est sollicitée. Elle positionne ses chars. Les canons tirent sur Villeurbanne. Il y a des morts et des blessés. Le 26 août, en fin d’aprèsmidi, les Allemands ordonnent à la population de démonter les barricades, ce qu’elle fera tandis que les Armées alliées se rapprochent heure après heure de l’agglomération lyonnaise. Des combattants se replient sur le Nord Isère où des heurts éclatent comme à Pusignan ou Pont-de-Chéruy. Certains tombent sous le feu. Il faudra attendre le samedi 2 septembre pour que les Alliés entrent dans Villeurbanne. «Tout à coup, explique Lucienne Fernandez, c’était fini. La ville était libre. On a ressenti un immense soulagement. Nous sommes même allées route de Chassieu pour voir les Américains qui y étaient installés ». Les Alliés progressent vers Lyon. Les Allemands font sauter les ponts. Les combats font rage jusqu’au 3 septembre où Lyon retrouve officiellement sa liberté. En France, il faudra attendre les 10 et 11 mai 1945, près d’un an plus tard, c’est-àdire après le 8 Mai et la Capitulation de l’Allemagne nazie, pour que le territoire national recouvre son indépendance pleine et entière, avec la chute des dernières poches de résistance allemande, à Lorient et à Saint-Nazaire. www www C’était il y a soixante-neuf ans. Sept décennies se sont écoulées depuis, sept décennies au cours desquelles le monde a changé comme jamais il n’avait changé dans toute l’histoire des hommes. Si la construction européenne a permis de bannir la guerre du territoire européen, d’autres conflits ont continué à marquer tragiquement la vie du monde, comme aujourd’hui en Syrie ou en quelques pays d’Afrique. A l’heure où les images circulent vite, nous avons souvent le sentiment d’être transformés en observateurs impuissants. C’est l’un des terribles paradoxes de notre époque car il interroge sur le rôle de la connaissance. A quoi sert-il de savoir si nous ne pouvons rien faire ? Les témoins de la deuxième guerre mondiale n’ont eu de cesse de raconter tant les atrocités subies, que la révolte qui les avait poussés à agir. Stéphane Hessel, disparu au printemps dernier, en aura été l’infatigable messager, nous offrant, par son évocation du passé, des clés pour comprendre. Avec sa capacité d’indignation, toujours intacte, il nous invitait non pas seulement à nous souvenir, mais à ouvrir les yeux sur notre époque, à rester clairvoyants en toutes circonstances, à refuser tout défaitisme, pour demeurer des femmes et des hommes libres. Jean-Paul Bret maire de Villeurbanne