UN NOUVEL ELDORADO ?

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UN NOUVEL ELDORADO ?
LE BUSINESS DES ONGLES :
UN NOUVEL ELDORADO ?
par Valérie OBADIA.
DOSSIER SPÉCIAL ONGLES
(Suite - Voir n° de mars)
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La profession de prothésiste ongulaire a un bel avenir
devant elle. Comment faire carrière avec vos dix
doigts ? Pourquoi ne pas vous installer à domicile
ou monter un bar à ongles ? Nous vous présentons
toutes les astuces pour réussir. En exclusivité, Les
Nouvelles Esthétiques vous livrent de nombreux
témoignages d’inconnues et de stars du métier…
sans langue de bois.
«DES IDÉES VENUES DU BRÉSIL
ET DE COLOMBIE»
Claire Martichoux lance deux instituts
Les Petits Soins, à Paris.
Après une brillante carrière dans la publicité,
Claire Martichoux, l’ex-fondatrice de l’agence
de communication Piment, décide de changer de vie. Elle s’inscrit à l’École d’Esthétique
Françoise Morice et obtient son CAP d’Esthétique-Cosmétique. Il
n’y a pas d’âge pour apprendre et se passionner !
Son objectif : lancer un réseau d’instituts de beauté –sans recourir
à la franchise– baptisé Les Petits Soins. Les deux premiers instituts ont ouvert en septembre dernier.
Le soin phare, c’est la Kineplastie Françoise Morice. Un soin légendaire, plébiscité par de nombreuses stars comme Catherine
Deneuve, qui vous rajeunit de dix ans après 1 h 30 de traitement.
Vraiment exceptionnel !
Au même titre que les soins du visage et les modelages, la beauté des mains et des pieds figure en bonne place dans la carte
des soins. Pas de strapontin ! Pas de bar non plus. La décoration
est sobre dans le très chic 6ème arrondissement, à deux pas
du jardin du Luxembourg. On est confortablement assise à une
table, avec vue sur le passage de la rue de Vaugirard. Pour se
faire chouchouter les pieds, on s’allonge dans une cabine sur un
grand fauteuil.
Claire Martichoux a testé techniques et produits avant de faire des
choix. «Rien ne vaut l’expérience par soi-même plutôt que le oui
dire», assure-t-elle. Le verdict est net et franc : «Je ne suis ni favorable aux faux ongles en gel ou en résine, ni au vernis permanent.
De manière exceptionnelle, nous pouvons poser du gel lorsqu’il
s’agit de femmes qui se rongent les ongles. Mais nous ne l’affichons pas sur notre carte !». Aux Petits Soins, la beauté passe par
la simplicité. Nous l’avons compris. Un concept qui devrait plaire
à l’heure où les spas rivalisent de sophistication… et finissent par
lasser les clientes. Sans parler des instituts d’ongles où l’effet
spectaculaire prime sur la bonne santé des ongles.
Repartir avec un mini flacon Essie
Un ami de Claire qui travaille chez L’Oréal lui propose de s’approvisionner auprès de la nouvelle marque du groupe : Essie. Essie,
créée aux U.S.A. en 1981, doit sa notoriété aux danseuses de Las
Vegas dont les ongles étaient très remarqués. La panoplie des couleurs est assez époustouflante et, selon Claire, «Le vernis tient très
très longtemps». Très astucieux : chaque cliente repart avec un mini
flacon qui lui permet de faire les retouches. Une idée glanée en Colombie où c’est une pratique courante.
«Au Brésil, il est désormais interdit de faire tremper les mains
et les pieds dans des bacs. Les Etats-Unis sont sur le point de
suivre la même législation. Les questions d’hygiène vont bientôt
être examinées à la loupe en France», met en garde Claire. Alors
que faire ? L’entrepreneuse s’est approvisionnée en chaussons
et gants «BalbCare» en plastique souple contenant des produits
de soins auprès d’American Nails, le dépositaire en France. Dans
le sachet, sont compris un bâtonnet en buis et une lime. Principal avantage : on peut faire les soins des pieds dans une cabine
classique. Pas besoin de mobiliser un poste dédié aux pieds. Le
fauteuil sur lequel la cliente est allongée se déplie complètement
pour se transformer en table de massage avec un orifice pour la
tête. Les Petits Soins disposent d’un petit espace de 50 m2. Tel est
le concept. Pas d’usine à ongles. Une ambiance cocooning. Les
Petits Soins vont rapidement faire des petits… ■
Les Petits Soins,
- 66 rue de Vaugirard, 75006 Paris.
Tél. 01 42 22 23 01.
- 73 rue Legendre, 75017 Paris.
Tél. 01 42 26 38 27. www.petitssoins.fr
«J’AI CHOISI LE STATUT
DE LA MICRO-ENTREPRISE»
Margot Plateaux, 44 ans, prothésiste
indépendante à Reims.
Margot Plateaux, d’origine polonaise, est
arrivée en France en 1989, sans diplôme en
poche. L’une de ses cousines lui a conseillé de
faire une formation de prothésiste ongulaire. En
1994, elle suit des cours pendant trois mois –une autre époque !–
qui sont financés par l’ANPE. Elève remarquée, elle est à son tour
embauchée par l’école pour former de futures manucures. Six
mois plus tard, elle s’installe à son compte et elle choisit le régime
de la micro-entreprise. «Les obligations comptables sont réduites
au minimum. Je bénéficie de la franchise de TVA. Je reporte sur
ma déclaration de revenus le montant du chiffre d’affaires hors
taxes», explique-t-elle. Rapidement, Margot réalise que la beauté
des mains à domicile nécessite de nombreux déplacements dans
la journée. Une activité qui s’avère difficile à rentabiliser.
Lorsque l’institut de beauté Michelle de France lui propose d’exer-
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Nous préférons nous asseoir à une table plutôt qu’au bar. C’est
la bonne heure pour déguster un Smoothie dans ce nouveau lieu
hype qui était précédemment un simple fast food. «Je retrouve
l’atmosphère de mon premier institut lorsque j’ai demarré à 18
ans, à Neuilly, se réjouit Anna Sindres. C’est un cocon où les
clientes parlent volontiers entre elles. Il y a une ambiance conviviale.»
Anne Sindres, la pionnière des instituts de luxe dédiés à l’ongle, a
ouvert son premier établissement à Neuilly en 1994 : un bel espace
avec un jardin, idéal pour se relaxer. Elle lui a donné le prénom de
sa petite-fille Carlota. Un porte-bonheur ? Forte de son succès,
la «grande dame» de l’ongle a lancé un nouvel institut en 1999,
avenue Hoche dans le 8ème arrondissement de Paris. Des stars
du showbizz aiment s’y retrouver : Carla Bruni, Michelle Laroque,
Cathy Guetta et bien d’autres qui sont devenues ses amies. Au
Bab Hôtel à Marrakech, Carlota accueille ses clientes qui sont en
villégiature.
Chez Miss Carlota, Anna Sindres joue sur la pose express et les
petits prix. «En cette période de crise, les clientes veulent dépenser moins d’argent et elles ont moins de temps pour s’occuper
d’elles», constate-t-elle. À la carte, une manucurie express avec
pose de vernis à 25 euros (une demi-heure) au lieu de 45 euros
(3/4 d’heure) ; une beauté des pieds à 60 euros (3/4
d’heure) au lieu de 110 euros (une heure). La formule
séduit ... à tout âge.
Ce jour-là, deux amies viennent ensemble pour une
manucurie, à l’heure du déjeuner. Une cliente d’une
soixantaine d’années, disposant d’un abonnement,
arrive à l’improviste et demande si l’on peut s’occuper d’elle. Coup de chance, la place est libérée dans
les dix minutes. «Le bar à ongles est aussi basé sur
le concept du “sans-rendez-vous”, mais il faudrait dix
esthéticiennes pour répondre à ce type de demande,
analyse Anna Sindres. Ce n’est pas possible ! Sauf rue
du Château d’Eau où l’une de nos clientes s’est fait
massacrer les ongles passés à la ponceuse.»
Dans l’institut-boudoir disposant d’un sous-sol et d’un premier
étage, Miss Carlota propose aussi des soins du visage, du corps et
des épilations. Alors rentable Miss Carlota ? Pas sûr. «Il faut amortir l’achat du fonds de commerce, les travaux, acheter des appareils, lancer une ligne de produits, répond Anna Sindres, néanmoins passionnée par son métier et espérant l’exercer jusqu’à 80
ans. La fondatrice de Miss Carlota a plus d’une ressource en tête :
elle aimerait franchiser le concept. Sa fille reprendra-t-elle le flambeau ? Pas sûr. Elle a déjà un métier : coach psy.
Tatouage des ongles à l’ère du numérique
À la maison-mère, Dominique Letourneur, la directrice, nous reçoit. C’est une ambiance très différente de Miss Carlota dans cet
institut de 300 m2 où a été notamment tourné le film «Comme t’y
est belle» avec la complicité de Nelly, la manucure, présente dans
l’équipe. La clientèle est plutôt classique –beaucoup de femmes
d’affaires à l’heure du déjeuner– mais cela n’empêche pas Carlota de proposer des innovations. L’appareil Art Pro Nail fait un
malheur ! Parmi les motifs pré-enregistrés, la cliente choisit celui
qu’elle préfère. Autre possibilité : elle vient avec sa photo ou son
dessin téléchargé sur une carte mémoire ou une clé USB. Une fois
le doigt calé dans l’imprimante, l’esthéticienne ajuste la taille en
visualisant le tout sur l’écran. Comme chez le radiologue : «On ne
bouge plus». Bluffant, le thermo-collage. Une couche de top coat
et le tour est joué. La manucurie tient environ une semaine. Coût
de la prestation : 40 euros les dix doigts, mais il est également
Le métier de
prothésiste
ongulaire
demande
beaucoup de
psychologie
et de talent.
«POSE EXPRESS À PETITS PRIX»
Anna Sindres, fondatrice de Carlota
et Miss Carlota.
Place du Marché, à Neuilly, nous arrivons chez
Miss Carlota, le jeune institut créé par Anna
Sindres. Carlota est née en 1994. Et Miss
Carlota, sa fille en quelle que sorte, assure
la relève dans un esprit de nail bar girly. Une
décoration moderne et design avec un grand rideau, de grosses
boules grise, rose et parme. Coût des travaux : 150 000 euros.
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DOSSIER SPÉCIAL ONGLES
cer en free-lance en 1995, elle accepte. Et 16 ans plus tard, elle
est toujours la spécialiste de l’ongle dans l’institut. Il semble que,
chacun de son côté, y trouve son compte. «Je dispose d’un corner
et je peux utiliser une cabine pour la beauté des pieds. Au départ,
il était retenu 15 % HT sur les prestations effectuées. Aujourd’hui,
je règle un loyer fixe de 600 euros. À moi de faire du chiffre ! Je
prends quatre à cinq clientes par jour. On m’appelle à l’institut ou
sur mon portable. Et je gère mon planning moi-même. Mais il y a
souvent des clientes en retard ou qui annulent leur rendez-vous à
la dernière minute. Je travaille à l’heure du déjeuner et je termine
en fin d’après-midi. Mon métier permet une certaine flexibilité de
mon emploi du temps, mais je ne prends que deux semaines de
vacances au mois d’août, car mes charges continuent à courir, y
compris le loyer !».
Concurrence accrue des instituts spécialisés
À écouter Margot, les années d’or étaient entre 2004 à 2007. Une
période d’engouement pour les faux ongles, avant que la crise
économique ne donne un coup de frein à la demande. Par ailleurs,
Michelle de France doit se battre contre la concurrence à Reims.
Mais les clientes fidèles à l’institut bénéficient d’une réduction de
moins 5 % sur le montant de la prestation à l’issue de huit visites.
Des réductions sont également offertes aux jeunes filles.
Un remplissage est facturé 41 euros tandis qu’une beauté des pieds et pose de vernis s’élève à 67 euros. «On
ne peut pas lutter avec des prothésistes ongulaires qui
proposent un remplissage à 25 euros à domicile. Mais
sont-elles déclarées ?» s’interroge la professionnelle.
Margot a découvert le gel d’Alessandro. Une merveille !
«J’ai abandonné la résine pour les faux ongles, car elle
est, certes, plus résistante que le gel, mais l’odeur est
forte et dérange les autres clientes. La french manucure est toujours très demandée. Parfois, je fais le bout
de l’ongle noir, violet ou rouge. Le gel de couleur sur
les ongles naturels tient deux bonnes semaines. J’utilise volontiers les produits Peggy Sage ou Professionails. D’une manière générale, les clientes sont assez
classiques, mais parfois je pose des strass ou des décalcomanies.
Tous les ans, je vais au Congrès des Nouvelles Esthétiques pour y
découvrir de nouvelles méthodes, de nouveaux produits.»
Margot est inscrite au RSI, le régime social des indépendants. Soit
un coût d’environ 3 600 euros par an. À cela s’ajoute GMA, la
mutuelle santé et prévoyance pour un montant de 320 euros par
an. Lors de la naissance de ses deux enfants, Margot a bénéficié
du congé maternité pendant un mois et demi. «Lorsque l’activité
marchait bien, je gagnais 1 500 euros nets. À présent, je tourne à
1 000 euros par mois» confie Margot, un brin fataliste. n
Institut Michèle de France,
121 rue de Vesle, 51000 Reims.
Tél. 03 26 88 49 67. www.institut-michelledefrance.com
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DOSSIER SPÉCIAL ONGLES
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possible d’opter pour un ou deux doigts. Plus chic ! Les fans de
manucuries fun sont ravies.
Reste que ce sont la french manucure et les bio gels sculpture de
couleur (tenue jusqu’à trois semaines) qui sont les plus demandés.
Comme chez Miss Carlota, on peut faire un hammam, un soin du
visage, un modelage, une épilation... Les fumeuses –il y en a encore parmi les addicts de la beauté !– se retrouvent à l’entrée, dans
un patio propice aux papotages entre copines. Lorsque l’on passe
à la caisse, on jette volontiers un œil sur les bijoux. «Pas de collier
pour les pieds, c’est assez vulgaire», commente la directrice. La
cliente a aussi la possibilité de s’offrir un pull en cachemire ou un
joli chemisier. La cabine d’essayage est à sa disposition. Carlota,
c’est l’institut de rêve pour les femmes qui n’ont pas beaucoup de
temps… mais un peu d’argent ! n
Miss Carlota,
4 place du Marché, 92000 Neuilly-sur-Seine.
Tél. 01 46 24 08 08.
Carlota ,
16 avenue Hoche, 75008 Paris.
Tél. 01 42 89 42 89. www.carlota.com
«J’ARRÊTERAI CE MÉTIER PASSIONNANT
QUAND MES MAINS COMMENCERONT
À TREMBLER»
Odile Nazales, 59 ans, prothésiste ongulaire à domicile,
à Agen.
À 17 ans, Odile Nazales passe son CAP d’employée
de bureau. Mais elle a l’opportunité d’être l’assistante
instrumentaliste d’un chirurgien. Adieu la vie de bureau ! Avec trois enfants, elle fait une pause dans sa
vie professionnelle. Puis, elle redémarre une activité
dans un institut de beauté. L’occasion de se former
et de prendre goût à l’esthétique. Elle y reste onze
ans, puis elle cherche à se prouver qu’elle est capable
de vendre Lexel Cosmétiques à domicile. «À cette
époque, je me rongeais les ongles. J’étais la cliente
d’un institut qui me faisait des faux ongles, à Agen.
Puis en 2003, j’ai découvert les ongles en gel à Toulouse, chez un
coiffeur. J’y suis allée pendant huit mois. Je trouvais l’effet spectaculaire ! J’ai alors décidé de faire un stage de trois jours chez
LCN et je me suis entraînée pendant un an sur les membres de ma
famille et les copines», raconte Odile.
En novembre 2004, Odile franchit le pas. Elle sera prothésiste ongulaire à domicile. Son statut ? Artisane. Elle fait le stage de préparation à l’installation auprès de la Chambre de Métiers. Ce stage
est obligatoire et préalable à l’inscription au registre des métiers.
Il dure cinq jours. «Des avocats, assureurs, banquiers nous ont
donné des conseils pertinents pour monter notre propre affaire»,
commente-t-elle. Elle libère chez elle une chambre pour l’aménager et y recevoir la clientèle. Son investissement de départ, avec
l’ensemble du matériel, est d’environ 1000 euros. Pionnière à utiliser le gel plutôt que la résine à Agen, l’agenda d’Odile se remplit très vite. «Le bouche-à-oreille a tellement bien fonctionné qu’il
m’arrivait de travailler 14 heures par jour.» Aujourd’hui, Odile reçoit
sept à huit clientes par jour et elle consacre en moyenne une heure
et demie à chacune d’entre elles. Sa première cliente peut arriver à
7h30, un horaire idéal pour les femmes qui ont un métier prenant.
Le dernier soin se termine à 19 h 30.
S’intéresser à la psychologie de la cliente
Ce qui m’intéresse dans mon métier, c’est la psychologie de
chaque personne. Je ne pose jamais de question, mais je laisse
parler la cliente. Elle choisit les sujets qui l’intéressent. Si elle veut
rester silencieuse, je respecte ce silence. À la fin du soin, certaines
me disent : «C’est combien la consultation du psy ?». Odile facture
46 euros un remplissage, 60 euros une extension avec un gel de
couleur ou la french manucure blanche ou de couleur. Elle achète
ses produits chez LCN : «Ce sont les meilleurs gels», assure t-elle.
LCN encaisse ses chèques en début et fin de mois. «Un petit arrangement bien appréciable quand il faut sortir 600 euros», commente-t-elle. Tous les ans, elle se rend au Congrès des Nouvelles
Esthétiques pour y découvrir les nouveautés. «Je teste toujours
mes nouveaux achats sur moi et mes filles avant de les proposer aux clientes !», s’amuse-t-elle à dire. En complément de son
activité, elle vend des bagues dont le fournisseur est Camille et
Lucie. En professionnelle avertie, Odile a ses préférences. Elle ne
pose pas de vernis. Elle ne fait les pieds que l’été. «Du gel sur des
ongles dans des chaussures à l’étroit peut provoquer des hématomes suite à un choc», met-elle en garde. Mais ces restrictions
n’empêchent pas un agenda rempli jusqu’à Noël, car les clientes
prévoient le créneau horaire qui leur convient. L’heure du déjeuner
reste très demandée !
Odile est installée en entreprise en nom propre. Elle a choisi le
régime du bénéfice réel ; ce qui lui permet de déduire ses frais
comme les stages, les participations à des salons, les transports,
les chambres d’hôtel… Elle s’en remet à son comptable pour
tenir sa comptabilité. Par ailleurs, elle cotise au RSI, le Régime
Social des Indépendants. À la fin du mois, elle se verse un revenu
de 1 500 euros nets. «Je suis très satisfaite de mon
métier, car je rends les femmes heureuses. Elles sont
bien habillées, bien coiffées et belles jusqu’au bout
des ongles. Mon mari est à la retraite et, dans la journée, je peux m’occuper de mes deux petites filles. La
retraite ? Je la prendrai quand mes mains commenceront à trembler», conclut-elle avec philosophie. n
Livia,
6 impasse Mozart, 47520 Le Passage d’Agen.
Tél. 06 83 86 80 23.
On constate
un véritable
engouement
pour les gels
de couleurs.
«LA MANUCURIE,
C’EST UN MINI LUXE»
Fanny Lebrat,
fondatrice d’American Nails
et de Manucurist
«Les mains réflètent la personnalité de chacun.
Petite fille, j’étais fascinée par les mains des
gens. Les belles mains de femmes soignées, les
mains calleuses de travailleurs manuels.», raconte Fanny Lebrat, la
fondatrice d’American Nails et des instituts Manucurist. Après une
année de cours d’esthétique chez Catherine Sertin à Paris, Fanny
Lebrat va observer les «espaces dédiés aux ongles» aux États-Unis.
C’était il y a 20 ans. On ne les appelait pas encore les «Nail Bars»,
mais ils correspondaient déjà à un service spécifique, rapide et sans
rendez-vous. Fanny Lebrat démarre sa carrière de manucure chez
Lucie Saint-Clair, à Marne-La-Vallée. Pendant dix ans, elle exerce
en free lance. «J’avais une excellente clientèle, commente-t-elle. Il
m’arrivait d’aller au Ritz pour faire une manucurie à des clients de
passage.» Alors pourquoi en rester là ?
Une entreprise familiale
Un brin visionnaire et ambitieuse, Fanny Lebrat se lance et crée
son premier institut baptisé Manucurist, place du Marché Saint
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DOSSIER SPÉCIAL ONGLES
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Honoré, en 1998. C’est le succès ! L’espace devient trop petit. Elle
décide de le fermer pour ouvrir d’autres lieux.
Très vite rejointe par sa fille Lisa, elle dit : «Lisa a été mon moteur
et elle est devenue indispensable pour moi. C’est une manucure
et une adjointe précieuse.» Attirée par l’image féminine du projet,
sa deuxième fille Gaëlle quitte sa profession de merchandising au
sein d’une grande maison de luxe pour piloter toute la communication des instituts Manucurist et les marques comme Nailic.
«Pour moi, c’est une vraie chance de travailler auprès de mes filles
qui sont, chacune dans leur domaine, de grandes professionnelles», souligne Fanny Lebrat.
Aujourd’hui, les clientes peuvent venir chez Manucurist Madeleine
ouvert en 2004 (55 m2), Manucurist Opéra lancé en 2006 (60 m2) ou
Maunucurist Printemps de la Beauté inauguré en 2010 (30 m2). L’enseigne est rouge, les sièges sont rouges, les tables sont blanches,
le sol est blanc. Des petits carrelages rouges et des présentoirs
rouges accueillent une multitude de petits flacons de vernis aux
couleurs très variées qui rehaussent la gaieté de Manucurist. Les
instituts sont nickel chrome, sans chichi. Tout ce rouge donne la
pêche. Quand on a un petit coup de déprime, on vient s’y requinquer. Pas de bar à ongles avec tabourets rue de la Chaussée d’Antin, c’est un parti pris. Mais les clientes sont confortablement installées sur une chaise devant une table. À l’angle de la
rue, Sephora et son nail bar (y compris la pose de cils)
propose des prestations à des prix inférieurs. Mais il
faut compter un mois et demi d’attente. Et pour cause,
l’une des manucures, en congé maternité, n’a pas été
remplacée. Drôle de gestion du magasin ! C’est la
perte de nombreuses clientes. Tant mieux pour Manucurist dont l’enseigne est bien visible. «Il est difficile de
trouver du personnel qualifié, souligne Fanny Lebrat.
Bien des jeunes femmes préfèrent être à leur compte.
Elles travaillent à domicile ou se déplacent chez les
clientes. Mais elles ne gagnent pas toujours correctement leur vie. Chez Manucurist, une débutante est rémunérée 1
200 euros nets tandis qu’une manucure confirmée peut gagner 2
000 euros nets. Il y a peu de pourboires, mais nous octroyons des
primes en fonction du chiffre d’affaires.»
Au Printemps de la Beauté, le concept Manucurist diffère du quartier de l’Opéra. Au 1er étage, le bar à ongles Manucurist jouxte le
Spa Nuxe. À côté, Mavala s’est installé avec deux postes de travail (des tables et des chaises blanches) et une profusion de produits à la vente sur des présentoirs. Un décor et une présentation
assez classiques comme si la mode des nail bars n’avait eu aucun
impact sur la marque suisse, fidèle à ses principes. «Manucurist
et Mavala sont les deux seuls corners spécialistes de l’ongle présents au Printemps de la Beauté, commente Fanny Lebrat. Mavala
ne fait pas les faux ongles, ça nous laisse une bonne partie de la
clientèle.»
Un panier moyen de 45 euros
Chez Manucurist, la manucurie avec pose de vernis est facturée
28 euros. Elle comprend le limage, l’hydratation des mains, l’assouplissement des cuticules, le polissage.
La beauté des mains (38 euros) ou des pieds comprenant également le gommage, le masque et un long massage revient à
68 euros. Les massages ont été mis au point en collaboration avec
un kinésithérapeute. «Malgré la crise économique, les femmes se
font faire les mains. La manucurie, c’est un mini luxe accessible»,
constate Fanny Lebrat. Et d’ajouter : «Nous ne faisons pas de prix
d’appel sur la pose de vernis, car il n’est pas possible de poser
directement un vernis si les ongles ne sont pas parfaitement limés
et si le contour de l’ongle est négligé. Nous voulons rester irréprochables sur la qualité de nos soins.» Chez Manucurist, la french
représente 40 % des demandes –en recul depuis un an– et la pose
de couleurs - surtout l’été - représente 60%. «On constate un véritable engouement pour les gels de couleurs, constate la fondatrice de Manucurist. Nous avons mis au point la fabrication du gel
couleur permanent Lac avec un choix de 25 couleurs qui dure trois
semaines. Et, depuis peu un vernis hybride «Perfect Polish» inoffensif pour les addicts des ongles naturels bien manucurés. Il reste
sur l’ongle sans ternir et ne s’écaille pas pendant deux semaines.
Désormais, la cliente peut l’enlever elle-même avec un dissolvant
spécifique.» Une petite révolution dans le secteur de l’ongle.
«Nous avons toujours été visionnaire et nous cherchons en permanence à être à la pointe dans notre métier », s’enthousiasme
Fanny Lebrat, considérée comme une «gourou» dans la profession. Manucurist est «the place to be» et attire des stars comme
Marion Cotillard, Mélanie Griffith, Sofia Coppola. Les hommes ne
représentent que 5 % de la clientèle. Ils sont plus nombreux à
venir chez Manucurist Opéra, car c’est un quartier d’affaires. La
manucurie au masculin va de 28 à 38 euros. C’est un créneau qui
peine à décoller.
Une école de formation
Fanny Lebrat est une pionnière. Lorsqu’elle a démarré, elle s’est formée sur les méthodes américaines.
En 2003, elle a ouvert sa propre école : American
Nails. L’école est basée au 40 rue du Paradis, dans le
10 ème arrondissement de Paris. «Il faut que la manucure ait acquis les bases pour progresser», insiste
Fanny Lebrat qui estime qu’une formation de trois
semaines est l’assurance de ne pas faire l’impasse
sur des fondamentaux. Les débutantes peuvent opter pour une formation de huit jours pour apprendre
les bases techniques des gels UV. Coût de la formation : 789 euros TTC.
«Nous avons mis au point la technique de la french à l’airbrush»,
souligne la passionaria des ongles. Cette technique a fait la notoriété de nos instituts et elle est également au programme de nos
formations. La french est ainsi parfaite et personnalisable dans
toutes les couleurs.»
Reste à la manucure à s’entraîner pour asseoir ses acquis, étoffer
ses connaissances et progresser. Elle peut revenir chez American
Nails une, deux ou trois semaines complémentaires. «Les formatrices ont au minimum 10 ans d’expérience, une bonne aptitude à
dispenser leurs connaissances et astuces nécessaires à la transmission de leur savoir» met en avant Fanny Lebrat.
Des sessions de deux jours, spécifiques Nail Art «3 D» et peinture à
main levée, le «One Stroke», qui viennent d’Europe de l’Est et d’Asie,
sont proposées. Coût du stage : 200 euros TTC. «Nous ne prenons
pas plus de six élèves par stage», met en évidence Fanny Lebrat.
Au total, 1200 techniciennes sont passées par American Nails.
Une école qui fonctionne presque comme un club. Il est possible
de faire quelques jours de perfectionnement, de visionner les vidéo «on line» très pédagogiques et de téléphoner pour demander
un conseil.
Distributeur de marques internationales
Au-delà de l’école, Américan Nails propose aux esthéticiennes les
produits dont elles ont besoin pour exercer leur activité. Depuis
2002, American Nails est distributeur de marques internationales
et dispose de succursales à Rennes, à Marseille, à Aix-en-Provence et en Martinique. Par ailleurs, la société élabore avec un
laboratoire américain les gels Nailic. Environ 800 instituts se four-
Il n’y a pas
de réussite
sans de bons
recrutements
et la fidélisation
du personnel.
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le garage de la maison des Delannoy qui habitent à Andlau, une
commune à 40 kilomètres de Strasbourg. L’école est baptisée
Casa Nails.
Trois personnes maximum : un coût variant de 2 222 euros à
4 000 euros dont la fourniture de matériel représentant l’équivalent de 1 000 euros.
Environ 40 personnes sont formées la première année. Le concept
séduit : 670 euros de redevance mensuelle versée au franchiseur
en échange de l’utilisation de la marque, d’une formation continue,
d’un appui juridique, en marketing et publicité, notamment via le
site Internet de la marque.
Des auto-entrepreneuses franchisées
Effet d’aubaine : le statut d’auto-entrepreneur naît en 2009. Il
offre l’avantage de formalités administratives et d’une comptabilité simplifiées. Le paiement des charges sociales et de l’impôt
sur le revenu se font au fur et à mesure des encaissements. Pas
de recettes, pas de prélèvements ! Une petite révolution dans le
monde des solos qui ont le désir de travailler, mais ne voulant pas
crouler sous les prélèvements obligatoires. Pour en bénéficier, il
ne faut pas dépasser un chiffre d’affaires de 32 600 euros. C’est
justement la clientèle visée par Ongles en Délire. Alors rien d’étonnant que le réseau regroupe 80 franchisées en 2010 sur 26 départements dont deux franchisées à La Réunion. Originalité du concept : un tarif unique de 37 euros. Mais
comment font les prothésistes ongulaires d’Ongles
en Délire pour gagner leur vie ? Eric Delannoy se livre
à petit calcul avec nous : 100 rendez-vous par mois
à 37 euros = 3 700 euros ; 670 euros de redevance,
100 euros d’achat ; 621 euros maximum de charges
sociales et fiscales (taux de 23 % ou 10 %), soit un
résultat net de 2 309 euros. Pas si mal ! Eric Delannoy souligne que «le prélèvement de 23 % pour les
auto-entrepreneuses passe à 10 % lorsqu’elles sont
au chômage et lorsqu’elles ont moins de 25 ans ou
plus de 50 ans.»
Le marché des solos et des instituts
Ongles en Délire est une belle affaire qui réalise un chiffre d’affaires
de 500 000 euros, avec deux personnes… les époux Delannoy.
Mais il a fallu faire du ménage. «Nous n’avons plus que 40 franchisées, car je n’ai pas voulu renouveler le contrat de celles qui
ne remplissaient pas les exigences de la franchise», confie Eric
Delannoy. Désormais l’entrepreneur veut toucher les solos, mais
aussi les instituts de beauté. «Les gérantes d’institut qui nous rejoignent peuvent mettre sur leur vitrine «Ongles en Délire» et sont
intégrées à notre site Internet. Elles bénéficient de tous les supports et savoir-faire de la marque. Mais elles doivent avoir au minimum deux ans d’expérience et un numéro de SIREN pour suivre
notre formation qui coûte 2000 euros pour une semaine.»
Libre à chacune d’elles de s’installer en micro-entreprise, autoentrepreneur, SARL, EURL…
Ongles en Délire a créé ses propres produits, mais les stylistes
ongulaires n’ont pas l’obligation de s’y approvisionner. Deux distributeurs : Hesingue (68) et Annecy (74). Objectif 2012 : Ongles
en Délire vise un réseau de 200 personnes. Le travail en couple,
ça donne des ailes ! n
Ongles en délire, 2 rue des Carrières, 67 Andlau.
Tél. 03 88 08 00 18. www.ongles-en-delire.com
Le statut
d’autoentrepreneur
est une
aubaine pour
les travailleurs
solos.
«UN REVENU CONFORTABLE
POUR LES AUTO-ENTREPRENEUSES
Eric et Isabelle Delannoy,
fondateurs d’Ongles en Délire
Isabelle Delannoy s’est formée à la prothésie
ongulaire et au conseil en image. Nouvelle
étape en 2007 : après la découverte des faux
ongles en gel décorés à l’aérographe, elle se
met à son compte, à son domicile. Elle choisit le statut de la microentreprise. En trois mois, elle a déjà 292 clientes. Beau palmarès ! Son mari, alors commercial dans le traitement de l’eau, imagine de monter un réseau de franchise. «Nous visions les jeunes
femmes de 25 ans, les femmes en reconversion professionnelle,
les femmes au chômage voulant sortir de la précarité», explique
Eric Delannoy. Le couple s’entend sur la stratégie : offrir une formation et le savoir-faire du franchiseur pour des solos exerçant
leur activité à domicile. Aucun apport en fonds propre n’est requis,
excepté la formation et l’achat de matériel. «Nous avons passé
une annonce dans l’Echo local. On a mis le feu !», s’enthousiasme
Eric Delannoy. Au départ, le centre de formation est installé dans
1 9 5 2   -   2 0 1 2   L E   N ° 1   D E P U I S   6 0   A N S  !
À SUIVRE
D’autres témoignages seront publiés
dans notre prochain dossier Ongles.
DOSSIER SPÉCIAL ONGLES
nissent chez American Nails. On y trouve notamment les fameux
vernis «Essie» «Orly», «Naitek», «Sparitual», «BalbCare». En 2003,
Fanny Lebrat a développé une plateforme de distribution sur Internet et, en 2005, elle a lancé un site de vente aux particuliers
www.manucure-beauté.com.
Cette société française –bien que son nom soit américain !– est une
belle success story. American Nails a une équipe de 40 personnes
et réalise un chiffre d’affaires de 3 millions d’euros par an. Toute
la famille participe à l’aventure. Lisa, la fille de Fanny, a en charge
les instituts. Gaëlle porte haut l’image de Manucurist. Tandis que
le mari de Fanny, gérant de la SARL, s’occupe de la gestion et des
finances. Les instituts sont rentables, avec une moyenne de 25
clientes par jour chez Manucurist Madeleine. Ils tournent autour
de 26 000 euros hors taxes par mois. Mais il n’y a pas de réussite,
sans de bons recrutements et la fidélisation du personnel.
«Les candidates doivent avoir une très bonne présentation et la
bonne attitude vis-à-vis des clientes, affirme la responsable. Passé
ce stade, nous faisons passer un test aux candidates pour mesurer
leurs capacités. Mais au-delà de la technique, les stylistes doivent
avoir un bon contact. Parler si la cliente a envie de parler et ne pas
la «regarder en chien de faïence». Rester discrète, ne pas poser
de questions. Toutes les clientes doivent être reçues comme une
VIP. Une cliente est venue nous voir avec une main
constituée d’une prothèse. Nous avons fait le même
travail de pose de vernis couleur sur cette main... sans
commentaire.» Une certitude : le métier de prothésiste
ongulaire demande beaucoup de psychologie et… du
talent. Toutes les esthéticiennes n’ont pas le bon petit
coup de pinceau pour faire du nail art. Car, comme le
nom l’indique, c’est de l’art !  n
American Nails, 40 rue du Paradis, 75010 Paris.
Tél. 01 42 65 19 30. www.1manucure.com
Manucurist Opéra, 13 rue de la Chaussée d’Antin,
75009 Paris.
Tél. 01 47 03 37 33
Manucurist Madeleine, 4 rue Castellane, 75008 Paris.
Tél. 01 42 65 19 30.
Manucurist Printemps de la Beauté,
Premier étage. Tél. 01 42 82 46 54.
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