22 décembre 1839

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22 décembre 1839
Heller S. Revue et Gazette Musicale de Paris, 22 décembre 1839
A ROBERT SCHUMANN, A LEIPZIG.
Paris, décembre 1839.
Mon cher ami, vous désirez que je vous rende compte de la nouvelle symphonie de
Berlioz, Roméo et Juliette. Puisque vous n'avez pu accomplir votre projet de venir passer l'hiver à
Paris, pour entendre les concerts magnifiques du Conservatoire, je préférerais pouvoir vous
envoyer la symphonie de Berlioz plutôt qu'une froide analyse ; parce que la critique ne peut
qu'indiquer vaguement, vous l'auriez plein de clarté et de vie sous vos yeux.
Vous avez écrit dans votre journal que nulle critique n'atteindra jamais à la valeur de
l'œuvre d'art à laquelle elle s'applique ; que sera-ce donc lorsqu'il est question d'un chef-d'œuvre?
Vous voyez, je cherche pour ainsi dire à éluder votre demande. J'aurais mieux aimé, je l'avoue,
que vous eussiez pris patience jusqu'à ce que Berlioz se rendit en Allemagne avec son cortège
imposant de symphonies et d'ouvertures, qui, dans votre Leipzig, ce petit Paris, comme
l'appelaient Goëthe et Beethoven, et à Vienne, à Berlin, à Munich, feront germer à coup sûr
d'admirables inspirations.
La nouvelle symphonie de Berlioz, dont vous connaissez la division en prologue, airs et
chœurs, a été exécutée ici pour la première fois le 24 novembre et redonnée le 1er et 15 décembre.
Ce que le public exige avant tout en fait d'art, c'est qu'on soit nouveau et original, et s'il se trouve
servi à souhait à cet égard, il se fâche de ne pas tout comprendre de prime abord, et s'en prend à
l'auteur quand il devrait ne s'en prendre qu'à lui-même. Le public se contredit. Il demande des
créations nouvelles, formées d'éléments primitifs, et il ne veut pas pourtant faire abstraction de
ses idées routinières pour se placer au point de vue sous lequel l'artiste prétend être jugé. Le
public bien souvent peut marcher de pair avec le libraire viennois Trattner, à qui Jean-Paul
Richter fait dire plaisamment qu'il n'imprimait rien de ce qui n'était pas déjà imprimé. C'est ainsi
que tant de gens ne veulent entendre que de la musique qu'ils aient déjà entendue. La symphonie
de Berlioz n'a pas été plus à l'abri de ce préjugé que ses autres ouvrages. Toute musique neuve,
originale, hardie, a besoin d'être entendue jusqu'au jour pour ainsi dire où il n'y a plus personne
qui la trouve neuve, hardie et originale. Ceci n'est point un paradoxe. Combien de gens, et
nombre de musiciens des plus honnêtes, n'ont pas frémi d'effroi à l'apparition de la neuvième
symphonie avec chœurs de Beethoven? Parce qu'il fit preuve alors de plus d'indépendance, de
plus d'inspiration, de plus de génie que jamais, on n'y vit d'abord que bizarrerie et obscurité , on
cria au désordre et à la barbarie ! et l'on admettait pourtant qu'il y avait là de grandes beautés, tout
en se plaignant qu'il fallût les acheter si cher. On regrettait alors les premiers ouvrages du
compositeur, et l'on ne se souvenait plus qu'après sa symphonie en ré majeur on avait regretté
pareillement les symphonies d'Haydn et de Mozart.
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Vous me connaissez, mon cher Schumann, et vous savez que, malgré mon enthousiasme
pour la neuvième symphonie, je ne renierai aucune des œuvres précédentes de Beethoven ; de
même mon admiration pour les symphonies de Berlioz ne m'a nullement rendu insensible pour
d'autres chefs-d'œuvre. Je veux dire qu'il faut s'étudier à saisir les formes nouvelles et se
familiariser avec elles, si l'on veut apprécier sainement le fond et le mérite des idées. On ne
s'effraie plus du finale sauvage et fantastique de la huitième symphonie de Beethoven, non plus
que de la suspension subite de l'allégretto en si bémol de la même symphonie, qui ressemble si
fort à une joyeuse parodie du finale italien félicita! Félicita ! Personne aujourd'hui ne se récrie
plus devant l’ut fondamental formant dissonnance qui sert de transition du scherzo au finale de la
symphonie en ut mineur, ni devant la forme de l'adagio de la neuvième ; on est en un mot
apprivoisé avec tout cela, et l'on en jouit, parce que cela est beau, senti, entraînant, et sans se
demander au préalable si c'est une innovation ou non. Mais en écoutant Berlioz , les mêmes gens
s'inquiètent de savoir si tel procédé a été déjà mis en œuvre, et chaque fois qu'on est dans
l'obligation de répondre négativement, le connaisseur secoue la tête d'un air entendu en disant ou
en pensant que cela ne peut pas tourner à bien, et que, puisque les symphonistes antérieurs se sont
passés et de prologues et de libretti, il n'y a pas de raison pour ne pas suivre la même méthode
jusqu'à la fin des siècles.
Cela se pourrait sans doute, mais le contraire se peut aussi. Quelle objection peut-on
élever contre une symphonie dramatique avec chœurs, solos de chant et prologue en récitatif
harmonique? Je n'en peux imaginer qu'une : la difficulté de produire une véritable émotion
scénique sans l'attirail compliqué de la scène et la magie de la perspective théâtrale. Et ne
devons-nous pas applaudir au courage de l'artiste qui tente d'opérer un tel prodige en n'ayant
recours qu'à la musique seule, encore que celle-ci occupe dans un opéra, ou du moins doive y
occuper la première place? N'est-ce pas un progrès que d'arriver au même résultat avec une
économie de moyens? Je crois que l'adjonction d'un prologue dans une pareille symphonie est
une innovation des plus heureuses, car Berlioz avait à exprimer cette fois, non plus des idées
générales comme dans les deux symphonies précédentes, telles que la marche du supplice, une
scène de bal, la nuit du sabbat, une marche de pèlerins, mais les scènes suivies et enchaînées
l'une à l'autre d'une tragédie sublime. En voulant que ses morceaux d'orchestre fussent interprétés
dans le sens qui les avait dictés, il fallait bien qu'il manifestât ses intentions.
C'est ici le lieu de dire un mot du prétendu système descriptif de Berlioz. Berlioz, à mon
sens, ne demande nullement à la musique plus d'effets qu'elle n'en peut fournir. On a toujours
concédé à la musique la faculté d'exprimer le plaisir, la douleur, l'amour, la tristesse, la frayeur, la
majesté. Pourquoi refuserait-on par exception à Berlioz de traduire en sons et en accords ces
mêmes sentiments ? Que de fois les spectateurs de l'Opéra ne se sont-ils pas écrié : — Voilà un
trait de hautbois parfaitement approprié à l'apparition des sirènes ; ou bien, lorsque le
grand-prêtre fait son entrée : — Dieu ! que cet effet de trombone est caractéristique et imposant !
et ainsi du reste. Chacun en cela a raison, car on ne saurait nier les droits de la fantaisie. Il est
certain qu'on peut faire mille plaisanteries sur cette corrélation des deux hautbois avec les sirènes,
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du trombone avec le grand-prêtre, ou de la clarinette avec une vestale séduite. Et pourtant tout
cela paraît fort naturel, parce que l'action dramatique est d'accord avec la fantaisie pour justifier
l'illusion.
C'est le Prologue de la nouvelle symphonie de Berlioz qui assimile la pensée de l'auditeur
à la pensée créatrice du compositeur. Le prologue supplée convenablement aux procédés
dramatiques en exposant les événements de la tragédie; non seulement il explique la partie
musicale, mais il traduit pour ainsi dire aux yeux l'action qui se déroule sur le théâtre à l'aide de
tant d'accessoires. Shakespeare n'a-t-il pas joué son drame dans une grange, et l'entraînement de
l'illusion dramatique ne faisait-il pas oublier alors, que quatre murailles nues figuraient
tour-à-tour les berceaux d'un jardin et les lambris d'un palais ?
Mais admettons que ce soit encore une innovation prodigieuse pour le public que
d'entendre modulées en musique les scènes d'un drame qu'il était habitué à entendre réciter de
vive voix, il s'écriera donc : — Que veut dire ceci? Comment une combinaison de notes et de
sons peut-elle exprimer de tels sentiments ? Quel rapport y a-t-il entre une nonne et deux
bassons? En quoi une petite tierce soutenue par deux flûtes aide-t-elle dans le Freischütz à
l'action de couler des balles ? Nous voulons des mots, rien que des mots ; il n'est point besoin de
musique pour colorer ou fortifier leur expression. Eh bien ! de même aujourd'hui pour la
symphonie de Berlioz…ils s'écrient : — C'est de la musique que nous voulons, rien que de la
musique, et nous n'avons pas besoin de paroles pour en augmenter le charme.
Il y a d'admirables tragédies sans musique, d'admirables symphonies sans texte, nous
avons d'admirables opéras : laissez-nous nous complaire à des symphonies dramatiques en dépit
de l'innovation. Tout n'a-t-il pas été neuf une fois? et si un pareil motif d'exclusion eût prévalu
dans l'origine, il n'existerait plus rien de ce qui nous procure aujourd'hui les plus vives
jouissances. Mais c'est assez de réflexions préliminaires, passons à l'analyse.
L'introduction en si mineur de la symphonie de Berlioz pourrait s'appeler une petite
ouverture. Figurez-vous un allegro fugué qui devient toujours plus vif et plus tumultueux jusqu'à
un fortissimo en ré majeur de l'effet le plus magnifique, après quoi il s'éteint peu à peu comme
troublé dans sa fougue et sa colère ; superbe et fidèle image de la lutte acharnée entre les Capulet
et les Montaigu.
Le tumulte s'apaise et se termine par une phrase puissante et impérieuse des trombones,
qui indique les ordres souverains, l'intervention du prince. On n'a pas moins ergoté sur cette
intervention que s'il se fût agi d'une intervention politique. Mais que les critiques qui ne veulent
pas entendre parler de cette intervention princière admettent au moins celle des trois trombones et
de l'ophicléide. Il n'en reste pas moins une belle phrase, écrite dans le caractère du récitatif, et du
plus grand effet. Le premier thème fugué se fait entendre de nouveau, mais brisé et comme
exprimant de sourdes menaces, jusqu'à ce qu'il meure tout-à-fait. Alors commence le petit chœur
du prologue pour contralto, ténors et basses, son récitatif harmonique coupé par d'intéressantes
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parenthèses de l'orchestre qui en relèvent le charme.
Après les paroles du prologue :
. . . . . . . . . . . . . . . . .La- blanche Juliette
Parait... et, se croyant seule jusques au jour,
Confie à la nuit, son amour.
Romeo palpitant d’une joie inquiète
Se découvre, -- et ses feux éclatent à leur tour.
vient un air très heureusement placé qui dépeint tout le charme, d'un premier amour. Cet andante
(sol majeur, (6/8) est chanté par le contralto, accompagné de deux flûtes, cor anglais, deux
clarinettes, harpe et violoncelle. La mélodie, ainsi que l'accompagnement de cet air, sont du
nombre des inspirations les plus intimes et les plus touchantes de l'auteur ; la modulation finale :
dans le ciel, est encore, renforcée par un chœur formé d'accords larges et pleins ;
l'accompagnement du violoncelle au second couplet est particulièrement entraînant; il escorte l'air
tantôt avec un chant indépendant, tantôt en s'y unissant étroitement comme pour l'enlacer et le
couronner de fleurs. Le prologue récitatif continue par une invocation à la reine Mab, la fée des
songes. Ceci donne lieu à un scherzino vocal en fa majeur (2/4 allegro leggiero),
Mab la messagère,
Fluette et légère-, etc.
chanté par un ténor solo et un chœur à trois voix. L'accompagnement est des plus simples : deux
violoncelles, petite et grande flûtes et altos, on ne peut rien imaginer de plus spirituel, de plus
caractéristique que ce scherzino. Chaque note est une étincelle de génie. Les flûtes papillonnent
et badinent en suivant le chant d'une façon presque surnaturelle, et les violoncelles complètent cet
accompagnement délicieux par des pizzicati entremêlés de legati col arco. Le chœur répète d'une
façon vraiment originale les paroles du solo de chant. Ce scherzino se termine, s'évanouit à
l’improviste, semblable à un esprit follet qui s'envolerait dans l'air sur le manteau du docteur
Faust. Le chœur-prologue dure encore quelques mesures, et deux accords vibrants de l'orchestre
lui servent de clôture.
Plusieurs personnes ont trouvé ce prologue trop long; mais je ne saurais me ranger du
parti des personnes qui passent la préface d'un livre pour arriver tout de suite au fait: Une préface
spirituelle vous met à même de saisir et d'apprécier la pensée de l'ouvrage ; il est telle préface qui
à elle seule forme un ouvrage indépendant, complet, et c'est à ce dernier genre qu'appartient le
sommaire de la symphonie de Berlioz.
Le premier morceau pour orchestre seul vient après.
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« Roméo seul, — Bruit lointain de bal et de concert. — Grande fête chez Capulet. » C'est le
programme du premier morceau. Je transcris du reste à contre-cœur ces lignes, qui donnent tant
de prise aux discussions pour et contre la musique descriptive; mais, je le répète, qu'y a-t-il dans
ce programme de contraire à la musique? Est-ce la première fois qu'on cherche à exprimer en
musique la douleur d'un amant qui erre livré à ses rêveries, ou le bruit progressif d'un orchestre de
fête, et enfin la fête elle-même? Ce morceau (fa majeur, andante, 4/4) commence par un legato
plaintif des violons seuls. Ce n'est pas à proprement parler une mélodie, mais une introduction de
la mélodie, qui ne tarde pas à s'ouvrir par les hautbois et les clarinettes, et se développe avec une
abondance pittoresque. Les violons lui donnent bientôt plus d'intensité et alternent d'une façon
gracieuse avec les instruments à vent. Cette pure mélodie est interrompue par un allegro subito et
une phrase vive et courte, exécutée par les clarinettes et les bassons, offre par sa gaieté un
contraste des plus piquants, mais de courte durée. Elle est suivie d'un court larghetto (3/4) confié
à un hautbois solo, et brodé d'un accompagnement aussi léger qu'original. Ce solo n'est pas un de
mes morceaux favoris ; il a quelque chose d'italien, quoiqu'en beau: l’on dirait que Roméo se
souvient qu'il est en effet Italien d'origine; mais vers la fin cet air acquiert un caractère plus
passionné. L'allegro recommence, et la phrase vive et légère que j'ai citée se fait entendre de
nouveau. Elle se propage de proche en proche, toujours plus distincte et plus énergique ; tous les
instruments s'en emparent tour-à-tour jusqu'à ce que l'orchestre entier résonne d'une bruyante et
joyeuse musique de fête dont les violons récitent le thème. Les instruments à vent le reprennent
ensuite, tandis que les violons exécutent un legato indépendant du thème, et que le reste des
instruments à cordes fournit l'accompagnement en croches entrecoupées. Cet ensemble imite
l'effet lointain de la musique d'un bal entendue dans la rue. Ensuite, on dirait que les masses
harmoniques se doublent; l'orchestre s'empare du thème principal avec une puissance irrésistible
et une séduction inexprimable. En même temps les hautbois, les cors, les bassons et les
trombones s'unissent dans une large phrase en fortissimo, esquissée auparavant par les bassons et
les trombones, ce qui produit un effet colossal. On dirait l'orchestre prêt à engendrer un second
orchestre. Cependant un legato où le thème fugué est attaqué alternativement par les bassons, les
hautbois, les flûtes et les clarinettes, laisse enfin reprendre haleine à l'auditeur. Un immense
crescendo ramène de nouveau le bruit de la fête radieuse et folle. On retrouve dans cet allegro, et
toujours d'une autre manière, les accords du thème principal, et maints détails qu'il est impossible
d'énumérer. Bref, le feu de la composition avait alors gagné le public à tel point que le morceau
s'acheva au bruit d'une explosion triomphale de bravos.
La scène va changer; la fête est terminée.... Un chœur de Capulet quitte la fête en
fredonnant des airs de bal, et s'entretenant de la splendeur de leur hôte. Je crois qu'ici Berlioz a
voulu faire la satire des dilettanti. Ils chantent la mélodie du morceau précédent et substituent la
mesure 6/8 à celle de 4/4, si bien qu'ils lui font subir, en la mutilant, une transformation qui n'est
pas sans agrément. Pour moi je n'oserais répondre que telle n'a pas été son intention. Ce qu'il y a
de certain, c'est qu'on reconnaît à merveille de jeunes seigneurs qui crient tant soit peu haut, mais
que les excès de la fête ont entraînés un peu trop bas. Ces deux chœurs sont fort jolis; mais je
préfère le bel accompagnement du quatuor des deux cors et flûtes, tant il réunit de merveilleuses
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combinaisons d'harmonie sur des notes longtemps soutenues, et offre un magnifique contraste
avec le chant emporté des jeunes seigneurs. Un solo de cor est surtout d'un effet étrange et
ravissant.
Le chœur des Capulet s'éloigne de plus en plus, et c'est alors que commence la scène du
jardin (adagio, la majeur, 6/8). Cet adagio a eu moins de succès le premier jour que le morceau
précédent. Mais la seconde fois le public s'est montré plus sympathique, quoique la valeur de
cette partie musicale méritât un accueil bien autrement approbatif.
Du reste, il n'est pas étonnant que l'on comprenne en général avec plus de spontanéité une
musique de fête éclatante et pompeuse, plutôt qu'une musique toute d'expression et de sentiment,
qui exige pour ainsi dire une initiation particulière pour être parfaitement appréciée. La musique
brillante du premier morceau, a électrisé toutes les âmes, et l'on est d'autant moins disposé à
écouter attentivement des phrases mesurées qui n'expriment plus au lieu des transports de la joie
que la langueur et les tourments de l'amour. Il n'est rien pourtant de si profondément senti que cet
adagio, et il m'importe fort peu qu'il s'agisse ici de l'amour de Roméo et Juliette ou de tout autre
amour. Qu'ai-je à m'occuper si Juliette, ainsi que l'annonce le prologue, confie à la nuit son
amour, et si Roméo, caché dans le jardin, paraît soudain à sa vue, et s'ils sont heureux ou
malheureux de cette rencontre? Quand tout cela ne serait qu'une vaine fiction, cette musique en
serait-elle moins une réalité incontestable, dont les mélodies pénètrent au plus profond du cœur
pour y éveiller mille sensations diverses et nous arracher des pleurs! J'adhère pourtant à l'opinion
de ceux qui, tout en reconnaissant l'extrême beauté de cet adagio, lui reprochent un peu de
longueur ; mais j'estime aussi que les belles choses ne sauraient avoir trop de durée. Berlioz a su
animer avec un rare talent son adagio par la variété des mesures et une sorte de récitatif; parmi
tous les adagio existants, je n'en pourrai pas citer d'aussi dramatique. On y remarque un petit
allegro agitato, dans lequel reparaît le récitatif cité plus haut, ou, pour mieux dire, un chant en
façon de récitatif confié aux violoncelles. C'est quelque chose d'entraînant. Je m'aperçois que je
n'ai rien dit du thème ni des modulations, qui, dans toute la musique de Berlioz, mais plus
particulièrement dans cet adagio, se distinguent si fort par leur nouveauté, rien enfin de
l'instrumentation de tout le morceau. Mais comment parlerais-je de tant d'enchaînement
d'accords, des entrées de violon, de hautbois ou de cor anglais, lequel, entre autres, exécute un
admirable cantilène? Certes, Berlioz a, par cet adagio, victorieusement répondu à ses
antagonistes, qui lui refusaient le don de la mélodie. Il serait superflu d'avancer que partout il a su
faire de la mélodie dans l'acception du mot employé contre lui, car quelle musique est possible
sans mélodie? seulement la sienne ne parait pas à nu et sans voile, et c'est de ce tissu si délicat, si
artistement tramé dont il la recouvrit sans la cacher, qu'on a prétendu lui faire un crime. Je ne dois
pourtant pas en faire mystère, mon cher Schumann, il y a dans cet adagio un passage que j'aurais
désiré n'y pas trouver. Vers la fin, les clarinettes montent par tierces, et les violons se servent
ensuite du même procédé ; cela dure pendant trois mesures, après lesquelles arrive un solo
extraordinaire de violoncelles en deux parties, et sans accompagnement. L'auteur a répété
plusieurs fois de suite cette singularité, et la durée de l'ensemble est de quinze mesures. Il
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survient même dans la figure de tierce plusieurs instruments à vent, mais les violoncelles gardent
leur bizarre solo.
Je crois bien avoir pénétré l'intention de Berlioz en cet endroit ; aussi j'avoue que la
combinaison est originale, mais elle manque de charme. Nous n'appuierons pas davantage sur
cette légère critique. A la suite de ces quinze mesures revient encore le thème brisé d'une manière
fort piquante, et ce chef-d'œuvre d'adagio s'éteint dans une mélodie qui semble murmurée par des
voix mystérieuses.
Numéro IV. — Scherzo, fa majeur, 3/8 prestissimo. Par ces mots, je vous désigne la
conception musicale la plus originale qui ait jamais été entendue. Je voudrais, cher ami, pouvoir
me borner à ces deux mots : le sujet du scherzo est la Reine Mab ou la fée des songes. Mais vous
voulez en savoir davantage, et vous allez voir pourtant qu'il est impossible d'en rien dire avec des
mots, car la musique de cet étonnant scherzo appartient bien réellement au domaine des rêves et
de la féerie, et il est d'un effet absolument irrésistible. On s'imagine vraiment, en l'entendant, que
tous ces prodiges séduisants sont dans l'ordre naturel des choses, et la douce illusion ne meurt
qu'avec le dernier accord. Figurez-vous la belle Schéréazade faisant jouer devant le sultan, par
l'orchestre du Conservatoire, un conte de son répertoire. Ce léger anachronisme importe peu, qu'y
a-t-il d'impossible à la reine Mab? Vous secouez la tête, cher ami? Mais que vous dirai-je de
cette apparition musicale d'êtres surnaturels qui renversent à leur gré toutes les lois de la nature?
Peut-être Berlioz a-t-il trouvé le manuscrit de ce morceau en même temps que les petites
cymbales antiques, qu'il a remises en usage avec tant de bonheur. J'entends par là que Berlioz a
découvert ces cymbales dans les ruines d'Herculanum, et qu'il les a rapportées au retour de son
glorieux pèlerinage à Borne. Il ne dit rien du manuscrit, mais j'adjure tous les amateurs
d'antiquités et d'ethnographie de se mettre en quête, sous le bon plaisir du roi de Naples, de
scherzos antiques dans les fouilles d'où Berlioz a déterré le sien.
C'est avec raison que Berlioz s'est livré dans ce scherzo à tous les caprices de la fantaisie
et a donné un libre cours à sa féconde imagination. Le thème vaporeux et fugace passe d'un
instrument à l'autre, toujours varié, toujours intéressant, tantôt naïf, tantôt sévère, tour à tour
emporté, fantasque, moqueur, langoureux, énergique, spirituel, belliqueux, galant, morose,
débordant de malice, d'esprit et de poésie ! Bref, mon ami — ce scherzo termine la première
partie de la symphonie. J'ai voulu essayer de vous en donner une idée, et j'ai échoué comme tous
les critiques qui en ont écrit et en écriront. Ainsi, plus un mot là-dessus, et passons à la deuxième
partie de la symphonie.
La deuxième partie de la symphonie de Berlioz s'ouvre par un autre prologue dont le
récitatif est encore plus remarquable que le premier.
Plus de bal maintenant, plus de scène d'amour;
La fête de la mort commence.
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Certains passages surtout ont provoqué mon admiration :
Roméo pousse un cri délirant, et l'accompagnement fait entendre en effet une clameur aiguë; et
plus loin, les vers suivants , chantés par les voix de basse :
Les deux familles ennemies,
Dans les mêmes fureurs si longtemps affermies,
D'un saint moine, devant le lugubre tableau,
Entendent la parole austère,
Et sur les corps, objets d'amour et de douleurs,
Abjurent en ses mains la haine héréditaire.
Cette strophe est appuyée d'un accompagnement alternatif de deux trombones et de deux bassons,
et l'harmonie en est fort belle. Ce chœur prologue se termine immédiatement après de la façon la
plus pathétique par ce dernier vers :
Qui fit verser, hélas! tant de sang et de pleurs.
Numéro V. Andante (mi mineur 4/4). — C'est le convoi funèbre de Juliette traité en
marche fuguée. Toute la psalmodie du chœur d'abord repose sur une seule note; mais ensuite le
chœur change de rôle avec l'orchestre et s'empare de la fugue à son tour. Ce morceau respire un
sentiment profond, une indicible tristesse. Il y a sur ces paroles :
Jetez des fleurs pour la vierge expirée !
une richesse d'accords qui s'allie merveilleusement à la marche jouée par l'orchestre, effet
d'harmonie reproduit ensuite en sens inverse avec non moins de bonheur.
Ce morceau, dont le caractère grandiose n'a pas été dès l'abord complètement apprécié par
le public, a été beaucoup mieux compris au second concert et couronné des plus vifs
applaudissements. Il n'est pas douteux qu'on ne l'entende désormais avec un intérêt toujours
croissant, et qu'on ne le mette, ainsi qu'il le mérite, au niveau des plus belles parties de la
symphonie. Il serait à souhaiter, néanmoins, que Berlioz se fût abstenu de faire chanter, après la
marche, sur une psalmodie d'église, dix longues mesures : Requiem æternam dona ei, etc.
D'abord il est pénible, désagréable, d'entendre les mêmes individus, qui viennent de moduler si
poétiquement :
Jetez des fleurs , etc.
réciter aussitôt après ce plain-chant monotone. Après cette courte prière des prêtres, tout-à-fait
indépendante de la marche, il y a une reprise du thème fugué, et le morceau s'achève de la façon
la plus originale et la plus saisissante.
Numéro VI. — Ce morceau, comme le programme l'indique, se divise en plusieurs parties
: Roméo au tombeau des Capulets. — Invocation. — Réveil de Juliette. — Elan de joie délirante
brisé par les premières atteintes du poison. — Dernières angoisses et mort des deux amants.
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Tout ce numéro appartient à l'orchestre seul. Il commence par un allegro agitato e disperato (mi
mineur 2) qui justifie parfaitement son titre. On peut dire, au reste, de la musique passionnée et
douloureuse de ce morceau qu'elle a absolument besoin du texte explicatif pour ne pas être
méconnue; et, à moins d'être vivement pénétré de la situation, l'on pourrait se croire à la
répétition d'un opéra des plus dramatiques exécutée par l'orchestre seul et durant laquelle la scène
resterait vide. C'est, comme vous le voyez, un reproche et un éloge tout à la fois. Cette musique
énergique et sombre fait éprouver une sensation pénible, tant elle caractérise fidèlement une
catastrophe tragique.
On y remarque des vides, des lacunes, ainsi que dans la partition instrumentale d'un opéra,
mais que ne saurait combler ici le ministère des yeux , bien que ce besoin d'un complément
matériel, cette disposition du spectateur à regretter l'absence d'une manifestation scénique,
démontrent évidemment à quel point la musique exprime le dramatique d'une situation qu'elle a
revêtue de couleurs aussi frappantes que possible. Indépendamment même du titre Invocation, le
largo de ce morceau, en ut dièze mineur (12/8), est d'une grande beauté. Une cantilène admirable
est exécutée tour à tour par le cor anglais, deux cors et deux bassons, avec accompagnement
d'alto et de violoncelles, tandis qu'un roulement de timbales pianissimo vient par intervalles en
relever encore le caractère majestueux et solennel. Après un solo de clarinette entrecoupé
d'accords d'altos et de basses, lequel ligure la voix plaintive de Juliette réveillée de sa léthargie,
l'orchestre entier fait explosion par un allegro appassionato ( la majeur 4/4). Et puis, on entend le
motif de la scène du jardin, d'abord redit sur la mesure de 4/4, ensuite sur celle de 6/8, et revêtu
de l'expression de la joie la plus délirante, à laquelle succède bientôt celle de l'angoisse la plus
douloureuse. Après la profondeur sentimentale de l'adagio et les vifs transports de l'allégro, voici
le même motif qui reparait brisé, saccadé, haletant, et pour ainsi dire méconnaissable.
Le finale commence, après quelques mesures de l'orchestre, par une phrase chantée par le
chœur, d'une beauté musicale et dramatique incomparable :
Quoi! Roméo de retour!
Pour Juliette il s'enferme au tombeau…
Des Montaigus ont brisé le tombeau
De Juliette, expirée à l'aurore…
Tout ce passage est digne des plus grands maîtres, et suffirait à lui seul pour témoigner du
génie de Berlioz. La mélodie de ces deux vers :
Morts tous les deux, et leur sang fume encore !
Quel mystère affreux!...
est pleine d'un accablant désespoir. C'est alors que le père Laurence, dans un récitatif mesuré, fait
le récit de la catastrophe. Ce morceau, qui mérite aussi bien le nom d'air que celui de récitatif,
renferme de grandes beautés; mais il produirait une plus grande sensation si l'on ne connaissait
déjà les événements qui en sont l'objet. Il est vrai qu'on peut répondre à cette objection qu'il faut,
avant tout, considérer l'effet de la musique; mais, par cela même que Berlioz imprime à sa
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musique tout l'intérêt et le vrai caractère d'une œuvre dramatique, il devrait éviter l'écueil de ces
répétitions. Les répétitions sont un des éléments de la composition musicale, un de ses principes
constitutifs ; mais tout ce qui est dialogue, action dramatique, doit être exposé rapidement, et le
récit détaillé d'un fait déjà connu du spectateur, refroidit son intérêt et provoque son impatience.
Voilà pourquoi cette belle scène déclamée du père Laurence ne sera peut-être jamais appréciée
autant qu'elle le mérite.
L'air suivant en mi bémol (larghetto 5) est de la plus heureuse facture ; mais il a contre lui
le même défaut d'intérêt, du moins jusqu'à cette exclamation qui le ravive :
Où sont-ils maintenant ces ennemis farouches?
L'allegro en si majeur C et l'andante maestoso sont d'une rare perfection. Les altos et les
basses grondent sourdement, tandis que les instruments à vent produisent des accords doux et
prolongés qui s'enflent et diminuent alternativement.
Les deux chœurs des Montagus et des Capulets reproduisent encore le thème fugué de
l'introduction. Chaque parti reproche à l'autre ses sanglants méfaits :
Ils ont tué Tybalt. — Qui tua Mercutio?
— Et Pâris donc ? — Et Benvolio ?
Les mouvements progressifs de la colère sont peints ici avec une énergie extrême, jusqu'à cette
explosion violente :
Non, lâches ! perfides ! point de trêve! La réponse de Laurence :
Pouvez vous sans remords
Devant un tel amour étaler tant de haine?
est pleine de sensibilité et d'onction, ainsi que le solo qui suit (allegro moderato, si mineur C) :
Grand Dieu ! qui vois au fond de lame, etc.
Je vous engage, mon cher Schumann, quand vous irez entendre cette symphonie en
Allemagne, à vous placer dans un recoin bien sombre pour n'être pas obligé de dérober les larmes
qui mouilleront vos yeux à ces paroles :
Touchez ces cœurs sombres et durs!
La dernière strophe de cet air est interrompue de temps en temps par le chœur, dont les
exclamations s'imprègnent peu à peu d'attendrissement, comme si la rude écorce dont une haine
Heller S. Revue et Gazette Musicale de Paris, 22 décembre 1839
invétérée enveloppait les cœurs se brisait par la puissance de ces touchants accords. Ces ennemis
farouches semblent obéir involontairement à la nécessité d'expier la mort lamentable des deux
amants. Il y a dans ce morceau une vérité de sentiment indicible, et le grand artiste a su trouver
des moyens puissants pour rendre ses idées sublimes. A la suite de ces paroles, par lesquelles le
chœur exprime son étonnement d'une conversion aussi inattendue :
Dieu ! quel prodige étrange!
Plus d'horreur, plus de fiel;
Mais des larmes du ciel....
Toute notre âme change.
le caractère de la musique change subitement aussi. Il me sembla, en entendant résonner l'accord
en sol majeur dans toute sa magnificence, que je voyais s'entr'ouvrir des sombres nuages, et que
l'aspect d'un ciel d'azur faisait renaître mon âme à la vie et à l'espérance. La mélodie, par une
transition pleine de charme, arrive au ton de si majeur : C'est alors que commence le magnifique
serment (andante maestoso 9/8) de la réconciliation. Le majestueux solo du prêtre, du style le
plus noble, est accompagné par les instruments à vent. Les violons produisent en même temps un
effet fort original en jetant de temps en temps deux notes liées; les pauses deviennent toujours
plus courtes et la figure plus riche, pendant que les contrebasses exécutent à de brefs délais des
cadences.
Et puis l'orchestre et les chœurs s'unissent dans un fortissimo général ; la figure des
violons qui est devenue toujours plus nourrie, remplit ici toute la mesure, et le chœur répète la
formule du serment, partie à l'unisson, partie sous une forme harmonique des plus belles. La
partie de Laurence est isolée et se poursuit concurremment avec le chœur par ces mots : Jurez
tous.... De tendre charité, d'amitié fraternelle; les Montagus et les Capulets ont maintenant leurs
chœurs spéciaux :
- Et nous voulons par notre hommage
Vous rendre Juliette encor !
— Ah! que son Roméo fidèle
Dans l'or aussi revive aux yeux!
Le chant en paraît un peu faible relativement au magnifique ensemble qui précède; il y a
ici un peu de confusion dans le rhythme, ce qui frappe bien davantage après ce chœur splendide
du serment, pareil à quelque grand hymne national. Sa reprise a lieu avec un redoublement de
vigueur qu'accroît encore l'éruption soudaine des instruments à vent, des timbales et des
cymbales. Berlioz a imaginé pour compléter l'effet extraordinaire de ce fortissimo de faire
exécuter par l'orchestre et par les chœurs alternativement, les trois noires pointées de la mesure
de 9/8.
J'avouerai avec franchise que j'aurais désiré que la symphonie se terminât ici, et que
Berlioz n'eût pas fait rentrer le chœur dans une hésitation de doute et de haine qui suspend le
moment d'une parfaite réconciliation. Je ne crois pas que la suppression de ce fragment, fort beau
Heller S. Revue et Gazette Musicale de Paris, 22 décembre 1839
d'ailleurs, où les deux partis s'encouragent de nouveau à la concorde, Allons, frères, jurons ! etc.,
dût lui inspirer plus de regrets qu'à moi-même. Pendant une gamme chromatique des clarinettes,
des flûtes, des hautbois et des violoncelles, les cors et les timbales tiennent le si en notes
syncopées. Cette phrase, je le répète, est fort belle; mais l'effet général y gagnerait si tout se
terminait par les puissants accords du serment. Enfin une dernière phrase de l'orchestre un peu
trop prolongée sert de complément à cette composition colossale.
Voici donc mon compte-rendu, mon cher ami, et il vous sera facile de voir quelle est la
difficulté d'analyser une œuvre aussi grande, aussi compliquée, et sur laquelle il serait plus aisé
d'écrire un volume qu'une lettre. Ce que je voudrais, ce serait qu'il y eût un chemin de fer de
Leipzig à Paris, pour que vous y vinssiez sur-le-champ écouter vous-même cette symphonie, dont
l'exécution miraculeuse justifie si bien la réputation européenne des musiciens du Conservatoire.
Si j'ai manifesté, en commençant, un peu d'humeur contre le public en général, je dois dire
que ce n'est qu'à l'occasion de certains passages, tels que le prologue et le convoi funèbre. Les
amis et les admirateurs de Berlioz ont eu, du reste, tout lieu de se féliciter. Au second concert
surtout, il a été applaudi avec un tel enthousiasme, qu'il pouvait à peine maîtriser sa profonde
émotion. C'est un grand bonheur pour les amis de l'art de voir ce progrès de l'opinion publique, et
surtout l'homme de génie se frayant avec courage un chemin glorieux hors des voies prosaïques
et vulgaires de la routine et de la spéculation.
Adieu, mon cher ami; mille compliments de ma part à nos chers petits concerts de famille,
à nos sociétés de musique, à nos réunions chantantes et à nos virtuoses de quatuors, toutes ces
bonnes choses enfin si communes dans la bonne Allemagne; de même que vous envierez mon
sort, moi qui ai entendu cinq fois, y compris les répétitions, la symphonie de Berlioz, et qui dois
l'entendre une fois encore, dimanche, le 15 courant. A mon tour j'envie déjà à l'avance votre
bonheur quand vous donnerez à Berlioz et à sa symphonie une digne hospitalité.
Tout à vous de cœur,
STEPHEN HELLER.
P. S. —Cette lettre vous parviendra plus tard que je ne le croyais. Je vous dirai encore que
le troisième concert de Berlioz, dont je vous ai parlé, a eu lieu, et que cette dernière audition m'a
confirmé dans tout ce que j'ai avancé sur cette grande œuvre. — Dans ce concert on exécutait
encore deux morceaux de la symphonie d'Harold ; la première partie et la marche des pèlerins, ce
morceau de prédilection du public du Conservatoire, qu'on a répété à la demande générale de
l'auditoire. Je ne saurais me taire sur l'admirable exécution de l'orchestre ; et quant à la partie du
père Laurence dans la nouvelle symphonie, je désire que Berlioz trouve toujours un chanteur
aussi supérieur et intelligent que M. Alizard, jeune artiste d'un avenir des plus brillants.

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