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Le crowdfunding UNE ÉCONOMIE PARTICIPATIVE «…Quand on aime, on compte… !» “ À l’heure où les créateurs d’entreprise se découragent car l’argent manque, où les banques rechignent à accorder des prêts, les internautes inventent de nouvelles solutions pour « dégripper » l’économie et mettre en contact ceux qui ont des idées avec ceux qui ont envie d’investir dans des projets correspondant à leur éthique. Un nouveau type de financement participatif semble se développer, il s’agit du « crowfunding ». Enquête de la rédaction. ” PAR ELISA GRANPAS C e ne sont pas les projets qui manquent… Participer à l’achat de matériel d’une école Montessori dans votre région… Organiser un rassemblement pour la Paix… Soutenir une œuvre humanitaire locale… Créer un film ou diffuser un livre hors des circuits classiques… Tant d’initiatives naissent dans le cœur d’êtres de bonne volonté mais n’arrivent pas à s’incarner en raison du financement nécessaire. Le crowfunding peut aider à faire les premiers pas vers leur concrétisation. Le mot crowfunding signifie « financement par la foule ». Son objectif est de permettre à tout un chacun, particulier, entreprise ou association, de réaliser un financement direct auprès de personnes qu’il aura motivées par son projet parce que celui-ci concrétise un idéal commun, éducatif, citoyen, humanitaire, etc. Le Crowdfunding permet le financement de projets en faisant appel à un grand nombre de personnes (internautes, réseaux de contact, amis, etc.) qui feront chacun de petits investissements. Une fois cumulées, ces participations financières per- 46 Décembre 2013 - Janvier 2014 │ SAcrŒe PlAnŒte n° 61 mettent de réunir les fonds nécessaires pour lancer des projets qui auraient eu de la difficulté à recevoir un financement bancaire « traditionnel » ou par subventions de collectivités par exemple. Se regrouper autour d’une idée commune et apporter chacun sa pièce au puzzle. Qu’est-ce Qui est nouveau ? L’idée de faire appel à des particuliers pour financer un projet n’est pas neuve en elle-même. Son ancêtre s’appelait la « souscription ». On cite souvent SOCIÉTÉ ET ÉCONOMIE l’exemple célèbre de la Statue de la Liberté (tout un symbole !). La réalisation de l’immense socle de la statue avait été confiée par Bartholdi 1 aux Américains, alors que les Français devaient se charger de la construction de la statue. La collecte des fonds nécessaires à la réalisation de l’ouvrage avançait très lentement. C’est alors que Joseph Pulitzer eut l’idée de mettre à la disposition des responsables les premières pages du New York World afin de récolter de l’argent. Le journal fut utilisé pour critiquer les classes aisées qui étaient dans l’incapacité de trouver les fonds nécessaires, ainsi que les classes moyennes qui comptaient sur les plus riches pour le faire. Les critiques acerbes du journal eurent alors des effets positifs en incitant les donneurs privés à se manifester, tout en procurant de surcroît au journal une publicité supplémentaire, puisque 50 000 nouveaux abonnés furent enregistrés pendant cette période. On sait aussi qu’en 1958, John Cassavates avait tourné son premier film, Shadows, en mettant à contribution les new-yorkais. Il y a beaucoup d’autres exemples, dans les domaines humanitaires, sociaux ou religieux notamment. Le crowdfunding n’est pas né de la dernière pluie numérique ! Mais avec le web, il trouve une nouvelle jeunesse et surtout de nouveaux leviers. Le mouvement s’est accéléré et élargi avec l’émergence des sites, des blogs et des réseaux sociaux, ainsi que l’amélioration des services de micro-financements type Paypal. Un porteur de projet peut créer facilement un blog pour communiquer son idée, faire passer le mot à son réseau en quelques clics et ouvrir un compte virtuel pour récupérer les micro-financements. Le modèle permet de s’affranchir des procédures de subventions et de financements extérieurs en divisant le risque par le nombre de soutiens jusqu’à en faire une quantité négligeable. Quand on touche à l’argent, il faut également des garde-fous pour contrôler l’argent donné et son utilisation future… De nombreux sites se sont mis en place. Il est important de bien les regarder pour faire le bon choix. dons, prÊts et investissements Comme l’imagination ne manque pas à l’être humain, plusieurs formules existent, les projets ne se financent pas de la même façon. Un projet humanitaire ne va pas jouer sur les mêmes ressorts et motivations qu’un projet commercial. Pour répondre à ces différents besoins, le financement participatif se décline sous différentes plateformes. Selon Vincent Ricordeau 2, il y a deux grandes familles d’offres de « crowfunding » : les plateformes non spéculatives et les plateformes spéculatives qui se déclinent respectivement en trois formules. “Le crowfunding permet d’être entouré, conseillé et soutenu.” Les pLateformes non-spécuLatives Pour ces plateformes, les motivations sont la créativité, l’empathie et le partage. Le projet sera financé par des dons avec ou sans contrepartie, ou des prêts solidaires. Le don C’est par cette formule que le crowfunding a commencé. Il représentait 90 % des opérations en 2010. En 2013 sa part se situe autour des 55 %. La formule « prêts » l’a quasiment rattrapé aujourd’hui. Le don est le modèle adopté naturellement par les initiatives philanthropiques, caritatives ou sociales. C’est la catégorie de « projets » la plus performante tous secteurs confondus. On peut citer l’américain Razoo, l’anglais Justgiving et United Donations 3 en France. L’intérêt est d’avoir la possibilité de suivre votre don et de voir concrètement ses réalisations ou de proposer vous-même un projet. Le don moyennant une contrepartie en nature Dans ce cas, les créateurs de projet motivent leurs donateurs à l’aide de contreparties en nature liées aux projets. Elle a permis de financer nombre de projets artistiques (films, concerts, expos, documentaires, jeux vidéos…) ainsi que des gadgets technologiques high tech. Cette formule est la plus médiatisée. A titre d’exemple nous pouvons citer le projet Pebble, en 2012. Pour une montre dotée d’un écran e-ink 4 communiquant avec Vincent Ricordeau sur la radio Widoobiz. 1 - Auguste Bartholdi (1834 -19044) était un sculpteur français, conseiller de préfecture devenu célèbre par la Statue de la Liberté. 2 - Auteur du livre « Crowfunding, le financement participatif bouscule l’économie » et créateur des plateformes Kisskissbankbank et Hellomerci. 3 - http://www.uniteddonations.co/. Leur slogan : Ne donnez pas les yeux fermés ! Soutenez des projets solidaires par un don mensuel et suivez-les dans la durée. 4 - « e-ink » ou « e-paper » ( encre électronique) est une technique d’affichage sur support souple (papier, plastique), modifiable électroniquement, cherchant à imiter l’apparence d’une feuille imprimée. c’est le principe utilisé pour les liseuses. SAcrŒe PlAnŒte n° 61 │ Décembre 2013 - Janvier 2014 47 les smartphones, plus de 68 000 internautes ont donné 10,2 millions de dollars sur la plateforme américaine Kickstarter 5. Ce secteur a collecté 384 millions de dollars en 2012. Il est en plein essor grâce à sa popularité et à sa capacité de toucher tous types de créateurs. Les plateformes sont ouvertes. C’est le public qui décide. Parmi les leaders on peut citer les français, Kisskissbankbank et Ulule. Les prêts solidaires de pair-à-pair, sans intérêts Ils furent également dans les premiers à émerger. C’est dans ce secteur que se place la microfinance. Le plus souvent, des microprêts sont accordés par des personnes habitant les pays occidentaux à des personnes vivant dans les pays en voie de développement afin de les aider à démarrer leur entreprise. En France, nous avons Babyloan et Hellomerci 6. contrepartie non financière est parfois envisagée (albums, invitations aux spectacles etc.). Les premières plateformes de ce type sont nées dans le domaine musical avec Sellaband. en 2006. My Major Company, créée en France en 2007 par Michael Goldman (le fils de Jean-Jacques) lui a emboîté le pas. Elle affirme avoir soutenu 42 000 projets à hauteur de 14 millions d’euros, dont celui du fameux chanteur Grégoire, l’un des plus gros vendeurs de disques en 2009. Depuis, une myriade de plateformes ont été créées dans les domaines artistiques. Par contre, les sites qui revendiquent aujourd’hui le rôle de leader ont étendu leur rayon d’activité et financent maintenant toutes sortes de projets. Citons à titre d’exemple : Thomas Cambassédès un apiculteur qui pensait avoir tout perdu. Après un hiver glacial ses ruches, installées à Caramany, dans les Pyrénées-Orientales, ont été détruites par le gel et par la crue de l’Agly, qui a emporté celles qu’il avait disposées près de la rivière. Plutôt que de se tourner vers les banques, il décide de solliciter l’aide des internautes. Il teste My Major Company. Bien vu : en quelques semaines, 409 contributeurs lui ont versé 27 378 euros, de quoi repartir du bon pied. Pour une participation de 45 euros, les donateurs ont reçu sept pots de miel. Au passage, la plateforme a prélevé sa dîme, 10 % du montant. C’est une moyenne haute, les taux de rémunération des plate-formes varient entre 3 et 10 %. Le prêt entre particuliers avec taux d’intérêt «On n’a pas seulement 3 000 euros, mais aussi des gens qui vous suivent et qui y croient. C’est donc un bon amorçage pour aller voir un banquier» témoigne un entrepreneur. La plateforme ne remplace pas le banquier, elle donne un coup de «starter». Les plateformes spéculatives Les motivations premières sont toujours là mais une composante financière s’y ajoute. La contribution avec contrepartie numéraire ou autre Les « investisseurs » sont considérés comme des « coproducteurs », et à ce titre ils obtiennent le droit de percevoir des royalties associées au projet qu’ils cofinancent. Le retour sur investissement est un argument commercial dans ce cas. Une Dans cette catégorie, appelée « Peer to peer lending » ou « Lending based » en anglais, les particuliers prêtent de petites sommes à des personnes ou à des entreprises en quête de financement. Les modèles sont variés : Prêt d’union, en France met en relation des particuliers, Spear finance des entreprises solidaires, Babyloan s’est spécialisé dans le microcrédit… Tous ont un point commun : ils se posent en alternative à l’épargne classique et au secteur bancaire. La plupart offrent aux particuliers une rémunération en contrepartie de leurs prêts. Les emprunteurs bénéficient, eux, d’un taux plus favorable que celui proposé par les banques. Pour l’année 2012, ce modèle a été le plus performant puisqu’il a progressé de 111% totalisant 600 millions de dollars collectés. Ceci est symptomatique de la crise de confiance dans les banques… Celles-ci, pour l’instant, relativisent, arguant que les sommes en jeu sont encore modestes mais si ceci peut amener quelques 5 - http://www.kickstarter.com/ - c’est le champion toutes catégories aux USA pour le nombre de projets et les montants collectés. 6 - https://www.hellomerci.com/fr. Le slogan du site Hello merci est « Empruntez à des gens qui vous veulent du bien ». Il s’agit d’une plateforme de prêts solidaires entre particuliers qui peuvent aller de 200 à 15 000 euros. C’est une formule plus souple, plus conviviale pour l’emprunteur mais aussi plus risquée sur le plan financier du côté des prêteurs qui n’ont aucune garantie si l’emprunteur ne rembourse pas. 48 Décembre 2013 - Janvier 2014 │ SAcrŒe PlAnŒte n° 61 Société et économie remises en question dans le secteur bancaire, c’est positif. Citons à titre d’exemple que la coopérative de finance solidaire NEF teste actuellement Presdechezmoi.com 7 un site destiné au financement de projets locaux. L’investissement contre prise de participations Le financement participatif en capital, equity based crowdfunding en anglais, permet une prise de participations en actions dans les entreprises financées et une rétribution financière via les dividendes et la plus-value potentielle réalisée (Ex. : Smartangels, Anaxago, Wiseed, Afexios). Ces plateformes donnent accès au plus grand nombre à l’investissement dans les PME. Ce segment est le dernier-né, les premières plateformes datent de 2010. Le développement de ces deux derniers types de formule est freiné par une législation contraignante en France, nous y reviendrons car leurs acteurs sont motivés et s’organisent pour faire bouger la réglementation. Choisir sa plateforme ? On a recensé à ce jour environ 400 plateformes de crowfunding dans le monde dont une soixantaine en France. Tout dépend du type de projet et du type de financement que l’on souhaite. Le projet est–il à vocation humanitaire, sociale, écologique ? Est-il personnel ou collectif ? De combien ai-je besoin ? Est-ce que je veux solliciter des dons ou un prêt ? Ai-je besoin d’y voir plus clair et de tester mon projet avant son lancement ? Voilà les questions qu’il convient de se poser avant de tenter l’aventure du « financement participatif ». Du côté des prêteurs, il faut déterminer si l’on souhaite donner, prêter ou investir, sachant que la rentabilité ou même le simple retour ne sont ga- Le site d’Ulule. rantis. Il est clair que ce n’est pas la motivation financière qui doit primer mais plutôt la motivation éthique. On peut choisir de soutenir des projets ou des personnes en qui l’on croit, aider des idées à avancer et ainsi «mettre sa goutte d’eau pour changer le monde». Comment fonctionnent les principales plateformes françaises ? Les généralistes Fort d’une sélection en finale régionale des découvertes du printemps de Bourges 2012, John Del, auteur compositeur, interprète, lance un appel à contribution dans Kisskissbankbank pour sortir son album. Grâce à leurs capacités d’initiatives, trois français sont dans le peloton de tête mondial : Ulule 8, Kisskissbankbank (KKBB) 9 et Mymajorcompany (MMC) 10. Leurs principes de fonctionnement sont sensiblement identiques. Tous les trois fonctionnent sur la règle du «tout ou rien» c’est-à-dire que la personne détermine au départ une somme à collecter dans une période de temps définie, qui varie entre 60 et 90 jours. A l’issue de cette période, si le montant est 7 - http://www.pret-de-chez-moi.coop/ - A ce jour l’expérience est menée en région Rhône-Alpes uniquement et les montants sont compris ente 3000 et 15000 euros. 8 - http://fr.ulule.com/ 9 - http://www.kisskissbankbank.com/ 10 - http://www.mymajorcompany.com/ SAcrŒe PlAnŒte n° 61 │ Décembre 2013 - Janvier 2014 49 atteint, la somme est versée au collecteur. Dans le cas contraire, il ne touche rien et les sommes sont reversées aux contributeurs. Un pourcentage de rémunération du site est prélevé sur les collectes réussies uniquement. Il varie entre 6 et 10 %. - KKBB déclare avoir collecté, depuis sa création, 9,1 millions d’euros pour 4942 projets présentés. Il affiche en 2013 un taux de collectes réussies de 54 %. Ses meilleures réussites sont dans le domaine artistique mais les entreprises solidaires viennent en bonne place. - ULULE annonce 3140 projets financés pour un montant de 5,1 millions d’euros collectés en 2012. Son meilleur financement est celui de NOOB, une web-série qui a récolté 682 000 euros Le site Ecobole. en 70 jours. Les projets solidaires, bien qu’existants, y sont moins bien représentés. Sa particularité est de s’orienter vers la promotion de projets locaux. En mai 2013, la startup bretonne « Octopousse » a été rachetée par Ulule et sa cofondatrice en est devenue directrice « Régions et Territoires ». - MMY a été créé au départ dans le but de faire financer des projets musicaux pour des artistes qui ne pouvaient ou ne voulaient pas passer par les maisons de disques. Aujourd’hui il s’est diversifié et propose des projets dans toutes catégories. Il a levé 15,3 millions d’euros en 2012 pour 42 000 artistes. Citons encore un site particulièrement clair sur le fonctionnement du crowfunding, Babeldoor 11, qui est plus modeste mais qui a tout de même porté de beaux projets. Nous dirons pour le caractériser qu’il est plus axé sur l’économie solidaire et sociale. Les spécialisés Ils concernent la création d’entreprise, l’écologie ou le prêt aux particuliers. Babyloan 12 est le plus connu des sites consacrés au microcrédit. Créé en 2005, il a levé à ce jour 6,5 millions d’euros pour 15181 projets. Il est spécialisé dans le prêt à des micro-entreprises solidaires, le plus souvent dans les pays en voie de développement où l’on peut créer une entreprise pour une somme qui pour nous semble modeste. Le montant maximum que l’on peut emprunter s’élève à 1500 euros. Tout projet peut obtenir un financement d’appoint mais ce sont les projets d’aide au démarrage de petites entreprises qui ont le plus de succès, pouvant ainsi faire vivre leur famille. Le mot « solidaire » prend alors tout son sens. Citons également SPEAR 13, qui s’adresse aux porteurs de projets en besoin de financement bancaire. Dans le cas où le projet a un fort impact social, environnemental ou culturel, SPEAR l’accompagne dans la présentation du dossier à ses banques partenaires, qui s’assurent de la viabilité économique du projet. C’est la banque qui décide si le projet peut être financé, car c’est elle qui porte le risque du projet et non les épargnants. Si le projet est accepté sur ces 2 critères (impact et viabilité économique) il est mis en ligne sur le site et présenté avec l’ensemble des projets. Les créateurs d’entreprise peuvent aussi trouver de l’intérêt au site Z’entreprendre 14. Comme son nom l’indique, ce site est dédié à la création d’entreprise. Contrairement aux précédents, il ne permet pas la levée de fonds mais il propose un accompagnement logistique intéressant. Si l’on est sensible à l’écologie, on peut soutenir Ecobole 15 une plateforme qui se veut spécialiste des projets écologiques. Les premières Assises du financement participatif : 13 septembre 2013 La situation française actuelle est aujourd’hui paradoxale. Le secteur est en plein développement et la France se situe en bonne place au niveau international. Mais la législation française est contraignante dans le sens où la pratique du prêt avec intérêt est très réglementée 16. La loi stipule que les prêts générant des intérêts ne peuvent être proposés que par des établissements de crédit agréés par la 11 - http://www.babeldoor.com - « Financement communautaire et solidaire de projets. » On peut y lire : soutenez vos projets préférés à partir de 5€, sans débit bancaire immédiat, en échange de récompenses originales ou personnalisées. A ce jour 204 projets ont été financés. Les montants vont de quelques centaines à quelques milliers d’euros. 12 - http://www.babyloan.org/fr/ - « Les petits prêts qui font les grandes histoires ». 13 - http://www.spear.fr/ - « L’épargne transparente et responsable ». 14 - http:/ww.zentreprendre.com - « Vous avez de grands projets, nous fournissons le réseau ». 15 - http://www.ecobole.fr/ - « Première plateforme de Crowdfunding écologique ! » 16 - pour en savoir plus : http://www.lepetitjuriste.fr/droit-des-affaires/le-crowdfunding-le-financement-de-demain#sthash.S49uZM1h.dpuf 50 Décembre 2013 - Janvier 2014 │ SAcrŒe PlAnŒte n° 61 SOCIÉTÉ ET ÉCONOMIE Banque de France. La collecte de fonds pour réaliser des opérations de prêt à intérêt est donc théoriquement interdite aux particuliers. Les sites contournent le problème ou flirtent parfois avec l’illégalité mais leur expansion s’en trouve entravée. C’est sous la pression des acteurs du secteur et de l’ampleur du mouvement que le gouvernement s’est vu dans l’obligation de revoir le cadre législatif. Les premières « Assises du financement participatif » se sont tenues le 30 septembre 2013 au ministère de l’économie et des finances, réunissant plus de 800 participants. Le but affiché par Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée de l’Economie numérique, est de stimuler ce nouveau secteur, tout en sécurisant les investissements des particuliers, autant dire un exercice d’équilibriste ! Le texte présenté le 30 septembre est ouvert à la consultation et aux amendements jusqu’au 15 novembre 2013. La grande nouveauté est que, désormais, on pourra consentir des prêts rémunérés - donc percevoir des intérêts - à d’autres personnes physiques ou à une personne morale (entreprise, association). Le ministère met quelques conditions à ce grand chamboulement. « Les opérations doivent être réalisées dans le cadre d’un financement regroupant un nombre minimal de 20 participants. Un décret précisera le montant du plafond de prêt consenti par chaque particulier pour un projet donné (de l’ordre de 250 €) ainsi que le plafond global du crédit octroyé (300 000€) », indique le texte soumis à consultation. « C’est la fin du monopole bancaire ! Un tabou est tombé », se félicite François Carbone, cofondateur d’Anaxago 17, plateforme de financement participatif dédiée aux startup et PME et président de FPF (Financement Participatif France, association loi 1901). Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée de l’économie numérique, aux premières Assises du financement participatif. d’adaptation et de vitalité de l’être humain est plus que jamais d’actualité. A l’instar d’autres moyens, le crowfunding n’est pas une baguette magique mais un outil performant et intéressant selon l’usage que l’on décidera d’en faire. Même si, sauf exceptions, il fonctionne surtout pour l’instant sur de petits projets ou de petites entreprises, il met en évidence un phénomène sociétal nouveau. Vincent Ricordeau parle de l’avènement d’une «économie collaborative» qu’il oppose à la finance de marché. Assistons-nous à la préfiguration d’une nouvelle ère économique où les moteurs de la créativité, de l’enthousiasme, de l’empathie et de la solidarité tendraient à reprendre de la vigueur en réaction à une société mécanisée, déshumanisée ? «L’homme n’est pas une marchandise» disait José Bové, L’avènement de ces nouveaux rapports économiques et sociaux semble lui donner raison. “La finance participative est un bon moyen de favoriser l’entraide. C’est une économie collaborative.” vers une économie coLLaborative Pratique ancienne en réalité, le crowfunding fait l’objet actuellement d’un large engouement en raison des perspectives qu’il laisse entrevoir par rapport aux difficultés économiques du moment. Le développement des technologies numériques a également démultiplié ses capacités. Face aux lourdeurs des systèmes bancaires et à la méfiance générée par la crise des subprimes, le crowfunding apparaît comme un ballon d’oxygène pour l’économie actuelle. Son développement montre que la confiance dans les capacités d’inventivité de créativité, ELISA GRANPAS POUR ALLER PLUS LOIN • Un tableau sur la situation internationale du crowfunding et son essor rapide sur http://ouishare.net/fr/2013/09/ panorama-du-crowdfunding-ricordeau/ • Lire : « Crowfunding, le financement participatif bouscule l’économie » de VINCENT RICORDEAU (Éditions Fyp). 17 - https://www.anaxago.com/ - «Devenir actionnaire d’une start-up n’a jamais été aussi simple». SAcrŒe PlAnŒte n° 61 │ Décembre 2013 - Janvier 2014 51