D`Antibes à Toulon - Fondation Brigitte Bardot
Transcription
D`Antibes à Toulon - Fondation Brigitte Bardot
Le dossier du jour D’Antibes à Toulon : Zoos de Fréjus et du Mont Faron, Marineland... Associations et internautes mettent de plus en plus la pression sur les établissements accueillant des animaux. Leurs critiques. Les réponses. U n chimpanzé qui mange ses excréments, un éléphant qui se tape la tête contre les murs, un hippopotame privé d’eau, un fauve prostré… Les lettres de protestations dénonçant l’état de délabrement de certains zoos s’accumulent dans les bureaux des associations défendant la cause animale. La Fondation Brigitte Bardot étant la plus en vue, c’est elle qui décroche le gros lot des doléances. Elle monte au front inlassablement pour envoyer sur place des « inspecteurs » qui listent les points noirs (soigneurs aux abonnés absents, enclos arides non ombragés, hygiène inexistante…) dont font les frais les bêtes en captivité parfois loin du standing d’un cinq étoiles… Saisie dernièrement pour les établissements de Toulon et Fréjus, la Direction départementale de la protection des populations du Var supervise une douzaine de parcs. Du village des tortues de Gonfaron au zoo « poids lourd ». « Inévitablement, les deux plus visés par des plaintes sont ceux de Toulon et Fréjus car ce sont les plus anciens et les plus visités… », note-t-on en préfecture. Le week-end der- nier, la manifestation de centaines de militants anticaptivité visait, elle, le Marineland d’Antibes, particulièrement exposé depuis la disparition de l’orque Valentin. Un nouveau regard sur l’exploitation animale « Beaucoup ont des “emmerdes”, même les très gros parcs. Mais vous croyiez que nous serions ouverts si nous n’avions pas toutes les autorisations de l’État? », souffle ce professionnel varois fatigué de voir se développer les dénonciations anonymes sur le Net. Le regard de la société évoluant sur la captivité, l’exploitation de nos amis à quatre pattes (on parle désormais de « cirques sans animaux ») et les normes étant de plus en plus contraignantes, il semble que ce soit tout un système qui est en train de faire sa mue. Alors plutôt que de hurler avec les loups, Var-matin ouvre le débat avec un face à face entre professionnels et chevaliers ardents de la cause animale. Dossier : LAURENT AMALRIC [email protected] Coup de gueule Christophe Marie, porte-parole Fondation Brigitte Bardot Marineland « achevé au cœur de la tempête » Christophe Marie a visité le zoo du Mont Faron, à Toulon. Il en est ressorti avec un constat édifiant qui l’a poussé à intervenir auprès des pouvoirs publics. Dans quelles conditions s’est effectuée votre visite ? Récemment et anonymement suite à plusieurs dénonciations de visiteurs qui nous ont saisis. En quoi les animaux ne sont-ils pas à leur place au Mont Faron ? Les « impératifs biologiques » des espèces emprisonnées dans cette ménagerie d’un autre âge ne sont pas pris en compte tels qu’énoncés par l’article L- du code rural. Les enclos sont vétustes, l’espace offert aux animaux est trop réduit et sans enrichissements. On se rapproche des conditions que nous dénonçons au zoo de Belgrade. En pire ! Le Mont Faron n’est pas un zoo ordinaire… Il se dit « centre de reproduction » mais use aussi du terme « zoo ». Il est donc ouvert au public et soumis aux règles fixées par les autorités. Pourquoi ne sont-elles pas appliquées ici alors qu’un simple refuge a les pires difficultés quand il ne répond pas aux normes édictées par l’État ? (Photo DR) « Il faut fermer le zoo du Mont Faron et libérer les orques du Marineland » Concrètement, que proposez-vous ? Il faut repenser l’espace, arrêter la reproduction et que ce zoo se sépare d’espèces, car trop d’animaux y sont entassés. S’il manque de moyens, la Fondation peut apporter son aide pour le placement dans des structures adaptées. À défaut, nous demandons la fermeture administrative. Quelles actions en cours pour l’obtenir ? Nous avons interpellé fin octobre par des courriers argumentés les services du préfet du Var et la ministre de l’Écologie Ségolène Royal en insistant à la fois sur l’aspect « mouroir » et les dangers pour les visiteurs qui s’aventurent dans ce dépotoir où toute évacuation semble impossible en cas d’incendie et où des outils et produits chimiques traînent à la portée de tous dans les allées… Et si cela ne suffit pas ? Nous saisirons la commission européenne qui veille à l’application de normes minimales en faveur des animaux. Le cas Marineland est-il mieux vu ? Non. Mais je ne veux pas exploiter le drame récent pour dénoncer. Chez nous, c’est un combat de longue date pour dire que les conditions de détention sont incompatibles avec les besoins de ces cétacés. Dans leur milieu, ils parcourent des centaines de kilomètres par jour pour se reproduire. Là, ils se retrouvent dans des bassins vides de tout enrichissement. Dans un aquarium, au moins, on recrée un environnement naturel… Manifestation anticaptivité du Collectif Sans Voix Paca, activisme de Peta envers « Prisonland », directeur muté… Marineland, à Antibes, est dans l’œil du cyclone depuis les inondations qui ont emporté l’orque Valentin début octobre. « Certains préféreraient que le parc s’éteigne et ils croient bon de tenter de nous achever au cœur de la tempête, mais la passion des équipes et le soutien que nous recevons nous permettront de reconstruire pas à pas (...). Nous continuerons de prendre soin à chaque instant des animaux », insiste la direction. Elle évite pour l’heure tout effet d’annonce et parle de « réactions infondées et propos mensongers » de la part de ses détracteurs en se fendant d’un questions-réponses pour justifier point par point son activité vis-àvis des cétacés. Réouverture inconnue « Non les orques ne sont pas contraintes. Oui les bassins sont adaptés », etc. énonce en substance la direction du parc. En revanche une inconnue de taille demeure. La date de réouverture du parc. « Pas avant février en tout cas », avance-t-on uniquement du côté d’Antibes. Les militants anticaptivité défilaient en nombre aux abords du parc marin antibois dimanche dernier. (Photo Dominique Agius) var-matin Lundi 2 novembre 2015 animal, on est mal? Le zoo fauverie du Mont Faron de Toulon se défend : « Nous ne sommes pas Disney! » Au zoo du Faron, à Toulon, Jim de Souza donne une cuisse de poulet à croquer à ses tigres qui selon lui n’ont pas de raison de sortir les griffes quant à leurs « conditions de détention ». (Photo Dominique Leriche) Fréjus en observation Le zoo de Fréjus est depuis de nombreuses années dans le viseur des amis des animaux. Une situation qui a entraîné des réponses du préfet du Var, Pierre Soubelet qui, « soucieux du bien-être animal », s’est fendu d’une missive à Brigitte Bardot reconnaissant que « cet établissement a présenté certains dysfonctionnements dans le passé ». Morceaux choisis des améliorations en cours. Échéancier mis en place par les services de la préfecture pour la réalisation de travaux dans certains enclos. L’île hébergeant les chimpanzés a été revue. Le couple est reformé avec l’arrivée d’une femelle depuis avril dernier. Un tigre mâle a été transféré dans un établissement autorisé. Les deux loups bénéficient d’une protection de la vision du public, de la végétation a été réimplantée. L’enclos des kamichis-grues est équipé d’un brise-vue assurant leur tranquillité. Le transfert de Kim, l’éléphant mâle dont les conditions d’accueil n’étaient pas satisfaisantes, devrait être finalisé d’ici fin -début . Résultant du transfert d’un établissement installé à Carcès en 1964, le zoo fauverie du Mont Faron a poussé son premier rugissement en mai 1969. Souci pour ses détracteurs : les lieux n’auraient pas évolué depuis, donnant à visiter une « prison délabrée » et un « lieu de désolation ». Perché à 535 mètres d’altitude, le directeur Jim de Souza, qui a pris la suite de l’affaire familiale en 1998, déambule à travers le site de 2 hectares en défendant son « gagne-pain », également centre de reproduction pour espèces protégées qui a permis une cinquantaine de naissances depuis sa création. Franc du collier, il ajuste le tir entre « univers carcéral » et « paradis félin », où vit une quarantaine de carnivores… Pas flinguer le King! « Bien sûr tout n’est pas idéal. Donnez-moi du terrain, un budget et je vous fais un grand parc! Ceci dit la fauverie n’est pas à saturation et nous limitons les naissances – nous en comptons juste 4/5 en 2015 – et aucun animal ne souffre de la captivité. Ils sont très casaniers », explique Jim en s’indignant de ces gens qui « balancent des photos ou vidéos sur Internet sans rien connaître aux mœurs des animaux ». Et de citer l’exemple du vieux King. « Ce tigre boîte alors les gens pensent qu’il est maltraité. C’est juste qu’il a une vingtaine d’années et qu’il fait de l’arthrose. On ne va pas le flinguer pour autant! D’autres ont déposé une plainte parce qu’un loup était maigre. Il avait tout bêtement perdu son pelage pour sa mue… ». Parler aux soigneurs « Grand espace n’est pas forcément synonyme de bien-être. Oui, chez nous, ce n’est pas Disney. On voit des cages, plutôt petites, assez inesthétiques et proches les unes des autres, mais grâce à cette proximité, les animaux se voient, n’ont pas de stress, ne sont pas isolés les uns les autres. Quant à la critique sur les manques d’abri, ce sont de tanières que ces mammifères ont besoin pas de toit », explique Jean-Pierre, animalier spécialisé du parc qui appelle au dialogue. « Plutôt que de venir anonymement et lancer des pétitions sur Facebook, que ces personnes s’adressent aux soigneurs pour que l’on puisse clarifier des idées préconçues », poursuit-il. Parc privé, le zoo toulonnais ne peut compter que sur ses seuls 50000 visiteurs annuels et sa boutique comme sources de revenus pour régler personnel, assurances, charges, location de terrain et nourriture. Trésorerie aux abois D’où une trésorerie sur la corde raide et des rénovations au coup par coup. « La Fondation Bardot demande notre fermeture, mais que fait-on des bêtes? On va les euthanasier? Il y a très peu de structures pour ce genre d’animaux… », craint Jim qui dispose encore de 700 m2 pour améliorer leur quotidien. Ne manque que le budget. Environ 20000 €. L’équivalent de la subvention de l’agglomération Toulon-Provence-Méditerranée (TPM) qui n’est toujours pas tombée pour 2016. Condamné à évoluer ou... déménager ! Suite aux plaintes reçues au sujet du zoo fauverie du Mont Faron, la préfecture s’explique. « Pour nous, la sécurité est assurée, les animaux sont bien nourris, le suivi vétérinaire est correct, les registres à jour et aucun décès suspect n’est à signaler », indique MarieClaire Marguier de la Direction départementale de la protection des populations (DDPP). Avec toutefois quelques bémols… « Le souci c’est qu’aujourd’hui, on ne se contente plus que de cela pour un parc zoologique. Il faut s’inscrire dans l’amélioration de la conduite d’élevage avec notamment des aménagements qui permettent une meilleure expression des comportements naturels, de nouvelles exigences environnementales, etc. Et effectivement le parc du Mont Faron est très ancien… Il devra évoluer et pour cela avoir un peu de trésorerie », confirme Mme Marguier. Doit-il fermer pour autant? « On ne doit pas agir dans la précipitation. Une expertise externe doit avoir lieu avant la fin de l’année pour étudier plusieurs scénarios ». Les pistes de « moins d’espèces avec plus d’espaces » ou carrément le déménagement vers un autre site sont évoquées en préfecture.