La modernité du progrès
Transcription
La modernité du progrès
CONFÉRENCE PHILOSOPHIQUE “Plus l’être humain sera éclairé, plus il sera libre.” Voltaire LA MODERNITÉ DU PROGRÈS CONFÉRENCE PAR ÉRIC LOWEN L'état des découvertes à la fin du XVIe Siècle, Gravure fin XVIe siècle, de Stradanus d'Anvers. Association ALDÉRAN Toulouse pour la promotion de la Philosophie MAISON DE LA PHILOSOPHIE 29 rue de la digue, 31300 Toulouse Tél : 05.61.42.14.40 Email : [email protected] Site : www.alderan-philo.org conférence N°1600-219 LA MODERNITÉ DU PROGRÈS Le progrès de l’idée du Progrès conférence d’Éric Lowen donnée le 25/05/2008 à la Maison de la philosophie à Toulouse Cette conférence se propose d’envisager comment penser le progrès aujourd’hui, dans sa recevabilité moderne dégagée des illusions généreuses mais naïves du 19ème siècle. Elle proposera en premier lieu une redéfinition précise du concept de progrès. En second lieu, elle examinera son statut ontologique, puis ses modalités, et, enfin, les fondements réalistiques qui rendent le progrès possible. À travers la mise en avant de la modernité du progrès, voire de sa nécessité, l’intention de cette conférence est de replacer l’homme comme acteur de l’histoire, dans ses progrès comme dans ses régressions. Association ALDÉRAN © - Conférence 1600-219 : “La modernité du progrès” - 03/02/2007 - page 2 LA MODERNITÉ DU PROGRÈS PLAN DE LA CONFÉRENCE PAR ÉRIC LOWEN Le but de la société humaine doit être le progrès des hommes, non celui des choses. Léonard Sismonde de Sismondi (1773-1842) I COMMENT PENSER LE PROGRÈS EN MODERNITÉ ? 1 - Un triple défi 2 - Les principales problèmes du progrès proviennent de sa mécompréhension 3 - La modernité du progrès, ou le progrès du progrès II QU’EST-CE QUE LE PROGRÈS ? 1 - Un terme qui désigne trois notions différentes, dont seule la troisième est le progrès 2 - Concept de progrès, d’un progrès et du progrès 3 - Le Progrès est le progrès en Humanité, pour les sociétés et les individus 4 - Le progrès est dans la manière d’être et de vivre ensemble (et non la technique ou la science) 5 - Le Progrès humain implique intrinsèquement une dimension éthique 6 - L’épanouissement humain comme horizon directeur du progrès III LE STATUT ONTOLOGIQUE DU PROGRÈS 1 - Un sens positif au temps, la positivation du changement 2 - Le temps comme dimension de l’humanité 3 - La possibilité de droit à l’existence d’un “âge d’or”, la finalité positive de l’existence 4 - La fin des fatalismes, des surdéterminismes et des sacralisations de l’état de fait 5 - Une réalisation grâce aux efforts de l’homme, l’homme acteur de l’histoire 6 - Le progrès recentré sur l’homme : l’humanisation du progrès 7 - La revendication d’un destin autonome de l’homme face à la nature et au monde IV LES MODALITÉS DU PROGRÈS 1 - Dans un monde non-anthropique, le progrès est indifférent au monde 2 - Le résultat de l’effort orienté de l’homme (l’anthropologisation du progrès) 3 - Le progrès n’est pas un fait nécessaire, ni inéluctable, il est un possible 4 - L’histoire n’a pas de sens, c‘est le progrès qui donne un sens à l’histoire 5 - Le progrès n’est ni linéaire, ni continu : discontinuité et avancement chaotique du progrès 6 - Penser le progrès oblige à penser les phases régressives : le régrès 7 - Le progrès n’est jamais chose définitive, il doit être entretenu tous les jours 8 - Le progrès est un double combat : pour et contre 9 - Le progrès n’est pas la quête du meilleur des mondes mais d’un monde simplement meilleur 10 - Le pièges des progressistes : l’utopisme, l’érection en foi du progrès inéluctable V CONCLUSION 1 - Le progrès est donc possible si nous agissons pour, la responsabilité humaine du progrès 2 - La réalité du progrès : ni une vaine espérance, ni une foi de remplacement 3 - La modernité du progrès, une idée toujours d’actualité 4 - Le défi du progrès, défi de l’Être Humain face au monde et à lui même ORA ET LABORA Association ALDÉRAN © - Conférence 1600-219 : “La modernité du progrès” - 03/02/2007 - page 3 Document 1 : Le progrès est un dessein d’ordre moral pour le devenir de l’humanité, c’est un projet de civilisation avant d’être une donnée technique. Cette espérance en des temps meilleurs, sans laquelle un désir sérieux de faire quelque chose d'utile au bien général n'aurait jamais échauffé le cœur humain, a même eu de tout temps une influence sur l'activité des esprits droits et l'excellent Mendelssohn (1) luimême a bien dû compter là-dessus quand il a déployé tant de zèle en faveur du progrès des lumières et la prospérité de la nation à laquelle il appartient. Car y travailler pour sa part et pour son seul compte, sans que d'autres après lui continuent à s'engager plus avant dans la même voie, il ne pouvait raisonnablement l'espérer. Au triste spectacle, non pas tant du mal que les causes naturelles infligent au genre humain, que de celui plutôt que les hommes se font eux-mêmes mutuellement, l'esprit se trouve pourtant rasséréné par la perspective d'un avenir qui pourrait être meilleur, et à vrai dire avec une bienveillance désintéressée, puisqu'il y a beau temps que nous serons au tombeau, et que nous ne récolterons pas les fruits que pour une part nous aurons nous-mêmes semés. Les raisons empiriques invoquées à l'encontre du succès de ces résolutions inspirées par l'espoir sont ici inopérantes. Car prétendre que ce qui n'a pas encore réussi jusqu'à présent ne réussira jamais, voilà qui n'autorise même pas à renoncer à un dessein d'ordre pragmatique (2) ou technique (par exemple le voyage aérien en aérostats), encore bien moins à un dessein d'ordre moral, qui devient un devoir dès lors que l'impossibilité de sa réalisation n'est pas démonstrativement établie. Au surplus il ne manque pas de preuves du fait que le genre humain dans son ensemble a, de notre temps par comparaison à celui qui précède, effectivement progressé de façon notable au point de vue moral (de brèves interruptions ne peuvent rien prouver là-contre), et que le bruit qu'on fait à propos de l'irrésistible abâtardissement croissant de notre temps provient précisément de ce que, monté à un degré plus élevé de moralité, il a devant lui un horizon plus étendu et que son jugement sur ce qu'on est, en comparaison de ce qu'on devrait être, partant, le blâme que nous nous adressons à nous-mêmes, ne cessent de devenir plus sévères, à mesure que nous avons déjà gravi davantage de degrés de la moralité dans l'ensemble du cours du monde venu à notre connaissance. Emmanuel Kant (1724-1804) Sur l'expression courante : il se peut que ce soit juste en théorie, mais en pratique cela ne vaut rien (1793) (1) Philosophe allemand (1729-1786), auteur de Jérusalem ou Du pouvoir religieux et du judaïsme (1783), ouvrage dans lequel il défend la liberté de conscience et la religion. (2) Relatif à l'utilité. Association ALDÉRAN © - Conférence 1600-219 : “La modernité du progrès” - 03/02/2007 - page 4 Document 2 : L’aptitude de l’homme au progrès repose sur certaines de ces aptitudes, notamment la mémoire et la conscience historique. N'est-ce pas indignement traiter la raison de l'homme, et la mettre en parallèle avec l'instinct des animaux, puisqu'on en ôte la principale différence, qui consiste en ce que les effets du raisonnement augmentent sans cesse, au lieu que les autres demeurent toujours dans un état égal ? Les ruches des abeilles étaient aussi bien mesurées il y a mille ans qu'aujourd'hui, et chacune d'elles forme cet hexagone aussi exactement la première fois que la dernière. Il en est de même de tout ce que les animaux produisent par ce mouvement occulte. La nature les instruit à mesure que la nécessité les presse ; mais cette science fragile se perd avec les besoins qu'elles en ont. Comme ils la reçoivent sans étude, ils n'ont pas le bonheur de la conserver ; et toutes les fois qu'elle leur est donnée, elle leur est nouvelle, puisque, la nature n'ayant pour objet que de maintenir les animaux dans un ordre de perfection bornée, elle leur inspire cette science nécessaire toujours égale, de peur qu'ils ne tombent dans le dépérissement, et ne permet pas qu'ils y ajoutent, de peur qu'ils ne passent les limites qu'elle leur a prescrites. Il n'en est pas de même de l'homme, qui n'est produit que pour l'infinité. Il est dans l'ignorance au premier âge de sa vie ; mais il s'instruit sans cesse dans son progrès : car il tire avantage non seulement de sa propre expérience, mais encore de celle de ses prédécesseurs, parce qu'il conserve toujours dans sa mémoire les connaissances qu'il s'est une fois acquises, et que celles des anciens lui sont toujours présentes dans les livres qu'ils en ont laissés. Et comme il conserve ces connaissances, il peut aussi les augmenter facilement ; de sorte que les hommes sont aujourd'hui en quelque sorte dans le même état où se trouveraient ces anciens philosophes, s'ils pouvaient avoir vieilli jusque à présent, en ajoutant aux connaissances qu'ils avaient celles que leurs études leur auraient pu acquérir à la faveur de tant de siècles. De là vient que, par une prérogative particulière, non seulement chacun des hommes s'avance de jour en jour dans les sciences, mais que tous les hommes ensemble y font un continuel progrès à mesure que l'univers vieillit, parce que la même chose arrive dans la succession des hommes que dans les âges différents d'un particulier. De sorte que toute la suite des hommes, pendant le cours de tant de siècles, doit être considérée comme un même homme qui subsiste toujours et qui apprend continuellement. Blaise Pascal (1623-1662) Préface pour le Traité du vide Document 3 : Le progrès comme résultat de la volonté, du courage et de l’effort de l’homme. Oser ; le progrès est à ce prix. Toutes les conquêtes sublimes sont plus ou moins des prix de hardiesse. Pour que la révolution soit, il ne suffit pas que Montesquieu la pressente, que Diderot la prêche, que Beaumarchais l'annonce, que Condorcet la calcule, qu'Arouet la prépare, que Rousseau la prémédite ; il faut que Danton l'ose. Le cri : Audace ! est un Fiat Lux. il faut, pour la marche en avant du genre humain, qu'il y ait sur les sommets en permanence de fières leçons de courage. Les témérités éblouissent l'histoire et sont une des grandes clartés de l'homme. L'aurore ose quand elle se lève. Tenter, braver, persister, persévérer, s'être fidèle à soi-même, prendre corps à corps le destin, étonner la catastrophe par le peu de peur qu'elle nous fait, tantôt affronter la puissance injuste, tantôt insulter la victoire ivre, tenir bon, tenir tête ; voilà l'exemple dont les peuples ont besoin, et la lumière qui les électrise. Le même éclair formidable va de la torche de Prométhée au brûle-gueule de Cambronne. Victor Hugo (1802-1885) Les misérables, tome II, 1862 Association ALDÉRAN © - Conférence 1600-219 : “La modernité du progrès” - 03/02/2007 - page 5 Document 4 : Parmi les illusions du progrès, une des plus tenace est celle de continuité du progrès, qui transforme le progrès en mythe inéluctable, ce qui de fait introduit un nouveau déterminisme historique. La route en lacets qui monte. Belle image du progrès. Mais pourtant elle ne me semble pas bonne. Ce que je vois de faux, dans cette image, c'est cette route tracée d'avance et qui monte toujours ; cela veut dire que l'empire des sots et des violents nous pousse encore vers une plus grande perfection, quelles que soient les apparences ; et qu'en bref l'humanité marche à son destin par tous moyens, et souvent fouettée et humiliée, mais avançant toujours. Le bon et le méchant, le sage et le fou poussent dans le même sens, qu'ils le veuillent ou non, qu'ils le sachent ou non. Je reconnais ici le grand jeu des dieux supérieurs, qui font que tout serve leurs desseins. Mais grand merci. Je n'aimerais point cette mécanique, si j'y croyais. Tolstoï aime aussi à se connaître lui-même comme un faible atome en de grands tourbillons. Et Pangloss, avant ceux-là, louait la Providence, de ce qu'elle fait sortir un petit bien de tant de maux. Pour moi, je ne puis croire à un progrès fatal ; je ne m'y fierais point. Alain (1868-1951) Éléments de philosophie, 1916 Association ALDÉRAN © - Conférence 1600-219 : “La modernité du progrès” - 03/02/2007 - page 6 DÉCOUVREZ NOTRE AUDIOTHÈQUE pour télécharger cette conférence, celles de la bibliographie et des centaines d’autres Tous nos cours et conférences sont enregistrés et disponibles dans notre AUDIOTHÈQUE en CD et DVD. Des milliers d’enregistrements à disposition, notre catalogue est sur notre site : www.alderan-philo.org. Plusieurs formules sont à votre disposition pour les obtenir : 1 - PHILO UPLOAD : un abonnement annuel pour un libre accès à la totalité des enregistrements disponibles. Présentation sur notre site internet ou envoyez-nous un email avec le code PHILO UPLOAD et laissez-vous guider en quelques clics : [email protected] 2 - TÉLÉCHARGEMENT : vous commandez la conférence ou le cycle qui vous intéresse via internet. C’est rapide et économique. Envoyez-nous un email avec le code de la conférence et laissez-vous guider en quelques clics : [email protected] 3 - VENTE PAR CORRESPONDANCE : vous trouverez des bons de commande à tarif préférentiel dans notre CATALOGUE AUDIOTHÈQUE, sur notre site et à la MAISON DE LA PHILOSOPHIE. 4 - À la MAISON DE LA PHILOSOPHIE à Toulouse. Pour renseignements et commandes, contactez la MAISON DE LA PHILOSOPHIE au 05.61.42.14.40 (du mardi au vendredi, de 14H à 18H), par email : [email protected] ou par notre site internet : www.alderan-philo.org. Association ALDÉRAN © - Conférence 1600-219 : “La modernité du progrès” - 03/02/2007 - page 7 POUR APPROFONDIR CE SUJET, NOUS VOUS CONSEILLONS - Les cours et conférences sans nom d’auteurs sont d’Éric Lowen - Conférences sur l’histoire de la philosophie - Héraclite et le devenir - Aristote et l’éthique à Nicomaque - L’Encyclopédie et l’aventure des Lumières - L’affaire Calas et Voltaire - Victor Hugo, mystique du progrès et de la liberté 1000-141 1000-176 1000-074 1000-129 1000-112 Conférences sur l’aventure de l’Humanité - Les origines préhistoriques de l’Être humain - L’invention du feu - L’invention de l’outil - L’invention de la religion - La naissance de l’art - La révolution néolithique, l’invention de l’agriculture - L’invention de l’urbanisme, la naissance des premières villes - L’invention de l’écriture - L’invention des chiffres et des mathématiques - L’invention du calendrier - L’aventure de la métallurgie - L’invention de la Science et des sciences - La révolution Gutenberg - La révolution copernicienne - La révolution galiléenne - La révolution newtonienne - La révolution biologique - La révolution énergétique, la quête de l’énergie dans les sociétés modernes - La révolution préhistorique - La révolution darwinienne - La révolution freudienne - La révolution einsteinienne - La révolution quantique - La révolution génétique - La révolution des neurosciences 1000-031 1000-024 1000-044 1000-068 1000-069 1000-232 1000-080 1000-065 1000-161 1000-014 1000-081 1000-071 1000-084 1000-052 1000-038 1000-148 1000-118 1000-085 1000-192 1000-041 1000-042 1000-072 1000-193 1000-073 1000-083 Conférences sur le progrès - Émergence historique du concept de progrès - La modernité du progrès - Réhabiliter le progrès - Philosophie et progrès social 1600-218 1600-219 1600-133 1600-012 Conférences en relation avec les notions de progrès - La naturalité du Cosmos, les illusions du surnaturel - La nécessité du Hasard, le chaos créateur - Nécessité et Hasard dans le cosmos - L’illusion du principe anthropique - Le déterminisme innovant - L’évolution créatrice, l’auto-création du monde - L’aventure humaine - Le devenir de l’humanité - L’Être humain, un être en devenir - La place de l’homme dans la nature 1600-108 1600-091 1600-040 1600-181 1600-185 1600-124 1600-096 1600-097 1600-136 1600-043 Association ALDÉRAN © - Conférence 1600-219 : “La modernité du progrès” - 03/02/2007 - page 8 Quelques livres et revues sur le sujet - Le sens du progrès, une approche historique et philosophique, Pierre-André Taguieff, Flammarion, 2006 - L'avenir du progrès, Dominique Lecourt, Textuel, 1997 - Les désillusions du progrès, Raymond Aron (1969), Gallimard, 1996 - Le progrès du progrès, Philippe Meyer, Points, 1995 - L'avenir de la science, Ernest Renan (1871), Flammarion, 1995 - Discours sur l'esprit positif, Auguste Comte (1842), 10/18 - Esquisse d'un tableau historique des progrès de l'esprit humain, Condorcet (1795), Flammarion, 1988 - Condorcet, un intellectuel en politique, Élisabeth et Robert Badinter (1743-1794), Fayard, 1988 - L’Éducation du genre humain, G.E. Lessing (1780), Éditions Findakly, 1999 - Du progrès et de la promotion des savoirs, Francis Bacon (1605), Gallimard, 1991 Association ALDÉRAN © - Conférence 1600-219 : “La modernité du progrès” - 03/02/2007 - page 9