GEOGRAPHIE ACTIVITÉS

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I : La Terre des hommes rouges, un territoire en mutation
1/ Repérez d’abord le Mato Grosso do Sul sur une carte du Brésil
dans votre manuel scolaire. Puis, à partir des images du film et du
lexique ci-dessous, décrivez le milieu naturel de cette région
Le film montre une région plane, aux horizons infinis, un plateau en partie
couvert par des forêts naturelles, le long du fleuve et sur les interfluves. C’est
d’ailleurs à cet ensemble naturel que l’Etat doit son nom (« Mato Grosso » signifiant forêt touffue). Le long du fleuve, les arbres sont très nombreux : la forêt-galerie s’étire dans les talwegs humides empruntés par les cours d’eau. Le
reste de la forêt, composé d’arbres et d’arbustes, est appelé cerrado. C’est une
forme de savane arbustive. Adaptés aux alternances des saisons sèches et
humides du climat tropical véritable, les cerrados le sont aussi aux sols acides.
2/ Montrez à partir du film que le paysage est en cours de changement radical. Datez et expliquez ce changement grâce aux données du film ainsi que des documents 1 et 2. En quoi peut-on
parler de « marche » pour le Mato Grosso do Sul aujourd’hui ?
Le paysage originel du Mato Grosso do Sul a cependant été profondément transformé – on pourrait même dire anthropisé pour la première fois, tant l’effet du mode de vie indien sur le milieu naturel avait
jusqu’alors été limité. Un défrichement massif, visible par la délimitation
rectiligne des espaces forestiers, a permis le développement d’une multitude de champs (comme le montre la dernière image du film, qui survole d’immenses terres labourées). La déforestation a considérablement
affecté le paysage dans le Mato Grosso do Sul ; il est d’ailleurs possible que les cerrados mêmes soient le produit de ces défrichements.
Cette transformation est récente : comme le rappelle Moreira, sa famille ne possède la terre que depuis soixante ans. C’est en effet dans
les années 1950 qu’a commencé le peuplement du Mato Grosso do Sul
par des populations non indiennes ; le front pionnier n’a pris de véritable ampleur que dans les années 1980, une fois que les cultivateurs se
sont aperçus de l’immense potentiel des sols une fois ceux-ci amendés.
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Par les fortes disparités qu’elle souligne, la carte de la desserte du Sud-Est
du Brésil manifeste bien l’histoire du peuplement de cette région. La maille
des transports est serrée dans l’Etat de São Paulo et le nord du Parana,
qui en est le prolongement depuis le cycle du café au XIXe siècle : les routes y ont repris le tracé des chemins de fer, construits sur les interfluves
pour écouler la précieuse marchandise. En revanche les réseaux sont très
lâches dès que l’on passe dans le Mato Grosso do Sul, plus récemment
conquis. Leur axe principal est la voie de chemin de fer vers la Bolivie,
doublée par une route. De plus, il est à noter que bien que la route soit
de loin le principal moyen de transport au Brésil (avec 62% des échanges
en 1999), seul le réseau fédéral, qui assure la majeure partie des liaisons
à longue distance, est régulièrement asphalté. Près de 85% est constitué par un réseau municipal souvent très déficient et rarement asphalté.
Aujourd’hui, le Mato Grosso do Sul est donc une marche dans le sens
historique du terme puisque sa conquête, bien que remontant aux années 1950, est encore mal consolidée, et qu’il est tout de même dans la
mouvance du centre (la plupart des routes se dirigeant vers São Paulo).
3/ En quoi le mode de vie originel des Indiens Guaranis, que l’on
comprend à travers diverses scènes du film, est-il fortement lié au
milieu naturel ? Montrez qu’il s’oppose en cela au mode de vie des
Blancs, et quelles tensions cela peut provoquer.
Les Guaranis visibles dans La Terre des hommes rouges tentent de revenir à un mode de vie lié à la forêt. A plusieurs reprises, Osvaldo et Ireneu
partent à la chasse, du produit de laquelle ils espèrent nourrir la tribu. De
plus, les Guaranis ont des rites fortement liés à la terre. La sépulture des
jeunes suicidés est nue, sans ajout de pierre tombale, le visage du mort
tourné vers le sol. Enfin, il est à noter que Marco Bechis a choisi pour les
Guaranis des vêtements aux tons neutres, proches des couleurs de la terre.
En revanche, les Blancs ont une vision domestiquée de la nature : la piscine
comme la rivière représentent des formes de domestication de l’eau, de même
que les labours avec la terre ou le tourisme avec la photographie des oiseaux.
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Or le rapport occidental avec le milieu a pris le dessus sur le mode de
vie des Indiens, qui en pâtissent fortement dans le film. Ainsi, il n’y a plus
de gibier dans la forêt et le déracinement des Guaranis explique, selon le
chaman du film, l’alcoolisme et les nombreux suicides – qui sont un fait réel
puisque depuis 20 ans, 517 Guarani Kaiowa se sont suicidés au Brésil.
Dans La Terre des hommes rouges, les Indiens ne parviennent que très
ponctuellement à imposer leur rapport au milieu aux Occidentaux (quand
Osvaldo tue une vache du troupeau de Moreira et quand une autre de
ses vaches tombe malade, soi-disant sous le coup d’une « malédiction »).
4/ En quel sens peut-on dire que le passé du Mato Grosso do Sul est
représentatif de ce qui se déroule aujourd’hui en Amazonie ? Aidezvous du lexique et du document 3.
Comme dit plus haut, le Mato Grosso do Sul a longtemps été une forêt
touffue, aujourd’hui remplacée par une savane, sans doute sous l’effet du front pionnier. Cette région a d’ailleurs été séparée de celle du
Mato Grosso en 1979, c’est-à-dire au moment où les très grandes exploitations (comme celle de Moreira) ont profondément affecté son milieu, qui se distinguait désormais fortement de celui de l’Amazonie.
Aujourd’hui, c’est l’Amazonie qui constitue le nouveau front pionnier. Devant
l’échec de toute réforme agraire au Brésil, l’Etat a préféré lancer une campagne de colonisation des terres dans les années 1960 qui a principalement
touché la forêt amazonienne. Plus récemment, l’Etat a opté pour une politique
de subvention vis-à-vis d’une colonisation spontanée. De grandes exploitations privées s’installent donc en Amazonie pour pratiquer l’élevage extensif.
Ce front pionnier a contribué à une destruction accélérée de la forêt, laquelle
s’est trouvée réduite depuis 25 ans de l’équivalent de la surface de la France.
Un arc de la déforestation se dessine en bordure de l’Amazonie, caractérisé
par une vaste zone de forêts fragmentées et dégradées, prenant en écharpe la partie orientale et méridionale de l’Amazonie, du Maranhão au sud de
l’Acre en passant par le sud-est du Para, le Mato Grosso et le Rondonia.
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II : La Terre des hommes rouges : un territoire d’inégal développement
1/ Décrivez-le en comparant le mode de vie des Guaranis à celui des fazendeiros au sein du tableau suivant :
Guaranis
Fazendeiros
Mode d’habitat
Rudimentaire dans la réserve : murs de brique ou de bois, pas de décoration, habitat de petite taille
Véritable bidonville ensuite : matériaux de récupération (bâches, bois taillé
dans la forêt).
Aucun accès aux équipements collectifs (électricité, égouts, alimentation en
eau) à part la route
Habitat luxueux, avec tous les équipements individuels et collectifs ;
vaste superficie du logement ; présence d’un personnel de maison.
Accès à l’eau
Pas d’eau courante ni d’eau potable : besoin d’aller en chercher au fleuve,
ce qui est une entrave majeure au développement (temps de transport,
mobilisation de populations, en particulier féminines, qui ne peuvent ni travailler ni s’instruire pendant ce temps-là) ; vecteur possible de maladies
- eau courante dans la villa = usage domestique
- eau comme loisir : piscine
- eau à usage agricole, pour l’irrigation par aspersion, qui consomme
deux fois plus que le goutte à goutte
Moyens
de transport
Au début du film, une simple charrette ; puis à pied
Véhicule individuel (4*4) récent ; moto individuelle possédée par la
fille de famille
Travail
Précarité : embauche ponctuelle, pour 5 à 10 jours, sur les plantations (pas
de statut de salarié, mais de saisonniers), où récolte manuelle ; ou à-côtés
dans le tourisme ; salaires misérables (cf. protestation au début du film).
Grande richesse : employés permanents, revenus très élevés ; mécanisation (sillons parallèles), pesticides aspergés par avion.
Propriété
- Réserve : terre protégée par le gouvernement, mais qui est ici de petite
taille (les Kaiowas n’ont aujourd’hui que 25 000 hectares).
- n’ont pas de titre de propriété pour leur terre d’origine
Fazenda, i.e. grande propriété agricole, avec titre de propriété
Vêtements
Vêtements usés, non renouvelés tout au long du film
Vêtements neufs et variés
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2/ Cet inégal développement signifie-t-il que les Guaranis n’ont aucun
accès à quelque progrès matériel que ce soit ? Vous pouvez vous
servir de l’exemple du téléphone portable visible dans le film pour
apporter et expliquer cette nuance.
Le tableau de ces inégalités est cependant plus complexe que prévu
puisqu’une des deux jeunes suicidées du début du film, Elma, possède un
téléphone portable : sa mère le lui rend en le jetant dans la tombe au moment de son enterrement.
Le portable constitue en effet le seul téléphone de certaines populations
du Sud, aujourd’hui. Non seulement 80 % de la population mondiale vit à
portée d’un réseau, mais le portable est en un sens plus facile d’accès que
le téléphone fixe pour les personnes démunies car il ne demande pas d’être
solvable ni de disposer d’un logement comme c’est le cas pour obtenir une
ligne. L’accès (ou l’absence d’accès) au progrès matériel est donc un phénomène complexe.
3/ Ainsi, utilisez vos connaissances pour montrer que les forts
contrastes locaux visibles dans La Terre des hommes rouges peuvent se retrouver dans les villes brésiliennes ; puis, en vous appuyant sur vos connaissances ainsi que sur les documents 4 à 6,
expliquez en quoi ces forts contrastes sont caractéristiques de
la situation économique et sociale actuelle de ce pays émergent.
- Au Brésil, quelques fortunes considérables côtoient des populations misérables et dominées. A l’échelle des grandes métropoles, les quartiers
d’affaires ultramodernes, avec leurs gratte-ciel, jouxtent des bidonvilles qui
s’insinuent dans les espaces vides aux pentes fortes, le long des autoroutes
ou encore en bordure de canaux et rivières pleins de détritus. Des quartiers résidentiels aisés s’enferment derrière des grilles ou des murs, gardés
par des vigiles ; par exemple à Sao Paulo, le quartier riche et sécurisé de
Morumbi, dans lequel les appartements luxueux disposent chacun d’une
terrasse avec piscine, est séparé par un mur de la favela de Paraisopolis,
quartier pauvre où vivent 60 000 personnes.
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- Le Brésil est un pays caractérisé par un inégal développement :
o Il connaît un véritable développement économique depuis un siècle,
qui s’est accentué depuis les années 1960. 11e puissance économique
mondiale, il est le troisième exportateur agricole de la planète (1er pour
le café, la canne à sucre, les agrumes et les bovins, 2e pour le soja)
o Toutefois, à l’échelle du pays, la répartition des revenus au Brésil est
l’une des plus inégalitaires au monde. Les plus pauvres y sont trente fois
moins riches que les plus riches. Une petite fraction de la population assure la plus grande partie du revenu national – et ce constat viendrait à
s’aggraver si l’on pouvait comparer l’intégralité des patrimoines : on sait
par exemple que les 26 000 fazendeiros représentent seulement 1% des
propriétaires terriens mais détiennent plus de 46% des terres. En outre,
22% des 190 millions de Brésiliens vivent sous le seuil de pauvreté et
un quart de la population n’a pas accès à l’eau potable. Or la population
rurale (25% de la population totale) représente toujours les principales
« poches de pauvreté » du pays et les Indiens constituent la partie la
plus pauvre de la population brésilienne, dans une société où couleur
de peau et niveau de revenus sont corrélés. Ainsi, on peut dire que les
Guaranis du film font partie des « victimes du miracle » brésilien.
4/ Au vu de tous ces contrastes à échelle locale et nationale, vous
paraît-il encore pertinent de parler d’un Sud ?
Les différents exemples montrent que certaines populations du Sud (pensons à la famille Moreira, mais aussi aux populations urbaines blanches)
ont un mode de vie similaire à celui des populations des pays du Nord.
De même, le Brésil est désormais un géant économique qui n’a que peu
en commun avec le Soudan ou Haïti, faisant eux aussi partie du Sud.
Toutefois, le Sud se caractérise justement par le fait que les territoires et sociétés présentent des contrastes plus marqués que dans
le Nord. Les inégalités sociales y sont exacerbées ; certains espaces y sont véritablement enclavés. En effet, au Nord, le développement s’est depuis longtemps diffusé à l’ensemble du territoire, alors
que dans le Sud, les capitales politiques et économiques connais-
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sent une plus forte croissance que le reste du pays ; elles concentrent les facteurs de développement, au détriment des périphéries déshéritées. Ainsi,
l’écart de revenus par habitant entre la région la plus riche et la région la plus pauvre est de 1 à 10 en Chine contre 1 à 2 en France métropolitaine.
Ce rapport atteint parfois de 1 à 100 entre les espaces ruraux les plus déshérités et les villes les plus riches.
5/ Rappelez d’abord les causes (historiques ou actuelles) que en vous connaissez, puis appuyez-vous sur le document 7 pour montrer dans quelle
impasse se trouvent les Guaranis de La Terre des hommes rouges face à la question territoriale et en quoi il s’agit, selon Hernando de Soto, d’un
facteur handicapant le développement des pays du Sud.
L’explication du fossé entre Nord et Sud est sujette à controverses.
- D’une part coexistent des théories fondées sur des facteurs endogènes, dont voici les deux principales :
o en ne connaissant pas l’industrialisation dès le XIXe siècle comme l’Occident, ces pays sont restés à la traîne face à un modèle unique de développement représenté par le développement des pays du Nord. Ce schéma historiciste laisse à penser que le Sud doit rattraper un retard face aux pays
développés.
o Pour d’autres, l’absence d’un Etat efficace et l’existence d’une économie à deux vitesses au sein même des pays du Sud entraînent le cercle vicieux
du sous-développement :
Forte croissance
démographique
Faibles progrès sociaux
Inefficacité de l’Etat
Economie duale
Faibles rentrées d’impôts
Investissements
insuffisants
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- d’autre part, une série de théories attribue le sous-développement à
des facteurs exogènes :
o en raison du différentiel de développement entre Nord et Sud, mais
aussi par la politique de domination menée par les pays du Nord, le Sud
se trouve bloqué dans son développement : il dépend financièrement du
Nord en raison de l’endettement qu’il a contracté vis-à-vis de lui dans
les années 1970 ; il est soumis à un échange inégal puisque dans la
Nouvelle Division Internationale du Travail, il fournit des produits bruts
ou manufacturés à faible valeur ajoutée à un Nord qui exporte des biens
plus élaborés, et donc le Sud s’appauvrit constamment ; enfin, il subit
une fuite des cerveaux qui entraîne une véritable dépendance technologique.
o selon certains, cette première explication trouve ses racines dans la
colonisation, qui a entraîné l’expansion des cultures commerciales aux
dépens des cultures vivrières et des industries d’extraction au détriment
des industries de transformation. Ainsi, les économies locales se sont
trouvées déstructurées avec le développement d’économies à deux vitesses dans lesquelles un large pan des activités ne sont pas compétitives et la mise en place de sociétés très inégalitaires.
Hernando de Soto (document 7) propose quant à lui une explication originale du différentiel de développement entre Nord et Sud – et même entre
populations d’un même pays. Il attribue le retard du Sud à des facteurs à
la fois endogènes et exogènes. Des facteurs endogènes car les pays du
Sud n’ont pas de système juridique de propriété accessible à l’ensemble de
leurs habitants – et donc certains de ces habitants, parmi lesquels les Guaranis de La Terre des hommes rouges, ne peuvent faire valoir leurs droits.
Même si elle est ancestrale, la notion de territoire propre aux Indiens ne fait
partie d’un système rationnel et reconnu par tous que depuis que le Brésil
a reconnu la propriété des Indiens, en 1988 ; or cette reconnaissance n’est
pas encore achevée dans la pratique, puisque certains territoires n’ont pas
encore été légalement ré-attribués aux Indiens. Les Guaranis du film ne
peuvent donc s’intégrer aux transactions foncières actuelles et, partant, ne
peuvent connaître un véritable développement économique.
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A ces facteurs endogènes s’ajoutent des facteurs exogènes : avec la colonisation, le monde occidental a implanté son système juridique dans la
plupart des pays du Sud mais sans y donner accès aux populations locales.
Il a assis sa domination sur le vide juridique antérieur. Ainsi le fazendeiro
du film, héritier des colons portugais, a-t-il le droit pour lui : il a un titre de
propriété, il peut donc clôturer ses terres et les mettre en valeur pour l’exportation. Il peut donc participer aux échanges mondiaux fondés sur une
« trace tangible des valeurs » (H. de Soto). En revanche les Guaranis sont
forcément à l’écart de ce système-monde.
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III : La Terre des hommes rouges : un territoire face au processus de mondialisation
1/ Avant toute chose, donnez une définition élaborée de la notion de
mondialisation (au moins 5 lignes). Pour ce, vous pourrez vous référer
aux documents 8 et 9.
La mondialisation est un processus qui relie les différents territoires du monde. Elle s’amorce au XVIe siècle avec la découverte de l’Amérique et le
développement du capitalisme marchand, se poursuit au XIXe siècle dans
le cadre de la colonisation et l’industrialisation et connaît un véritable regain
depuis les années 1950 et surtout les années 1990. Avec le triomphe du
libéralisme lié à l’effondrement de l’URSS et à l’ouverture de la Chine et
avec le développement des Nouvelles Technologies de l’Information et de la
Communication (NTIC), on est passé d’une économie internationale à une
économie multinationale, dans laquelle se multiplient les Investissements
Directs à l’étranger et les délocalisations – voire à une économie monde,
i.e. aux interdépendances sans cesse plus étroites dans tous les domaines.
En effet, la mondialisation ne se limite désormais plus à l’économie mais
touche aussi d’autres domaines comme la politique, les hommes et enfin la
culture.
2/ A partir de cette définition, déduisez de La Terre des hommes rouges
les différents flux mondialisés qui touchent les populations du Mato
Grosso do Sul. N’oubliez pas de sérier tous les domaines concernés
par ce processus en vous servant de l’observation minutieuse des personnes, des objets et du mode d’exploitation de la fazenda.
Vous pouvez vous appuyer sur les documents 1 et 10.
Le film montre les multiples flux à l’œuvre dans la mondialisation.
- Les flux humains y sont les plus visibles.
o Le fazendeiro Moreira, dont la famille s’est installée dans le Mato
Grosso do Sul soixante ans auparavant, représente les flux migratoires qui ont eu lieu récemment au Brésil – comme nous avons vu plus
haut. Mais en arrière plan de cette migration intérieure au pays, on peut
déceler dans le film une migration plus ancienne et liée à la mondialisa-
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tion : le nom de Moreira est d’origine portugaise et donc l’installation de
sa famille dans le Mato Grosso do Sul rappelle, à plus long terme, que
ces flux humains prennent racine dans la découverte de l’Amérique, que
certains géographes considèrent comme la « première mondialisation ».
D’ailleurs le fait que La Terre des hommes rouges mette en scène des
Indiens Guarani, un des premiers peuples rencontrés par les conquistadors au XVIe siècle, fait écho à cette découverte du Nouveau Monde.
Un autre écho à cette époque réside en le mode de vie extrêmement
dispendieux de Moreira et sa famille, qui a été celle des colons depuis
l’époque moderne : les élites dirigeantes, venues du Portugal ou nées
sur place, n’ont alors eu pour but que de s’enrichir le plus rapidement
possible.
o La femme de Moreira, d’origine italienne, représente l’immigration plus
récente au Brésil. Il est cependant à noter que ces migrations ont très
peu d’ampleur.
o Les flux touristiques sont représentés par les hôtes des Moreira. Comme dans tous les pays du Sud exceptés ceux d’Asie du sud-est, ces flux
sont d’une ampleur encore restreinte au Brésil (il n’y a eu que quatre
millions de touristes au Brésil en 2003, contre 70 millions en France !).
Ils se développent toutefois de plus en plus avec la vogue du tourisme
vert et du tourisme culturel, bien représentés dans La Terre des hommes
rouges. D’ailleurs, les agences de tourisme proposent aujourd’hui des
croisières sur les fleuves ou la visite du parc naturel ornithologique du
Pantanal, juste au nord de la région du film. Le développement de cette
activité passe par une langue mondialisée : l’anglais, que la femme de
Moreira emploie avec ses hôtes.
- On peut aussi déceler des flux culturels dans La Terre des hommes rouges.
Les Indiens y portent des vêtements occidentaux, y mâchent du chewing
gum (scène dans le magasin de Dimas), y écoutent de la musique techno
(scène d’entraînement dans la case au début du film). Le lieu par excellence de cette consommation occidentalisée est la ville – celle de Dourados
dans le film. On y entend des bribes de musique occidentalisée, le centre
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commercial y représente la société de consommation, y sont vendues des
chaussures de sport de marque occidentale.
- Les flux matériels mondialisés peuvent être déduits de l’observation des
fazendas du film. Les Guaranis vont travailler sur une plantation de canne
à sucre, production qui sera directement exportée (le Brésil est au premier
rang mondial dans ce domaine, comme nous avons vu) ou bien d’abord
transformée en éthanol ensuite destiné aux marchés national et mondial
des biocarburants.
L’exploitation de Moreira, très modernisée, travaille aussi pour l’export : le
bétail qui y est élevé sera vendu dans une bourse bovine (scène où Moreira regarde les enchères à la télévision), les labours seront sans doute
ensemencés de soja, culture par excellence liée à la mondialisation car le
gouvernement l’a fortement encouragée en vue d’exportations massives ;
ce choix est ainsi à l’origine d’une des plus impressionnantes avancées
pionnières au monde puisque la culture du soja s’est déplacée d’environ
2000 kilomètres vers le Nord, du Parana vers le Mato Grosso.
Le fait que la ville de Dourados soit le site de production du soja transgénique Monsanto lie indirectement la situation des Indiens au développement
de ces modes de production pourtant illégaux au Brésil. Toutes ces données sur les flux matériels rappellent enfin le lien particulier entre le Brésil
et la mondialisation : comme le dit Hervé Théry, ce pays est « né mondialisé » : il a été très rapidement exploité par le Portugal, en particulier pour le
bois de braise dont on tirait alors une teinture rouge et qui donna son nom
au pays.
3/ Cherchez dans le Lexique des termes qui puissent s’appliquer
aux effets territoriaux de la mondialisation tels que l’on les décèle à
travers l’exploitation de Moreira.
- Le terme de glocalisation convient pour décrire le fonctionnement de l’exploitation de Moreira. Fondé sur des cultures et un élevage commerciaux,
ce mode de production vise l’exportation immédiate des produits sans passer par des échelons intermédiaires comme l’Etat.
- Celui de fragmentation globale convient également pour montrer le lien entre mondialisation et développement : en liant entre eux certains territoires
qui échangent et s’enrichissent en cercle fermé, la mondialisation accroît la
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fragmentation des territoires car des espaces proches les uns des autres
peuvent avoir des niveaux de développement radicalement opposés.
4/ Pensez à toutes les données culturelles que vous pouvez relevez en
ce sens pour remplir le tableau suivant :
Société brésilienne
occidentalisée
Guaranis-Kaiowa
Langue
principale
portugais
guarani
Religion
Christianisme (visible sur
le camion du commerçant,
avec la mention « Jesus te
cura ») : 90% des Brésiliens sont catholiques ; le
Brésil est le plus grand pays
catholique du monde.
Animisme, visible par toutes les scènes
chamaniques, la croyance aux esprits, en la
terre ancestrale.
Dans la plupart des communautés Guaranis
se trouvent une maison de prière et un
chef spirituel ; on y donne une importance
suprême à la terre, origine et source de vie,
don du « Très Haut », Nande Ru.
=> la spoliation de la terre constitue non
seulement un vol mais aussi atteinte
extrêmement grave à leur identité.
Alimentation
Entre autres, bœuf
Entre autres, manger du gibier (le chaman
déconseille le bœuf à Osvaldo) ; maté.
Les Indiens cultivent aussi manioc, canne à
sucre, bananes, patates douces, maïs, haricots, riz… que l’on ne voit pas dans le film.
Conception
de la société
Individualiste. Visible par le
fait que la famille Moreira
habite dans une maison
individuelle, ou par le fait
que Moreira comme sa
femme parlent au téléphone
sans faire attention à l’autre
Communautaire. Habitat groupé, repas
en commun ; toutes les scènes collectives
dans le film manifestent la force des Indiens
quand ils sont en groupe ; à l’inverse, quand
Ireneu part travailler puis se suicide, son
père considère qu’il s’est de lui-même coupé
de la communauté, il lui dit qu’il va le laisser
seul dans la mort.
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5/ En quoi La Terre des hommes rouges montre-t-il une contestation
active des injustices parfois liées à la mondialisation ? Relevez des
données non seulement dans le film lui-même, mais aussi dans son
générique. Vous pouvez vous aider du lexique ainsi que du site survivalfrance.org – en sachant qu’il est partisan et utilise de façon erronée
le terme de génocide (cf. Introduction thématique).
- Dès le générique, l’engagement altermondialiste du film est visible par la
mention d’un de ses soutiens : l’organisation Survival. Basée à Londres
et à Milan, celle-ci tente de faire valoir les droits de toutes les minorités en
danger dans monde. L’altermondialisme, mouvement composé d’acteurs
très divers, propose en effet pour l’essentiel un ensemble de valeurs « sociales » et soucieuses de l’environnement comme moteur de la mondialisation et du développement humain, en opposition à ce qu’il analyse comme
les « logiques économiques de la mondialisation néolibérale ».
- Le film montre surtout un mouvement de retomada, c’est-à-dire un combat d’Amérindiens pour récupérer leurs terres ancestrales. A l’arrivée des
Européens en Amérique du Sud, les Indiens possédaient quelques 350 000
km2 de terres dont ils ont bien souvent été dépossédés ; ils ont également connu une mort de masse liée au choc microbien avec les Européens
(cf. Introduction thématique), si bien qu’aujourd’hui les Indiens ne constituent qu’un millième de la population brésilienne.
Au XXe siècle, le gouvernement brésilien a adopté une attitude plus humanitaire, leur donnant une protection officielle avec la création des premières
réserves indiennes et du Service national de l’Indien (aujourd’hui la FUNAI
ou Fondation Nationale de l’Indien). La Constitution de 1988 contient un
chapitre sur les Indigènes, reconnaissant leurs droits sur les terres qu’ils
occupent traditionnellement. Ces terres ont été déclarées inaliénables et
« indisponibles ». Aujourd’hui au Brésil, il y a un peu plus de 700 000 Indiens qui occupent 594 zones indigènes sur un total de 100 millions d’hectares (12% du territoire brésilien). Cependant, cette protection n’est pas
toujours suffisante et de nouvelles invasions, expulsions et massacres ont
encore lieu.
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En outre, la démarcation des terres indiennes est toujours en cours – ce qui
explique les retomadas menés par des Indiens lassés d’attendre l’intervention des pouvoirs publics. Le titre « La Terre des hommes rouges » fait donc
écho et tente de rectifier le slogan lancé par l’Etat brésilien pour l’ouverture
front pionnier dans les années 1960 : « Des terres sans hommes pour des
hommes sans terre ».