Lamont Dozier - JUKEBOX MAGAZINE
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Lamont Dozier - JUKEBOX MAGAZINE
Juke Box Magazine : Dans ce nouvel album, « Reflections Of », tu reprends tes propres chansons, pour quelle raison ? - Lamont Dozier : J’étais chez un ami et il me dit : Est-ce que ça ne serait pas une bonne idée que tu reprennes toi-même tous ces titres ? Un auteur qui interprète son œuvre, cela a déjà été fait mais c’est tout de même une bonne idée. Quelques jours auparavant, j’avais eu l’occasion de monter sur scène à Nashville où j’avais repris « My World Is Empty Without You » (Supremes) et cela a été le déclic. Le public est devenu dingue. Lorsque je suis rentré à Los Angeles, cela m’a convaincu d’enregistrer un album. Je recevais plein de messages de sympathie du genre : Quand est-ce que tu rejoues ? Quand redonnes-tu un vrai concert ? Le premier pas a été d’aller en studio pour choisir quelques chansons et voir ce que cela pouvait donner. Il faut préciser que, lorsque j’ai écrit la plupart de ces titres, je leur donnais toujours un rythme lent, qui par la suite était accéléré. Or c’est ce que j’avais en tête, revenir à ces tempos. La raison de ce choix c’est qu’un morceau gagne en maturité quand il propose un rythme plus bas. Une autre pensée qui m’a traversé l’esprit c’est que, presque quatre décennies plus tard, je percevais ces chansons de manière fort différente que lorsque je les avais écrites. Ma vision était plus mature. Le premier titre que j’ai essayé avec ces critères-là était « My World Is Empty Without You ». L’album s’est fait, il a d’abord été disponible via internet, puis j’ai obtenu une nomination aux Grammy. Il m’a semblé évident qu’il fallait franchir une autre étape et le disque est sorti cette fois en magasin. - Le choix de 12 morceaux a dû être draconien ? - Il y a environ 50 titres que j’aime parmi ceux que j’ai signés, au point de les écouter parfois. La sélection a été naturelle. « I Hear A Symphony » (Supremes) et « My World Is Empty Without You » semblaient évidents. Ils font partie de ces chansons très populaires que le public s’attend à trouver sur ce type d’album. En fait, ce n’est que le premier volume d’un coffret-4 CD que je suis en train de réaliser. - Est-ce que ce sont tes préférées ? - Non. Par contre j’aime beaucoup ma version de « My World Is Empty Without You ». L’arrangement lui donne une autre dimension, une autre lecture. RYTHMES RALENTIS - Quand tu dis que ce thème compte parmi tes favoris, est-ce à cause de la chanson ou suite à ce qui s’est passé autour ? - C’est ce que j’ai fait avec ce morceau, de son essence même. Par les Supremes « My World Is Empty Without You » est très dansant, alors que moi je l’ai transformé en jazz. Ce titre a mûri. Quand je l’ai enregistré, il y avait tant d’émotion qui s’en dégageait que je me suis retrouvé plongé dans mon passé. Chaque mot avait une signification, aucun n’était gratuit. Je me suis rendu compte de la profonde véracité de la phrase : Rien n’arrive par accident. Cela correspondait à l’ambiance que je voulais apporter à ce disque. - Une anecdote ? - A l’époque où je l’ai écrit, j’étais obsédé par une fille. Je ne pensais qu’à elle, je l’utilisais comme inspiration pour la plupart de mes chansons tristes. J’avais 12-13 ans. C’était ma muse, sans doute parce qu’elle ne savait même pas que j’existais. Cela remonte à l’école, elle était assise devant moi, à quelques mètres. J’étais transi d’amour pour elle mais j’étais paralysé, je n’ai jamais rien osé. - Te souviens-tu de son nom un demi-siècle plus tard ? - Ce ne sont pas des choses qu’on oublie, mais je tairai son nom de famille. Elle m’a inspiré tant de chansons que l’on ne sait jamais, je ne suis pas à l’abri d’un procès ! Son prénom est Bernadette, un succès pour les Four Tops en 1967 ! - Tu as changé la plupart des orchestrations, estce que cela signifie que tu réécrirais volontiers l’histoire ? - Non. Si j’ai ralenti les rythmes, c’est parce que, quand j’ai écrit ces titres, au tout début, j’avais l’habitude de fredonner ces mélodies avec des tempos très éthérés comme ce qu’on peut entendre sur le disque. Ce n’est qu’une fois que j’étais sûr de moi que je les accélérai pour les proposer aux artistes On ne connaît pas forcément son nom, par contre son œuvre est sur toutes les lèvres. Grand artisan du son Tamla Motown, avec Brian et Eddie Holland, Lamont Dozier a écrit pour les Supremes, Martha & The Vandellas, les Four Tops, etc. En France on le connaît entre autres via Claude François qui a repris « J’Attendrai », « C’Est La Même Chanson »... (voir JBM N°205 & 206). Après une longue absence, il sort un album dans lequel il revisite son passé, « Reflections Of », et se penche volontiers sur une époque que les moins de 40 ans ne peuvent avoir connue. D’aspect débonnaire, Lamont est charmant et jamais avare en histoires de toutes sortes. Motown. Ces derniers ne pouvaient pas chanter des ballades. - Par contre tu n’as jamais été tenté de modifier les textes. - Pour l’époque, les paroles sont parfaites. Les gens qui les ont entendues, il y a 40 ans, sont désormais grands-parents, en tout cas, ce ne sont plus des adolescents et ces arrangements sont adaptés à leur âge. Ils ont sans doute joué ces titres plusieurs fois, pas question de modifier les textes qu’ils ont sans doute fredonnés et fredonneront encore. - Ce disque est paru sur ton label, est-ce parce que tu n’as pas envie de te retrouver sur une major ? - Non pas vraiment, c’est réellement parce que c’est dur désormais d’être signé par une major. - Même pour quelqu’un comme toi ? - Oui, aux Etats-Unis ils se moquent de savoir qui tu es ! C’est pour cette raison que j’ai monté mon label, d’abord distribué sur le net, puis dans le commerce. Par contre je n’ai eu aucun problème pour trouver un distributeur aux USA et en Europe. - Ce n’est pas la première fois que tu crées ta structure. - Oui, j’ai déjà essayé, mais cela n’a jamais vraiment marché. - Il y a eu les labels Invictus et Hot Wax en 1968. - Ha ! Oui, ceux-là ont connu beaucoup de succès. Avec les frères Brian et Eddie Holland, on avait une cinquantaine d’artistes et une bonne dizaine était très populaire dont Freda Payne et les Chairmen Of The Super 45 tours des Supremes « Love Is Here... ». Board. En revanche, en 1983, la marque Megaphone, sur laquelle j’ai sorti le disque « Bigger Than Life», incluant un medley qui évoque le son Motown, « The Motor City Scene », n’a pas fonctionné. PREMIER GROUPE - C’est là que tu as publié pour la première fois des albums en tant que chanteur. Le public te connaissait comme auteur, mais il ne savait pas que tu chantais, personne n’avait jamais vraiment entendu ou plutôt identifié ta voix. Pourquoi as-tu tenu à passer de l’autre côté ? Est-ce que cela a été difficile ? - De nombreuses personnes du métier me connaissaient avant que je devienne un auteur. J’ai débuté comme chanteur quand j’avais 15 ans. Je suis né le 16 juin 1941 et, début 1957, j’ai intégré les Romeos qui se faisaient appeler les Counts. J’ai participé à leurs premiers 45 tours, « Gone, Gone, Get Away »/« Let’s Be Partners » et « Moments To Remember You By »/« Fine, Fine Baby » sur Fox. Ce dernier est reparu sur Atco en 1958. Les deux chansons du premier simple sont signées George Braxton, pharmacien de son état et propriétaire du label Fox. J’ai aussi enregistré des disques sous le nom de Lamont Anthony juste avant Motown. Ils n’ont pas connu un succès énorme, mais m’ont permis d’être sur Atco, une filiale d’Atlantic. Je suis le chanteur des Romeos, un groupe de doo-wop, j’écris les paroles, c’est une progression importante pour un Noir issu du ghetto qui n’a pas d’argent. C’est déjà une réussite. Au tout début je n’avais même pas de quoi m’acheter du papier pour écrire, je récupérai des sacs d’emballage des magasins. Les Romeos étaient Ty Hunter (qui effectuera une carrière solo avant d’intégrer Glass House & The Originals), Leon Ware (qui composera quelques titres et fera des disques sous son nom), Gene Dyer, Kenny Johnson et moi-même. - Tu as gardé ces disques ? - Oui et non. Ma femme vient de m’offrir « Moments To Remember You By », elle l’a trouvé en parfait état à 100 dollars, mais ça fait des années qu’elle voulait m’en faire cadeau. Ça m’a vraiment fait plaisir. C’était l’un des seuls que je ne possédais plus. Mais, pour revenir à ta question, quand j’ai quitté les frères Holland en 1972, je suis allé directement chez ABC. Et mon premier disque, « Out Here On My Own », est sorti en 1973 avec des chansons telle que « Fish Ain’t Bitin’ » ou « Trying To Hold On To My Woman ». Cet album a dû se vendre à un demi-million d’exemplaires. Et le 61