Sujet proposé par Mme Nowakowska, MM. Sarale et Verine A

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Sujet proposé par Mme Nowakowska, MM. Sarale et Verine A
Sujet proposé par Mme Nowakowska, MM. Sarale et Verine
A– Questions de cours. 10 pts
1. Présentez le schéma de la séquence explicative prototypique. 5 pts
2. Indiquez les macro-propositions de la séquence explicative jusqu’au premier intertitre de
l’article ci-joint. 5 pts
B– Questions d’analyse. 10 pts
3. Quel type de séquence construit le paragraphe suivant le premier intertitre ? Structurez-la
en macro-propositions. 6 pts
4. En vous appuyant sur l’insert « En pratique », sur les notes de bas de page et sur le § 2 de
l’intertitre « De Dostoïevski à Astro Boy », indiquez ce qui justifie l’appartenance de cet
article au genre « Enquête ». 4 pts
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Culture Les Echos week-end – vendredi 28 et samedi 29 octobre 2005 – 3
Enquête
La grande histoire des mangas
Pourquoi les bandes dessinées japonaises ont conquis les lecteurs du monde entier.
(illustration)
Dans une production éditoriale des plus prolifiques, le pire côtoie le meilleur. Mais réduire le manga
à la pornographie et à la violence serait aussi ridicule que d’aborder le septième art uniquement par
les films X et gore.
Banzaï ! En France, la BD nipponne est en passe de détrôner les bulles franco-belges. suffit de surfer
sur Internet dans la toile manga ou de passer dans les rayons de la FNAC ou de chez Virgin pour
constater le phénomène. Assis par terre ou vautrés dans des sièges, les jeunes lecteurs boivent des
yeux sans modération ce que leurs parents considèrent souvent comme des « japoniaiseries ». Ce
week-end, ils seront sans doute des milliers à Taifu Festa, à Montreuil, dans la banlieue Est de Paris.
Mais pourquoi un tel engouement pour le manga ? D’abord, parce que cet obscur objet de lecture,
publié en noir et blanc, ponctué d’onomatopées et à suivre d’épisode en épisode, incarne avec ses clefs
poétiques, prophétiques ou didactiques la culture pop nipponne dans tous ses extrêmes. Ensuite, parce
que l’on y trouve une puissance d’évocation plus directe que dans le roman. Enfin, le manga n’a pas
de limites. Du coup, dans une production éditoriale des plus prolifiques, le pire côtoie le meilleur.
Mais réduire le manga à la pornographie et à la violence serait aussi ridicule que d’aborder le septième
art uniquement par les films X et gore.
Icônes virtuelles
Au Japon, la plupart du temps, les mangas paraissent en feuilleton dans des hebdomadaires ou
mensuels spécialisés à grand tirage. On les lit, on les jette. Il y a les « shonen », mangas pour garçons,
qui abordent le sport, le polar, les arts martiaux, le fantastique et même le comique. Et les « shojo »,
mangas pour filles avec une tendance surprenante, le « shonen ai », des histoires d’amour entre
garçons ! Les fans n’hésitent pas à se costumer (« cosplay ») comme leurs héros préférés, véritables
icônes virtuelles. Depuis les années 1980, les sujets se diversifient et recouvrent tous les thèmes : les
affres des « salarymen », les romances de lolitas déjantées, l’initiation d’un jeune joueur de go – un
succès planétaire – ou les péripéties dans les temps anciens d’un rônin (samouraï sans seigneur, prêt à
louer ses services au gré des circonstances). Le très sérieux quotidien « Nikkei » a publié en manga
une introduction à l’économie japonaise. On croque aussi des mangas gourmands. Après « Mister
Ajikko » (« Le Petit Chef »), la série à succès « Yakitate ! Ja-Pan »avec ses 18 volumes fait le délice
d’un large public. Son héros, un mitron, rêve d’être dans le pétrin ! Tokyo TV diffuse chaque semaine
un « anime » (dessin animé) de ses aventures. Une grande chaîne de magasins et un boulanger de
Kyoto ont mis la main à la pâte en proposant des pains et viennoiseries sortis du fournil manga.
Chez nous, les grands éditeurs qui méprisaient ce genre font aujourd’hui aux mangakas (auteurs de
manga) les yeux de Rodrigue pour Chimène, car l’affaire est juteuse. Heureusement, quelques maisons
dans cette jungle commerciale tirent leur épingle du jeu. Glénat, Tonkam, Ego comme X, soleil et
Delcourt demeurent à juste titre les références. Beaucoup de jeunes lecteurs français découvrent la
culture japonaise par le manga. Au point que certains en apprennent la langue et partent en vacances se
« tatamiser » au pays de Totoro.
La très longue histoire du manga n’est pas linéaire. Elle accompagne, de censure en liberté, la
« traditionnelle modernité » de la société japonaise, se heurte aux tabous, s’empare des peurs et des
désirs. Si le terme manga désigne la bande dessinée japonaise, à l’origine il signifiait littéralement
« dessin grotesque », « image dérisoire ». Déjà, au XIIe siècle, les rouleaux satiriques (« chojugiga »),
mettant en situation des animaux agissant comme des humains, inventent des effets visuels de
mouvement qui seront bien plus tard repris dans le manga et le dessin animé (« anime »). A l’époque
d’Edo (1603-1868), le courant pictural ukiyo-e (images du monde flottant) saisit sur le vif des
situations cocasses ou intimes. L’image et le commentaire s’entremêlent. L’esthétique et le
divertissement aussi. Katsushika Hokusai (1760-1849), le célèbre dessinateur et peintre d’estampes, a
composé ses « Hokusai Manga », une somme de carnets de croquis. L’un de ses mangas ainsi que
plusieurs de ses illustrations sont présentés actuellement à la Maison de la culture du Japon, à Paris.
Les prémices du manga moderne se manifestent dans l’oeuvre de Kawanabe Kyôsai (1831-1889). Son
trait incisif et son sens du burlesque enthousiasmèrent les frères Goncourt. Son « Kyôsai Manga »
atteste son goût pour l’anecdote. Le musée Guimet expose jusqu’à fin novembre des estampes,
quelques « dessins pour le plaisir » et pages du « Journal intime » de cet artiste politiquement
incorrect.
De Dostoïevski à Astro Boy
Quand le Japon s’ouvre au monde occidental, les caricaturistes anglo-saxons et français influencent
alors les illustrateurs de la presse insulaire. Lesquels poseront les bases pour la nouvelle vague de la
bande dessinée japonaise, celle de l’après-guerre et de tous les possibles. Le croisement des comics
américains et de l’art ancestral du dessin va engendrer en trois décennies un courant original made in
Japan.
Laurent-Julien Lefèvre, graphiste bientôt quadragénaire, fait partie de la génération bercée par
« Goldorak » et « Candy ». Rétrospectivement, ces réalisations violentes et niaises déversées à flux
continu dès la fin des années 1970 sur nos petits écrans ne l’intéressaient pas. Ces productions lui
apparaissaient « rapidement faites et de mauvaise qualité ». C’est bien plus tard qu’il tombe dedans
par l’intermédiaire du classique des classiques, Osamu Tezuka. « Grâce à ce créateur, le langage
graphique du manga démultiplie les perceptions avec un découpage très cinématographique : gros
plan, panoramique, accéléré et ralenti..., explique-t-il. Les mises en cases toujours différentes et les
angles de vue concourent à une narration dynamique. En plus, le noir et blanc favorise le sens de la
nuance L’éventail des gris pour décrire une atmosphère a une valeur dramaturgique. » Il faut dire que
le père du manga moderne, Osamu Tezuka (1926-1989), a révolutionné le genre. Presque toujours
affublé d’un béret basque, ce passionné de sciences et d’insectes publie ses premières histoires dans un
journal pour enfants alors qu’il termine son doctorat de médecine. Profondément humaniste et
pédagogue, l’auteur, au fil de sa riche carrière, aborde tous les sujets. Il adapte une oeuvre de
Dostoïevski qu’il affectionne particulièrement, « Crime et Châtiment », et révèle ainsi aux lecteurs de
mangas les tourments de l’étudiant Raskolnikov. Le plus célèbre mangaka marivaude avec
Shakespeare et la confusion des sentiments dans « Princesse Saphir », une héroïne déguisée en garçon,
étonnante icône romantique. Il narre la vie du Bouddha, le prince Siddharta Gautama, revisite le mythe
de « Faust », conte les aventures d’Astro Boy, un gentil robot justicier, qui sera le premier personnage
animé à entrer dans les foyers nippons par une série télévisée. Il imagine une comédie animalière, « Le
Roi Léo », qui inspirera les studios Disney. L’artiste a le génie de bouleverser les codes établis. Il
scénarise, cadre, privilégie le mouvement et naturellement passera à l’animation. Happé par le succès,
ce marathonien du crayon pouvait livrer jusqu’à 650 pages par mois !
Essoufflement des ventes
Avant lui, les mangas se cantonnaient à des historiettes humoristiques ou à dessins satiriques.
Admirateur du maître Tezuka, la figure de proue du dessin animé japonais Hayao Miyazaki,
cofondateur des studios Ghibli, auteur du « Voyage de Chihiro », du « Château ambulant » et de tant
d’autres merveilles, envisageait sous son influence de devenir mangaka.
Aujourd’hui, dans l’Archipel, les professionnels constatent un essoufflement des ventes qu’ils
expliquent par l’arrivée des jeux vidéo et, surtout, les services proposés sur les téléphones portables.
Les nomades urbains que sont les Tokyoïtes, et qui passent beaucoup de temps dans les transports en
commun, préfèrent aujourd’hui jouer, consulter leurs mails ou des informations pratiques que de
plonger dans un manga, sauf dans des cafés spécialisés quand ils ont raté le dernier métro. Peu
importe, cette écriture inspire directement le dessin animé, le cinéma, la publicité et la mode. Le
phénomène manga influence aussi l’art contemporain. Takishi Murakami , considéré comme le chef de
file du néopop japonais, fut invité à présenter en 2002 ses oeuvres récentes à la Fondation Cartier. Ses
créations ludiques lui ont valu une carte blanche donnée par Louis Vuitton pour imaginer une ligne de
sacs. Les dessins et acryliques 100 % mangas de la jeune Aya Takano furent présentés à la FIAC
l’année dernière.
Même si les ventes faiblissent, le manga continue de faire couler beaucoup d’encre avec ses héroïnes
aux yeux de biche, ses garçons androgynes, ses yakusas patibulaires, ses monstres pas gentils du tout.
Prochain épisode, très tendance : le manga coréen est déjà là. Il s’appelle manhwa.
Jean-Luc Toula-Breysse
En pratique
Un lieu
Taïfu Festa est le nouveau rendez-vous parisien pour les fans de manga et d’animation avec une
cinquantaine d’exposants. On y trouve boutiques de mangas, de DVD et de produits dérivés mais aussi
cosplay, fanzines, associations, conférences et projections. Le samedi 29 de 10 heures à 19 heures et le
dimanche 30 octobre de 10 heures à 18 heures, à la Halle Paris-Est Montreuil, 128, avenue de Paris,
Montreuil. Entrée 6,50 euros, gratuit pour les handicapés.
www.taifu-festa.com
A lire
« Manga, soixante ans de bande dessinée japonaise » de Paul Gravett. Editions du Rocher, 23,80
euros.
« Manga design », de Masanao Amano. Taschen, 29,99 euros.
« Japon ! Au pays des onomatopées », de Pierre Ferragut, deux volumes. Editions Ilifunet, 10 euros.
« Les Mondes mangas », d’Hervé Martin Delpierre et Jérôme Schmidt. Le Chêne, 37,90 euros.
« Osamu Tezuka », biographie en B.D., trois volumes de Tezuka productions, Casterman, 12,75
euros.
Coups de coeur
« L’homme sans talent », de Yoshiharu Tsugue, Ego comme X, 25 euros. L’un des chefs-d’oeuvre
d’un « génie singulier », inclassable et en marge de l’industrie du manga. Une sombre et bouleversante
plongée dans les champs d’une solitude. Pour adultes.
« Ayako », de Osamu Tezuka, Delcourt, trois volumes, 7,95 euros. Une des oeuvres du maître des
mangas exposant le Japon de l’après-guerre pris entre le néant de la défaite et la perspective d’une
prospérité économique. Un drame social. Pour adultes.
« Nana », de Aï Yazawa, Delcourt, 5,75 euros, volume XII à paraître le 7 décembre. Les aventures de
deux Nana, c’est leur prénom, attirées par Shibuya, quartier à la mode de la jeunesse tokyoïte. L’une a
un coeur d’artichaut, l’autre chante dans un groupe de rock. Jeux de séduction et d’amour. Pour
adolescentes.
Sur Internet
Site officiel d’Osamu Tezuka (en japonais et en anglais) : www.tezuka.co.jp
Pour tout savoir sur Miyazaki et les studios Ghibli : ghibli.online.fr

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