Section 4

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Section 4
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Age des Lumières et néoclassicisme
Le véritable "système" mis en place sous Louis XIV, qui procure des commandes et distribue pensions et
honneurs aux artistes, va fonctionner jusqu'à la fin de l'Ancien Régime. Contrairement à une idée répandue, le
XVIIIème siècle ne voit en rien reculer la peinture d'inspiration religieuse. Charles Coypel et son Saint Sébastien
illustrent parfaitement cette nouvelle spiritualité fondée sur les notions de séduction et de douceur beaucoup
plus que sur l'effroi ou la terreur pourtant si propices à l'inspiration des peintres de scènes de martyre des
siècles passés.
Les grands sujets mythologiques et historiques traités par Jean-François de Troy ( Le combat des
Centaures et des Lapithes, La métamorphose de Clytie) ou Favanne (Renaud et Armide), n'échappent pas à
un ton quelque peu théâtral. Cette tendance se retrouve dans des scènes bibliques telles que la Bethsabée au
bain de Carle Van Loo traitée avec toute la légèreté de ton d'une scène galante.
Le néoclassicisme, illustré ici par les dernières œuvres de l'exposition, propose des œuvres plus rigoureuses
fuyant toute fantaisie gratuite. Ce style proche des valeurs et du climat de l'Antiquité, peut réserver des
surprises tel cet Amour et l'hymen de Regnault, petit tableau à la sensualité troublante, tout à fait inattendu
dans la collection Changeux.
Le Combat des Lapithes et des Centaures, Jean-François DE TROY Paris, 1679 – Rome, 1752
Au cours des noces de Pirithoüs et Hippodamie, un conflit éclate entre les Lapithes, êtres humains
légendaires, et les centaures, mi-hommes mi-chevaux. En effet, un centaure aviné avait tenté
d’enlever la mariée causant une mêlée générale et la défaite finale des centaures. Quelques
personnages ressortent dans la confusion des corps : Thésée maîtrise le centaure Eurytus tandis que
Pirithoüs retrouve sa jeune épouse affolée. Loin de la tradition antique des combats effrénés, JeanFrançois de Troy traite la scène avec élégance et retenue.
La Métamorphose de Clytie ou Clytie changée en tournesol, Jean-François DE TROY Paris,
1679 – Rome, 1752
Abandonnée par Apollon, la nymphe Clytie, renonce à s’alimenter et, désespérée, ne fait que suivre,
durant neuf jours, la course du dieu solaire. Insensiblement, elle se fond avec le sol et se transforme
en un tournesol, la fleur qui suit les déplacements de l’astre. Avec une profonde poésie, JeanFrançois de Troy dépeint l’enracinement et la floraison de la nymphe. La composition avec un
personnage seul devant un plan d’eau évoque la représentation de Narcisse, un autre mortel
métamorphosé en fleur. Ce tableau avait vraisemblablement un Narcisse comme pendant.
La Mort de Paetus, Antoine RIVALZ Toulouse, 1667 – 1735
Sous le règne de l’empereur Claude, Paetus est impliqué dans une conspiration et reçoit l’ordre de se
suicider. Pour l’encourager, sa femme Arria se poignarde la première, puis rend à son mari l’arme
fatale en lui disant : « Paetus, cela ne fait pas mal ». On connaît plusieurs versions de ce sujet par
Antoine Rivalz (l’une est au musée des Augustins). Le tableau original a été exposé dans les salons
toulousains du XVIIIe siècle et on le croyait perdu avant qu’il ne fasse sa réapparition sur le marché
de l’art en 1994. Barthélémy Rivalz, cousin d’Antoine, l’a gravé comme il le faisait avec les principales
compositions du peintre.
La Charité romaine, Antoine RIVALZ Toulouse, 1667 – 1735
Pero, une jeune femme grecque, était citée comme exemple de vertu filiale pour avoir partagé son
lait maternel entre son enfant et son père Cimon, condamné à mourir de faim en prison. Très
fréquent au XVIIe siècle, ce sujet, apparemment exemplaire, distille un érotisme un peu troublant à la
manière de Loth et ses filles. Pendant de La Mort de Paetus et d’Aria, ce tableau témoigne
également des qualités narratives du grand peintre toulousain et de l’influence encore perceptible de
la force plastique de l’art caravagesque.
Renaud et Armide dans la forêt enchantée, Henri de FAVANNE Londres, 1668 – Paris, 1752
La Jérusalem délivrée publiée en 1581 par Torquato Tasso, dit Le Tasse, est sans doute l’ouvrage
moderne le plus souvent interprété par les peintres. Les amours de la magicienne Armide et du
chevalier Renaud en constituent les épisodes les plus séduisants. Renaud, libéré des liens tissés par
Armide, pénètre dans la forêt magique. La magicienne tente de le retenir et d’empêcher qu’il abatte le
myrte. Il dégaine son épée, finissant par remporter le combat et par abattre l’arbuste, rompant ainsi le
sortilège. Favanne a choisi le moment où le guerrier s’apprête à livrer bataille. Son inspiration galante
et délicate fait merveille dans cette scène.
Bethsabée au bain, Carle VANLOO Nice, 1705 – Paris, 1765
Carle Vanloo, futur premier peintre du Roi, illustre littéralement, dans ce tableau de jeunesse, un
épisode de l’Ancien Testament. David, se promenant sur la terrasse de son palais, vit une femme fort
belle qui prenait son bain sur la terrasse de sa maison. Il apprit que c’était Bethsabée, femme d’Urie,
officier de son armée. Enflammé d’amour, il envoya Urie se faire tuer à la guerre et épousa
Bethsabée. L’épisode est traité comme une scène légère et galante dans l’esprit de la Régence et
des débuts du règne de Louis XV. Nulle inquiétude prémonitoire n’est perceptible dans le regard de
Bethsabée.
Saint Sébastien martyr, Charles COYPEL Paris, 1694 – 1752
Contrairement au Saint Sébastien attribué à Blanchard, celui de Charles Coypel est seul. Il n’est pas
criblé d’une forêt de flèches mais percé de deux dards. A ses pieds gisent les armes qui évoquent sa
condition militaire. Dans son attitude d’abandon, le saint martyr ressemble à un éphèbe alangui.
Homme universel au talent raffiné, Charles Coypel offre un bel exemple de cette religiosité adoucie
du siècle des Lumières.
Saint Pierre guérissant les malades de son ombre, Jean RESTOUT Rouen, 1692 – Paris, 1768
Jean Restout, neveu de Jouvenet, fut comme ce dernier l’un des grands peintres religieux de son
temps. Dans ce sujet de dévotion privée, rare mais traité à deux reprises par son oncle, Restout
illustre un passage des Actes des Apôtres (V,15-16). Les apôtres Pierre et Jean continuaient d’opérer
des miracles après la résurrection du Christ et d’attirer à eux de nouveaux fidèles. A Jérusalem, on
sortait les malades dans les rues sur des paillasses. Lorsque saint Pierre passait, tous les malades
couverts par son ombre étaient guéris. L’attitude de l’apôtre à laquelle répond le malade, les bras
tendus, témoigne d’une grande force dramatique.
Joseph en prison, expliquant leurs songes aux deux officiers du Pharaon, Attribué à PhilippeLouis PARIZEAU Paris, 1740 – 1801
Le sujet est le même que celui du tableau de Louis de Boullogne le jeune. L’atmosphère est toutefois
radicalement différente. Les couleurs froides évoquent la peinture d’histoire de la génération de Vien
qui précède de peu le néoclassicisme. La description anecdotique de la prison rappelle les scènes de
corps de garde nordiques fort à la mode dès le milieu du XVIIIe siècle. Les lourds costumes exotiques
tiennent du pittoresque de Le Prince, maître de Parizeau et auteur de tableaux décrivant la Russie.
Jésus au milieu des docteurs, Jacques GAMELIN Carcassonne, 1738 – 1803
Cette esquisse pour l’un des quatre tableaux de la cathédrale de Perpignan représente un célèbre
épisode du Nouveau Testament. Saint Joseph et la Vierge ont perdu trace de Jésus, alors âgé de
douze ans. Trois jours après, ils le retrouvent au temple de Jérusalem, discutant avec des
théologiens admiratifs devant ses connaissances. Pour sa composition, Gamelin s’est ouvertement
inspiré de l’une des peintures les plus influentes de l’art européen, L’École d’Athènes, l’une des
fresques des Chambres du Vatican peintes par Raphaël.
L’Amour et l’Hymen buvant dans la coupe de l’Amitié, Jean-Baptiste REGNAULT Paris, 1754 –
1829
Ce petit tableau sur bois est une réplique, et non une esquisse, d’une composition traitée à plusieurs
reprises par ce grand maître néoclassique un peu oublié. Le sujet n’est pas connu dans la littérature.
L’Amour est facilement identifiable à son arc tandis que l’Hymen, couronné de fleurs, a posé sa
torche et arbore un voile couleur safran. L’Amitié a les pieds et la gorge nus, il a pour attribut un
rameau sec entouré de vignes. La représentation allégorique, conforme aux manuels du XVI e siècle,
est interprétée dans un style classique avec des emprunts à l’antique et à la sculpture de l’époque,
en particulier Canova.
Allégorie de la fondation de la Casa Pia de Lisbonne, Domingos Antonio de SEQUEIRA Ajuda,
Lisbonne, 1768 – Rome, 1837
Dans l’art, l’allégorie consiste à représenter des idées abstraites par des figures. Le peintre portugais
glorifie la Casa Pia, institution de bienfaisance et d’éducation, dans une esquisse préparatoire à son
grand tableau conservé à Lisbonne. La statue de la reine Marie flanquée de la Religion domine toute
la scène. A gauche, Cérès, Minerve, Neptune et Mercure incarnent l’agriculture, l’activité
intellectuelle, la navigation et le commerce. Tout à côté, le génie des Arts guidant un enfant évoque le
soutien aux jeunes artistes. Un lion, la Force, garde le piédestal et à droite la Foi (ou la Charité ?),
Lisbonne et le Tage entourent Pina Manique, intendant de la Casa Pia. La Renommée et deux
génies (l’Histoire et la Paix ?) volent dans les airs et plusieurs enfants rappellent la visée éducative
de l’institution.