Football nostalgie : l`album d`une passion

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Football nostalgie : l`album d`une passion
Football nostalgie : l'album d'une
passion
GENCOD : 9782258095236
PASSAGE CHOISI
1957
Nice. A l'école du foot
«Toute passion qui remonte à renfonce a quelque chose de sacré»
Ce mot n'est pas d'un sélectionneur heures et dribblant les arbres qui représentaient national
mais de Gérard de Nerval. J'aurais pu être supporter des Verts si mère n'avait mis au monde
à Saint-Etienne. Niçois d'origine, j'ai donc été attaché d'office à l'OGC Nice club phare du
football français des années 1950, réussissant l'exploit de battre le Real Madrid, en Coupe
d'Europe. À chacun sa madeleine de Proust. Dès que deux personnes parlent ballon rond,
l'un des interlocuteurs se réfère souvent à son père. Le mien, boulanger de métier, eut l'idée
originale de m'éduquer par le biais du football. Il est devenu une sorte de précepteur des
pelouses pour m'apprendre à vivre sur le terrain. «Tu dois savoir jongler et dribbler, sinon tu
n'arriveras jamais à rien. La combativité est la première des qualités...» Comment oublier ces
paroles paternelles dites quand j'avais huit ans ? «Ne dépasse pas les lignes blanches sinon
tu te mettras hors jeu.» Afin de masquer son manque d'études, il m'enseigna le domaine
dans lequel il était en pays de connaissances. Et pour cause, sans la Seconde Guerre,
l'espoir Marcel aurait fait un bon milieu offensif professionnel. L'endroit idéal pour distribuer
le jeu. Malheureusement, Hitler contrecarra les plans du junior.
À partir de 1960, je me suis entraîné tous les jours à dominer le ballon ; jonglant pendant des
heures et dribblant les arbres qui représentaient une suite d'adversaires patients. Pendant
des mois, qui sont devenus des années, je m'entraînais seul dans mon coin après l'école ou
avec mes copains. Petit à petit, je suis parvenu à faire corps avec la balle que je faisais
passer d'un genou à l'autre et la poitrine à la pointe des pieds, capable de l'immobiliser
contre mon tibia. Mon père, ce champion de sa rue, ne m'a jamais demandé d'être une star :
il voulait simplement que je contrôle le ballon, une façon de m'inciter à contrôler ma vie. Le
football est du grand art parce qu'il sollicite à la fois l'anticipation et la spontanéité au sein
d'une adversité constante.
Aucun peintre n'est obligé d'éviter quatre crocs-en-jambe avant d'atteindre sa toile. Il est
temps d'ouvrir l'album, non pas pour dire «c'était mieux avant», mais parce que sans hier,
pas d'aujourd'hui. «À l'école du foot, on n'apprend pas : on joue !» Chaque match est une
fabrique de souvenirs. Avoir de la mémoire ne signifie pas être un nostalgique borné surtout
quand on se plonge dans la période nazie. Les romans de Georges Simenon n'empêchent
pas d'apprécier ceux de Gustave Flaubert. Une voiture dépourvue de rétroviseur est
dangereuse à conduire. Question matériel, tout est mieux aujourd'hui, du ballon aux
chaussures. Niveau technique, le jeu a gagné en rapidité et en qualités physiques. Une
plongée dans les archives s'impose néanmoins pour saluer ceux qui ont servi le football au
lieu de s'en servir. Loin de l'angélisme, l'Homo footballicus mérite qu'on le remette en
lumière. Ainsi on comprendra pourquoi ce sport qui consiste à courir derrière un ballon, et
parfois aussi à faire courir le ballon, fascine la terre entière, du Chili à Moscou et de Londres
à Kingston. Désormais, on parle de la période du Wunderteam autrichien comme de la
période bleue chez Picasso. Les professeurs du lycée Masséna, à Nice, m'ennuyaient avec
leur manque d'enthousiasme. J'aimais mieux ceux de l'OGC Nice. Quand, en sixième, je
montais au stade du Ray, j'observais Maurice Serrus charger les adversaires et organiser le
jeu ; je ne quittais pas des yeux Charly Loubet, qui attaquait sur son aile pendant que Bruno
Rodzik défendait avec tout son coeur. Les Aiglons affichaient les mêmes valeurs que celles
de mon père : travail, volonté, intelligence, courage et altruisme. À partir du moment où j'ai su
lire et écrire, l'école devint un fardeau. À quoi cela sert-il d'apprendre à apprendre ?
Le football, lui, c'est la pratique. On gagne ou on perd. La sanction est immédiate. On peut
même partager les points. Au bahut, les enseignants disaient : «Si vous n'êtes pas bons en
maths, vous serez dirigés vers des métiers manuels...» Quel mépris ! Que devaient-ils penser
de ceux qui gagnent leur vie avec leurs pieds ? Un agrégé d'anglais vociférait souvent : «Les
Noirs ne sont bons qu'à courir le 100 mètres et à jouer du tam-tam...», alors qu'au stade
j'applaudissais Barrou, si brillant contre le Real Madrid.
(...)
INTERVIEW DÉCALÉE
1) Qui êtes-vous ? !
Écrivain, chroniqueur littéraire et sportif, blogueur.
2) Quel est le thème central de ce livre ?
Face au football bling-bling, je repars aux sources pour démontrer que le football est un art
majeur. Il faut se souvenir des aînés car sans racines il n'y a pas de vie possible. Pourquoi
parle-t-on de Montaigne et de Voltaire, et jamais de Raoul Diagne et Puskas ?
3) Si vous deviez mettre en avant une phrase de ce livre, laquelle choisiriez-vous ?
"Le langage universel du football se comprend sans être traduit comme la peinture, la danse
et la musique. Tout le reste est littérature".
4) Si ce livre était une musique, quelle serait-elle ?
La guitare de Jimi Hendrix.
5) Qu'aimeriez-vous partager avec vos lecteurs en priorité ?
Le respect des authentiques artistes et la haine des imposteurs.
Ne manquez pas Italie - Allemagne il y a deux virtuoses sur la pelouse : Ozil (Turc/Allemand)
et Pirlo (Italien, digne de Platini)
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