Allemagne : finances publiques sous contrôle
Transcription
Allemagne : finances publiques sous contrôle
Apériodique – n°14/23 – 18 mars 2014 Allemagne : finances publiques sous contrôle Les finances publiques allemandes se redressent encore en 2013 en affichant un déficit budgétaire d’à peine 1% du PIB. Une situation enviable pour de nombreux pays européens. Le gouvernement fédéral estime pourvoir atteindre la cible de l’excédent budgétaire d’ici à 2017. Après avoir augmenté de 400 Mds € pendant la crise de 2008, la dette allemande poursuit une décrue progressive depuis quatre trimestres. La nouvelle coalition envisage davantage d’investissements en infrastructures et de dépenses qui sont susceptibles de repousser l’équilibre budgétaire prévu en 2014. Le financement de ces nouvelles dépenses ne devrait pas peser sur le contribuable, comme l’a promis le ministre de l’Economie et des Finances, mais se traduira sans doute par encore un peu plus d’austérité. Une rigueur qui semble pour l’heure rencontrer peu d’opposition en Allemagne, et qui a été érigée en modèle pour l’Europe. seulement 1,1 Md € par rapport à l’an dernier (307,8 Mds €). Les revenus fédéraux atteignent eux 285,5 Mds €, en hausse de 1,4 Md € sur l’année. Les revenus d’administration sont nettement supérieurs à leur cible de 3,7 Mds €, grâce aux revenus affectés par l’Union européenne. Les projections de déficit budgétaire pour 2014 semblent également tout aussi favorables avec un retour à l’équilibre prévu dès cette année. Mds € Allemagne : évolution du déficit budgétaire Mds € 320 -50 300 -40 280 -30 260 -20 240 -10 220 200 0 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 déficit (dr. Inv) dépenses revenus Source : DB, Crédit Agricole S.A. Un déficit maîtrisé depuis 2011 Le ministère de l’Economie et des Finances allemand a annoncé que le budget 2013 s’achevait avec des dépenses moindres par rapport aux estimations. Ainsi, avec 307 Mds € de dépenses et 285 Mds € de revenus, le déficit annuel allemand atteint les 22,1 Mds €, contre 25 Mds € initialement prévus. Une économie de 3 Mds € qui reflète l’engagement fort du gouvernement en matière de rigueur budgétaire. Au regard du budget de l’année antérieure, qui représentait 22,5 Mds €, le budget de 2013 apparaît donc en baisse, et ce, en dépit de l’aide financière apportée aux victimes des intempéries. Néanmoins, les dépenses sont en hausse de Études Économiques Groupe http://etudes-economiques.credit-agricole.com Les principales dépenses budgétaires du gouvernement fédéral se concentrent sur trois grands postes : la sécurité sociale (qui inclus également l’assurance chômage) à hauteur de 99 Mds €, les dépenses de services publics généraux (défense, administration centrale et coopération économique) pour 73 Mds €, et enfin le service des intérêts de la dette à hauteur de 31,3 Mds € de dépenses. Du côté des revenus, la principale ressource provient de la TVA, qui rapporte en 2013 près de 104 Mds € (soit 40% des revenus fiscaux totaux), suivie à la deuxième place par les impôts sur salaires à hauteur de 67 Mds € et enfin, la taxe sur l’énergie qui représente 39 Mds €. Philippe VILAS-BOAS [email protected] A titre de comparaison, la TVA rapporte en France jusqu’à 141 Mds € de recette fiscale sur un total de 299 Mds € soit 47,2%. Allemagne : un budget très contrôlé Mds € 350 300 250 200 150 autres TVA 100 50 impôts revenus sécurité sociale services généraux autres 0 revenus dépenses Source : Federal Ministry of Finance, Crédit Agricole SA Le budget 2014, en cours de validation, ne devrait pas changer fondamentalement de cap et visera l’objectif de l’équilibre. Au global, la bonne gestion du déficit public devrait permettre de réduire le niveau de la dette d’autant que la croissance devrait s’affirmer un peu plus cette année en Allemagne. Une dette aujourd’hui bornée Pendant la crise de 2008, la dette allemande a particulièrement augmenté. Elle est passée de 63% du PIB à fin 2008, à 72% en 2009, et 81% en 2010, soit une hausse de 13,5% durant deux années consécutives, qui a propulsé le nominal de la dette de 1 515 Mds € en 2008, à 1 924 Mds € en 2010 soit une hausse de 409 Mds €. Ce creusement de la dette débute avec le sauvetage du système bancaire allemand pendant la crise. Pour faire face à la crise bancaire, le gouvernement allemand crée, en octobre 2008, un organe de supervision bancaire appelé la « Federal Agency for Financial Market Stabilisation » ou FMSA, épaulé de la « SoFFin » ou Fonds de stabilisation des marchés financiers, afin de sauver les banques en grandes difficultés. Cette entité a pu agir au travers de trois instruments. Tout d’abord, en proposant des garanties pouvant aller jusqu’à 400 Mds € pour sécuriser le refinancement des banques et ainsi réduire le goulot d’étranglement de liquidité. Ensuite, en recapitalisant sous forme de prises de participation en actions, avec une dotation atteignant les 80 Mds €. Enfin, elle pouvait transférer des positions risquées, voire même des activités jugées hors du cœur de métier, grâce à la mise en place d’agences de liquidation. Au final, sur un total de 400 Mds € de garanties mises à disposition, seulement 168 Mds € ont été N°14/23 – 18 mars 2014 tirées au plus fort de la crise, puis environ 28 Mds € supplémentaires en 2011. Au niveau des capitaux apportés afin de recapitaliser les institutions financières, sur un montant global de 80 Mds € alloués, 30 Mds € ont été utilisés, dont 17 Mds € restent encore en suspens. La mise en place de ces mesures exceptionnelles a permis de sauvegarder les institutions financières en détresse en contrepartie d’un engagement de restructuration fortement encadré avec notamment des droits étendus fournis au régulateur. A cela s’ajoute également une contribution à la stabilité financière européenne au travers du FESF (Fonds européen de stabilité financière), sous forme d’engagements de garantie à hauteur de 211 Mds €, rendant, de fait, l’Allemagne, principal contributeur de l’assistance financière apportée aux États membres de la zone euro en difficulté économique. Ces montants viennent impacter directement le niveau de la dette publique brute sans pour autant dégrader le déficit public (tant qu’aucun pays sous assistance financière ne se trouve en situation de défaut de paiement). L’introduction en 2011 de la règle du « frein à l’endettement » dans le budget fédéral contraint le gouvernement à l’équilibre entre les recettes et les dépenses, afin de limiter, sauf exception, le déficit structurel à 0,35% du PIB. Cette règle, plus contraignante que les 3% imposés par le pacte de stabilité européen, a eu pour effet de ralentir la progression de la dette et de faire diminuer le ratio de dette sur PIB. % Allemagne : dette publique / déficit public -3,0 % 90 -2,5 80 -2,0 -1,5 70 -1,0 60 -0,5 0,0 50 01 03 05 07 Déficit / PIB (inv.) 09 11 13 Dette / PIB (dr.) Source : DB, Crédit Agricole S.A. Pas de dérapage envisagé Les nouvelles dépenses budgétaires envisagées par l’émergence de la nouvelle coalition devraient être très limitées. L’instauration d’un salaire minimum à 8,5 € de l’heure affecterait peu les finances publiques dans la mesure où les accords de branches existent déjà dans un grand nombre 2 Philippe VILAS-BOAS [email protected] de secteurs. L’État fédéral validera simplement le montant préalablement déterminé par les accords de branche. Le coût estimé pour les entreprises est situé entre 2% et 3% de la masse salariale en fonction du secteur d’activité ce qui reste modeste au regard des perspectives de croissance allemande et des marges des entreprises. excessif. La recherche d’un endettement le plus faible possible est, à la fois, nécessaire afin de satisfaire aux critères de Maastricht, mais peut aussi s’avérer être un frein à l’activité économique. La réforme des retraites visant à réduire l’âge du départ à la retraite à 63 ans (au lieu de 67 ans), pour les personnes ayant cotisé 45 ans (soit dix années de plus que la normale) pourrait coûter jusqu’à 5 Mds € par an. Mais elle serait davantage supportée par des cotisations (salariés et patronales) additionnelles et aurait, in fine, un impact quasi nul sur le budget. 140 Enfin, les dépenses proposées en investissement éducatif et en infrastructure à hauteur de 23 Mds €, devraient s’étaler sur 5 ans, ce qui diluerait son impact dans le budget annuel. 0 Néanmoins, la revalorisation des pensions de retraite des femmes ayant eu un congé parental afin d’éduquer leurs enfants, apparaît comme un coût plus significatif et durable sur le budget allemand. Celui-ci pourrait représenter un surcoût de 6 Mds € par année. Pour l’heure, le gonflement de la dette devrait rester très modeste et bridé par la poursuite d’une politique d’austérité. Le refinancement de la dette s’effectuant à bas coût (l’emprunt à dix ans étant à 1,7% environ), et l’activité allemande s’orientant vers une croissance plus soutenue en 2014, cela devrait favoriser mécaniquement une réduction de la dette et un allègement de la charge d’intérêts. Taux obligataires à 10 ans % 8 7 6 5 Evolution de la dette / PIB % PIB 120 100 80 60 40 20 02 03 04 Allemagne 05 06 07 08 France 09 10 Espagne 11 12 Italie Source : Eurostat, Crédit Agricole S.A. L’Allemagne, bénéficiant de perspectives de croissance favorables et d’un niveau de dette stable depuis 2011, pourrait donc se permettre d’infléchir un peu sa politique budgétaire. Pourtant, en la matière, elle semble toujours plus fermement attachée à son objectif de budget équilibré à très court terme et au respect de la règle d’or, dite du « frein à l’endettement ». Les dernières déclarations de son ministre des Finances, Wolfgang Schäuble, vont d’ailleurs dans ce sens, en annonçant que l’Allemagne pourrait ne plus lever de nouvelle dette à partir de 2015. Une intention remarquée même si le pays souffre d’un retard d’investissements en infrastructures et d’un manque de dépenses de recherche. L’opposition à cette politique d’austérité budgétaire existe, mais reste limitée en Allemagne. L’accord de grande coalition, aboutissant finalement sur de faibles concessions budgétaires faites au parti socialdémocrate (comme la mise en place d’un salaire minimum, ou la revalorisation des retraites des femmes), souligne le peu d’opposition rencontré au niveau fédéral en la matière. 4 3 2 1 0 06 07 08 09 Allemagne 10 11 12 France 13 14 Italie Source : Bloomberg, Crédit Agricole S.A. Un consensus en faveur de l'austérité D’un point de vue macro-économique, la bonne tenue des finances publiques allemandes est le signe d’une économie saine, sachant gérer son développement, sans phase d’endettement N°14/23 – 18 mars 2014 Si les dépenses d’infrastructures et d’équipement en biens publics s’avèrent nécessaires, peu d’éléments viennent soutenir la thèse d’une demande de services publics non satisfaite. Néanmoins, les enjeux démographiques en termes de santé, et d’éducation inciteront les pouvoirs politiques à assumer davantage de dépenses publiques à moyen terme. La politique budgétaire allemande des trois dernières années est caractérisée par une réduction importante des dépenses, au moment même où les autres États européens purgeaient eux aussi leurs excès d’endettement. La recherche des réductions conjointes de l’endettement public et privé a eu pour conséquence d’accentuer la 3 Philippe VILAS-BOAS [email protected] récession européenne (les multiplicateurs budgétaires ayant joués plus négativement qu’escomptés). La consolidation des finances publiques allemandes a donc contribué à instaurer une pression déflationniste, tandis que son solde courant ne cessait d’augmenter au détriment de ses partenaires commerciaux européens. (TSCG) impose dorénavant des règles strictes en matière de limitation des déficits et de réduction de la dette. La « règle d’or budgétaire » européenne encadre le déficit structurel à hauteur de 0,5% du PIB et oblige les pays ayant une dette supérieure à 60%, à résorber leur niveau de dette à hauteur d’un vingtième chaque année. Par ailleurs, la contrainte budgétaire conditionnée au soutien financier, dont l’Allemagne reste le principal contributeur, demeure fortement imprégnée du modèle allemand. Le « traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance » La crise de la dette a non seulement impacté la croissance européenne, mais aussi inscrit l’austérité budgétaire dans les lois de finances de chacun pour les années à venir. Une situation qui laisse peu de marges de manœuvre. Crédit Agricole S.A. — Études Économiques Groupe 12 place des Etats-Unis – 92127 Montrouge Cedex Directeur de la Publication : Isabelle Job-Bazille - Rédacteur en chef : Jean-Louis Martin Documentation : Dominique Petit - Statistiques : Robin Mourier Secrétariat de rédaction : Véronique Champion-Faure Contact: [email protected] Consultez les Etudes Economiques et abonnez-vous gratuitement à nos publications sur : Internet : http://etudes-economiques.credit-agricole.com iPad : l’application Etudes ECO disponible sur l’App store Cette publication reflète l’opinion de Crédit Agricole S.A. à la date de sa publication, sauf mention contraire (contributeurs extérieurs). Cette opinion est susceptible d’être modifiée à tout moment sans notification. Elle est réalisée à titre purement informatif. Ni l’information contenue, ni les analyses qui y sont exprimées ne constituent en aucune façon une offre de vente ou une sollicitation commerciale et ne sauraient engager la responsabilité du Crédit Agricole S.A. ou de l’une de ses filiales ou d’une Caisse Régionale. Crédit Agricole S.A. ne garantit ni l’exactitude, ni l’exhaustivité de ces opinions comme des sources d’informations à partir desquelles elles ont été obtenues, bien que ces sources d’informations soient réputées fiables. Ni Crédit Agricole S.A., ni une de ses filiales ou une Caisse Régionale, ne s auraient donc engager sa responsabilité au titre de la divulgation ou de l’utilisation des informations contenues dans cette publication. N°14/23 – 18 mars 2014 4