Explosion d`une canalisation de récupération de COV sur un site

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Explosion d`une canalisation de récupération de COV sur un site
Ministère du Développement durable - DGPR / SRT / BARPI - Union des Industries Chimiques
Explosion d’une canalisation de récupération de
COV sur un site pétrochimique
21 octobre 2011
Loon-Plage (Nord-Pas-de-Calais)
France
N° 41142
Explosion
Hydrocarbures
COV
Modification
Conception
Analyse des risques
LES INSTALLATIONS CONCERNÉES
Le site :
Le site est implanté dans la zone industrielle du port de Dunkerque, sur les communes de Mardyck et de Loon-Plage. Il
a été fondé en 1978 et emploie 436 personnes. L’usine produit de grands intermédiaires issus du vapocraquage des
produits pétroliers ainsi que du polyéthylène.
L’établissement a pour principales activités:
vapocraquage d’hydrocarbures liquides ou gazeux,
fabrication de polyéthylène basse densité radicalaire, de copolymères EVA de basse et très basse
densité linéaire,
stockage de matières premières, produits finis et chimiques en transfert pour un tiers,
conditionnement de polyéthylène,
réception et expédition des hydrocarbures par voie maritime, ferroviaire, routière.
Les zones d’habitation les plus proches sont situées dans le village de Mardyck, 500 m séparent le centre de la
commune de la clôture de l’établissement. Les premières maisons isolées sont à 50 m de la clôture dans la direction du
sud. Les deux autres communes proches du site sont situées à 3 ou 4 km : Loon-Plage au sud-ouest et Fort-Mardyck à
l’est.
L’établissement a deux implantations distinctes, séparées d’une centaine de mètres. La première, d’une superficie de 75
ha, est dédiée à la production et comprend (figure 1) :
un vapocraqueur de 350 000 t/an d’éthylène,
une unité de production de 180 000 t/an de polyéthylène radicalaire et de copolymères EVA,
une unité de production de polyéthylène linéaire de 135 000 t/an,
la production d’utilités, les services généraux : sécurité, maintenance, magasins.
La seconde de 32 ha est dédiée au stockage et à la logistique :
matières premières du vapocraqueur (naphta, GPL),
produits finis du vapocraqueur (bacs cryogéniques pour l’éthylène et le propylène, sphères pour les
coupes C3 et C4, etc.),
chargement / déchargement de ces produits : appontement maritime, gare routière et ferroviaire.
Le site est doté d’un plan d’opération interne (POI) et fait l’objet d’un plan particulier d’intervention (PPI). Il dispose d’une
équipe de pompiers internes dotée de 4 engins de lutte contre l’incendie.
L’établissement est classée Seveso seuil haut.
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Figure 1 : Vue aérienne du site (source : SPPPI côte d’Opale Flandre)
L’unité impliquée :
En 2009 - 2010, l’exploitant a remodelé son unité de polyéthylène basse densité (LDPE) en adoptant un procédé
tubulaire qui permet de produire du LDPE avec des propriétés optiques améliorées, ainsi que des copolymères EVA. La
capacité de la ligne est voisine de 180 000 t/an.
Les principales modifications apportées par ce remodelage sont la mise en place d’un réacteur tubulaire et de sa baie,
une augmentation de la capacité de compression primaire et secondaire, ainsi que l’installation d’un système de
décompression. Les qualités EVA sont produites en utilisant l’acétate de vinyle comme co-monomère.
Le polymère fondu provenant de la zone réactionnelle est envoyé dans les trémies d’extrusion qui alimentent les
extrudeuses pour dégazage et solidification (granulation). En sortie du dispositif d’extrusion, le polymère solide est
envoyé vers la section des silos. L’unité de mise sous vide permet le fonctionnement des sections de dégazage des
extrudeuses. Dans cette partie, le polymère est partiellement dégazé avant dégazage final dans les silos. Selon le type
de polymère fabriqué, les gaz extraits peuvent contenir de l’éthylène, de l’azote, de l’acétate de vinyle et du solvant. Au
niveau de l’unité de mise sous vide, les gaz sont refroidis et les produits les plus lourds condensés.
En sortie de l’unité de mise sous vide, l’effluent gazeux est constitué de divers COV (composés organiques volatils tels
que l’éthylène, butène, acétate de vinyle, solvants…) et d’azote. Le débit de COV varie entre 25 à 50 kg/h en fonction
du polymère produit.
Silos de dégazage
et de stockage des
billes de
polyéthylène
Chaudières de
production de
vapeur
Unité LDPE
Vapocraqueur
Figure 2 : Vue extérieure du site (source : Google)
Les COV sont aussi émis lors du dégazage du polyéthylène dans les silos de stockage. Ce flux, constitué d’air et d’une
faible proportion de COV (<10% de la LIE), traverse un cyclofiltre et est envoyé jusqu’aux chaudières par un ventilateur
qui refoule dans une gaine (L = 300 m / D = 1,5 m). Ce flux est mélangé avec l’air de combustion des 2 chaudières de
production de vapeur du site qui assurent ainsi la destruction de ces composés par combustion.
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Figure 3 : Schéma du système de récupération des COV de la production de polyéthylène (source : exploitant)
Dans le cadre du projet de remodelage de l’unité LDPE, l’exploitant a décidé d’améliorer la collecte des émissions de
COV pour répondre aux évolutions de la réglementation dans ce domaine. En particulier, une collecte au niveau des
extrudeuses a été mise en place. Ce flux est envoyé à l’aspiration du ventilateur via une tuyauterie de collecte, puis
mélangé au flux provenant des silos de dégazage dans la gaine (figure 3).
L’ACCIDENT, SON DÉROULEMENT, SES EFFETS ET SES CONSÉQUENCES
L’accident :
La situation des unités de production avant l’incident est la suivante :
•
Vapocraqueur en fonctionnement stable
•
Unité remodelée en production polyéthylène EVA et unité voisine en production polyéthylène LDPE stables
•
Chaudières 1 et 2 en fonctionnement stable
A 15h40, une première explosion se produit au niveau extérieur de la conduite d'alimentation en air de production de
vapeur de la chaudière n°2. Quelques dizaines de se condes plus tard, une seconde explosion détruit la canalisation de
récupération des COV, projetant des débris dans toutes les directions.
Les deux chaudières s’arrêtent sur mise en œuvre automatique des sécurités intégrées, les installations de production
des unités de polyéthylène et du vapocraqueur étant elles mises en sécurité par l’exploitant depuis les salles de contrôle
bunkérisées.
Le POI est activé, entraînant le déclenchement de la sirène d’alarme générale qui conduit à l’évacuation du site pour les
250 employés et sous-traitants. Le SDIS, l’administration et les mairies voisines sont informés.
L’explosion de la gaine COV est suivie d’un départ de feu sur un cubitainer de 1 000 litres d’acétate de vinyle (produit
facilement inflammable) au pied d’une colonne dédié à sa distillation et de la rupture d’une tuyauterie d’un réservoir d'1
m³ cube d'oxygène (O²) qui se vide en plein air. Un feu s’est aussi déclaré sur le dôme du cyclofiltre en amont de la
gaine COV (figure 4).
1
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Figure 4 : Localisation des explosions et de leurs effets dominos (source : exploitant)
Les pompiers internes et les Equipiers de Secondes Intervention (ESI) entrent en action à 15h44 pour contenir et
maîtriser le sinistre avec les moyens du site qui se révèlent suffisants : couronne d’arrosage fixe sur les équipements, 4
engins raffineries (eau, mousse, poudre), lances canon mobiles grande puissance. Ils installent un rideau d’eau pour
diluer la fuite d’oxygène. Les pompiers du SDIS arrivent en renfort avec 40 hommes et plusieurs engins mais n’ont pas à
intervenir (figure 5).
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La situation est sous contrôle à 16h15 et le POI est levé à 18h42.
Les conséquences :
Lors de l’explosion, 250 employés de l’usine et sous-traitants sont présents. L’accident a eu lieu un vendredi après-midi,
période d’activité réduite, en présence d’un nombre restreint d’employés dans l’établissement.
Deux salariés seront conduits aux urgences pour un contrôle auditif, trois autres choqués par la suite seront également
transportés aux urgences. Un salarié d’entreprise extérieure est examiné à l’infirmerie du site. Deux des trois salariés
choqués seront en arrêt de travail par la suite mais n’auront pas de séquelles.
Aucune mesure de chômage technique n’est prise en raison des travaux de remise en état qui vont prendre plusieurs
semaines.
Il n’y a pas de conséquences environnementales selon le classement de l’échelle européenne des accidents industriels.
La quantité d’acétate de vinyle relâchée est estimée entre 0,05 et 0,5 t. Toutefois, la torche de sécurité laisse apparaître
une flamme et un important panache de fumée noire visibles à grande distance. En effet, faute d’alimentation en vapeur
par les chaudières à l’arrêt, les encours de fabrication (mélange de naphta et de polyéthylène) dans les fours de
craquage et les gaz présents dans les installations doivent être brûlés à la torche. Les fumées noires produites par cette
combustion ne pourront être « effacées » avec de la vapeur pour la même raison, malgré une tentative de redémarrage
de la chaudière non accidentée vers 16h15.
Les deux canalisations qui ont explosé étaient à l'air libre. Les chaudières endommagées ne peuvent être redémarrées
en conservant les sécurités requises. La gaine de récupération des COV est détruite sur 200 m.
Le coût de la réparation des équipements endommagés est évalué à 4 millions d’€, de nombreux équipements,
structures et instrumentations diverses ayant été endommagés ou détruits :
- gaine COV,
- chaudières,
- fours de craquage endommagés par l’arrêt du vapocraqueur sans vapeur nécessitant le contrôle et la remise en
état des tubes de radiation.
Les équipements endommagés sont inspectés et les travaux de remise en état s’achèveront vers le 15 décembre 2011.
La gaine de récupération des COV des silos de stockage du polyéthylène sera reconstruite sous un délai de 6 mois.
Les pertes des marges de production et coûts variables sont évaluées à 2 millions d’€.
Figure 5 : Intervention des services de secours publics (source : C.FREMIN&DELTA FM / J.C.BAYON)
Échelle européenne des accidents industriels :
En utilisant les règles de cotation des 18 paramètres de l’échelle officialisée en février 1994 par le Comité des Autorités
Compétentes des Etats membres pour l’application de la directive ‘SEVESO’ et compte-tenu des informations
disponibles, l’accident peut être caractérisé par les 4 indices suivants :
Les paramètres de ces indices et leur mode de cotation sont disponibles à l’adresse : http://www.aria.developpementdurable.gouv.fr.
L'indice « matières dangereuses relâchées » est coté à 1 en raison de la fuite de 0,5 t d’acétate de vinyle.
L'indice « conséquences humaines et sociales » est côté à 1 en raison des blessures légères subies par les 5 employés
dont 2 en arrêt de travail.
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L’indice « conséquences environnementales » n’est pas côté en raison de l’absence de conséquences de ce type
observées.
L'indice « conséquences économiques » est côté à 3 en raison des dommages matériels subis par l’unité et des pertes
d’exploitation significatives dont le total dépasse 2 M€, tout en étant inférieur à 10 M€.
L’ORIGINE, LES CAUSES ET LES CIRCONSTANCES DE L’ACCIDENT
Plusieurs enquêtes et expertises sont effectuées :
- enquête de police,
- enquête administrative diligentée par la DREAL,
- enquête de l’inspecteur du travail,
- enquête de la CARSAT (assurance maladie),
- enquête du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT),
- enquête du Groupe avec l’aide d’un tiers expert.
Analyse des faits ayant conduit à l’incident
• Présence de liquide contenant des hydrocarbures dans la tuyauterie de récupération des COV des extrudeuses
(mélange eau / acétate de vinyle / solvant),
• Entraînement du liquide vers la gaine de récupération des COV des silos,
• Création d’une atmosphère inflammable par évaporation du liquide dans la gaine de liaison entraînant une
explosion au niveau de la chaudière n° 2 puis au vo isinage du ventilateur.
Analyse des causes de l’incident
• Condensation partielle d’hydrocarbure : les expertises effectuées après l’incident ont confirmé la possibilité de
condensation des COV sous forme d’hydrocarbure liquide avec accumulation dans la tuyauterie de récupération
des COV des extrudeuses,
• Entraînement de liquide dans la tuyauterie de récupération via le système sous vide de récupération des
COV des extrudeuses et accumulation : l’hypothèse d’entraînement d’hydrocarbure liquide via le système sous
vide n’est pas exclue. Les études initiales de sécurité du procédé réalisées de 2008 à 2010 par un groupe
d’experts n’avaient pas retenu la possibilité de changement d’état des COV (condensation de leur phase gazeuse
en hydrocarbure liquide) et le risque d’entraînement de ce liquide dans cette ligne.
LES SUITES DONNÉES
Le service médical de l’exploitant a mis en place une cellule d’écoute psychologique au profit des employés proches de
la zone accidentée.
Sur proposition de l’inspection des installations classées, le Préfet a transmis à l’exploitant un arrêté préfectoral
d’urgence du 2 novembre 2011. Cet arrêté précise les conditions à respecter par l’exploitant avant le redémarrage de
ses installations.
LES ENSEIGNEMENTS TIRÉS
Cet accident met en relief un problème de conception dans le dispositif de captage des COV de l’unité de
polymérisation, puisque les études initiales de sécurité du procédé réalisées entre 2008 et 2010 par un groupe d’expert
(tiers expert et experts du groupe) n’avaient pas retenu la possibilité de changement d’état des COV captés et
l’entraînement de la phase de liquide dans cette ligne de récupération, malgré l’enrichissement notable en COV dans
l’atmosphère de la ligne par rapport à la situation initiale avant remodelage de l’unité d’extrusion (captage des COV
dégazés par les silos uniquement).
L’exploitant a mandaté un tiers expert pour vérifier le contenu des études initiales de sécurité réalisée entre 2008 et
2010 sur le projet de remodelage de l’unité d’extrusion, ceci en tenant compte du retour d’expérience issu des premiers
mois de fonctionnement de la nouvelle unité d’extrusion.
Les actions décidées à l’issue de cette étude ont été réalisées avant le redémarrage de l’unité de polymérisation en
configuration EVA.
L’exploitant a également décidé de construire un nouveau système pour le retraitement des COV émis par l’exploitation
de l’unité de polymérisation en configuration EVA indépendant du système de récupération des COV émis par les silos
de stockage et dégazage des billes de polyéthylène. L’indépendance de ce système vis-à-vis des autres unités de
production (chaudières, vapocraqueurs) augmente ainsi la sécurité des installations et élimine la possibilité de répétition
de l’accident.
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