Carthage et les Ibères - ARQUA - Museo Nacional de Arqueología

Transcription

Carthage et les Ibères - ARQUA - Museo Nacional de Arqueología
Carthage et les Ibères
Joan Ramon TORRES
LES RELATIONS ENTRE CARTHAGE ET L’EXTRÊME
OCCIDENT PHÉNICIEN À L’ÉPOQUE ARCHAÏQUE
INTRODUCTION1
On se propose ici de synthétiser les relations entre Carthage et le monde phénicien de
l’extrême Occident méditerranéen et atlantique, c’est-à-dire la zone géographique située au
couchant de la Sardaigne et de l’Algérie orientale, pendant l’époque archaïque, en gros c. -800/450.
Le titre « relations » n’est pas tout à fait casuel, il n’est pas non plus choisi au hasard, c’est bien
un concept adopté pour éviter de préjuger a priori la véritable nature des faits.
Par exemple, l’investigation italienne actuelle, présuppose une intervention en Sicile
et surtout en Sardaigne, dès le milieu du VIe siècle, radicale et définie par un impérialisme
militaire agressif, une destruction des aires indigènes (nuragiques, dans le cas sarde) et, enfin,
une substitution des populations autochtones par des contingents humains véhiculés directement
par Carthage. Et, plus encore, une action de même envergure menée en même temps directement
contre les anciennes villes phéniciennes.
On ne va pas approfondir cette question qui, apparemment, concerne la Méditerranée
centrale, mais on va déplacer la critique à l’aire de la colonisation phénicienne, d’Ibiza jusqu’audelà du détroit de Gibraltar. Il ne s’agit pas donc, loin s’en faut, d’une thématique nouvelle.
Il est vrai, qu’essentiellement dans la péninsule ibérique —où, pendant une partie
importante du XXe siècle a été préalablement soutenue une vision presque comparable à l’italienne
(qu’on se souvienne d’Adolf Schulten et l’attribution à Carthage, par la force militaire, de la
destruction de la légendaire Tartessos et la conquête de son territoire -Schulten 1924; id. 1928)—
finalement, à quelques exceptions près, a vu le jour la pensée contraire : un rôle assez insignifiant
pour Carthage (Wagner 1999 : 487-524) avant l’occupation d’Hamilcar Barca, en l’an -237, peu
après la guerre africaine contre les mercenaires.
C’est la loi du pendule, l’opposition d’idées hors d’un point d’équilibre. Et c’est, par
ailleurs, la confrontation d’une critique moderne avec une interprétation parfois particulière
des données de l’archéologie actuelle, versus un historisme traditionnel, où les mêmes données
1. Un vif remerciement à Sami Ben Tahar et à Imed Ben Jerbania qui ont révisé linguistiquement et orthographiquement
ce texte. Photographies, de l’auteur : pl. I, 1, 2, 4, 5; pl. III, 4, 6; pl. IV, 1-3; pl. V, 4. Du Musée Archéologique
d’Ibiza : pl. III, 5; pl. V, 1-3, 5. Musée Archéologique Provincial de Cadiz : pl. III, 1-2; Schubart - Maass-Lindemann
1995 : pl. II, 2, 5. Martín 1995 : pl. II, 1.
173
matérielles, dans l’imaginatif, semblent être facilement explicables avec le peu de textes anciens
qui nous est parvenu.
LES SOURCES LITÉRARIES
Les textes anciens qui traitent des relations entre Carthage et l’extrême occident sont
rares et dans la plupart des cas laissent presque à la libre interprétation de la critique postérieure
les faits qui racontent. Sans prétention d’exhaustivité, on peut rappeler quelques uns des passages
les plus explicites.
D’abord, le fameux texte de Timée / Diodore (V, 16) à propos d’Ibiza, où on lit : (… )
a une cité qui s’appelle Ebesos, colonie des Carthaginois —αποικοζ Καρχηεδονιων— (…) la
fondation de la ville eut lieu cent soixante ans après la fondation de Carthage.
Il s’agirait alors d’une action qu’il faudrait placer peu avant le milieu du -VIIe siècle, si on
suit le comput olympique2 pour la naissance de la cité africaine. Désormais, on verra ci-dessous
que la situation archéologique de l’île et par conséquent l’interprétation du texte, est vraiment plus
complexe.
On doit à Thucydide (I, 13, 6) le second épisode chronologiquement connu : À peu près
à cette époque3 aussi les Phocéens, tandis qu’ils étaient en train de fonder Massalia, vainquirent
les Carthaginois dans une bataille navale.
D’autres textes relatifs à la relation directe et militaire de Carthage avec Gadir, que
l’histoire moderne situe d’habitude au VIe s. avancé, ont suscité une réaction non seulement contre
cette dernière chronologie si haute, mais aussi contre l’authenticité des récits.
Selon Athénée (s. –I) (IV, 9.3), une attaque carthaginoise contre Gadir aurait été l’occasion
pour l’invention de l’ariette.
De sa part, M. L. Vitrube (De arch. X, 13.1) explique que les Carthaginois campèrent
pour siéger Gadir et en ayant pris préalablement le château, essayèrent sa démolition et quand
ils n’eurent plus d’instruments valables en fer, prirent un madrier et en le tenant dans leurs mains,
frappèrent avec l’extrême la partie supérieure de la muraille et de telle façon firent tomber les
pierres plus hautes et successivement les unes après les autres, jusque toute la forteresse fut
tombée. Après cela, un certain forgeron de Tyr, appelé Pefrasmene, guidé par cette première
invention et ce procédé, prit un poteau (...) fit tomber par terre toute la muraille des Gaditains.
Finalement, Justin (XLIV, 5, 3) (ep. Pomp. Trog.), à l’époque d’Auguste, cite les
Carthaginois qui se sont appropriés du territoire qui avait appartenu à Gadir, en le rendant province
de leur empire, en guise de récompense suite à la protection par Carthage de la ville phénicienne,
attaquée par ses voisins.
Quant au premier traité entre Carthage et Rome, signé au temps de Brutus et Horatius
(-509), selon le texte de Polybe (III, 22-23), mais sans que la science moderne n’ait écarté une
date antérieure, hypothétiquement à l’époque des rois étrusques, il faut conclure que la clause
originelle stipule tout simplement que: “ni les Romains, ni les alliés des Romains navigueront
au-delà du Beau promontoire”.
2. Time le sicilien dit, je ne sais pas sur la base de quel document, que la fondation de Rome (...) eut lieu en même
temps que la construction de Carthage, l’an trente-huit avant la première Olympiade (Denys d’Halicarnasse, Ant.
rom. I, 74).
3. En gros, celle de Cambyse, Polycrate de Samos, etc., c’est-à-dire, autour du troisième quart du -VIe siècle. Il existe,
évidemment, un décalage de plus de cinquante ans par rapport à la fondation de la ville phocéenne, qu’on s’accorde
à dater vers -600.
174
C’est Polybe, lui-même, qui situe le Kalon akroterion à proximité de Carthage, au nord
de cette ville et qui explique comment les Carthaginois interdirent la navigation vers le sud aux
Romains et leurs alliés pour les empêcher de connaître la Bissatis et la Petite Syrtis, appelée
Emporion à cause de la fertilité de ses terres.
à la suite des travaux d’O. Meltzer (1879, I : 181, 488), qui a supposé que le Beau
promontoire n’était pas le cap Bon, mais plutôt le Ras Sidi Ali el Mekki (Cap Farina), plusieurs
historiens modernes ont placé l’Afrique interdite, non pas à l’Est, mais bien à l’Ouest de Carthage
et, par conséquent, l’interdiction toucherait l’Ibérie et l’extrême Occident.
De telles hypothèses ont suscité un débat aussi stérile qu’acharné entre les partisans de
Polybe et ceux de Meltzer, qui se poursuit jusqu’à présent, mais sans issue, ni même un éventuel
consensus.
Pour expliquer l’apparente dynamique inverse du contrôle carthaginois—d’une situation
probablement stable, à la fin du VIe, à une autre peut-être dangereuse à l’égard de toute présence
étrangère en Sardaigne et en Afrique4, vers le milieu du IVe siècle— quelques historiens sont allés
jusqu’à évoquer la possibilité que Polybe ait bouleversé l’ordre du premier et du seconde traite5.
Mais cela ne serait pas non plus une solution idéale pour justifier le silence sur l’Occident en
pleine époque hellénistique.
Encore au –Ve siècle, d’autres textes parlent de Carthage et l’Atlantique, cette fois-ci pour
des raisons commerciales. Le célèbre passage d’Hérodote (qui écrivait au troisième quart du –Ve
siècle) sur le commerce muet, ou, si on le préfère, sans une interlocution directe des agents, en
Libye, au-delà des colonnes d’Héraclès (Hérodote IV, 196), cite à plusieurs reprises et de façon
explicite “les Carthaginois”. Ces derniers racontaient l’histoire, d’un point de vue franchement
hostile à ces opérations de commerce.
À ce propos, le récit des périples d’Hannon et d’Himilcon au-delà des colonnes d’Héraclès
(le Melqart phénicien) est incontournable. On sait, surtout par rapport au premier, l’énorme
controverse suscitée autour de l’historicité de ces voyages, même chez les auteurs anciens, de
telle façon que Pline et Aelius Aristides l’avaient qualifié de conte à plaisir, tandis que d’autres
(par ex., Mela III, 90) essayèrent tout simplement d’en tirer des déductions d’ordre géographique
par rapport à l’Afrique.
Il est vrai que le récit, tel quel il nous est parvenu, est difficilement acceptable, au regard
de divers aspects organisationnels, géographiques et même logistiques. Et malgré cela presque
aucun savant moderne n’ose une réfutation intégrale.
En effet, certains auteurs comme F. López (2000 : 62), entre autres, tiennent à différencier
la première partie du périple d’Hannon, essentiellement colonisatrice de la seconde, strictement
exploratoire. La première aurait signifié la fondation des villes carthaginoises en Afrique
—Thymiaterion, Karikon Teichos, Gytte, Akra, Melitta et Arambys—, ayant déjà traversé les
colonnes, mais avant d’arriver à l’ancienne Lixus. La seconde, signifie l’exploration d’une partie
de la côte africaine atlantique, dont la longueur globale reste toujours controversée et qui finit au
Notou Kéras (le « cap du Sud »).
J. Desanges (1978 : 35-85) a montré l’impossibilité d’enlever au Périple son revêtement
grec, dépassé le fleuve Lixos. Outre l’authenticité du récit, on s’interroge aussi sur la chronologie
de cet Hannon, Carthaginensium dux, Basileus ou, encore, Imperator, qui était parti avec soixante
navires à cinquante rames, c’est-à-dire, des pentecontères et trente mille hommes et femmes, pour
4. Où —sauf à Carthage— aucun Romain ne devait commercer, ni fonder des villes et ni même mouiller.
5. Il ne faut pas oublier que le second traité Rome - Carthage, de -348, tout en mentionnant encore le Kalon acroterion,
fixe Mastia tarseion —dont la situation reste incertaine, mais qui, évidemment, est à chercher dans le Sud de la
péninsule ibérique— comme la limite non plus ultra des navigations romaines et alliées vers l’Occident.
175
fonder des villes avec des Liby-phéniciens, selon le manuscrit médiéval d’Heidelberg6, qu’on
suppose être une copie —parmi d’autres versions, peut être perdues à jamais— de l’oeuvre d’un
auteur hellénistique anonyme.
Quoi qu’il en soit, il faut s’en souvenir que Pline l’Ancien (Nat. Hist. II, 169 et V, 8)
place le voyage à l’époque de la splendeur de Carthage. Mais quelle était la période d’apogée
carthaginoise dans la pensée du savant romain ? Evidemment quelconque —y comprise l’époque
archaïque— antérieure aux guerres puniques, un ancrage certainement trop imprécis.
Peut être avec raison, S. Lancel a pensé qu’il pourrait exister un véritable périple de la fin
e
du -VII ou du -VIe siècle (Lancel 1992 : 103-108) malgré le déguisement grec mis à l’évidence
par J. Desanges. En plus, l’affirmation qu’Hannon avait navigué avec des pentecontères pourrait,
raisonnablement, situer le périple en pleine époque archaïque7.
C’est aussi remarquable la découverte par les Carthaginois d’une énigmatique île déserte,
laquelle, toujours selon le Pseudo-Aristote (De mirabilibus auscultationibus, 84, 1), se situait dans
la mer extérieure aux colonnes d’Héraclès, nécessitant plusieurs jours de navigation pour y arriver.
Le gouvernement de Carthage, craignant pour la fortune de la métropole, aurait chassé quelques
Carthaginois qui s’y étaient déjà introduits pour les empêcher de divulguer l’information.
Dans un sens pas tout à fait exact par rapport à Pseudo-Aristote, mais tout à fait semblable,
Diodore de Sicile (V, 19-20) explique que la métropole africaine interdit une colonie projetée par
les Etrusques pour éviter qu’une foule d’habitants de Carthage y migraient et réserver cette île
comme futur lieu de refuge dans le cas d’une disgrâce.
Cette dernière partie a été attribuée non pas au texte original de Timée, sinon à une
adaptation de Diodore dans l’ambiance des Guerres Puniques. Cependant, la mise en scène des
Etrusques, alliés de Carthage à Alalia (-540) et théoriquement entrés en décadence navale après
la bataille de Cyme (-474), semble jeter quelque lumière de véracité sur le récit (López Pardo
2000 : 67-71) et placer la situation historique dans la seconde moitié du -VIe ou le premier quart
du -Ve siècle.
Le périple attribué à Scylax de Carandie (Gram. Gra. Min. I : 16 -51 : 91 -111), au milieu
du -IVe siècle, mais qui recueille des données d’époque archaïque, parle d’emporia carthaginois
au-delà du Détroit.
Avienus fait allusion aux “obscurs annaux puniques” selon lesquels les Carthaginois
possédèrent villes et territoires des deux côtes du détroit de Gibraltar, qu’on ne peut pas fixer
dans le temps, exceptée évidemment la période qui précède la conclusion de la Seconde Guerre
Punique.
L’autre question, très débattue et tout à fait complexe, est relative aux Liby-phéniciens.
On sait qu’Hérodote, situe ces populations à côté des Tartessiens et des Ibères, en soulignant aussi
leur caractère de colons carthaginois. Enfin, Éfore (s. –IV) (Pseu. Scim. : 196-8) mentionne des
Liby-phéniciens, colons de Carthage, établis dans le sud de la péninsule ibérique.
Non moins importante, mais dans un ordre inverse des facteurs, est l’énumération
d’Hérodote des forces carthaginoises d’Hamilcar, en -480, à Himère, composées, entre autres
contingents, d’Ibères et d’Elisikes. On y reviendra dans le chapitre de conclusions.
6. Pour une édition traduite cfr. Moscati 1972 : 119-121.
7. Désormais, il ne faut pas oublier que de bons connaisseurs de la navigation carthaginoise (Medas 2000 : 79, 124133) pensent que ce type de navire, en dépit d’avoir été le plus courant avant l’apparition des trières, dans la seconde
moitié du -VIe siècle, pourrait avoir continué à être utilisé auxiliairement dans les flottes militaires puniques ou pour
des voyages d’exploration.
176
LES DONNÉES DE L’ARCHÉOLOGIE
Il y a deux sortes de données archéologiques objectives pour envisager le problème de Carthage
et l’extrême Occident :
• La présence de matériel de fabrication proprement carthaginoise, étant
par conséquent des objets d’importation dans l’aire géographique que
l’on étudie.
• La présence dans cette même aire des formes matérielles et culturelles
locales dont la morphologie et/ou la typologie sont carthaginoises.
On va essayer de signaler les données les plus significatives, en commençant par la première
catégorie.
Figure 1
177
Céramiques et d’autres matériaux carthaginois dans l’extrême Occident8.
La péninsule ibérique (fig. 1)
Les récentes et spectaculaires données du terrain Plaza de las Monjas / Mendez Nuñez à
Huelva incorporent quelques fragments d’amphores qu’on a attribués aux types T-3111 et T-3112
(González de Canales - Serrano - Llompart 2004 : 70, XIII.40-XIII.44, phot. LII, 4-8). La datation
de cet ensemble, appuyée sur des fragments de vases attiques du Géométrique Moyen II, entre
autres nombreux objets grecs, semble avoir un ante quem d’environ -7709.
Dans l’établissement de Morro de Mezquitilla (Málaga) on a mis au jour dans les phases
les plus anciennes (b1) des amphores T-3111 (Maass-Lindemann 1999 : 137, fig. 10, A IV). Il
s’agit d’un contexte daté de la seconde moitié du –VIIIe siècle. Mais on attend la publication
définitive des fouilles —qui ont été menées il y a déjà longtemps— pour connaître le volume réel
de ce genre d’importation.
En plus, du site de Castillo de Doña Blanca (Puerto de Santa María, Cádiz) on a publié
le profil du tiers supérieur de deux amphores de ce même type (Ruíz - Pérez 1995, fig. 19, 5-6)
trouvé dans un contexte de la seconde moitié du –VIIIe siècle, où il existe des amphores orientales
Sagona 2, à côté des occidentales T-10111, qu’il faut imaginer prédominantes, on n’a donc ni une
publication exhaustive du matériel ni une statistique afférente.
On ne peut pas quitter la baie de Cadix, sans annoncer les trouvailles récentes, dans
l’ancienne presqu’île d’Érytheia, qui était sûrement le nucléus originaire de Gadir. En attendant
la publication du matériel, en cours d’étude pour le moment, on peut se contenter de signaler la
présence d’amphores carthaginoises T-3111 dans deux fouilles de sauvetage aux rues Cánovas del
Castillo et Ancha10.
Le site de Los Toscanos, à Torre del Mar (Málaga) a reçu des poteries carthaginoises,
bien identifiées grâce à l’étude de R. Docter (1994). On peut citer des amphores T-3111, T-3112
et T-2112 (id., pl. 1-2) et aussi des cruches carénées sans col, partiellement couvertes d’engobe
rouge (id., pl. 3), des plats, des patères carénées et d’autres formes céramiques (id., pl. 4). Dans
cette étude est spécialement intéressant, le calcul statistique des amphores carthaginoises, avec le
3,1 % (id. : 132).
Il faut ajouter aussi le port de Toscanos, qui a livré le quart supérieur d’une amphore
carthaginoise T-2112 (Arteaga - Schulz 1997, fig. 14 en bas).
Des données vraiment significatives proviennent de la Fonteta (Guardamar del Segura)11.
Dans ce site de la côte méridionale d’Alicante, un tesson enregistré dans la phase Fonteta I-II,
avec un épaulement marqué et de la décoration composée d’une frise de méandres noirs et de
bandes horizontales à engobe rouge (González - Ruiz - García 1999, fig. 14 F-10012), appartient
à une jarre de type Cintas 230 ou 233, bien connue dans la phase Tanit I du tophet de Salammbô
et dans plusieurs contextes funéraires. Sa chronologie est à situer sûrement avant -700.
En ce qui concerne la phase II, qu’on date c. -720/-670 on a constaté la présence de céramiques,
8. Peu après la rencontre de Siliana, on a eu encore l’opportunité de présenter à Fenicios y púnicos en el Atlántico
(Santa Cruz de Tenerife 2004) une communication sous le titre « Comercio cartaginés en el extremo Occidente y
Atlántico en época arcaica» et on passera vite sur la présence d’éléments proprement carthaginois en Occident.
9. On n’a pas encore eu la possibilité d’examiner directement ces amphores, désormais, les photos à couleur de
l’excellente publication semblent indiquer, peut être dans la plupart des cas, une attribution carthaginoise. Si oui,
il faudrait alors avancer quelques décennies la date initiale des productions amphoriques de la métropole africaine
ou, par contre, attribuer le fait à des intrusions postérieures.
10.Je remercie les directeurs de ces sondages, M. Ignacio Córdoba et M. Francisco Sibón, pour nous avoir offert la
possibilité d’examiner ce matériel et M. Ángel Muñoz pour ses gestions.
11. Pour ce qu’on ne cite pas dans la bibliographie ordinaire, on peut consulter le web : lafonteta.ua.es/Fonteta.htm, du
Prof. A. González, avec plusieurs images de matériel carthaginois.
178
179
dont la pâte, les détails morphologiques ainsi que les caractéristiques spécifiques de la décoration,
permettent à coup sûr d’attribuer à des productions carthaginoises.
Le grand lot étant en cours d’étude, on ne dispose pas encore de données absolues des
types carthaginois, ni de leurs statistiques, etc., mais on a déjà mis au jour des coupes semi
sphériques, à la décoration bichrome, des patères carénées à bord triangulaire évasé et à engobe
rouge, couvrant tout l’intérieur et seulement le bord à l’extérieur et d’autres formes à la carène
très accentuée, avec une disposition de l’engobe semblable aux modèles antérieurs, et aussi des
assiettes à marli étroit, également engobées. On peut signaler, en plus, la présence de matériel
amphorique et des ampoules a fond pointu, en pâte carthaginoise, de la phase VI (González - Ruiz
- García 1999, fig. 14 F-280).
Dans le site indigène de la Peña Negra on a eu l’occasion de réétudier deux fragments,
appartenant sûrement à une seule assiette à engobe rouge (Ramon 1998) provenant de la couche
Ic, du secteur A5 (PN-8240/42). On a daté cet individu — de production également carthaginoise
—dont la présence au site indigène doit, évidemment, être rattachée à la proximité géographique
de la Fonteta, du premier tiers ou quart du -VIIe siècle.
Dans le gisement tartéssique de Coria del Rio (Séville), mais sans un contexte d’association
clair —probablement un sanctuaire près du Guadalquivir, selon l’avis des éditeurs (Belén 1993)—
on a découvert un vase à la panse presque sphérique et à deux petites anses (Belén 1986; id. 1993).
Son corps est décoré avec des méandres et des lignes bichromes (pl. I, 3). Il est possible qu’il
repose sur un fond convexe. D’après son aspect il s’agit d’une importation carthaginoise.
On peut l’associer à la forme Cintas 364bis (1950 : 159, pl. XXXI), que l’on connaît par
un individu trouvé dans la tombe 291 de Dermech à Carthage, selon les archives de P. Gauckler
(inédites ?) publiés par P. Cintas (Cintas 1970, pl. XXII, 116)12 et un autre (le même vase ?) attribué
à la tombe 301 de Ben Attar par P. Gauckler (1915, pl. XXIX). Dans les deux cas13 on observe la
présence d’aryballes du Corinthien Moyen, qui confirment la chronologie de la première moitié
du –VIe siècle.
Il faut encore mentionner les amphores T-2112 et ses successeurs immédiats, principalement
T-1321, qu’on a pu identifier dans divers contextes de l’Occident.
Dans le niveau I de l’avenue Tres de Agosto 9-11, à Huelva, que l’on date de -570/530, sont attestés deux bords d’amphores (Rufete 2002 : 65, pl. 18, 1-2) (T-1321?) peut être
carthaginoises14.
Une amphore complète T-2112 dans le plus ancien horizon de l’oppidum de la moleta del
Remei, au sud de l’Ebre (Gracia 2000, fig. 2, 1) et d’autres fragments appartenant au même type
à Aldovesta (Ramon 1986 : 100, fig. 2, 5-6; Mascort - Sanmartí - Santacana 1991, lám. 9, 1-2;
Ramon 1995 : 46), sur la berge gauche du même fleuve.
Par ailleurs, le site de Sant Martí, siège insulaire de la paleapolis d’Emporion, a livré du
matériel carthaginois dans un contexte significatif. De telles trouvailles sont attestées seulement
au cours de la phase IIb2, datée entre -600 et -580, avec des T-2112, qui représentent 11,11 % par
individus / catégorie amphores (Aquilué et al. 1999 : 152, 174-175, 183, figs. 174, 201 nº 4).
On ne peut pas oublier, mais hors contexte, l’amphore complète T-2112 de Torre la Sal à
Castelló (Ramon 1995 : 47) et une autre du même type trouvée à l’épave du Bajo de la Campana
I (Mar Menor, Murcia) (Ramon 1995 : 56-57).
12.Dans cette photographie on voit la bouteille avec d’autres vases carthaginois et un aryballe corinthien.
13.Le ou les individus de Carthage ont peut être la base plate, à la différence de celle de Séville. Malgré cela, la mo phologie générale des vases est identique dans tous les cas.
14.On n’a pas vérifié directement ce matériel, désormais, les dessins et la description publiées rendent quand même
plausible l’attribution proposée.
180
181
L’Afrique occidentale (fig. 1).
On connaît mal l’Afrique méditerranéenne occidentale. Après les travaux de G. Vuillemot
(1965), vers le milieu du XXe siècle rien ne semble avoir changé depuis ce moment. Désormais,
il y a longtemps qu’on a attiré l’attention sur la présence d’amphores T-2112 sur la côte d’Oran en
Algérie (Ramon 1995 : 100-102).
On a pu identifier le type en question aussi bien dans la couche 6 de la falaise Mingeonnet
que dans la couche inférieure du “secteur Cintas” aux Andalouses, où la moitié supérieure d’une
amphore T-2112 a été trouvée et réparée depuis longtemps (Cintas 1976, pl. XXXVIII, 25). Enfin,
ce même type carthaginois aurait sûrement été trouvé à Rachgoun et à Mersa Madak (Ramon
1995 : 100).
Ibiza (fig. 1).
L’amphore T-3111 existe peut être sur le site phénicien de sa Caleta (Ibiza), mais le seul
individu qui s’y rattache probablement (Ramon 1999, fig. 15, p-24) a été documenté dans un état
si fragmentaire que sa classification est loin d’être sûre.
Dans les horizons du -VIIe siècle de cet établissement on a eu une statistique absolue des
amphores carthaginoises, par rapport à celles de l’Andalousie du type T-10121. Le résultat est
5,52 % par rapport au reste d’amphores, presque exclusivement de la côte de Malaga - Granada
(Ramon 2004) ; un pourcentage certainement significatif. Les types appartiennent aux T-3112 et
T-2112 (Ramon 1999, fig. 15-16).
D’ailleurs, à sa Caleta il existe très peu d’autres vases céramiques, non amphoriques, de
provenance carthaginoise. On a, par exemple, une cruche à la décoration “black on red” (Ramon
1999, fig. 7, en bas).
Dans la nécropole archaïque à incinération du pied du versant N/NW du Puig des Molins
on a découvert quelques vases fabriqués à Carthage. On peut citer quelques ampoules à fond
pointu (pl. I, 2) et une grande cruche à une anse (Ramon 1996, fig. 13-14) (pl. I, 1).
C’est aussi intéressant le fragment de vase fermé avec une petite anse du secteur α−β
(Gómez 1990 : 77-78, 136, 138-139, fig. 73, nº 320; Gómez 2000 : 186-189). On en a déjà vu un
autre semblable à Coria del Rio (Séville). Il s’agit, selon la pâte, d’une production carthaginoise
—en dépit de l’origine orientale de la forme— qu’on peut dater, avec les autres importations
citées du Puig des Molins, de la première moitié du –VIe siècle.
Il faut attirer l’attention sur une statuette fragmentaire en terre cuite repérée dans le célèbre
site de l’île Plana, qui ferme au levant la baie d’Ibiza. C’est une plaque qui représente une figure
humaine en corps complet, avec le bras droit allongé, le gauche sur la poitrine et avec un collier
au cou (pl. I, 4).
D’un côté, sa pâte certifie qu’il ne s’agit pas d’une production locale, mais bien d’une
importation de Carthage, où l’on connaît le type, spécialement à partir du groupe des quatre
statuettes “momiformes” trouvées par le père Delattre dans un tombeau archaïque de Douïmès
(Delattre 1897 : 122-125, fig. 82).
La culture “carthaginisante” de l’extrême Occident
Le secteur du détroit de Gibraltar et le sud de l’Andalousie.
Trayamar.— Dès l’époque de Trayamar on assiste à l’introduction de formes matérielles
carthaginisantes dans le monde phénicien de l’extrême Occident. Dans l’état actuel des
connaissances cela signifie une rupture de la tradition occidentale, caractérisée auparavant par
des tombeaux à pozzi et d’autres systèmes conçus pour un rite qui consiste exclusivement en
l’incinération.
182
Il s’agit de tombeaux bâtis avec peu de différences par rapport à ceux typiques de Carthage.
On date habituellement la nécropole de l’embouchure du Algarrobo de la seconde moitié du -VIIe
siècle (Schubart - Niemeyer 1976) (pl. II, 1).
Mais dans ces structures, faites en pierres de taille dans des grandes fosses creusées dans
le terrain, on observe des différences significatives par rapport à la métropole africaine. D’abord,
comme il paraît tout à fait logique, la vaisselle appartient à la production locale, bien que sa
composition ne soit pas tout à fait distincte comparée à celle de Carthage.
Au niveau du rite on constate, d’abord, le recours à l’incinération et c’est seulement
dans un deuxième moment qu’on observe la présence des inhumés. Il y a eu donc un emprunt
architectural, mais pas vraiment rituel.
Puente Noy.— Ce secteur funéraire de l’ancienne Sex (Granada), en dehors des tombes
plus tardives, de typologie différente, a connu aussi des types architectoniques qui méritent un
commentaire.
Il faut avant tout attirer l’attention sur la tombe 4 du secteur C (Molina - Huertas 1985,
figs. 7-10, pl. XVI-XVII). Il s’agit d’une grande fosse creusée dans le terrain rocheux, au fond
de laquelle on a installé une auge rectangulaire, faite de pierres de taille. La sépulture, désormais
mise à sac d’ancien, par sa typologie (type VII de Molina et Huertas), semble appartenir au -VIe
ou au -Ve siècle.
El Jardín.— Toujours à Malaga, la nécropole de Jardín fournit des données importantes
d’analyse en rapport avec le sujet qu’on traite ici. On y a fouillé une centaine de sépultures d’un
ensemble funéraire plus vaste, situé à un demi km au Nord de Los Toscanos (Schubart 1995 ;
Maass-Lindemann 1995).
Les tombeaux présentent quelques différences dans leur architecture, voire même dans
les rites, dès la fin du VIIe ou le début du VIe siècle. Malheureusement, la nécropole a été pillée
à plusieurs reprises et pour cette raison il n’est pas toujours facile d’avoir la certitude sur les
chronologies ponctuelles, on ignore parfois si on y a recouru à l’inhumation ou à l’incinération
et dans quelques cas, on n’est même pas sûr s’il s’agit vraiment de tombeaux. Il y a aussi des
sarcophages monolithiques logés dans des fosses adaptées, qui semblent appartenir à une époque
postérieure (-Ve et -IVe siècles)
D’un intérêt particulier sont les tombeaux en ciste, c’est-à-dire, des caisses pour contenir
des inhumés, construites avec des dalles taillées à l’intérieur de fosses généralement simples et de
mesures variables (pl. II, 2, 5) (tombeaux 1-4, 9, 10, 13, 21 —plus grande— 90).
Le cas de la tombe 66 (pl. II, 5) est exceptionnel, étant dotée d’un long dromos et d’un
caveau qui loge deux cistes en position perpendiculaire. On y a enregistré des inhumations, malgré
la présence de bois carbonisé dans la tombe 10. Le matériel associé à ce type de sépulture indique
une datation au -VIe siècle en dépit du fait que quelques unes appartiennent déjà au -Ve.
Gadir.— Dans l’état actuel des connaissances, à une phase plus ancienne, caractérisée
essentiellement par des incinérations primaires avec des fosses à canal central (Muñoz 19831984 ; Perdigones - Muñoz - Pisano 1990), qui semble couvrir une partie importante du –VIe
siècle, succède une utilisation systématique de tombes faites avec des pierres en grès coquillier
(la pierre “ostionera” du vocabulaire local) plus ou moins bien équarries.
Il s’agit de fosses creusées dans le substrat naturel au fond desquelles on a installé ces
auges en pierre dont les dimensions internes sont assez grandes pour recevoir un inhumé. Parfois,
les murs latéraux ont été faits d’une seule file de blocs, mise alors en position verticale, ou, plus
habituellement, une rangée horizontale double (pl. II, 3-4).
Identifié des 1887, à l’occasion du nivellement pour y étaler l’Exposition Maritime,
à Punta de la Vaca, ce type d’architecture sépulcrale s’étend longuement de Puertas de Tierra
jusqu’à environ 1,5 km vers le SE.
183
184
Dans la nécropole gaditaine, il est habituel de grouper ces tombes, par juxtaposition et
superposition (en partageant les murs latéraux ou les couvercles, selon le cas), ce qui forme des
ensembles qui comptent plus de vingt cinq structures. On a pu remarquer que celles qui comportent
un mur à double bloc sont les plus anciennes.
La presque inexistence de mobilier funéraire est notable, contrairement aux objets de
parure personnelle, essentiellement des bijoux qui sont souvent attestés. On date ce type tombal
dès le début du -Ve, voire même à partir de la fin du -VIe siècle.
À part l’architecture funéraire, d’autres documents de culture matérielle de Gadir
permettent d’émettre quelques réflexions sur les relations avec la Méditerranée centrale.
En même temps, dans d’autres domaines, comme celui de la coroplastie —qui à l’état
des connaissances actuelles, se manifeste dès la fin du -VIe ou les premières décennies du -Ve
siècle— existent des traits carthaginisants, qu’on peut apprécier, par exemple, dans l’intéressant
groupe de statuettes en terre cuite trouvées à Punta del Nao (Ramirez - Mateos 1985 ; Ferrer
1995-1996 ; Corzo 1999), surtout la tête égyptisante (pl. III, 1), celle du négroïde (pl. III, 2) et
les porteuses d’objets. Même, le début de cette production locale pourrait être rattachée à une
influence centre-méditerranéenne évidente.
Ibiza
C’est l’île d’Ibiza l’exemple le plus frappant de la carthaginisation de l’extrême Occident
phénicien à l’époque archaïque tardive. À part la complexité historique et archéologique de la
tradition de Timaeus-Diodorus, qui voit dans la ville d’Ebysos une colonie de Carthaginois,
fondée 160 ans après Carthage, les données matérielles sont —apparentement— exubérantes
dans ce sens-là.
En l’absence d’autres points d’analyse, comme spécialement les zones d’habitat, la
nécropole du Puig des Molins et le sanctuaire de l’île Plana deviennent les domaines principaux.
Effectivement, depuis quelques décades l’investigation insulaire a observé l’introduction de
formes centre méditerranéennes dès la fin du -VIe siècle. Il ne s’agit pas seulement de traditions
funéraires, mais aussi de formes de la vie quotidienne
Dans le répertoire vasculaire ébusitain archaïque tardif, affecté par ce phénomène, il faut
souligner d’abord —comme l’avait déjà fait M. Tarradell (1974 : 253)— l’assimilation insulaire
aux styles décoratifs carthaginois. A Ibiza l’engobe rouge ne dépasse certainement pas le milieu
ou le troisième quart du -VIe siècle.
Dès ce moment si la céramique fabriquée à Ibiza laisse voir parfois des motifs linéaires
bichromes, elle est dans la plupart des cas soit ornée avec des traits monochromes linéaires, le
plus souvent accompagnés de méandres, soit elle est complètement démunie de tout type de
décor. Ce sont là des aspects qui trahissent une influence centre méditerranéene (Ramon 2004 :
193, 197-198).
Par ailleurs, les productions céramiques locales de la fin du -VIe et la première moitié du
siècle suivant sont réellement significatives. Si l’on compare le répertoire céramique de sa Caleta
(Ramon 1994; id. 1999) et de la première période de la baie d’Ibiza avec celui de la fin -VIe et
première moitié du -Ve siècle on constate dans beaucoup de formes une nette rupture.
De ce point de vue, l’apparition soudaine à Ibiza de quelques types, lesquels avaient à
Carthage une longue tradition, est à considérer comme une nouveauté à part entière dans un contexte
insulaire où continuaient encore à exister d’autres types « occidentaux » d’ensevelissements.
Bien qu’on ait a mis l’accent sur cette question depuis longtemps (Ramon 1981a), on peut
toujours mettre sur la table de discussion plusieurs types vasculaires “carthaginisants”, presque
exclusivement en provenance de la nécropole urbaine du Puig des Molins.
185
Dans ce sens-là on peut citer les oenochoes à bec pincé ou trilobé type Eb.5, qui se
rattachent directement aux types Cintas 151, 194 et 195 (Cintas 1950, pl. XII, XV) avec de très
nombreux prototypes de la métropole africaine. Il existe aussi une version plus réduite de ce
même type, plutôt apparentée aux Cintas 155-157.
Un autre cas digne d’intérêt est représenté par des petites cruches à col caréné (pl. V,
5), trouvées d’habitude au Puig des Molins15 et classifiées par Tarradell et Font comme Eb.12
(1975 : 155-156). Voilà encore une version insulaire de prototypes carthaginois Cintas 68, 69,
71, 75 (1950, pl. VI).
D’autres catégories de cruches ébusitaines sont soumises au même phénomène d’imitation.
Par exemple, l’Eb. 65 (pl. V, 1), qui a comme prototype à Carthage la Cintas 330 (1950, pl.
XXVIII) et la classe D de Tanit II (Harden 1937, fig. 4 n-r), ou l’Eb.16 (pl. V, 2-3) —similaire à
l’antérieure, mais avec une seule anse—, comparable à celles de la Classe E de Tanit II (Harden
1937, fig. 4 s-u), équivalente à Cintas 93-95 (1950, pl. VII).
Il en va de même pour la large famille typologique des Eb.61 (pl. V, 4), jarres bi ansées,
carnées et sans col, dont on connaît des exemplaires ébusitains de la fin du -VIe siècle ou du
premier tiers du -Ve, clairement rattachés à la forme Cintas 234 (1950, pl. XVIII) —dans le
groupe constitué par la clase C de Harden (1937, fig. 4, f-h), de Tanit II.
Et finalement, bien sûr sans épuiser le répertoire, on doit signaler des jarres à col
cylindrique et anses entièrement sur l’épaule (Rodero 1980, fig. 8 no. 4, pl. 3, no. 3 —type 1.3).
Ses prototypes sont à chercher dans la forme Aii de Harden (Harden 1937 : 72, fig. 4 b) de Tanit
II, équivalente à Cintas 215, 216, entre autres.
À part les cruches, beaucoup d’autres catégories céramiques s’inspirent directement des
formes carthaginoises : les lampes à double bec, très rarement décorées, les timiatheria, etc.
Il faut signaler par ailleurs un type de bol, aux parois convexes et à la lèvre légèrement
en saillie. Il a été trouvé dans la nécropole archaïque du Puig des Molins, tantôt associé aux
incinérés —sépultures 26 et 33 de can Partit (Gómez 1990 : 109-110, 116-117, fig. 92, nº 390, et
101, nº 400), incinération V et feu 1 du secteur α−β (Gómez 1990, fig. 71, nº 317, 319) — , tantôt
accompagnant des inhumations — hypogé 7 de la rue de León (Gómez 1990, fig. 345). C’est un
type qu’on connaît bien à Carthage, donc, en dehors de sa présence parmi le mobilier de beaucoup
de tombeaux, on l’a registré dans l’atelier de poterie fouillé sous le cardo IX (Vegas 1990, fig. 4,
nº 55-56), dans un contexte daté entre la fin du -VIIe et le premier quart du -VIe siècle.
Même les assiettes —aux formes, si on le veut, “universelles” dans le monde phénicopunique— adoptent des traits, dans le détail, strictement centre-méditerranéens. En dehors de
la forme générale, on peut apprécier la cannelure concentrique incisée sur le plan de pose—
généralisée dans le monde punique de la Méditerranée centrale, mais extrêmement rare en
Occident phénicien— de quelques exemplaires de production ébusitaine (par ex., Ramon 1978,
fig. 3 nº 7), de la fin du -VIe ou des premières décennies du -Ve siècle.
Ces influences centre-méditerranéennes ne concernent pas uniquement la céramique
vasculaire d’Ibiza ; bien plus, elles se manifestent sur le plan artistique. En effet, la coroplastie en
est un exemple emblématique. On regrette toutefois que plusieurs œuvres coroplastiques mises au
jour depuis longtemps sont dépourvues de contextes chronologiques vraiment précis. Il y a donc
un nombre important de statuettes en terre cuite dont le style archaïsant sème des doutes sur leur
attribution à l’époque archaïque ou, par contre, à la classique. Mais dans quelques cas le contexte
ou d’autres facteurs permettent un ancrage chronologique c. -450 ante quem à peu près certain et
un rattachement aux courants puniques de la Méditerranée centrale.
15.Mais aussi dans des nécropoles rurales de l’île, comme à Xarraca (Román 1906, pl. XXXI, 3)
186
187
188
D’un côté, le cas de l’île Plana paraît être tout à fait particulier. On en a déjà parlé à
propos d’une statuette d’importation carthaginoise et où un autre petit groupe, à corps cylindroïde
(Román 1913, pl. XV-XVII; Almagro 1980, pl. XI, 3-4 et pl. XII, 3), parmi le célèbre lot de
statuettes tournées (pl. III, 6) et aussi quelques-uns des individus au profil campaniforme, sont
fabriqués avec un type de pâte locale, difficile à dater après le -VIe siècle.
Il faut chercher l’inspiration de ce type de statuette tournée dans le monde punique de la
Méditerranée centrale, spécialement à Carthage et à Motyé (Ciasca - Toti 1994), puisqu’à l’Ouest
d’Ibiza, dans tout l’Occident phénicien on n’a, pour le moment, aucun témoignage pareil.
Avant de quitter l’île Plana, il faut signaler aussi une terre cuite locale fragmentaire16 (pl.
III, 3), qui appartient au même groupe du personnage aux longs cheveux frisés et à la longue
barbe (Font 1979; Almagro 1980 : 80, pl. XX, 4) identifié à Carthage, Utique (Picard 1967, pl. V,
17, XI, 38), Monte Sirai (Barreca 1965 : 54, pl. XXIV) et Gadir (Ramirez - Mateos 1985, fig. 2a,
pl. I). On peut signaler aussi d’autres terres cuites (pl. III, 4) dont le style est franchement habituel
au monde carthaginois.
Au Puig des Molins quelques artefacts portent les empreintes artistiques de Carthage.
Par exemple, le protome en pâte locale (pl. III, 5), de l’hypogé 7 de la rue de León (Gómez 1990,
fig. 78, pl. XXIV), dans un contexte général du -VIe siècle avancé, ou début du -Ve, avec une
inspiration qui fait penser directement à Carthage (Picard 1967, pl. VII, 25-28).
Dès l’époque archaïque tardive on retrouve dans l’île les typiques rasoirs en bronze en
forme de hachette. A titre d’exemple on peut citer le cas de la sépulture 33/XIV sise à l’ancien
terrain “can Partit” (Puig des Molins) où l’incinération est accompagnée d’une hachette et d’un
godet en céramique locale. Un autre dans la chambre sépulcrale de l’hypogé 7 de la rue de León,
accompagné aussi d’un vase semblable (Gómez 1990, fig. 347).
Il en est de même pour le monde funéraire qui va de pair avec ce qu’on vient de voir.
D’abord, il faut souligner quelques aspects qui concernent déjà la première phase, encore
“phénicienne” de la ville d’Ibiza.
On a repéré un nombre significatif d’éléments lapidaires —stèles ou bétyles (pl. I, 5)17,
dans la nomenclature conventionnelle— dans le remplissage des fosses à incinération à double
canal de la nécropole archaïque de Puig des Molins, du plein -VIe siècle. Il s’agit de troncs
parallélépipédiques en pierre sableuse locale, légèrement plus étroits vers le sommet, qui finit en
plat et, à l’aide d’une enchâssure, sont montés sur des piédestaux du même matériel.
On connaît des éléments semblables au tophet de Salammbô, mais sur les stèles figurées
du même site carthaginois où elles sont représentées sur un soubassement, de façon isolée, par
couples, par triades ou doubles triades, dès le -VIe siècle (Ramon 1996 : 71-74).
Mais, dès la fin de ce siècle et dans la première moitié ou tiers du -Ve —de façon parallèle
à la “carthaginisation” de la culture matérielle, déjà vue—on assiste, dans le même sens, à des
changements funéraires importants.
Dès ce moment-là on aperçoit l’introduction des tombeaux à inhumation, du type hypogée
à puits vertical et fosses rectangulaires à ressauts latéraux. Ces tombes, même les caveaux à
chambre et puits, ont été conçues pour recevoir des sépultures individuelles.
La similitude entre les hypogées de la rue de León (pl. IV, 1-2), à la limite N du Puig des Molins et
ceux de Carthage est stricte. Mais ce n’est pas seulement l’architecture tombale ou le rite constaté
qui changent, c’est également la conception du mobilier funéraire qui se modifie.
16.M. J. Almagro (1980) assigne la trouvaille de cette pièce à l’île Plana. M. Font, dépourvue de références explicites
dans le Musée d’Ibiza, hésite entre plusieurs gisements insulaires, parmi lesquels, Puig des Molins et île Plana, sont
plus possibles que les autres mentionnés.
17.Le groupe de stèles-bétyle représenté dans cette planche provient d’une tombe à incinération primaire en fosse à
double canal de 47 rue Via Romana (Puig des Molins).
189
On a découvert d’autres sépultures en caveau latéral au fond d’un puits vertical, par exemple
à 47 rue Via Romana (à l’extrême NW de la même nécropole) où l’inhumé, à l’intérieur d’un
cercueil en bois (mis en évidence par les grappes en bronze), était accompagné d’une lampe montée
sur un plat, deux cruches Eb.16 et Eb.65, respectivement, deux ampoules Eb.12, deux d’amphores
miniaturisées T-1312, et un petit autel en grès local à corniches “égyptiennes” (pl. IV, 3).
Voilà donc l’exemple d’une composition la plus proche du célèbre mobilier carthaginois
du -VIe siècle ou, en général, archaïque tardif, décrit déjà par D. Anziani (Gauckler 1915 :
XXVI) : Le mobilier rituel est le même (au terrain Ancona) que dans les troisième et quatrième
régions de Dermech : une lampe sur sa patère, deux jarres ou amphores, deux oenochoés.
Quelquefois on trouve même une jarre supplémentaire.
Enfin, l’établissement du sanctuaire de l’île Plana, à peu près contemporain de la fondation
de la ville archaïque (début -VIe siècle), mais avec de la continuité jusqu’à la fin du -Ve et dont
on a parlé à propos des statuettes en terre cuite, peut, sûrement, être rattaché à la présence de
personnes ou, quand même, des cultes puniques d’origine centre méditerranéenne.
BILAN
On voit mal les positionnements extrémistes, qui tantôt élèvent de façon démesurée le
rôle de Carthage en Occident, tantôt le dénient et presque l’anéantissent. Mais qu’est-ce qu’on
peut déduire sur la base des données synthétisées ci-dessus ?
Pour ce qui concerne l’archéologie, les témoignages les plus anciens de la présence
carthaginoise dans l’extrême Occident remontent à un moment à peine postérieur au milieu du
-VIIIe siècle, sinon antérieur de peu.
À vrai dire, tous les contextes ou presque les plus anciennement identifiés pour le
moment en Occident ont livré du matériel dont la fabrication dans des ateliers carthaginois semble
incontestable. Il s’agit dans un premier moment presque exclusivement d’amphores T-3111, mais
(problème grave) on n’a pas de statistiques par rapport à d’autre matériel.
On a vu aussi au site de La Fonteta, à part les amphores commerciales, la variété d’autres
céramiques carthaginoises dans la phase II (c. -720-/670). Pour le -VIIe siècle, le pourcentage sur
le total d’amphores de sa Caleta, avec 5,54 % d’importations carthaginoises, ou de Los Toscanos,
avec 3,1 % est tout à fait significatif. À part les vases industriels cités, on trouve en Occident
d’autres formes vasculaires de la même origine.
Dans la première moitié du -VIe siècle, le flux de vases carthaginois en Occident continue,
on l’a bien vu dans le cas d’Ibiza, où l’on documente même des terres cuites (île Plana). Désormais,
au cours de la seconde moitié de ce siècle, les objets de la métropole africaine disparaissent presque
complètement de la scène occidentale, jusqu’au dernier quart ou tiers du -Ve siècle (Ramon 1995;
id. 2004).
Quant à l’adoption occidentale des formes carthaginisantes, il faut retenir ce qui suit :
D’un côté, en Andalousie, les centres phéniciens introduisent des formes sépulcrales
symptomatiques. Ce phénomène apparaît déjà dans la seconde moitié du -VIIe siècle avec les
tombeaux bâtis de Trayamar. Mais on constate ici un emprunt architectonique, et non rituel, dans
une première phase. Ce n’est que dans un second moment qu’on on y recourt à l’inhumation. Il est
possible de parler par conséquent d’une influence presque complète. En même temps on a observé
des reflets intéressants dans l’appareillage à blocs équarris de quelques tombes de Puente Noy.
Spécialement dès le -VIe siècle, les nécropoles de Jardín et celles de Gadir montrent un
emploi systématique de tombes construites avec des caisses rectangulaires en pierres équarries
au fond des fosses creusées dans les substrat naturel. Le type, encore d’usage à Carthage à la fin
de l’époque archaïque, avait une longue tradition, puisqu’on le connaît, au moins depuis la fin du
-VIIIe siècle (Chelbi 1985).
190
C’est évidemment un modèle d’architecture funéraire introduit de façon relativement
tardive dans le monde phénicien du midi de l’Espagne —où il a continué à être utilisé bien plus
longtemps qu’à Carthage— et sûrement aussi au Maroc. Où faut-il chercher l’inspiration ? Sans
aucun doute dans la cité d’Elisa, parce que ce type n’est connu ni en Sicile, ni en Sardaigne
puniques18.
Parallèlement, dans des villes importantes occidentales, comme Gadir, dès la fin du -VIe
siècle, on assiste à l’adoption d’autres manifestations carthaginisantes, c’est le cas des terres
cuites et de quelques céramiques.
Au -VIIe siècle Ibiza présentait encore un faciès phénicien typiquement occidental,
concrètement à sa Caleta, désormais avec une présence déjà significative d’un matériel carthaginois
principalement amphorique.
Ce même faciès occidental a pris forme dès le -VIe siècle dans la baie d’Ibiza, après
l’abandon de sa Caleta et la fondation d’une ville définitive (Ramon 1994). D’ailleurs, à côté d’objets
non carthaginois (types divers de tombeaux à incinération, formes céramiques occidentales, etc.)
on observe bientôt des éléments plutôt carthaginisants, comme les stèles-bétyle, quelques formes
céramiques et, surtout, des sanctuaires (île Plana) qui utilisaient des ex-votos connus seulement à
Carthage et à Motyé.
À la fin de ce siècle le processus de carthaginisation d’Ibiza atteint son acmé. En effet, les
formes céramiques insulaires imitent dans un pourcentage très haut, des prototypes carthaginois,
il en est de même des décors ; dans le même sens on introduit d’autres éléments caractéristiques,
comme des statuettes en terre cuite, des rasoirs, des autels à corniche égyptienne, etc. et on assiste
à la continuation du même type de culte à l’île Plana.
Dans le domaine funéraire, il n’y a pas que l’architecture qui a changé, avec l’apparition
des hypogées à puits vertical19 —rue de León, via Romana 47— et des fosses à ressauts latéraux
pour inhumations, bien plus, c’est la conception du mobilier funèbre, dont on a parlé ci-dessus
qui reflète l’assimilation des modes de Carthage.
D’ailleurs, on a laissé depuis longtemps ouverte la possibilité que le texte de Diodore
fasse référence à des évènements plutôt du -VIe siècle (Ramon 1981b), quand les trouvailles à la
ville d’Ibiza, spécialement au Puig des Molins et l’île Plana, entre les dernières décennies de ce
siècle et les premières du suivant —on l’a vu— montrent une carthaginisation spectaculaire dans
ses formes matérielles.
Finalement, quant aux sources littéraires, énumérées ci-dessus, il faut admettre qu’il
continue à être difficile d’ajouter quelque chose à tout ce qui a été déjà écrit.
On a recensé diverses traditions historiques avec des indices de participation, voire
d’intervention carthaginoise dans l’extrême occident archaïque, dont les récits de Justin, Athénée
et Vitruve, semblent concerner Carthage et Gadir, de façon directe et militaire.
Il était d’usage que l’histoire moderne les situe dans le -VIe siècle, certainement avec peu
de preuves solides, mais depuis quelques décades, on observe une certaine tendance contraire (par
ex., Wagner 1999 : 515-516), donc on a voulu nier la véracité de ces épisodes, même les déplacer
chronologiquement à l’époque de la Seconde Guerre Punique.
Toutefois, il serait moins logique d’établir une liaison entre ces faits et l’invention de
l’ariette à l’époque tardive plutôt qu’avec l’époque archaïque, ou lointaine, si on le veut. Par
conséquent, on continue sans d’ailleurs une raison valable de ne pas admettre la possibilité d’une
intervention militaire carthaginoise dans l’Atlantique, soit dans le but d’appuyer Gadir, soit, enfin,
pour agir contre la ville phénicienne.
18.Contrairement, il est bien documenté dans la voisine Utique (Cintas 1951 et 1954).
19. Ces hypogées rencontrent des parallèles dans la métropole africaine, où ce type de tombe côtoyait encore les fosses
à caisses en pierres, dont on a parlé à propos de leur introduction dans le secteur du détroit de Gibraltar et qu’on ne
connaît pas non plus à Ibiza.
191
L’autre réalité est que Carthage en l’an -480 avait des mercenaires ibères et elysiques. Là,
aucun savant moderne doute de la réalité historique. Par conséquent, il est difficile de nier que
Carthage à la fin de l’époque archaïque était en situation pratique d’avoir, en payant sûrement,
des ressources humaines de l’extrême occident méditerranéen. Enfin une structure politique et
économique sans aucun doute organisée antérieurement à cette date.
Quant au premier traité avec Rome, en l’an -509 ou avant, en dépit des interprétations
de Polybe, son transmetteur, il faut admettre la difficulté réelle à situer exactement le Kalon
akroterion et, par conséquent, le sens précis de la limite pour la navigation romaine.
Il faut observer que si la Mastia tarseion du second traité (-348) est à placer dans le SudEst ibérique, peut être il serait inexact d’affirmer —comme l’a fait presque tout le monde— que
dès le milieu du -IVe siècle Carthage a, finalement, étendu son contrôle sur la péninsule ibérique.
En fait, la nouvelle clausule pourrait avoir été tout simplement une perfection administrative dans
le sens d’assurer que Romains et alliés ne naviguaient pas vers l’Occident, ni en longeant la côte
africaine, ni à travers la route du nord.
Dans le groupe de textes anciens divers, les récits d’Hérodote à propos du commerce
muet ou l’histoire de la mystérieuse île atlantique, transmise par le Pseudo-Aristote et Diodore de
Sicile —que les chercheurs modernes interprètent comme une des Canaries ou Madeira (López
2000 : 67-71)— et aussi les périples d’Hannon et Himilcon et d’accord avec d’autres auteurs, soit
par les techniques employées, soit par leur même nature, soit enfin par leur probable relation avec
un moment de plénitude de la navigation étrusque (antérieure à la bataille de Cyme, le -474), ont
un goût d’archaïsme peu compatible avec des étapes historiquement consolidées et tardives.
En conclusion, on sait parfaitement qu’il n’existe pas une véritable histoire écrite conservée
des Carthaginois dans la péninsule ibérique et au-delà des Colonnes antérieure aux Guerres
Puniques. À plus forte raison il n’y a pas non plus une histoire véritablement carthaginoise. On
connaît depuis longtemps qu’il s’agit de références externes, même anecdotiques, dans l’intention
où elles ont été transmises, à propos du sujet qu’on essaie d’expliquer.
Par ailleurs, il ne faut pas tomber dans le simplisme et croire que l’on peut tout expliquer
et tout démontrer avec l’archéologie actuelle. On doit admettre finalement que dès le -IXe ou -VIIIe
siècle jusqu’à presque la fin de l’époque archaïque une grande et véritable histoire carthaginoise
s’est perdue.
Mais on a vu aussi que dès les moments les plus anciens de la colonisation phénicienne
de l’extrême Occident, y compris l’Atlantique, on a mis au jour du matériel d’importation
carthaginoise. Ces éléments, certainement, doivent d’être considérés dans un cadre plus vaste
d’importations, parmi lesquelles, les amphores tyrrhéniennes, les céramiques grecques diverses
et aussi des objectes phéniciens de l’Orient.
Il faudrait, donc, analyser ce spectre commercial, fixer les agents du transport et répondre
à tant d’autres questions. Mais il est déjà établi que Carthage, dès le début, avait en quelque sorte
un intérêt économique, non seulement dans la Méditerranée centrale, son circuit le plus direct,
mais aussi dans l’Occident.
Évidemment, c’est possible que dès ce moment la métropole ait organisé, pour son
propre compte ou en collaboration avec d’autres villes, des actions exploratrices, commerciales
ou fondatrices en Méditerranée occidentale et dans l’Atlantique, dont les récits comme ceux
d’Hérodote, ou des périples, parmi d’autres, pourraient en être les reflets, malheureusement, trop
transformés postérieurement.
Le -VIe siècle et spécialement la deuxième moitié, semble de toute façon une époque
critique dans la politique de Carthage. D’un côté les actions militaires et le premier traité avec
Rome ou avec les Etrusques, dont les implications pour l’Occident restent encore, quand même,
possibles.
192
En même temps, il faut tenir compte de la carthaginisation des formes observée dans le
monde phénicien occidental, mais peut être de façon non pas casuelle, spécialement dans des villes
importantes, comme Gadir et surtout Ibiza. Il en ressort, peut-être (mais difficile à expliquer) que
le possible arrêt parallèle des exportations de Carthage en Occident entre c. -550/-525 et -425
n’est pas accidentel non plus.
Il y a d’autres questions clés, par exemple, l’adoption occidentale de formes carthaginisantes
signifie t-elle la présence physique de Carthaginois ? Sûrement, non ou non pas nécessairement.
Si on analyse les grands tombeaux bâtis de Trayamar on constate que leurs destinataires initiaux
étaient en réalité des incinérateurs —bien au contraire qu’à Carthage— on a des arguments sérieux
pour douter qu’ils étaient des vrais Carthaginois. Et si on fait la même chose à propos des tombes
en caisses de pierres équarries de Gadir on observe la nulle présence de mobilier proprement dit,
on a aussi l’impression qu’on a emprunté seulement une partie de ces formes.
Il faut, par conséquent, éviter des conclusions précipitées dans un terrain si peu connu
jusqu’à présent. Désormais, c’est évident qui si les Phéniciens d’Occident ont adopté ces modes
d’inspiration carthaginoise, ils l’on fait pour des raisons importantes pour agir de cette façon-là.
C’est, sans aucun doute, la classe accommodée et surtout la classe oligarchique des villes
phéniciennes occidentales, celle qui a eu l’intérêt de s’apparenter à son homologue carthaginois,
signe évident des profonds rapports économiques, politiques et culturels soutenus —encore pour
délimiter—et preuve que Carthage, en fait, était le pouvoir principal.
Voilà, donc, une simple esquisse des complexes relations de Carthage et l’Occident
phénicien à l’époque archaïque, sur lesquelles on est encore loin d’avoir tout expliqué.
BIBLIOGRAPHIE
ALMAGRO, Mª J. (1980) : Corpus de las terracotas
de Ibiza. Bibliotheca Praehistórica Hispana,
XVI, Madrid.
AQUILUÉ, X. et al. (1999); Intervencions
arqueològiques a Sant Martí d’Empúries
(1994-1996). De l’assentament precolonial a
l’Empúries actual. Monografies emporitanes 9.
Museu d’Arqueologia de Catalunya. Empúries.
Girona.
ARTEAGA, O.; SCHULZ, H. D. (1997) : “El puerto
fenico de Toscanos”, Los fenicios en Málaga,
Universidad de Málaga (M. E. Aubet, coord.)
Thema : 87-154.
BARRECA, F. (1965) : “L’acropoli ”. Monte Sirai,
II, Roma : 36-62.
BELÉN, Mª (1986) : “Importaciones fenicias
en Andalucía occidental” Los fenicios en la
Península Ibérica (DEL OLMO, G. y Mª. E.
AUBET, edits.), vol. II, Edit. Ausa, Sabadell :
263-278.
BELÉN, Mª (1993) : “Mil años de historia de Coria
: la ciudad prerromana”, Aut. var. : Arqueología
de Coria del Río y su entorno. Azotea 11-12 :
35-61.
CHELBI, F. (1985) : “Carthage. Découverte d’un
tombeau archaïque à Junon”. Revue des Etudes
Phénico-Puniques et Antiquités Libyques, 1,
Tunis : 95-117.
CIASCA, A.; TOTI M. P. (1994) : Scavi a Mozia. Le
terrecotte figurate, Collezione di Studi Fenici,
33. Roma.
CINTAS, P. (1950). Céramique punique, Tunis.
CINTAS, P. (1951) : “Deux campagnes de fouilles à
Utique”. Carthago II : 1-88.
CINTAS, P. (1954) : “Nouvelles recherches à
Utique”. Carthago V : 89-154.
CINTAS, P. (1970) : Manuel d’Archéologie punique,
I, Paris.
CORZO, R. (1999) : Venus marina gaditana,
Colección Literária 21, Sevilla.
COSTA, B.; FERNÁNDEZ, J.-H.; GÓMEZ, C.
(1991) : “Ibiza fenicia : la primera fase de la
colonización de la isla (siglos VII y VI a.C.).
II Congresso Internazionale di Studi Fenici e
Punici, Roma : 759-796.
DELATTRE, R.-P. (1897) : “La nécropole punique
de Douïmès (à Carthage), Fouilles de 18951896”, Mémoires de la Société Nationale des
193
Antiquaires de France, LVI (extr.), Paris :
1-147.
DESANGES, J. (1978) : Recherches sur l’activité
des Méditerranéens aux confins de l’Afrique,
col. École Française de Rome, 38. Rome.
DOCTER, R. F. (1994) : “Kartagische Amphoren
aus Toscanos”, Madrider Mitteilungen 35,
Mainz : 123-140.
FERRER, E. (1995-1996) : “Anotaciones sobre el
taller cerámico de Gadir”, Boletín del Museo de
Cádiz, VII, Delegación Provincial de la Junta
de Andalucía, Consejería de Cultura, en Cádiz
: 63-76.
GAUCKLER, P. (1915) : Nécropoles puniques de
Carthage, 2 vol. Paris.
GÓMEZ, C. (1984) : La necrópolis del Puig des
Molins (Ibiza). Campaña de 1946. Excavaciones
Arqueológicas en España, 132, Madrid.
GÓMEZ, C. (1990) : La colonización fenicia de la
isla de Ibiza. Excavaciones Arqueológicas en
España, 157, Madrid.
GÓMEZ, C. (2000) : “La cerámica fenicia de
Ibiza”. La ceramica Fenicia di Sardegna :
Dati, Problematiche, Confronti (Bartoloni, P.;
Campanella, L., edits.), Atti del Primo Congresso
Archeologico Sulcitano (S. Antioco, 19-21
settembre 1997), Collezione de Studi Fenici, 40.
Roma : 175-191.
GONZALEZ DE CANALES, F.; SERRANO, L.;
LLOMPART, J. (2004) : El emporio precolonial
de Huelva (ca. 900-770 a.C.). Biblioteca Nueva.
Madrid.
GONZÁLEZ, A.; RUÍZ, E.; GARCÍA, A. (1999)
: “La Fonteta, 1997. Memoria preliminar de la
segunda campaña de excavaciones ordinarias
en la ciudad fenicia de la desembocadura del río
Segura, Guardamar (Alicante)”, La cerámica
fenicia de occidente. Centros de producción
y áreas de comercio, actas del I Seminario
Internacional Sobre Temas Fenicios (Guardamar
del Segura, 21-24 nov. 1997). Alicante : 257301.
GRACIA, F. (2000) : “El comercio arcaico en
el nordeste de la península Ibérica. Estado
de la cuestión y perspectivas”. Ceràmiques
jònies d’època arcaica : centres de producció
i comercialització al Mediterrani Occidental.
Actes de la taula Rodona celebrada a Empúries
(26-28 de maig de 1999) Monografies
emporitanes 11. Museu d’Arqueologia de
Catalunya. Empúries. Barcelona : 257-276.
HARDEN, D. B. (1937) : “The Pottery from the
Precinct of Tanit at Salammbô”, Iraq 4 : 59-89.
LANCEL, S. (1992) : Carthage. Librairie Arthème
Fayard. Paris.
LÓPEZ, F. (2000) : El empeño de Heracles (La
exploración del Atlántico en la Antigüedad,
Arco / Libros SL. Madrid.
MAASS-LINDEMANN, G. (1995) : “La necrópolis
de Jardín (II. Catálogo y III. Materiales)”,
Cuadernos de Arqueología Mediterránea
(Publicaciones del Laboratorio de Arqueología
de la Universidad Pompeu Fabra de Barcelona)
1, Ed. Ausa, Sabadell : 217-238.
MAASS-LINDEMANN, G. (1999) : “La cerámica
de las primeras fases de la colonización fenicia
en España”, actas del I Seminario Internacional
Sobre Temas Fenicios (Guardamar del Segura,
21-24 nov. 1997). Alicante : 129-148.
MARTÍN, J. A. (1995) : Catálogo documental de
los fenicios en Andalucía, Junta de Andalucía,
Consejería de Cultura.
MASCORT, Mª T.; SANMARTÍ, J.; SANTACANA,
J. (1991) : El Jaciment protohistòric d’Aldovesta
(Benifallet) i el comerç fenici arcaic a la
Catalunya meridional. Publicacions de la
Diputació de Tarragona, Tarragona.
MEDAS, S. (2000) : La marineria cartaginese.
Le navi, gli uomini, la navigazione. Sardegna
Archeologica. Scavi e Recerche 2, Carlo Delfino,
ed., Sassari.
MELTZER, O. (1879) : Geschichte der Karthager,
vol. I. Berlin.
MOLINA, F.; HUERTAS, C. (1985) : Almuñecar en
la antigüedad. La necrópolis fenicio-púnica de
Puente de Noy II, Granada.
MOSCATI, S. (1972) : I fenici e Cartagini, Torino.
MUÑOZ, A. (1983-1984) : “Aportaciones al estudio
de las tumbas de sillería prerromanas de Cádiz”,
Boletín del Museo de Cádiz, IV. Cádiz : 47-54.
PERDIGONES, L.; MUÑOZ, A.; PISANO, G.
(1990) : La necrópolis fenicio-púnica de Cádiz.
Siglos VI-IV a. de C. (Studia Punica, 7), Roma.
PICARD, C. G. (1967) : Sacra punica. Étude sur
les masques et rasoirs de Carthage, Karthago.
Revue d’Archéologie Africaine, XIII. Paris.
194
RAMÍREZ, J.-R.; MATEOS, V (1985) : “La
arqueología subacuatica en la bahía de Cádiz”,
VI Congreso Internacional de Arqueología
Submarina, Cartagena 1982, Madrid : 75-81.
RAMON, J. (1978) : “Necròpolis des Puig des
Molins : solar núm. 40 del carrer de la Via
Romana de la ciutat d’Eivissa”, Fonaments 1,
Barcelona : 65-83.
RAMON, J. (1981a) : “Algunas cerámicas ebusitanas
arcaicas del Puig des Molins y su conexión con
las formas púnicas del Mediterráneo central”.
Informació Arqueològica, 36-37, Barcelona, p
162-170.
RAMON, J. (1981b) : “Sobre els orígens de la
colònia fenícia d’Eivissa”, Eivissa, 3ª èp. 12,
Eivissa.
RAMON, J. (1982) : “Cuestiones de comercio
arcaico : “frascos de aceite perfumado en el
Mediterráneo central y occidental”. Ampurias,
44, Barcelona : 17-41.
RAMON, J. (1986) : “Exportación en occidente
de un tipo ovoide de ánfora fenicio-púnica de
época arcaica”. Cuadernos de Prehistoria y
Arqueología Castellonenses 12, Castellón : 97122.
RAMON, J. (1994) : “El nacimiento de la ciudad
fenicia de la bahía de Ibiza”. Coloquios de
Cartagena I : El Mundo Púnico. Historia,
Sociedad y Cultura (Cartagena, nov. 1990),
Biblioteca Básica Murciana, Extra 4, Murcia :
325-368.
RAMON, J. (1994-1996) : “Las relaciones de
Eivissa en época fenicia con las comunidades
del bronce final y hierro antiguo de Catalunya”,
Models d’ocupació, transformació i explotació
del territori entre el 1600 i el 500 A.N.E a la
Catalunya Meridional i zones limítrofes de la
depressió de l’Ebre (ROVIRA, J. ed.), Gala 3-5,
S. Feliu de Codines : 399-422.
RAMON, J. (1995) : Las ánforas fenicio-púnicas del
Mediterráneo Central y Occidental. Instrumenta
2, Universitat de Barcelona, Publicacions,
Barcelona.
RAMON, J. (1996) : “Puig des Molins (Eivissa).
El límite NW de la necrópolis fenicio-púnica”.
Pyrenae 27 (2a. ep.), Dep. de Prehistòria,
Història Antiga i Arqueologia, Universitat de
Barcelona, Publicacions, Barcelona : 53-82.
RAMON, J. (1998) : “Un plato cartaginés con
engobe rojo de la Penya Negra (Alacant)”,
Veröff. Joachim Jungius-Ges.Wiss. Hamburg,
87, S : 573-586.
RAMON, J. (1999) : “La cerámica fenicia a torno
de sa Caleta”, La cerámica fenicia de occidente.
Centros de producción y áreas de comercio,
actas del I Seminario Internacional Sobre Temas
Fenicios (Guardamar del Segura, 21-24 nov.
1997). Alicante : 149-214.
RAMON, J. (2000) : “Ánforas fenicias en el
Mediterráneo Central : nuevos datos, nuevas
perspectivas”. La ceramica Fenicia di Sardegna
: Dati, Problematiche, Confronti (Bartoloni, P.;
Campanella, L., edits.), Atti del Primo Congresso
Archeologico Sulcitano (S. Antioco, 19-21
settembre 1997), Collezione de Studi Fenici, 40,
Roma : 277-292.
RAMON, J (2004): “Les àmfores d’importació
a l’Eivissa feniciopúnica (s. -VII/-IV)”,
SANMARTÍ, J. et al. (Editors Científics) La
circulació d’àmfores al Mediterrani occidental
durant la protohistòria (segles VIII-III aC):
aspectes quantitatius i anàlisi de continguts (II
Reunió Internacional d’Arqueologia de Calafell
21-23 de març 2002). Arqueo Mediterrània 8,
Treballs de l’Àrea d’Arqueologia. Universitat
de Barcelona. Barcelona: 265-282.
RODERO, A. (1980) : Colección de cerámica
púnica de Ibiza. Museo Arqueológico Nacional
5, Madrid.
ROMÁN, C. (1913) : Antigüedades ebusitanas,
Barcelona 1913.
RUFETE, P (2002) : El final de Tartessos y el periodo
turdetano en Huelva. Huelva Arqueológica 17.
Huelva.
RUÍZ, D.; PÉREZ, C. (1995) : El poblado fenicio
del Castillo de Doña Blanca (El Puerto de Santa
María, Cádiz), Biblioteca de Temas Portuenses
5, El Puerto de Santa María.
SCHUBART, H. (1995) : “La necrópolis de Jardín.
(I. Informe de las excavaciones en la necrópolis
de Jardín —Vélez-Málaga, Málaga)”, Cuadernos
de Arqueología Mediterránea (Publicaciones del
Laboratorio de Arqueología de la Universidad
Pompeu Fabra de Barcelona) 1, Ed. Ausa,
Sabadell : 57-64.
SCHUBART, H. ; NIEMEYER, H.-G. (1976) :
195
Trayamar. Los hipogeos fenicios y el asentamiento
en la desembocadura del río Algarrobo.
Excavaciones Arqueológicas en España 90,
Madrid.
SCHULTEN, A. (1924) : Tartessos. Madrid
SCHULTEN, A. (1928) : “The Carthaginians
in Spain”, en Cook, S.A., Adcock, F.E. y
Charlesworth, M.P. (eds.), Cambridge Ancient
History, vol. VII, The Hellenistic Monarchies
and the Rise of Rome: 769-772.
TARRADELL, M. (1974) : “Ibiza púnica : algunos
problemas actuales”, VI Simposium Internacional
de Prehistoria Peninsular, Barcelona : 243-267.
TARRADELL, M.; FONT, M. (1975) : Eivissa
Cartaginesa. Curial, Barcelona.
VEGAS, M. (1990) : “Archaische Töpferöfen
in Karthago”. Mitteilungen des Deutschen
Archeologischen Instituts Roemische Abteilung
97, Mainz am Rhein : 209-259.
VUILLEMOT, G. (1965) : Reconnaissances aux
échelles puniques d’Oranie, Autun.
WAGNER, C. G. (1999) : “Fenicios y púnicos en el
norte de África y en el Mediterráneo occidental”.
Blázquez, J.-M.; Alvar, J.; Wagner, C.-G. :
Fenicios y cartagineses en el Mediterráneo.
Cátedra. Historia. Serie Menor. Madrid : 449654.
196

Documents pareils