Quand avez-vous eu l `idée de ce film ? C`est en m`interessant à la

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Quand avez-vous eu l `idée de ce film ? C`est en m`interessant à la
Interview © d'Olivier Delcourt :
Film " David Sea Code"
Quand avez-vous eu l 'idée de ce film ?
C'est en m'interessant à la région d'Upper Canada et Kingston lorsque je préparais mon plan
d'immigrant d'affaires.
Quand avez-vous eu l'idée de cette histoire?
J'ai toujours été un passeur de frontière, souvent à cheval sur les frontières, pour aider d'autres à
passer ...
Le passé de Kingston était si incroyable, qu'avant de nous y installer, les vieilles pierres me faisaient
déjà rêver. C'était devenu « la frontière » à voir, à vivre absolument. Puis j'ai pu me documenter via
Internet sur le fort Frontenac, et ces celèbres habitants venus de France au XVII ° siecle. Cavelier
de Lasalle, Madeleine de Roybon, fille du Roy, et les relations avec les Amerindiens, les Hurons..
Le travail d'historienne de Madame Evelyne Voldeng historienne canadienne d'origine française
m'a beaucoup aidé à plonger dans ce temps formidable. La lettre de Madame Adrienne Leduc
auteur et historienne, à Cavelier de Lasalle mort depuis plus de 300 ans aussi m'a soulevé
d'émotion.
Et enfin j'ai découvert plusieurs manuscrits importants , en vente aux USA, concernant directement la vie de
Madeleine et Cavelier , cela m'a réellement soulevé d'enthousiasme . L'un de ces précieux documents est désormais
la propriété du Fort Frontenac. C'est une réelle satisfaction pour moi et toute l'équipe du film, comme quoi une
fiction peut apporter sa pierre à l'histoire et aider à rendre vivante une période formidable de notre passé commun.
?
Même si je m'appuis sur certains personnages historiques, je déforme l'Histoire. Mais j'ai voulu
au depart faire un pari :
créer un film de fiction complet avec des outils simples, disponibles dans un magasin bazar, et
un appareil photo que tout le monde a dans la poche aujourd'hui, avec des logiciels gratuits offerts
dans tous les pc actuels.
Pourquoi ce format si petit ?
Ce pari était facile, habitué à être un Mike Giver... et aimant bricoler à partir de rien.. par amour de
l'économie de moyens, et pour montrer à des élèves débutants qu'ils n'ont pas besoin d'outils
ruineux pour commencer à apprendre la création en cinéma, le montage et approfondir les
domaines de l''imagination et apprendre à gérer des domaines complexes à partir d'une idée de
film jusqu'à sa réalisation sans se noyer dans les millions de détails techniques modernes ou les
etudiants oublient de faire marcher leur imagination.
Ceci dit , j'ai plusieurs choses à dire concernant le « pourquoi » :
Quand on immigre, on a besoin de garder des traces de cette période si particulière de la vie
surtout pour l 'enfant de 9 ans , notre fils, qui va devoir faire de nouvelles racines ici, et va avoir du
mal à garder celles du passé... et ausi créer une tradition, garder le souvenir du "passage",
immortaliser cette période, surmonter le choc psychologique évident, même quand pour des
personnes qui passent d'un pays occidental à un autre pays occidental...
Vivre un film avec certains membres de la famille était alors un dérivatif, un moyen de souffler et
aussi un moyen d'intégration:
montrer au Canada notre amour de leur histoire, plonger dans le passé et s'y perdre un peu, vivre
aussi une autre vie , un peu par procuration... riche de pages de l'histoire française, et de la
« Nouvelle France ».
Bref, partir dans un monde fascinant dont, je dois l'avouer, il m'est parfois difficile de m'extraire ,
d'en revenir...
Mais je dois ajouter plusieurs détails un peu troublants .
J'ai construit progressivement le scènario, et le livre, où beaucoup d'éléments de Kingston m'ont
inspiré. Forts , remparts, ruelles, monuments, chateaux d'eau... et je me suis laissé entrainer dans
un monde étrange. Car les evènements du film sont construits sur une hypothèse assez troublante :
« et si Marie Claude, mon épouse était en train de vivre la suite de l''expérience de la Madeleine du
passé... , et si ces évenements réels étaient prévus d'avance, et si au fond ... cette femme, et mon
Pourquoi avoir choisi ce sujet si étrange
épouse avaient un lien, non de réincarnation, auquel je ne crois pas, mais un lien comme un
cheminement sur les traces de cette femme, fiancée du commandant du Fort de Frontenac ( elle a
vu si rapidement ses projets d'affaires brûlés et bouleversés, son fiancé assassiné, et sa vie repliée
à Montréal, sans pouvoir revenir sur ses terres, reconstruire son business... de commerce de
fourrure et d'agriculture.) » Et si le passé, le film et le présent se rencontraient, et si le cauchemard
devenait réalité...
Malgré ses démarches en France, où Madeleine rentra avec audace, pour plaider sa cause auprés de
Louis XIV, pour retrouver sa seigneurie perdue, ses efforts ne servirent à rien. Son courage, sa
générosité, son tempéremment m'ont boulversé. J'y retrouvais totalement mon épouse, et les
transferts se mirent à jouer : je devins « le mari » "absent" dans le scenario, plus facile pour gérer le
tournage et forcément j'étais "parti" au Texas , puisque c'est le lieu ultime de la vie de l'explorateur,
au Texas, donc j'étais dans le pétrole et surtout un papa de David, le jeune héros, assez absent loin
d'un fils qui fait forcément quelques bêtises magistrales...
Les aliens furent introduits dans le scenario quand j'ai vu mon fils sous les chateaux d'eau de la
ville, tels des soucoupes immobilisées, et ces visiteurs furent bien utiles pour faire revenir
Madeleine du passé.
Mais consciement j'ai voulu replacer Madeleine de Roybon d'Alonne dans le monde de
Katarakoui. L'idée d'une prophétie perdue permettait d'offrir un lien entre les Hurons qui perdirent
la terre ou plutot l''utilisation libre et modérée du sol, et la réalité d'aujourd'hui, conflictuelle
parfois... A qui appartiennent les ressources et qu'allons nous en faire...? Là-dessus le monde
moderne , même ici, répond en épuisant la terre, et certains Natives pensent à la fin réelle de cet
empire destructeur. Ce fut un bonheur aussi de reconstruire le Fort de Frontenac pour les besoins du
film, tel qu'il pouvait être en 1689, et aussi de marcher tous les jours sur les lieux que Madeleine a
fréquentés, le bord du lac qu'elle a si souvent longé.
Les aliens introduits dans le récit ne sont les alliés de personne, juste que leur volonté de figer
chimiquement notre monde petrolier est une solution "écolo" mais en même temps trés violente,
puisque personne n'est préparé à la fin totale de cette énergie facile...
Mais à la réflexion, cette stratégie de sabotage des aliens freine la voracité industrielle, nos
guerres du pétrole, nos géoplitiques diaboliques...?
Les aliens sont presque dans le vrai...
L'idée de mettre notre avenir dans les mains d'un enfant solitaire, un petit David face aux Goliaths
du monde occidental me plaisait beaucoup. Et cette Madeleine qui n'a pas eu d'enfant , cela me
plaisait d'être quelquepart le père d'un tel garçon et donc le Cavelier de l' Histoire, qui fut un héros
peut être trop exhalté , parlant sans cesse de la Chine mythique plus que de la Nouvelle France.
On a tous nos obsessions, lui me parassait atypique, facile à rejoindre dans son délire de trouver
le chemin de la Chine en trouvant le fleuve qui devait être plus vers l'ouest, erreur qui l'a perdu...
Cette histoire est-ce un peu une face cachée de votre vie ?
Sur un divan, oui, il devient un peu le miroir de mes rêves engloutis, des desillusions du monde et
de l' 'acceptation de passer à mon dernier fils le relais d'une passion , d'accepter un peu plus notre
propre finitude, nos limites, la fin, la mort, en peignant avec les cendres d'une histoire d'amour
exténuée une « belle fin », faisant "la nique à la mort"... en donnant un fils-héros au pays et au
peuple canadien qui m'a accuilli si manifiquement un salut reconnaissant. Comme un personnage
qui réconcilie des siècles d'histoire, des tribus et des civilisations antagonistes,
Madeleine est venue ici dans une époque troublée en France par les persécutions religieuses contre
les Protestants.
Elle a ici souffert d'isolement, et prise dans la tourmente de la revanche des Indiens suite à des
massacres faits par les Français, elle était une femme noble dans un monde d'hommes rudes. Puis
elle a souffert de la réorganisation cruelle et rapide du commerce de la fourrure . Ce monde ouvert
et cruel me convenait bien.
J'avais aussi envie de recréer un Kingston qui fut lié aux Natives - Autochtones, et aussi aux
« Habitants » installés le long du fleuve saint Laurent, venus de France, et dire merci à cette ville
de Kingston, si douce, pleine de gens si enracinés eux aussi. Je voulais construire un thème
avec plusieurs niveaux, car je n'aime pas trop les mondes naïfs, ils sonts faussement naïfs en
général...Ils sont faits pour que les peuples abandonnent leur auto-détermination, leur esprit
critique et laissent les « milieux autorisés », experts de la guerre et de l'économie les presser
comme des citrons... L'écriture du film a été assez complexe à organiser à ce niveau là...Il fallait
faire sobre, allusif, vu l'économie de moyens, pour en rester à nos deux personnages principaux.
C'est pour cela que l'enfant est à la fois l'auteur d'une catastrophe et le sauveur de son pays...du
moins pour un temps...
Les acteurs vous ont-ils reproché de tourner dans des températures glaciales ?
Oui, il a fallu jongler avec la météo, les stress, et la glace du lac...Mais les acteurs ont été adorables
et souvent très inventifs... J'ai reçu aussi de l'aide de passionnés de musique, de spécialiste du
langage de la Nouvelle France afin d'avoir une Madeleine plus crédible.
Ce film n'est-il pas aussi l'oeuvre d'un immigrant arrivant enfin sur une terre loin de ses
drames?
Oui, totalement, en venant ici, j'ai eu d'abord l'impression que je n'y arriverais jamais, et j'ai eu
l'impression de m'effondrer en touchant la rive... Emotions fortes et soulagements. Questions
d'âge peut-être, mais pas seulement, il valait mieux arriver ici avant les crises économiques entre
autres...
J'ai eu aussi envie, dans ce film, de poser ma pierre (...tombale ?) entre ces racines, à la frontière de
l'histoire de France, qui fut ici définitivement en échec... et qui au travers de cette prophétie
perdue, rebondit ...comme si, la France pouvait encore faire rayonner aujourd'hui encore ses idées
de justice, de liberté, de passions pour l'égalité, avec ces nouveaux immigrants pas forcément
sensibilisés au passé d'une certaine francophonie historique, mais immigrants sensibles à la
France d'aujourd'hui, en quête d'identité, pleine de peurs, de douleurs, et de doutes et sans illusions,
rêvant de son passé aussi violent que prestigieux, et ayant du mal à admettre que le monde à
changé...Et aussi que l'on est tous « entre gris clair et gris foncé »...
Juste un mot sur l 'enlèvement de l 'enfant à la fin du film, j'ai trouvé que je ne pouvais pas faire un
remake d'E.T , avec une fin heureuse, et que cet enfant avait forcément plus que du mal à revenir
à la maison...
Et aussi pour laisser la porte ouverte à une suite du film, éventuelle... il le fallait...
Un autre rêve pour moi serait de voir naître bientôt à Kingston un musée consacré à cette femme
pionnière française exceptionnelle.
Olivier Delcourt

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