Violences à Nyon, la parole aux requérants

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Violences à Nyon, la parole aux requérants
Violences à Nyon, la parole aux
requérants
Débat à propos de l’altercation à Nyon.
Photo: Gervais NJIONGO DONGMO
Une altercation s’est produite le mardi 4 janvier entre les requérants de
l’abri PC (Protection Civile) de Nyon faisant un blessé. La police, venue
en nombre, a été la cible de jets de pierres et d’extincteurs. Un
rédacteur de Voix d’Exils s’est rendu sur place et revient sur ces
événements à travers les témoignages des requérants.
Ce mercredi 5 janvier, le ciel est très couvert sur Nyon et le
thermomètre affiche des températures négatives au lendemain d’une
sanglante bagarre qui s’est déroulée dans l’abri PC où séjournent des
requérants d’asile. Des requérants qui n’ont jamais suscité autant
d’intérêt auprès de la population, des autorités et des médias. Si
certains pensent que les catastrophes sont les fêtes des pauvres alors
ils ont trouvé, peut être, la formule idéale. A notre arrivée, l’entrée
de l’abri PC, qui abrite le centre nyonnais, ressemble à l’entrée du
tombeau de Jésus de Nazareth – pour ceux qui ont vu le film – ou
simplement à un tunnel. Les requérants du lieu prennent l’air en petits
groupes aux alentours et sont sollicités par des journalistes de
télévisions, de radios et de journaux, pour témoigner de la nuit agitée
qui a secoué le centre. Tous parlent de l’argent qui à disparu du casier
d’un résident et de la situation qui s’est très vite envenimée : des
Nigérians ont accusé un Algérien du vol. Ils se sont dirigés vers sa
chambre, et c’est alors que le surveillant du foyer a tenté de les
repousser. Au cours de la bousculade, un des protagonistes a planté a
plusieurs reprises un couteau dans la cuisse gauche de l’Algérien. S’en
est suivi une bagarre générale impliquant environ 90 résidents sur les
130 qui habitent dans le centre. Alertée, la police a identifié l’auteur
des coups de couteau mais, lorsqu’elle a voulu l’emmener, ses camarades
ont fait bloc pour le défendre en lançant des pierres et des extincteurs
sur les agents. L’affrontement a fait trois blessés chez les policiers.
Le ras le bol des noirs Africains
Pour comprendre ces violences, nous avons choisi de donner la parole aux
résidents. Un requérant Ghanéen, au centre depuis cinq mois, confie :
« Nous n’avons pas de problèmes avec la population, ni avec le personnel
de l’EVAM (Etablissement Vaudois d’accueil des Migrants), mais nous en
avons avec les agents de la sécurité présents dans le centre 24 heures
sur 24. Ils sont partiaux dans leur travail et ils écrivent des rapports
arbitraires. Quant à la police, lorsqu’il y a un problème entre les
requérants noirs Africains et les autres, les noirs sont coupables
d’avance ! » Les requérants de l’abri PC de Nyon pointent du doigt les
agents de sécurité et s’interrogent sur la formation des policiers :
« Sont-ils formés pour éviter les réflexes xénophobes ? ». Echaudés, les
requérants font la liste de leurs griefs : « les dérapages à
répétitions », « les investigations intempestives » « l’amalgame entre
Africains et dealers, Africains et violences ». Tous demandent un
traitement équitable.
Un requérant Nigérian, au centre depuis quatre mois, demande à être
entendu. Il a la voix grave, la respiration saccadée: « La fois dernière,
lors d’une de leurs multiples visites ici, les policiers ont vu un noir
assis à l’extérieur. Ils ont exigé de lui qu’il rentre. Mais il a
répliqué qu’il se sentait mieux dehors. Alors les policiers l’ont
brutalement jeté dans la neige. C’était horrible ! C’est vrai qu’il y a
du trafic de drogue, mais nous ne sommes pas tous des dealers et nous
aimerions être traités avec humanité ». A ces propos, un Monsieur de
couleur blanche à la barbe grisonnante secoue la tête comme pour
reconnaître les souffrances de ses compagnons de misères.
Les acteurs de l’ombre
Des membres de l’Association EDEA (Europe Development Entertainment
Association), constituée en majorité de Nigérians bien intégrés
socialement et professionnellement, est également sur place ce mercredi 5
janvier. Ils ont pour but de porter une aide concrète et un enseignement
aux immigrés en détresse, délaissés, et surtout à ceux en contact avec le
milieu de la drogue ou de la prostitution. Vêtus de tee-shirt jaunes, ils
discutent avec les requérants Nigérians et tentent ensemble de trouver
une solution. C’est ainsi que la colère redescend d’un cran. Vincent
Ofamchiks, président de l’association, tient aussi à témoigner: «Il
ressort que le vol est une réalité dans cette histoire, mais les
Africains ont l’impression que la police s’acharne sur les requérants
noirs et ne fait pas la différence entre ce problème de vol et les
problèmes de drogue. Je les encourage à dialoguer et non a recourir à la
violence afin d’éviter la récidive ».
Un membre de l’association EDEA devant
l’entrée de l’abri de Nyon.
L’EDEA a conclu un contrat avec la Municipalité de Nyon, afin d’exercer
ses activités au sein de l’abri PC de Nyon, qui a supplanté celui conclu
avec l’EVAM qui est arrivé à terme le 31 décembre dernier. Maintenant,
l’association compte rencontrer la Municipalité pour lui faire part des
ressentiments des requérants. Néanmoins, Vincent Ofamchiks fait aussi
passer ce message auprès des requérants : « Les Nigérians doivent
s’intégrer, notamment en apprenant le français. Celui qui ne fait pas cet
effort, n’a pas sa place en Suisse. Notre Association propose des places
de bénévoles dans des magasins africains et des rôles d’acteur dans des
films ».
Reprise des renvois à destination du Nigéria en vue
Le Nigéria, ce géant africain présidé depuis février dernier par Jonathan
Goodluck, a du pain sur la planche avec la gestion de la crise dans le
Delta du Niger et les affrontements ethniques et religieux. De plus, le
pays semble avoir perdu sa couronne en Suisse et en Europe, où ses
ressortissants sont considérés comme des dealers. Sans oublier le décès
d’un requérant Nigérian le 17 mars 2010 à l’aéroport de Zurich Kloten. Ce
drame a entraîné un blocus des opérations de rapatriements. Aujourd’hui,
malgré le laxisme des autorités nigérianes, il semblerait que des vols de
retour soient en train de s’organiser, ce qui pourrait constituer une
source de tension supplémentaire selon certains requérants de l’abri PC
de Nyon.
La fermeture de l’abri PC de Nyon est-elle vraiment imminente ?
Prévu comme une solution provisoire, l’abri PC nyonnais accueille
actuellement quelques 130 âmes. 354 résidents y ont transités depuis son
ouverture le 16 février 2009. Des résidents qui affichent toujours le
même profil : des hommes seuls en bonne santé physique et psychique, en
dépit de la fragilité de certains. Des hommes qui vivent une jeunesse
sans perspective professionnelle et qui seront refoulés, le moment venu,
comme une balle de ping-pong dans leur premier pays de transit, pour les
cas Dublin, et dans leur pays d’origine pour les déboutés. L’essentiel
restant, selon les personnes que nous avons rencontré, que malgré tous
les problèmes évoqués précédemment, la cohabitation avec la population
nyonnsaise reste bonne.
Gervais NJIONGO DONGMO
Membre de la rédaction de Voix d’Exils
« En Irak, nous sommes devenus des
cibles faciles »
Beyrouth, hommage rendu aux victimes de
l’attentat de Bagdad du 31 octobre 2010
L’attentat qui a eu lieu le 31 octobre dernier dans la cathédrale de Bagdad, revendiqué par
Al-Qaida, puis la vague d’attentats qui a suivi en décembre dans la capitale, ont mis en
lumière le sort que les Irakiens de confession chrétienne subissent depuis la chute du régime
de Saddam Hussein. Les menaces et les graves violences à leur encontre les poussent sur les
chemins de l’exil. Youssef
[1],
Najat et Maureen, trois réfugiés, ont acceptés de nous
livrer leurs témoignages sur les raisons qui les ont amenés à venir se réfugier au Liban et
leurs espoirs pour l’avenir.
Les Chrétiens d’Irak : deux mille ans d’histoire
Les Chrétiens d’Irak auront passé un Noël 2010 marqué par le deuil et le souvenir de deux
prêtres et des 50 membres de leur église disparus dans l’attentat du 31 octobre dernier dans
la cathédrale du centre de Bagdad. L’explosion, déclenchée par trois islamistes radicaux
relevait d’un acte de violence sciemment perpétré à l’encontre d’une communauté religieuse
spécifique. En ce sens, il était clairement antichrétien. Si ce type d’information est passé
au second plan par le passé, cet attentat n’est cependant pas le premier en son genre à venir
noircir les colonnes de la presse. Le 1er août 2004, déjà, 5 églises faisaient l’objet
d’attaques quasi simultanées dans les villes de Bagdad et Mossoul, tuant 12 chrétiens
assyriens. Le 9 octobre 2006, un prêtre officiant à Mossoul était enlevé, puis deux jours
plus tard décapité, et un adolescent de 14 ans était retrouvé crucifié quelques jours plus
tôt dans la région. Selon l’œuvre d’Orient, 40 églises ont été attaquées en Irak entre juin
2004 et juin 2007. En
novembre 2008, une campagne antichrétienne, lancée à Mossoul, a poussé
près de 3’000 membres de cette communauté à fuir le pays.
Les menaces, les violences et les attaques armées à l’encontre de chrétiens, régulières et
amplifiées depuis 2004, ont poussés des centaines de milliers d’Irakiens chrétiens sur le
chemin de l’exil. En 2000, ils étaient près de 860’000 en Irak, soit un peu moins de 2% de la
population. Leur nombre a drastiquement baissé depuis, et ils seraient moins de 450’000 de
nos jours, répartis principalement dans les régions du Nord (Kurdistan irakien). Bien qu’ils
représentent une minorité, les chrétiens font partie du paysage irakien depuis près de 2000
ans. Comme le rappelait Gérard-François Dumont, de nombreuses sources concordent pour dire
que les communautés chrétiennes chaldéennes et assyriennes, les deux plus importantes en
Irak, auraient été évangélisées par St-Thomas dès le Ier siècle. Les discordes avec Rome, et
les flux migratoires, ont engendré de nouvelles églises chrétiennes, telles que les églises
grecs orthodoxes et protestantes. Aujourd’hui, l’Irak n’en compte pas moins de 12
différentes, ce qui exclut d’emblée l’homogénéité de cette communauté historique autochtone.
La naissance de l’Islam au VIIème siècle n’a pas ébranlé ce paradigme. De fait, qu’elles
soient chrétienne ou musulmane (chiite, sunnite et alevis), les nombreuses communautés en
Irak y cohabitent depuis des siècles plus ou moins pacifiquement selon les époques. Aussi,
s’il
paraît à ce stade quelque peu déplacé de les interroger sur leur intégration dans la
société irakienne, d’emblée eux-mêmes se définissent comme une communauté « connue pour la
paix et son ouverture au monde. »
Saddam : mémoire d’un Irak uni
La doctrine du régime baasiste, dans lequel s’inscrit
Saddam Hussein, prend ses sources dans
un mouvement socialiste et laïque. Cependant, dès 1991, le régime met partiellement fin à
cette sécularisation, et des textes de loi sont adoptés allant dans le sens des règles
prônées par les autorités islamiques. C’est ainsi, par exemple, que l’alcool est prohibé et
que seuls les chrétiens ont le droit de le fabriquer et de le vendre. Progressivement, ce
paradigme religieux est intégré dans le droit irakien, à l’instar de la proclamation d’une
loi interdisant les prénoms chrétiens. Or, si l’on écoute Youssef, Najat et Maureen, ils ne
semblent pas porter de traces de cette période. Au contraire, le régime de Saddam fait appel
à un souvenir comparable à une tendre époque. Face à la réaction quelque peu sceptique qu’ils
déclenchent, ils tempèrent : « sous Saddam, il y avait des problèmes, mais pour tous les
Irakiens. » Et d’ajouter : «
Saddam respectait les chrétiens et nous protégeait. Nous nous
sentions en sécurité. ».
Quand on leur demande quels sont les changements notoires qui ont eu lieu depuis la chute du
régime, ils y voient « une régression ». Selon eux, la population s’est fissurée, morcelée.
Selon Youssef, « avant, un Irakien était avant tout Irakien, peu importait son appartenance
religieuse. Maintenant, cette harmonie n’existe plus ». Ce changement n’est pas survenu tout
de suite. Quant il s’agit d’identifier les « coupables », tous sont unanimes : «cette
influence vient de l’extérieur ». Youssef envisage que « ce plan a été mis en place par de
grands responsables étrangers qui ont voulu lancer une guerre ».
Il leur est encore difficile de reconnaître que ce sont des Irakiens qui sont à l’origine
des
attentats dont ils ont été victimes. Lors de l’explosion de la cathédrale syriaque-
catholique de Bagdad, Youssef a perdu trois de ses cousins. Cependant, il rappelle, à juste
titre, que la violence à l’encontre des chrétiens est un phénomène régional : « Au MoyenOrient, nous ne sommes pas les seuls à souffrir. Les coptes d’Egypte souffrent
aussi de
violence et de menaces. Mais en Irak, nous sommes des cibles plus faciles à atteindre, car le
gouvernement en place n’a pas les moyens d’exercer un contrôle et d’assurer notre
protection. » (NDIR : l’entretien a été réalisé avant l’attaque du 31 décembre à Alexandrie)
Le choix difficile de l’exode
Avant leur fuite, Youssef et sa famille menaient une vie paisible. Le commerce d’outillages
qu’il avait garantissait une stabilité financière pour toute sa famille. Qu’est-ce qui l’a
alors poussé à partir ? « Depuis 2005, je recevais des menaces d’enlèvement. En juin 2007,
mon père a été kidnappé par des terroristes qui nous ont demandés une première rançon de
300’000 dollars américains. Nous avons négocié 60’000. Quand il est rentré, très malade, il
portait des traces d’actes de torture sur lui. Je n’aurais pas pu supporter que cela arrive à
un autre membre de ma famille.»
Maureen, elle, était étudiante dans une université à Bagdad depuis 2001. En 2009, elle a
quitté la capitale, car elle a été menacée. Un jour, en se rendant aux cours, des étrangers
se sont approchés d’elle dans les couloirs et lui ont dit : « prend soin de toi ». Elle a
alors décidé de poursuivre ses études dans une autre région. Mais au mois de mars 2010, son
beau-frère a été kidnappé et tué. « Cela aurait pu être mon mari, alors nous avons décidé de
partir », confie-elle.
Les soupirs… les longs silences … puis inévitablement les nombreuses perles qui roulent sur
les joues en disent long sur le poids que représente la décision de tout quitter, et de s’en
aller. Devenir, du jour en lendemain, réfugié cela représente avant tout des sacrifices:
abandonner une partie des siens, les terres dont on a hérité et souvent, en tant que
chrétien, un train de vie aisé. C’est un sentiment de déchirement « impossible à décrire »,
dit Maureen, mais qui vous envahit d’une tristesse intense et avec laquelle il faut apprendre
à vivre. Devenir réfugié, c’est aussi partir dans l’espoir que les lendemains seront
meilleurs mais sans garantie aucune. Dans la majorité des cas, c’est souvent aussi un point
de non-retour car s’ils espèrent pouvoir revenir au pays, ils sont conscients que « nos
enfants ne connaîtront pas l’Irak et ne voudront pas y retourner. ».
Liban: terre d’accueil, mais temporaire
Tous sont venus au Liban se réfugier car, même s’ils savent qu’il n’y a pas d’avenir pour eux
et leur famille dans ce pays, ils savent qu’au moins ils y sont en sécurité. L’État libanais
n’est en effet pas signataire de
la Convention relative au statut de réfugié, et ne leur
offre aucune aide. Le gouvernement laisse le soin au HCR, en collaboration avec d’autres ONG
locales, de s’occuper du sort de près de 8’000 Irakiens y vivant actuellement. Malgré cette
insécurité, ils sont sûrs que « d’autre Irakiens chrétiens continueront de venir tant que les
conditions ne se seront pas améliorées ». Tous sont dans l’attente de trouver un pays qui
accepte de les accueillir en leur conférant un statut de réfugié. Mais ces procédures
prennent entre un et trois ans. Ce qu’ils demandent aux pays européens, c’est de faciliter
ces démarches et lancent ce message: « On leur demande, entre chrétiens, de compatir à nous
souffrances, d’être solidaires du fait que l’on souffre de persécution alors qu’on a les
mêmes croyances ».
Dans une interview donnée à
la chaîne NBC sur ses mémoires récemment publiés, Georges W.
Bush, revenait en ces termes sur la guerre qu’il a engagée en Irak: « S’excuser signifierait
que cette décision était mauvaise. Et je ne pense pas que c’était une mauvaise solution », et
d’ajouter « le monde se porte mieux sans Saddam Hussein. » Chacun sera libre de juger.
Pourtant, cette conviction, les Irakiens chrétiens, sont loin de la partager :
« nous
n’avons pas connu de meilleur régime ». Selon eux, seul « un nouveau Saddam ou quelqu’un qui
soit plus fort que les terroristes » peut permettre de recoller les fissures de cet Irak qui,
à chaque nouvel attentat, continue de se morceler. Au vu des huit mois de négociations
nécessaires pour former le gouvernement de coalition, qui a pris ses fonctions le 20 décembre
2010, après neuf mois de paralysie, la terreur ne semble pas avoir touché à sa fin.
Cependant, Youssef, Maureen et Najat espèrent que cet homme fort se fera entendre d’ici 2011,
année prévue du retrait définitif américain.
[1] Noms d’emprunt.
Caroline Nanzer
Chargée de communication, Centre des Migrants de Caritas Liban
http://english.caritasmigrant.org.lb/
Une collaboration entre Caritas Liban et Voix d’Exils
« Le Centre des Migrants de Caritas Liban vient en aide à plus de 2’000 familles irakiennes
dans le besoin, sans distinction d’appartenance religieuse »
From the notebook of a former child
soldier
Ibrahim Koroma was a child soldier from the
Sierra Leone civil war. He was one of
thousands of youngsters kidnapped in 1997 by
the Revolutionary United Front (RUF) rebels to
help overthrow the government of Tejan Kabbah.
He narrates to us his life as a child soldier
and the traumatization he is going through up
to now in Switzerland.
I was 13 years when I was kidnapped by the Sierra Leone’s Revolutionary
United Front rebels. To harm or kill someone is very hard but one can do
anything under the influence of drugs. Nevertheless, the pain felt after
is difficult to explain and only God knows how one feels. Sometimes I ask
myself questions like “Will I ever see my mother again? Why did I have to
be a rebel fighting my own country? Why did I accept the rebels to take
me rather than kill me? Why would I have to hear voices always telling
that I will never have peace again even when I was just forced into rebel
activities?”. But I have since failed to have answers to these questions.
They all arise because I have done violence to people and people have
done violence to me. If you knew me between the ages of 13 and 18, then
you would know what “Captain dead body” is talking about. Captain dead
body was the nickname given to me by my commander.
Atrocities we committed against humanity
We were ordered to mercilessly kill anybody supporting the government of
Tejan Kabbah. We would take these people and put them inside one house,
close it and spill petrol on it, then set them on fire. You would hear
them screaming for help but no one would help.
Thinking about amputating people is also another big pain in my heart.
Our commanders heard that the government wanted to hold elections, we
were ordered to kidnap any civilian we found useful to join the
revolution and to amputee hands off of those we found not useful. I have
never cut off one’s hand but I brought many people whose hands were cut
off. One girl nicknamed “Adama-Cut-Hand” was the boss of cutting off
hands. We would bring the kidnapped civilians to our commanders for them
to choose those who were useful and those who were not. Those who were
not useful were taken to Adama. She always asked them if they wanted long
or short sleeves. Long sleeve meant cutting ones hand from the wrist and
short sleeve cutting from the arm. And choosing from the two was the best
idea, otherwise one would instead be killed.
We attacked Portloko town and kidnapped civilians including a pregnant
woman after we were ordered by our commander not to leave any civilian
behind. The commander and others started betting on the baby in this
woman’s womb. Some were saying he is a boy, while others said it’s a
girl. They therefore cut the woman’s stomach and pulled out the fetus to
settle their arguments. The woman and the baby later died in an
unbearable pain.
It’s terrible to hear innocent people crying for their lives while being
burnt, shot, slaughtered or amputated. I am now hunted everyday by
people’s crying voices. I at times think I don’t have any future. I
always hear voices saying: “you will never have peace after all you have
caused to humanity, its better you die”. I live in fear and I feel like I
shouldn’t live because of all my bad experience and memory to all the
atrocities I regret to have done. I always ask the Lord to have mercy on
me and forgive me for all the atrocities I have committed.
Unanswered questions
As I am writing now, Switzerland wants to deport me back to my country
and they want to take me back because I told them the truth about me. I
have promised to kill myself if they tried to deport me. They don’t
understand that it wasn’t out of my will that I committed crimes against
humanity. I did most of these crimes under the influence of drugs. I
never wished to join the rebels.
Many Africans who are being persecuted or are running away from their
countries to save their dear lives would come to a country like
Switzerland, because when they watch on television, they see that
Switzerland respects human rights but actually that’s not the case when
you come here. Switzerland would rather welcome a corrupt African
dictator saving money in their banks than giving refuge to a poor African
being persecuted by the same dictator.
Who are the bosses sponsoring all these wars and suffering that Africa
is going through?
Who are the bosses benefiting from these wars?
Who are the bosses manufacturing these guns coming to Africa and killing
innocent people every day?
Who are the bosses extracting African minerals and riches through aid to
the notorious rebels?
Tell me, “Who are these bosses?”
The truth is that all those people making guns or financing wars don’t
know what’s like being in war or what consequences it might cause to
innocent humans and have never even killed a person but all they care
about is their interests. I therefore think that the world should try to
fight to prevent war than trying to cure it. I think the only thing we
can do is to stop making guns or, at least, stop selling them to people
who will use them for crimes against humanity.
Ibrahim KOROMA
Extracts selected by
Shawn WAKIDA
Membre de la rédaction lausannoise de Voix d’Exils
« Nous étions devenus des machines à
tuer »
Ibrahim Koroma. Photo: Niangu
Nginamau
Voici l’histoire d’Ibrahim Koroma, actuellement requérant d’asile en
Suisse qui, à l’âge de 13 ans, a été enrôlé de force à par les
combattants rebelles de Sierra Leone. Ils lui ont appris à manipuler les
armes et l’ont drogué pour qu’il arrive à exécuter les ordres malsains
des ses supérieurs. Aujourd’hui, cet ancien enfant soldat suit une cure
de désintoxication à la Fondation du Levant à Lausanne.
Voix d’Exils : Parlez-nous de vous.
Je suis né en 1984 et je suis fils unique. J’étais un enfant heureux
jusqu’à l’âge de 13 ans. J’avais la chance d’avoir une mère qui faisait
tout pour son enfant. A cette époque, ma mère avait quand même les moyens
de subvenir à nos besoins, et je vivais comme un enfant en Europe. Mais
en 1997, alors que j’avais tout juste 13 ans, un coup d’Etat a eu lieu en
Sierra Leone.
De quelle nationalité êtes-vous ?
Je suis Sierra Léonais. Mon père est Libérien, mais je ne l’ai plus vu
depuis l’âge de 5 ans.
Depuis combien de temps êtes-vous en Suisse ?
Je suis en Suisse depuis six ans, et je suis arrivé en juin 2004.
Quelle est votre situation depuis votre arrivée en Suisse ?
Cela fait maintenant deux ans et demi que je me trouve au sein de la
Fondation du Levant à Lausanne, pour une cure de désintoxication.
En quoi consiste cette fondation ?
C’est une fondation qui s’occupe des personnes qui ont des problèmes liés
à la toxicomanie. Moi, j’ai consommé ma première drogue à l’âge de 13
ans… par obligation.
Qu’est-ce qui vous est arrivé dans votre pays ?
J’avais 13 ans lorsque les rebelles m’ont pris. Cette formation
s’appelait R.U.F (Révolution Unité Front). Je me trouvais à Freetown, la
capitale de Sierra Leone, lorsqu’il y a eu le coup d’Etat militaire. Il
y a eu des pillages et on ne pouvait plus rester à Freetown avec ma mère.
Elle a alors décidé d’aller vivre en province, dans un endroit nommé
Makene. La situation là-bas était meilleure que dans la capitale. Un
jour, je suis parti rendre visite à un ami. Sur le chemin du retour, vers
19 heures, j’ai vu un camion rempli de militaires qui m’a dépassé. Il
s’est alors arrêté devant moi. C’était des rebelles et ils m’ont mis de
force dans le véhicule. Dedans, il y avait plusieurs autres enfants qui
pleuraient. Ils nous ont conduits dans une ville qui s’appelle Kono, où
se trouvait leur base. Le lendemain, la première chose qu’ils ont faite a
été de nous remettre à chacun un fusil AKA 47. Ils m’ont montré juste
comment manier le fusil, puis il y a eu l’intervention du chef, et son
premier mot a été que «ce fusil Kalachnikov, c’est ton meilleur ami,
c’est avec ça que tu seras payé ».
A partir de ce jour, ils ont commencé à nous faire des injections sans
qu’on sache le contenu des substances. Il y avait du cannabis comme
cigarette et deux types de pilules dont j’ignore le nom. Ces médicaments
me rendaient agressif. Tu ne dors plus et tu n’as pas faim. Au bout d’une
semaine, je venais de tuer ma première victime.
Pouvez-vous me dire dans quelles circonstances cela a pu arriver de tuer
une personne juste après une semaine dans le camp ?
Dans le camp, il y avait un tribunal militaire, une structure bien
organisée qui jugeait des militaires et des civils. Ils venaient de
condamner 76 personnes, et j’ai été choisi avec d’autres enfants pour
pouvoir exécuter ces personnes sous l’emprise de toute cette drogue. Nous
étions devenus des machines à tuer.
Avez-vous eu d’autres choses semblables ?
Un jour,
j’ai reçu l’appel de mon chef qui me demande d’exécuter une
tâche. Arrivé sur place, je trouve une dame qui avait presque l’âge de ma
mère. Il me demande de lui donner cent coups de chicotte, et je n’ai pas
voulu exécuter cet ordre, car cette dame je la voyais comme ma mère.
Après mon refus, mon chef a organisé un comité restreint pour
m’administrer le châtiment que je méritais devant tous les enfants pour
faire un exemple. C’est alors qu’ils ont amené une casserole remplie
d’huile de palme cuite. J’ai été tenu par deux personnes aux poignets,
les deux autres m’ont balancé de l’huile sur le corps et un autre m’a
poignardé au mollet. Depuis ce jour-là je suis devenu quelqu’un d’autre,
quelqu’un de très très agressif lorsqu’on me demande d’exécuter les
tâches quotidiennes d’un soldat. Je me surpassais pour faire du mal.
Une autre fois nous étions en patrouille dans la forêt avec ma troupe,
lorsque tout à coup a surgi un homme avec sa famille. Le commandant a
voulu dépouiller cet homme de son argent et il lui a sorti de son
portefeuille deux à trois mille dollars. L’homme insistait et nous
suivait pour qu’on lui rende son argent. L’ordre a alors été donné par
mon commandant d’abattre cette personne. Je lui ai mis une balle, et au
moment de mourir, il m’a dit : « ça ne va jamais bien se passer dans ta
vie ». Vous savez, ces choses sont très lourdes à porter et à raconter.
J’ai toujours ce flash back qui me revient.
Combien de temps êtes-vous resté dans l’armée ?
Je suis resté cinq ans dans l’armée. Durant ces cinq années, il y a eu
beaucoup de choses qui se sont passées, et je ne peux pas vous détailler
toutes ces atrocités.
Vous avez eu beaucoup de missions durant tout ce temps ?
Nous avons eu beaucoup de missions. Presque chaque jour, lorsqu’il y
avait des sorties et nous, les enfants soldats, étions devant. Avec
toutes les drogues qu’on consommait, on avait peur de rien.
A quinze ans, je suis même devenu capitaine. En Sierra Leone, il n’y
avait plus de soldats, et lorsqu’il
y a eu la rébellion, les soldats
sont venus des pays d’Afrique de l’Ouest qui contrôlaient le pays. Nous
nous battions contre ces soldats pour récupérer la ville de Kono qui
avait été assiégée. Je venais de tuer un capitaine nigérian et j’ai pris
sa veste avec ses galons. Je l’ai ramenée au camp auprès du commandant,
ce qui m’a valu le même grade, et j’ai alors été nommé commandant des
enfants du groupe S.B.U. (Small Boys Unit). Au début, j’avais cinquante
enfants, mais après six mois j’avais deux cents enfants à ma charge.
Comment avez-vous fait pour en sortir ?
En 2000, lorsque la guerre a touché à sa fin, nous sommes partis avec une
partie du bataillon vers le Liberia pour porter main forte au président
Charles Taylor qui se battait contre les rebelles de son pays. Nous y
sommes restés jusqu’en 2002, jusqu’à ce que la situation devienne plus ou
moins calme. A cette période je ne prenais presque plus de produits. Un
jour ils m’ont laissé aller en ville tout seul. C’est là que j’ai
rencontré un Monsieur qui venait chez les rebelles de Sierra Leone
acheter des diamants, et j’avais un diamant avec moi qui venait de mon
commandant. Je l’ai proposé au Monsieur en échange de m’amener aux EtatsUnis ou en Europe. Lorsqu’il a vu le diamant, il a fait toutes les
démarches nécessaires pour m’amener en Europe et aujourd’hui, je suis en
Suisse.
Propos recueillis par
Niangu NGINAMAU
Membre de la rédaction lausannoise de Voix d’Exils
The happiness of snow
Les enfants et la neige. Photo: Rima
Abdel-Fattah
It snowed a night of November and through the next day both, children and
adults, took advantage to the high meters of snow to turn their stress
into happiness for at least that day.
On the afternoon of Saturday the 27th November 2010, the children of the
EVAM center of Crissier, located near Lausanne, Switzerland went out of
their homes to go and play with snow, and were so happy, as God sent them
this white gift from the sky. They were running, sliding, and throwing
snow balls on each other, without caring about the cold weather or any
thing that could disturb them. One of them felt comfortable to relax on
the snow.
Some of the parents and children said that it was their first time to see
it snow and for them it was more that just an adventure. This was a funny
time for some of them and even a new experience for others.
The adults also went out to share playing with their children and took
them photos too. They enjoyed the white colour which gives comfort to our
souls, and forgot their problems for a moment.
Les enfants et la neige. Photo: Rima
Abdel-Fattah
On the other hand, the people who went for shopping at the near by
commercial centre were forced to take the longer route which was more
safer than the short cut one that we normally take as it became more
dangerous to use it.
After that full snowing day, I went out in the evening. It was a calm
night. The snow reflexed a little orange romantic light, it glistered,
and it was just like a dream, in fact a real dream. It was snowing in
peace. There was nobody in the streets, all the people were resting in
their houses, no noise, and no disturbance.
Thanks God for this grace…
Rima ABDEL-FATTAH
Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

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