[MARS - I] BLP/INFO_GENE/30.PAGESPOL> 24/03/15

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[MARS - I] BLP/INFO_GENE/30.PAGESPOL> 24/03/15
France
CHÔMAGE
Demain, publication
des chiffres de février
La publication demain du
nombre des inscrits à Pôle Emploi à fin février constituera un
enjeu pour le gouvernement, au
lendemain du premier tour
d'élections départementales difficiles pour le Parti socialiste. Le
chômage demeure le talon
d'Achille de l'exécutif : en
34 mois de mandat, la présidence Hollande n'a enregistré que
quatre mois non consécutifs de
baisse du nombre des demandeurs d'emploi et en a comptabi-
"En situation de
misère ou de chômage,
tous les mouvements
de rejet de l'autre
grimpent."
JEAN-CLAUDE MAILLY, Nº1 DE FO
lisé 558 400 de plus sur la période. Cet échec face au chômage
est devenu un argument de campagne pour la droite. L'année
2015 s'est néanmoins ouverte
sur un léger recul : (-19.100 inscrits sans activité en janvier en
métropole, pour un total de 3,48
millions demandeurs d'emploi
sans activité.)
Le taux de chômage mesuré
par l'Institut national de la statistique (Insee) a lui atteint 10,0%
de la population active à la fin
2014 en métropole, selon les dernières données publiées début
mars. Pour le gouvernement, toutefois, le pays est sur "la voie du
redressement économique". Parmi les signes d'encouragement:
l'Organisation de coopération et
de développement économique
table dans ses dernières estimations sur une croissance française de 1,1% en 2015 et de 1,7% en
2016, soit respectivement
0,3 point et 0,2 point de mieux
que dans ses estimations de novembre dernier. L'Insee estimait
pour sa part, à la mi-décembre,
que la montée en puissance du
Pacte de responsabilité et de solidarité "permettrait de limiter encore un peu plus les pertes d'emplois marchands" en 2015.
"En situation de misère ou de
chômage, vous avez tous les mouvements de rejet de l'autre qui
grimpent", souligne Jean-Claude
Mailly, numéro un du syndicat
Force ouvrière (FO). "Si on ne lutte pas contre l'austérité, on fabrique la montée de mouvements
comme le FN", a ajouté M. Mailly
qui organise une journée de grève le 9 avril avec la CGT et Solidaires.
ÉGLISE
Pas de miracle pour
Sainte-Rita
Dans le 15e arrondissement
de Paris, l'église de Sainte-Rita
est un lieu de culte célèbre pour
accueillir les animaux. Mais
pour Sainte-Rita, avocate des
causes désespérées, le miracle
se fait attendre : malgré un long
combat judiciaire, ce lieu de
culte parisien attend les bulldozers, au grand dam des fidèles
qui n'entendent pas désarmer.
"Détruire une église, c'est épouvantable, mais je ne vois pas
comment les choses pourraient
changer, le bâtiment est vendu",
commente Mgr Dominique Philippe, qui doit demain rendre
les clés à un huissier. "Nous
avons perdu tous les recours, on
va être expulsés, alors autant
partir, je ne veux pas être traîné
dehors par la force publique",
justifie l'archevêque catholique
gallican de Paris, qui avait repris en 1988 cet édifice, alors fermé depuis douze ans
L'église, qui célèbre la messe
en latin mais "n'est pas intégriste", est très populaire, attirant
des fidèles du monde entier. Et
pour cause : elle est la seule église de Paris à accepter les bêtes
lors des offices... Sainte-Rita est
aussi connue pour sa bénédic-
tion annuelle d'animaux, qui attire des centaines d'adeptes, le
premier dimanche de novembre. Ce jour-là, chèvres, poneys, lamas et chameaux transforment le lieu de culte en arche de Noé.
Mais en 2012, le propriétaire
de l'époque, l'association
cultuelle des Chapelles catholiques et apostoliques, décide de
vendre le lieu à un promoteur,
qui veut raser le bâtiment pour
y construire une vingtaine de logements sociaux et des parkings. Et en mars 2014, le tribunal de grande instance de Paris
avait donné six mois à la communauté pour partir. Le délai
est largement écoulé...
En 2010, l’affiche de la
messe des animaux de
Sainte-Rita.
/ PHOTO DR
TRIBUNAL
Woerth a-t-il "monnayé"
la Légion d’honneur?
Devant le tribunal correctionnel de Bordeaux, l’ancien ministre UMP du Budget Eric Woerth
martelait hier qu’il n’a pas "négocié cette Légion d'honneur" atribuée à Patrice de Maistre, l'ancien gestionnaire de fortune de
Liliane Bettencourt, "l'embauche
de mon épouse" n'en est pas la
contrepartie", a-t-il clamé. Lors
de ce "deuxième procès Bettencourt" pour lequel le Parquet
avait requis un non-lieu, de Maistre et Woerth encourent chacun
jusqu'à 10 ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende.
La Légion d'honneur et cette
embauche, "ce sont deux droites
parallèles, deux dossiers qui ne se
rejoignent pas", a insisté
M. Woerth, qui était à l'époque
trésorier de l'UMP, puis de la
campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy.
Pour M. Woerth, la décoration
qu'obtint M. de Maistre, et qu'il
assume avoir soutenue par une
lettre adressée à Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur,
"est une histoire assez banale de
Légion d'honneur", "d'intervention de personnes". "Son profil
est adéquat et adapté à la Légion
d'honneur. Il la doit à son mérite
et à son histoire. Il n'y a pas de
contrepartie à tout ça."
Mardi 24 Mars 2015
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I
Haïm Korsia: "Il faut recréer
la volonté de vivre ensemble"
Le grand rabbin de France vient à la rencontre des juifs provençaux
H
aïm Korsia, le grand rabbin de France, est à Marseille aujourd’hui et demain. Une visite qui, si elle
s’inscrit dans sa volonté de rencontrer toutes les communautés juives de France (Marseille
étant la deuxième), se déroulera en une période marquée par
les attentats de janvier et la formidable prise de conscience nationale qu’ils ont suscitée.
❚ Depuis plusieurs années, la
communauté juive est victime
d’actes d’antisémitisme. Dans
quel état d’esprit est-elle ?
Il y a à la fois une inquiétude
qui est aussi celle de la communauté française, depuis les attentats de début janvier, et, en
même temps, la communauté
juive perçoit la détermination
du gouvernement avec
l’engagement des militaires et
de la police. Elle entend les paroles très fortes du président de
la République, du Premier ministre, du ministre de
l’Intérieur, leur engagement à
ce que la France reste ce qu’elle
a toujours été : un pays où il fait
bon être juif.
❚ Quel est le message que vous
souhaiteriez faire passer aux
juifs qui vous disent partir en Israël, non pour des questions religieuses mais sécuritaire ?
Nous avons des centaines de
milliers de Français qui vivent
aujourd’hui à l’étranger. Il y a
un pourcentage de Français qui
partent, c’est la capacité à aller
à l’extérieur, c’est l’ouverture
aussi. Cela dit, quand des gens
partent parce qu’ils ne se sentent pas bien, la question n’est
pas pour eux. Elle est pour
nous. L’enjeu n’est pas de les retenir, mais de leur dire : "Maintenant la France prend conscience qu’il se passe quelque chose
alors qu’elle était jusque-là indifférente à nos problématiques". L’assassinat d’Ilan Halimi c’était il y a neuf ans. Depuis
neuf ans, on a dit : "Il y a un problème". On nous a répondu :
"Mais non". Après Toulouse, il
y a trois ans. On nous a affirmé :
"C’est un loup solitaire, ne vous
en occupez pas, ce nest pas grave." Personne ne s’est mobilisé.
On a eu des mots formidables
des politiques mais nos concitoyens se sont-ils sentis concernés ? Il a fallu qu’il y ait 17 morts
pour que nos concitoyens se
sentent concernés, avec un vrai
engagement, une pulsion à revenir à la fraternité. Une fraternité qu’il nous faut aujourd’hui
reconstruire.
❚ Un chantier qui semble extrêmement difficile au vu du résultat des élections départementales d’hier...
L’engagement, le rêve qu’est la
France, c’est celui d’un pays où
chacun ait sa place. L’enjeu majeur de notre société, pour les
prochaines années, est de réussir à faire en sorte que le pays
devienne un pays où chacun ait
sa place. Vous évoquez le départ de juifs pour Israël, mais
parlons de ceux qui, en France,
non juifs, quittent tel endroit
en disant : "Je ne peux plus y vivre". On assiste à une forme de
ghettoïsation. Face à cela, il
faut arriver à produire une véritable vocation à vivre ensemble. Une capacité à imposer aux
gens d’être ensemble. Il faut faire en sorte qu’il n’y ait pas une
segmentation de la population
par origine supposée ou sociale. Pour moi, Marseille incarne
cette diversité. On arrive à y vivre ensemble. Quand on est
supporter de l’OM, peu importe d’où l’on est, on vient célébrer le club ensemble. Ce n’est
pas toujours le cas ailleurs.
Haïm Korsia a été élu membre de l’Institut, section morales et sociologie, le 15 décembre 2014. / PHOTO DR
❚ Certes, mais la ville n’est pas
exempte pour autant de divisions...
C’est aussi vrai. Alors que certains disaient : "Tout va bien",
moi je disais depuis plus d’un
an : "Il y a de l’indifférence. Les
gens se moquent de ce qui peut
se passer". Et, d’ailleurs, ils ont
une formulation scandaleuse :
"Ce sont des affrontements intracommunautaires". Pas du tout.
On a vu des gens se ruer contre
des synagogues, une violence
insupportable. Ce ne sont pas
des affrontements intracommunautaires, mais des Français
qui se sont opposés à d’autres
Français. Que faire face à ça ? Il
faut reconstruire un pacte social basé sur la fermeté,
l’affirmation claire de nos
convictions, et la capacité à
s’inscrire dans des actions communes. Ne plus les laisser vivre
côte à côte, mais ensemble.
❚ À ce titre, comment expliquez-vous que des Français
d’origine étrangère, contrairement aux États-Unis, n’arrivent
toujours pas à faire leur, leur patrie ?
Cette question résume le défi
majeur: notre capacité à reconstruire du lien avec la Nation. En
Amérique, ils sont fiers de leur
pays alors que nous, nous ne savons plus inculquer cette fierté
de ce qu’est la France. Je crois
qu’il s’agit là d’un objectif capital. Peut-être faudrait-il réciter
La Marseillaise tous les matins
à l’école.
Si cela passe par le salut au drapeau tous les matins à l’école, il
faudra le faire ! Moi qui suis un
ancien militaire, je sais ce que
veut dire ce cérémonial républicain. Et on l’a abandonné, on
l’a bradé, pire, on l’a moqué.
On l’a dénigré et on l’a laissé à
certains qui l’utilisent contre
Élu grand rabbin de France en 2014
Le grand rabbin Haïm Korsia est né à Lyon le 27 septembre 1963.
C’est tout naturellement qu’à 17 ans, une fois ses études secondaires achevées, il entre au Séminaire israélite de France. Remarquant le dynamisme de ce jeune rabbin surdiplômé, le grand rabbin de France, Joseph Haïm Sitruk l’appelle à ses côtés pour en
faire l’un de ses plus proches collaborateurs (1993-2004). En
2007, il succède au rabbin Akoun aux fonctions d’aumônier général israélite des Armées et de l’école Polytechnique. Le 22 juin
2014, il est élu grand rabbin de France, pour un mandat de 7 ans.
nous maintenant. Face à cette
situation, il y a un travail important à faire.
J’avais demandé à mes homologues musulmans de faire comme nous la prière pour la République. Mercredi dernier, on célébrait les dix ans de
l’aumônerie musulmane des armées et, devant le ministre de
la Défense, l’aumônier musulman en chef des armées a récité, pour la première fois, une
"prière pour la France", qui est
mot à mot reprise de notre prière pour la République (lire
ci-dessous). Et je pense qu‘il serait très important que les responsables musulmans récitent
cette prière dans les mosquées
comme nous le faisons dans les
synagogues parce que cela fait
partie de la réappropriation des
valeurs de la République.
❚ Parmi ces valeurs figure la
laïcité. Comment doit-elle, selon
vous être appliquée ?
La laïcité n’est pas un rejet ni
une oblitération de la religion
mais la neutralité de l’État, c’est
une grande différence. Chacun
peut pratiquer comme il le souhaite. Mais si la laïcité c’est ne
pas avoir le droit de pratiquer,
car "vexant" pour ceux qui ne
croient pas, la laïcité deviendrait alors une nouvelle "religion niant les religions".
Prière pour la République française
Dieu Éternel, Créateur et Maître de l’univers, la force et la puissance t’appartiennent, par Toi seul tout s’élève et tout
s’affermit, bénis et protège la République française et le Peuple
français. Amen
Éclaire ceux qui président aux destinées de l’État afin qu’ils fassent régner dans notre pays, la Paix et la Justice. Amen
Que la France vive heureuse et prospère qu’elle soit forte et
grande par l’union et la concorde et conserve son rang
glorieux au sein des nations. Amen
Que la France, berceau des Droits de l’Homme défende en tout
lieu et en tout temps le droit et la liberté. Amen
Que l’Éternel accorde sa protection et sa bénédiction à nos soldats qui s’engagent partout dans le monde pour défendre la
France et ses valeurs. Les forces morales, le courage et la ténacité qui les animent sont notre honneur. Amen
Accueille favorablement nos vœux, que les paroles de nos lèvres et les sentiments de notre cœur, trouvent grâce devant Toi,
Ô Éternel, notre Créateur et notre Libérateur. Amen
❚ On l’a vu avec la polémique
sur les crèches de Noël...
C’est une polémique particulièrement stupide. En quoi cela gène-t-il qu’il y ait une crèche
quand vous rentrez dans le hall
d’un conseil général ? Tant
qu’on ne m’oblige pas à
m’incliner devant, cela ne me
dérange pas. Se bagarrer là-dessus, à quoi cela rime ? Se bagarrer pour savoir si le menu de la
cantine doit être pur porc, pas
pur porc, avec un menu substitutif ou non ? Cela veut dire
quoi ? Enfin, il y a toujours eu
dans toutes les cantines plusieurs menus proposés. Il suffit
de dire : "Ce n’est pas un menu
pour ne pas manger de porc"
mais "C’est une autre possibilité
de menu". C’est la règle. Nul besoin de faire une législation spéciale. La laïcité ce n’est pas :
"Vous mangerez du porc parce
que c’est comme ça". La laïcité
c’est : chacun fait comme il
veut, dans le respect de l’Autre
et du droit.
❚ Comment analysez-vous la
poussée du Front national ?
Je ne veux pas rentrer dans des
considérations politiques. Je note cependant que le monde est
perclus de peurs. Cela fait des
siècles que l’on doit combattre
la peur. Et qu’est-ce que la
peur ? C’est la façon que l’on a
d’oser rencontrer l’autre. Trop
souvent, on ne le fait pas parce
qu’on a peur de ne pas être
nous-mêmes ou d’être transformé par la rencontre.J’ai la
conviction que nous - Français - portons des valeurs tellement fortes qu’elles ont inspiré
les pays du monde entier. Il y a
une fierté à être français, à avoir
donné des valeurs au monde, et
il y a une plus grande fierté et
une plus grande obligation encore à les faire vivre
aujourd’hui. Être fier de la France, c’est être fier de ce qu’elle
peut devenir. Pas uniquement
de ce qu’elle a été. Pour cela, il
nous appartient de construire
un pont entre ce passé glorieux
et le futur qu’on veut heureux.
Propos recueillis
par Frédéric CHEUTIN