Modélisation événementielle de la dynamique de la
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Modélisation événementielle de la dynamique de la
Rev. sci. tech. Off. int. Epiz., 1993,12 (1), 73-82 Modélisation événementielle de la dynamique de la transmission de l'infection à virus de l'immunodéfîcience humaine : un exemple pour l'épidémiologie animale * F. LE PONT et A.-J. VALLERON ** Résumé : Pour simuler la dynamique de la diffusion du virus de l'immunodéficience humaine (VIH), une approche événementielle a été développée en raison de sa capacité à intégrer aisément de nouvelles connaissances et à prendre en compte la variabilité d'un grand nombre de facteurs sociologiques, biologiques et démographiques ainsi que la dynamique du réseau relationnel des individus. A titre d'exemple, le modèle a été appliqué aux données recueillies chez des homosexuels de San Francisco (Etats-Unis d'Amérique) entre 1980 et 1987, ce qui a permis d'estimer la probabilité de transmission du VIH par partenaire selon deux hypothèses concernant l'évolution de la contagiosité d'un individu infecté au cours de la période d'incubation. L'analyse de sensibilité du modèle a permis de dégager les paramètres qui ont une forte influence sur l'évolution de l'épidémie. La généralisation de cette technique à l'ensemble de la population française est envisagée. MOTS-CLÉS : Epidémiologie - Modèle événementiel - Simulation Syndrome d'immunodéficience acquise - Virus de l'immunodéficience humaine. INTRODUCTION Beaucoup de modèles ont été développés pour étudier la dynamique de la diffusion du virus de l'immunodéficience humaine (VIH) car c'est souvent la seule approche qui permette d'estimer des paramètres de transmission, de dégager les paramètres clefs de l'épidémie du syndrome d'immunodéficience acquise ( S I D A ) , de tester les politiques de prévention et de faire des prévisions (9). La m é t h o d e la plus c o u r a m m e n t utilisée est la m é t h o d e m a t h é m a t i q u e compartimentale basée sur un système d'équations différentielles (9). Elle consiste à diviser la p o p u l a t i o n en un n o m b r e limité de sous-groupes h o m o g è n e s selon des caractéristiques principalement sexuelles et épidémiologiques. Ces compartiments sont, * Bien que traitant de l'épidémiologie d'une maladie de l'Homme, cet article présente un grand intérêt pour les épidémiologistes des maladies animales. En effet, les procédés employés pour simuler la diffusion de cette épidémie sont analogues à ceux qui peuvent être utilisés chez l'animal. Pour les modélisateurs, l'Homme est aussi un «mammifère en liberté». ** Institut national de la santé et de la recherche médicale, Unité de recherches biomathématiques et biostatistiques (U263), Tour 53,2, place Jussieu, 75251 Paris Cedex 05. 74 par exemple, les homosexuels et les hétérosexuels et, p a r m i les homosexuels : les homosexuels à partenaires multiples, ceux à faible nombre de partenaires, ceux vivant en couple de façon stable. Cette méthode est surtout adaptée à l'étude des tendances de l'épidémie dans de grandes populations mais elle pose des problèmes lorsque l'on désire étudier la diffusion de l ' é p i d é m i e dans l'ensemble de la p o p u l a t i o n en p r e n a n t en compte les différents modes de transmission (par voie sexuelle, par échange de seringue chez les toxicomanes, etc.) et la diversité des comportements à risque. Ainsi, en particulier du point d e vue sociologique, il est difficile d e définir les compartiments. Par exemple, à partir de combien de partenaires un individu est-il «à partenaires multiples» ? Plus de 2, plus de 10, plus de 50 ou plus de l 0 0 partenaires par an ? Quelle est la définition d'un individu bisexuel ? Doit-on définir ces compartiments en fonction du type de sexualité ( h o m o / b i / h é t é r o s e x u e l ) ou bien des p r a t i q u e s sexuelles? D e plus, le type de compartiments est susceptible de varier dans le temps, selon les populations considérées et m ê m e selon le modélisateur. Les problèmes posés par ce formalisme sont donc l'arbitraire de la définition des compartiments, le fait que les réseaux des liaisons sexuelles entre les individus ne sont pas représentés et que, pour pouvoir analyser le système, les auteurs sont a m e n é s à limiter le n o m b r e de c o m p a r t i m e n t s . Enfin, de nouvelles études épidémiologiques et sociologiques a p p o r t e n t continuellement des d o n n é e s que la structure fixe des m o d è l e s compartimentaux n'est pas capable d'intégrer aisément. P o u r toutes ces raisons, une m é t h o d e plus souple et plus réaliste a été choisie, appelée simulation événementielle car elle p e r m e t de p r e n d r e en c o m p t e les caractéristiques individuelles sans catégorisation. Ainsi, le modèle a la capacité de p r e n d r e en c o m p t e la notion de réseaux de liaisons sexuelles (qui r e n c o n t r e qui et quand ?), la formation et dissolution des couples, l'existence de liaisons de couples à plusieurs partenaires, les pratiques sexuelles ainsi q u e les descriptions détaillées des processus biologiques. Cette méthodologie sera décrite, ainsi que les simulations réalisées entre 1980 et 1987 chez des homosexuels de San Francisco ( E t a t s - U n i s d ' A m é r i q u e ) , car cette population est la mieux connue jusqu'à présent, tant du point de vue de la croissance de l'épidémie que de l'évolution du comportement (7). Cette étude a permis d'estimer la probabilité de transmission sexuelle du V I H et de dégager les paramètres qui ont une forte influence sur l'évolution de l'épidémie. MÉTHODE Le modèle permet de simuler la dynamique de la transmission sexuelle du V I H chez des hommes ou des femmes qui peuvent avoir un comportement hétérosexuel et/ou homosexuel. Le programme de simulation est écrit en langage Pascal et exécuté sur des ordinateurs V A X (système VMS) ou I B M R I S K 6 000 (système U N I X ) . La représentation du système est inspirée des langages orientés objets (représentation des individus et des liaisons sexuelles par des objets dont les attributs sont modifiés en respectant la règle d'encapsulation). Chaque individu de la population est représenté séparément par l'ensemble de ses caractéristiques démographiques, sociologiques et biologiques. Ces caractéristiques constituent la fiche signalétique de l'individu et définissent son état ou son 75 comportement. Elles indiquent, en particulier, la date à laquelle l'individu a été infecté par le V I H , son statut sérologique et contagieux, son stade d'infection ( p r é - S I D A ou S I D A ) , les p a r t e n a i r e s avec lesquels il est en relation à un m o m e n t d o n n é d e la simulation («réseau sexuel» de l'individu) et le nombre de partenaires qu'il rencontre par an. Le modèle permet de représenter les deux situations dans lesquelles un individu sensible peut être infecté par le V I H lors d'une liaison sexuelle : lorsqu'il a une nouvelle liaison sexuelle avec un individu contagieux ; lorsque l'un de ses partenaires sexuels devient contagieux (dans ce cas, le programme teste si le virus est transmis à chacun des individus de son réseau sexuel). Différents types de liaisons ont été définis en fonction du sexe du partenaire (même sexe pour une liaison homosexuelle et sexe opposé pour une liaison h é t é r o s e x u e l l e ) et de la d u r é e de la liaison (un j o u r p o u r u n e liaison occasionnelle et supérieure à un jour pour une liaison stable). La fiche signalétique de chaque individu est créée au début de la simulation en fonction des données disponibles et peut être modifiée au cours de la simulation. La simulation est représentée par l'exécution, chaque jour, d'une suite d'événements classés à partir de cette date dans un tableau appelé échéancier. Ces événements, de type démographique, épidémiologique ou comportemental, sont des sous-programmes qui décrivent, par exemple, la mort d'un individu, l'entrée d'un individu dans le stade S I D A ou la rupture de la liaison sexuelle entre deux individus. La Figure 1 explique le fonctionnement de l'échéancier dans le temps en p r e n a n t l'exemple simple de trois individus. Statut épidémiologique et comportemental des individus 11 T e m p s (jours) 12 Echéancier Evénements simulés État final de l'échéancier Légende sensible Date Evénements Date Evénements 11 Rencontre entre Y et Z 12 Contamination de Y 12 Rupture de Y et Z 12 Contamination de Y 18 Rupture de Y et X 12 Rupture de Y et Z 18 Z développe le SIDA 18 Rupture de Y et X 18 Z développe le SIDA contagieux 27 Y devient contagieux 2280 Y développe le SIDA — i infecté non contagieux individus en couple FlG.l Fonctionnement de l'échéancier du modèle de simulation événementiel L'échéancier est un tableau journalier qui contient des listes d'événements classés par date croissante. Un événement est une structure qui comprend le sous-programme à exécuter et l'objet concerné (individu ou liaison par exemple) . Chaque jour, le programme exécute les événements contenus dans l'échéancier à cette date. Ceci peut entraîner des modifications de l'état initial des individus et la création d'autres événements qui seront insérés à une date ultérieure dans l'échéancier. 76 A u début du j o u r 11, les individus X et Y sensibles sont liés, Z est contagieux et célibataire. La case 11 de l'échéancier contient l'événement «rencontre de Y et Z». Le jour 11, l'événement «rencontre de Y et Z» est exécuté. La durée de la liaison e n t r e Y et Z est d é t e r m i n é e selon la loi de distribution de la d u r é e des liaisons et l'événement «rupture de liaison» entre Z et Y est intégré dans l'échéancier à la date adéquate (ici le jour 12, flèche descendante). Etant donné que le chiffre aléatoire tiré entre 0 et 1 est inférieur à la probabilité de transmission du VIH, Z transmet le virus à Y. La date de la contamination de Y est tirée au hasard sur la durée de la liaison entre Y et Z et l'événement «contamination de Y» est inséré à cette date. Le jour 12, les événements prévus, «Z et Y rompent» et «Y devient infecté» sont exécutés. Les attributs des trois individus sont modifiés en conséquence et deux événements sont insérés dans l'échéancier : «Y devient contagieux» le jour 27 et «Y développe le SIDA» le jour 2 280. Les dates d'exécution de ces deux événements sont déterminées en fonction de la distribution des délais de latence et d'incubation de l'infection. Plusieurs populations peuvent être définies par des caractéristiques démographiques (sexe-ratio, taille, taux annuel de r e c r u t e m e n t et d ' é m i g r a t i o n ) , épidémiologiques (prévalence initiale du VIH, distribution de la durée de conversion sérologique - délai entre la contamination et la détection possible des anticorps anti-VIH, distribution du délai d'incubation - délai entre la contamination et le stade S I D A , distribution de la mortalité d'un individu au stade SIDA, probabilités de transmission du V I H en fonction du sexe et des pratiques sexuelles) et sociologiques (distribution du taux annuel de r e n c o n t r e s de p a r t e n a i r e s masculins ou féminins, durées des liaisons stables et occasionnelles, pratiques sexuelles, existence de liaisons à plusieurs partenaires). RÉSULTATS A titre d'exemple, le modèle a été appliqué aux données provenant de la littérature et des observations (7) d'une cohorte de 359 homosexuels de San Francisco (la Figure 2 présente l'évolution de la prévalence cumulée de l'infection à V I H et du nombre annuel moyen de partenaires sexuels avec pratique du rapport anal réceptif sans préservatif entre 1979 et 1987). L'épidémie observée dans cette cohorte est comparable à celle qui a été observée dans la population d'homosexuels de San Francisco. Les simulations étant réalisées sur une période de seulement sept ans (1980-1987), seule la mortalité due au S I D A a été prise en compte. E n l'absence de données sociologiques concernant les modifications de comportement en fonction du statut sérologique, il a été supposé que les individus contaminés modifient leur comportement sexuel uniquement lorsqu'ils développent le SIDA (ils deviennent alors sexuellement inactifs). Les résultats obtenus sont résumés ci-après. Estimation de la probabilité de transmission du virus de l'immunodéficience chez les homosexuels humaine P o u r c h a q u e simulation, les p a r a m è t r e s épidémiologiques, sociologiques et démographiques sont tirés au sort dans l'ensemble des valeurs possibles (par exemple, entre 7 et 13 ans pour la durée moyenne de la période d'incubation avec un coefficient de forme p o u r la loi de Weibull entre 2 et 4). L'estimation de la probabilité de transmission a été réalisée par ajustements successifs sur 400 simulations, les probabilités retenues étant celles qui minimisent les écarts entre l'épidémie simulée et l'épidémie observée. Le critère utilisé est celui du % . 2 77 1979 80 81 82 83 84 85 86 87 88 Années FIG. 2 Evolution du nombre moyen de partenaires sexuels par individu et par an avec pratique du rapport anal passif, avec éjaculation et sans préservatif, observée de 1979 à 1987 chez des homosexuels de San Francisco (7) 100 -. 90 _ 80 - 1 1 1979 80 "I 81 simulations observations 1 1 1 1 1 1 1 82 83 84 85 86 87 88 Années FiG. 3 Exemple d'ajustement des résultats du modèle (en trait continu) aux données, avec une probabilité de transmission du virus de l'immunodéfîcience humaine par partenaire sexuel constante au cours de l'incubation, et égale à 5,5 % 78 Si un individu infecté est é g a l e m e n t contagieux tout au long de la p é r i o d e d'incubation, la probabilité observée de transmission du V I H par partenaire sexuel p e r m e t t a n t de r e p r o d u i r e l ' é p i d é m i e est comprise e n t r e 0,04 et 0,07 (intervalle de confiance à 95 % entre 0,04 et 0,065 : Fig. 3). Ce résultat est proche de l'estimation obtenue par une étude longitudinale chez des homosexuels : 10 % avec un intervalle de confiance à 95 % de 0,04 à 0,16 (6). Cependant, une étude (12) a montré, chez des sujets hétérosexuels, qu'il est possible q u ' u n individu infecté soit contagieux u n i q u e m e n t pendant les deux à trois mois suivant sa contamination et les quatre à cinq années qui précèdent son entrée dans le stade SIDA. Il existerait alors une période intermédiaire non contagieuse. En intégrant ces hypothèses dans le modèle, nous avons estimé la probabilité de transmission du V I H e n t r e 0,10 et 0,17 p e n d a n t la p r e m i è r e p é r i o d e contagieuse précoce (intervalle de confiance à 65 % entre 0,10 et 0,13) et entre 0,10 et 0,33 pendant la seconde période tardive (intervalle de confiance à 95 % entre 0,10 et 0,29). Ces deux hypothèses donneront lieu à une évolution différente de l'épidémie si les simulations sont réalisées sur plus de 15 ans : lorsque deux périodes contagieuses sont considérées, la dynamique de l'épidémie est supérieure à celle obtenue avec une période contagieuse unique. La période d'observation pour la cohorte de San Francisco est donc trop courte pour pouvoir trancher entre ces deux hypothèses. Détermination des facteurs qui influencent fortement la croissancéde des homosexuels très actifs l'épidémie chez L'analyse de sensibilité d'un modèle consiste à déterminer les paramètres ayant le plus d'influence sur les résultats du modèle (i.e. paramètres sensibles). Cette analyse effectuée sur l'ensemble des paramètres de transmission (8) n'est présentée dans aucun des modèles de la dynamique de la transmission du V I H décrits dans la littérature (9). Elle a été réalisée au moyen d'un grand nombre de simulations, les paramètres et les variables du modèle étant tirés dans des lois uniformes de même coefficient de variation pour c h a q u e simulation. Les résultats des simulations ont été analysés p a r une régression linéaire multiple pas à pas, afin de déterminer les paramètres qui permettent d'expliquer l'évolution de la variable qui décrit la croissance de l'épidémie. Il a ainsi été m o n t r é que la probabilité de transmission du V I H et la prévalence initiale de l'infection sont les paramètres qui ont le plus fort impact sur la croissance de l'épidémie. Dans l'hypothèse d'une probabilité de transmission du V I H constante au cours de la période d'incubation, la durée d'incubation influe fortement sur la dynamique des cas de S I D A et faiblement sur celle de l'infection à V I H . L ' a l l o n g e m e n t de la p é r i o d e d'incubation p e u t avoir deux impacts : les individus infectés sont contagieux plus longtemps ce qui entraîne une augmentation de la taille de l'épidémie (si l'on suppose que les individus infectés ne modifient pas leur comportement sexuel à risque) et de la mortalité due au S I D A ; les individus infectés sont touchés plus tardivement par le SIDA et vivent donc plus longtemps. Cette influence sur la taille de l'épidémie est très faible si la croissance de l'épidémie est rapide en l'absence de traitement (par exemple, si les individus ont en moyenne six partenaires par an ou si les données sont celles de San Francisco). Si les individus sont moins actifs (trois partenaires par an en moyenne), un t r a i t e m e n t de 50 % des individus infectés p r o l o n g e a n t la d u r é e de la p é r i o d e d'incubation de cinq ans multipliera la taille de l'épidémie par 1,5 par rapport à la taille obtenue sans traitement. Ces résultats rejoignent ceux obtenus par Anderson et coll. (2) qui ont m o n t r é que l'augmentation de la durée d'incubation diminue la taille de la population infectée uniquement si la croissance de l'épidémie est lente et l'allongement 79 de la durée d'incubation est inférieure à 10 ans. Cependant, notre analyse de sensibilité m o n t r e q u e , m ê m e si tous les individus étaient traités, l ' a u g m e n t a t i o n de la d u r é e d'incubation de cinq ans aurait un impact sur la taille de l ' é p i d é m i e 1,5 fois moins important qu'une augmentation du nombre moyen de partenaires du même facteur. Si la p r o b a b i l i t é de transmission du V I H varie selon les stades de la p é r i o d e d'incubation, les caractéristiques de la p é r i o d e d'incubation (qui sont corrélées à la durée de la p é r i o d e non contagieuse) et celles des stades contagieux ( d u r é e et probabilité de transmission) sont des p a r a m è t r e s très sensibles. D a n s ce cas, un allongement de la d u r é e d ' i n c u b a t i o n par les t r a i t e m e n t s p o u r r a i t favoriser ou contrarier l ' é p i d é m i e selon que le t r a i t e m e n t p r o l o n g e la d u r é e de la p é r i o d e contagieuse tardive ou de la période non contagieuse. Ces résultats soulignent combien il est important d'accompagner le traitement des individus infectés par un programme d'éducation et de conseil. Les paramètres sociologiques qui influent sur l'évolution de l'épidémie sont, dans l'ordre d'importance décroissante, le nombre moyen de partenaires par individu et par an, les dates de modification du comportement sexuel, la durée des liaisons sexuelles et l'hétérogénéité du nombre de partenaires. Anderson et May (1) ont conclu, à partir des résultats obtenus avec un modèle mathématique compartimentai, que la croissance de l'épidémie était plus faible lorsque l ' h é t é r o g é n é i t é du n o m b r e de p a r t e n a i r e s est a u g m e n t é e . N o t r e a p p r o c h e p e r m e t de m o n t r e r que cette diminution est p r é c é d é e d'une accélération de la croissance de l'épidémie due à la propagation du V I H par les individus très actifs, qui sont n o m b r e u x lorsque la p o p u l a t i o n est h é t é r o g è n e . C e p e n d a n t , l'analyse de sensibilité m o n t r e q u e l ' h é t é r o g é n é i t é du n o m b r e d e partenaires n'est pas le paramètre sociologique le plus important. Différents scénarios décrivant les modifications de l'activité sexuelle des individus au cours du temps ont été simulés : la prévalence cumulée de l'infection n'augmente que de 3 % entre 1987 et 1999 si l'on suppose que les individus ne modifient plus leur comportement à partir de 1987 (date de la dernière observation). Cependant, des enquêtes montrent qu'au moins 20 % des individus homosexuels interrogés à San Francisco n ' o n t pas un c o m p o r t e m e n t à faible risque réellement stable. La prévalence de l'infection à V I H étant égale à 35 % en 1987, la reprise des c o m p o r t e m e n t s à risque à partir de 1988 au niveau d'un et trois partenaires par an en moyenne induit une nouvelle croissance de la prévalence cumulée de l'infection estimée à 6 % et 10 % en 10 ans. CONCLUSION La t e c h n i q u e de simulation é v é n e m e n t i e l l e choisie a permis, en simulant le c o m p o r t e m e n t individuel, d'estimer la p r o b a b i l i t é de transmission du V I H par p a r t e n a i r e chez des h o m o s e x u e l s . Elle a m o n t r é que les caractéristiques épidémiologiques suivantes ont une influence sur la croissance de l'épidémie : la durée des stades de la période d'incubation, la probabilité de transmission du V I H au cours de ces stades, avec ou sans t r a i t e m e n t , et la p r é v a l e n c e initiale de l'infection à V I H . Certaines caractéristiques précises du comportement sexuel individuel sont également importantes et doivent donc être prises en compte par les modèles de simulation de la dynamique de l'infection à V I H : la distribution du nombre de partenaires par individu et par an, les modifications du comportement sexuel au cours du temps, la durée des liaisons. P a r ailleurs, cette t e c h n i q u e a é g a l e m e n t permis de d é m o n t r e r , p a r des simulations chez des hétérosexuels, que certaines caractéristiques du réseau sexuel, 80 telles que la d u r é e des liaisons sexuelles et des liaisons à plusieurs p a r t e n a i r e s , accélèrent la croissance de l'épidémie (11). L'étude de l'impact de la structure du réseau relationnel sur la diffusion du V I H devra être approfondie pour les cas de populations plus complexes. Les résultats pourront être comparés à ceux qui peuvent être obtenus avec l'approche mathématique de la théorie des graphes (4). Par ailleurs, la mortalité due au S I D A p e u t entraîner des changements de c o m p o r t e m e n t qui vont modifier l'évolution de l'épidémie, en particulier si la probabilité de transmission n'est pas égale de l'homme infecté vers la femme et de la femme infectée vers l'homme (10). Ce travail sera suivi par l'analyse de la dynamique de l'épidémie observée chez des homosexuels d'Amsterdam (Pays-Bas) grâce à une collaboration avec le Centre d'étude du c o m p o r t e m e n t h o m o s e x u e l d ' U t r e c h t (13). Il conviendra d ' é t u d i e r p o u r q u o i l'épidémie observée à Amsterdam depuis 1980 ne présente pas la même dynamique que celle de San Francisco et d'estimer la probabilité de transmission du V I H à partir de nouvelles données. Un autre objectif est également d'étudier la diffusion de l'épidémie dans la population générale française à partir des données comportementales recueillies fin 1991 chez 20 000 personnes (3). L'objectif sera de déterminer si l'infection à V I H se limitera aux groupes actuellement les plus exposés (les homosexuels et les toxicomanes) ou atteindra l'ensemble de la population. Cette m é t h o d e est p a r t i c u l i è r e m e n t intéressante lorsque l'on veut simuler la d y n a m i q u e de systèmes complexes dans lesquels les entités ont de n o m b r e u s e s interactions entre elles, par exemple, la gestion de la circulation des avions ou bien le comportement des renards lors de l'étude de la transmission spatio-temporelle de la rage vulpine (5). * * * D E V E L O P M E N T OF FACTUAL M O D E L S F O R D Y N A M I C S OF T H E TRANSMISSION OF HUMAN IMMUNODEFICIENCY VIRUS: AN EXAMPLE FOR ANIMAL EPIDEMIOLOGY. - F. Le Pont and A.-J. Valieron. Summary: In order to simulate the spreading mechanism of human immunodeficiency virus (HIV), a factual approach was developed given the ease of incorporating new knowledge and taking into account the variability of a large number of sociological, biological and demographic factors, and also on account of the dynamics of the relational network of individuals. By way of example, the model was applied to data concerning homosexuals in San Francisco (United States of America) between 1980 and 1987, which enabled an evaluation to be made of the probability of HIV transmission from each partner, using two hypotheses about the evolution of contagiousness of an infected individual during the incubation period. An analysis of the sensitivity of the model revealed certain factors which had a strong influence on the growth of the epidemic. Application of this technique to the entire population of France is planned. K E Y W O R D S : Acquired immunodeficiency syndrome - Epidemiology Human immunodeficiency virus - Models - Simulation. * * 81 MODELIZACIÓN A PARTIR D E EPISODIOS CIRCUNSTANCIADOS D E LA DINÁMICA D E TRANSMISIÓN D E LA INFECCIÓN POR EL VIRUS D E LA INMUNODEFICIENCIA HUMANA: UN EJEMPLO PARA LA EPIDEMIOLOGÍA ANIMAL. - F. Le Pont y A.-J. Valieron. Resumen: Para simular la dinámica de propagación del virus de la inmuno deficiencia humana (VIH), se ha desarrollado un modelo basado en episodios circunstanciados por su capacidad de asimilar fácilmente nuevos conocimientos y de tomar en cuenta la variabilidad de múltiples factores sociológicos, biológicos y demográficos así como la dinámica de la red relacional de los individuos. El modelo se ha aplicado, por ejemplo, a los datos facilitados por homosexuales de San Francisco (Estados Unidos de América) entre 1980 y 1987 y ha permitido calcular la probabilidad de transmisión del VIH por compañero de pareja según dos hipótesis relacionadas con la evolución de la contagiosidad de un individuo infectado durante el período de incubación. El análisis de sensibilidad del modelo ha permitido despejar los parámetros que influyen deforma significativa en el desarrollo de la epidemia. Existe el proyecto de aplicar esta técnica a la población francesa en general. P A L A B R A S CLAVE: Epidemiología - Modelo basado en episodios circunstanciados - Simulación - Síndrome de inmunodeficiencia adquirida Virus de la inmunodeficiencia humana. * * * BIBLIOGRAPHIE 1. ANDERSON R . M . & M A Y R.M. (1988). - Epidemiological parameters of H I V transmission. Nature, 333,514-519. 2. ANDERSON R.M., GUPTA S. & M M A Y R.M. (1991). - Potential of community-wide chemotherapy or immunotherapy to control the spread of HIV-1. Nature, 350,356-359. 3. BAJOS N., SPIRA A., D U C O T B., LERIDON H. & RIANDEY B. (1991). - Analyse des comportements sexuels en France. Sci. soc. Santé, 9 (4), 57-68. 4. BLANCHART PH., BOLZ G.F. & KRÜGER T . (1990). - Modelling AIDS-epidemics or any venerai disease on random graphs. Lect. Notes Biomathem., 86,104-118. 5. GARNERIN P. & VALLERON A.-J. (1985). - Un modèle informatique événementiel de la rage vulpine. Rev. Epidémiol. Santé publ., 33,29-38. 6. GRANT R.M., WILEY J. & WINKELSTEIN W . 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