pelvi~ périnéologie - sifud-pp
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board 1/06/06 9:37 Page 1 PELVI~ PÉRINÉOLOGIE ÉDITORIAL B O A R D RÉDACTEUR EN CHEF G. Amarenco RÉDACTEUR EN CHEF ADJOINT J.-J. Labat RÉDACTEURS ASSOCIÉS J.-M. Buzelin, M. Perrigot, B. Jacquetin, P. Debodinance SECTION EDITORS Andrologie-Sexologie : P. Costa Colo-proctologie : L. Siproudhis, D. Soudan Infectiologie : J.-M. Bohbot Neuro-urologie : R. Opsomer, P. Denys Statique pelvienne : B. Fatton, A. Pigné Incontinence : Ph. Grise, M. Cosson Troubles fonctionnels : J.-J. Labat, F. Haab Basic science : B. Parratte, L. Mazières Explorations : L. Lenormand Imagerie : J.-F. Lapray Sciences paramédicales : G. Valancogne Revue de la littérature internationale : B. Deval, J.-F. Hermieu, J.-M. Soler, G. Robain PELVI~ PÉRINÉOLOGIE INSTRUCTIONS A U X A U T E U R S Pelvi-périnéologie est l’organe officiel de la Société interdisciplinaire francophone d’urodynamique et de pelvi-périnéologie (SIFUD PP) Pelvi-périnéologie publie des articles essentiellement en langue française, se rapportant aux différentes thématiques de la discipline. Ces travaux peuvent être des articles de synthèse pour un dossier thématique, des articles originaux, des articles de mises au point, des cas cliniques, des comptes rendus de congrès et des revues de presse, dans les domaines de l’incontinence, la statique pelvienne, l’andrologie-sexologie, la colo-proctologie, l’infectiologie, la neuro-urologie, les troubles fonctionnels, les explorations et l’imagerie. Les sommaires et thèmes de chaque numéro sont déterminés par le comité de rédaction qui se réunit régulièrement et regroupe différents professionnels en pelvi-périnéologie. Les auteurs s’engagent à soumettre un article original, apportant un savoir, une pratique, des réflexions utiles à la discipline transversale qu’est la pelvi-périnéologie. Quelle que soit leur appartenance scientifique, les auteurs s’engagent à respecter l’éthique et la déontologie médicale, de même que le comité de rédaction et le comité scientifique s’engagent à la lecture critique de leurs articles avant acceptation. Cette lecture (par deux, voire trois experts) ne sera effectuée que si les manuscrits suivent les consignes suivantes : 1 - Le manuscrit Les articles sont rédigés en français ou en anglais. Ils sont proposés directement sur un site de soumission en ligne, à l’adresse suivante : http://springer.fontismedia.com/pel/ Les articles sont dactylographiés au format 21 X 29,7 cm, en police Times ou équivalente, corps 12, en double interligne (soit env. 1 600 caractères espaces inclus par page). Sur une page de garde séparée, les auteurs écrivent leurs noms, prénoms, qualité, institution et adresse, ainsi que les coordonnées (téléphonique et électronique) où ils peuvent être joints. La première page comporte le titre de l’article, en français et en anglais, suivi d’un résumé (500 caractères au maximum) et des mots clés (5 au maximum) en français et en anglais. L’auteur se charge de traduire le résumé et les mots clés en anglais (qui seront corrigés en cas de difficultés). Les articles ne devront pas dépasser : - pour les articles de synthèse (qui font partie du dossier thématique du fascicule), 20 pages dactylographiées et 50 références ; - pour les articles originaux, 15 pages dactylographiées et 30 références ; - pour les articles de mise au point, 15 pages dactylographiées et 20 références. À part quelques références essentielles, la littérature analysée est celle des cinq dernières années ; - pour les cas cliniques, 6 pages dactylographiées, 2 tableaux ou figures et 20 références ; - pour les recommandations, 15 pages dactylographiées et 30 références ; - pour les comptes rendus de congrès, qui ne comportent ni résumé ni références bibliographiques, 8 pages dactylographiées au maximum ; - pour les revues de presse (qui citent en référence la ou les publications analysées) 5 pages dactylographiées au maximum. Le titre est aussi bref et compréhensible que possible. Le texte peut suivre le mode de rédaction habituelle : introduction, méthodes et population, résultats, discussion, conclusion. Toutefois, il peut être également simplement articulé en chapitres, subdivisés en paragraphes par des sous-titres. Les schémas et dessins figurent sur des pages à part, avec titres et légendes, pour être téléchargés isolément du fichier texte (Word). Les numérotations sont en chiffres romains pour les tableaux et en chiffres arabes pour les figures. 2 - Les références bibliographiques L’ensemble comprend uniquement les références citées dans l’article. Les références sont classées suivant leur ordre d’apparition dans l’article, avec numérotation. L’appel bibliographique [cité entre crochets] se fait directement dans le texte. Les normes internationales sont utilisées de la façon suivante : - Pour un ouvrage : • Nom de l’auteur en minuscules suivi d’un espace et de l’initiale du prénom (Dupont J). Si la référence compte 2 à 4 auteurs, une virgule séparera l’initiale du prénom du premier, du nom du second. S’il y a plus de 4 auteurs, seuls les noms et initiales des 3 premiers auteurs seront indiqués et suivis alors de « et al. ». • Année de publication entre parenthèses. • Titre complet suivi par un point. Dans le cas d’un chapitre ou partie extrait(e) d’un ouvrage, indiquer à la suite du titre « In: » suivi de(s) nom(s) et initiale(s) du ou des auteurs principaux (suivi d’une virgule) et du titre de l’ouvrage suivi par un point. Éditeur (suivi d’une virgule), lieu de parution (suivi d’une virgule), et numéros des pages citées séparés par un tiret. Exemple : Le Normand L, Buzelin JM (2006) Anatomie et physiologie du sphincter urétral. In: Amarenco G, Chantraine A (eds), Les fonctions sphinctériennes. Springer, Paris, pp 7-28 - Pour un article : • Comme précédemment pour les noms et prénoms. • Année de publication. Titre complet de l’article. Titre de la revue (abrégée si possible, suivant la nomenclature internationale de l’Index Medicus). Volume suivi de deux points, sans espace avant les deux points, suivis des numéros des pages concernées séparés par un tiret. Exemple : Ciofu C, Levy P, Leger S, et al. (2006) Pad test court versus pad test ultracourt. Étude prospective randomisée. Pelv perineol 1: 52-93 Dans le corps du manuscrit peuvent apparaître des titres d’ouvrage ou d’article. 3 - Publication Après expertise, le texte est accepté avec ou sans corrections. Il peut également être refusé avec argumentation. L’expertise se déroule en ligne sur le site de soumission en ligne des manuscrits. Lorsque le manuscrit est accepté, il ne peut plus être publié dans une autre revue, sauf accord du comité de rédaction et de l’éditeur. Si le texte est à modifier, il doit être retourné au rédacteur en chef via Fontis dans les dix jours. Dans un deuxième temps, des épreuves seront retournées aux auteurs pour relecture. Attention ! Les textes soumis sur Fontis ne comportant pas la totalité des éléments énumérés ci-dessous vous seront systématiquement retournés pour mise en conformité, avant toute expertise. Une fois enrichis, ils devront être resoumis : • Titre, résumé et mots clés en français et en anglais • Affiliation et coordonnées complètes de chacun des auteurs, auteur correspondant et co-auteurs • Références numérotées par ordre d’apparition dans l’article • Appels dans le texte entre crochets des références citées PELVI~ PÉRINÉOLOGIE S O M M A I R E ÉDITORIAL Recherche en pelvi-périnéologie .......... 209 M. Perrigot ARTICLES SCIENTIFIQUES ARTICLES ORIGINAUX Traitement des troubles érectiles du blessé médullaire par les inhibiteurs de la phosphodiestérase ...................... 213 J.G. Prévinaire, J.M. Soler, P. Denys, E. Chartier-Kastler Soutènement sous-urétral par la voie obturatrice pour la cure chirurgicale de l’incontinence urinaire d’effort féminine : dehors en dedans (Monarc®) versus dedans en dehors (TVT-O®). Les deux voies sont elles sécurisantes ? ..................................... 218 P. Debodinance, P. Delporte MISES AU POINT Spécificités de la prise en charge de l’incontinence urinaire chez la personne âgée ................................. 237 G Robain, H. Vincent, D. Hennebelle, O. Chapelle, P. Vu, B. Marti, F. Valentini Fatigue urétrale et pelvienne................ 242 X. Deffieux, P. Raibaut, K. Hubeaux, S. Sheikh Ismael, P. Thoumie, G. Amarenco CAS CLINIQUE Paraplégies spastiques héréditaires et troubles vésico-sphinctériens ........... 248 J. Seror, L. Rouache, R. Caremel, A.-M. Leroi, P. Grise VIE DES SOCIÉTÉS Sexualité féminine et neurologie : la place du neuropsychiatre ................. 252 J.-C. Colombel Influence de l’observance de la pratique des autosondages intermittents sur la fréquence des infections urinaires, la continence urinaire et les activités de vie quotidienne de patients neurologiques ..................................... 225 L. Oujamaa, E. Shao, P. A. Joseph, M. Barat, J. M. Mazaux , M. de Sèze FORMATION MÉDICALE Exactitude des mesures de pressions effectuées par un système de capteurs et sonde à ballonnets chargés à air TDoc® pour la pratique des examens urodynamiques.................................... 232 L. Le Normand, J. Rigaud, S. Battisti, P. Glémain, J.M. Buzelin, O. Bouchot DOSSIER THÉMATIQUE FOCUS Classifications des vessies neurologiques ..................................... 262 G. Amarenco Douleurs pelvi-périnéales chroniques et antécédents d’agression(s) sexuelle(s). Quelles conséquences thérapeutiques ? ................................. 272 T. Riant, J. J. Labat, J. Rigaud Les troubles fonctionnels ano-rectaux après abus sexuel................................ 281 A.-M. Leroi Troubles vésico-sphinctériens et abus sexuel ..................................... 285 M. Le Fort, J.-J. Labat, J. Rigaud Après un abus sexuel, quelle sexualité ? ................................ 290 B. Audrain-Servillat PRATIQUE MÉDICALE L’endosonographie dans l’incontinence anale : à consommer sans modération............. 294 V. de Parades, I. Etienney, P. Atienza RECOMMANDATIONS Suivi des vessies neurologiques du blessé médullaire et du patient porteur d’une myéloméningocèle Revue de la littérature et recommandations pratiques de suivi................................ 304 A. Ruffion, M. de Sèze, P. Denys, B. Perrouin-Verbe, E. Chartier Kastler et les membres du GENULF Les abus sexuels coordonné par J.-J. Labat Conséquences pelvi-périnéales des abus sexuels .................................264 J.-J. Labat Aspects médico-légaux de la prise en charge d’une victime d’agression sexuelle ............................ 265 J. Loriau, A. Soussy REVUE DE PRESSE G. Robain, J. F. Hermieu..................... 324 copyrightok.qxp 24/11/06 14:54 Page 1 Abonnements Le volume 1 (4 numéros) paraît en 2006, PELVI~ PÉRINÉOLOGIE COPYRIGHT Pelvi-périnéologie couvre l’ensemble de la pelvi-périnéologie et s’intéresse particulièrement à l’incontinence urinaire, aux troubles fonctionnels pelvi-périnéaux, aux explorations urodynamiques et plus généralement, aux explorations périnéales (imagerie, neurophysiologie, etc.), aux troubles ano-rectaux, et aux troubles génito-sexuels. Cette revue multidisciplinaire comprend des articles originaux faisant part des différentes avancées dans ces différents domaines et aussi des articles de synthèse, de formation, d’enseignement et de pratique. Pelvi-périnéologie est l’organe officiel de la société savante SIFUD PP ; la revue s’adresse en priorité aux médecins de médecine physique et de réadaptation s’intéressant aux explorations urodynamiques, aux urologues, gynécologues, chirurgiens viscéraux hysto-pelviens, coloproctologues, sexologues, infirmières impliquées dans les explorations périnéales, kinésithérapeutes, sages-femmes, aux gastro-entérologues et à l’industrie pharmaceutique. Copyright Ne peuvent être présentés au comité de rédaction que des manuscrits n’ayant pas été simultanément présentés ailleurs, n’ayant pas déjà été publiés ou n’étant pas en cours de publication. En présentant un manuscrit, les auteurs s’engagent à déléguer à la maison d’édition, à partir du moment où l’article est accepté, le copyright de celui-ci, les droits de reproduction photographique, en microforme ou par tout autre moyen, de traductions et de tirage à part compris. L’autorisation de l’éditeur est nécessaire pour toute reproduction, photographique, en microforme ou par un autre moyen, du texte, des illustrations ou des tableaux. Bien que les conseils et informations donnés dans ce périodique soient censés être vrais et exacts au moment de la mise sous presse, les auteurs, les rédacteurs et la maison d’édition n'assument aucune responsabilité quant aux erreurs et omissions qui pourraient se produire. La maison d’édition ne peut donner aucune garantie, explicite ou implicite, quant au contenu de chaque numéro. La rédaction du journal rappelle que les opinions exprimées dans les articles ou reproduites dans les analyses n’engagent que les auteurs. Individual rates / Tarif individuel : 80 euros HT Institutional rates / Tarif institutionnel : 120 euros HT Single Issue / achat au numéro : 30 euros HT Un tarif préférentiel est accordé aux membres de la SIFUD PP ayant payé leur cotisation. Frais d’envoi compris, par voie de surface. 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Rédacteur en chef de Pelvi-périnéologie Gérard Amarenco Hôpital Rothschild 33, boulevard de Picpus, 75271 Paris cedex 12 Contact et soumission des articles en ligne : Site web : http://springer.fontismedia.com/pel/ Édition – Promotion Springer-Verlag France Pelvi-périnéologie 22, rue de Palestro, F-75002 Paris, France Tél. : +33 (0)1 53 00 98 60, Fax : +33 (0)1 53 00 98 61 e-mail : [email protected] Directeur de publication Guido Zosimo-Landolfo Responsable d’édition : Méline Berthelot e-mail : [email protected] Secrétariat de rédaction : Anne Desmortier e-mail : [email protected] Publicité et partenariats : K. Pech assistée par I. 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Les étapes de la découverte recouvrent continuellement les expériences in vitro, les expériences chez l’animal entier et les constatations en clinique humaine. La multidisciplinarité existe depuis toujours : dès la fin du XIXe siècle, anatomie, physiologie ; actuellement, biologie cellulaire, biochimie, pharmacologie. Après Claude Bernard (1865), il est apparu des chercheurs géniaux. Budge a décrit chez l’animal les centres mictionnels sacrés, puis ceux du tronc cérébral ainsi que les connexions ; chez l’homme, Mosso et Pellacani en Italie, Genouville en France. Ils ont décrit la cystométrie. Dans les années 1940, la description des centres mictionnels du tronc cérébral et des réflexes mictionnels a été reprise et précisée par Barrington chez le chat, dans de nombreux articles. Après les années 1970, de Groat, dans son grand institut de recherche, a élargi de façon considérable la recherche vésico-sphinctérienne à tous points de vue : anatomique, physiologique, physiopathologique, cellulaire, pharmacologique. Parallèlement, la recherche clinique a fait autant de progrès : élaboration d’une typologie vésico-sphinctérienne clinique chez l’homme concernant les affections urologiques, gynécologiques, neurologiques, recto-anales et pelvi-périnéales globales, troubles génitosexuels. Les aspects psychopathologiques de ces différents troubles, décrits initialement par Jules Janet en 1890, analysés par Freud qui a été le premier à établir une théorie psychologique et psychanalytique. Ces derniers travaux ont permis une distinction entre les troubles d’origine psychogène et le retentissement psychologique des troubles, avec les évaluations de la mesure du handicap urinaire et du retentissement sur la qualité de vie. La recherche est faite par les chercheurs, personnes curieuses, attirées par la résolution de problèmes intellectuels, le plaisir de découvertes scientifiques au-delà des constatations empiriques de la médecine traditionnelle, la remise en cause de l’existant établi, le désir d’entrer dans des clubs fermés de spécialistes qu’ils admirent. La découverte scientifique, qu’elle soit le résultat d’intuition géniale, d’expérimentations bien conçues ou le fruit du hasard, est presque toujours dérangeante pour la pensée dominante et donc « vue » avec méfiance lors de la première présentation. Elle est actuellement « jugée » sur les publications scientifiques. Un carcan immuable a été institué, celui de l’IMRDC : introduction, matériels et méthodes, résultats, discussion, conclusion, mais il a créé très vite des limites : la méthode est actuellement analysée 210 surtout pour faciliter les critiques au vu des failles de la méthodologie ; les résultats sont présentés surtout pour démontrer qu’il ne s’agit pas d’artéfacts ; la discussion surtout orientée vers ce même objectif alors qu’on l’attendrait plutôt et logiquement sur les hésitations, les fausses pistes, les erreurs pour informer les futurs chercheurs sur le sujet ; la conclusion presque toujours au subjectif par prudence. Tout ceci est imposé par la longueur des articles acceptés, actuellement au nombre de mots, rendant impossibles les explications complètes. L’impact factor est devenu en effet un élément clé des publications. Il faut être publié dans une bonne revue, c’est-à-dire qui soit lue, qu’elle ait un taux de rejets très élevé (d’où les critiques sur les méthodes essentiellement), par un auteur ayant un impact factor personnel conséquent (il évalue le nombre de fois où l’article est cité dans la littérature). Ceci a conduit à de nombreuses recommandations pour la rédaction d’un article scientifique et sa valeur reconnue en plusieurs niveaux : – preuve scientifique établie ou méta-analyse d’essais comparatifs randomisés ; – présomption scientifique pour des études comparatives randomisées bien menées ; – études de collections ou de cohortes ; – études comparatives comportant des biais importants, études rétrospectives, études de cas, études épidémiologiques descriptives. La recherche est encadrée par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. De nombreux rapports y ont été consacrés. Les grandes orientations sont le renforcement et la fédération de la recherche publique autour de priorités, la réalisation de partenariats avec les entreprises privées pour augmenter la part du financement privé, la production d’indicateurs au pilotage et au suivi de la production scientifique afin d’améliorer l’information scientifique et d’assurer des publications dans des revues de rang 1, et ainsi de tenir le rang de la dimension internationale. C’est encore le renforcement des équipes par le renouvellement des emplois scientifiques et techniques. C’est favoriser l’augmentation du nombre d’étudiants inscrits en premier cycle universitaire dans le domaine scientifique, permettre la mobilité des chercheurs (nombre de postdoctorants rentrant en France et nombre de chercheurs étrangers accueillis). Beaucoup d’organismes de recherche ont été créés pour la recherche fondamentale, INSERM et CNRS, instituts et observatoires régionaux, pour la recherche clinique, CIC, CIT, PHRC nationaux et régionaux. Des comités d’interface associant les organismes officiels de recherche et les sociétés savantes ont été créés. Les sociétés savantes ellesmêmes organisent et récompensent des actions de recherche clinique ou fondamentale en étroite collaboration avec l’industrie privée, sous forme de prix et de bourses. Chaque année, elles rassemblent également, à l’occasion des congrès annuels, l’état des connaissances, les projets en cours. Le congrès est un lieu idéal de rencontre pour les cliniciens, les chercheurs, les industriels, permettant d’entreprendre et de dynamiser des études prospectives contractuelles. a9ok.qxd 27/10/06 14:35 Page 1 A B CD springer.com Springer Online Journal Archives Bringing Yesterday’s Masters to Today’s Minds Springer unlocks the gateway to historical scientific research of the past century with the introduction of the Online Journal Archives. Available through SpringerLink researchers will be able to retrieve information making search results more efficient and productive and save valuable research time. The archives will add more than 2 million scientific articles available electronically-right to your desktop. Visit springer.com for more information or go to springerlink.com to browse current and archive articles. NEW 011710x Pelv Perineol (2006) 1: 213–217 © Springer 2006 DOI 10.1007/s11608-006-0071-3 ARTICLE ORIGINAL / ORIGINAL ARTICLE Traitement des troubles érectiles du blessé médullaire par les inhibiteurs de la phosphodiestérase J.G. Prévinaire 1,2 , J.M. Soler 1 , P. Denys 3 , E. Chartier-Kastler 3 1 2 3 Centre Bouffard-Vercelli, Laboratoire d’Urodynamique et de Sexologie, Cap Peyrefite, 66290 Cerbère Fondation Hopale, Centre Calvé, 72, esplanade Parmentier, 62608 Berck-sur-Mer cedex Hôpital Raymond-Poincaré, Service de Rééducation neurologique, 104, boulevard Raymond-Poincaré, 92380 Garches Résumé : Objectif : Évaluer l’efficacité des inhibiteurs de la phosphodiestérase (IPDE5) dans le traitement des troubles érectiles du blessé médullaire. Lieu : Hôpital de jour, Centre Bouffard-Vercelli, Cerbère. Méthode : Étude clinique sur 120 patients sous sildénafil (Viagra®), 54 patients sous tadalafil (Cialis®) et 66 patients sous vardénafil (Lévitra®). Quatre-vingt dix patients (57 patients sous sildénafil, 12 patients sous vardénafil et 21 patients sous tadalafil) ont pu être réévalués après minimum trois mois d’utilisation à domicile, à l’aide du questionnaire IIEF (International Index of Erectile Function). Résultats : Les IPDE5 ont été efficaces chez plus de 72 % des patients avec une durée moyenne d’érection supérieures à vingt-six minutes. Les effets secondaires étaient modérés, s’atténuant avec la poursuite du traitement. Le sildénafil a été efficace à la dose initiale de 50 mg chez 55 % des patients, alors que plus de 70 % des patients sous vardénafil et tadalafil ont nécessité la dose maximale de 20 mg. Deux tiers des patients sous tadalafil ont rapporté une durée d’action supérieure à 24 heures. Les IPDE5 étaient significativement plus efficaces chez les patients ayant gardé des érections réflexes ; les patients présentant une lésion périphérique ou une queue de cheval répondaient mal aux IPDE5. À domicile, le score global de l’IIEF et de 3 sousdomaines (fonction érectile, satisfaction des rapports et satisfaction globale) étaient significativement améliorés chez tous les patients. Les patients sous sildénafil avaient une amélioration significative de la fonction orgasmique (éjaculation et orgasme). Conclusion : Tous les IPDE5 sont efficaces dans le traitement de la dysérection du blessé médullaire, et bien tolérés. Nos résultats semblent indiquer une plus grande puissance du sildénafil. Mots clés : Blessé médullaire – Dysérection – Orgasme – Sildénafil – Tadalafil – Vardénafil Correspondance : E-mail : [email protected] Phosphodiesterase inhibitors in the treatment of erectile dysfunction in spinal cord injured men Abstract: Objective: To assess the efficacy and safety of phosphodiesterase (PDE5) inhibitors for erectile dysfunction in spinal cord injured (SCI) patients. Setting: Home- and clinic-based assessments in the outpatient department of Centre Bouffard Vercelli, Cerbère, France. Methods: Clinical trials of sildenafil (Viagra®) in 120 patients, tadalafil (Cialis®) in 54 patients and vardenafil (Levitra®) in 66 patients were performed. The response to treatment was assessed at home in 90 patients (57 patients receiving sildenafil, 12 patients vardenafil and 21 patients tadalafil) using the international index of erectile function (IIEF). Results: In clinical trials, PDE5 inhibitors were effective in more than 72% of the patients, with a mean duration of erection above 26 minutes. Adverse effects were mild, usually attenuated with continued dosing. More than 70% of the patients receiving either vardenafil or tadalafil required higher doses of 20 mg, whereas 50 mg of sildenafil was effective in 55% of the patients. Two-thirds of the patients receiving tadalafil reported a duration of action longer than 24 hours. Presence of upper motor neuron damage was significantly associated with therapeutic success, while lower motor neuron damage and cauda equina were indicators of poor response. In the follow-up visits, the IIEF global scores and three IIEF domains (erectile function, intercourse satisfaction and overall satisfaction) were significantly improved in all patients. Patients receiving sildenafil showed a significant improvement in orgasmic function, ejaculation (question 9) and orgasm (question 10). Conclusion: Sildenafil, vardenafil and tadalafil are all effective and well tolerated treatments for erectile dysfunction in SCI patients. These results suggest that sildenafil is more effective in treating erectile dysfunction. 214 Keywords: Spinal cord injured patients – Erectile dysfunction – Orgasm – Sildenafil – Tadalafil – Vardenafil Introduction L’érection sans traitement pharmacologique est fréquente chez le blessé vertébro-médullaire, présente dans 95 % des cas quand le fonctionnement du périnée est de type central et de 12 à 24 % quand le périnée est à fonctionnement de type périphérique. Sa qualité est liée à la situation de la lésion médullaire par rapport au centre médullaire dorsolombaire et sacré contrôlant celle-ci, au caractère complet ou incomplet de la lésion. L’érection du blessé médullaire permet plus rarement la réalisation d’un rapport sexuel satisfaisant [1-5]. La fonction orgasmique est généralement altérée [6]. Les injections intracaverneuses de papavérine, d’alphabloquants et de prostaglandine ont permis un rétablissement fréquent de l’érection du blessé médullaire. Mais la nécessité de réaliser une injection et des effets secondaires parfois gênants ont limité leur utilisation [3,7,8]. Le sildénafil (Viagra®) a représenté le premier véritable traitement oral des dysfonctionnements érectiles, suivi peu après par le vardénafil (Lévitra®) et le tadalafil (Cialis®). Ils partagent le même mécanisme d’action, favorisant la myorelaxation intracaverneuse (et l’afflux sanguin) par inhibition sélective de la phosphodie stérase de type 5 (IPDE5). Plusieurs études contre placebo ont montré l’efficacité du sildénafil sur les dysfonctionnements érectiles du blessé médullaire et son impact sur la qualité des rapports sexuels [1,9-12]. Son rôle sur la fonction orgasmique est cependant moins connu. Les études concernant le vardénafil ou le tadalafil sont rares [13]. Nous rapportons notre expérience du traitement de la dysérection du blessé médullaire par les 3 IPDE5 disponibles, dans une étude ouverte concernant 240 patients. Matériel et méthode Cette étude rétrospective intéresse 120 blessés médullaires sous sildénafil, 66 sous vardénafil et 54 sous tadalafil. Ils présentaient tous un dysfonctionnement érectile, avaient une vie sexuelle active et une partenaire stable. Les patients présentant des antécédents cardio-vasculaires connus ou une instabilité artérielle ont été exclus de l’étude. Notre démarche d’exploration des dysfonctionnements sexuels comporte plusieurs étapes. Le bilan initial Il permet d’apprécier les dysfonctionnements sexuels du blessé médullaire sans traitement pharmacologique. Il comporte : – un questionnaire autodirigé IIEF (International Index of Erectile Function) de 15 questions cotées de 1 à 5, évaluant les fonctions sexuelles du blessé médullaire pendant les quatre semaines précédents l’examen [14] ; – une évaluation de la durée (en minute) et de la qualité de l’érection réflexe par stimulation mécanique (masturbation), sur une échelle auto-évaluée de 0 (absence d’érection) à 5 (rigidité optimale). Une rigidité égale ou supérieure à 4 est considérée comme permettant une pénétration. Le test pharmacologique Les tests on été effectués en hôpital de jour. Chaque test consistait en une stimulation manuelle (masturbation) 30 à 60 minutes après la prise de médicament. Les doses initiales étaient de 50 mg (sildénafil) et de 10 mg (vardénafil et tadalafil) [15]. Si nécessaire, un nouvel essai était effectué à une semaine d’intervalle avec une dose double. Pour le tadalafil, nous demandions aux patients d’avoir une nouvelle stimulation sexuelle le lendemain. Le traitement à domicile Le médicament était ensuite prescrit pour utilisation à domicile, et les patients revus en consultation pour évaluation (avec minimum 3 mois de recul). Les modifications du fonctionnement sexuel étaient évaluées par le questionnaire IIEF. L’analyse de variance a été utilisée pour comparer les résultats des 3 groupes, à l’aide des tests ANOVA et Kruskal-Wallis, respectivement pour les données continues et discontinues. Résultats Patients1 Les caractéristiques de notre population sont reprises dans le Tableau I. Il s’agissait essentiellement de patients jeunes présentant une paraplégie complète (ASIA A) et spastique. On ne retrouve aucune différence significative entre les 3 groupes. Bilans initiaux1 La rigidité des érections était bonne (4 ou 5) chez 51 % des patients, mais avec une durée très faible (moins de 3 minutes). Ces données ne sont pas significativement différentes entre les 3 groupes. Essais cliniques1 Une bonne rigidité (4 ou 5) était rapportée par 85 % des patients sous sildénafil, 74 % sous vardénafil, et 72 % 1 Les données détaillées sont reprises dans l’article de Soler et al. [16]. 215 Tableau I. Caractéristiques des 240 patients Blessés médullaires ASIA incapacité Lésion Âge Évolution lésion Rigidité Durée d’érection 145 paraplégiques, 78 tétraplégiques, 17 queues de cheval 82 % = A 89 % = périnée central, 11 % = périnée périphérique 35 ans 12 (18 à 73) 102 mois 91 (3 à 568) 51 % = 4 ou 5 3 min 1 NS NS NS NS NS NS NS NS : différence non significative entre les 3 groupes. ASIA A = lésion sensitivo-motrice complète. Tableau II. Résultats des essais cliniques Rigidité du pénis (4 ou 5) Durée d’érection (moyenne) Dose efficace Effets secondaires Durée d’action (tadalafil) Viagra® (n = 120) Lévitra® (n = 66) Cialis® (n = 54) 85 % 34 min 12 50 mg 15 % – 74 % 28 min 26 20 mg 14 % – 72 % 26 min 19 20 mg 6% > 24 h (67 %) sous tadalafil. La durée moyenne d’érection était de 34 minutes sous sildénafil, 28 minutes sous vardénafil, et 26 minutes sous tadalafil (Tableau II). Les effets secondaires sous forme de maux de têtes, sensation de vertige, flush facial, dyspepsie, ou lombalgie étaient rapportés chez 15 % des patients sous sildénafil, 14 % sous vardénafil, et 6 % sous tadalafil. Ces effets secondaires étaient modérés, généralement atténués avec le temps. Ils n’ont jamais empêché la poursuite du traitement. Sous vardénafil et tadalafil, la dose initiale de 10 mg a été inefficace chez plus de 70 % des patients, alors que la dose de 50 mg de sildénafil a été efficace chez 55 % des patients (Tableau II). Deux tiers des patients sous tadalafil (36/54) ont rapporté une durée d’action supérieure à 24 heures, 14 patients entre 4 et 24 heures, et 4 patients une durée inférieure ou égale à 4 heures. L’analyse de variance montre un impact négatif des queues de cheval, et des syndromes périphériques sur l’efficacité du traitement. Domicile1 Quatre-vingt dix patients ont été revus, 57 patients sous sildénafil, 12 patients sous vardénafil et 21 patients sous tadalafil. La durée moyenne d’utilisation était de 9,7 mois. Le score global IIEF était significativement amélioré chez tous les patients. La fonction érectile, la satisfaction des rapports et la satisfaction globale étaient significativement améliorées dans les 3 groupes. Les patients sous sildénafil ont présenté une amélioration significative de la fonction orgasmique, concernant l’éjaculation et l’orgasme (Fig. 1). Le désir sexuel était élevé chez tous les patients. 30 p<0,001 Base Sildénafil 25 20 15 p<0,001 10 NS p<0,001 Désir Satisfaction p<0,001 5 0 Fct° Érectile Rapports Orgasmique Fig. 1. Résultat des questionnaires IIEF à domicile pour le sildénafil (Viagra®) Fonction érectile (max 30), Satisfaction des rapports (max 15), Fonction orgasmique (max 10), Désir sexuel (max 10), Satisfaction globale (max 10) Discussion Notre étude confirme l’efficacité des IPDE5 dans le traitement de la dysfonction érectile du blessé médullaire. Une rigidité de qualité associée à une durée d’érection de plus de 26 minutes est retrouvée chez plus de 72 % des patients. Les évaluations à domicile montrent que les 3 groupes de patients améliorent de façon significative leur vie sexuelle, particulièrement dans les domaines de la fonction érectile, de la satisfaction des rapports et de la satisfaction globale. Ces résultats sont conformes à la littérature [9,11-13,17-19]. Les patients présentant un syndrome sous-lésionnel (syndrome pyramidal – périnée spastique) sont de bons répondeurs au traitement ; inversement, les IPDE5 se montrent peu efficaces en présence d’un syndrome lésionnel (queue de cheval – périnée flasque). Ces 216 résultats indiquent que l’intégrité du centre médullaire sacré parasympathique (S2-S4) est nécessaire pour obtenir un effet clinique : tout se passe comme ci les IPDE5 renforçaient une érection réflexe déjà présente, même minime [9,18]. Notre étude semble indiquer une puissance supérieure du sildénafil sur les autres IPDE5. Il est efficace chez plus de patients (85 %), avec une durée d’érection supérieure (34 minutes) et ces effets sont obtenus avec la dose minimale de 50 mg chez 55 % des patients. De plus, seuls les patients sous sildénafil présentent une amélioration de l’éjaculation et de l’orgasme, peut être due à une meilleure tension du gland. Néanmoins, notre échantillon était trop petit pour réaliser une étude statistique. Deux tiers des patients sous tadalafil rapportent une durée d’action supérieure à 24 heures. Le tadalafil présente une demi-vie de 17,5 heures et est efficace plus de 36 heures après la prise, ce qui peut donner plus de spontanéité à l’acte sexuel [13,20]. C’est pourquoi certains patients le prennent systématiquement 3 fois par semaine plutôt qu’à la demande. Néanmoins, une attention particulière doit être donnée aux patients portant un étui pénien, car une stimulation excessive peut provoquer des érections non souhaitées. Le traitement par IPDE5 représente actuellement le premier traitement de la fonction dysérectile du blessé médullaire. Néanmoins, son coût (plus de 10 euros le comprimé, non remboursé par la Sécurité sociale), ses contre-indications (essentiellement cardio-vasculaires), son efficacité limitée chez certains patients (notamment queue de cheval), font que d’autres traitements, et en particulier les injections intracaverneuses, gardent toute leur place dans l’arsenal thérapeutique. Dans notre pratique, nous laissons toujours le choix du traitement au patient, après explication adaptée et/ou tests cliniques. Dans notre expérience, nous attachons une grande importance aux tests cliniques. Outre l’intérêt de déterminer la dose efficace et de dépister les effets secondaires, ils permettent également l’éducation appropriée du patient (interaction avec nourriture et alcool, délai et durée d’action, nécessité de stimulation sexuelle...) [21]. Le rétablissement d’une fonction érectile satisfaisante paraı̂t un facteur essentiel à l’amélioration de la vie sexuelle du blessé médullaire. De nombreux travaux ont montré qu’une satisfaction de la vie sexuelle est corrélée avec l’amélioration de la qualité de vie [19,22]. La revalidation de la fonction érectile ne suffit certainement pas à assurer une vie de qualité, mais c’est vraisemblablement une étape essentielle dans la restauration de l’estime de soi et une revalorisation de l’image corporelle permettant une meilleure réinsertion sociale. Conclusion Le dysfonctionnement érectile est un facteur de préoccupation majeur du blessé médullaire. Une prise en charge adaptée et efficace est nécessaire pour le rétablissement d’une vie sexuelle satisfaisante, facteur de réinsertion sociale et d’amélioration de la qualité de vie. Les IPDE5 ont fait la preuve de leur efficacité sur les dysfonctionnements érectiles, le sildénafil facilite l’éjaculation et l’orgasme du blessé médullaire. Les tests réalisés en milieu hospitalier sont prédictifs de leur efficacité en traitement. Références 1. Derry F, Hultling C, Seftel AD, et al. 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Nous avons voulu montrer l’innocuité des deux techniques au travers d’une expérience personnelle et de la littérature. Matériel et méthodes : Il s’agit d’une étude longitudinale ouverte d’observation, prospective, non randomisée, de 100 patientes (50 TVT-O® et 50 Monarc®). Toutes les patientes opérées avaient une manœuvre de soutènement sous-urétral positive. Quatre patientes avaient une incontinence mixte dans le groupe Monarc (MON). Une insuffisance sphinctérienne était retrouvée quatre fois dans le groupe MON et 3 fois dans le groupe TVT-O. Toutes les patientes ont été opérées sous anesthésie locale assistée en ambulatoire. Un contrôle postopératoire était effectué à 3 mois et à 1 an. La durée d’hospitalisation a été de 10 heures pour 48 patientes du groupe MON et 49 du groupe TVTO. La seule complication peropératoire a été une perforation vaginale dans l’angle latéral du vagin pour un MON. Les complications postopératoires précoces ont retrouvé dans le groupe MON : 3 infections urinaires, 1 rétention urinaire passagère, 3 douleurs aux cuisses disparaissant spontanément dans les 4 jours, 1 douleur permanente d’un membre inférieur à 1 an, nécessitant la prise d’antalgiques. Pour le groupe TVTO : 1 infection urinaire, 1 rétention passagère et 4 douleurs de la cuisse. Aucun hématome n’a été rapporté dans les deux groupes. Dans les complications tardives, la symptomatologie de novo a été marquée par un cas d’urgenturie dans le groupe TVTO et 2 cas de dysuries objectives dans le groupe MON versus 7 pour le groupe TVTO. Toutes les complications n’ont pas de différences statistiquement significatives pour les deux groupes. Aucune exposition de bandelette n’est retrouvée. Le taux de guérison était globalement de 90 % à 1 an pour MON contre 94 % pour TVTO (p = NS) avec 2 cas de récidive dans cette série entre 3 mois et 1 an. L’incontinence mixte était corrigée pour 3 patientes sur 4, à 1 an pour MON avec un cas de récidive sur l’année. Les patientes présentant une insuffisance sphinctérienne, la continence était obtenue à 3 et 12 mois dans le groupe MON. Parmi les 3 TVT-O guéries à 3 mois, 2 ont récidivé à 1 an. Seule une patiente a manifesté son insatisfaction à 1 an, et celles qui avaient des rapports sexuels (54 %) n’ont mentionné aucun trouble à 1 an. Les études sur cadavre, effectuées par des partisans de la voie de dehors en dedans montrent un risque vasculonerveux qui n’est que peu retrouvé dans la littérature, en termes de complications. Les douleurs des membres inférieurs dans la période postopératoire sont présents avec les 2 techniques et la plupart du temps ne sont que passagères. Notre expérience montre que ces deux voies d’abord obturatrices sont aussi sécurisantes l’une que l’autre. Les résultats cliniques semblent équivalents en termes de guérison au taux du TVT rétropubien. Mots clés : Incontinence urinaire de la femme – Chirurgie Trans-obturator urethral sling for the surgical correction of female stress urinary incontinence: outside-in (Monarc®) vs inside-out (TVT-O®). Are the two ways reassuring ? Abstract: Introduction: The trans-obturator route, originally described outside-in was presented later inside-out. We wanted demonstrate the safety of the two techniques through personal and published experience. Correspondance : E-mail : [email protected] ; Tél. : (33) 3 28 28 58 40 ; Fax : (33) 3 28 66 07 15 219 Material and methods: Non-randomized, prospective, observational, open-label, longitudinal study of 100 female patients (50 TVT-O® and 50 Monarc®). All the female patients presented with isolated stress urinary incontinence. Only 4 patients presented with mixed incontinence in the Monarc (MON) group. Sphincter incompetence was observed 4 times in the MON group and 3 times in the TVT-O group. All the patients underwent surgery under assisted local anesthesia in a day-hospital setting. Only those patients presenting with patent established urinary incontinence, corrected by the TVT test, underwent surgery. Post-operative control was conducted at 3 months and 1 year. Results: The duration of hospitalization was 10 h for 48 patients in the MON group and 49 in the TVTO group. The only per-operative complication was a vaginal perforation in the lateral angle of the vagina for a MON patient. Early post-operative complications were observed in the MON group: 3 cases of urinary tract infection, 1 of transient urine retention, 3 of pain in the thighs spontaneously resolving within 4 days and 1 of permanent pain in one leg at time 1 year, which remained bearable. For the TVTO group the post-operative complications consisted in: 1 case of urinary tract infection, 1 of transient retention and 4 of pain in the thigh. No hematoma was reported in either group. Among the late complications, the de novo symptoms included 1 case of imperious urges to urinate in the TVTO group and objective dysuria in 2 cases in the MON group vs. 7 in the TVTO group. There was no statistically significant between-group difference in the complications. No tape exposure was observed. Overall, the recovery rate was 90% at 1 year for MON vs. 94% for TVTO (p = NS) with 2 cases of recurrence between 3 months and 1 year in that series. Mixed incontinence was corrected at time point 1 year in 75% of cases for MON, with 1 case of recurrence in the year. For the patients presenting with sphincter incompetence, competence was maintained at 3 months and 1 year in all cases in the MON group. The 3 TVT-O were cured at 3 months, but 2 recurrences were observed at 1 year. All patients, except one, were satisfied at time point 1 year and those who had sexual relations (54%) did not report any disorder at time point 1 year. Discussion: The cadaveric studies by the outside-in partisans show a vascular and nervous risk which has little reflection in terms of complications in the literature. Post-operative leg pains are encountered with both techniques and are usually only transient. Conclusion: The author’s experience, like that reported in the literature, shows that the two trans-obturator access routes are equally. The clinical results would appear to be equivalent, in terms of recovery, to the rates obtained with retropubic TVT. Keywords: Female stress urinary incontinence – Surgery Introduction Le TVT rétropubien [1], efficace, expose cependant à un risque de complications. Celles-ci sont liées au caractère rétropubien de la voie d’abord, inhérent à la technique opératoire. En 2001, la voie transobturatrice a été proposée dans le but d’éviter l’espace rétro pubien [2]. Les résultats cliniques [2,3] ainsi que les travaux anatomiques [4,5] ont suggéré que cette approche pourrait être plus sécurisante. La voie d’abord transobturatrice limite les risques de plaie vésicale et rend impossible les lésions des gros vaisseaux. De plus, le positionnement de la bandelette dans un plan de 45˚ avec l’horizontal devrait limiter le risque de striction de l’urètre, responsable de troubles mictionnels postopératoires. Plusieurs firmes ont proposé divers matériaux prothétiques avec des ancillaires dont certains sont multi voies d’abord. Plus récemment, la voie obturatrice a été utilisée de dedans en dehors (TVT-O®) [6]. À la même époque, N. Daher, a proposé une possibilité qui devait être encore plus sécurisante : la voie superficielle prépubienne [7]. Malheureusement, cette voie, source d’échecs importants probablement liés à une mauvaise reproductibilité, a vite été abandonnée. Nous rapportons ici notre expérience personnelle du soutènement sous-urétral par la voie obturatrice pour la cure chirurgicale de l’incontinence urinaire d’effort féminine avec un passage de dehors en dedans (Monarc®, American Medical Systems, Minnetonka, MN) versus dedans en dehors (TVT-O®, Gynecare, Somerville, NJ) afin de vérifier principalement la sécurité des deux méthodes. Matériel et méthode Du 2/2/2004 au 21/12/2004, 100 patientes ont été incluses dans cette étude longitudinale ouverte d’observation, prospective, non randomisée, et opérées par un seul opérateur (l’auteur). Les patientes bénéficiaient de l’une des deux techniques selon l’ordre de programmation (Monarc® et TVT-O®, une sur deux). Les caractéristiques des deux bandelettes de polypropylène sont détaillées dans le tableau I. Les deux séries comportaient chacune 50 cas. Toutes les patientes souffraient d’une incontinence urinaire d’effort patente isolée sans prolapsus associé. Dans le groupe Monarc® (MON), 6 patientes avaient déjà été opérées d’une incontinence urinaire (3 Burch cœlioscopique, 2 Pereyra et un TVT) et 4 d’un prolapsus génital par voie basse. Dans le groupe TVT-O® (TVTO), 5 patientes avaient eu une cure d’incontinence (1 burch cœlioscopique, 1 burch laparotomique, 2 Peyrera et une fronde de Gore-Tex®), et 4 une cure de prolapsus par voie basse dont une avec prothèse sous-vésicale. Toutes les patientes étaient porteuses d’une incontinence urinaire d’effort, seules 4 patientes avaient une incontinence mixte dans le groupe MON. Une insuffisance sphinctérienne était retrouvée 4 fois (pression de clôture 220 inférieure à 30 cm H2O) dans le groupe MON et 3 fois dans le groupe TVTO. Aucun autre geste chirurgical n’avait été réalisé dans le même temps opératoire. Le taux d’urgences mictionnelles était de 12 % pour la série MON et 10 % pour le TVTO. On notait également une dysurie préopératoire (débit max < 15 ml/s) respectivement de 10 et 6 % dans les deux groupes. Toutes les caractéristiques des patientes sont résumées dans le Tableau II et ne présentent aucune différence statistique. Le protocole anesthésique était le même pour les deux techniques. Il s’agissait toujours d’une anesthésie locale assistée. Le protocole consistait en une prémédication une heure avant l’intervention avec 0,25 à 0,50 mg d’alpazolam (XanaxTM) et 100 mg d’hydroxyzine (AtaraxTM), suivie d’une sédation au bloc opératoire par 2 mg de midazolam (HypnovelTM) associée à 1 à 2 bolus de 5 gamma de sufentanil (SufentaTM). Ensuite, l’anesthésie locale était réalisée de la façon suivante : 1 mg d’adrénaline dilué dans 10 cc de sérum salé dont on prenait 3 cc à mélanger avec 2 ampoules de 20 ml de ropivacaı̈ne (NaropeineTM) à 7,5 % associées à 1 gamma/kg de clonidine (CatapressanTM) à diluer dans 100 cc de sérum salé. On utilisait une aiguille 19 gauges. L’injection était réalisée dans le pli génito-crural au niveau de l’incision cutanée, puis l’aiguille dirigée en direction du trou obturateur était retirée lentement en injectant. Pour l’injection vaginale, l’aiguille était pliée au niveau de son tiers distal pour faire un angle de 130˚. L’aiguille se dirigeait facilement vers le trou obturateur puis était retirée lentement en injectant. Une petite bulle du mélange était instillée en sous-muqueux juste sous l’urètre. Une antibioprophylaxie était administrée une heure avant l’intervention par 2 g de céfacidal (CéfazolineTM) IV. Ni sonde ni mèche n’étaient utilisées. Les interventions étaient réalisées entièrement en ambulatoire, la patiente entrant à jeun à 7 h et ressortant à 17 h après contrôle des mictions et mesure de 2 résidus postmictionnels inférieurs à 100 cc. En cas de rétention ou de résidus trop importants, Tableau I. Caractéristiques des bandelettes Matériel Monofilament Épaisseur Grammage Diamètre fibres Taille des pores Élasticité Porosité relative Résistance à la traction Allongement à la rupture Monarc® TVT-O® Polypropylène tricoté Oui 0,61 mm 278 g/m2 150 mm 1000 mm 6% 52,1 % 65,6 N 137 % Polypropylène tricoté Oui 0,7 mm 95 g/m2 152 mm 1176 mm2 < 60 % pour 513 g 52,1 % 70 N 87 mm à la rupture Tableau II. Caractéristiques des patientes (extrêmes) Âge (ans) BMI Ménopause Suivi (mois) IUE Incontinence mixte IS Pc < 30 cm H2O Urgences mictionnelles préop Dysurie préop (< 15 ml/s) Chirurgie de l’incontinence Chirurgie du prolapsus Stade de l’IUE I II III Durée d’hospitalisation 10 h 24 h 4j Monarc® n = 50 TVT-O® n = 50 P 54 [35-80] 25,9 [15-43,1] 56 % 12 50 4 (8 %) 55 [36-80] 28,9 [18,1-46,9] 50 % 12 50 0 NS NS NS NS NS NS 4 6 (12 %) 5 (10 %) 6 4 3 5 (10 %) 3 (6 %) 5 4 NS NS NS NS NS 7 36 7 36 38 6 NS NS 48 1 1 49 1 NS NS IUE : incontinence urinaire d’effort ; IS : insuffisance sphinctérienne ; IUM : incontinence par urgences mictionnelles. 221 la patiente restait hospitalisée jusqu’au lendemain avec éducation à l’autosondage. La technique du TVT-O® était celle décrite par son promoteur [6] avec une seule modification au niveau de la sortie de l’aiguille, qui se faisait au niveau du pli de l’aine par un simple déplacement cutané. La technique de dehors en dedans à l’aide du kit Monarc® respectait celle décrite par Delorme [4]. La différence avec le TOT® de Delorme, outre le type de textile, réside dans l’encliquetage de cette bandelette à l’ancillaire hélicoı̈dal. Les deux bandelettes utilisées sont protégées d’une gaine plastifiée. Nous n’avons pas utilisé le test à la toux pour régler la tension de la bandelette. Cette dernière était juste posée sous l’urètre comme le décrit De Leval [6]. Toutes nos patientes ont bénéficié d’un examen gynécologique complet ainsi qu’une exploration urodynamique incluant une urétrocystomanométrie, un profil urétral statique et dynamique et une débitmètrie. N’ont été opérées que les patientes présentant une incontinence urinaire avérée patente, corrigée par le TVT test. Un contrôle postopératoire était effectué à 3 mois et à 1 an par un examen clinique et urodynamique. Nous n’avons pas utilisé d’échelle de qualité de vie, seule une simple question sur la satisfaction ou la déception était posée au contrôle. La douleur était évaluée à l’aide de l’échelle visuelle analogique (EVA) et les rapports sexuels par la question : « Est-ce que vos rapports sont plus faciles, plus difficiles ou identiques ? » En cas de résidu postmictionnel trop important ou de rétention, une éducation à l’autosondage était réalisée dans le service. Nous retenons comme critère de guérison objective une patiente complètement sèche lors des efforts réalisés au cours de l’exploration urodynamique de contrôle ; la patiente sera considérée comme améliorée si elle ne présente que de rares fuites, en échec si la symptomatologie des fuites est inchangée, voire aggravée. Les récidives le sont après que la patiente a été considérée comme guérie ou qu’elle a retrouvé une symptomatologie identique à l’état préopératoire. L’étude statistique a été faite à l’aide du chi2 pour la comparaison des pourcentages et à l’aide du calcul des variances pour la comparaison des moyennes, basées sur l’écart réduit. Résultats Le suivi est de 12 mois. La durée d’hospitalisation a été de 10 h pour 48 patientes du groupe MON et 49 du groupe TVTO. Elle a été de 24 h pour une patiente dans chaque groupe et de 4 jours pour une du groupe MON en raison d’une rétention urinaire passagère. La seule complication peropératoire a été une perforation vaginale dans l’angle latéral du vagin pour un MON, qui a nécessité la repose de la bandelette. Les complications postopératoires précoces (Tableau III) ont retrouvé dans le groupe MON : 3 infections urinaires, 1 rétention urinaire passagère, 3 douleurs aux cuisses disparaissant spontanément dans les 4 jours, 1 douleur permanente d’un membre inférieur à 1 an qui reste supportable et pour laquelle la patiente ne souhaite pas que l’on retire la bandelette. Pour le groupe TVTO : 1 infection urinaire, 1 rétention passagère et 4 douleurs de la cuisse. Aucun hématome n’a été rapporté dans les deux groupes. Dans les complications tardives (Tableau III), la symptomatologie de novo a été marqué par un cas d’urgences mictionnelles dans le groupe TVTO (2 %) et Tableau III. Complications Complications peropératoires Complications postopératoires précoces infection urinaire rétention urinaire passagère durée moyenne [jour] douleur cuisse (crampes) < 4j douleur plis de l’aine 8j douleur permanente membre inférieur hématome Complications postopératoires tardives urgences mictionnelles urgences de novo dysurie objective 3 mois 1 an dysurie subjective 3 mois 1 an dysurie objective de novo défaut de cicatrisation ou rejet Monarc® n (%) TVT-O® n (%) P 1 (perforation vaginale) 0 NS 3 1 [2] 3 0 1 0 1 1 [2] 4 1 0 0 NS NS NS NS NS 6 (12) 0 6 (12) 1 (2) NS NS 3 (6) 1 (2) 9 (18) 5 (10) 2 (4) 0 9 (18) 8 (16) 13 (26) 10 (20) 7 (14) 0 NS NS NS NS NS 222 Tableau IV. Résultats 3 Monarc IUE guérie améliorée inchangée récidivée IUM + IUE guérie améliorée récidivée mois ® TVT-O n = 50 (%) 44 (88) 5 (10) 1 (2) 1 ® n = 50 (%) 49 (98) 1 (2) n = 4 (%) 3 (75) 1 (25) P NS NS NS NS n = 0 (%) an TVT-O® P n = 50 (%) 45 (90) 1 (2) n = 50 (%) 47 (94) 1 (2) NS NS 4 (8) 2 (4) NS n = 4 (%) 3 (75) n = 0 (%) Monarc ® NS 1 (25) NS IS + IUE Pc < 30 cm H2O guérie récidivée n = 4 (%) 4 (100) n = 3 (%) 3 (100) NS n = 4 (%) 4 (100) n = 3 (%) 1 (33) 2 (66) NS NS IUE : incontinence urinaire d’effort ; IS : insuffisance sphinctérienne ; IUM : incontinence par urgences mictionnelles. une dysurie objective dans le groupe MON dans 4 % (2 cas) contre 14 % (7 cas) pour le groupe TVTO. Aucune exposition de bandelette n’est retrouvée. Toutes les complications n’ont pas de différences statistiquement significatives dans les deux groupes. Le taux de guérison (Tableau IV) était globalement de 90 % à 1 an pour MON contre 94 % pour TVTO (p = NS) avec 2 cas de récidive dans cette série entre 3 mois et 1 an et 4 dans la série MON. L’incontinence mixte était corrigée pour 3 patientes sur 4, à 1 an pour MON avec un cas de récidive sur l’année. Les 3 patientes du groupe MON présentant une insuffisance sphinctérienne sont restées sèches à 1 an alors que les 4 du groupe TVTO qui étaient guéries à 3 mois ont récidivé pour 2 d’entre elles à 1 an. Aucune différence statistique sur les résultats n’était retrouvée pour les deux groupes. La totalité des patientes, sauf une, était satisfaite à très satisfaite à 1 an (Tableau V) et celles qui avaient des rapports sexuels (54 %) n’ont mentionnées aucun troubles à 1 an (Tableau VI). Discussion La technique dehors dedans nécessite une dissection périurétrale plus importante car il faut, à l’aide du doigt, rechercher le bout de l’ancillaire au contact de la branche ischio-pubienne. Elle ne met pas à l’abri des complications vésicales, même si celles-ci sont bien moins nombreuses que dans la technique rétropubienne. Elle peut s’accompagner de lésions urétrales, certes rares, dont on sait qu’elles sont plus difficiles à gérer qu’une lésion vésicale [8,9]. La technique dedans dehors, au contraire, ne nécessite pas une dissection large et à part la plaie directe de la vessie ou de l’urètre lors de la dissection par les ciseaux, il n’est pas possible grâce au système de guide métallique de blesser secondairement la vessie ou l’urètre avec l’ancillaire. Par ailleurs les études anatomiques menées par l’équipe de De Leval ont bien montré que jamais la bandelette ne traversait l’espace de Retzius [8] et que la prothèse restait à 2 cm du pédicule obturateur. Le taux de complications se réfère aux études anatomiques. Après étude de 7 cadavres, Spinosa [11] montre une proximité dangereuse entre le trajet du TVT-O® et le pédicule vasculaire pudendal alors qu’il existe une distance de sécurité de plus de 3 cm avec la technique dehors dedans du TOT. Ce trajet dangereux pourrait être cause d’hématomes pouvant fuser dans les régions génitales et dans celle des adducteurs. Nous n’avons noté aucun hématome sur nos 100 cas quelle que soit la technique utilisée, mais Richards et al. [12] rapportent un cas d’hématome vulvaire Tableau V. Satisfaction Monarc® n = 50 Très satisfaite Satisfaite Peu satisfaite déçue TVT-O® n = 50 3 mois (%) 1 an (%) 3 mois (%) 1 an (%) 33 (66) 16 (32) 1 (2) 0 34 (68) 15 (30) 1 (2) 0 36 (72) 14 (28) 0 0 33 (66) 17 (34) 0 0 223 Tableau VI. Vie sexuelle ® Monarc n = 27 Identique Plus facile Plus difficile TVT-O n = 27 3 mois 1 an 3 mois 1 an 25 2 25 1 1 27 27 dans les suites d’un TVT-O®. Selon Spinosa, la bandelette du TVT-O® pourrait être responsable de lésions de la branche terminale postérieure du nerf obturateur et entraı̂ner des complications sensitives et motrices graves devant relever de la chirurgie nerveuse. Ces complications seraient à type de douleurs rebelles, de déficit musculaire adducteur exposant à des troubles de la marche, de la station debout et une impossibilité de croiser les jambes. Notre expérience ne retrouve pas ces troubles, nous notons bien quelques douleurs gênantes, mais passagères, ne dépassant pas une semaine. La seule séquelle douloureuse permanente étant à mettre au compte du Monarc® et du trajet dehors dedans. Il met également en garde sur d’éventuelles lésions du nerf dorsal du clitoris mais sans preuve anatomique. Bonnet et al. [13], après dissection de 12 cadavres frais congelés ont étudié le trajet de la bandelette TVT-O® et concluent que cette technique est hautement sécurisante, fiable, reproductible et ne nécessite pas de cystoscopie peropératoire. Nous n’avons aucune plaie urétrale ou vésicale lors du passage de l’ancillaire, grâce à l’introducteur qui protège la face latérale de l’urètre [6] dans le TVT-O®. Dans une correspondance avec J. de Leval, A. Khun [14] rapporte un cas de passage intravésical d’une prothèse posée par voie obturatrice suivant la voie dehors dedans. Dans la série multicentrique de Boccon-Gibod [15] portant sur 441 patientes opérées par la voie dehors dedans, on peut noter 2 plaies vésicales, 4 plaies urétrales. Les plaies décrites dans la littérature avec la technique dehors dedans sont des plaies dues à l’ancillaire et au choix de la voie d’abord [9,15] et, le plus souvent, dues à une faute technique faite par l’opérateur et non à la technique initialement décrite. Existe-t-il une efficacité supérieure d’une voie par rapport à l’autre ? Pour Waltregny [16], Le taux de guérison après TVT-O® a été de 94,3 % à 6 mois. Seule une patiente a été notée comme échec, 3 ont présenté des urgences de novo. Les urgences préopératoires ont été corrigées dans 71 % des cas. Radder [17] et Prado [18] rapportent leur expérience de respectivement 106 et 30 TVT-O®. Dans la première étude, 55 % des patientes présentaient une incontinence mixte et 55,6 % avaient un prolapsus associé. Toutes les patientes ont été revues à 6 mois avec un taux de guérison subjectif de 91,5 %, 4,7 % d’amélioration et 3,8 % d’échec. Le taux d’urgences mictionnelles de novo était retrouvé dans 3,8 %. Une patiente a eu une reposition de bandelette en raison d’une rétention complète. Dans la deuxième étude, prospective, 9 patientes présentaient une incontinence d’effort isolée, 21 une incontinence par urgences mictionnelles et seules 4 avaient une incontinence mixte. Une patiente a nécessité une section de bandelette pour rétention chronique et une pour obstruction avec urgences. Ces 2 patientes sont restées sèches. Une érosion vaginale est notée à 6 mois. Toutes les patientes étaient guéries. Dans une étude prospective multicentrique internationale [19], 120 patientes ont bénéficié de la pose d’une bandelette Monarc® avec un contrôle à 12 mois. Le taux objectif de guérison était de 90,4 %, le taux d’urgence de novo était de 8,9 % pour une baisse de 63 % des urgences préopératoires. Des douleurs de cuisse et inguinales ont été rapportées dans 2,8 % des cas, 2,7 % d’incontinence récidivante et une exposition prothétique. Deux pour cent ont présenté une rétention chronique. Moore [21] sur 47 patientes conclut à 85 % de patientes complètement sèches à 6 semaines avec 1 rétention urinaire complète, une femme ayant présenté des douleurs musculaires traitées médicalement. Une seule patiente était considérée comme un échec total. Onze patientes en récidive d’incontinence ont eu une pose de Monarc® [21] (les interventions initiales étaient : 6 TVT®, 3 Sparc®, 1 IVS® et 1 Monarc®). La seconde intervention n’a présenté aucune complication. Huit patientes étaient satisfaites et 2 non satisfaites (4 guéries et 6 améliorées). En fait, 6 patientes étaient objectivement sèches. Naidu et al. [22] dans un travail prospectif d’observation sur 96 Monarc® rapportent 12,1 % de frondes protruses, 87,9 % guéries ou améliorées pour un taux de satisfaction de 81,3 % correspondant au taux de guérison objectif. Les observations de 200 américaines ont été étudiées rétrospectivement avec un suivi moye de 21 semaines [23]. Le taux d’urgence mictionnelle avait diminué de 42,2 %, le taux de rétention était de 0,9% et la guérison ou amélioration subjectives était de 95,3 %. On ne retrouve que peu d’études randomisées. Une étude prospective randomisée a comparé Monarc® à Sparc® [24]. Le suivi moyen était de 9 mois, montrait une tendance à la perforation vaginale (Monarc® 12,9 % versus Sparc® 0 %) et des douleurs de cuisse (Monarc® 12,9 % versus Sparc® 0 %). Les rétentions urinaires postopératoires n’étaient pas différentes. Les auteurs recommandaient une urétrocystoscopie pour les deux techniques. Vervest et al. [25] ont réalisé la même étude que la nôtre, mais avec randomisation : 39 TVT-O® versus 36 Monarc®. Leurs résultats se calquent aux nôtres et curieusement, ils ont également dû reposer une bandelette Monarc® pour cause de perforation vaginale. Ils ne trouvent aucun avantage d’une technique sur l’autre. Conclusion Notre expérience, comme celle de la littérature, montre que ces deux voies d’abord obturatrices sont aussi sécurisantes l’une que l’autre, qu’elles ne nécessitent pas de contrôle cystoscopique peropératoire, et les résultats 224 cliniques, qui devront être réévalués à plus long terme, semblent équivalents en termes de guérison au taux du TVT rétropubien qui, rappelons-le, est de 81,3 % à 7 ans [26]. Vouloir trouver des arguments anatomiques ou étiopathogéniques pour justifier une technique meilleure que l’autre dessert la voie obturatrice qui est un réel progrès car, à résultats identiques, les complications graves ont disparues. Références 1. Nilsson CG, Kuuva N, Falconer C, et al. (2001) Long term results of the tension-free vaginal tape (TVT) procedure for surgical treatment of female stress urinary incontinence. Int Urogynecol J Pelvic Floor Dysfunct 12: S5-8 2. 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Matériels et méthodes : Étude rétrospective par questionnaire médical auprès de patients antérieurement hospitalisés en service de rééducation neurologique au CHU de Bordeaux pour apprentissage de la technique d’ASIP. Résultats : Cinquante patients porteurs d’une neurovessie ont été inclus et répartis en deux groupes selon la durée de pratique des ASIP : le groupe I (4 ans) était constitué de 26 patients, le groupe II (2 ans) de 24. L’observance n’apparaissait pas corrélée à la durée de pratique. Douze pour cent des patients avaient abandonné la technique d’ASIP, essentiellement du fait d’une mauvaise acceptation. Quatre-vingt-huit pour cent des patients se sondaient à une fréquence moyenne de 4,5 ASIP/j. Le volume par sondage était supérieur à 400 cc dans la majorité des cas. La persistance ou l’augmentation de la fréquence des infections urinaires sous ASIP apparaissait corrélée à un volume moyen d’urine recueilli par sondage supérieur à 400 cc (résultat non significatif, NS). Le nombre d’ASIP quotidien et l’observance stricte des règles d’hygiène ne semblaient pas corrélés à la fréquence des infections urinaires (NS). La continence urinaire était améliorée. Les activités de vie quotidienne étaient le plus souvent limitées par la présence de déficiences neuromotrices associées. Conclusion : L’observance de l’ASIP est satisfaisante après 2 à 4 ans de pratique. L’augmentation de la fréquence des infections urinaires apparaı̂t corrélée au volume moyen Correspondance : E-mail : [email protected] de sondage, non à la fréquence des ASIP ni au respect strict des règles d’hygiène. Mots clés : Vessie neurologique – Infection urinaire – Sondage intermittent – Observance Does compliance with clean intermittent self-catheterization correlate with the frequency of urinary tract infection, urinary continence and participation in everyday activities in a group of patients with neurogenic bladder disorders? Abstract: Objective and design: To describe patient compliance with clean intermittent self-catheterization during the first four years of its practice, and to evaluate its impact on the occurrence of urinary tract infections, urinary continence and everyday activities. Methods: This is a retrospective study based on a survey of patients discharged from the Neurological Rehabilitation Department of University Hospital in Bordeaux, France, after learning the self-catheterization procedure. Results: Fifty patients with neurogenic bladder participated in the study. Twenty-six (group I) had practiced clean intermittent self-catheterization for four years, while 24 (group II) had done so for two years. The duration of practice did not correlate with compliance. Of all the participants, 12% gave up the technique, mainly because of poor acceptance. Eighty-eight percent continued at an average rate of 4.5 self-catheterizations per day. The volume of each catheterization was greater than 400 ml in most cases. Unchanged or increased occurrence of symptomatic urinary tract infection was associated with a voided volume greater than 400 ml 226 (non-significant). The number of self-catheterizations per day and strict compliance with hygienic recommendations were unrelated to the occurrence of urinary tract infection (non-significant). Urinary continence improved and, in most cases, everyday activities were limited by associated neurological impairments. Conclusion: Compliance with clean intermittent selfcatheterization remains good after two to four years of practice. Increased symptomatic urinary tract infections might correlate with voided volume, but not with the number of intermittent self-catheterizations per day or strict compliance with hygienic recommendations. Keywords: Neurogenic bladder – Intermittent selfcatheterization – Compliance – Urinary tract infection Introduction Depuis cinquante ans, la morbidité neuro-urologique dans la population de blessés médullaires est divisée par deux à chaque décennie successive [1]. Cette évolution est contemporaine de l’amélioration de la prise en charge médicale des neurovessies, et en particulier de l’instauration des autosondages intermittents propres (ASIP). Actuellement, l’indication des ASIP s’est élargie à d’autres pathologies neurologiques (sclérose en plaques [SEP], neuropathies périphériques) et non neurologiques (rétention urinaire postopératoire). L’objectif principal de l’étude consiste à décrire l’observance de cette technique (nombre et volume des sondages quotidiens, respect des règles d’hygiène) au cours des premières années de pratique dans un groupe de patients porteurs d’une affection neurologique. Le second objectif est de comparer selon l’observance : – l’évolution de la fréquence des infections urinaires symptomatiques ; – l’évolution de la fréquence des épisodes d’incontinence urinaire ; – l’évolution des activités professionnelles, sociales, de loisirs et sexuelles. Matériel et méthodes Il s’agit d’une étude rétrospective analysant les dossiers de 66 patients hospitalisés dans le service de médecine physique et de réadaptation du CHU de Bordeaux entre 2001 et 2003, sélectionnés sur la base PMSI (programme de médicalisation des systèmes d’information) : « Autosondages intermittents – Apprentissage – Vessie neurologique ». Deux groupes de patients ont été constitués selon le recul de l’apprentissage de la technique : groupe I : 4 ans, groupe II : 2 ans. Nous avons relevé dans les dossiers médicaux : le diagnostic neurologique et les données urodynamiques (activité du détrusor en cystomanométrie, activité du sphincter strié urétral à l’électromyographie de détection). Un questionnaire en 4 parties (voir annexe) a été soumis aux patients soit par entretien téléphonique, soit en consultation, selon la convenance de chaque patient. Ce questionnaire explorait les aspects suivants : – difficultés lors de l’apprentissage de l’ASIP ; – observance : nombre, volume des sondages, règles d’hygiène ; – symptomatologie urinaire : infections urinaires symptomatiques (c’est-à-dire accompagnées de signes locaux et/ou généraux et documentées par examen cytobactériologique des urines), fuites d’urine (quantifiées par l’usage éventuel de garnitures) ; – évolution des activités professionnelles et sociales, des loisirs et de la vie sexuelle sous ASIP. L’analyse statistique des résultats a été réalisée en comparant les groupes via le 2 (test exact de Fischer, p < 0,05), et en calculant l’écart type pour les moyennes. Résultats Sur les 66 patients contactés, 16 ont été exclus pour refus de participation, reprise des mictions spontanées après avis médical, ou chirurgie urologique ayant amené à une modification du mode de vidange vésicale. Finalement, 50 sujets ont été inclus dans l’étude et répartis en deux groupes, qui se sont révélés comparables au plans démographique, étiopathogénique et neurologique (Tableau I). Le groupe I est constitués de 26 patients pratiquant les ASIP depuis 4 ans et le groupe II de 24 patients pratiquant depuis 2 ans. Tous les sujets ont bénéficié d’une hospitalisation de 1 à 5 jours pour apprentissage des autosondages intermittents propres. Les difficultés rencontrées par les patients initialement (séjour hospitalier et retour à domicile) sont reportées dans le tableau II. L’observance du mode de vidange vésicale est précisée dans le tableau III. La fréquence quotidienne des ASIP est de 4,5 par jour, avec des extrêmes de 1 à 10 (Tableau IV). Elle ne diffère pas selon le type de neurovessie. Le volume moyen par sondage est supérieur à 400 cc pour 22 des 33 sujets pratiquant les ASIP comme mode de vidange vésicale exclusif quel que soit le recul de la pratique (2 ou 4 ans). L’observance d’un volume moyen par sondage inférieur au seuil de 400 cc apparaı̂t prépondérante pour le contrôle des infections urinaires symptomatiques et de l’incontinence urinaire, sans toutefois atteindre le seuil de la significativité statistique. La fréquence quotidienne des ASIP n’apparaı̂t en revanche pas déterminante (NS) (Figs. 1-3). L’observance des règles d’hygiène ne diffère pas selon la durée de pratique : la réalisation d’une toilette intime et le lavage des mains avant chaque sondage sont très largement 227 Tableau I. Données démographiques et diagnostic étiologique Données démographiques Âge : moyenne (écart-type) Sexe : hommes/femmes Type de neurovessie : centrale/périphérique Diagnostic étiologique Sclérose en plaques Paraplégie complète Paraplégie incomplète Paraplégie spasmodique familiale de Strümpell-Lorrain Atrophie multisystématisée Spina bifida Syndrome de la queue de cheval Neuropathie diabétique Neuropathie amyloı̈de héréditaire portugaise Étiologie indéterminée Groupe I : 26 patients Groupe II : 24 patients Significativité (p < 0 ,05) 46,5 (11,9) 8/18 12/14 49,8 (9,8) 12/12 14/10 NS NS NS Groupe I 10 3 1 0 Groupe II 9 4 0 1 – – – – – 0 1 6 1 1 3 1 1 6 1 0 1 – – – – – – Tableau II. Difficultés techniques ou psychologiques à la phase initiale de pratique des ASI Difficultés rencontrées lors de l’apprentissage et/ou du retour à domicile Groupe I + II: 50 patients Difficultés techniques Difficultés positionnelles Difficultés de repérage du méat chez la femme Douleur lors du sondage Urétrorragie lors du sondage Environnement non adapté Difficultés gestuelles 21 4 10 3 2 1 1 (abandon) 12 1 (abandon) 4 7* (4 abandons) 33 (66 %) Difficultés psychologiques Aversion Appréhension Mauvaise acceptation Total *Mauvaise acceptation : 7 patients dont 5 femmes et 2 hommes. Tableau III. Modes mictionnels Mode mictionnel ASI ASI associé à un autre mode de vidange vésicale* Abandon** Groupe I (4 ans) Groupe II (2 ans) p < 0,05 15 6 18 5 NS – 5 1 – *Quatre sujets dans le groupe I et 5 dans le groupe II utilisent les autosondages en complément des mictions volontaires. Dans le groupe I, deux sujets recourent au port d’une sonde à demeure intermittent (nocturne dans un cas et avant sortie du domicile dans un autre). **12 % des sujets abandonnent la technique et recourent aux mictions volontaires. réalisés. La tenue du calendrier mictionnel et la régulation des apports hydriques sont rarement appliqués. Tous les patients utilisent des sondes lubrifiées. Le respect strict des règles d’hygiène (lavage des mains avant chaque sondage, toilette antiseptique, apports hydriques de 1,5 à 2 L/j) n’apparaı̂t pas corrélé à la fréquence des infections urinaires symptomatiques. Sept patients ne se lavent pas les mains avant chaque sondage, 37 le font systématiquement. C’est parmi les patients réalisant ce lavage que la persistance ou la recrudescence des infections urinaires (9 cas) est rapportée. L’évolution de la symptomatologie urinaire est comparable dans les deux groupes (2 ou 4 ans). Pour 80 % des patients, la fréquence mensuelle des infections urinaires symptomatiques décroı̂t sous ASIP. De même, pour 95 % des patients, la continence urinaire est améliorée. Le plus souvent, les patients ne rapportent aucune modification de leur mode de vie après l’instauration des ASIP (Fig. 4). Lorsqu’un bénéfice est rapporté, il est plus fréquemment décrit dans les activités sociales et de loisirs que dans les activités professionnelles ou sexuelles. Une dégradation est rapportée dans 12 à 28 % des cas selon l’activité explorée, l’activité sociale étant la plus fréquemment altérée. L’impossibilité de réalisation des ASIP à l’extérieur du domicile apparaı̂t un élément déterminant des conditions de vie et/ou de l’observance des ASIP chez 8 patients, conduisant les uns à renoncer à leurs sorties et péjorant d’autant la qualité de vie sociale, et menant les autres à modifier leur horaire, nombre ou mode de drainage vésical (sonde à demeure) sacrifiant ainsi à l’observance. Discussion Les facteurs de risque reconnus d’infection urinaire chez l’adulte porteur d’une neurovessie sont représentés par 228 Tableau IV. Fréquence des ASI Nombre d’autosondages quotidiens Groupe I (4 ans) Groupe II (2 ans) p < 0,05 5 5 16 (62 %) 1 3 20 (83 %) NS NS NS Aucun 1 à 3 4 ou plus Fréquence moyenne d’ASIP/j : 4,5 ; Écart-type (ET) : 0,75 tout groupe confondu (44 sujets), groupe I : moyenne 4,6 ASIP/j, ET : 0 ,22, groupe II : moyenne 4,2, ET : 1,01. Infections urinaires Infections urinaires 10 5 Incontinence urinaire 8 Incontinence urinaire 4 6 3 4 2 2 1 0 Observants (10) Non observants (34) Fig. 1. Symptomatologie urinaire (persistance ou aggravation) selon l’observance des deux critères suivants : 4 ASI/j ou plus et volume moyen inférieur à 400 cc par sondage. La différence entre les deux groupes n’est pas significative (p < 0,05) Infections urinaires 10 0 Fig. 3. Symptomatologie urinaire (persistance ou aggravation) selon l’observance du critère : fréquence minimale de 4 ASI/j. Différence non significative entre les deux groupes (p < 0,05) 7 Incontinence urinaire 16 14 9 8 Amélioré 32 6 16 25 23 Inchangé Dégradé 4 12 5 2 Travail 0 Observants (11) Non observants (33) Fig. 2. Symptomatologie urinaire (persistance ou aggravation) selon l’observance du critère : volume moyen par sondage inférieur à 400 cc. Différence non significative entre les deux groupes (p < 0,05) le reflux vésico-rénal, la distension vésicale, les lithiases, le résidu postmictionnel, les pressions intravésicales élevées et l’obstruction des voies urinaires [2]. Assurer une vidange vésicale complète et à basse pression constitue donc l’objectif thérapeutique de base et la mesure préventive majeure de la morbidité neurourologique dans cette population. L’autosondage intermittent est reconnu comme la méthode de drainage urinaire de référence et de première intention [2]. Mise au point par Lapide en 1972, cette technique est largement validée chez le patient neurologique, et il est aujourd’hui démontré que l’autosondage est préférable au port d’une sonde à demeure, non seulement en termes de diminution du risque d’infection urinaire, mais également dans le cadre de la prévention des autres A. Sociales 7 10 Loisirs Sexualité Fig. 4. Évolution des activités professionnelles, sociales, de loisir et sexuelles pour les 44 patients ayant poursuivi les ASI complications urologiques propres aux neurovessies, à savoir : lithiases, rétrécissements urétraux, cancer épidermoı̈de de la muqueuse vésicale, orchiépididymites, reflux vésico-rénal et dégradation du haut appareil urinaire [3-5]. Il n’y a pas de définition consensuelle de l’infection urinaire cytobactériologique chez le patient neurologique, la présence de signes cliniques (fièvre, signes vésico-sphinctériens de novo, etc.) permet alors d’orienter l’attitude thérapeutique [2,6]. Plusieurs études ont permis de documenter l’incidence des infections urinaires chez le patient en sondage intermittent (Tableau V). Bakke note que le risque d’infection dépend du nombre de sondages quotidiens. Inférieur à 4/j, il est associé à un risque élevé [7]. De même, le volume des sondages, s’il est supérieur à 400 cc, expose à un risque plus élevé d’infection, 229 Tableau V. Comparaison des causes d’abandon retrouvées dans l’étude à d’autres cohortes décrites dans la littérature Études Série (2005) Bakke (1996) Nombre de patients Pathologie Recul Taux de bactériurie asymptomatique Taux d’infections urinaires basses symptomatiques Taux d’abandon Causes d’abandon les plus fréquentes pour chaque série 50 170 Neurologique 3 ans 7 ans – 61 % Murray (1984) Timoney (1990) 57 28 Blessé médullaire 5 ans 4 ans 43 % – Kuhn (1991) Donzé (2005) 46 63 SEP 5 ans 36,5 % 6 ans – – – – 36 % – 38,1 % 12 % Mauvaise acceptation – – 23 % Symptômes urinaires non contrôlés 50 % Incontinence urinaire persistante 48 % Mauvaise acceptation 20 % Score EDSS élevé illustrant le rôle de l’ischémie pariétale au cours de la distension vésicale dans la genèse des infections urinaires basses. La bactériurie asymptomatique apparaı̂t fréquente dans cette population, estimée à 67 % des patients. Les sujets traités pour bactériurie asymptomatique ont plus régulièrement des urines stériles, mais font davantage d’infection urinaire symptomatiques [8]. Enfin, les sujets en hétérosondage par un tiers voient leur taux d’infection urinaire considérablement augmenté, comparés à ceux pratiquant les autosondages [8]. L’incidence des infections urinaires symptomatiques chez le patient neurologique a été étudié par De Ruz auprès de 128 patients blessés médullaires [9]. L’incidence journalière est 7 fois plus élevée en sonde à demeure qu’en cathéter sus-pubien ou sondage intermittent. Le risque infectieux bas rapporté dans l’étude de De Ruz avec l’usage d’un cathéter sus-pubien est à interpréter en sachant que cette cohorte est suivie durant trois ans. En effet Weld, avec un recul moyen de 18 ans, retrouvait une incidence plus élevée des pyélonéphrites, reflux vésico-rénal et anomalie du hautappareil chez les patients porteurs d’un cathéter sus-pubien versus autosondages [3,4]. Les difficultés au cours de l’apprentissage sont très fréquentes dans cette étude et amènent à l’abandon de la technique dans un nombre non négligeable de cas. Ces difficultés sont essentiellement d’ordre psychologique. On peut considérer qu’elles tiennent à trois facteurs : l’acceptation est d’autant moins bonne que les patients étaient peu symptomatiques au moment de l’apprentissage, la sévérité du handicap neurologique, particulièrement dans les pathologies évolutives telles que la SEP, et des considérations d’ordre socio-culturel. Plusieurs études ont répertorié les motifs d’abandon de la technique de sondage chez le patient neurologique (Tableau V). Dans notre cohorte comme dans la littérature, les femmes semblent être plus fréquemment que les hommes amenées à abandonner la technique pour des raisons psychologiques (aversion, mauvaise acceptation) [10,11]. Le volume moyen par sondage apparaı̂t déterminant dans la fréquence des infections urinaires symptomatiques : un volume inférieur à 400 cc est associé à une diminution ou une disparition des infections urinaires symptomatiques, confirmant les travaux de Lapides et al. [12]. Dans notre série, la fréquence quotidienne des autosondages n’influencerait pas l’évolution des infections urinaires symptomatiques. Toutefois cette interprétation se veut prudente car elle va à l’encontre de l’explication physiopathologique de Hinman (1977) selon lequel la fréquence est cruciale pour prévenir les infections urinaires en assurant une clairance bactérienne et ainsi le maintien d’un taux de colonies faible. Notons que dans la série de 22 patients de Kuhn, le taux d’infection urinaire chute de 28 à 12 % quand les sujets en souffraient 4 à 8 fois par an avant ASIP mais augmente de 46 à 68 % pour ceux qui rapportaient 1 à 3 épisodes par an [10]. Gallien, par ailleurs, rapporte un taux élevé d’infections urinaires sous ASIP : 31 à 83 % [13]. Ainsi les infections urinaires symptomatiques constituent une complication fréquente sous ASIP, et notre étude suggère une corrélation entre cette complication et l’observance d’un volume seuil de 400 cc par sondage. Dans notre série, le lavage des mains avant chaque sondage n’est pas corrélé à la fréquence des infections, de même que la réalisation d’une toilette avec un savon antiseptique plutôt qu’avec un savon simple. Pour le lavage des mains, le résultat contradictoire obtenu (davantage d’infections urinaires dans le groupe « observant ») peut s’expliquer par la taille respective des deux échantillons ou encore parce que les patients observants, plus scrupuleux, tendraient à réaliser plus promptement une analyse cytobactériologique des urines et à recourir à une antibiothérapie fréquente sans pour autant répondre aux critères d’infections urinaires basses dans le cadre de troubles vésico-sphinctériens d’origine neurologique. Tous les patients de la série pratiquent les ASIP, ce qui est cohérent avec les données de la littérature et les contraintes budgétaires [14]. Tous les patients utilisent une sonde lubrifiée et aucun homme ne rapporte de traumatisme urétral. Le contrôle de l’incontinence sous ASIP, objectif crucial en vue de garantir l’observance à long terme 230 [15,16], est obtenu pour les patients « observants » (volume et fréquence des ASIP) de notre série. Nos résultats suggèrent que le degré d’observance de l’ASIP ne décroı̂t pas au cours du temps, du moins pour le recul établi dans l’étude. 5. 6. Conclusion L’observance des ASIP est satisfaisante et perdure au cours des trois années moyennes de suivi rétrospectif de 50 patients porteurs d’une neurovessie. Pour près d’un patient sur 4, des difficultés psychologiques sont présentes dès la phase d’apprentissage et amènent à un abandon de la technique une fois sur deux. Un suivi médical plus rapproché des patients exprimant initialement une mauvaise acceptation de la technique semble justifié. Le contrôle des infections urinaires apparaı̂t principalement dépendant du respect d’un volume seuil maximum de 400 cc d’urines recueillies par sondage. Une amélioration de la vie sociale est rapportée dans 36 % des cas sous ASIP, soulignant la pertinence de ce mode de drainage vésical pour améliorer la qualité de vie chez le patient neurologique. Références 1. Frankel HL, Coll JR, Charlifue SW, et al. (1998) Long term survival in spinal cord injury: a fifty years investigation. Spinal Cord 36: 266-74 2. Conférence de consensus SPLIF/AFU (2003) Infections urinaires nosocomiales de l’adulte. Médecine et Maladies Infectieuses 33: 193-215 3. Weld K, Dmochowski R (2000) Effect of bladder management on urological complications in spinal cord injured patients. J Urol 163: 768-772 4. Weld K, Graney M, Dmochowski R (2000) Differences in bladder compliance with time and associations of bladder 7. 8. 9. 10. 11. 12. 13. 14. 15. 16. management with compliance in spinal cord injured patients. J Urol 163: 1228-33 Groah S, Weitzenkamp D, Lammertse D, et al. (2002) Excess risk of bladder cancer in spinal cord injury: evidence for an association between indewelling catheter use and bladder cancer. Arch Phys Med Rehabil 83: 346-51 NIDRR Consensus Statement (1992) The prevention and management of urinary tract infections among people with spinal cord injury. 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Quelles difficultés avez-vous rencontrées lors de votre apprentissage en hospitalisation ? Quelles difficultés avez-vous rencontrées au retour à domicile ? Après retour à domicile, avez-vous continué à appliquer les consignes qui vous avaient été données à l’hôpital, à savoir : – régulation des boissons (boire 1,5 l/j à 2 l/j) ; – toilette intime (réalisez-vous une toilette intime ? Si oui, utilisez-vous un savon ou un antiseptique ?) ; – lavage des mains avant chaque sondage ? Tenez-vous un calendrier mictionnel ? Quel type de sonde utilisez-vous (lubrifiées ou sèches) ? Actuellement évaluez : la fréquence quotidienne de vos autosondages et le volume d’urine par autosondage. (Évaluation du volume : poches de vidange graduées si utilisées, sinon estimation). Depuis que vous réalisez des autosondages : – souffrez-vous plus ou moins d’infections urinaires ? Comment se manifestent-elles ? (quels symptômes présentez-vous lorsque vous souffrez d’une infection urinaire, réalisez-vous une analyse d’urine lors de ces épisodes ?) ; – précisez : combien d’infections par mois avant ASI ? Combien par mois depuis ? – présentez-vous plus ou moins d’épisodes d’incontinence urinaire ? Depuis que vous réalisez des autosondages, comment ont évolué vos activités : – professionnelles ; – sociales (sortez-vous plus souvent visiter des amis, recevez-vous plus vos amis chez vous ?) ; – loisirs (avez-vous repris, débuté une ou des activités sportives, culturelles ? précisez laquelle) ; – sexuelles. Pelv Perineol (2006) 1: 232–236 © Springer 2006 DOI 10.1007/s11608-006-0080-2 ARTICLE ORIGINAL / ORIGINAL ARTICLE Exactitude des mesures de pressions effectuées par un système de capteurs et sonde à ballonnets chargés à air TDoc® pour la pratique des examens urodynamiques L. Le Normand, J. Rigaud, S. Battisti, P. Glémain, J.M. Buzelin, O. Bouchot Service d’Urologie, CHU de Nantes, place Alexis-Ricordeau, 44093 Nantes Cedex 01 Accuracy of pressure measurements obtained by an air-charged transducer balloon catheter system (TDoc®) for urodynamic testing Résumé : Objectifs : Évaluer in vitro l’exactitude des mesures de pression d’une sonde T-Doc® à double ballonnet à air (réf. TDOC-7FD). Matériels et méthode : La sonde T-Doc® était testée dans une enceinte liquidienne, en comparant les mesures aux valeurs de pression de l’enceinte que l’on faisait varier de 0 à 200 cm d’eau. L’évaluation de la mesure de la profilométrie urétrale (PU) comparait les pressions de clôture maximum (PCMax) obtenues avec la sonde TDoc® avec celles obtenues avec une sonde perfusée de type Bohler (Bolher2 Peters®) sur cadavre frais féminin dont on avait implanté en périurétral, par voie vaginale, une manchette de sphincter artificiel, reliée à un capteur et une seringue pour y faire varier la pression. Les valeurs de PCMax étaient rapprochées de la pression vésicale de fuite obtenue par pression sus-pubienne, après remplissage vésical à 200 ml d’eau, pour chaque palier de pression dans la manchette. Résultats : Les écarts entre la pression hydrostatique mesurée par chaque ballonnet et la voie de référence ne dépassaient pas 1 %. La réponse aux variations rapides de pression montrait un retard de 0,4 s avec la pression de référence. Les mesures de PU effectuées par la sonde de Bohler et la sonde T-Doc montraient d’importants écarts, la sonde T-Doc affichant des PCmax le plus souvent supérieures au double de celles obtenues avec la sonde de Bohler2®. Les PCMax obtenues avec la sonde de Bohler2® étaient proches des pressions vésicales de fuite obtenues pour une même pression de la manchette du sphincter artificiel. Conclusion : L’exactitude des mesures de pression obtenues par la sonde T-Doc est suffisante pour une cystomanométrie. Par contre, les valeurs de la PU qu’elle fournit semblent nettement surestimées. Abstract: Objectives: To evaluate the accuracy of in vitro pressure measurements using a double-balloon T-Doc® air-charged catheter (ref. TDOC-7FD). Materials and method: The T-Doc® catheter was tested in a liquid chamber by comparing measurements with chamber pressure values, which varied from 0 cm to 200 cm of water. We evaluated the urethral pressure profile (UPP) by comparing maximal urethral closure pressure (MUCP) with pressures obtained with a Bohler water-filled catheter (Bolher2 Peters®) using a fresh female cadaveric model in which we placed around the urethra, by vaginal approach, an artificial cuff sphincter connected to a sensor and syringe to control the pressure. For each pressure level in the cuff, the MUCP values were compared with the bladder leak point pressure obtained by pressing the suprapubic region after filling the bladder with 200 ml of water. Results: The differences between the hydrostatic pressure measured through each balloon and the reference pressure did not exceed 1%. The response to quick pressure variations was delayed by 0.4 seconds with respect to the reference pressure. The UPPs recorded by the Bohler and T-Doc® catheters differed significantly, the T-Doc® catheters usually producing MUCPs twice as high as those obtained with the Bohler2®. The MUCPs measured by the Bohler2® catheter were close to the bladder leak point pressure obtained for the same artificial sphincter cuff pressure. Conclusion: The accuracy of pressure measurements obtained with the T-Doc® catheter is sufficient for cystomanometry. On the other hand, UPP values obtained with TDoc® catheters are highly overdetermined. Mots clés : Urodynamique – Profilométrie urétrale – Sondes de mesure Keywords: Urodynamics – Urethral pressure profile – Catheter Correspondance : E-mail : [email protected] 233 But de l’étude Il est d’analyser l’exactitude des mesures, dans la gamme des pressions utilisées en urodynamique pour la cystomanométrie et la profilométrie uréthrale (PU), effectuées par le système T-DOC® avec des sondes de référence TDOC-7FD. Les sondes sont reliées à un capteur spécifique qui permet de charger le ballonnet avec la quantité d’air voulue par le fabriquant. L’analyse porte sur la mesure de la pression statique et sur la réponse dynamique à un changement brutal de pression ainsi que son application pour la mesure des PU. Rationnel de l’étude Ces sondes auraient l’avantage de ne pas nécessiter le remplacement du capteur, de simplifier l’étalonnage de la chaı̂ne de pression, de se dispenser d’un système de perfusion pour la réalisation de la PU, d’avoir une mesure parfaitement circonférentielle de la pression urétrale. Le principe d’un cathéter à air n’est pas nouveau et avait déjà été développé pour la mesure de la pression rectale en urodynamique [1]. Une étude [2] a comparé les résultats du Valsalva leak point pressure (VLPP) et de la PU obtenue par une sonde à microcapteur et la sonde TDoc® chez 45 patientes avec une corrélation de 0,69 pour la pression de clôture maximum (PCM) et de 0,71 pour le VLPP, mais uniquement de 0,35 pour la longueur fonctionnelle urétrale. Une autre étude [3] réalisée sur cadavre comparait une sonde à fibre optique, une sonde à microcapteur et la sonde TDoc® mais utilisait une bandelette de type TVT pour mesurer la reproductibilité. La conclusion des auteurs était que la sonde TDoc® était celle qui assurait la meilleure reproductibilité de la mesure. Aucune de ces deux études n’évaluait correctement in vitro l’exactitude des mesures à l’aide de cette sonde. Matériel et méthode 1re partie de l’étude : évaluation de l’exactitude de mesure des pressions hydrostatiques La comparaison de la pression de référence et de celle mesurée par la sonde étudiée était faite dans une enceinte liquidienne au sein de laquelle étaient positionnés : la sonde reliée à ses capteurs spécifiques dont on a adapté la connectique pour la relier à la chaı̂ne de pression utilisée, une voie de référence reliée à un capteur à eau dont on a vérifié l’étalonnage par une colonne à eau, et un système permettant de faire varier la pression (seringue de 2 ml). Les capteurs étaient reliés à un appareil de mesure urodynamique (Uromedic 2001, Vermed®) (Fig. 1). Les « zéro » pression étaient établis avec le capteur de référence situé au niveau de la partie Fig.1. Schéma de montage de l’enceinte liquidienne comparant la pression de référence de l’enceinte et celle mesurée par la sonde TDoc®. Les variations de pression étaient obtenues par une seringue de 2 ml reliée à l’enceinte Fig. 2. schéma de montage du système de mesure sur le cadavre Le cystocathéter était relié à un système de remplissage par gravité sur laquelle était branchée une voie pression mesurant la pression vésicale (V). La tubulure de la manchette du sphincter artificiel était reliée à un autre capteur de pression (S) mesurant la pression dans la manchette, les variations de pression à l’intérieur de celle-ci étaient assurées par une seringue de 2 ml placée en dérivation sur un robinet 3 voies basse de l’enceinte et sur la pression atmosphérique pour les capteurs à air. Ce montage permettait d’évaluer, par comparaison avec la pression de référence : – l’exactitude des mesures pour des pressions allant de 0 à 200 cm d’eau (plage de pression utilisée en urodynamique) ; – la rapidité de la réponse aux variations brutales de pression dans l’enceinte. 234 2e partie de l’étude : validité de la mesure appliquée à la PU Il est plus difficile d’avoir un banc d’essai fiable pour analyser la PU. On propose de mesurer la PU sur cadavre frais féminin, après mise en place, par voie vaginale, d’une manchette d’un sphincter artificiel AMS800® avec contrôle des pressions de la manchette périurétrale. Les pressions mesurées avec la sonde TDoc® étaient comparées à celles obtenues par le matériel de référence utilisé dans le laboratoire d’urodynamique (sonde de Bohler 10F perfusée à 2 ml/min). Les pressions de la manchette étaient ajustées pour obtenir une pression de clôture maximum (PCMax) de référence de 0 à 130 cm d’eau par paliers successifs puis en sens inverse. La vitesse de retrait de la sonde était de 1 mm/s. Les « zéro » pression étaient étalonnés sur une horizontale passant par l’urètre. Ces mesures étaient également comparées aux pressions vésicales de fuite obtenues par pression hypogastrique sur vessie remplie à 200 ml par cystocathéter sus-pubien permettant également de mesurer la pression vésicale. Cette mesure était effectuée pour différents paliers de pression de la manchette du sphincter artificiel. La sonde de Bohler 10F (Peters®) était utilisée conformément à la pratique de la PU, c’est-à-dire que la voie urétrale était perfusée à 2 ml/mn par un système sous pression dont on a vérifié l’étalonnage. La pression est mesurée par le capteur placé en bout de prolongateur. La vitesse de retrait était de 1 mm/s. La sonde TDoc® était utilisée selon les préconisations du constructeur : la sonde était insérée dans la vessie. Après avoir effectué le « 0 » atmosphérique (le « zéro » atmosphérique), les ballonnets étaient chargés avec le système. On vérifiait que la pression mesurée était égale au niveau des deux ballonnets et égale à la pression vésicale mesurée par le cystocathéter. La sonde était progressivement retirée par l’appareil de retrait à la même vitesse que précédemment : 1 mm/s. Analyse des résultats Pour les mesures effectuées dans l’enceinte liquidienne : – les courbes de pressions de référence et de celles mesurées par la sonde étaient superposées de manière à faire apparaı̂tre les éventuelles différences. Une courbe différentielle (pression de référence – pression mesurée par la sonde) permettait le calcul de la différence en tous points. Le temps de réponse était celui pendant lequel la pression différentielle variait en réponse à une brusque augmentation de pression avant de retrouver une valeur stable. Pour les mesures de PU effectuées sur cadavre frais, les résultats étaient représentés sous la forme d’un graphe permettant de comparer les valeurs obtenues pour chaque sonde en fonction de la pression de la manchette. Une courbe de tendance linéaire permettait de situer la pression de fuite par rapport aux PCMax mesurées par les deux sondes en fonction de la pression de la manchette. Ces courbes étaient obtenues avec le logiciel Microsoft Excel®. Résultats Évaluation de l’exactitude de mesure des pressions hydrostatiques L’écart entre les pressions mesurées par la sonde TDoc® et le capteur de référence était au maximum de 2 cm d’eau pour 200 cm d’eau de pression dans l’enceinte alors que des résultats similaires étaient obtenus avec les deux voies pression de la sonde TDoc® (Fig. 3). L’étude de la rapidité de la réponse aux variations brutales de pression dans l’enceinte montrait un retard estimé à 0,4 s, temps pendant lequel la pression était plus haute ou plus basse selon qu’il s’agissait d’une augmentation ou d’une baisse brutale de la pression dans l’enceinte (Fig. 4). Fig. 3. Résultats obtenus avec la sonde TDoc® (ballon 1 et ballon 2) et comparés avec la pression de référence (différentielle en rouge). L’écart de mesure ne dépasse pas 2 cm d’eau pour 200 cm d’eau de pression, soit 1 %. Les écarts de mesure entre les deux ballonnets (B1-B2) est du même ordre (3 cm d’eau pour 200 cm d’eau de pression) 235 Fig. 4. Analyse de la rapidité de la réponse des sondes TDoc® aux variations brutales de pression dans l’enceinte. Le retard de mesure est estimé à 0,4 s Fig. 5. Valeurs de PCMax et courbes de tendance obtenues par chaque sonde. On observe une surestimation très importante de la pression mesurée par la sonde TDoc®, le plus souvent supérieure à 2 fois la pression mesurée par la sonde Bolher. On peut remarquer cependant que la pression de la manchette nécessaire à l’augmentation de la pression urétrale mesurée est beaucoup plus importante que celle-ci Validité de la mesure applique´e à la PU On observe une surestimation très importante des pressions mesurées par la sonde TDoc® comparées à celles obtenues par la sonde Bohler pour la même pression de la manchette (Fig. 5). Les courbes de tendance linéaire de la figure 6 permettent de constater que la courbe de tendance linéaire obtenue avec les pressions de fuite est proche de celle obtenue avec la sonde de Bohler et éloignée de celle obtenue avec la sonde TDoc®. Fig. 6. Valeurs et courbes de tendance linéaire comparant la pression vésicale de fuite aux PCMax obtenues avec les deux sondes Discussion Les écarts de mesure entre la pression de référence et la sonde TDoc® pour les mesures de pression hydrostatique sont négligeables pour une application en urodynamique. En effet, une marge d’erreur de l’ordre de 1 % n’a pas de répercussion clinique. De même, on peut considérer comme acceptable un temps de réponse de 0,4 s, cette erreur étant d’ailleurs compensée par le même retard sur les deux ballonnets si une sonde de type TDOC-7FD ou une sonde TDOC-7FA est utilisée pour la mesure de la pression rectale. On peut donc conclure que ce type de matériel devrait donner des résultats satisfaisants en application clinique pour une cystoma- 236 et reproductibles [5,6]. Ce cathéter respecte les préconisations du principe original de la mesure de la PU [7]. Seule la PCMax a été mesurée dans cette étude. On peut cependant remarquer que la forme du profil urétral et la longueur fonctionnelle sont parfaitement reproductibles pour la même sonde mais elles sont très différentes d’une sonde à l’autre (Fig. 7). La reproductibilité avait été évaluée comme bonne pour la sonde TDoc® [3] mais on pouvait déjà constater dans cette étude sur cadavre que la PCMax obtenue avec la sonde TDoc® était supérieure à celles obtenues avec les autres cathéters (fibre optique, capteur électronique et sonde perfusée). Il reste à établir un modèle fiable permettant de tester les mesures de PU car celui utilisé n’est pas exempt de critiques. Néanmoins, il donne des résultats plausibles pour la sonde de Bohler avec des valeurs proches des pressions de fuite alors que les mesures obtenues avec la sonde TDoc® n’ont aucune signification clinique. Fig. 7. Profilométrie avec sonde de Bohler 10f et avec la sonde TDoc® après avoir retiré la manchette de sphincter artificiel. La PCMax est mesurée à 6 cm d’eau avec la sonde de Bohler et entre 50 et 55 cm d’eau pour la sonde TDoc®. Le passage d’une paire de ciseaux dans l’urètre afin de le dilater ne modifie pas le résultat nométrie qui consiste à mesurer une pression dans une enceinte liquidienne. Il conviendrait cependant de vérifier que le positionnement aléatoire d’un ballonnet dans un repli de la vessie ne perturbe pas la mesure. Les résultats obtenus sur la PU sont par contre peu satisfaisants dans le montage utilisé. On peut cependant le critiquer car l’urètre d’un cadavre, même frais, peut être peu compliant. On pourrait alors penser que la surestimation des pressions mesurées par la sonde TDoc® serait le reflet de ce défaut de compliance [4]. Cette hypothèse est cependant peu probable car le diamètre des ballonnets de la sonde, une fois chargés, n’excède pas celui de la sonde de Bohler utilisée (10F). De plus, une mesure effectuée sans manchette de sphincter à la fin de l’expérience montrait des différences tout aussi importantes même après dilatation de l’urètre par introduction d’une paire de ciseaux à l’intérieur de (Fig. 7). Le défaut de compliance de l’urètre peut par contre expliquer que les pressions de la manchette excèdent de beaucoup celles mesurées par la sonde de Bohler et les pressions vésicales de fuite. Les pressions mesurées par les deux types de sonde ainsi que les pressions vésicales de fuite restent assez stables pour des pressions basses de la manchette (< 50 cm d’eau). Cela peut être dû au caractère légèrement compressif de la manchette qui était fortement ajusté au diamètre de l’urètre (4,5 cm). Ceci explique qu’il faut attendre des pressions de la manchette supérieures à 50 cm d’eau pour obtenir des valeurs de PCMax croissantes. Le cathéter de Bohler 10F (Peters®) a été choisi car c’est celui que nous utilisons en pratique courante. De nombreux cathéters sont disponibles pour la mesure de la PU, mais ils ne donnent pas tous des mesures exactes Conclusion Le système TDoc® comprenant une sonde à ballonnets chargé à air par un capteur spécifique permet une mesure de la pression hydrostatique suffisamment précise pour son application en cystomanométrie. Par contre, son application pour la mesure de la PU peut être mise en doute compte tenu de la surestimation des mesures constatée dans cette étude. Remerciements Nous remercions vivement l’équipe du laboratoire d’anatomie de l’université de médecine de Nantes et mesdames Hillereau et Lefrancoise pour leur précieuse collaboration. Références 1. Le Normand L, et al. (2001) Exactitude des mesures de pression obtenues par une nouvelle sonde rectale à ballonnet à air. Prog Urol 11: 127-31 2. Pollak JT, Neimark M, Connor JT, et al. (2004) Aircharged and microtransducer urodynamic catheters in the evaluation of urethral function. 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Br J Urol 41: 211-7 Pelv Perineol (2006) 1: 237–241 © Springer 2006 DOI 10.1007/s11608-006-0070-4 MISE AU POINT / UPDATE Spécificités de la prise en charge de l’incontinence urinaire chez la personne âgée G Robain 1,3 , H. Vincent 2 , D. Hennebelle 1 , O. Chapelle 1 , P. Vu 1 , B. Marti 1 , F. Valentini 1,3 1 Service de Médecine physique et de Réadaptation ; 2 Service de Médecine interne, Hôpital Charles-Foix-Jean-Rostand, APHP, 9, avenue de la République, 94200 Ivry-sur-Seine 3 UMR S 731 Inserm, Université Pierre-et-Marie-Curie, Paris 6 Résumé : La prévalence de l’incontinence urinaire augmente avec l’âge. Les causes de l’incontinence sont rarement uniques chez les sujets âgés. La dépendance physique et psychique, la polypathologie, les effets secondaires des médicaments s’associent pour induire l’incontinence de la personne âgée. Le bilan doit être exhaustif, gériatrique toujours, urodynamique et radiologique si une décision de traitement est prise. La prise en charge, multidisciplinaire, reposera en premier lieu sur la rééducation comportementale. Les autres traitements chirurgicaux et pharmacologiques sont des traitements de deuxième intention. 80 ans, 30 % chez la femme [3,4] et 20 % chez l’homme [5,6]. Cette prévalence est très variable en fonction du lieu de vie puisqu’elle atteint 80 % dans une population de personnes âgées vivant en institution [7]. Les mécanismes et la prise en charge de l’incontinence de la personne âgée diffèrent selon l’âge physiologique. Pour la personne âgée en « bonne santé », sans pathologie, ils sont proches de ceux d’un sujet jeune. En revanche, chez la personne âgée, institutionnalisée, polymédicamentée, la prise en charge sera limitée, sachant que coexistent souvent une incontinence urinaire et une incontinence anale. Mots clés : Incontinence – Âge – Polypathologie – Rééducation comportementale Vieillissement de l’appareil vésico-sphinctérien et incontinence urinaire Incontinence in the elderly: specificity and treatment L’IU n’est pas la conséquence du vieillissement normal de l’appareil vésico-sphinctérien, même s’il existe des modifications fonctionnelles de celui-ci avec l’âge. Le vieillissement « normal » de l’appareil vésico-sphinctérien entraı̂ne des modifications mictionnellles : diminution du débit maximum urinaire et existence d’un résidu postmictionnel ; il existe une modification de la sensibilité vésicale avec un besoin plus tardif et moins progressif, et une diminution de la contractilité vésicale. La prévalence de l’hyperactivité du détrusor augmente avec l’âge. La résistance urétrale diminue chez la femme alors qu’elle augmente chez l’homme. Avec l’avancée en âge, on observe une modification du rythme nycthéméral de la diurèse, avec augmentation de la diurèse nocturne, dont les mécanismes sont multiples : modification de sécrétion du peptide natriurétique atrial, insuffisance cardiaque, diminution de la clairance de l’eau libre... Cette inversion du rythme de la diurèse, associée à la fragmentation du sommeil, explique en partie la pollakiurie nocturne [8-10]. Aucune de ces modifications n’est responsable par ellemême de la survenue d’une incontinence. Cependant l’augmentation du nombre de pathologies avec l’âge induit Abstract: In the elderly, the prevalence of urinary incontinence increases with age. The causes of this incontinence are multiple: low autonomy, dementia, frequency of multiple pathologies, and the use of medications. Medical assessments must explore agerelated, as well as urinary, disorders. Prompted voiding is the first line of treatment for urinary incontinence. Surgical and pharmacological treatments can be pursued if prompted voiding proves ineffective. Keywords: Urinary incontinence – Elderly – Multifactor – Prompted voiding Introduction L’incontinence urinaire (IU), définie comme une fuite involontaire d’urine, est un problème médical, social et d’hygiène [1,2]. La prévalence de l’incontinence urinaire augmente avec l’âge. Dans la population globale, elle atteint, après Correspondance : E-mail : [email protected] ; Tél. : 33 1 49 59 71 33 ; Fax : 33 1 49 59 71 42 238 des difficultés pour pallier les effets du vieillissement physiologique de l’appareil vésico-sphinctérien. Il peut s’agir d’un déficit moteur (arthrose, canal lombaire étroit) d’une maladie neurologique : accident vasculaire cérébral (AVC), syndrome Parkinsonien, sclérose en plaques (SEP), d’un déficit des fonctions cognitives (démence, en particulier maladie d’Alzheimer) ou d’une maladie générale : diabète, bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO). Chez le sujet âgé, il existe une haute prévalence (33 %) d’incontinence secondaire à l’association d’une hyperactivité detrusorienne avec un détrusor hypocontractile (Resnick et Yalla, 1987). Enfin rappelons une cause iatrogène spécifique à l’homme : la chirurgie de la prostate. La sémiologie des troubles urinaires du patient âgé est souvent complexe. La notion d’urgenturie est presque constante, alors que la symptomatologie d’incontinence urinaire d’effort isolée devient rare. Incontinence transitoire et réversible Un type particulier d’incontinence de la personne âgée est l’incontinence transitoire et réversible (IUTR) qui résulte d’un ensemble de facteurs non directement liés à l’appareil urinaire. Les causes d’IUTR ont été répertoriées par Resnick en 1984 [12] et sont résumées par le raccourci mnémotechnique DIAPPERS (diaper signifie couche en anglais) : Délire, Infections symptomatiques du bas appareil urinaire, Atrophies vaginales ou urétrales, causes Psychologiques, causes Pharmacologiques, Excès de diurèse, Restrictions de mobilité, constipation (S-stool). D- Le délire, ou état confusionnel non permanent, est responsable d’incontinence. Ce syndrome spécifique de la personne âgée a été décrit par Blackburn et Dunn en 1990 [13] sous le nom de syndrome vésico-cérébral (cystocerebral syndrome). Il s’agit d’une rétention d’urine prenant le masque d’une incontinence permanente accompagnée d’un syndrome confusionnel sans cause apparente ; cette incontinence et le syndrome confusionnel sont totalement régressifs après sondage urinaire. Ce syndrome survient en absence de démence même si une altération permanente des fonctions supérieures est fréquente. I- L’infection urinaire basse, fréquente chez la personne âgée est rarement responsable à elle seule d’incontinence urinaire. Le plus souvent asymptomatique, l’infection urinaire est souvent découverte lors d’un examen systématique, ce qui pose le problème du traitement en particulier en institution. A- La carence hormonale, si fréquente, est souvent associée à des manifestations telles que pollakiurie, urgenturie, mais n’est jamais seule en cause dans l’incontinence urinaire. P- Les causes psychologiques, en particulier la dépression, même si elles ne sont pas souvent individualisées dans la littérature, sont fréquemment en cause en particulier en institution. L’incontinence et le besoin d’uriner sont un objet de demande permettant d’obtenir une présence humaine facile à justifier. P- La polymédication est souvent incriminée dans la genèse de l’incontinence urinaire transitoire. Les différentes classes pharmacologiques incriminées ainsi que leurs principaux effets secondaires sont donnés dans le tableau I. E- L’excès de diurèse peut évidemment être lié à une augmentation des apports (perfusion...), aux diurétiques, mais aussi à une hyperglycémie ou une hypercalcémie. De façon paradoxale, la peur de l’hyperthermie en été a induit un comportement de consommation excessive de boisson responsable de pollakiurie mais aussi d’hyponatrémie. R- La restriction de mobilité est une cause évidente d’incontinence, mais est sous-estimée. Elle est responsable en particulier d’une incontinence alors que jusquelà, l’impériosité mictionnelle était bien compensée par une autonomie correcte. Ceci est particulièrement vrai en institution où la crainte de la chute induit l’utilisation d’entraves à la mobilité non prescrites par le médecin, telles que les barrières la nuit. S- La constipation a été impliquée comme cause d’incontinence chez 10 % des patients âgés non institutionnalisés [14]. C’est une cause certainement sous-estimée en pratique, ce d’autant que le masque de la constipation peut être l’incontinence anale. La prise en charge de ces IUTR repose sur le diagnostic du mécanisme précipitant et sur la prise en charge de celui-ci. Cependant l’apparition de cette incontinence peut révéler l’existence d’un dysfonction- Tableau I. Principales classes pharmacologiques incriminées dans la genèse d’une IUTR Anticholinergiques : en dehors des traitements de la vessie, antispasmodiques, certains antihistaminiques, antidépresseurs, antiparkinsonniens Analgésiques, opiacés Sédatifs Antihypertenseurs Diurétiques Inhibiteurs calciques IEC Alphabloquants Autres (alcool, caféine) Rétention d’urine, constipation, confusion, hypotension... Constipation Somnolence excessive Hypotension induisant une diminution de la mobilité Pollakiurie, impériosité Constipation, rétention d’urine Toux Diminution des résistances urétrales (femme) Pollakiurie, impériosité 239 nement du bas appareil urinaire, jusque-là compensé, dont la prise en charge ultérieure sera nécessaire. Évaluation de l’incontinence urinaire permanente Les principes de l’évaluation de l’incontinence de la personne âgée ne sont pas différents de ceux de la personne jeune. Il faut rechercher les causes de l’incontinence, les troubles associés et essayer d’identifier le type d’incontinence : incontinence urinaire d’effort, urgenturie, miction par regorgement, incontinence liée à la dépendance. Il n’y a pas d’unanimité sur l’évaluation de la prise en charge de l’incontinence de la personne âgée. Ce qui est certain, c’est que l’évaluation des difficultés sociales, psychologiques, motrices, et neuro-psychologiques doit être effectuée au même titre que l’évaluation de la fonction vésico-sphinctérienne. En préalable à l’évaluation, l’historique des troubles doit être obtenu soit du patient, soit de son entourage. L’examen clinique doit être suffisamment complet pour évaluer les difficultés de déplacement, difficultés de manipulation et vérifier que l’incontinence n’est pas secondaire à des troubles moteurs. Des tests tels que le get up and go permettent d’évaluer l’équilibre et la marche. L’évaluation comporte les bilans cardiaque, neurologique et nutritionnel habituellement effectués de manière systématique lors d’une évaluation gériatrique codifiée. Le bilan des fonctions supérieures est indispensable afin de rechercher une altération des fonctions supérieure débutante. Le Mini Mental Status de Folstein (MMSE), très souvent utilisé, n’est qu’un des éléments de ce bilan. Au terme de cette évaluation, on peut identifier plusieurs situations, selon la classification proposé par Fonda en 1990 [15]. Les extrêmes sont la continence chez la personne autonome et l’incontinence totale chez la personne dépendante sur les plans physique et intellectuel. Entre ces extrêmes, Fonda distingue la « continence-dépendance » et la « continence-sociale » : – la continence-dépendance est obtenue chez la personne dépendante au prix d’aides apportées par l’entourage ; – la continence-sociale suppose une prise en charge médicale correcte et conserve la qualité de vie de la personne et de son entourage. Ainsi, les explorations seront poursuivies chez les patients chez lesquels l’incontinence pose un problème médical ou de qualité de vie, sans être liée à la dépendance. Évaluation urodynamique Le bilan Les explorations urodynamiques, y compris complexes, peuvent être réalisées chez les personnes âgées même fragiles et dépendantes. En effet, la cystomanométrie au lit du patient [16] a pu être proposé, mais sa faisabilité et sa fiabilité sont faibles surtout chez le patient âgé fragile dont les poussées abdominales difficiles à identifier peuvent fausser l’interprétation des résultats. L’évaluation urodynamique requiert un catalogue mictionnel, l’évaluation du résidu postmictionnel (rendu non invasive par les ultrasons) et de la contractilité vésicale. La recherche d’une infection urinaire doit être effectuée au moindre doute. La débitmétrie La débitmétrie permet de vérifier la capacité de la personne à déclencher volontairement et facilement une miction, d’authentifier une dysurie et de rechercher un résidu postmictionnel. L’impossibilité de déclencher rapidement une miction et de tenir un catalogue mictionnel permet de dépister les patients dont la prise en charge sera difficile. La cystomanométrie La cystomanométrie, associée à des tests visant à provoquer l’incontinence doit être complétée par un instantané mictionnel (ou étude débit-pression). Elle permet de rechercher un trouble du besoin d’uriner (besoin retardé et séquence des besoins non respectés), une hyperactivité du détrusor, une hypocontractilité vésicale (contraction vésicale insuffisante pour assurer une vidange vésicale correcte en absence d’obstacle). L’association hyperactivité détrusorienne-hypocontractilité vésicale est assez spécifique de la personne âgée et explique une bonne partie des difficultés de prise en charge [11]. Profilométrie urétrale La mesure de la pression urétrale n’est utile que chez la femme. La tendance actuelle est d’effectuer les mesures de la pression urétrale vessie non vide (vessie remplie à 150 ou 200 ml) et au cours d’une poussée abdominale, de manière à étudier la fonction intrinsèque du sphincter urétral (Valsalva Leak Point Pressure, VLPP). La mesure de la pression urétrale au cours d’effort de toux n’est cependant pas abandonnée. Les pressions urétrales basses et un VLPP positif pour une augmentation de pression inférieur à 60 cm H2O seraient prédictifs des mauvais résultats de la prise en charge. Indication du bilan urodynamique Chez l’homme, un bilan urodynamique complet se justifie lorsqu’existe un résidu postmictionnel important. En effet, une telle exploration permettra de différentier une rétention liée à un obstacle prostatique et à une hypocontractilité vésicale. Chez la femme, cette exploration est nécessaire lorsqu’une cure chirurgicale de l’incontinence est envisagée. 240 La mise en place et le suivi d’un traitement médicamenteux ne nécessitent que l’évaluation du résidu postmictionnel. L’endoscopie ou les examens radiologiques ne seront réalisés que lorsque la nature des troubles ou l’inefficacité d’un traitement l’imposera. Les spécificités de la prise en charge de l’IU chez la personne âgée La rééducation Elle fait partie des traitements utilisés de façon fréquente dans la prise en charge de l’incontinence urinaire de la personne âgée, bien que peu d’études spécifiques lui soient consacrées. La prise en charge comporte la prise en charge classique (renforcement musculaire, biofeed-back, électrostimulations), les thérapies comportementales. La rééducation classique nécessite parfois l’instauration préalable d’un traitement hormonal local. Chez la femme, en cas d’atrophie vaginale importante, la voie rectale peu être utilisée. La durée de la prise en charge est plus longue que chez la personne plus jeune. Une période de consolidation des résultats est le plus souvent nécessaire, de même que des séances de réinduction. La rééducation classique a cependant ses limites ; en effet, le biofeed-back nécessite la coopération du patient et les stimulations électriques requièrent une perception de leur intensité. Les techniques de biofeed-back sont plus décrites que les techniques de stimulation. L’étude de Burns en 1993 [17] indique une amélioration des symptômes chez 61 % des patients. La rééducation comportementale repose sur les mictions programmées (horaires imposés ou en fonction des épisodes d’incontinence). Elle peut être associée à d’autres types de prises en charge rééducative ou médicamenteuse [18]. Isolée, elle est efficace, y compris pour les patients présentant une détérioration intellectuelle. Les techniques comportementales induisent en institution une surcharge de travail importante pour le personnel, ce qui explique leur fréquent abandon. Il semble que le bénéfice de la prise en charge ne soit durable que chez les patients non dépendants. Les thérapies comportementales, très utilisées il y a quelques années, sont actuellement moins utilisées en institution. L’intérêt majeur de la rééducation est qu’elle n’est pas iatrogénique. Les médicaments Un certain nombre de médicaments de l’incontinence sont impliqués dans la survenue de l’IUTR, d’où une certaine réserve à leur emploi. De plus, peu d’études spécifiques de leur efficacité chez la personne âgée ont été réalisées. Les traitements hormonaux ont une efficacité sur les troubles fonctionnels urinaires ; pollakiurie, impériosité, parfois nycturie, en agissant plus sur la qualité du sommeil que sur les troubles urinaires. Ils sont par contre utiles dans la préparation de la trophicité vaginale et urétrale avant la chirurgie et la rééducation. Les alphabloquants sont utilisés dans le traitement des troubles secondaires à l’adénome de prostate, mais aucune étude n’a été réalisée chez la personne très âgée. Les anticholinergiques sont utilisés dans l’hyperactivité du détrusor. Ils ont beaucoup d’effets secondaires. Leur utilisation chez la personne âgée nécessite des précautions : introduction à dose très progressive, surveillance de l’absence d’apparition d’un résidu postmictionnel, plus fréquent que chez le sujet jeune. La tolérance est souvent moins bonne que chez le sujet plus jeune : sécheresse de bouche et constipation sont déjà des plaintes fréquentes des sujets âgés. Cependant tous les anticholinergiques ne sont pas équivalents sur le risque de confusion mentale et de troubles de mémoire. Les « nouveaux » anticholinergiques, toltérodine et trospium chloride, non lipophiles, semblent mieux tolérés que les anciens, oxybutinine. Il semble que les anticholinergiques non lipophiles ne seraient pas contre-indiqués en cas de détérioration intellectuelle débutante chez des patients présentant une hyperactivité du détrusor. Les évaluations plus précises restent cependant à faire [19,20]. L’utilisation de la desmopressine dans la nycturie du sujet de plus de 65 ans n’a pas d’autorisation de la Haute Autorité de Santé en France. Les traitements chirurgicaux La chirurgie de l’incontinence urinaire d’effort de la femme a été modifiée ces dernières années par l’utilisation de bandelettes sous-urétrales (TVT, TOT). Cellesci, d’utilisation plus simple, ont été utilisées de manière large. Les études spécifiques chez la personne âgée sont peu nombreuses. Elles montrent une bonne efficacité chez la personne âgée avec une satisfaction des patients équivalente à celle des personnes plus jeunes. Cependant la prévalence de la rétention d’urine et de l’urgenturie de novo est plus importante que chez la femme plus jeune [21-23]. Leur indication doit rester précise : incontinence urinaire d’effort isolée d’origine urétrale, corrigée à l’examen clinique par la manœuvre de Ulmsten. Conclusion La prise en charge de l’IU de la personne âgée nécessite une double approche : une approche gériatrique des facteurs de risques spécifiques de la personne âgée, et une approche spécifique de l’incontinence. Cette prise en charge implique une multidisciplinarité. À l’heure actuelle, les procédures permettant l’approche globale de 241 l’incontinence urinaire de la personne âgée restent malheureusement mal codifiées. Références 1. Abrams P, Blaivas JG, Stanton SL, et al. (1988) The standardization of terminology of lower urinary tract function. Scand J Urol Nephrol suppl 114: 5-19 2. Haab F, Amarenco G, Coloby P, et al. (2004) Terminologie des troubles fonctionnels du bas appareil urinaire : adaptation française de la terminologie de l’International Continence Society. Progr Urol 14: 1103-11 3. Sandvik H, Hunskaar S, Seim A, et al. (1993) Validation of a seventies. Index in female urinary incontinence and its implementation in an epidemiological survey. 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Amarenco 1, 2 1 Service de Rééducation neurologique, Laboratoire d’Urodynamique et d’Explorations neurophysiologiques du périnée, Hôpital Rothschild, AP-HP, Paris, F-75012 France 2 Inserm, U731, Paris, F-75013 France ; Univ PMC, Paris, F-75005 France 3 Service de Gynécologie obstétrique, Hôpital Antoine-Béclère, AP-HP, Clamart, F-92140 France Résumé : Objectif : La physiopathologie de l’incontinence urinaire à l’effort est complexe et le rôle respectif des mécanismes actifs et passifs impliqués demeure incertain. La toux entraı̂ne une contraction du sphincter urétral et des muscles péri-urétraux du plancher pelvien. Tous les muscles striés, y compris le rhabdomyosphincter urétral et les muscles péri-urétraux, peuvent être concernés par un phénomène de fatigue neuromusculaire à l’effort. Cet article fait une revue des études ayant exploré la fatigue périnéale. Matériel et méthode : Revue systématique de la littérature à partir des bases de données Medline, Pascal et Embase en utilisant les mots clés : urètre, fatigue, incontinence urinaire, effort, plancher pelvien, pression urétrale, muscle, fatigue urétrale. Résultats : Bien que le sphincter strié urétral soit riche en fibres musculaires lentes, il semblerait que des efforts de toux répétés entraı̂nent une diminution importante de la pression urétrale (appelée « fatigue urétrale ») chez certaines patientes présentant une incontinence urinaire à l’effort. Des modèles animaux ont bien montré que les muscles pelviens présentaient une fatigabilité neuromusculaire plus rapide et plus importante que les muscles squelettiques des membres. Toutefois, les études réalisées chez l’homme n’ont pas encore permis de démontrer qu’il existait un excès de fatigabilité des muscles du plancher pelvien des femmes présentant une incontinence urinaire à l’effort. Cet article discute les méthodologies employées dans ces études. Conclusion : Une fatigabilité pathologique du sphincter urétral et/ou des muscles du plancher pelvien pourrait jouer un rôle dans la physiopathologie de l’incontinence urinaire à l’effort. Mots clés : Fatigue – Incontinence urinaire – Effort – Plancher pelvien – Urètre – Pression urétrale – Muscle Urethral and pelvic fatigue Abstract: Aim : The physiology of urinary continence during stress is complex and the respective role of passive and active mechanisms remain unclear. Coughing leads to a contraction of urethral rhabdomyosphincter and pelvic floor muscles. All striated muscles, including rhabdomyosphincter, peri-urethral and pelvic floor muscles can be concerned by neuromuscular fatigue. This article reviews the studies which have assessed perineal muscular fatigue. Materials and methods : A systematic review of the literature (Medline, Pascal and Embase) using the MESH keywords: urethra, fatigue, stress, urinary Incontinence, pelvic floor, urethral pressure, muscle, urethral fatigue. Results : Although the human external urethral sphincter is considered to be a highly fatigue-resistant muscle with a very high proportion of slow muscle fibers, repeated cough efforts seems to lead to a decrease in urethral pressure (called « urethral fatigue ») in numerous women affected with stress urinary incontinence. Animal models have showed that the pelvic muscles exhibit more neuromuscular fatigue than classical skeletal striated muscles. However, studies performed on human subjects have not succeed in demonstrate a fatigue on perivaginal muscles of women presenting stress urinary incontinence. The present article discusses the methods used in these studies. Conclusions : An increased urethral striated sphincter and/or pelvic floor muscles fatigue may play a role in the pathophysiology of stress urinary incontinence. Keywords: Fatigue – Stress – Urinary incontinence – Pelvic floor – Urethra – Urethral pressure – Muscle Introduction La physiologie de la continence urinaire lors de l’effort (IUE) est complexe et les rôles respectifs des mécanismes actifs et passifs mis en jeu demeurent mal connus. La toux provoque une contraction du sphincter strié urétral (rhabdomyosphincter) et des muscles du plancher pelvien. Cette contraction de la musculature striée pelvi-périnéale est un des facteurs majeurs assurant la Correspondance : Email : [email protected] ; Tél. : (33) 1 40 19 36 41 ; Fax : (33) 1 40 19 36 60 243 Fatigue urétrale En 1993, notre équipe rapportait l’observation d’une diminution de la pression urétrale après des efforts de toux répétés chez des femmes présentant une incontinence urinaire à l’effort [3]. Cette diminution de la pression urétrale après des efforts répétés est suivie par une phase de récupération progressive avec ré-augmentation de la pression urétrale (Fig. 1). L’ensemble du phénomène observé (succession diminution/récupération) est assez évocateur d’une fatigue musculaire. Une diminution moyenne de pression de 40 % (extrêmes de 24,5 % à 90 %) avait été retrouvée chez 10 femmes parmi 18 présentant une incontinence urinaire à l’effort. Même si ces données devront être confirmées grâce à des études incluant un groupe contrôle, l’analyse spectrale du Fatigue urétrale 80 Pression Urétrale (cmH2O) continence urinaire à l’effort en permettant une augmentation de la pression intra-urétrale, ce qui assure au cours de l’effort un gradient de pression positif entre l’urètre et la vessie [1]. Le sphincter strié externe de l’urètre urétral est composé de fibres musculaires rapides et lentes comme tous les muscles à commande volontaire. Bien que le sphincter urétral soit considéré comme un muscle résistant à la fatigue, avec une grande proportion de fibres musculaires lentes [2], beaucoup de femmes présentent des fuites urinaires uniquement après des efforts répétés. Ceci pourrait être expliqué par une fatigabilité « pathologique » du sphincter urétral et/ou des muscles péri-urétraux (bulbo-caverneux et pubo-coccygiens) chez ces femmes ayant une IUE. En 1993, notre équipe avait rapporté l’observation d’une baisse des pressions urétrales après des efforts de toux répétés chez certaines femmes présentant une incontinence urinaire à l’effort [3]. Ce phénomène est en faveur de l’existence d’une fatigabilité musculaire périnéale pathologique chez certaines patientes, même si son existence reste à démontrer de façon formelle. En effet, son étude est rendue difficile par le caractère hétérogène des muscles du plancher pelvien, par leur anatomie, leurs propriétés biomécaniques et leur métabolisme cellulaire. Si beaucoup d’auteurs sont d’accord sur l’hypothèse d’une fatigabilité périnéale chez certaines femmes incontinentes à l’effort, très peu d’études ont réellement étudié cette fatigue et la plupart des résultats sont décevants ou difficilement interprétables. Cet article a pour objet de faire une revue de la littérature concernant la fatigabilité de la musculature pelvi-périnéale. Dans cet article, nous distinguerons fatigabilité des muscles pelvipérinéaux, qui, en théorie, pourrait concerner les muscles du plancher pelvien dans leur globalité, et fatigabilité « urétrale » qui concernerait plus spécifiquement la musculature péri-urétrale (sphincter urétral et muscles para-urétraux). Cette distinction est rendue nécessaire par la différence des moyens d’exploration qui peuvent être mis en œuvre pour les étudier. Bien entendu, cette distinction est schématique car il est probable que les deux phénomènes soient associés ou interdépendants. 70 P0 P0 P0 7 toux P3 60 P2 50 40 P1 30 20 10 0 Fig. 1 tracé électromyographique du sphincter strié urétral à l’état de base, puis après les efforts de toux, confirmait l’intervention de la musculature striée et péri-urétrale. Après des efforts de toux répétés, la diminution quantitative importante de l’activité électrique sphinctérienne confortait l’hypothèse d’une fatigabilité musculaire pathologique chez ces femmes ayant une incontinence urinaire à l’effort. D’autres facteurs peuvent toutefois être impliqués, comme, par exemple, des phénomènes vasculaires, une intervention du système nerveux autonome ou des modifications des propriétés visco-élastiques des tissus péri-urétraux. En tout état de cause, si la diminution de pression urétrale observée après des efforts de toux répétés est bien un phénomène lié à une fatigue musculaire, le pourcentage de diminution de la pression urétrale ne devrait pas excéder le pourcentage de la participation de la musculature péri-urétrale à la pression urétrale globale. Des études sont actuellement en cours pour tenter d’une part de déterminer si cette « fatigue urétrale » est un phénomène stable dans le temps et dont la mesure est reproductible et, d’autre part, si des efforts plus prononcés pourraient encore accroı̂tre cette fatigabilité. La fatigue neuro-musculaire : définition et exploration Définition Le muscle est un transformateur d’énergie, convertissant une énergie chimique en énergies mécanique et thermique. La réponse biomécanique d’un muscle stimulé de façon répétée évolue en fonction de la fréquence et de la durée de la stimulation. La fatigue neuromusculaire peut être définie par une diminution de la performance au cours de l’effort [4-6]. Par exemple, lors d’une contraction volontaire maximale, la force produite va progressivement diminuer [7-8]. Cette diminution de la performance est observée dès le début de la contraction maximale volontaire (Fig. 2). Ceci est un peu différent de ce que l’on observe pour des contractions submaximales répétées, où la fatigue n’est observée qu’après un certain temps de latence pendant lequel la performance peut être maintenue. Dans tous les cas, après une phase de fatigue, la performance peut être restaurée après une période de repos adéquate. La fatigue 244 Fig. 2 est sous-tendue par des anomalies métaboliques : production de lactates, élévation du pH intracellulaire, modification du glycogène et des molécules phosphorylées. Il a été montré que la fatigue était fonction de la répartition entre les différents types de fibres. L’endurance d’un muscle est d’autant plus grande que ce muscle est riche en fibres « lentes » (de type I). Plusieurs processus participent à la survenue de la fatigue : le processus de commande volontaire (fatigue centrale ressentie ou subjective, avec sensation de faiblesse et d’effort accru pour maintenir la performance), le processus d’excitation (potentiel d’action avec couplage de l’excitation à l’activation du système contractile de la fibre musculaire), et enfin le processus de la réponse contractile caractérisé par des cycles de contraction et de relaxation. La fatigue « centrale » correspond à toute diminution de la force maximale volontaire survenant au cours d’un exercice, et non accompagnée d ’une diminution de la force maximale stimulable [9]. La fatigue musculaire se manifeste par des modifications mécaniques, énergétiques et électromyographiques. Sur le plan mécanique, il y a une diminution de la force musculaire maximale, que celle-ci soit le fruit d’une contraction volontaire, provoquée ou réflexe, mais variable selon les muscles. Une contraction tétanique prolongée (contraction provoquée par une stimulation électrique à haute fréquence) entraı̂ne une fatigue à court terme, associée à une récupération rapide de la force, et une série de contractions tétaniques de courte durée provoque une fatigue à long terme. Cette définition de la fatigue musculaire la différencie de phénomènes tels que l’épuisement et la faiblesse musculaire. L’épuisement (« exhaustion » dans la littérature anglosaxonne) est défini par l’incapacité à maintenir un niveau de force déterminé lors d’un exercice de contraction musculaire. Il n’y a pas de corrélation stricte entre la vraie « fatigue » et le temps d’apparition de l’épuisement (car celui-ci dépend uniquement du niveau de force requis qui est fixé par l’examinateur). La faiblesse musculaire (« weakness » dans la littérature anglo-saxonne) est, elle, définie par une diminution permanente de la force maximale, indépendamment d’un exercice physique [9]. La fatigue musculaire s’exprime aussi par des modifications énergétiques : au cours du processus de la réponse contractile, les substances énergétiques intracellulaires sont transformées par les protéines contractiles. La décroissance de la tension mécanique du muscle au cours de la fatigue est liée à une diminution des ponts actine-myosine par diminution des réserves en ATP, en phosphocréatine et en calcium. Cette diminution du calcium disponible pourrait s’observer en cas de pH acide par accumulation d’acide lactique. En cas de fatigue, le nombre de ponts d’actinemyosine étant moins important, la force développée est plus faible. En conséquence, le processus de réponse contractile est lié à la respiration cellulaire musculaire dépendant pour partie du système cardio-respiratoire. Au cours de certains efforts pendant lesquels la force développée est intense, se produit une ischémie musculaire partielle ou complète, en partie liée à l’augmentation de pression intramusculaire. De nombreux facteurs peuvent influencer la fatigue, et en particulier l’âge et le statut nutritionnel du sujet, la température d’exercice du muscle, la fréquence de stimulation en cas d’électrostimulation [10] et, bien entendu, l’existence d’une pathologie neuromusculaire (myopathie ou neuropathie) [9]. Exploration de la fatigue neuromusculaire L’exploration de la fatigue peut s’effectuer à partir des phénomènes mécaniques, énergétiques et/ou électromyographiques mis en jeu ou observés. Le principal moyen d’investigation est représenté par la mesure de la force développée. On peut aussi explorer le niveau énergétique, soit directement dans le système musculaire concerné, soit indirectement par la consommation en oxygène nécessaire à la production de l’effort. Enfin sur le plan électromyographique, on analysera les signaux correspondant aux mécanismes de recrutement des motoneurones et de conduction dans la fibre musculaire. Exploration directe de la fatigue C’est cette exploration directe qui est recommandée pour étudier la fatigue neuromusculaire [9]. L’idéal est de mesurer la force maximale développée lors d’une contraction maximale volontaire prolongée. Sinon, il est possible de mesurer la force maximale développée lors d’une stimulation électrique tétanique. Il s’agit là d’une stimulation nerveuse ou musculaire par un « tétanos », qui est une stimulation électrique à haute fréquence (50-100 Hz) appliquée pendant 5 secondes. La troisième méthode de mesure directe de la fatigue passe par la mesure de l’évolution au cours du temps de la puissance maximale développée lors d’un exercice maximal bref, par exemple lors d’une exercice de pédalage durant 25 secondes, la puissance (W) étant calculée par le produit de la force et du déplacement. Exploration électromyographique de la fatigue musculaire L’électromyographie (EMG) permet d’enregistrer l’activité musculaire au cours de l’effort. L’enregistrement par des électrodes autocollantes de surface est préférable car celles-ci 245 se mobilisent moins facilement que les électrodes aiguilles et elles permettent un enregistrement plus global du muscle étudié [11]. Il n’est pas possible d’étudier directement la fatigue par un simple enregistrement quantitatif de l’activité globale de surface. En effet, selon les conditions d’expérience, on pourra observer soit un enrichissement (accroissement de l’activité EMG pour maintenir un niveau de force constant par augmentation du recrutement [12]), soit une diminution de l’activité électromyographique lors d’une contraction maximale isométrique [13]. E´tude de la fatigue musculaire par l’analyse des spectres de puissance L’analyse électromyographique de la fatigue impose en fait des périodes de temps relativement longues pour être établie. Il est procédé à une intégration des potentiels (EMG intégrée) puis à une analyse mathématique des fréquences (intégration par méthode des transformés de Fourier) au cours du temps et en fonction de l’effort : c’est l’analyse du spectre de puissance électrique qui se présente sous forme d’une courbe. L’analyse spectrale est une méthode utilisée en physique pour déterminer les caractéristiques d’un phénomène observé. L’intensité du phénomène en fonction du temps constitue un signal et ce signal est traité par les mathématiques afin d’en extraire des caractéristiques qui donnent des informations sur le phénomène étudié. Concernant l’activité musculaire, l’étude des fréquences de l’EMG est intéressante car ces fréquences se modifient au cours de la fatigue musculaire [14-15]. L’analyse du spectre de puissance permet de chiffrer quantitativement les efforts de contraction volontaire des différents muscles et d’analyser ainsi leur fatigabilité. Cette méthode est fondée sur le principe des transformés de Fourier, avec analyse de la répartition des différentes fréquences du signal EMG au cours d’une contraction volontaire. Un tel calcul mathématique permet l’analyse des courbes d’atténuation des fréquences. Une fatigabilité s’exprimera par une chute rapide des fréquences élevées et une augmentation des fréquences basses [16]. La courbe du spectre se « déplace » vers les fréquences basses. Deux paramètres peuvent être ainsi évalués au cours de l’effort sur chacune des courbes : la fréquence médiane, séparant la courbe des fréquences en deux parties égales, et la fréquence moyenne. En répétant la mesure au cours de l’effort, par intervalles de temps réguliers, il est possible de préciser la décroissance progressive de la fréquence médiane ou moyenne à chaque intervalle et de préciser la pente de la décroissance. Ensuite, il est possible d’apprécier le délai de récupération de la fréquence médiane après le repos. La force développée au cours de l’exercice de fatigue doit être précisée en pourcentage de la force de contraction maximale. En effet, celui-ci conditionne la fatigue : le pourcentage auquel est effectué l’effort s’accompagne d’une augmentation des pressions intramusculaires. Dès un effort supérieur à 50 % de la force maximale de contraction, la pression intramusculaire augmente suffisamment pour induire une interruption de la vascularisation musculaire. Fatigue neuro-musculaire des muscles du plancher pelvien Peu d’auteurs se sont focalisés sur l’étude de la fatigue des muscles périnéaux et du plancher pelvien. Vereecken et al. avaient, en 1975, étudié l’effet d’une contraction musculaire périnéale, en enregistrant conjointement les pressions urétrale et anale, ainsi que l’activité électromyographique des sphincters anal et urétral [17]. Ils avaient conclu que ces 2 sphincters striés se fatiguaient très rapidement (en moins d’une minute). De nombreux points méthodologiques de cette étude nécessiteraient des précisions, en particulier le nombre et le profil clinique (symptomatologie urinaire, âge...) des sujets explorés. De plus, il ne semble pas y avoir eu d’étude de la répétabilité des enregistrements. En 1999, Gunnarson et al. rapportaient une étude sur 317 femmes dont 173 volontaires, dans laquelle ils avaient enregistré l’activité électromyographique des muscles périnéaux grâce à une sonde vaginale munie d’électrodes longitudinales [18]. La méthodologie de cette étude n’autorise pas une vraie estimation de la fatigue périnéale, mais elle apporte quelques éléments quantitatifs de la capacité contractile des muscles périnéaux chez les femmes continentes et incontinentes. En position « de la taille vésicale » (position gynécologique), les sujets devaient réaliser de brèves contractions maximales autour de la sonde vaginale. Leur objectif était d’étudier s’il existait des modifications neuromusculaires typiques apparaissant après l’accouchement. Par ailleurs, ils souhaitaient établir d’éventuelles corrélations entre ces modifications neuromusculaires et le profil clinique des femmes (incontinence urinaire à l’effort, incontinence urinaire sur urgenturies, incontinence urinaire mixte, asymptomatique). Cette étude a montré que l’accouchement n’entraı̂nait pas systématiquement d’altérations neuromusculaires : l’activité électromyographique maximale (EMGmax) lors d’une contraction volontaire maximale chez une multipare continente était équivalente à celle d’une femme jeune n’ayant jamais accouché [18]. Par ailleurs, dans cette étude, l’EMGmax des femmes symptomatiques (incontinence) était altérée quel que soit le type de symptomatologie (IUE, incontinence urinaire sur urgences mictionnelles ou incontinence urinaire mixte), et sans différence significative entre ces différents groupes cliniques. Les auteurs ont conclu que l’incontinence urinaire (quel que soit son type clinique) correspondait à une altération des fonctions neuromusculaires périnéales et périvaginales [18]. Toutefois, ils tempéraient un peu leurs résultats en reconnaissant ne pas pouvoir déterminer avec exactitude quels groupes musculaires avaient réellement été enregistrés. Par ailleurs, il paraı̂t un peu réducteur d’étudier le fonctionnement neuromusculaire périnéal uniquement sous l’angle de la simple valeur de l’EMGmax. En 2001, Peschers et Vodusek ont tenté d’étudier indirectement la fatigue périnéale chez 10 femmes nullipares 246 volontaires. Ils ont pour cela étudié la mobilité du col vésical avant et après des épreuves « fatigantes » en faisant l’hypothèse que la fatigue des muscles du périnée pourrait se traduire par une augmentation de la mobilité du col vésical. Cette mobilité du col vésical était étudiée grâce à une échographie périnéale (sonde curvi-linéaire de 3,5 MHz). Quelle que soit l’épreuve fatigante testée (15 contractions courtes du plancher musculaire pelvien, 1 contraction maximale prolongée du plancher musculaire pelvien, 10 toux fortes), ils n’ont pas pu mettre en évidence de modification de la mobilité cervico-urétrale [19]. Toutefois, ceci ne remet pas en question l’existence d’une fatigabilité périnéale, et ce pour plusieurs raisons : d’une part, il ne s’agit pas à proprement parler d’une étude de fatigabilité musculaire puisque l’expérience portait sur une mobilité anatomique ; et d’autre part, les épreuves fatigantes demandées ne le sont peut-être pas assez pour démasquer un défaut de soutien périnéal. Enfin, cette étude veut à tout prix relier deux mécanismes physiopathologiques qui sont peut-être complètement indépendants : d’une part la fatigabilité des muscles périnéaux et d’autre part l’hypermobilité cervicourétrale. Certes, cette dernière est probablement un des facteurs de l’incontinence urinaire féminine. Toutefois certains auteurs ont rapporté que l’existence d’une hypermobilité cervico-urétrale ne permettait pas de prédire l’existence d’une incontinence urinaire à l’effort [20]. En effet, l’incidence de l’hypermobilité cervico-urétrale serait identique chez les femmes ayant une incontinence urinaire à l’effort et chez celles ayant d’autres dysfonctionnements urinaires, ce qui confirme les données de Bergman et al. qui avaient observé une hypermobilité cervico-urétrale chez la moitié des femmes continentes et une mobilité cervicourétrale normale chez 10 à 40 % des femmes présentant une incontinence urinaire à l’effort [21]. Enfin, on sait que l’existence d’une hypermobilité cervico-urétrale n’aggrave pas la symptomatologie des patientes ayant une insuffisance sphinctérienne, que ce soit sur le plan de la sévérité de l’incontinence ou de la fréquence des épisodes de fuites [20]. L’étude la plus rigoureuse sur le plan de l’exploration directe de la fatigue musculaire périnéale a été réalisée chez l’animal. En 2002, Poortmans et Wyndaele rapportent une expérience d’électrostimulation ex vivo sur des muscles périnéaux (iliococcygien et pubococcygien) prélevés chez le rat [22]. Ces auteurs ont étudié la fatigue de ces muscles en la comparant à celle présentée par un muscle squelettique classique, le muscle soléaire, lui aussi électrostimulé ex vivo après prélèvement. Ils ont mis en évidence que les muscles périnéaux étudiés (iliococcygien et pubococcygien) avaient une fatigabilité supérieure à celle du muscle soléaire. De plus, ils ont mis en évidence que plus la période de repos entre 2 stimulations était importante, moins la fatigabilité musculaire était marquée. Enfin, même en optimisant les protocoles d’électrostimulation (longues périodes de repos), les muscles périnéaux se fatiguaient toujours plus que le soléaire. Les auteurs expliquent cette différence de fatigabilité par la différence de proportion entre fibres musculaires rapides et lentes dans les différents muscles striés : les fibres musculaires de type rapide (type II) sont en effet prépondérantes dans les muscles périnéaux, leur conférant ainsi une fatigabilité supérieure. Ces résultats concernant l’influence des modalités de l’électrostimulation sur la fatigue des muscles périnéaux sont, bien entendu, importants pour déterminer quelles sont les modalités pratiques d’électrostimulation à conseiller aux femmes présentant une incontinence urinaire à l’effort. Toutefois, les extrapolations d’une étude expérimentale animale à la clinique humaine restent en partie hypothétiques. Des études similaires n’étant pas réalisables chez l’homme, il est donc important de développer de nouveaux modèles d’étude des mécanismes neuromusculaires pelvi-périnéaux. Plus récemment, Verelst et Leivseth ont étudié la fatigabilité des muscles péri-vaginaux grâce à une sonde vaginale de 40 mm de diamètre, équipée de lamelles métalliques. Lors des contractions pelviennes, ces lamelles se déforment, engendrant une différence de potentiel qui est enregistrée, puis convertie en force exprimée en Newton [23]. Cette expérience a porté sur 20 femmes incontinentes à l’effort et sur 26 femmes continentes (témoins). Dans cette étude, les auteurs ont défini la fatigue comme étant le temps pour parvenir à un épuisement musculaire : temps pour que la force produite diminue de 90 % par rapport à la force maximale initiale (en début de contraction volontaire maximale). Ils n’ont pas observé de différence significative entre les 2 groupes. Cette étude est toutefois critiquable sur plusieurs points : – le groupe « contrôle » est constitué de femmes certes continentes, mais ayant déjà accouché et pouvant donc présenter divers troubles de la statique pelvi-périnéale, et ne constituant en tout cas pas un réel groupe témoin sur le plan neuromusculaire ; – la sonde employée a un diamètre très important, ce qui peut modifier le comportement des muscles releveurs ; – les épreuves de contraction demandées pour cette étude ne sont peut être pas suffisantes pour démasquer une différence de fatigabilité entre ces 2 groupes de femmes étudiés. Aussi, cette seule étude ne permet pas de remettre en cause la possibilité de l’implication d’une fatigabilité musculaire pelvi-périnéale pathologique dans l’incontinence urinaire à l’effort. Implications thérapeutiques La mise en évidence d’une fatigabilité urétrale et/ou périnéale pathologique chez certaines femmes incontinentes à l’effort ouvrirait de nombreuses perspectives, tant sur les plans physiopathologique que thérapeutique. En effet, il est établi que les modalités de paramétrage de l’électrostimulation peuvent aggraver une fatigabilité musculaire [22]. De plus, l’emploi de molécules améliorant le métabolisme énergétique et l’endurance, et diminuant le processus électrophysiologique de la fatigue pourrait également être indiqué dans de tels programmes. 247 L’étude des mécanismes neuromusculaires impliqués dans la continence à l’effort, et plus particulièrement la fatigue périnéale, paraı̂t donc essentielle pour adapter l’ensemble des stratégies thérapeutiques non chirurgicales pour les femmes ayant une IUE. Conclusion Bien que peu d’études se soient intéressées à cette question, de nombreux arguments évoquent la possibilité qu’une fatigabilité pathologique urétrale et/ou périnéale puisse être un facteur d’incontinence urinaire à l’effort. Il paraı̂t important de développer de nouveaux modèles d’étude de cette fatigabilité, mais aussi d’explorer plus avant d’autres anomalies du fonctionnement neuromusculaire pelvi-périnéal. Références 1. Parks AG, Porter NH, Melzak J (1962) Experimental study of the reflex mechanism controlling the muscle of the pelvic floor. Dis Colon Rectum 5: 407-14 2. Tokunaka S, Okamura K, Fujii H, Yachiku S (1990) The proportions of fiber types in human external urethral sphincter: electrophoretic analysis of myosin. Urol Res 18: 341 3. Amarenco G, Kerdraon J (1993) Decreased urethral pressure after coughing: the concept of urethral fatigability. Its relationship with active forces of continence. Prog Urol 3: 21-6 4. 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Mots clés : Paraplégie spastique héréditaire – Vessie neurologique – Anticholinergiques Vesico-sphincteric disorders in hereditary spastic paraplegia Abstract: Bladder sphincter disorders in hereditary spastic paraplegia occur frequently. Here, we report three cases involving the treatment of neurogenic bladder overactivity with anticholinergics, sacral neuromodulation and botulinum toxin injections. We also discuss detrusor sphincter dyssynergia. Keywords: Hereditary spastic paraplegia – Neurogenic bladder – Anticholinergics Introduction Les paraplégies spastiques héréditaires (PSH), anciennement désignées par le terme de maladie de StrümpellLorrain, sont un groupe d’affections génétiques hétérogènes de transmission variable, autosomique dominant ou récessif, ou liée à l’X. Elles sont caractérisées par une spasticité marquée des membres inférieurs, responsable de troubles de la marche d’aggravation progressive, accompagnée d’une paraparésie modérée et d’un syndrome pyramidal réflexe des quatre membres. S’y associent volontiers des pieds creux, une atteinte modérée des cordons postérieurs, une aréflexie ostéotendineuse en distalité et des troubles vésicosphinctériens. Ces troubles vésicosphinctériens (TVS) et, en particulier, urinaires sont trop souvent occultés par le malade et négligés par le Correspondance : E-mail : [email protected] médecin. L’amélioration du confort de vie de ces patients passe par la prise en charge optimale de ces troubles. Nous rapportons la prise en charge de trois patients atteints de PSF présentant des TVS. Observations La première observation est celle d’un homme de 67 ans atteint d’une PSH diagnostiquée il y a douze ans. Il se plaint de troubles spastiques de la marche d’aggravation progressive avec un fauchage et nécessitant l’utilisation de deux cannes. Son périmètre de marche est de 100 mètres. Il décrit par ailleurs des TVS pour lesquels il est suivi depuis neuf ans et une constipation traitée par régulateurs du transit. Les troubles urinaires associent une dysurie d’aggravation progressive avec un résidu postmictionnel nécessitant deux autosondages par jour, des urgenturies avec un délai de continence de deux minutes entraı̂nant de petites fuites et nécessitant l’utilisation de deux garnitures par jour et une pollakiurie diurne et nocturne occasionnant deux réveils par nuit. Un traitement par pompe à Baclofen® en intrathécal se solde par un échec et le malade est mis sous traitement par alphabloquants et myorelaxants sans amélioration de la symptomatologie. La prostate est légèrement augmentée de volume, mais souple. Le haut appareil n’est pas dilaté à l’échographie. Le bilan urodynamique (BUD) révèle des contractions vésicales désinhibées d’une amplitude de 20 cm d’eau dès 38 ml de remplissage associées à une dyssynergie vésicosphinctérienne (DVS) objectivée par l’étude des pressions vésicales et l’électromyogramme du sphincter strié de l’urètre et un résidu postmictionnel à 100 ml. Dans un premier temps, des autosondages sont réalisés. Une urétroscopie, réalisée dans un second temps, visualise deux lobes latéraux obstructifs. Une résection endoscopique de l’obstacle prostatique est alors réalisée. La régression de la dysurie n’est que partielle avec persistance des impériosités et obligation de continuer les autosondages. Par ailleurs, le 249 patient présente des infections urinaires à répétition qui s’espacent sous traitement par extraits de canneberges. Les urgences et les fuites disparaissent sous traitement par trospium chloride, mais augmentent sa dysurie, l’obligeant à continuer cinq autosondages par jour. Un traitement par électromodulation des racines sacrées est proposé. La deuxième observation est celle d’une femme de 66 ans suivie depuis vingt ans pour PSH ayant des troubles spastiques de la marche majeurs l’obligeant à des déplacements en fauteuil. Elle décrit depuis deux ans des troubles mictionnels avec urgenturies entraı̂nant des fuites immédiates et nécessitant l’utilisation de quatre à cinq garnitures par jour et une pollakiurie diurne toutes les heures et nocturne associée à des fuites occasionnant deux réveils par nuit. À l’examen clinique, il n’y a pas de prolapsus ni d’incontinence urinaire à l’effort. Un traitement par trospium chloride est instauré avec une nette amélioration de la symptomatologie : mictions toutes les deux à trois heures, délai de continence de cinq minutes, utilisation de seulement deux garnitures le jour, mais sans amélioration la nuit. Le BUD fait sous traitement montre un détrusor hyperactif avec des contractions désinhibées précoces dès 64 ml de remplissage et une capacité vésicale de 73 ml. La patiente débute l’apprentissage des autosondages avant la réalisation éventuelle d’injections de toxine botulique, ou d’un agrandissement vésical plus une cystostomie continente pour contrôler cette hyperactivité. Cet apprentissage s’avère physiquement impossible, aussi les options toxine ou cystoplastie sont-elles abandonnées. L’association du trospium chloride jusqu’à la dose de 20 mg deux fois par jour à l’oxybutynine à la dose de 5 mg le soir apporte une amélioration spectaculaire : disparition des fuites et des urgenturies, sans effets secondaires attendus et en particulier pas de xérostomie, pas de constipation, ni de résidus postmictionnels. La troisième observation est celle d’une femme de 42 ans suivie depuis huit ans pour des troubles vésicosphinctériens dans le cadre d’une PSH connue depuis douze ans. Elle se déplace en fauteuil du fait d’une spasticité importante. Il existe une symptomatologie digestive liée à un trouble de la commande périnéale et de la perception des besoins, entraı̂nant une constipation avec des efforts de poussée et manœuvres digitales, bien améliorés par des régulateurs du transit. La symptomatologie urologique associe des urgenturies une dysurie majeure avec d’importants résidus postmictionnels se compliquant d’infections urinaires récidivantes. Le BUD montre des contractions vésicales désinhibées survenant dès 120 ml associées à une DVS, objectivée par l’étude des pressions vésicales, l’électromyogramme du sphincter strié de l’urètre et un résidu postmictionnel de 110 ml. La patiente débute l’apprentissage des autosondages qu’elle doit réaliser quatre à six fois par jour. Malgré l’amélioration, la compliance au traitement décroı̂t avec le temps et la patiente espace les autosondages. Un traitement par oxybutynine est initié pour diminuer les urgenturies, mais ce traitement est arrêté devant des effets secondaires gênants : xérostomie et palpitations en particulier. L’oxybutynine est alors remplacée par le trospium chloride avec une meilleure tolérance. Devant l’amélioration partielle de la symptomatologie, il est proposé des injections intradétrusoriennes de toxine botulique. Discussion Les PSH sont des pathologies rares dont on estime la prévalence en France à 1/30 000 [1]. La fréquence des TVS dans cette pathologie est mal connue. À notre connaissance, seules deux études rétrospectives s’y sont intéressées et l’évaluent entre 75 et 89 % [1,2]. Elles soulignent aussi l’absence de leur prise en charge dans 26 % des cas alors qu’ils retentissent sur la qualité de vie dans plus de 45 % des cas [1]. La symptomatologie de ces troubles est représentée en majorité par des urgenturies (73 %) avec incontinence par urgences (75 %), une pollakiurie nocturne (53 %) et une dysurie (45 %). Dans sa forme de survenue tardive qui nous intéresse plus particulièrement pour les deux premiers patients, ils apparaissent rapidement après le début de la maladie avec une moyenne de trois ans et demi, contre 13 ans dans la forme précoce [1]. De cette prise en charge découle une amélioration du confort de vie déjà précaire de ces patients. Pour le diagnostic, l’interrogatoire est essentiel et s’efforcera de préciser la symptomatologie urinaire : dysurie, pollakiurie (fréquence des mictions diurnes, nombre de réveils nocturnes), urgenturies (délai de continence), fuites (quantification). La perception du besoin d’uriner est conservée dans cette pathologie. L’association fréquente à des troubles anorectaux doit être recherchée. Ils peuvent être entraı̂nés par les traitements mis en route et ils influent directement sur la symptomatologie urinaire : dégradation périnéale par des efforts de poussée, constipation opiniâtre. D’éventuelles complications urologiques seront recherchées : épisodes de rétention aiguë d’urine, infections urinaires à répétition et du haut appareil, pathologie lithiasique. Enfin, l’évaluation de l’efficacité d’éventuelles thérapeutiques déjà instituées aidera à la prise en charge. L’examen clinique va rechercher ou éliminer une cause associée : pathologie prostatique obstructive chez l’homme ou pathologie du prolapsus génito-urinaire chez la femme favorisée par les efforts itératifs de poussée. Dans les trois cas rapportés, les urgences mictionnelles sont au premier plan de la symptomatologie en concordance avec les données de la littérature. Elles s’associent à des contractions désinhibées. Le traitement par anticholinergiques (Ach) en première intention sera efficace pour deux patients sur trois. 250 L’inefficacité de l’oxybutynine fait proposer le trospium chloride qui est mieux toléré (cas 3). Cela est en accord avec des données récentes de la littérature montrant des effets secondaires moins importants du trospium chloride, en particulier sur la sécheresse buccale [3]. De plus le trospium chloride n’étant que peu liposoluble, il ne passe pas la barrière hématoencéphalique et n’a donc pas d’action centrale [4] donc pas d’effets secondaires centraux : agitation, délire à fortes doses. En cas d’effet insuffisant d’un Ach bien toléré, dans les circonstances particulières d’un sujet neurologique où les alternatives thérapeutiques sont limitées, il est possible d’essayer soit d’augmenter la dose d’Ach, soit d’associer deux Ach. Dans le cas 1, nous avons augmenté les doses de trospium chloride jusqu’à quatre comprimés par jour pour une meilleure efficacité et avec une excellente tolérance. Dans le cas 2, l’efficacité du traitement est obtenue en associant les deux Ach. La meilleure efficacité de l’association de ces deux Ach pourrait s’expliquer par un site de fixation différent sur les récepteurs muscariniques (M2 et M3) entraı̂nant une synergie d’action et non une compétition de ces deux molécules. L’association de deux Ach a déjà été rapportée par Schäfer [5]. Il montre chez 28 malades neurologiques une diminution des épisodes de fuites ainsi que l’augmentation du volume réflexe et de la capacité vésicale. La combinaison trospium chloride et oxybutynine semblait plus efficace que l’association de la tolteroline au trospium chloride ou à l’oxybutynine. Les effets secondaires ont été modérés au regard de l’amélioration clinique et urodynamique nette. Toutefois, en cas d’obstacle sous-vésical même incomplet, le risque d’aggraver une vessie rétentionniste existe et nécessite la réalisation d’autosondages. L’amélioration de la lubrification des sondes et la simplification de leur utilisation ont beaucoup aidé à l’adhésion des patients à ce geste et à en diminuer ces complications traumatiques. Le risque d’infection urinaire est lui aussi abaissé [6]. Dans le cas 1, l’utilisation d’extraits de canneberges aide à lutter contre les infections urinaires récidivantes [7] ainsi qu’une diurèse suffisante. Dans les deux cas où l’hyperactivité vésicale est résistante aux traitements par Ach, des injections intradétrusorienne de toxine botulique intradétrusorienne ou une électromodulation des racines sacrées peuvent être proposées. La relative innocuité des injections intradétrusoriennes de toxine botulique peut faire proposer cette thérapeutique pour arrêter ou réduire les doses d’Ach et ainsi diminuer leurs effets secondaires (cas 3). L’inconvénient est la durée d’action limitée impliquant la nécessité de refaire les injections tous les neuf mois en moyenne [8]. L’électromodulation des racines sacrées peut être proposée dans les hyperactivités vésicales neurogènes [9]. L’indication est d’autant plus logique que dans la PSH, il existe une atteinte des cordons postérieurs et que la modulation semble agir préférentiellement sur la voie afférente sensitive. Toutefois, c’est un matériel coûteux entraı̂nant des contraintes liées aux paramétrages du générateur. C’est une thérapeutique pourvoyeuse d’effets secondaires : déplacement de l’électrode, infection ou sérome autour du stimulateur, douleurs. Un test franchement positif est nécessaire avant la décision d’implantation du stimulateur. Enfin l’injection intrathécale de Baclofen® est une solution efficace pour certains, mais dont les indications ne sont pas consensuelles, même après test au Baclofen® per os (cas 1) en raison de complications non négligeables : – liées au matériel (fracture de cathéter, infection) ; – possible aggravation de la symptomatologie ; – dyskinésies, hypotonie ; – léthargie et même suicide dans certaines séries [10]. Conclusion Dans la PSH, les troubles mictionnels sont fréquents. Ils sont en majorité liés à une hyperactivité vésicale entraı̂nant des urgenturies et une dysurie liée à une DVS. Cette dysurie ne doit pas faire négliger un obstacle prostatique ou prolapsus génito-urinaire possiblement associé. Ils justifient une prise en charge spécifique et doivent donc être recherchés. Le traitement de ces hyperactivités vésicales et détrusoriennes par Ach, injections de toxine botulique ou électromodulation des racines sacrées permet de proposer un traitement adapté des TVS de ces patients et d’améliorer leur qualité de vie. Références 1. Carrière H, Parratte B, Pichon J, et al. (1999) Épidémiologie des troubles urinaires dans la paraplégie spasmodique familiale ou maladie de Strümpell-Lorrain. Spastic 28: 12–6 2. Harding AE (1981) Hereditary ‘‘pure’’ spastic paraplegia: a clinical and genetic study of 22 families. J Neurosurg Psychiatry 44: 181-3 3. Halaska M, Ralph G, Wiedemann A, et al. (2003) Controlled, double-blind, multicentre clinical trial to investigate long-term tolerability and efficacy of trospium chloride in patients with detrusor instability. World J Urol 20: 392-9 4. Cardazzo L, Chapple CR, Toozs-Hobson P, et al. (2000) Efficacy of trospium chloride in patients with detrusor instability: a placebo-controlled, randomized, doubleblind, multicentre clinical trial. Brit J Urol 85: 659-64 5. Schäfer T, Horstmann M, Aguuilar Y, et al. (2005) The effective combination of two anticholinergic drugs without an increase of side effects in patients with neurogenic bladder. Neuro Urol Urodyn 25: 577-8 6. De Ridder DJ, Everaert K, Fernandez LG, et al. (2005) Intermittent catheterisation with hydrophilic-coated catheters (SpeediCath) reduces the risk of clinical urinary tract infection in spinal cord injured patients: a prospective randomised parallel comparative trial. Eur Urol 48: 991-5 7. Zhang L, Ma J, Pan K, et al. (2005) Efficacy of cranberry juice on Helicobacter pylori infection: a double-blind, randomized placebo-controlled trial. Helicobacter 10: 139-45 251 8. Reitz A, Stohrer M, Kramer G, et al. (2004) European experience of 200 cases treated with botulinum-A toxin injections into the detrusor muscle for urinary incontinence due to neurogenic detrusor overactivity. Eur Urol 45: 510-5 9. Groen J, Bosch JL (2001) Neuromodulation techniques in the treatment of the overactive bladder. Brit J Urol 87: 723-31 10. Walker RH, Danisi FO, Swope DM, et al. (2001) Intrathecal baclofen for dystonia: benefits and complications during six years of experience. Mov Disord 16: 1201-2 Pelv Perineol (2006) 1: 252–261 © Springer 2006 DOI 10.1007/s11608-006-0084-y VIE DES SOCIÉTÉS / SOCIETY MEMBER’S NEWS Sexualité féminine et neurologie : la place du neuropsychiatre J.-C. Colombel Si les troubles génitosexuels accompagnent nombre de maladies neurologiques, il convient de ne pas systématiquement attribuer le trouble sexuel au dysfonctionnement neurogène Amarenco G (2000) Résumé : La sexualité ne peut se résumer à un ensemble de caractères morphologiques, physiologiques et psychiques. Elle comporte aussi des composantes identitaires, relationnelles, hédoniques, fantasmatiques et métaphysiques, auxquelles l’identité féminine apporte sa spécificité. À travers la souffrance des patientes, certaines de ces particularités apparaissent profondément bouleversées, en particulier lors des lésions neurologiques centrales. Le but de l’écoute du neuropsychiatre est avant tout de faire se croiser le domaine objectif des lésions et des handicaps, avec celui, plus subjectif, de l’histoire et de la souffrance de la personne qu’est chaque patiente. Deux types de lésions neurologiques sont choisis pour illustrer cette approche. Dans les lésions préfrontales, sous des dehors de provocation outrancière, se rejouent certains moments difficiles de l’éducation sphinctérienne par la mère. Les lésions traumatiques de la moelle, l’aménorrhée initiale puis les problèmes vésicosphinctériens renvoient certaines patientes à des phases prépubertaires de leur évolution, d’autres à l’idée de la vieillesse et de la mort. L’analyse est faite des diverses interférences qui peuvent se produire au niveau de la sexualité féminine, afin d’obtenir le meilleur ajustement du parcours thérapeutique de chaque patiente. D’où l’importance, dans le projet de réadaptation organisé avec l’équipe de soins, de préparer si possible la famille et, en particulier, la mère à une meilleure écoute de la souffrance de sa fille. Correspondance : E-mail : [email protected] Female sexuality and neurology: the place of neuropsychiatry Abstract: Sexuality cannot be summed up just by a set of morphological, physiological, and mental characteristics. It also includes personal-identity, interpersonal, hedonic, fantastical, and metaphysical aspects, all of which contribute to specifically defining female identity. In observing the suffering of patients, some of these aspects appear greatly disturbed, especially when there is central nervous system damage. The goal of neuropsychiatric assessment is, above all, to overlap the objective manifestations of injuries and handicaps with the more subjective history of personal suffering specific to each patient. Two types of neurological damage have been chosen to illustrate this approach. In the case of prefrontal lesions, under the guise of extreme provocation, difficult moments experienced during toilet training by the mother are replayed. Traumatic injuries to the bone marrow, initial amenorrhea, and bladder sphincter disorders can result in a return to prepubertal stages of development in some patients, while others feel the encroachment of old age and death. In order to obtain a better therapeutic adaptation appropriate for each patient, assessment takes into account diverse interfering factors that can become apparent in female sexuality. This is why it is important for the healthcare team managing a patient’s rehabilitation to prepare the family, if possible, and especially, the mother, for greater sensitivity to the suffering of the mother’s daughter. Introduction Il se trouve que la spécialité de neuropsychiatre est en train de cesser d’exister avec ses derniers représentants. Je n’aurai donc pas la mauvaise grâce de plaider pour une fiction programmée. Spécialité de jonction (on l’écrivait autrefois avec un trait d’union), elle permettait aisément 253 de ne pas régler la question « psychosomatique » des rapports si délicats entre le corps et la psyché. Son éclatement1 s’est produit malheureusement avant que les neurosciences ne prennent leur essor, laissant au bord du chemin et pour longtemps peut-être, la question du Sujet. Cependant, vouloir aujourd’hui parler de sexualité féminine suppose que dans un fonctionnement meurtri par la neurologie, on admette un peu de féminité, c’est-à-dire précisément ce quelque chose d’indéfinissable qui échappe à toute définition parce que situé du côté du Sujet. Pour clarifier le plus possible l’approche que je souhaite en faire, mon propos ne sera donc pas de traiter séparément telle ou telle pathologie neurologique, puis d’en mesurer l’impact sur la sexualité féminine. Au contraire je ferai directement se croiser le territoire le plus objectif, qui est celui des atteintes neurologiques, avec celui des aspects déficitaires et des réactions à la souffrance, auxquelles se mêle toujours, comme on le sait, un peu de subjectivité. De la sorte, je pense être en mesure de parler depuis la place du neuropsychiatre, tout en la faisant apparaı̂tre au fil de mon développement concernant les troubles neurologiques et la sexualité féminine. D’abord une question : qu’est-ce que la sexualité ? D’un point de vue descriptif, la sexualité se résume à l’ensemble des caractères morphologiques, physiologiques et psychiques déterminés par le sexe. Elle définit aussi l’ensemble des comportements qui relèvent de l’existence de l’instinct sexuel. En effet, dans ce qu’elle a d’apparent, la sexualité de l’être humain conserve bien sa finalité biologique au même titre, par exemple, que la sexualité des papillons. Mais cette définition ne va pas au-delà du capital génétique et de l’instinct. En cela, elle n’est pas satisfaisante. La sexualité est aussi le territoire identitaire qui définit la personne par son sexe, avec une image de soi et un aspect culturellement fixés par la société où elle vient au monde et où elle vit. Elle a donc une dimension relationnelle, qui va de l’intimité avec ou sans autrui, jusqu’à la famille, au groupe et à la société. Elle a aussi une dimension hédonique, qui fait se croiser en quantités variables le désir, le plaisir, la pudeur et les conflits. Au revers des apparences, elle possède un soubassement fantasmatique particulièrement riche et dans lequel les pulsions se déploient à travers les images de fusion, d’interdits et de transgression. Enfin, nous lui reconnaissons une envergure métaphysique, celle qui unit encore les croyances et les rituels, la descendance, ses 1 rêves et ses aspects juridiques, et dans laquelle viennent se fondre l’espace et le temps, et plus encore le désir, l’amour et la mort. La sexualité féminine ? C’était bien plus simple autrefois : il suffisait de dire « tota mulier in utero » pour la définir et la vérifier à chaque instant. Du moins le croyait-on. Je ne m’appuierai donc pas sur la multiplicité des approches endocriniennes, comportementalistes, psychopathologiques, littéraires ou artistiques, fort louables au demeurant, mais dont la diversité montre suffisamment la richesse, sinon la complexité d’une tentative de définition. Pour rester dans le domaine médical, je choisirai simplement deux ou trois éléments que l’on retrouve souvent parce qu’ils sont bien repérables dans les situations psychothérapiques les plus diverses. Sans prétendre être exhaustifs, ils donnent, de certains aspects de la sexualité féminine, une représentation plus précise et plus claire. Ils nous rappellent notamment que dans l’investissement et dans les soins qu’une femme apporte à son corps, la part de ce qui vient d’elle est profondément mêlée avec ce qui lui vient de sa mère. Ce sont eux que vont bousculer le traumatisme neurologique et sa réalité lésionnelle, dont je parlerai ensuite. Quels sont ces éléments spécifiques à la femme ? Tous ont un rapport avec le corps dans ses valeurs symboliques, affectives, physiologiques et anatomiques, valeurs qui l’accompagnent depuis les premiers jours de sa vie : – le premier est une sorte de résonance circulaire entre les orifices oral, vaginal et anal. À la différence de l’homme et pour simplifier, on peut dire que l’érotisation de l’un renvoie plus facilement aux deux autres. On pourrait même y rajouter l’ombilic, en tant que symbole érotisé de naissance, de maternité et de féminité, ainsi que nous le découvre une mode vestimentaire récente. Comme nous le savons, cette sorte d’équivalence orificielle est un élément dont l’incidence n’est pas à négliger dans la rééducation sexuelle de la femme blessée médullaire en particulier ; – le deuxième est plutôt d’origine éducative. Autant la mère a tendance à interdire la recherche de jouissance clitoridienne, autant elle est capable de méconnaı̂tre les explorations vaginales qui se produisent un peu plus tard chez la fillette. Mais dans le cas de lésions neurologiques Après les mouvements de mai 68, écrit J. Darrot [2] : « Une sorte d’identité d’expert était revendiquée par les psychiatres, au nom de la spécificité de leur pratique. Leur incontestable qualité de médecins, maladroitement contestée par quelques universitaires, les conduisit d’une part à rompre avec la neurologie, abandonnant sans regret le statut obsolète et ambigu de « neuropsychiatre » mais d’autre part à s’éloigner aussi des sciences humaines, dont la proximité leur avait pourtant été si précieuse dans l’approche anthropologique de la folie... Aussi peut-on se demander aujourd’hui si cette rupture était bien nécessaire. » 254 qui imposent à la patiente une relation de dépendance tout en s’attaquant à l’image du corps et à la jouissance de sa féminité, le sexe de la femme devient trop souvent l’image de la castration. Cette situation traumatisante peut s’aggraver encore, lorsque le soignant en vient à confondre réalité lésionnelle et absence de désir ; – un troisième point est l’investissement narcissique et même érotique de son propre corps. La société d’aujourd’hui privilégie le culte de l’apparence. Elle recommande et valorise la consommation, la jouissance immédiate et les masques galants de la séduction. Les agences publicitaires illuminent nos rêves avec des êtres magnifiques et séduisants comme des déesses. La silhouette de la femme est rigoureusement surveillée et modelée par une forme d’impérialisme médiatique et commercial : c’est le droit d’entrée vers le plaisir et vers le désir des autres. D’où une intimité avec soi dans laquelle la femme jouit d’elle-même et de sa féminité comme elle jouirait du corps d’une autre, de sa mère ou de ses modèles en particulier. Inversement, toute lésion qui attaque son corps menace d’effondrement ses supports d’identification, comme nous allons le voir dans certains troubles neurologiques. Quels troubles ? Dans la mesure où pour une grande part, le système nerveux est l’instrument de la vie de relation, nous pourrions évoquer beaucoup de symptômes, de syndromes ou de maladies neurologiques qui ne sont pas sans conséquences sur la sexualité. Mais pour la clarté de l’exposé, et pour son incidence pratique, je m’en tiendrai à certaines anomalies des conduites que l’on constate dans les atteintes de la région préfrontale, notamment dans les syndromes posttraumatiques. J’aborderai ensuite quelques problèmes de la sexualité féminine au cours des lésions médullaires. Dans la plupart des lésions neurologiques, la vie de relation est perturbée, ne serait-ce qu’en raison des déficits fonctionnels, mais pas uniquement. Pour les soignants, que leur pratique quotidienne place dans une intimité à ciel ouvert, ces problèmes les confrontent sans ménagements à leur sexualité personnelle, à leur équilibre affectif et à leurs mécanismes de projection. Enfin, dans la famille, où les mécanismes d’identification s’ajoutent au traumatisme affectif, cette intimité angoissante du corps meurtri et dénudé réveille de manière particulièrement ambiguë les questions de l’intimité, de la bonne distance et de l’inceste, toutes questions qui paraissaient depuis longtemps résolues. Pour ce qui est de la reprise d’une vie sexuelle, qui dépend pour une part de l’attrait érotique, l’image statique et peu valorisante de la 2 femme handicapée n’y prépare pas facilement, quand la pression des images véhiculées par la société ne vient pas s’y opposer résolument. Lésions préfrontales Je partirai donc des comportements que nous constatons ou que nous rapportent si fréquemment les familles des patients, parce que ces comportements à l’emporte-pièce font voler en éclats une quantité d’inhibitions construites au long de l’apprentissage éducatif2. Nous savons que ces troubles dominent dans les lésions de la région orbitobasale, par opposition aux lésions dorsolatérales, ainsi que l’a montré Luria [3] en particulier. Ils sont précoces et spectaculaires. La plupart du temps, ce sont des bouffées d’expansivité euphorique avec propension aux calembours plus ou moins graveleux, dans une tonalité d’optimisme niais. C’est l’emblématique moria, à quoi s’oppose, de manière aussi flagrante que discrète, un fonds clinique fait d’inertie permanente, d’indifférence et d’apathie. Cette apathie se retrouve dans la plupart des syndromes frontaux, avec ralentissement de l’activité idéatoire, verbale et motrice, ce qui rend plus choquants les comportements de désinhibition émotionnelle ou sexuelle. C’est du reste cette image qui prévaut, d’une massification adynamique, avec des trouées de fulgurances verbales ou motrices, quelle que soit la topographie des lésions, mais surtout lorsqu’elles concernent le circuit frontolimbique inférieur. Si l’on veut en effet détailler quelques aspects de ce syndrome, nous pouvons noter par exemple que le comportement d’urination - où le patient more ferarum, obéit immédiatement au besoin - s’accomplit avec une absence de gêne qui est de la plus parfaite impudeur. Mais c’est un comportement relativement rare, et qui est peut-être lié à « une abolition des capacités d’inhibition mictionnelle et une conservation du déclenchement volontaire » [4]. Les comportements sexuels sont souvent de deux types. Ou bien c’est la disparition de l’activité sexuelle, évoquant une anhédonie, qui est la plupart du temps associée à une aboulie avec laquelle elle s’accorde bien, mais avec une indifférence absolue aux approches du partenaire habituel. Ou bien, et plus fréquemment, c’est une exacerbation de comportements inconvenants qui se caractérisent par des attitudes et des propos évocateurs ou exhibitionnistes. Quant aux comportements alimentaires, comme s’ils étaient à l’image des troubles sexuels, ils vont du Qu’il s’agisse de l’homme ou de la femme, ces comportements s’intègrent à une régression libidinale plus globale, où le retour à la primauté d’un fonctionnement pulsionnel met à mal les règles sociales ordinaires. Ils permettent de souligner aussi l’intimité des relations entre le cortex frontal et le paléocortex. 255 désintérêt pour la nourriture à la voracité la plus gloutonne. Le sujet s’empiffre sans plaisir ni souci des convenances, souvent dans un contexte de comportements généraux débridés. On peut dire que l’absorption démesurée de liquides ou de nourriture n’est que l’un des aspects de ce qu’il faut bien appeler une véritable orgie libidinale. Comme s’il s’agissait littéralement de « se remplir », j’en rapprocherais volontiers les comportements de vol à l’étalage, moins rares qu’on ne veut le penser, avec une préférence, chez la jeune femme, pour les vols de sous-vêtements. Chez la femme, on va noter deux types de comportements qui lui sont particuliers, parce qu’ils mettent en valeur cette correspondance entre les orifices corporels et leurs valeurs symboliques dont j’ai parlé tout à l’heure : – elle se maquille volontiers, mais son rouge à lèvres est déposé de manière outrancière, la couleur choisie est toujours éclatante, en contraste violent avec la couleur de sa peau, et la surface couverte plus importante qu’auparavant. C’est ce que notent les proches, qui sont souvent choqués et consternés par le côté racoleur de ce manque de discrétion : « On ne voit que ça quand on la regarde », disent-ils. Comme pour confirmer les aspects régressifs du syndrome frontal, ce type de maquillage évoque la petite fille qui a dérobé les chaussures, le sac à main et le rouge à lèvres de sa mère, et qui tient à ce que cela se sache ; – quant à son comportement sexuel, elle passe rarement à l’acte. Elle n’est pas entraı̂née, comme on le voit chez l’homme, par l’irrésistible tentation de palper les formes rondes à portée de la main. Tout lui est prétexte à s’exposer comme au centre d’une position d’attente active, qui pourrait déclencher une réponse complémentaire de la part de l’autre. Tout se condense dans la provocation vestimentaire, posturale et surtout verbale. Un exemple : une jeune patiente s’adresse au médecin qu’elle croise dans un couloir : « Celui-là, je me le ferais bien dans l’ascenseur ». C’est une invite sexuelle, sans aucun doute possible. Mais sa phrase est au conditionnel, ce qui signifie qu’il subsiste encore un frein entre la pulsion et l’acte. Par contre, l’expression « dans l’ascenseur » évoque une scène cachée et rapide, et qui pourrait s’accomplir à l’intérieur d’une enceinte close, dont la symbolique maternelle me paraı̂t assez évidente. Mais notre analyse ne peut pas s’arrêter là D’une part, on a toujours le sentiment que ce qu’éprouve une patiente muriatique est plus proche de la satisfaction naı̈ve que de l’euphorie véritable, ce qui se démarque bien de la voltige idéomotrice d’un épisode hypoma3 niaque. Mais comme dans tous les processus qui s’attaquent à l’intégrité de la personne (ainsi que le font par ailleurs les processus psychotiques ou démentiels), il existe une profonde altération de la conscience de soi, c’est-à-dire de son identité, de ses traits de personnalité, de sa position relationnelle en particulier. On en a un reflet assez fidèle à travers les inventaires variés des troubles cognitifs, qu’ont permis de bien comprendre les bilans neuropsychologiques. D’autre part, ses brusques saillies muriatiques nous paraissent d’autant plus incongrues qu’elles sont à l’opposé de l’aspontanéité ordinaire de l’habitus frontal, mais sans doute aussi parce qu’elles traduisent le jaillissement de la part pulsionnelle, animale, de tout être humain, qu’elles dénaturent avec obscénité3. Mais surtout, de tels comportements nous rendent la patiente culturellement étrangère parce qu’ils imposent un décalage scandaleux entre nos codes éducatifs et les stéréotypes relationnels qui sont les nôtres dans la vie ordinaire. En quelque sorte, nous n’acceptons pas qu’elle déborde du cadre qui lui est assigné en tant que femme. Mais là encore, nous ne savons qu’accroı̂tre la distance avec elle, soit en répondant vertement au scandale des mots, soit en lui renvoyant à notre tour un jeu de mots de la même veine scatosexuelle. À notre tour, nous allons littéralement l’enclore dans son mécanisme pathologique auquel nous l’identifions tout entière [5]. Un troisième point découle des deux premiers, c’est l’indignité frontale La conscience que chaque patiente acquiert progressivement de ses insuffisances confirmées ne peut qu’aviver son sentiment de dévalorisation. La souffrance s’impose d’autant plus à la conscience que les signes neurologiques de la phase initiale s’amendent spontanément en quelques semaines. Paradoxalement, cette amélioration modifie le rapport que la patiente avait avec son corps, et donc le jugement qu’elle portait sur ses propres troubles. L’amélioration retire définitivement au syndrome frontal sa « dignité » de maladie physique. C’est l’évidence de « n’avoir rien », c’est-à-dire rien d’apparent, rien à montrer en tant que lésion corporelle, rien de défendable. Parce qu’il se présente comme une bizarrerie où le corps ne figure pas, le syndrome frontal n’est plus qu’une indécente représentation de la folie. Et cette image a d’autant plus d’effet sur l’entourage de la patiente que le contraste se fait plus abrupt. C’est toute la puissance de la symbolique de la tête. En effet, il ne faut pas oublier qu’à l’intérieur de toute famille, l’idée Nous connaissons aussi le redoutable pouvoir d’entraı̂nement et d’embrasement que peut exercer de notre part la moindre attitude d’acquiescement complice ou la moindre parole dont pourrait se saisir le patient dit « frontal ». C’est une mise en résonance qui n’est pas sans évoquer le phénomène d’imitation décrit par Lhermitte. Il est aisé de remarquer le pouvoir que possède tout syndrome frontal de contester notre relation professionnelle avec les patients. Leur comportement peut nous déstabiliser parce qu’il nous implique en tant que partenaires potentiels. On pourrait qualifier cet aspect de pathologie intersubjective. 256 plus ou moins claire qu’il « manque une case » à celui ou celle qui a subi un traumatisme crânien, constitue un véritable traumatisme affectif. Cette idée se trouve largement vérifiée par les comportements de désinhibition pulsionnelle, les jeux de mots jaculatoires et autres attitudes si peu convenables. Par ailleurs, tout concourt à ramener inexorablement la patiente à certains moments particulièrement contrastés de sa petite enfance, où se jouaient l’apprentissage des contrôles sphinctériens et sans doute aussi les premières pressions éducatives qui devaient la soumettre au pouvoir de l’adulte4. En ce sens, l’évolution de tout syndrome frontal impose à la patiente (comme d’ailleurs à tout patient) un chemin de régression qui se retourne sur sa propre histoire infantile à travers le couple plaisirsouffrance, mais qui va raviver dans la famille certaines traces conflictuelles souvent très précises. Dans ces moments de régression affective, se font jour des jugements d’autodépréciation sur ce qu’elle découvre en elle. Elle ne dit pas seulement « je ne peux pas m’en empêcher », elle parle aussi de « sa méchanceté », comme si elle était changée, ou soumise par un étranger qui serait la part inconnue ou aliénée d’elle-même5. Une telle découverte souligne l’apparence régressive de ses comportements, parce que la patiente est poussée à « sonder » cette partie maligne pour tenter d’échapper à la folie, c’est-à-dire pour tenter de lui donner un sens. Cette fascination régressive est d’autant plus douloureuse qu’elle fait obstacle à la pensée, en s’imposant comme l’évidence qui échappe à la signification. C’est aussi dans ces moments qu’elle tente de nouer des relations de soumission avec d’autres patients dont le caractère est de type protecteur. On sait que l’homme n’est que très rarement exposé à ce type d’interrogations tourmentées, comme s’il acceptait plus facilement, ainsi que les soignants, le volcanisme de ses comportements désinhibés. En revanche, lorsque ces questions se font jour chez lui, c’est la plupart du temps dans un contexte dépressif sévère, d’autant que lésions préfrontales et dépression semblent avoir des territoires d’expression communs [6-8]. Pour résumer ces quelques points, on pourrait dire que chez la femme, le caractère outrancier de ses comportements muriatiques nous propose une sorte de caricature du dévoilement, un peu comme les comportements de l’homme frontal démasquent une caricature du 4 prédateur sexuel. Mais ces anomalies ne peuvent aucunement être confondues avec un dévoiement calculé, qui les ferait appartenir au registre infini des perversions. Cependant, et d’un point de vue psychopathologique, elles peuvent devenir un symptôme psychiatrique dès lors qu’elles ne sont qu’un élément parmi d’autres d’un tableau mieux constitué (notamment lorsqu’apparaissent des ébauches persécutoires) et dans lequel les troubles du jugement et la réduction des fonctions intellectuelles peuvent conduire à des passages à l’acte avec agressivité physique ou débordements sexuels. D’un point de vue relationnel, et tout comme chez l’homme, la question se pose de sa capacité à prendre conscience de la dégradation de ses moyens de contrôler ses impulsions [9]. Je veux dire par là que ses troubles du comportement peuvent subir tous les abattements, tous les emportements du monde pulsionnel, et soudain n’être plus supportables parce qu’ils ne sont plus civilisés. Là se situe une première limite, éminemment subjective, qui est celle du danger, de l’admissible et de la violence. Audelà de cette limite, il y a celle que nos réactions risquent d’imposer à la patiente6, à partir du moment où nous nous sommes nous-mêmes placés, parfois à notre insu, dans l’imminence de les transgresser. En fait, il faut bien saisir que la pathologie sexuelle et relationnelle, induite par des lésions préfrontales, envahit notre territoire hédonique et fantasmatique, et qu’elle nous révèle aussi la fragilité des références métaphysiques et identitaires qui nous semblaient les mieux assises. Le comportement de la patiente opère sur nous une véritable pesée sur nos mécanismes d’équilibre intersubjectif, ce qui peut induire une distorsion psychopathologique dans nos relations avec elle. Mais également, et dans un mélange de peur et d’attirance, la pathologie préfrontale exerce sur certains d’entre nous un réel pouvoir de fascination, comme si la patiente, soudain dégagée des artifices et des contraintes de la civilisation répressive, jouissait de l’impressionnante liberté d’être « vraie ». C’est l’un des aspects que la pratique clinique met le plus souvent en évidence dans les équipes de soins comme dans les familles. Mais ce fonctionnement « en miroir », pour ainsi dire, est à la fois un bon indicateur des anomalies sexuelles de la patiente, et une remarquable opportunité de perfectionnement clinique et personnel pour chaque intervenant. À la fois passif et actif, son corps est le conteneur qui expulse et qui veut garder. Il est le lieu où s’affrontent à nouveau la destruction et le contrôle, l’évacuation et la rétention (la retenue et les débordements). En termes plus psychanalytiques, on peut évoquer ici l’ambivalence de l’organisation sadique-anale, telle qu’elle se révèle chez l’enfant autour de sa troisième année (maı̂trise sphinctérienne, activité et passivité, don et refus, domination ou soumission, qui deviendront des sources de conflit et de plaisir pour la vie entière). 5 À travers ces fantasmes de la part aliénée d’elle-même, on peut repérer un désir archaı̈que de retour dans le corps de la mère, qui se joue en termes d’emboı̂tements : emboı̂ter ou être emboı̂tée. Mais contrairement à ce que l’on pourrait attendre, il est rare que la femme développe des thèmes de Double, comme on le voit assez fréquemment chez l’homme dans des situations comparables. 6 Reproduisant ainsi, à notre insu, les attitudes éducatives des parents de l’enfant de 3 ans qu’elle a été. 257 Lésions médullaires C’est peut-être aussi le cas lorsque l’on veut envisager les lésions médullaires et leur incidence sur la vie sexuelle de l’homme ou de la femme. Mais le problème est totalement différent, surtout dans les lésions traumatiques, où la soudaineté de l’événement met essentiellement en avant les aspects déficitaires du tableau clinique. Pour la clarté de l’exposé, je prendrai pour exemple la paraplégie sensitivomotrice flasque complète. Avant de parler de la place de la sexualité après une lésion de la moelle, je voudrais d’abord rappeler que cette place n’est pas moins importante que pour le sujet ordinaire. En fait, la sexualité est l’une des hantises de tout blessé médullaire, à partir du moment où il découvre que la blessure de la moelle n’a pas atteint seulement ses capacités motrices et sensitives, mais également ses capacités sexuelles. L’ampleur subjective de cette réalité traumatique dépasse d’ailleurs très largement celle du bilan lésionnel, puisqu’elle atteint l’individu dans l’image qu’il a de lui-même, et par conséquent dans la construction de tout son parcours d’existence. C’est ce qui me conduit à poser le problème en termes de double traumatisme Chez l’homme comme chez la femme, le premier traumatisme se constitue de cette masse de déficits moteurs, sensitifs, réflexes et trophiques qui s’abat sur un sujet, sain jusque-là. Ces déficits caractérisent toute lésion de la moelle, comme ils s’installeront ensuite dans ses prolongements, lorsque seront levés les phénomènes de sidération médullaire. Mais n’oublions pas que l’impact émotionnel est d’autant plus violent que le traumatisme est souvent presque indolore, que les déficits sont imprévisibles et surtout impensables dans leur démesure. Ils projettent brutalement les patients dans une situation de totale irréalité, mais je voudrais montrer, pour commencer, que cette irréalité n’est pas sans incidence sur leur identité sexuelle. En effet, la phase initiale leur impose une dépendance pratiquement absolue. Une fois passées les heures de l’urgence et de la chirurgie, on ne soigne plus la moelle blessée, comme si elle faisait partie du passé, d’une autre histoire. Les patients ne sont jamais assis, on les a placés en position allongée, parfois dans une coquille d’immobilisation. À intervalles réguliers, quelqu’un rentre dans la chambre pour des soins d’entretien et de prévention, 7 des injections, des prélèvements, des contrôles divers, des manœuvres de prévention contre les escarres, des soins d’hygiène et des évacuations vésicales et intestinales. Nous pourrions nous étonner de la soumission presque naturelle dont ils font preuve à l’égard des soins répétés qui leur sont imposés. Ils acceptent comme normale la pénétration dans leur intimité anatomique, à laquelle la plupart des soignants se livrent avec un air parfaitement professionnel. La banalisation de l’hétérosondage et du toucher rectal évacuateur constitue une intrusion ordinaire que souligne la nudité exposée tour à tour aux regards indifférents des équipes de soins qui se succèdent. Mais les patients ne protestent pas contre l’accès régulier à leur corps et la violation de leur territoire de pudeur, alors que la prise en charge réalise un véritable déni de leur statut sexuel. La neutralité aseptisée du soignant et sa perfection gestuelle viennent confirmer la désérogénéisation des orifices corporels, qui sont revenus à un rôle purement physiologique et passif7. Pourtant, il ne s’agit pas que de sphincters et d’élimination de déchets. Si cette zone est également celle de la pudeur et du secret, c’est parce qu’elle est le lieu anatomique et surtout symbolique de l’identité sexuelle. La régression physiologique s’accorde brutalement avec la perte du statut d’adulte. On peut donc proposer l’hypothèse d’une sorte de sidération psychologique qui serait symétrique de la sidération médullaire, et qui fonctionnerait comme un mécanisme de défense contre tout ce qui ne parle que de castration et de mort. Mais simultanément, nous ne devons pas perdre de vue l’importance considérable que peut prendre le surgissement immédiat de membres fantômes qui, bien que souvent tenus secrets, sont aussi fréquents que chez les amputés. Je veux dire qu’au-dessous du niveau lésionnel, et du fait de cette présence, le corps réel ne compte plus autant que le corps virtuel qui devient plus vivant et plus réel que cette partie « morte » de leur anatomie8, partie à laquelle s’adressent les soins les plus intimes. Sans doute pouvons-nous admettre que ce porte-à-faux par rapport à la réalité lésionnelle contribue à rendre les patients plus tolérants à leur situation, quand il ne devient pas le plus solide rempart contre le désarroi. Le second traumatisme des lésions médullaires est précisément d’ordre sexuel. Il frappe avec d’autant plus de violence qu’il opère en deux temps. Au moment de l’accident, où s’impose Bien qu’étant accomplis avec le plus grand respect possible pour la personne, il n’en demeure pas moins que les gestes de massages-frictions, de sondage urinaire ou d’évacuation intestinale confirment la perte de la qualité érotique de la peau et des zones orificielles. 8 Et cette « réalité » est d’autant plus convaincante pour les patients que le corps fantôme, qui naı̂t à l’endroit précis du niveau lésionnel, peut être le siège de projections douloureuses (exactement comme le membre fantôme des amputés), mais qu’il bouge et même qu’il leur permet la nuit, d’aller et venir comme ils le veulent dans leurs rêves. Parfois il est aussi le support de fantasmes de grossesse et de mise au monde, chez l’homme comme chez la femme. 258 l’urgence des premières interventions, la sexualité est reléguée au second plan, et les patients ne semblent pas en avoir une conscience claire, même si la disparition de la sensibilité sous-lésionnelle les réduit au rôle de spectateurs. Puis sa réalité et sa gravité s’imposent peu à peu, pour se révéler catastrophiques au fil des semaines, et davantage encore après la levée du choc spinal. Nous savons alors que pour certains patients, le traumatisme sexuel peut passer au premier plan, le handicap sensitivomoteur étant ressenti de manière moins angoissante que le handicap sexuel. En outre, dès l’accident, il existe un syndrome fonctionnel, dont fait partie l’aménorrhée, mais il comporte également la disparition immédiate du désir sexuel chez la femme comme chez l’homme9. Il est probable que la cause de ces anomalies soit hormonale et psychogène à la fois, ainsi que nous pouvons le constater dans la plupart des grands traumatismes psychiques ou dans les syndromes dépressifs sévères. Chez la femme, la disparition des cycles menstruels et des sécrétions vulvovaginales peut durer plusieurs mois. On constate qu’elle est rarement inférieure à quatre mois dans les grands traumatismes médullaires et que, d’une manière générale, ces troubles correspondent à la durée moyenne de la sidération médullaire. Comment sont-ils ressentis par les patientes ? Pour certaines, ce blocage les renvoie à la période prépubertaire de leur vie, celle où le corps se transforme et où les parents n’ont plus accès au domaine physique et psychique, qui devient une zone de solitude et de secret, mais qui est aussi l’époque où quelque chose va rompre avec l’enfance, tout en les plaçant dans une position d’attente indéterminée. D’autres sont renvoyées plus en arrière dans la petite enfance, en raison des soins d’hygiène dont elles sont dépendantes et dont elles subissent le rituel dès le premier jour de la prise en charge. D’autres encore mettent en rapport ce blocage ovarien avec la fonte musculaire progressive, la béance anatomique et la fragilité cutanéomuqueuse qui retirent à la région périnéale sa plénitude visuelle, sa consistance tactile et sa qualité secrète de lieu d’appartenance privée. L’image dégradée qu’elles ont de leur corps les projette dans le délabrement physiologique de la vieillesse annonciatrice de la mort. La destruction de cette preuve de féminité constitue une blessure narcissique profonde, non seulement parce qu’elle leur interdit la jouissance de leur âge réel, mais parce qu’elle est une atteinte à leur identité même. 9 Quels qu’en soient les mécanismes et leurs possibles combinaisons, ces déficits fonctionnels participent aux sentiments de dévalorisation narcissique et de castration symbolique, qui alimentent leurs fantasmes de régression et d’indignité. Du point de vue de la sexualité, ce double traumatisme apparaı̂t dans un contexte psychologique très particulier, mais où l’on peut relever tour à tour des implications identitaires, relationnelles, hédoniques ou fantasmatiques. Ce contexte, le plus souvent marqué par une coloration d’étrangeté et d’irréalité, va évoluer dans le temps. En effet, le grand bouleversement que constitue la fin du choc spinal est aussi un moment de rupture dans l’organisation des soins. Dès la réapparition du réflexe clitoridoanal (équivalent du réflexe bulboanal chez l’homme), puis des réflexes ostéotendineux, le projet thérapeutique se tourne vers la recherche d’une autonomisation plus grande, à tous les sens du terme. Certes, l’apprentissage du toucher rectal évacuateur et des autosondages a pour projet de leur restituer une part de leur intimité féminine, mais à quel prix. Toutes, d’ailleurs, ne parviennent pas à intégrer les quelques gestes simples qui le constituent. En fait, dans la conscience de chaque femme, cet endroit inerte et sans vie n’est plus le lieu de sa féminité. Perdant sa noblesse et son pouvoir de rêve, il a été ramené à sa fonction primitive : l’élimination des déchets. C’est à ces images de régression humiliante que l’ont déjà soumise le recueil des matières fécales dans son dos et l’écoulement des urines par l’autre bout de la sonde. D’où le renforcement inconscient des liens à la mère et les angoisses de dissolution du sentiment d’identité. La fin du choc spinal est aussi le moment où les gestes exploratoires déclenchent à nouveau une congestion des organes génitaux externes et des sécrétions vaginales réflexes. Certaines éprouvent de grandes difficultés lors de l’introduction de la sonde urinaire avec l’aide d’un miroir. Ce miroir tantôt les renvoie à la culpabilité ambiguë de leurs premières explorations anatomiques, tantôt il leur retourne, comme un cauchemar, l’horreur de la blessure narcissique, « la caricature d’une tête de sorcière », ainsi que me le disait une patiente. D’autres parlent d’angoisses de viol ou de dévoration, bien qu’elles connaissent parfaitement leur anatomie périnéale, comme si la sonde ou le doigt risquait « d’être avalé » par un intérieur insensible et sans fond, une sorte de « bouche d’ombre ». Quant aux hommes, l’absence d’érections leur fait penser qu’il doit se passer quelque chose de grave ou de très sournois, justement parce que c’est un mal inapparent, mais qui s’accorde implacablement à l’idée d’impuissance. Pire encore, l’angoisse des érections incongrues, par exemple au cours de la toilette ou des sondages comme c’est le cas dans certaines paraplégies spastiques. Elles surgissent à l’improviste, et d’on ne sait quel réservoir d’animalité inconnue. Elles sont d’autant plus humiliantes qu’elles s’affichent d’une manière totalement impudique, qu’elles ne s’accompagnent d’aucune sensation ni d’aucun désir, et qu’elles laissent indifférents le regard et la main gantée des soignants. 259 Leur sentiment de honte et leur pudeur blessée font qu’elles ne se confient qu’avec difficulté, mais lorsqu’elles y parviennent, on perçoit qu’elles sont elles-mêmes dans une grande perplexité. On découvre que beaucoup d’entre elles ont entretenu avec leur corps fantôme, une relation d’amour, d’autant plus « coupable » qu’elle est demeurée clandestine, et qu’elle n’est pas encore terminée, comme si cette relation les protégeait d’un deuil qu’elles n’ont pas encore accompli. On comprend aussi que la résistance du corps fantôme, qui n’est donc virtuel que pour nous, ait pu les soumettre à l’énigme de la « place » que peut occuper le reste inanimé d’un corps qu’elles ne ressentent plus comme une partie d’elles-mêmes, et dont il faut cependant qu’elles s’occupent, à la manière dont leur mère, autrefois, s’est occupée d’elles. À travers la circulation intense des angoisses de mort, les psychothérapies de ces patientes font apparaı̂tre, la plupart du temps, des fantasmes de fusion avec le corps maternel, ce qui souligne le caractère très primitif de leur souffrance et le retour brutal à l’époque où se construisait une sexualité qui prenait appui sur l’identification à la mère. Le soignant ne réalise pas toujours qu’il est le premier à pénétrer dans cette intimité, et que les soins corporels lui donnent une dimension maternelle, tandis qu’ils aident la patiente à se réapproprier lentement la partie éteinte de son corps. Là encore, tous les soignants sont confrontés à la nécessité d’effectuer un travail pédagogique qui respecte cette descente au creux d’une histoire sans souvenirs, et dont les liens avec la sexualité, mais aussi la relation à la mère, peuvent devenir à chaque instant très angoissants pour la patiente comme pour eux. La fin du choc spinal est aussi un moment où la patiente se prend à rêver du retour de sa fonction érotique, totalement éteinte jusque-là. En fait, rien ne change, sauf dans une dislocation plus grande encore. Chacune découvre le silence de son corps, qui n’éprouve rien et ne manifeste rien lorsqu’elle-même vient à éprouver un désir sexuel ou une émotion à connotation sexuelle. Le désir ne s’inscrit jamais dans le corps. Inversement, il lui impose une part de mystère et d’animalité, lorsque l’apparition spontanée ou l’obtention d’une lubrification vaginale ne s’accompagne ni des sensations ni du plaisir espéré. Son corps fait voir des signes de jouissance sexuelle sans les transmettre à sa perception ou à ses sentiments. S’il existe une jouissance, elle se situe ailleurs, elle lui demeure interdite : c’est le corps qui la garde pour lui. Tout se passe comme si, son 10 corps étant coupé en deux, la zone sous-lésionnelle était devenue le territoire lointain d’une sexualité dont cette partie inférieure jouirait pour son propre compte, et lui serait désormais inaccessible10, ce qui induit, de façon quasi immédiate, un sentiment de castration. Cette impression de plaisir étranger est heureusement tempérée, on le sait, par le réveil possible de zones érogènes périlésionnelles ou sus-lésionnelles. En se reliant au secret que la femme pourra ainsi retrouver pour elle et pour autrui, ces zones contribueront à la restauration de son identité sexuelle. Mais elles dépendent en grande partie de la qualité des liens de couple qui ont résisté à l’épreuve. Quant au partenaire de la patiente, l’image statique et dévaluée de la femme handicapée ne lui offre plus un attrait érotique en rapport avec ce qu’il avait pu être auparavant. Dans l’hypothèse de ce que l’on appellerait un commerce amoureux, quel intérêt trouverait-il désormais à la « posséder » ? On sait très bien que si la femme abandonne rarement son partenaire blessé médullaire, l’inverse est loin d’être vrai. Il faut tenir compte de l’image fortement dégradée et dévalorisée que la femme découvre d’elle-même. Elle ne correspond plus à la silhouette érotique réclamée par notre société. Mais surtout, s’il est vrai que « l’amour pour sa propre personne est peut-être le secret de la beauté » [10], elle ne peut plus se sentir en beauté, elle ne peut plus s’offrir comme objet du désir de l’homme et ce sentiment la pousse vers une position qui ne contribue pas à préserver son avenir en tant que femme à l’intérieur d’un couple. Sans doute faut-il trouver une explication dans l’idée que l’homme se situe plus facilement du côté du désir que du côté de l’amour. En fait, il n’y a pas de symétrie. D’ailleurs, chez l’homme handicapé par une lésion de la moelle, on sait que la question prioritaire n’est pas la récupération motrice, mais la capacité d’avoir des rapports sexuels, comme si cette puissance espérée devait lui éviter toute « dépréciation ». Tandis que la femme blessée médullaire, s’appuyant sans doute sur une référence maternelle, s’interroge uniquement sur la possibilité d’avoir des enfants, puis sur sa capacité de les porter dans ses bras, de les éduquer, de les conduire vers leur vie d’adultes. Selon l’âge qui est le sien, cette question la renvoie plus durement encore à sa relation avec ses parents et à la fin de la généalogie dont elle était dépositaire, et donc à la mort programmée de sa famille, dont elle se sait déjà coupable. Derrière cette question resurgissent non seulement les images de l’infirmité et du renoncement à la féminité, mais celles de la monstruo- Chez l’homme, on sait que le contraste est grand entre l’absence initiale d’érection et les érections intempestives qui vont suivre dès la fin de la période de sidération médullaire. La première période renvoie explicitement à la régression et à la castration. La seconde renvoie implicitement à la résurgence d’une bestialité instinctive et qui reste également indifférente au réveil de ses désirs sexuels. 260 sité, de la tare, images accablantes et qui lui retirent tout droit à une vie relationnelle normale et à plus forte raison, à une vie sexuelle. Et si le problème de la femme idéale était son pouvoir de séduction, alors que lui resterait-il pour séduire ? Est-ce dans ce but que beaucoup d’entre elles ont tendance à attirer le regard de l’autre sur la moitié supérieure de leur corps, en mettant en valeur la perfection de leur coiffure, le maquillage de leur visage et le galbe de leurs seins, tandis que le bas du corps est comme « effacé » par un jogging couleur de muraille ? S’agirait-il de détourner les regards de cette laideur en devenant transparentes ? Nous avons le sentiment que cette façon de s’habiller n’est pas un masque, mais bien au contraire qu’elles portent sur elles, comme un vêtement, la souffrance qui les coupe en deux, une partie comme un leurre, une partie qui repousse. Ces effets de maquillage du haut du corps leur confèrent le pouvoir d’attirer, et de repousser ensuite, comme pouvait le faire sans doute ce que l’on appelait autrefois une tenue de demi-deuil. Elles passent donc trop facilement pour des séductrices, alors qu’elles s’immergent ainsi dans leur solitude et leur culpabilité dont elles ne parlent pas11. C’est pour cela que la question de la possibilité d’une grossesse est probablement une manière de placer de l’amour à l’intérieur de soi, mais aussi parfois, de cesser d’être une femme. Conclusion En choisissant de parler de deux types de troubles neurologiques, j’ai voulu montrer l’influence considérable que peuvent avoir certaines lésions du système nerveux sur le comportement sexuel général et sur celui de la femme en particulier. Dans les lésions cérébrales à dominante préfrontale, la levée partielle des inhibitions induit des comportements de provocation sexuelle qui font partie de la classique moria, mais qui altèrent les qualités de la vie sexuelle, et donc relationnelle, de la patiente. Dans les lésions médullaires, la situation immédiate de dépendance et de régression fonctionnelle comporte aussi des altérations de la vie sexuelle, que la levée ultérieure du choc spinal ne fait que souligner. Mais ces deux types de troubles, qui s’installent dans un contexte particulièrement traumatisant, ont aussi le redoutable pouvoir de déstabiliser tout l’entourage de la patiente : – les soignants, parce que les troubles sexuels qu’ils constatent ne sont pas seulement de nature neurolo11 gique, mais qu’ils débordent largement sur la personnalité des patientes et leurs mouvements relationnels, tandis que la nécessité des soins, leur intimité et leur répétition pendant de très longues périodes, remettent en cause la distance subjective entre les patientes et euxmêmes. En effet, dans les lésions de la moelle, les soignants peuvent être sollicités par les patientes pour obtenir le meilleur résultat possible dans leur préparation à la vie sexuelle. Ils apprennent parfois à leurs dépens qu’il n’est jamais facile d’intervenir en tant qu’adultes idéalisés, ou même désirés ; – mais pour ce qui est des syndromes frontaux, chaque soignant est concerné de manière très différente, puisqu’il peut être pris à partie d’une manière qu’il peut juger vulgaire ou provocatrice, à moins qu’elle ne le plonge dans le trouble. C’est dire, là encore, que les limites de la relation de soins doivent être souples et bien assurées à la fois, afin que cette relation ne perde pas ses qualités professionnelles tout en demeurant humaine ; – les proches des patientes sont également déstabilisés, parce que l’harmonie antérieure des relations est brutalement rompue. Tous les points de fragilité intrafamiliale réapparaissent et remettent en question les valeurs fondamentales de filiation et de descendance, en particulier entre la mère et la fille. Il n’est pas rare de constater, soit des attitudes conflictuelles, soit une désorganisation du système familial, dont les conséquences vont de l’épuisement moral à des risques de dislocation difficilement prévisibles et difficilement rattrapables. C’est en ce sens qu’il me paraı̂t essentiel non seulement d’informer la famille de la signification de ces troubles du comportement, mais de l’aider à sortir d’un mode de relation de type régressif, dans lequel la mère en particulier risque de se laisser enfermer. Un tel projet, qui peut être conduit par le neuropsychiatre, ne peut se réaliser que par un accompagnement éclairé par le travail de l’équipe de soins. Enfin, et comme dans tous les grands traumatismes, il ne faut pas négliger non plus la possibilité de malentendus ou même de difficultés plus graves entre les familles et les soignants, en raison de conflits de positions bien compréhensibles. En effet, il existe toujours des zones de recouvrement dans les territoires affectifs, lorsque les enjeux sont de nature sexuelle ou relationnelle. C’est peut-être à ce niveau, et non pas en tant qu’expert ou guide, qu’un intervenant extérieur à l’équipe de soins peut tenir une place de tiers. Son intervention doit permettre que les positions obscures ou conflictuelles y soient élucidées et débattues en venant plus directement Cette brève analyse ne prétend pas tout résumer : s’il existe des schémas « fonctionnels », dont s’occupe plutôt la sexologie, la place de la sexualité rejoint avant tout l’identité humaine et ses valeurs fondamentales, qui sont d’essence relationnelle et n’ont pas à en être dissociées. La vie sexuelle de l’homme ou de la femme tétraplégique mériterait une étude à part, ne serait-ce que par l’absence d’une motricité active, qui la caractérise, qui surcharge la vie inconsciente de fantasmes de pénétration souvent anxiogènes et qui modifie toute relation à autrui. Pour ce qui est du paraplégique et de sa motricité, l’homme met en valeur la puissance athlétique de ses épaules. Tandis que la femme ne peut plus mettre en évidence la partie inférieure de son corps, dont les stéréotypes culturels ont tendance à modifier sans cesse les reliefs et les formes depuis la fin du Moyen Âge. 261 en aide à la famille, à tel ou tel membre de l’équipe, ou à une patiente en particulier. Il me semble qu’un bon usage de la neurologie et de la neuropsychologie, mais aussi de la psychopathologie, doit permettre de soutenir, au sein des familles comme des équipes, tous les efforts visant à supprimer les effets de brouillage identitaires et relationnels, provoqués par des lésions neurologiques dont je n’ai fait qu’évoquer la trame. Références 1. Amarenco G (2000) Trouble vésicosphinctériens, anorectaux et génitosexuels. In: Interprétation des troubles neurologiques. Doin édition, pp 155-74 2. Darrot J (1999) Un recours au tiers illimité : l’antipsychiatrie. 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Puf éditions, pp 81-105 Pelv Perineol (2006) 1: 262–263 © Springer 2006 DOI 101007/s11608-006-0081-1 FOCUS / FOCUS Classifications des vessies neurologiques G. Amarenco Service de rééducation neurologique et d’explorations périnéales, Hôpital Rothschild, APHP, 33, boulevard de Picpus, F-75271 Paris Cedex 12, France En raison de la multiplicité des centres de contrôle et des voies de conduction répartis dans l’ensemble du névraxe, de la diversité des lésions anatomiques rencontrée au cours des pathologies neurologiques et du caractère non homogène du status urologique dépendant de l’âge (HBP, ménopause, altération du collagène) et des antécédents (grossesses, accouchements, interventions), la typologie des vessies neurogènes peut être infiniment variable. Mais il est parfois nécessaire de bien les classer afin de préciser le diagnostic ou l’étage lésionnel en cas de symptômes mictionnels révélateurs ou d’en évaluer le pronostic. Plusieurs types de classification peuvent être pris en compte. Classification topographique Suivant le niveau lésionnel, une typologie particulière, clinique et urodynamique, peut s’observer, sans qu’aucun des tableaux ne soit spécifique d’un étage donné. La vessie centrale La neurovessie centrale est de fait une vessie privée de sa régulation cortico-sous-corticale de par une lésion cérébrale (centres mictionnels) ou médullaire (voies de conduction). Il s’agit en règle générale d’une pathologie de l’inhibition, les centres mictionnels sacrés s’affranchissant des influx inhibiteurs provenant des centres sus-jacents. Mais, il ne s’agit pas d’une simple déconnexion de la régulation suprasacrée, des mécanismes de réactivation des réflexes archaı̈ques médiés par les fibres non myélinisées de type C capsaı̈cine sensibles étant aussi en jeu. La vessie centrale sera en règle, une vessie hyperactive avec un syndrome clinique d’hyperactivité vésicale (nycturie, pollakiurie, impériosité, fuites sur urgence) s’exprimant ou non suivant l’existence d’une dyssynergie ou de troubles sensitifs associés. En effet l’existence d’une dyssynergie lisse et/ou striée (très spécifique des lésions médullaires) peut modifier le tableau soit en l’enrichissant d’une dysurie caractéristique (mictions fractionnées en plusieurs jets successifs avec sensation de vidange incomplète), soit en le réduisant en une rétention complète. Dans la majorité des cas, l’exploration urodynamique met en évidence une hyperactivité du détrusor avec contractions désinhibées pendant la phase de remplissage. L’existence de contractions phasiques est plus en faveur d’une lésion médullaire, la mise en évidence d’une unique contraction terminale de forte amplitude (« réflexe mictionnel désinhibé ») plus en faveur d’une lésion encéphalique. Ailleurs, mais bien plus rarement, l’exploration cystomanométrique met en évidence une hypoactivité vésicale. C’est par exemple le cas dans la phase initiale des lésions médullaires traumatiques (choc spinal) ou au cours de certaines lésions encéphaliques par lésion des centres activateurs frontaux, pontiques ou cérébelleux. La vessie périphérique La neurovessie périphérique est secondaire à une lésion des voies de conduction périphérique (lésion de la queue-decheval, lésions plexiques ou radiculaires, lésions neuropathiques). Elle s’exprime donc habituellement par une hypoactivité vésicale. Cliniquement, on note une dysurie avec ou sans rétention, une altération de la perception du besoin d’uriner et du passage urétral des urines, et souvent des troubles anorectaux associés à un type de dyschésie. Le bilan urodynamique retrouve une hypoactivité avec hypocontractilité et hypoesthésie détrusorienne avec des pressions urétrales souvent basses. Mais une atteinte végétative associée, en déséquilibrant la balance sympathique-parasympathique, peut totalement modifier ce tableau en déterminant par exemple une hyperactivité détrusorienne (dénervation sympathique prédominante). C’est le cas de nombreuses neuropathies périphériques, telles que le diabète par exemple. La vessie mixte Elle emprunte des éléments à la neurovessie centrale et à la neurovessie périphérique. C’est par exemple le cas des lésions du cône terminal où l’on observe une hyperactivité du détrusor avec hypoesthésie vésicale, hypoesthésie périnéale et souvent dyssynergie vésico-phinctérienne importante. 263 Classification pronostique Cette classification est indispensable pour les décisions thérapeutiques et la fréquence des bilans récurrents. Ce sont les explorations urodynamiques qui évaluent au mieux ce risque. Les vessies à risques La vessie à risque est une vessie comportant un travail vésical excessif : régime de pression constamment trop élevé pendant le remplissage vésical avec : soit contractions phasiques de forte amplitude constante ; soit pression élevée en plateau soutenu ; soit défaut de compliance majeur avec tonus vésical très élevé ; soit hyperpression permictionnelle prolongée sur dyssynergie vésicosphinctérienne. Le corollaire est souvent un résidu source d’infections récurrentes, les conséquences une dégradation de la paroi vésicale et un reflux vésicorénal. Ces vessies à risques sont le plus souvent des vessies secondaires à une lésion médullaire (traumatique essentiellement) mais aussi à certaines scléroses en plaques. Les vessies sans risques Ce sont les vessies hypoactives, flasques, à grande compliance si tant est qu’il n’y ait pas de violentes poussées abdominales pour assurer la vidange. Les vessies e´quilibrées Une vessie équilibrée est une vessie à basse pression pendant le remplissage, qui le reste pendant la miction, et qui se vide spontanément ou par autosondage totalement, sans résidu. C’est le but de toute prise en charge des neurovessies. Conclusion Ce type de classification est bien évidemment réducteur. Il faut noter l’apport des explorations urodynamiques mais aussi l’absolue nécessité d’en confronter les résultats avec les données cliniques, radiologiques, biologiques et endoscopiques. Pelv Perineol (2006) 1: 264 © Springer 2006 DOI 10.1007/s11608-006-0073-1 ÉDITORIAL / EDITORIAL Conséquences pelvi-périnéales des abus sexuels J.-J. Labat Clinique urologique, Hôtel-Dieu, CHU de Nantes, Place Alexis-Ricordeau, 44093 Nantes, France Il y a quelques années, traiter des abus sexuels aurait semblé déplacé car ne concernant pas a priori les praticiens de la pelvi-périnéologie. Depuis, la fréquence considérable des abus et leur caractère universel ont été démontrés par de multiples études. Les conséquences destructrices d’un point de vue psychologique ont été mieux analysées, les conséquences psychosomatiques sont maintenant connues. Il nous reste à intégrer toutes les dimensions médico-psychologiques aux approches thérapeutiques élaborées à partir d’un symptôme périnéal d’appel. Il n’est en effet plus discutable que les abus sexuels peuvent favoriser l’apparition de pathologies fonctionnelles périnéales. Les contextes cliniques sont banals : douleur pelvienne, troubles fonctionnels intestinaux et anisme, dysurie, énurésie secondaire et syndrome d’hyperactivité vésicale, troubles du comportement sexuel avec perte du désir, vaginisme, chirurgie pelvienne à répétition... Plusieurs questions se posent. Dans quelles circonstances doit-on évoquer la possibilité d’un antécédent d’abus sexuel ? L’abus est parfois (rarement) spontanément révélé, souvent par des patients déjà suivis d’un point de vue psychologique. Il faut penser à la possibilité d’antécédents d’abus : – devant une attitude inhabituelle (refus d’examen, croisement irrépressible des cuisses...) à l’occasion d’un examen gynécologique, urodynamique ou d’une séance de rééducation périnéale – qui sont autant d’éléments pouvant être considérés comme des facteurs de résurgence ; – devant des périnées « figés », c’est-à-dire incapables de se contracter mais aussi de se relâcher, donnant un aspect « pseudo-neurologique ». – Enfin, quand on ne comprend plus, quand les symptômes sont trop riches. Faut-il explicitement évoquer cette hypothèse ? En général non, car cela ne modifierait pas à court terme la prise en charge thérapeutique, qui est celle du symptôme du moment. Mais il est indispensable de faire comprendre au patient que l’on soupçonne un passé difficile, des traumatismes physiques ou psychologiques. C’est lui qui choisira le moment et l’interlocuteur qui lui conviennent pour aborder le problème. Il serait irrespectueux de l’intimité du patient d’imposer une attitude intrusive. Et quand nous sommes confrontés à la découverte d’un antécédent d’abus ? La première erreur serait de ne plus prendre en charge le symptôme d’appel et d’envoyer le patient chez le psychiatre sans répondre à sa demande initiale. Quand le patient abordera cet aspect des choses, c’est à nous alors de savoir l’écouter et l’orienter, car un accompagnement psychothérapeutique sera alors nécessaire, tout en maintenant la prise en charge symptomatique des troubles périnéaux. Un certain nombre de règles sont cependant à connaı̂tre, notamment concernant nos devoirs vis-à-vis des mineurs victimes d’abus. Le texte de J. Loriau nous aidera dans ces règles de bonne prise en charge face à la découverte d’un abus. Cette revue a pour objectif de sensibiliser et d’aider à mieux prendre en charge ces patients à l’occasion d’une consultation de douleur pelvi-périnéale (T. Riant), de troubles fonctionnels digestifs (A.-M. Leroi), de troubles urinaires (M. Le Fort) ou de difficultés sexuelles (B. Audrain-Servillat). Vous verrez qu’il n’y a pas de dichotomie entre le corps et l’esprit, le présent et le passé. Je remercie tout particulièrement les différents auteurs d’avoir eu le courage de s’attacher à cette réflexion et d’écrire sur des sujets si peu traités jusqu’alors. Pelv Perineol (2006) 1: 265–271 © Springer 2006 DOI 10.1007/s11608-006-0072-2 DOSSIER THÉMATIQUE / THEMATIC FILE Aspects médico-légaux de la prise en charge d’une victime d’agression sexuelle J. Loriau 1 , A. Soussy 2 1 2 Service de Chirurgie viscérale et digestive, Hôpital Henri-Mondor, 51, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, 94010 Créteil Cedex Unité de Consultations médico-judiciaires, Centre hospitalier intercommunal de Créteil, 40, avenue de Verdun, 94010 Créteil Cedex Résumé : Plus de 23 000 agressions sexuelles et viols sont commis chaque année en France. Le nombre exact d’actes commis, sans doute très supérieur, est difficile à évaluer. De par cette fréquence, tout médecin généraliste ou spécialiste peut être amené à prendre en charge une victime de violences sexuelles et doit donc posséder un minimum de connaissances spécifiques car le médecin assume dans ces circonstances la double mission de soigner, mais également, d’aider la victime et la justice à rechercher la vérité. Nous rappellerons les notions légales utiles dans ces circonstances et détaillerons les éléments pratiques de l’accueil, de l’examen et du traitement de la victime de violences sexuelles. Mots clés : Agression sexuelle – Viol – Médecine légale – Secret médical Medicolegal aspects of treating victims of sexual assault Abstract: More than 23,000 sexual assaults and rapes are committed in France each year. The actual number of sexual assaults committed every year is probably higher, but difficult to ascertain. Given this high frequency, every physician may be required to manage a victim of such assault at some point. Physicians must have thorough knowledge of this area to be able to carry out their medical duties as well as assist in police investigations. Here, we highlight the major legal considerations and medical principles in the management of sexually assaulted patients. Keywords: Sexual assault – Rape – Forensic – Medical confidentiality Introduction Bien qu’ayant connu en 2005 une baisse comprise entre 5 % et 10 % du nombre d’infractions constatées, le nombre de viols, harcèlements sexuels et autres agressions sexuelles avec des chiffres respectifs de 9993 et 13875 [1] (dont 5581 et 9132 sur mineurs) reste une préoccupation majeure des pouvoirs publics. Cette préoccupation est d’autant plus forte que les chiffres des plaintes constatées ne reflètent qu’une partie des agressions et viols réellement commis. Les acteurs du suivi de ce type de violence rapportent que seulement un quart des femmes victimes de viol déposent plainte et, si l’on se réfère à l’enquête [2] portant sur les violences envers les femmes, menée en 2000, ce sont près de 50 000 femmes qui auraient été victimes de viol dans l’année. Parce que tout médecin, du fait de la fréquence de ces crimes et délits, peut être confronté à la prise en charge d’une victime, il est important d’en connaı̂tre les aspects légaux, les enjeux pour la victime et l’auteur ainsi que les modalités pratiques de l’examen clinique spécifique et des traitements que la victime nécessite. Pour le médecin spécialiste gynécologue, urologue, proctologue, ces notions sont d’autant plus importantes qu’il constitue, du fait de sa spécialité, l’interlocuteur privilégié des autorités de police dans la recherche de preuves. Après un rappel des notions légales sur lesquelles doit se fonder la démarche du médecin, nous détaillerons les points clés de la prise en charge d’une victime d’abus sexuel. Aspects légaux Définitions Une agression sexuelle est définie par « toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise » [3]. Est qualifié de viol « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, sur la personne d’autrui avec violence, contrainte, menace ou surprise » [4]. Le harcèlement sexuel est : « Le fait de harceler autrui dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle» [5]. Correspondance : E-mail : [email protected] ; [email protected] 266 Enfin, la mise en péril des mineurs est « le fait, par un majeur, d’exercer sans violence, contrainte, menace ni surprise une atteinte sexuelle sur la personne d’un mineur de 15 ans » [6]. Peines encourues Le viol est puni de quinze ans de réclusion criminelle. Cette peine est de vingt ans lorsque des circonstances portant sur la victime (vulnérabilité par exemple), l’auteur (ascendant par exemple) ou le déroulement de l’acte (menace d’une arme) sont réunies. Cette peine est de trente ans lorsque le viol a entraı̂né la mort de la victime. Les agressions sexuelles autres que le viol sont punies de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende. Cette peine est de sept ans et de 100 000 € et, dans certains cas, de dix ans et de 150 000 € en cas de facteurs aggravants du même type que décrit précédemment [7]. Tout en connaissant ces différences de qualification d’atteinte sexuelle, le médecin n’a jamais à intervenir dans la qualification des faits. Le droit est et doit rester le fait du magistrat : le médecin « ne dit pas le droit ». Agression sexuelle et secret médical Le code pénal, dans deux articles 226-13 et 226-14, définit à la fois ce qu’est pour tout professionnel (et donc pour le médecin) le secret professionnel, mais aussi les conditions dans lesquelles le médecin, confronté à des atteintes à une personne, peut être autorisé à déroger ponctuellement au secret professionnel. Article 226-13 : « La révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. » Article 226-14 : « L’article 226-13 n’est pas applicable dans les cas où la loi impose ou autorise la révélation du secret. En outre, il n’est pas applicable au médecin qui, avec l’accord de la victime, porte à la connaissance du procureur de la République les sévices ou privations qu’il a constatés, sur le plan physique ou psychique, dans l’exercice de sa profession et qui lui permettent de présumer que des violences physiques, sexuelles ou psychiques de toute nature ont été commises. Lorsque la victime est mineure, son accord n’est pas nécessaire ; [...] Le signalement aux autorités compétentes effectué dans les conditions prévues au présent article ne peut faire l’objet d’aucune sanction disciplinaire. » La loi dégage donc dans des cas précis le médecin de son obligation absolue de secret concernant l’ensemble des informations qu’il a pu obtenir dans le cadre de son exercice. Pour autant, il faut noter que si le médecin est autorisé à ne pas observer le secret, la loi ne lui fait pas obligation de dénoncer les faits dont il a eu connaissance. L’article 434-3 du code pénal qui définit les poursuites en cas de non-dénonciation de privations, mauvais traitements..., exclut même les médecins tenus, eux, au secret des poursuites prévues par ce texte. Article 434-3 : « Le fait, pour quiconque ayant eu connaissance de privations, de mauvais traitements ou d’atteintes sexuelles infligés à un mineur de 15 ans ou à une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge, d’une maladie, d’une infirmité, d’une déficience physique ou psychique ou d’un état de grossesse, de ne pas en informer les autorités judiciaires ou administratives est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. Sauf lorsque la loi en dispose autrement, sont exceptées des dispositions qui précèdent les personnes astreintes au secret dans les conditions prévues par l’article 226-13. » Pour autant, le médecin ne doit pas se réfugier derrière ces nuances concernant le secret professionnel pour ne pas agir. Sa mission de médecin, conformément au code de Santé publique qui inclut le code de Déontologie médicale (art. R4127-44) reste de faire tout ce qui est en son pouvoir pour venir en aide à la victime et il lui faut user de toutes les dérogations que nous venons d’énoncer pour cela. Il ne faut d’ailleurs pas oublier qu’aucun texte ne protège le médecin de poursuites en vertu de l’article 223-6 du code pénal : « Quiconque pouvant empêcher par son action immédiate, sans risque pour lui ou pour les tiers, soit un crime, soit un délit contre l’intégrité corporelle de la personne s’abstient volontairement de le faire est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende. Sera puni des mêmes peines quiconque s’abstient volontairement de porter à une personne en péril l’assistance que, sans risque pour lui ou pour les tiers, il pouvait lui prêter soit par son action personnelle, soit en provoquant un secours. » Pour alerter les autorités en cas de violences sexuelles envers un mineur, le médecin dispose du numéro national 119, souvent relayé au niveau régional par une autre permanence téléphonique 24h/24h. Les parquets disposent tous d’une permanence avec un magistrat joignable 24h/24h. En pratique, deux situations peuvent se présenter. Soit le ou la patient(e) victime se présente indépendamment de toute procédure judiciaire. L’examen est alors fait à sa demande et elle reste seule dépositaire du secret médical la concernant. Dans ces circonstances, c’est elle qui est destinataire du certificat médical descriptif qui doit lui être remis en main propre. Le certificat mentionne d’ailleurs cette précision. Si la victime souhaite être aidée à entamer une procédure judiciaire (qu’il faut lui conseiller), le médecin doit l’aider dans cette voie en la conseillant et lui fournissant tous les documents médicaux utiles. En l’absence de volonté immédiate du patient d’engager une procédure judiciaire (auteur connu, conjoint), même après discussion avec le médecin, il n’est pas de la responsabilité de celui-ci de faire à l’autorité judiciaire une quelconque déclaration contre la volonté du patient majeur. 267 Dans ce cas, nous conseillons de rédiger le certificat et d’expliquer au patient qu’il reste à sa disposition dans le dossier à tout moment si son opinion venait à changer. Dans le cas où le médecin réalise l’examen à la demande de la justice, que ce soit sur réquisition ou en mission d’expertise, le médecin, alors collaborateur occasionnel de la justice, se trouve, dans l’exercice de sa mission et pour les termes précis de sa mission, délié du secret médical. Le médecin peut et doit donc, pour répondre aux questions posées, utiliser tous les éléments de l’examen qu’il a pu recueillir. En revanche, tout élément médical qui n’aurait aucun rapport avec la question posée (antécédent d’épilepsie ou de sclérose en plaques lors d’un examen sur réquisition pour suspicion de viol) n’a pas à être mentionné sous peine d’être potentiellement poursuivi pour violation du secret médical. Dans ces circonstances, la propriété des conclusions médicales de l’examen et du certificat appartient à la justice. Les documents sont remis à l’autorité requérante (officier de police judiciaire, procureur de la République). Le certificat mentionne, là aussi, cette spécificité. On notera enfin que la production d’un certificat médical ne peut jamais être exigée par la police à une victime comme préalable à un dépôt de plainte. Examen du patient victime d’agression sexuelle Qui ? L’examen d’une personne victime d’agression sexuelle nécessite une approche particulière. De par leur proximité avec les victimes, les médecins traitants pourraient être considérés par celles-ci comme les interlocuteurs naturels face à de telles violences. Par analogie, certains médecins spécialistes : gynécologues, urologues, proctologues de par leur compétence technique particulière pourraient être considérés comme les interlocuteurs de choix des autorités judiciaires ou par les victimes par ailleurs suivies habituellement par tel ou tel spécialiste. L’examen d’une victime d’abus sexuel nécessite d’allier une prise en charge psychologique immédiate du traumatisme révélé par la victime, à une approche technique spécialisée rigoureuse en terme de prélèvements et d’examen car ces constatations pourront conditionner la manifestation de la vérité. Afin de favoriser cette approche multidisciplinaire indispensable, la circulaire n˚97-380 du 27 mai 1997 a créé les pôles régionaux d’accueil des victimes d’agressions sexuelles. Ce texte organise l’accueil des victimes d’abus sexuel dans les structures d’urgence et rappelle les impératifs tant psychologiques que techniques de la prise en charge. Elle propose également la création de réseaux régionaux de spécialistes pour permettre une meilleure disponibilité des compétences sur l’ensemble du territoire. Elle nomme des référents régionaux de prise en charge des victimes d’abus sexuel. Néanmoins, au quotidien, tout médecin peut être confronté à la demande de prise en charge d’un patient victime d’abus sexuel. S’il peut, au mieux, pour cela, faire appel au pôle régional et orienter secondairement le patient vers celui-ci, cette option ne doit jamais être prise par le patient comme un refus d’écoute et de soins qui, dans ces circonstances serait dramatique. Cette orientation vers un autre praticien ne doit pas non plus conduire, par un délai supplémentaire ou l’absence de conseils, à l’altération des preuves biologiques. C’est pourquoi il est important que chaque praticien et, notamment, le praticien spécialisé en pelvi-périnéologie connaisse l’essentiel des éléments de cette prise en charge. Comment ? Nous ne détaillerons ici que les grands principes de l’accueil des patients victimes d’abus sexuel. L’ensemble des informations précises relatives aux cas particuliers qui peuvent se présenter est rappelé dans l’ouvrage Le praticien face aux violences sexuelles, édité par le ministère de la Santé [8]. Accueil L’attente du patient doit être au maximum écourtée et la victime placée dans des circonstances où elle se sente rassurée et écoutée. Les examens doivent être effectués en présence d’une tierce personne : infirmière de l’unité ou autre personne de l’équipe. Le but de l’accueil est d’initier un climat de confiance propice au dialogue. Le premier rôle du praticien va être un rôle d’écoute. Entretien Le praticien doit se présenter au patient, lui exposer son rôle, ce en quoi il peut intervenir pour l’aider, dans quel cadre il agit (mission judiciaire ou non). Certains mots sont à éviter : « se faire violer », « interrogatoire », montrer des doutes envers le récit, dédramatiser... Le but de cet accueil et de cet interrogatoire va être d’essayer de définir la situation à laquelle le médecin est confronté : existe-t-il une urgence médico-légale à la prise en charge du fait de la proximité de faits ? Pour des faits intervenus il y a moins 3 jours, l’urgence est avérée (prélèvement et thérapeutique), pour des faits intervenus 3 à 8 jours plus tôt, il est encore possible de recueillir des indices, au-delà l’urgence devient plus liée à une éventuelle prise en charge psychologique d’une victime en détresse qu’à l’urgence médico-légale qui reste néanmoins à évaluer. Quel que soit le résultat de cet entretien, et, notamment, si le patient est dirigé vers une autre structure, des conseils importants doivent être prodigués : conserver les vêtements portés pendant l’agression sans lavage dans des sacs en papier (jamais en plastique), ne pas faire de toilette avant les prélèvements, il faut conseiller à la victime de porter plainte sans attendre. 268 Examen médical Interrogatoire Comme pour tout examen médical, une attention particulière doit être accordée à l’anamnèse. Le récit des faits précis : circonstances, lieu, nombre d’agresseurs, corpulence, actes réalisés, utilisation d’objets, doit être relevé sans faire preuve de voyeurisme ni en doutant des propos rapportés. L’interrogatoire, s’il doit être « policier » à la recherche des informations, ne doit justement surtout pas être perçu par la victime comme un interrogatoire de police. Les propos de la victime seront repris entre guillemets dans le certificat. Le but est de pouvoir mettre les faits allégués en rapport avec les éléments cliniques trouvés ultérieurement. À aucun moment un quelconque parti pris du médecin ne doit apparaı̂tre dans son certificat. La recherche d’antécédents doit être soigneuse et particulièrement orientée vers la sphère génitale : gynécologiques, urologiques, proctologiques, sexuels. Une rapide évaluation de l’état psychologique dans lequel se présente la victime doit être possible : stress posttraumatique, troubles des conduites, troubles alimentaires, troubles du sommeil... Enfin, l’entretien doit permettre au patient d’exprimer ses plaintes somatiques et psychologiques. Ces données seront également reprises entre guillemets dans le certificat. d’examen, source de lumière froide, appareil photo, spéculum, anuscope, rectoscope, sonde à ballonnet, colposcope... Il recherche et décrit toutes les lésions traumatiques précédemment énoncées et les localise (Figs. 1, 2). L’examen attentif et patient de l’hymen est capital car il peut conduire à un diagnostic de pénétration. L’hymen est déplissé et examiné au doigt, il peut être étudié grâce à l’utilisation d’une sonde à ballonnet gonflée à 10 ml. Il faut connaı̂tre la grande variabilité physiologique de l’aspect de l’hymen. Les déchirures traumatiques siègent préférentiellement à 5, 6 ou 7 heures. Il est capital de distinguer les déchirures anciennes des lésions récentes. L’ensemble de l’examen pourra être consigné sur un schéma (Fig. 3). Les femmes jeunes sans activité génitale et les personnes âgées sont les plus sujettes aux lésions gynécologiques pendant un viol [9,11]. Attention, là encore, l’absence de lésions n’exclut pas l’agression sexuelle [12]. Examen clinique L’examen clinique est un examen général. Il doit être complet et non uniquement centré sur la sphère génitale. Il comporte l’examen et la description éventuelle des vêtements portés lors de l’agression qui seront conservés comme décrit précédemment. Commencer par l’examen général est d’ailleurs un moyen de mettre la personne en confiance. Cet examen doit être très patient, il est bien sûr capital qu’il soit pleinement consenti afin de ne pas être perçu comme un second viol. Le vocabulaire employé pour la description d’éventuelles lésions doit être précis et choisi : hématome, ecchymose, dermabrasion, pétéchies décrivent des choses différentes. Chacune des lésions doit être mesurée, décrite dans sa forme et son axe et localisée dans les deux axes du corps par rapport à des repères anatomiques précis. Le lecteur doit pouvoir lui-même positionner les lésions décrites sur un schéma. Les schémas et photos des lésions peuvent également être d’une grande utilité. Les lésions générales sont observées plus fréquemment que les lésions génitales [9]. Attention, l’absence de lésions n’exclut pas l’agression sexuelle [9,10]. Fig. 1. Examen à la sonde de Foley. Déchirure hyménéale récente à 6 heures Examen génital C’est un moment délicat de l’examen, compte tenu des circonstances. Il nécessite un matériel adapté : table Fig. 2. Examen à la sonde de Foley. Déchirure hyménéale ancienne à 6 et 9 heures 269 Dans tous les cas, ces prélèvements doivent être parfaitement identifiés : site de prélèvement, étiquetage, numérotés et répertoriés dans le certificat médical. En cas d’examen sur réquisition, ces prélèvements seront confiés aux enquêteurs sous forme de scellés. Pour tous ces prélèvements, le médecin portera une tenue adaptée afin d’éviter une éventuelle contamination par son propre ADN. Les protocoles de conservation et de transport des prélèvements seront définis localement avec les laboratoires de biologie médico-légale. Prélèvements ADN [8] Recherche de spermatozoı̈des et identification génétique sur spermatozoı̈des Fig. 3. Hymen falciforme. Les largeurs du bord libre (a) et de l’orifice (b) seront mesurées Chez l’homme on pratiquera un examen complet de la verge, du prépuce et du frein, des bourses et du méat urétral. Examen proctologique La marge anale sera inspectée et déplissée à la recherche de lésions. L’anuscopie voire la rectoscopie (sauf pour les enfants) et le toucher rectal doivent être systématiques, à la recherche de lésions profondes et pour apprécier le tonus sphinctérien. Tout doute sur une lésion de l’appareil sphinctérien sans atteinte muqueuse visible devra conduire à proposer à distance une exploration par échographie endo-anale [13]. Il n’y a pas lieu de procéder à ces examens sous anesthésie générale. Les violences sexuelles anales constituent un facteur indépendant de risque de lésions génito-anales en cas d’agression sexuelle [11]. L’ensemble des observations recueillies sera porté sur le certificat médical. Si le certificat est établi sur réquisition, il s’agit alors de répondre aux questions de la mission, toutes les questions, mais uniquement les questions. Que le certificat soit établi sur réquisition ou non, il ne s’y trouve aucune place pour des interprétations, élucubrations sur l’agression et son déroulement, les auteurs possibles ou pour l’imaginaire en général. Ce qui est demandé au praticien, c’est d’user de son sens de l’observation et de fournir des informations techniques. Prélèvements médico-légaux Les prélèvements sont réalisés avec deux objectifs : – dépister les conséquences médicales de l’agression chez la victime : MST, grossesse ; – permettre de fournir des éléments d’identification de l’agresseur : ADN. Ces prélèvements sont urgents en cas d’agression récente. Prélèvement immédiat sans toilette. Ne pas utiliser de lubrifiant ou d’agent mouillant pour l’examen gynécologique. Prélèvement sur écouvillon type « examen bactériologique ». Faire sécher l’écouvillon complètement avant de le remettre dans son étui. Transport au mieux à 18˚C ou à 4˚C si indisponible au pire en enveloppe kraft après séchage. Faire 4 prélèvements pour chacun des sites : bouche, vulve, vagin, anus, peau. Recherche d’autres traces d’ADN sur la victime consécutive à l’agression Cheveux et/ou poils de l’agresseur, à conserver si possible avec le bulbe en enveloppe kraft. Prélèvement à l’écouvillon des traces de morsure de la victime. Écouvillon humidifié, faire ensuite sécher complètement après écouvillonnage. Mettre en enveloppe kraft. Prélèvement avec la même technique sous les ongles de la victime si celle-ci a griffé l’auteur. Prélèvement de toute trace sur les vêtements de la victime ou tout autre objet qui a été utilisé par l’agresseur. Ces vêtements ou objets sont mis en enveloppe papier après séchage à l’air libre. L’identification ADN de la victime sera recueillie par prélèvement de sang ou brossage intrabuccal à la cyto-brosse. Recherche de toxiques Ces examens ont pour but de déterminer si la victime a pu faire l’objet d’une soumission chimique : – sang : 2 tubes secs pour les toxiques et un pour l’alcoolémie ; – Urines : 2 flacons de 30 ml ; – Éventuellement prélèvement de liquide gastrique si vomissements (2 flacons). Préciser au laboratoire les circonstances de la demande et les produits recherchés : antidépresseurs tricycliques, barbituriques, benzodiazépines, carbamates, phénotiazines. Les prélèvements doivent être acheminés au plus vite au laboratoire de toxicologie ; ce, d’autant qu’ils peuvent avoir une implication thérapeu- 270 tique ou judiciaire. En cas d’examen sur réquisition, effectuer tous les prélèvements en double (contreexpertise possible) et les placer sous scellés. Examens de dépistage de la victime Prélèvements locaux Recherche chlamydiae trachomatis : col/vagin, urètre, gorge par écouvillonnage sur milieu spécifique. PCR sur urines. Conservation à 4˚C. Recherche gonocoque : col/vagin, urètre, gorge, anus par écouvillonnage sur milieu stuart. Examen bactériologique standard : col/vagin, urines, gorge par écouvillonnage et ECBU. Bilan biologique Initial : VIH 1 et 2, Ag P24, VDRL, TPHA, HTLV, Hépatite C, Ag HBs, Ac anti HBc, Ac anti HBs, sérologie chlamydiae et herpès. Le bilan sera renouvelé à 15 jours, 1 mois 3 mois et 4 mois en cas d’agression récente et suivant les résultats initiaux (Tableau I). Si l’agression est plus ancienne, la nécessité de renouveler les examens sera réévaluée selon le délai écoulé. Bilan pré thérapeutique Si l’agresseur a un statut sérologique positif pour le VIH, ou si son statut est inconnu, on proposera, après contact du centre de référence des accidents d’exposition au risque de transmission VIH, la mise en route d’un traitement antirétroviral (cf. infra.). Le bilan préthérapeutique comprendra : NFS, plaquettes, ionogramme sanguin, créatinine, bilan hépatique complet, amylase, lipase. Il sera renouvelé en fin de traitement (1 mois). Traitement de la victime Prise en charge psychologique Outre sa mission de recherche de preuve, le médecin reste avant tout dans sa fonction de soins. Dans cette fonction primordiale de soin, la première mesure thérapeutique à prendre vis-à-vis de la victime est la prise en charge psychologique du traumatisme. Parce qu’il doit l’écouter, le remettre en confiance, essayer de construire avec elle, sans se substituer à l’enquêteur, « son » récit des faits, le médecin occupe une place centrale. Il faut faire preuve de tout son sens clinique pour déceler les attitudes, les mots explicites ou non qui peuvent orienter vers des éléments dépressifs, de détresse psychique, de phobies. Il est également important de recevoir et de dialoguer avec les accompagnants (parents) [14]. Des médicaments psychotropes peuvent être prescrits dans les premiers jours afin de surmonter l’anxiété. On peut recourir en cas de nécessité à l’hospitalisation. La rencontre avec un psychiatre ou un psychologue devra toujours être proposée à la victime, mais jamais contrainte. C’est la victime qui doit pouvoir décider du moment de cet entretien. De même, la victime pourra être orientée vers les différentes associations d’aide aux victimes pour poursuivre la prise en charge. Prise en charge clinique Une fois tous les prélèvements faits, on autorisera le patient à effectuer sa toilette. Toutes les plaies cutanées ou muqueuses devront recevoir un traitement adapté : désinfection et soins locaux. La vaccination antitétanique doit être systématiquement vérifiée et, si nécessaire, une injection de sérum antitétanique réalisée. Dans les 72 h suivant une agression sexuelle avec risque potentiel de grossesse, on prescrira une pilule du lendemain type Norlevo®, 1 seul comprimé en une prise ou Tétragynon®, 2 comprimés à 12 h d’intervalle (réaliser une dosage de -hcg de contrôle à 15 jours). Une patiente vue entre 3 et 5 jours peut être adressée en service de gynécologie pour envisager la pose de stérilet à titre contraceptif. La prévention des MST sera réalisée par l’administration de azithromycine (Zithromax®), 4 comprimés en une prise. En cas de risque de contamination par le gonocoque, on pourra proposer la prise de ofloxacine Tableau I. Suivi biologique sérologique 1 mois après l’agression 3 mois après l’agression 4 mois après l’agression Bilan biologique – VIH 1 et 2 (si doute charge virale VIH 1), Ag P24 – Si Ac-anti Hbs nég refaire Ag Hbs et Ac anti HBc – VHC – Si initialement nég refaire Chlamydiae et herpès – VIH 1 et 2, Ag P24 – HTLV – VDRL-TPHA – Si Ac-anti Hbs nég refaire Ag Hbs et Ac anti HBc – VHC – Transaminases – VIH 1 et 2, Ag P24 – VHC – Transaminases Si traitement antirétroviral en cours Contrôle VIH à 1 mois de l’arrêt du traitement. (2 mois de l’agression) Contrôle VIH à 3 mois de l’arrêt du traitement. (4 mois de l’agression) 271 (Oflocet®) 400 mg en une seule prise (risque de résistance du gonocoque à l’azithromycine). En cas d’absence de vaccination pour l’hépatite B ou de doute sur celle-ci, on réalisera après avoir prélevé une sérologie une injection de vaccin contre l’hépatite B. Enfin la prévention de la contamination par le VIH est capitale. Si l’agresseur a été interpelé, il pourra lui être prélevé, lors de sa garde à vue, y compris contre sa volonté, un test de dépistage du VIH et des MST (loi sur la Sécurité intérieure) [15]. On notera que le fait pour l’auteur de s’opposer au prélèvement est passible d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. En cas de rapport potentiellement contaminant et de statut sérologique de l’agresseur inconnu ou douteux, il faut prendre contact d’urgence avec le médecin référent des accidents d’exposition le plus proche. Celui-ci évalue, en fonction des circonstances de l’agression, du type de violences et de l’agresseur, le risque de contamination et propose éventuellement l’instauration d’un traitement d’urgence antirétroviral type Combivir + Viracept 250 (après réalisation du bilan, cf. supra). Le médecin référent pourra assurer le suivi du traitement et sa réévaluation pendant la période de traitement d’un mois. Le patient doit être informé des effets indésirables éventuels de ces médicaments. Conclusion Au confluent des problématiques judiciaires et médicales, la prise en charge des victimes d’abus sexuel est également le lieu de rencontre de plusieurs spécialités médicales. Le médecin généraliste, le gynécologue, le proctologue, le médecin biologiste et bien d’autres peuvent tous par leur compétences spécifiques être appelés à intervenir dans cette prise en charge. Parce que l’un des points capitaux est de permettre un accueil par des praticiens formés et si possible, pluridisciplinaires, ont été créés des pôles régionaux d’accueil des victimes d’abus sexuel qui doivent constituer de véritables réseaux de soin. Pour autant, tout médecin peut être amené en situation d’urgence à la demande d’une victime ou des autorités judiciaires à assurer ce type de prise en charge. S’il ne peut le faire lui-même, il est de sa responsabilité de s’assurer que la prise en charge est bien effectuée par une équipe compétente dans les meilleurs délais. Un minimum de notions essentielles et un accueil adapté aux circonstances doivent permettre de rechercher et conserver les preuves nécessaires à la manifestation de la vérité, mais avant tout de ne pas aggraver par des gestes et des paroles maladroites le traumatisme majeur qui vient d’être vécu. Références 1. 2005 Criminalité et délinquance constatées en France par les services de police et les unités de gendarmerie. (Tome 1) Titre II. La documentation Française, p 39 2. Jaspard M (2001) Nommer et compter les violences envers les femmes : une première enquête nationale en France. Popul Soc 364: 1-4 3. Code pénal article 222-22 4. Code pénal article 222-23 5. Code pénal article 222-33 6. Code pénal article 227-25 7. Code pénal articles 222-23 à 31 8. Ministère de l’Emploi et de la Solidarité. Secrétariat d’État à la santé et aux handicapés (2000) Le praticien face aux violences sexuelles, EPE, Ile-de-France, Paris. Exercices de style 9. Sugar N, Fine D, Eckert L (2004) Physical injury after sexual assault: Findings of a large case series. American Journal of Obstetrics and Gynecology 190: 71-6 10. White C, Mc Lean I (2006) Adolescent complainants of sexual assault; injury patterns in virgin and non-virgin groups. J Clin Forensic Med 13: 172-80 11. Hilden M, Schei B, Sidenius K (2005) Genitoanal injury in adult female victims of sexual assault. Forensic Science International 154: 200-5 12. 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Bensignor, Centre Catherine-de-Sienne, 2, rue Éric-Tabarly, 44200 Nantes, France CHU de Nantes, Hôtel-Dieu, Place Alexis-Ricordeau, 44093 Nantes Cedex 1, France Résumé : Les douleurs pelvi-périnéales chroniques sont fréquentes, universelles, relativement mal connues. Elles induisent un coût, pour la société, important. Les agressions sexuelles représentent un fléau universel et fréquent dans le genre humain, leurs conséquences sont multiples et souvent responsables d’une altération majeure de la qualité de vie ultérieure des victimes. Il semble exister une relation forte entre antécédents d’abus sexuels et douleurs pelviennes chroniques. Cette relation semble moins évidente en ce qui concerne les douleurs strictement périnéales, peut-être en raison de l’innervation exclusivement sympathique des organes pelviens. Les conséquences algiques tardives d’un abus sexuel semblent d’autant plus importantes que l’abus sexuel a généré un état de stress posttraumatique (ESPT). La prise en charge de ces patients doit permettre de créer un espace de sécurité physique et psychologique leur permettant, au moment où ils le désirent, d’aborder cet aspect de leur histoire. À l’équipe soignante d’être attentive et suffisamment compétente pour offrir une stratégie thérapeutique adéquate et non délétère. La connaissance d’un antécédent d’abus ne doit pas conduire à se débarrasser du patient au profit d’une équipe psy... mais plutôt à intégrer cette dernière dans le « groupe soignant » afin de donner une réponse à la plainte initiale du patient : sa douleur. En outre, la connaissance d’un abus sexuel engendre un aspect juridique et légal dont il faudra tenir compte, d’autant plus que les abus peuvent faire partie de l’histoire présente du patient. tood. Its cost to society is considerable. Universally and highly prevalent, sexual assault is a scourge of humanity. Its consequences are far-reaching and often greatly reduce the quality of life of its victims for years to come. There appears to be a strong correlation between a history of sexual assault and chronic pelvic pain. This correlation is less evident for strictly perineal pain, perhaps because of the exclusively sympathetic innervation of pelvic organs. Late-appearing pain related to sexual assault seems exacerbated by post-traumatic stress disorder (PTSD) caused by the assault. Management of these patients includes creating a space of physical and psychological safety that allows them to confront their history when the time is right. The medical team must be observant and sufficiently competent to offer an appropriate therapeutic strategy that does not cause additional harm. The knowledge of antecedent sexual abuse must not lead to the patient’s definitive referral to a mental health team, but rather to integrating that team into the overall health care team in an effort to respond to the initial symptom: the pain. Moreover, the recognition of antecedent sexual assault has legal ramifications that must be kept in mind, especially since there is a possibility of ongoing abuse. Mots clés : Abus sexuel – Agression sexuelle – Douleurs pelvi-périnéales – État de stress posttraumatique – Syndrome douloureux pelvien complexe Introduction Chronic pelvic/perineal pain and antecedent sexual assault: what are the therapeutic implications? Abstract: Chronic pelvic/perineal pain frequently occurs throughout the general population, yet is poorly unders- Correspondance : E-mail : [email protected] Keywords : Sexual abuse- Sexual assault – Pelvic/perineal pain – Post-traumatic stress disorder – Complex pelvic pain syndrome Il est connu depuis longtemps que les agressions sexuelles peuvent avoir pour séquelles des douleurs pelvi-périnéales résiduelles [1]. Cette connaissance qui devrait permettre une meilleure prise en charge des douloureux est toutefois une arme à double tranchant. En effet si, dans l’absolu, elle permet d’aborder le patient dans sa globalité, elle peut, si l’on n’y prend pas garde, se retourner contre lui [2]. Cette connaissance risque 273 d’autoriser le somaticien à se débarrasser du problème si l’organicité n’est pas prouvée ou, pire, de permettre une intrusion dans un passé traumatique, par définition inamovible, sans pour autant apporter de solution adéquate. La dichotomie entre organique et psychologique est probablement le principal écueil de la prise en charge des patients douloureux chroniques en général et pelvipérinéaux en particulier. La douleur est par définition une sensation (désagréable), cette sensation est personnelle, non démontrable, non visualisable par l’imagerie conventionnelle. Elle est la résultante d’une information nociceptive qui parvient au cerveau et de son intégration corticale (qui dépend de l’histoire du patient, de ses antécédents, de sa culture, en un mot de sa signifiance). Par définition, les examens complémentaires n’objectivent pas la douleur, ils peuvent à l’occasion permettre des hypothèses sur l’imputabilité ou la non-imputabilité de telle ou telle lésion quant au mécanisme, mais cela est malheureusement tout. Les preuves sont multiples qu’une même lésion n’est pas à l’origine d’une douleur identique selon la personne et, chez la même personne, selon le moment. Il existe d’authentiques dysfonctionnements nerveux périphériques à l’origine de douleurs sévères, ellesmêmes à l’origine de comportements pouvant être considérés comme pathologiques, passant de la notion de psychosomatique à celle de somatopsychique. L’exemple le plus frappant dans la sphère qui nous intéresse est celui des névralgies pudendales avec imagerie et électromyogramme (EMG) normaux, responsables d’anxiodépression, voire d’hospitalisation en milieu psychiatrique, et parfois franchement améliorées par la neurolyse-transposition des nerfs pudendaux [3]. Il semblerait que les traumatismes et les stress peuvent être à l’origine de douleurs chroniques parfois très invalidantes. Il faut d’emblée noter que toutes les agressions sexuelles n’ont pas pour conséquence des douleurs chroniques, ou plus largement un syndrome posttraumatique, et que toutes les douleurs chroniques pelviennes « idiopathiques » n’ont pas pour origine un stress ou un traumatisme antérieur [4]. Il est ainsi possible d’imaginer plusieurs associations syndromiques : douleurs pelviennes chroniques « idiopathiques » sans notion de contexte « psychique » (sans pour autant exclure les conséquences psychiques ellesmêmes algogènes telles que la dépression) ; douleurs pelviennes chroniques « idiopathique » avec notion d’agressions sexuelles antérieures et éléments en faveur d’une origine périphérique ; douleurs pelviennes chroniques « idiopathiques » avec possibilité d’agressions sexuelles antérieures, mais sans éléments en faveur d’une origine périphérique. Nous limiterons volontairement notre sujet à l’association de douleurs pelvi-périnéales chroniques et d’antécédents d’agressions sexuelles. Nous supposerons donc que ces agressions ont eu lieu. Il ne faut toutefois pas oublier la possibilité (fréquente dans ce cadre) de permanence ou de récurrence des abus. Capitale, elle rappelle que le premier acte thérapeutique est toujours de sécuriser le moment présent. Au terme de cette introduction les seules questions utiles sont : – l’association douleurs pelvi-périnéales et agression sexuelle est-elle soupçonnée ? Et si oui : est-il utile de rechercher un antécédent d’abus sexuel ? Et si oui, quand, par qui ou dans quelles conditions ? – Existe-t-il une attitude globale ou une stratégie thérapeutique face à un douloureux chronique du pelvis ? Nous aborderons successivement les problèmes généraux posés par les douleurs pelviennes chroniques, les abus sexuels, l’état de stress posttraumatique, les séquelles douloureuses pelvi-périnéales secondaires aux abus sexuels, et enfin la prise en charge des patients douloureux chroniques du pelvis ayant des antécédents d’abus sexuels. Douleurs pelviennes chroniques Aspect épidémiologique des douleurs pelvi-périnéales chroniques [3] Les douleurs pelvi-périnéales se définissent plus par la localisation de la douleur principale que par une étiologie particulière, ou plus largement un mécanisme commun. Le caractère chronique, défini le plus souvent comme évoluant depuis plus de six mois, est à l’origine de retentissements cognitifs, comportementaux et sociaux qui font partie intégrante du syndrome. Ce cadre nosologique, allié à des définitions syndromiques parfois floues (multitudes des termes employés, absence de certitude d’un lien entre le terme employé et la physiopathologie supposée, modification des nomenclatures, dont nous avons l’exemple avec les classifications des prostatites chroniques remplacées par les termes « syndrome douloureux pelvien chronique »...), rend difficile la séparation entre douleurs pelviennes et douleurs périnéales dans les études épidémiologiques. Cette difficulté est majorée par l’extrême fréquence des associations syndromiques. Les douleurs pelvi-périnéales sont fréquentes en population générale et constituent un enjeu de santé publique en raison des coûts induits par la consommation médicale (consultations, chirurgies, traitements). Ainsi, les douleurs pelviennes ont une prévalence de 3,8 % chez les femmes en Angleterre, et on évalue les coûts directs et indirects cumulés à deux milliards de dollars par an aux États-Unis. Le syndrome douloureux pelvien chronique de l’homme (ancienne « prostatite chronique abactérienne ») présente en fonction des 274 critères diagnostiques retenus une prévalence de 2 à 10 %. Les cystites interstitielles (syndrome de vessie douloureuse), avec une prévalence de 8-16/100 000 au Pays-Bas, sont en constante augmentation. Les vulvodynies représenteraient un collectif de 200 000 patientes aux États-Unis. Le syndrome de l’intestin irritable a une prévalence qui varie selon les critères diagnostiques utilisés de 2,6 à 12 % de la population en France [5]. Aspects thérapeutiques Il serait trop long d’exposer ici toutes les solutions thérapeutiques. Néanmoins, il convient d’insister sur l’importance du démembrement clinique qui précède une prise en charge qui se doit d’être globale. Les cibles thérapeutiques sont ainsi locales (infiltrations, distension vésicale, kinésithérapie...), locorégionales et singulièrement périmédullaire (antiépileptiques, antidépresseurs, antiNMDA, action sur le système sympathique...), et centrales (antiépileptiques, antidépresseurs, kinésithérapie, thérapies neurofonctionelles). Ces cibles sont visées simultanément ou consécutivement. Certaines thérapeutiques peuvent agir à plusieurs niveaux. Ainsi, les infiltrations qui, d’une part confirment le diagnostic (bloc anesthésique), d’autre part peuvent être thérapeutiques (bloc corticoı̈de), ont aussi une action centrale par la validation du caractère local de la plainte (quand on a mal au périnée, on traite d’abord le périnée). Agressions sexuelles Définitions de la maltraitance sexuelle Le mot maltraitance vient de « maltraiter », « traiter avec brutalité, rigueur ou inhumanité, brimer, malmener ». L’OMS, en 2002, définit la maltraitance sexuelle comme : « L’exploitation sexuelle qui s’appuie sur la notion d’abus et de ses modalités : abus sans toucher, abus avec toucher sans violence, attitudes malsaines, modalités de type passif relevant d’une action ou d’une absence de protection. » Le terme d’« abus sexuel », tel qu’il est utilisé dans la littérature anglo-saxonne, est d’usage difficile en raison de la notion de tolérance qu’il induit en français. En effet, ce n’est pas l’acte lui-même qui est excessif, mais les conditions dans lesquelles il est intervenu et la qualité des acteurs. Définitions opérationnelles – Victimisation unique (une seule agression, un seul agresseur) ; – victimisation multiple (une seule agression, agresseurs multiples) ; – victimisation répétée (plusieurs incidents, un seul agresseur) ; – revictimisation (plusieurs incidents, plusieurs agresseurs). Définition juridique Elle ne recouvre pas complètement les définitions médico-sociales dont elle partage néanmoins des éléments constitutifs. L’abus sexuel peut se définir comme un acte comportant un motif essentiellement sexuel, imposé à une personne qui n’a pas les moyens moraux ou physiques suffisants pour le repousser alors qu’elle n’y consent pas. Des définitions légales suivent : – Viol (art 222-23 du code pénal) : Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature que ce soit commis sur la personne d’autrui par violence, menace ou contrainte ; – agression sexuelle (art 222-22 du code pénal) : Toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise ; – exhibition sexuelle (art 222-32) : Réprimée si elle est imposée à la vue d’autrui dans un lieu accessible aux regards du public ; – harcèlement sexuel (art 222-33) : Défini par le fait d’harceler en usant d’ordres, de menaces ou de contraintes dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle, par une personne abusant de l’autorité que lui confère ses fonctions ; – atteinte sexuelle sur mineur de 15 ans : Le fait, pour un majeur, d’exercer sans violence, menace, ni surprise une atteinte sexuelle ; – atteinte sexuelle sur mineur de plus de 15 ans non marié : Atteinte sexuelle sans violence, contrainte ou menace, ni surprise, lorsqu’elle est commise par un ascendant ou toute personne ayant autorité sur la victime. Les facteurs d’aggravation sont : – fonction de la qualité de la victime : mineur, déficient ; – fonction de la qualité de l’agresseur : ascendant, personne ayant autorité ; – fonction du modus operendi : associée à la torture, en groupe, avec usage d’une arme, argent ; – fonction des séquelles : mort, mutilation, blessure, lésion. E´pidémiologie des agressions sexuelles Le cadre des abus sexuels regroupe une vaste entité. Les définitions de l’abus sexuel diffèrent donc selon que l’on se place d’un point de vue légal, médico-psychiatrique, ou du point de vue de la recherche. La suspicion et la reconnaissance d’un abus sexuel imposent la prise en compte de trois dimensions : médicale, sociale, et judiciaire. La notion de sévices physiques est variable selon les cultures, et leur importance (gravité) est appréciée en fonction de ces dernières. Ainsi, l’excision (dans le cadre des pratiques ethniques) est définie comme « une pratique coutumière affectant la santé des enfants et des mères » par l’OMS. On imagine sans 275 peine les délicats problèmes transculturels que cela engendre. Dans un domaine peut-être moins violent, il en est de même pour les mariages forcés. Dans ces cas spécifiques, il est possible (mais absolument non prouvé) que l’attitude de la communauté qui intègre les victimes au prix de leur souffrance permette aussi une diminution de leur besoin en résilience (compris comme une aptitude au changement, à l’adaptation). En 2002, en France, selon les sources de l’Observatoire décentralisé de l’action sociale, 5 900 enfants, sur 20 000 signalés pour maltraitance, ont subi des violences sexuelles. Quarante-cinq pour cent des violences concernent des enfants de moins de 9 ans (SNATEM : Service national d’accueil téléphonique pour l’enfance maltraitée). Vingt-cinq pour cent des procès d’assises sont constitués par les incestes, qui représentent 75 % des agressions sexuelles à l’encontre des enfants et 57 % des viols sur mineurs. Onze pour cent des femmes de 20 à 59 ans ont subi une agression sexuelle (échantillon représentatif de 6 970 femmes), le plus souvent à type de rapport forcé (57 %) et avant 15 ans (59,9 % pour les attouchements) [enquête nationale sur les violences envers les femmes en France NVEFF 2000]. Ces chiffres, qui permettent d’estimer que 50 000 à 90 000 femmes ont été violées en France en 1999, sont à rapprocher des statistiques officielles, qui dénombrent 2 120 viols pour la même période (ministère de la Justice). Au Québec, Tourigny et al. [6] rapportent une prévalence de 14 % de violences sexuelles subies par les enfants, avec une nette prépondérance féminine. Les garçons sont eux aussi sujets à des agressions sexuelles, même si les études permettant d’en chiffrer l’incidence sont rares. L’incidence allant de 51 % (d’après une étude téléphonique randomisée portant sur 298 jeunes adultes dans un quartier urbain américain défavorisé) [7] à 3-16 % en population générale [8]. Les abus peuvent survenir à tout âge, y compris dans la deuxième partie de la vie [9]. Il s’agit d’un phénomène universel, et les augmentations de fréquence relevées actuellement sont peut-être plus le fait d’une meilleure possibilité de prise en charge et d’une évolution des mentalités. L’état de stress posttraumatique [2,10] Une première description de l’état de stress posttraumatique (ESPT ou PTSD en anglais) peut être attribuée à Hérodote dans ses Histoires à propos d’Epizelos, combattant athénien qui, lors de la bataille de Marathon, perdit brusquement la vue lorsqu’il entraperçut un combattant perse gigantesque qui le frôla pour s’attaquer à son frère d’arme. Effroi, impuissance, peur, et réaction inadaptée de stress : ne plus voir. L’ESPT a été défini par le DSM III, puis par le DSM IV et par le CIM 10. Il se caractérise par l’association de six critères : – un événement traumatique ; – des symptômes de reviviscence ou syndrome de répétition : lorsque le sujet revit ou croit revivre la scène traumatisante lui imposant des agissements adaptés (à la situation imaginaire) et générant une importante détresse ; une sensibilité particulière à des signaux déclencheurs de crises : situation similaire, comme, dans le cas qui nous intéresse, les examens intimes, les interventions chirurgicales et les douleurs postopératoires ; des souvenirs intrusifs, ou douloureux, ou flash-back. – des symptômes d’évitement, comme par exemple une amnésie de l’événement ; – une hyperactivité neurovégétative ; – un critère de durée : supérieure à un mois ; – un critère lié au handicap, à l’impotence physique et psychologique induite. Derrière cette forme typique existent de nombreuses formes pauci-symptomatiques qui rendent compte de la multiplicité des formes cliniques. Selon Kessler, cité dans Psychotraumatologie, évaluation, clinique, traitements [10], la prévalence de l’exposition aux agressions sexuelles est de 2,8 % chez l’homme et de 12,3 % chez la femme, avec une fréquence d’ESPT en réponse à l’événement respectivement de 12,2 % et 26,5 %. En ce qui concerne le viol, la fréquence de survenue de l’ESPT avoisinerait les 50 % (à rapprocher des 5 % après catastrophe naturelle). De la même façon, Yehuda, en 2004, cité dans Psychotraumatologie, évaluation, clinique, traitements [10], a montré que l’apparition d’un ESPT n’est pas simplement associée à une exposition à un événement traumatique, mais aussi à l’interprétation de cet événement et au comportement adopté pendant et immédiatement après. Au point de vue physiopathologique, deux théories s’affrontent ou se complètent : – il existe une prédisposition anatomofonctionnelle pour développer un ESPT ; – il existe des modifications anatomofonctionnelles induites par le stress (modification de la taille du cortex cingulaire antérieur, du corps calleux, de l’hypophyse et de l’hippocampe entre autres) [11]. Il peut être intéressant de faire formellement le diagnostic de ESPT/PTSD. Cela permet de normaliser un certain nombre des symptômes présentés par les survivants. Cette normalisation, qui présente les symptômes comme des réactions usuelles à un stress intense et/ou prolongé, autorise les victimes à mieux en cerner les tenants et aboutissants [2]. Les ESPT peuvent survenir à tout âge, y compris pendant l’enfance, la guérison survient en moins de trois mois dans 50 % des cas, persiste au-delà de neuf mois, voire beaucoup plus, dans 40 % des cas. Ainsi, FOA et al. [12] rapportent que la majorité des EPTS régresse spontanément, mais qu’il existe 30 % d’EPTS persistants, avec une nette prépondérance féminine de 2/1. 276 Cette prépondérance féminine semble être plus en rapport avec une majoration du risque relatif de viol et de troubles anxieux préexistants qu’avec une « sensibilité » particulière des femmes à l’EPTS [13]. Par ailleurs, et peut-être surtout dans le cadre qui nous intéresse, une réactivation des symptômes peut survenir en réponse à certains éléments rappelant le traumatisme initial (situations identiques, date anniversaire...) ou à de nouveaux événements traumatiques [14]. Les séquelles pelvi-périnéales douloureuses secondaires aux abus sexuels Séquelles liées à l’abus sexuel pouvant être impliquées dans les douleurs chroniques Séquelles organiques Il s’agit de : – mutilations sexuelles, mais aussi mariage forcé avec son corollaire de grossesses précoces et d’accouchements houleux ; – plaies ou dilatations extrêmes responsables de troubles fonctionnels propres. Toutefois les séquelles organiques visibles de l’abus sexuel sont rares. Pour Johnson [8], 96 % des enfants abusés ont un examen clinique normal. Séquelles fonctionnelles Psychiatriques Ce n’est pas le sujet stricto sensu de l’exposé, néanmoins les séquelles psychiatriques sont nombreuses, fréquentes et parfois invalidantes. Allant de « simples » troubles émotionnels à des troubles de la personnalité plus graves (borderline, en particulier). Une mention particulière doit être faite à propos de la dépression, qui est à la fois une possible conséquence de l’EPTS et une possible cause de sa récurrence [14]. Sexuelles Cet aspect sera abordé dans un autre article. Néanmoins, il faut d’emblée souligner qu’il existe une corrélation entre les antécédents d’abus et une altération de la vie sexuelle, que cela soit chez les garçons ou chez les filles[6]. Les manifestations en sont multiples : compulsion, dyspareunie, anorgasmie, incidence élevée d’antécédents d’abus chez les prostituées [2], risque élevé de nouvel abus [15], fréquence des antécédent d’abus chez les abuseurs. Séquelles douloureuses chroniques Globales Association à la fibromyalgie (FM) Il est rapporté dans de nombreuses études le rôle favorisant des antécédents d’abus sexuels chez les porteuses de fibromyalgie. Toutefois, les choses ne sont pas aussi simples. Ainsi, dans une étude comparant des femmes souffrant de dépression majeure avec ou non une fibromyalgie associée, les auteurs ne retrouvent pas de corrélation entre antécédents d’abus sexuels et FM (à l’exception des viols). En revanche, il existe une différence significative de présence de syndrome posttraumatique dans le groupe FM [16]. En revanche, l’association de FM et de douleurs pelvipérinéales chroniques semble être fortement suspecte d’agression antérieure [17]. Fillingham et al. [18] rapportent, dans une étude portant sur 110 étudiants avec ou sans antécédents d’abus sexuels ou physiques (37 % des femmes et 24 % des hommes), qu’en cas d’antécédent d’abus on ne retrouve pas de diminution du seuil de la douleur expérimentale, mais une augmentation de la plainte en rapport avec le stimulus. Dysfonctionnement du système nerveux autonome Girdler et al. [19] ont comparé, dans une étude prospective chez deux groupes de femmes présentant ou non un syndrome dysphorique prémenstruelle (PMMD), la réaction au stress en fonction de la phase du cycle. Les antécédents d’abus sexuels étaient plus fréquents dans le groupe PMMD (20/28 versus 10/28). Les patientes victimes d’abus et présentant un PMMD montraient une adrénalinémie significativement plus basse que l’ensemble des autres patientes (témoins, témoins abusés et PMMD non abusées). La même équipe, dans une étude prospective portant sur 12 patientes porteuses d’un PMMD, retrouve une majoration de l’effet bradycardisant et antihypertenseur de la clonidine per os, suggérant que l’antécédent d’abus sexuel modifiait le fonctionnement du récepteur alpha 2 présynaptique. Locorégionales [3, 20] Association avec une hypersensibilité digestive De nombreuses études rapportent des corrélations entre antécédents d’abus et colopathie fonctionnelle. Ainsi, A.-M. Leroi et al. [21], sur une série consécutive de 344 patients consultants pour des troubles fonctionnels digestifs, retrouvent 40 % d’antécédents d’abus, qu’ils comparent aux 10 % retrouvés chez les patients souffrant de pathologies organiques prouvées (cf. article spécifique). Douleurs pelviennes et périnéales L’ensemble des auteurs s’accorde à penser qu’il existe une corrélation forte entre les antécédents d’abus sexuels et les douleurs pelviennes chroniques [22]. Le consensus est moins clair en ce qui concerne les douleurs strictement périnéales. Ainsi Gordon et al. [23], dans une étude portant sur 428 patientes fréquentant les forums Internet sur les douleurs vulvaires, retrouvent souvent une comorbidité 277 associée (FM, troubles fonctionnels digestifs, hypersensibilité vésicale), mais ne retrouvent pas de corrélation avec les antécédents d’abus sexuels. De même, Dalton et al. [24], dans une étude castémoins comparant des femmes consultant pour des vestibulodynies (n = 242) et des femmes consultant pour d’autres problèmes gynécologiques, ne retrouvent pas de corrélation entre antécédents d’abus sexuels et douleurs vulvaires. Enfin, Bodden-Heidrich et al. [25] montrent, dans une étude qui compare chez la femme douleurs pelviennes chroniques (n = 106), douleurs vestibulaires (n = 24) et un groupe témoin (n = 24), une fréquence significativement plus importante d’abus sexuels dans le groupe douleurs pelviennes chroniques seulement, et de dépression dans les groupes douleurs pelviennes chroniques et douleurs vulvaires. Les douleurs pelvi-périnéales chroniques sont possiblement la résultante, de façon non exclusive, de phénomènes psychiques. Toutefois, l’importance de l’impotence fonctionnelle induite (position assise, élimination, procréation, plaisir) et les tabous qui sont attachés à cette partie de notre anatomie font de ces douleurs d’excellents pourvoyeurs de troubles psychiques divers tels qu’anxiété ou dépression. En d’autres termes, les douleurs pelvi-périnéales chroniques sont peut-être des maladies psychosomatiques, elles sont sûrement des maladies somatopsychiques, et vraisemblablement les deux. La fréquence et l’universalité du phénomène regroupé sous le vocable agression sexuelle, son caractère volontiers non mentionné, les contextes culturels en évolution (changement sociétal de la signifiance de la douleur, changement sociétal de la signifiance de l’agression sexuelle), la fréquence du phénomène douleurs pelviennes, les flous qui entourent certaines définitions syndromiques rendent les études difficiles à réaliser et les biais fréquents. La gravité de l’abus (pénétration, violence) est un facteur majorant le risque de douleurs pelviennes chroniques, autant que la précocité des abus (avant 15 ans), leurs répétitions, ou surtout l’effroi, la sensation de détresse ressentie au moment des actes délictueux [26]. Il est bien entendu que la gravité de l’acte majore ce risque d’effroi et de détresse, et donc le risque d’EPTS. De façon assez curieuse, le problème des douleurs périnéales strictes est relativement différent des douleurs pelviennes strictes, avec un nombre restreint d’études spécifiques et des études qui ne retrouvent pas les corrélations attendues. On peut émettre trois hypothèses : – des définitions syndromiques floues permettant d’englober dans les groupes douleurs pelviennes, des douleurs périnéales. Ces dernières n’apparaissant pas en tant que telles dans les groupes témoins ; – des syndromes souvent associés, par exemple hypersensibilité vésicale, névralgie pudendale et colopathie fonctionnelle, rendant les groupes d’études inhomogènes ; – une physiopathologie différente faisant intervenir les systèmes nerveux différents, responsables respectivement de l’innervation viscérale et de l’innervation somatique : végétatif et singulièrement sympathique pour les douleurs pelviennes, et plus somatique pour le périnée (nerfs pudendal, cutané postérieur de la cuisse, ilio-inguinal et génito-fémoral). Le stress génère avant tout un dysfonctionnement du système nerveux autonome et peut-être des sensibilités viscérales. Cette hypothèse, qui reste une hypothèse, permet d’expliquer entre autres les associations syndromiques. En outre, elle permet d’expliquer le fait que les douleurs pelviennes chroniques sont plus souvent associées à des douleurs diffuses type fibromyalgie que les douleurs périnéales [26]. La prise en charge d’un patient douloureux du pelvis et victime d’une agression sexuelle antérieure Par-delà l’indispensable analyse sémiologique qui permettra de mieux comprendre les mécanismes sous-jacents à l’expression du symptôme/maladie douleur chronique, l’abord d’un douloureux chronique du pelvis comportera toujours une empathie, une disponibilité, une compréhension qui permettront au patient de se sentir en sécurité pour exprimer son ressenti et éventuellement son passé. Cette notion de sécurité du temps présent est essentielle pour aborder les douloureux chroniques en général et ceux du pelvis en particulier. Des mesures spécifiques La connaissance d’un antécédent d’abus sexuel chez un patient présentant une douleur pelvi-périnéale chronique incite à des mesures spécifiques : – sécuriser le temps présent, ce qui signifie surtout être apte à recevoir des confidences, être capable de protéger le patient. Reconnaissance de l’agression comme de la douleur, reconnaissance des symptômes pour ce qu’ils sont, c’està-dire possiblement un mécanisme de défense inadapté ; – y penser, reconnaı̂tre la maltraitance, accueillir, orienter, traiter, prendre en considération la souffrance du patient tout au long du parcours, ainsi que celle de son entourage (conférence de consensus novembre 2003) [1] ; – ne pas considérer le patient agressé comme uniquement une victime mais comme un patient. À la manière de ces femmes citées par Y. Dolan : « Le viol, c’est ce que j’ai vécu, pas ce que je suis » [2] ; – ne pas oublier que si les symptômes douloureux sont, pour partie, l’expression d’une hypersensibilité à la douleur ou d’un seuil nociceptif bas (colopathie fonctionnelle, fibromyalgie), une authentique pathologie organique peut 278 s’exprimer par une douleur, peut-être même de façon plus précoce ou plus intense qu’habituellement ; – évaluer l’ESPT au moyen d’échelles spécifiques validées comme le MINI (mini international neuropsychiatric interview french version). Il s’agit d’un entretien structuré comportant plusieurs modules explorant entre autres les diagnostics de dépression majeur, d’anxiété généralisée et de syndrome de stress posttraumatique, qui peut être utilisé de façon aisée au prix d’une formation courte [27] ; – considérer que les phénomènes d’hypersensibilisation s’autoentretiennent, voire peuvent s’autonomiser, à l’image du deutoneurone de la corne postérieure de la moelle soumis à de trop fortes stimulations. Il devient ainsi aisé de comprendre que traiter la « cause » de la douleur, psychique ou somatique, peut être insuffisant pour diminuer la souffrance du patient. Se focaliser exclusivement sur l’aspect psychiatrique peut revenir à laisser le renard dans le poulailler. Plusieurs thérapeutiques spécifiques peuvent ainsi s’appliquer pour la prise en charge de l’agression sexuelle. Elles ont fait l’objet d’écrits et de publication remarquables [1,2]. Les principes Ils sont : – sécuriser le temps présent ; – reconnaı̂tre le traumatisme ; – reconnaı̂tre le statut de victime sans résumer la personne à ce statut ; – redonner une part de contrôle au patient ; – éviter les situations pouvant être des starters pour réactiver des situations antérieures : perte de contrôle (allongée, nue, sur une table d’examen...) [28] ; les agressions (examen brutal...) ; autres inconnues odeurs, bruits... Les moyens principaux Ils sont, outre une indispensable attitude d’ouverture et d’empathie : – les traitements médicamenteux, – les thérapies sont nombreuses et concernent 15 molécules et 9 classes thérapeutiques (pour les études randomisées en double aveugle). Les principales classes thérapeutiques recommandées sont : les antidépresseurs : – tricycliques et IMAO, qui ne font plus partie des recommandations dans cette indication, – inhibiteurs spécifiques de la recapture de la sérotonine en première intention ; les antiépileptiques, carbamazépine, topiramate, gabapentine. – Les abords psychothérapiques : Ils sont nombreux, efficaces. Il faut noter que certaines techniques (hypnose) souffrent du fait que la méthodologie classique (double-aveugle, randomisation, Tableau I. Les différents niveaux de preuve des abords psychothérapiques, selon les Recommandations de l’ANAES Techniques thérapeutiques Thérapie Thérapie EMDR Hypnose Thérapie Thérapie cognitivo-comportementale psychodynamique familiale de groupe ANAES A B A/B C E C interpersonnalité) est peu applicable dans leur domaine. En voici les différents niveaux de preuve selon les recommandations de l’ANAES (Tableau I). – L’aspect judiciaire : Il apparaı̂t nécessaire, dans le cadre du grand bouleversement émotionnel que constitue la révélation d’une maltraitance sexuelle, que les réponses soient clairement organisées, clairement différenciées (médicale et judiciaire). La conférence de consensus de psychiatrie opte pour une prise en charge somato-psycho-psychiatrique précédant autant que faire se peut la prise en charge judiciaire [1]. Prise en charge globale Il existe, malgré les doutes exprimés plus haut, une corrélation forte entre les antécédents d’abus sexuels et les séquelles douloureuses pelviennes [22], sans que l’on ait apporté la preuve de cette relation dans le cadre des douleurs strictement périnéales. Cette relation est complexe et fait probablement intervenir des mécanismes variés qui s’intriquent entre eux. Il est fréquent que s’associent aux douleurs pelviennes d’autres symptomatologies (colopathie fonctionnelle, fibromyalgie, syndrome posttraumatique, conduite addictive, vie sexuelle et sentimentale perturbées) en cas d’antécédents d’agressions sexuelles, et les traitements devront donc aborder tous ces aspects symptomatiques. Il est probable que les douleurs chroniques en relation avec une agression sexuelle soient plus en rapport avec le syndrome de stress posttraumatique induit qu’avec l’acte lui-même. La prise en charge de telles situations est par nature complexe : – que cela soit dans la relation médecin-malade, où la discrétion du praticien, son désir d’éviter les intrusions inopportunes le disputent à l’impérieuse nécessité du respect des droits de tout patient à être protégé, à être soutenu, à maintenir son intégrité physique et psychique ; – que cela soit dans le cadre d’un travail médical transdisciplinaire (organicien, algologue, psychiatre, et plus largement équipe soignante), dont la difficulté de mise en place est réelle et majorée par l’actuelle nomenclature des actes médicaux. Ces consultations demandent du temps et de la sérénité, à la manière du problème des migraines et des céphalées, qui constitue 279 lui aussi un enjeu de santé publique et est responsable d’importantes altérations de la qualité de vie [29] ; – que cela soit dans le cadre du nécessaire travail global (médical, social, judiciaire). Conclusion Le patient qui présente une douleur pelvi-périnéale chronique ayant des antécédents d’abus sexuels formule une demande précise : la résolution de sa douleur. La notion d’abus sexuel ne changera pas, à court terme, la prise en charge de la plainte du patient. Ainsi, la plainte douloureuse du patient doit être toujours au centre du débat. La thérapeutique qui validera cette plainte pourra diminuer les facteurs d’accentuation de la pathologie et autorisera peut-être une prise en charge spécifique des conséquences de l’agression sexuelle. À l’image du traitement du syndrome douloureux régional complexe (algodystrophie), le but est la restauration de la fonction, et le moyen premier la diminution de la symptomatologie douloureuse. L’acceptation de l’aide psychothérapique prend du temps, et seul le patient est apte à savoir quel est le prix à payer pour réussir ce traitement. Il est donc maı̂tre du moment de la révélation, et de l’acceptation du traitement [20]. À charge pour le médecin référent, ou l’équipe référente, ou le réseau référent d’être attentif, ouvert et disponible pour l’accompagner et lui proposer les solutions thérapeutiques adaptées au moment ad hoc. La validation du caractère local de la plainte initiale, son traitement spécifique (exemple : infiltration) permet, outre son intérêt thérapeutique propre (cf. supra), que le patient soit entendu et respecté dans sa demande. Cette compréhension, qui s’étend au cercle sociofamilial proche, crée un climat propice pour aborder toutes les solutions permettant au patient d’améliorer sa situation actuelle, y compris les possibles conséquences d’un acte(s) stressant(s) antérieur(s). Cette attitude permet de proposer au patient une prise en charge psychiatrique complémentaire et associée aux autres moyens thérapeutiques, au moment où il le souhaite, où il peut l’assumer. Et non pas en dernier recours, lorsque les organiciens constatant leur impuissance énoncent l’accablant verdict : « On a tout essayé, allez voir un psychiatre. » Il paraı̂t illusoire et peut-être dangereux de penser qu’un seul individu puisse assumer le diagnostic, et les traitements optimaux (somatique et psychique) [2]. Les agressions sexuelles constituent un phénomène fréquent dans nos sociétés, leurs conséquences douloureuses représentent un enjeu de santé publique en raison de l’importance des impotences fonctionnelles induites. Au niveau médical, elles imposent une organisation complexe, qui ne peut fonctionner sans la participation active et volontaire des principaux acteurs. Références 1. 7e conférence de consensus de la Fédération française de psychiatrie (novembre 2003) Conséquences des maltraitances sexuelles. Les reconnaı̂tre, les soigner, les prévenir 2. Dolan YM (2003) Guérir de l’abus sexuel et revivre. Ed Satas, Bruxelles 3. 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Lors de la prise en charge des patients, il est important de ne pas méconnaı̂tre un tel antécédent car : – découvrir un antécédent d’agression sexuelle permet de mieux comprendre la problématique du patient, de démasquer des symptômes « demande d’aide » et d’orienter sa prise en charge vers des thérapies plus adaptées telles que les thérapies comportementales ; – cela permet de limiter l’importante consommation de soins observée très fréquemment chez ces patients. L’existence d’un anisme, et/ou d’une commande volontaire périnéale absente, et/ou d’un trouble de la sensibilité rectale (alors qu’il n’existe aucune lésion anatomique ou neurologique) à la manométrie anorectale, chez des patients souffrant de constipation associée à des douleurs abdominales et ayant de multiples antécédents médico-chirurgicaux, doit amener le médecin à se poser la question d’un antécédent d’agression sexuelle. Chez ces patients, les thérapies comportementales telles que le biofeedback offrent une opportunité thérapeutique aidant le patient à faire le lien entre le passé et les symptômes présents. Mots clés : Abus sexuels – Anisme – Troubles fonctionnels intestinaux anismus, the loss of voluntary contraction of the anal sphincter, or a rectal sensation disorder (when there are no anatomical or neurological lesions) revealed by anorectal manometry in patients with constipation associated with abdominal pain and who have numerous medical-surgical antecedents must lead the examining physician to determine if there is antecedent sexual abuse. In the case of gastrointestinal disorders related to sexual abuse, behavioural therapies, such as biofeedback, offer a therapeutic opportunity to help the patient establish links between the present symptoms and the past. Keywords: Sexual abuse – Anismus – Gastrointestinal disorders Introduction Plusieurs études ont souligné l’importance des facteurs psycho-sociologiques non seulement dans la survenue de troubles fonctionnels intestinaux, mais également dans leur sévérité et leur évolution [1]. Parmi ces facteurs, les événements de vie tels que le deuil, les difficultés conjugales ou professionnelles, mais également les antécédents d’agression physique ou sexuelle, sont les plus fréquemment rencontrés. Anorectal functional disorders subsequent to sexual abuse Quelle fréquence des abus sexuels chez les patients avec des troubles fonctionnels intestinaux (TFI) ? Abstract: Sexual abuse is very often observed in patients with gastrointestinal disorders. It is important to follow up on such antecedents because: – discovering antecedent sexual abuse makes it possible to gain better understanding of the patient’s condition, uncover ‘‘cries for help’’, and direct the patient towards more appropriate treatments, such as various behavioural therapies; and – it can reduce the significant health care utilisation observed among these patients. The existence of Drossman et al. [2] ont rapporté les premiers en 1990, l’importance des abus sexuels parmi les événements de vie rencontrés chez les patients souffrant de TFI (ballonnements, douleurs abdominales, troubles du transit...) : plus de 40 % des patientes interrogées souffrant de TFI rapportaient des antécédents d’attouchements sexuels, de menace de viol ou de viols. Ces résultats ont été confirmés par des études ultérieures effectuées aux États-Unis [3] puis au Canada [4]. Aux États-Unis, l’envoi systématique de questionnaires a Correspondance : E-mail : [email protected] 282 permis de démontrer que la fréquence des antécédents d’agression sexuelle était deux fois plus élevée chez les patients souffrant de TFI que chez ceux n’en souffrant pas (50 % versus 23,3 %) [3]. Au Canada, une enquête effectuée auprès de 344 patientes par un interrogatoire standardisé a montré une prévalence de 40 % [4]. Enfin, la même prévalence a été retrouvée en France [5]. Les antécédents d’agression sexuelle concernent essentiellement les pathologies fonctionnelles digestives puisqu’ils sont trois à quatre fois plus fréquents en cas de pathologie digestive fonctionnelle qu’en cas de pathologie organique [4]. Toutes ces études démontrent une prévalence élevée des antécédents d’agression sexuelle chez les patients souffrant de TFI vus par des gastro-entérologues dans des centres tertiaires spécialisés. On peut se demander s’il n’existe pas un biais de recrutement dans ces différentes études, lié, par exemple, à un investissement prédominant dans la pathologie fonctionnelle ou à une approche particulière de la prise en charge des TFI dans des centres hyperspécialisés. Cela ne semble pas être le cas puisque l’étude canadienne montre la même prévalence des antécédents d’agression sexuelle chez des patients interrogés dans un centre spécialisé universitaire et dans un cabinet libéral de gastro-entérologie [4]. Quelles sont les pathologies fonctionnelles digestives les plus concernées par ce type d’antécédents ? Parmi les symptômes fonctionnels, les TFI s’accompagnent 4 fois plus souvent d’antécédent d’agression sexuelle que les pathologies fonctionnelles digestives hautes telles que le reflux gastro-œsophagien ou la dyspepsie [4]. Un lien entre dyspepsie et antécédents d’agression sexuelle a cependant été établi par Talley et al. [3] qui ont observé deux fois plus d’antécédents chez les patients dyspepsiques (42 %) comparés aux autres (21,4 %). Des antécédents d’agression sexuelle ont également été retrouvés de façon fréquente chez les patients consultant pour reflux gastro-œsophagien, mais chez un nombre limité de patients [6]. Dans notre pratique, il semble que les antécédents d’agression sexuelle sont beaucoup plus fréquents en cas de TFI qu’en cas de dyspepsie. Pourquoi rechercher un antécédent d’agression sexuelle ? Connaı̂tre l’existence d’un tel antécédent a deux justifications. La première raison est la responsabilité potentielle de l’antécédent dans la genèse des symptômes, ce qui influencera la prise en charge des patients. Bien qu’il ne soit pas facile de démontrer une relation entre les antécédents d’agression sexuelle et les TFI, il est raisonnable de penser que l’antécédent d’agression sexuelle contribue à la survenue des TFI, lorsqu’il existe une relation chronologique entre la survenue de l’antécédent et l’apparition des symptômes. La deuxième raison qui devrait conduire à rechercher cet antécédent d’agression sexuelle, est la multiplication des investigations invasives et des actes chirurgicaux chez les patients victimes d’agression sexuelle [7]. Il ne s’agit pas de suggérer que la notion d’agression sexuelle devrait remettre en cause le bien-fondé des indications des explorations et de la chirurgie chez les patients. Cependant, une fréquence élevée d’examens et d’actes chirurgicaux chez un même patient souffrant de TFI doit éveiller l’attention du médecin. Hormis ces deux raisons qui peuvent conduire à rechercher un antécédent d’agression sexuelle, la persistance des consultations en dépit d’une amélioration symptomatique peut rendre attentif à une telle éventualité. Un temps de transit des marqueurs peu perturbé, en dépit d’une plainte de constipation très sévère, peut également éveiller l’attention. En quelque sorte, les victimes d’agression sexuelle peuvent se présenter comme de « faux malades » (ils n’ont strictement rien !), mais comme de vrais patients réclamant une aide. Découvrir un antécédent d’agression sexuelle permet d’éviter une incompréhension et de rétablir un climat de confiance dans la relation médecin-malade. Existe-t-il des signes cliniques évocateurs d’antécédents d’agression sexuelle ? Les douleurs abdominales sont observées chez environ 75 % des patients avec TFI ayant des antécédents d’agression sexuelle [4]. Mais elles ne sont pas significativement plus fréquentes comparés aux patients ayant des TFI sans antécédent d’agression sexuelle. Au contraire, les douleurs pelviennes, bien que plus rares en cas d’agression sexuelle (16 %), sont plus fréquentes qu’en l’absence d’antécédent (6 %) [4]. Cela peut peutêtre expliquer la prévalence élevée des hystérectomies chez ces patientes. Les troubles du transit sont significativement plus fréquents en cas d’antécédents d’agression sexuelle, qu’en l’absence de cet antécédent [4]. La constipation est le symptôme le plus fréquent, parfois sévère, avec des ralentissements objectifs du temps de transit des marqueurs supérieur à 120 heures. La constipation s’accompagne parfois de ballonnements abdominaux très importants. La diarrhée est moins souvent rapportée que la constipation, mais comme la constipation, elle est plus fréquente en cas d’antécédent d’agression sexuelle qu’en l’absence d’antécédent [4]. Elle s’accompagne parfois d’incontinence, sans que la fréquence de ce dernier symptôme ne soit différente en fonction de la présence ou non d’antécédent d’agression sexuelle. Des symptômes autres que ceux rapportés aux TFI, tels que l’asthénie, les céphalées, les douleurs dorsales et thoraciques, les problèmes oculaires, sont également plus fréquemment rapportés chez les patients en cas d’antécédent d’agression sexuelle qu’en l’absence d’antécédent [7]. Sur le plan psychiatrique, l’évaluation systématique faite par le psychiatre consultant de notre groupe n’a jamais mis en évidence de pathologie psychiatrique, mais révélé un 283 niveau d’angoisse important dans la majorité des cas, amenant à la prescription d’un traitement adapté. Existe-t-il des anomalies physiologiques évocatrices d’antécédents d’agression sexuelle ? Parmi les anomalies physiologiques les plus fréquemment rencontrées chez les patients présentant des antécédents d’agression sexuelle, on retiendra : L’anisme C’est-à-dire une contraction paradoxale du sphincter anal externe pendant les efforts de défécation, confirmée à plusieurs reprises. Le diagnostic peut être fait à l’aide d’une manométrie ano-rectale ou d’un électromyogramme du sphincter anal. L’anisme s’accompagne fréquemment d’une diminution d’amplitude des réflexes recto-anaux inhibiteurs, due à une contraction striée concomitante. Dans notre expérience, tout patient souffrant de TFI et présentant un anisme n’a pas forcément été victime d’agression sexuelle, mais les patients victimes d’agression sexuelle et consultant pour TFI présentent de façon très constante un anisme [8]. Absence de contraction volontaire En dehors de l’anisme, nous avons observé une absence de contraction volontaire du sphincter anal externe, malgré une échographie endo-anale normale et des examens électrophysiologiques du périnée normaux. La contraction volontaire réapparaissait après biofeedback et psychothérapie [9]. Troubles de la sensibilité rectale Des troubles de la sensibilité rectale ont également été observés, de façon transitoire, comme pour l’absence de contraction volontaire. La mise en évidence de ces anomalies est utile au plan physiopathologique. En effet, l’anisme et le trouble de la sensibilité rectale peuvent contribuer à expliquer la constipation. L’absence de contraction volontaire peut rendre compte d’une incontinence anale. Mais dans ce contexte particulier, ces anomalies paraissent surtout offrir la possibilité de proposer une prise en charge somatique aux patients en attendant qu’ils soient prêts à envisager une prise en charge psychologique [10]. Quelle prise en charge ? Parce qu’il paraı̂t évident que l’existence d’un antécédent d’agression sexuelle chez des patients présentant des TFI nécessite une prise en charge psychologique, le médecin, qui a connaissance de cet antécédent, propose souvent d’emblée une prise en charge par un psychiatre ou psychologue. Il se heurte très souvent à un refus du patient. Selon les cas, il peut s’agir d’un refus du lien entre agression sexuelle et symptômes ou d’un refus de la souffrance que va provoquer la réémergence de l’agression sexuelle que les patients ont souvent passé des années à « oublier ». Le médecin se retrouve alors devant une situation paradoxale. Il a mis en évidence l’élément majeur à traiter pour aider le patient (l’antécédent d’agression sexuelle), il sait que l’amélioration passera par une psychothérapie, mais il doit attendre que le patient soit prêt à l’entendre. Des traitements tels que le biofeedback anal vont permettre à certains patients de sortir de cette impasse thérapeutique [10]. Chez des patients présentant des troubles fonctionnels intestinaux et ayant été victimes d’agression sexuelle, la présence d’un anisme va permettre de proposer un biofeedback qui sera, le plus souvent, parfaitement accepté par les patients car il constitue une réponse somatique (correction d’une anomalie manométrique) à une plainte somatique (la constipation). Le biofeedback va consister à effectuer une rééducation périnéale de l’anisme à l’aide d’un signal visuel. Mais, dans ce contexte, le biofeedback se rapprochera surtout d’une thérapie comportementale. L’anomalie devient le signal physiologique vecteur d’une communication non verbale en attendant que la psychothérapie soit acceptée. Conclusion Les antécédents d’agression sexuelle sont fréquents chez les patients consultant pour TFI. Il ne faut pas croire que la connaissance d’un tel antécédent chez un patient transforme radicalement la prise en charge. La connaissance d’un tel antécédent retentit sur la relation médecin-malade, car les symptômes doivent alors être considérés comme une demande d’aide. Mais l’acceptation d’une prise en charge psychologique après la révélation d’un antécédent d’agression sexuelle demande du temps. Références 1. Drossman DA (1999) Do psychosocial factors define symptom severity and patients status in irritable bowel syndrome? Am J Med 107: 41S-50S 2. Drossman DA, Leserman J, Nachman G, et al. (1990) Sexual and physical abuse in women with functional or organic gastrointestinal disorders. Ann Intern Med 113: 828-33 3. Talley NJ, Fett SL, Zinsmeiter AR, et al. (1994) Gastrointestinal tract symptoms and self-reported abuse: a population based study. Gastroenterology 107: 1040-9 4. Leroi AM, Bernier C, Watier A, et al. 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L’existence d’un lien de causalité repose sur le suivi des patients, sur les enquêtes de fréquences des troubles selon les populations abusées et les populations de références et sur l’histoire personnelle de chaque patient. Les symptômes cliniques en cause peuvent paraı̂tre banals, certains sont plus évocateurs (énurésie secondaire, symptômes d’hyperactivité vésicale, rétention urinaire...) mais c’est surtout le contexte général (état de stress posttraumatique) et symptomatique (association à une encoprésie chez l’enfant, pseudo-dyssynergie vésicosphinctérienne...) qui attire l’attention. Globalement, le contexte peut être celui d’un syndrome de « fermeture » : dysurie, rétention, encoprésie, vaginisme, ou celui d’un syndrome « émotionnel », de stress, de désinhibition avec un syndrome d’hyperactivité vésicale, des troubles fonctionnels intestinaux, un syndrome fibromyalgique, pouvant même parfois prendre le masque d’une vessie neurologique. La prise en charge thérapeutique n’est pas codifiée, mais reste avant tout symptomatique du trouble vésico-sphinctérien. La prise en charge psychothérapeutique spécifique ne peut être proposée que lorsque le patient y est prêt et le rôle du thérapeute est donc de lui suggérer les liens possibles et les possibilités d’un accompagnement thérapeutique. Mots clés : Abus sexuel – Syndrome de Hinmann – Troubles vésico-sphinctériens Bladder-sphincter dysfunction and sexual abuse Abstract: Patients who have experienced sexual abuse can present with bladder-sphincter dysfunction immediately after the abuse, as well as at a later time. When confronted by somewhat unusual urinary disorders, physicians must evaluate the possibility of antecedent Correspondance : E-mail : [email protected] 2 Service d’Urologie, CHU de Nantes, 85, rue Saint-Jacques, sexual abuse. Uncovering the existence of a causal link depends on patient follow-up, assessment of the frequency of disorders according to the abused and reference populations, and the personal history of each patient. Although clinical symptoms may appear common and non-serious, certain elicit more concern (secondary enuresis, overactive bladder, urinary retention, and so on). Most importantly, however, it is the overall context (post-traumatic stress disorder) and symptoms (association with childhood encopresis and pseudo-bladder sphincter dyssynergia, for example) that should spark attention. Overall, the context can be a ‘‘closure’’ syndrome: dysuria, retention, encopresis, vaginismus, a psychological syndrome, stress, disinhibition accompanied by overactive bladder, intestinal disorders, fibromyalgia syndrome, or sometimes even neurogenic bladder. Therapeutic management has not been codified, but remains symptomatic of bladdersphincter dysfunction. Special psychotherapy must only be pursued when the patient is ready, and the role of the therapist must, therefore, be to suggest possible links and determine a therapeutic approach. Keywords: Sexual abuse – Hinman syndrome – Bladder-sphincter dysfunction Introduction La fréquence des abus sexuels, bien connue actuellement, fait qu’il est toujours difficile d’établir un lien entre des troubles vésico-sphinctériens que l’on pourrait considérer comme banals et la découverte d’un antécédent d’abus. Les troubles urinaires constatés dans les suites immédiates d’un abus témoignent de l’état de stress posttraumatique induit, leur persistance ou leur résurgence seront des motifs de consultations ultérieures. La prise en charge sera fonction du contexte : suivi d’un patient abusé, patient présentant un trouble urinaire déroutant et inexpliqué, comportement général du patient. 286 L’existence d’un lien entre trouble vésico-sphinctérien et antécédent d’abus sexuel Les enfants victimes d’abus sexuels sont susceptibles de présenter des troubles vésico-sphinctériens secondaires. Le suivi de 150 de ces enfants [1] montre que 14 % des 120 filles se plaindront de troubles vésico-sphinctériens divers, 28 % des garçons présenteront une énurésie, ce qui semble beaucoup plus significatif. Davila [2] compare deux populations, un groupe de femmes abusées sexuellement et un groupe-témoin du même nombre de femmes. L’âge moyen des femmes abusées tend à être inférieur (41,5 ans +/– 9.1) par rapport à celui du groupe-témoin (47,8 ans +/– 18,5). Il n’existe pas de différence de parité entre les deux groupes. Parmi les femmes abusées, 72 % rapportent une expérience d’incontinence urinaire contre seulement 22 % parmi les femmes non abusées ; des phénomènes rétentionnistes (bas débit, perceptions de plénitude vésicale...) sont également plus fréquents dans le groupe des femmes abusées. D’autres types d’abus, comme les abus physiques ou le harcèlement moral, peuvent aussi favoriser la survenue de signes urinaires [3]. Parmi les consultants d’urologie, il n’existe pas d’étude ayant recherché de façon systématique la possibilité d’antécédents d’abus sexuels. Ellsworth [4] rapporte avoir découvert 18 cas de patients (d’un âge moyen de 20 ans : 6 – 65 ans) dont les troubles vésico-sphinctériens avaient débuté dans les suites d’un abus sexuel (16 femmes et 2 hommes). La majorité des abus avait eu lieu entre l’âge de 3 et 8 ans. La première consultation d’urologie concernant les patients pédiatriques avait été réalisée 2 à 9 ans après l’abus, malgré l’apparition immédiate puis la persistance de la symptomatologie urinaire. Ces 18 cas sont à rapporter aux 300 patients consultant pour des troubles mictionnels et vus pendant la même période (3 ans). Le taux de 6 % d’abus ne semble pas supérieur au taux constaté dans la population générale, mais l’antécédent d’abus sexuel n’avait pas été recherché de façon systématique chez tout consultant et n’a donc aucune valeur. En revanche, la chronologie d’installation des symptômes plaide en faveur d’un lien de causalité, les symptômes urinaires persistent après l’arrêt de l’abus. Les situations cliniques L’infection urinaire récidivante Parmi les troubles urinaires présentés par les patients victimes d’abus sexuel, l’infection urinaire est fréquente [5]. Dans l’étude d’Ellsworth [4], 12 patients sont vus pendant l’enfance dont 42 % présentent des infections urinaires, 6 sont vus à l’âge adulte dont 50 % présentent des infections urinaires. Parmi les femmes signalant des infections du tractus urinaire, un antécédent d’abus dans l’enfance est observé chez plus d’un quart d’entre elles et un antécédent d’abus au sein du couple chez plus de 15 % [6]. Ces résultats sont significativement différents de ceux qui concernent des femmes non abusées déclarant un antécédent d’infection urinaire : plus de 12 % de femmes représentatives de la population féminine des États-Unis y déclarent un antécédent d’abus sexuel et une femme sur dix rapporte un abus physique de la part du conjoint au cours de l’année précédente. La dysurie et la rétention urinaire inexpliquée Dans une étude concernant 428 enfants victimes d’abus sexuels [5], une prévalence de 25 % de dysurie était notée à 1 à 3 semaines de suivi après l’examen initial. Cette dysurie est décrite selon trois aspects [7] : une vidange « saccadée » avec des décharges d’activité du plancher pelvien, une vidange prolongée et un possible résidu postmictionnel ; une vidange « interrompue » avec une mauvaise vidange vésicale réalisée au cours de mictions rares et polyphasiques ; une vessie « paresseuse » avec des mictions rares et une capacité vésicale élevée. Pour Susset [8], l’étiologie la plus fréquente des rétentions psychogènes est en rapport avec un antécédent d’abus sexuel devant la dépression, l’hystérie et les autres facteurs d’inhibition en rapport avec une pathologie de l’éducation. On peut cependant considérer que tous ces facteurs ne sont pas indépendants les uns des autres. L’énurésie secondaire L’énurésie secondaire chez l’enfant ou persistante à l’âge adulte est sans doute la manifestation la plus fréquente observée après un abus. Parmi les troubles urinaires présentés par les patients victimes d’abus sexuel, 82 % ont une énurésie diurne ou nocturne [4]. Le suivi des enfants victimes d’abus montre la persistance d’une énurésie chez 28 % des 428 enfants suivis par Klevan [5] ; ces chiffres sont confirmés par Bloom puisque, sur 30 garçons victimes d’abus et suivis, 30 % restent énurétiques [1]. Le syndrome d’hyperactivité vésicale L’incontinence urinaire des femmes abusées, décrite dans l’article de Davila [2] correspond à une incontinence urinaire par urgenturie. Vingt-quatre pour cent d’enfants victimes d’abus présentent une pollakiurie persistante après 1 à 3 semaines de suivi après l’examen initial [7]. Le syndrome de Hinmann Le syndrome de Hinman [9,10] est suffisamment déroutant pour faire discuter aussi bien une maladie neurologique « occulte » d’où son appellation de « vessie 287 neurogène non neurogène », qu’une anomalie comportementale éventuellement induite par un abus [11]. Il s’agit d’un syndrome caractérisé uniformément par : – sa survenue chez des garçons vers l’âge préadolescent ; – une incontinence urinaire diurne et nocturne et une encoprésie ; – des infections urinaires ; – des anomalies radiologiques allant de trabéculations vésicales à une obstruction ou un reflux urétérovésical avec dilatation du haut appareil urinaire et atteinte rénale ; – une absence de contexte neurologique objectif ; – une absence de syndrome obstructif sous-vésical objectif ; – un échec des gestes urologiques thérapeutiques ; – une personnalité psychologique défaillante ; – une amélioration par la rééducation fonctionnelle et les thérapies suggestives comme l’hypnose. La prise en charge Selon le contexte La notion d’abus est connue ou évoquée spontanément Chez l’enfant, la mise en évidence des symptômes urinaires et de l’abus sexuel passe par le recueil précis et rassurant de l’anamnèse – auprès des responsables légaux de l’enfant, mais aussi de l’enfant lui-même avec des termes adaptés [12] – la tenue d’un catalogue mictionnel et l’examen clinique génito-urinaire, anorectal mais aussi neurologique et général. Chez l’enfant abusé, l’examen physique peut être vécu avec appréhension ou, au contraire, de façon expansive ; cet examen peut être d’abord réalisé sur un jouet, une poupée, pour relaxer l’enfant [4], un exercice mathématique peut être proposé pour détourner la concentration [13]. Une sédation voire une anesthésie générale peut être nécessaire [12,13]. Les constatations de l’examen physique varient en fonction de la position (décubitus dorsal et flexion des membres inférieurs « en grenouille », « proctologique » en appui sur les genoux et la région pectorale...) qui doit être précisée dans le compte rendu. Chez la fille prépubère, l’examen gynécologique avec un spéculum n’est pas nécessaire à moins d’un saignement vaginal actif inexpliqué [13] ; à cet âge, la zone hyménéale est sensible à l’examen et un gel anesthésique peut être utilisé. Certaines techniques ont été décrites avec l’emploi d’une sonde de Foley intravaginale ou un otoscope pour favoriser l’examen clinique [12,13]. La prise en charge diagnostique puis ultérieure relève d’une équipe multidisciplinaire [11]. Les constatations cliniques doivent être décrites très précisément, au mieux dessinées, non interprétées par un praticien non expert de l’abus sexuel. Un examen clinique normal n’exclut pas un antécédent d’abus sexuel, même avec pénétration [13]. Chez l’adulte, la notion d’abus est parfois déjà connue ou formulée spontanément par le patient. Il arrive également qu’il soit déjà ou qu’il ait été pris en charge en psychothérapie pour des troubles secondaires à un abus. La question pourrait alors être de savoir s’il existe un lien de causalité entre les troubles urinaires et l’abus, et la réponse ne sera sans doute jamais formelle, mais probabiliste, notamment si les troubles ont débuté dans les suites immédiates de l’abus. Il est de toute façon probable que cela ne changera pas la prise en charge ultérieure qui restera symptomatique. Pour les patients n’ayant jamais été pris en charge de façon spécifique, le symptôme urinaire pourra être l’occasion d’un début de dialogue initiateur d’une prise en charge plus spécifique secondaire. Le patient présente un trouble urinaire déroutant et inexpliqué Chez l’adulte, une façon d’approcher l’antécédent d’abus sexuel est de demander si, enfant, le patient présentait des épisodes d’incontinence urinaire à l’occasion d’émotions et particulièrement de peurs, la réponse positive permettant d’enchaı̂ner sur les raisons de cette peur. L’effacement des souvenirs antérieurs à l’installation des troubles urinaires dans l’enfance peut attirer l’attention en fonction de cet âge d’apparition. Certains auteurs [7] préconisent de limiter les explorations complémentaires trop invasives. Néanmoins, Ellsworth [4] constate que c’est au cours du bilan urodynamique que la révélation de l’abus a pu être formulée. Il s’agit là d’un examen qui touche à l’intimité corporelle du patient, qui nécessite une pénétration par une sonde urétrale, dure près d’une heure et conduit à rassurer et à obtenir la confiance d’un patient. Soixante dix huit pour cent des 18 patients abusés de cette étude présentent une capacité vésicale fonctionnelle normale, même si des contractions vésicales involontaires sont constatées au cours du remplissage chez 39 %. La débitmétrie de 14 de ces patients est polyphasique, 4 d’entre eux présentent un résidu postmictionnel significatif. Le bilan urodynamique peut ne pas donner d’orientation précise [14] mais certains auteurs [9,10], trouvent des tableaux sévères de dyssynergie vésico-sphinctérienne. Cet aspect dyssynergique ou pseudo-dyssynergique du bilan urodynamique – éventuellement confirmé par une augmentation de l’activité sphinctérienne par un électromyogramme [4] – est un élément du premier type de tableau rencontré qui pourrait être nommé « syndrome de fermeture, d’intériorisation ou d’antipénétration », concernant des patients en rétention d’urine avec une hypoactivité vésicale et une hypertonie sphinctérienne (souvent associées à une dyschésie ano-rectale et un vaginisme). Le second type de tableau, volontiers féminin, pour lequel le lien de causalité est plus difficile à établir, est rattaché à un bilan urodynamique d’aspect franchement neurologique avec une hyperactivité du détrusor pharmacorésistante et une hypertonie sphinctérienne, l’ensemble conduisant à discuter des solutions urogynécologiques invasives (neuromodulation des racines sacrées, agrandissement vésical...) ; ce second tableau, 288 qui pourrait être appelé « émotionnel, de stress ou d’extériorisation », est souvent associé à un syndrome de l’intestin irritable, à un syndrome fibromyalgique. Ainsi donc, un schéma « physiopathologique » pourrait considérer que l’état de stress posttraumatique secondaire à l’abus est à l’origine d’une hyperactivité du détrusor, celle-ci survenant chez un enfant peut avoir des conséquences pérennes. Elle favorise les efforts de retenue répétés, l’hypertonie sphinctérienne urétrale, la pseudo-dyssynergie, l’obstruction fonctionnelle et ainsi le cercle vicieux de l’hyperactivité du détrusor, pouvant conduire à de véritables syndromes de lutte. Ainsi, trois patients de l’étude d’Ellsworth [4] présentaient des trabéculations vésicales sur les cystographies. Bloom fait le même type de constatations [15]. Hinman [10] décrit aussi ce syndrome radiologique de lutte vésicale, ainsi qu’une distorsion des orifices urétéro-vésicaux et une dilatation du haut appareil urinaire dont la biologie rénale permet parfois d’objectiver les conséquences fonctionnelles du haut appareil urinaire. Une IRM médullaire permet aussi d’éliminer une cause neurologique [10]. L’attitude du patient, le contexte global attire notre attention Les patients présentant des signes associés aux troubles urinaires peuvent être porteurs d’une vessie neurologique, de séquelles traumatiques ou neurologiques d’accouchement, d’un trouble de la statique pelvipérinéale, mais parfois il faudra évoquer la possibilité d’un antécédent d’abus (cf. dans cette même revue, les articles sur les troubles ano-rectaux, la douleur et les troubles sexuels). Par exemple l’association énurésieencoprésie, dysurie-anisme, l’association d’un syndrome d’hyperactivité vésicale à une fibromyalgie, à un vaginisme, etc. peuvent attirer notre attention. L’attitude paradoxale du sujet qui refuse l’examen clinique urogynécologique ou qui manifeste une attitude d’opposition lors d’un bilan urodynamique ou coloproctologique ne peut que nous alerter quant à la possibilité d’une réminiscence d’un souvenir pénible (mais il n’y a pas de corrélation entre la pénibilité de ce souvenir et la gravité de ce qui l’a induit : parfois un simple examen médical peut avoir été vécu comme une agression). La constatation d’un périnée « figé », ne se contractant pas en effort de retenue et ne se relâchant pas à la poussée ou lors de la demande de relaxation, attirera d’autant plus notre attention qu’il s’agit d’un périnée hypertonique (mais on se méfiera également de la possibilité d’une pathologie neurologique centrale). Outre l’examen physique urologique, proctologique, gynécologique et neurologique, outre l’examen en rapport avec une symptomatologie psychosomatique plus générale, certains signes locorégionaux peuvent orienter, chez l’enfant, vers une origine abusive des troubles vésicosphinctériens. Ces signes font partie des recommandations de l’Académie américaine de Pédiatrie pour confirmer un doute sur un abus sexuel : ce sont les blessures au niveau des parties intimes [4,16], des suppurations vaginales, des saignements vaginaux avant le début de la période des règles, des condylomes. Des cas de lichen scléreux et atrophique ont aussi été rapportés [17]. La constatation d’anomalies locorégionales chez un enfant conduit à demander un avis spécialisé, les parents doivent en être informés sans porter d’accusation définitive à ce stade [4,13]. Traitement La prise en charge est multidisciplinaire, mais elle commence toujours par un traitement symptomatique du trouble vésico-sphinctérien, motif de la consultation, un traitement médical (anticholinergique, alpha-bloquant...) peut être proposé à titre de test pharmacologique et suivi d’un contrôle clinique qui permet de rediscuter autour du symptôme. Il est possible aussi de proposer une rééducation périnéo-sphinctérienne. Le travail se fait notamment par biofeedback, en « contrôle » périnéal (contraction-relaxation) et non pas strictement en renforcement périnéal sur un périnée souvent déjà hypertonique, en l’absence de lésion traumatique musculo-cutanée locale. Cette rééducation périnéo-sphinctérienne se rapproche donc d’un travail comportemental plus que d’une prise en charge du post-partum. La correction de l’anomalie physiologique ne devient plus l’objectif unique, le traitement est ciblé sur le signal vecteur d’une communication initialement nonverbale et cette proposition rééducative peut permettre de temporiser en attendant que la psychothérapie soit acceptée. Un apprentissage des autosondages intermittents propres peut être indiqué pour supprimer un résidu postmictionnel délétère [10]. Si le trouble urinaire a été l’occasion de la résurgence de la notion d’abus, formulée ou sous-entendue, le praticien doit avoir une attitude d’écoute et de respect de l’intimité du patient, lui donner l’occasion, à travers un suivi ou la consultation d’autres thérapeutes, médicaux ou paramédicaux, de s’exprimer à ce sujet quand il estimera que le moment sera venu. Le praticien doit savoir « transférer » le patient chez un confrère compétent, mais ceci n’est pas toujours accepté par le patient. Cette délégation de compétence ne doit pas être interprétée comme un rejet du patient par le praticien, d’où l’importance de toujours privilégier le traitement symptomatique du trouble vésicosphinctérien. Conclusion L’existence de troubles vésico-sphinctériens est à rechercher au cours du suivi des patients ayant présenté un abus sexuel puisque, outre la prise en charge du syndrome de stress posttraumatique, il pourra être utile de proposer des mesures symptomatiques (rééducation, anticholinergiques, traitement médical d’une énurésie...). 289 Il arrive également qu’à l’occasion d’une consultation pour trouble vésico-sphinctérien, notre attention soit attirée par une histoire clinique inhabituelle, par des signes associés, par un comportement déroutant du patient. La réalisation des examens urodynamiques ou la pratique de la rééducation périnéale peut être l’occasion de la formulation ou de la suggestion de l’antécédent d’abus. L’attitude du thérapeute évitera d’être intrusive, mais devra être centrée sur l’écoute du patient et la proposition d’un traitement symptomatique du trouble urinaire puisque c’est avant tout sa demande, l’objectif sera aussi de faire comprendre au patient qu’il a un passé et que, s’il le souhaite, une prise en charge plus spécifique sera toujours possible. Références 1. Bloom DA, Knechtel J, Steinberg M (1988) Urological manifestations of sexual abuse. J Urol 139: 184A, abstract 85 2. Davila GW, Bernier F, Franco J, et al. (2003) Bladder dysfunction in sexual abuse survivors. J Urol 170: 476-9 3. Johnson JK, John R, Humera A, et al. (2006) The prevalence of emotional abuse in gynaecology patients and its association with gynaecological symptoms. Eur J Obst Gyn and Repr Biol 4. Ellsworth PI, Merguerian PA, Copening ME (1995) Sexual abuse: another causative factor in dysfunctional voiding. J Urol 153: 773-6 5. 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Audrain-Servillat 22, rue de la Bouquinière, Équipe mobile de soins palliatifs, hôtel Dieu, CHU de Nantes, 44093 Nantes Résumé : Lorsqu’elles viennent consulter un professionnel de la psychothérapie, les personnes ayant subi un ou plusieurs abus sexuels peuvent présenter différents types de troubles qui vont du syndrome de stress posttraumatique en passant par la douleur aiguë ou chronique, une dévalorisation d’elles-mêmes, des comportements sexuels qui les mettent en danger, mais aussi des comportements agressifs envers elles-même comme l’anorexie, la boulimie ou l’automutilation. Le chemin est parfois long pour les aider à surmonter et dépasser les conséquences de l’acte de l’abuseur. Mots clés : Abus sexuel – Sexualité After sexual abuse, what direction does sexuality take? Abstract: When consulting a psychotherapist, a victim of one or more instances of sexual abuse may present with a number of different disorders, including post-traumatic stress disorder, acute or chronic pain syndromes, selfdepreciation, potentially harmful sexual behaviour, and self-abusive behaviours such as anorexia, bulimia and self-mutilation. The road can be long in helping a patient overcome the consequences of the abuser’s act. Keywords: Sexual abuse – Sexuality « L’abus sexuel fait partie des traumatismes les plus destructeurs qu’une personne puisse subir » et « réparer les conséquences de ces abus constitue généralement un processus ardu, pour le thérapeute comme pour le patient »[1]. Un abus sexuel se définit comme un acte à caractère sexuel qu’une personne impose sous la contrainte à une autre personne ; la première se trouvant en position de pouvoir par rapport à la deuxième. Il y a différents degrés dans l’abus sexuel, allant de l’exhibitionnisme au rapport sexuel complet [2]. Il est difficile de déterminer quelles seront les conséquences à long terme du comportement d’un abuseur Correspondance : E-mail : [email protected] chez sa victime. Elles varient en fonction de la fréquence de l’abus sexuel, de sa durée, de l’âge de la victime au moment où l’abus a été commis, des réactions de la famille et de l’entourage lorsque les faits sont révélés, du secret qui a entouré l’acte et de la durée de ce secret, des ressources internes de la personne, du soutien dont elle pourra ou ne pourra pas être entourée. Il semble que plus l’abus aura été commis dans un contexte de violence et de contrainte, de manière répétée, et plus les conséquences pour la victime seront graves [3]. Il est rare qu’il n’y ait aucune répercussion de l’acte sur une personne abusée sexuellement [4]. Lorsqu’une personne a été victime d’abus sexuels, il est fréquent qu’elle soit amenée à consulter un professionnel de la psychothérapie, mais toutes ne seront pas amenées à le faire car il est réel que devant un même type d’agression, dans un contexte quasi similaire, deux personnes ne réagiront pas forcément de la même manière. L’une aura du mal à surmonter et dépasser les conséquences de l’acte de l’abuseur, avec toutes les répercussions négatives (physiques et psychiques) sur son vécu tandis que l’autre trouvera en elle et autour d’elle les ressources nécessaires pour atténuer l’impact que l’abus aurait pu avoir sur sa vie. Cependant, lorsque la personne est amenée à consulter, différents types de troubles peuvent se présenter. Elle peut souffrir de stress posttraumatique, de douleurs chroniques ou aiguës, de dévalorisation, de comportements sexuels problématiques, de différentes compulsions (sexuelles et/ou autres), de comportements d’autodestruction ou d’automutilation. Ce qui a trait à la sexualité est comme abı̂mé, dénaturé, par l’image de l’abus qui lui est associé [1]. D’une manière générale, toutes ces manifestations peuvent être aggravées par le fait que l’abus sexuel et les conséquences de cet abus sont minimisées par les personnes de l’entourage, voire complètement niées. Il n’est pas rare que dans un système familial, par exemple, l’agresseur soit protégé et la victime exclue de la famille. Si la révélation de l’abus sexuel fait en effet courir le risque à la famille d’imploser littéralement, cette attitude de déni fait, elle, courir à la victime le risque de développer des symptômes parfois très graves. 291 État de stress posttraumatique (ESPT) Dévalorisation Comment cela se manifeste-t-il ? Aussi bien chez les patients hommes que pour les patientes femmes, ce qui frappe chez les personnes victimes d’abus sexuels, c’est cette forte propension qu’elles ont à se dévaloriser, le peu d’estime qu’elles ont d’elles-même. Elles disent souvent ressentir de la honte, de la culpabilité suite à ce qui leur est arrivé, en se rendant responsable de l’acte commis [13]. Cela contribue à renforcer leurs émotions et leurs attitudes ambivalentes vis-à-vis de la sexualité. Les personnes abusées sexuellement ont tendance à s’isoler et à se percevoir négativement, mais également à percevoir négativement les autres et l’avenir. Pour elles, la communication avec leur partenaire est difficile car l’intimité sexuelle est source de difficultés. Elles rencontrent des problèmes d’attachement ; plus de ruptures, de divorces, de séparations [14]. – Par des troubles du sommeil ; l’abus sexuel ayant souvent eu lieu la nuit, dans l’obscurité, au lit, le moment de se coucher rappelle les angoisses liées à un fort sentiment d’insécurité [1] ; – par des difficultés à se concentrer [4] ; pour échapper aux souvenirs traumatiques, la personne développe des facultés à se dissocier afin de mettre à distance tout ce qui pourrait lui rappeler l’acte dont elle a été la victime ; sentiment de ne pas habiter son propre corps, d’être comme déconnecté de lui, surtout lors des rapports sexuels [1] ; – par de forts sentiments de culpabilité sans raison objective [2,4] renforcés par des cognitions négatives : elles ont dû « mériter » ce qui leur est arrivé ; – par des images de l’agression, de l’abus, qui reviennent en flashs. Même si, longtemps après l’acte, la personne abusée rencontre un partenaire affectueux, attentif, respectueux, elle peut souffrir, lors des relations sexuelles, de flash-back physiques qui viennent y faire intrusion et rendre celles-ci douloureuses, émotionnellement et physiquement [2]. Ce sont les dommages collatéraux de l’abus sexuel car non seulement la victime en souffre longtemps mais son partenaire risque luimême de se sentir blessé, remettant sans cesse en cause ses propres aptitudes à combler son ou sa partenaire ; – les personnes abusées sexuellement peuvent aussi faire des cauchemars récurrents [2,4], souffrir parfois de troubles de la mémoire, mais aussi d’une absence de souvenirs liés à la période au cours de laquelle l’abus sexuel a eu lieu [5] ; – bon nombre d’études insistent sur la fréquence d’états dépressifs chez les personnes ayant été abusées sexuellement, avec pour corollaire, dans cette population , deux fois plus de risques de faire une tentative de suicide [6]. Tous ces troubles sont aggravés lorsque la personne est confrontée à des situations qui lui rappellent, même de manière symbolique, celle du traumatisme d’origine [4]. Douleurs Différentes études montrent que certaines femmes ayant subi un abus sexuel souffrent de vaginisme, de douleurs périnéales [7,8]. Elles sont de bonnes candidates à la fibromyalgie, au syndrome de fatigue chronique et elles consultent souvent pour des troubles digestifs fonctionnels [9]. D’après une étude de Paddison en 1990 [10], 40 % des femmes souffrant de syndromes prémenstruels ont été, dans l’enfance, victimes d’abus sexuel et, selon Maltz et Holman [11], sur un groupe de femmes ayant été victimes d’incestes, 46 % d’entre elles ne parviennent pas à l’orgasme et 60 % disent souffrir de rapports sexuels douloureux. On observe souvent chez ces patientes une inhibition du désir, une estime sexuelle réduite [12]. Comportements sexuels Une étude de Mullen [14] met en évidence le fait que les personnes ayant vécu un abus sexuel dans l’enfance s’installent en couple pour la première fois à un âge plus précoce (l’âge de la première grossesse l’étant également). Peut-être est-ce là une tentative de quitter un milieu familial inadéquat où elles ne sont pas senties aimées et protégées. Plus elles ont été abusées jeunes et plus elles ont tendance à juger subjectivement leur propre sexualité comme nulle et décevante. Elles ont tendance à évaluer la qualité de leur relation et de la communication avec leur(s) partenaire(s) de manière négative. Pour les victimes d’abus sexuels, vivre une vie amoureuse et sexuelle satisfaisante est souvent difficile. Il arrive que leur recherche d’attention et d’affection, dont elles ont été privées durant l’enfance, les conduisent à des comportements sexuels à risque ; partenaires multiples, activité sexuelle compulsive et éparpillée, avec pour conséquence, chez elles, une augmentation de la fréquence des maladies sexuellement transmissibles [15]. Des comportements qui peuvent être compris comme une incapacité à détecter et à reconnaı̂tre des pratiques sexuelles dangereuses pour elles. On note aussi que, pour les femmes victimes d’abus sexuels dans l’enfance, le risque est plus grand d’être victime de viol à l’âge adulte et plus tard d’être battue [14] comme s’il leur était plus difficile « d’évaluer leurs partenaires potentiels de façon réaliste » [1]. Certaines personnes disent se masturber de manière compulsive [14], d’autres avoir des fantasmes pénibles de violence qu’ils pourraient infliger à un ou une partenaire avec souvent une peur très forte de passer à l’acte. On trouve chez les prostitués (hommes ou femmes) un grand nombre d’anciennes victimes d’abus sexuels précoces [16,17]. Avoir été abusé sexuellement peut aussi parfois conduire certaines personnes à vivre une homosexualité non souhaitée et non choisie (homosexualité égo-dystonique). 292 Autres comportements compulsifs Il arrive aux personnes abusées sexuellement de ressentir une intense colère, colère qu’elles dirigent contre ellesmême la plupart du temps en faisant encaisser à leur corps l’insupportable ; ce corps qu’elles exècrent car sans lui, l’abus aurait pu ne pas avoir lieu. On peut faire l’hypothèse que les comportements agressifs que ces personnes ont à leur propre égard, comme dans l’anorexie, la boulimie [2], l’abus d’alcool, de la prise de drogues [18], des comportements d’autodestruction, d’automutilation [19], sont les conséquences d’une honte ou d’une culpabilité qu’elles font « payer » à leur corps jugé responsable de leur souffrance. Cela rend aussi plus visible aux yeux des autres (de manière consciente ou inconsciente) le mal qu’on a pu leur faire [1] ; surtout lorsque les actes dont elles ont été les victimes sont niés par l’entourage. Alors, comment se reconstruire, restaurer l’estime de soi-même, quand on a été victime d’abus sexuel(s) ? Quelle prise charge psychologique ? Dans une approche thérapeutique systémique, le travail commencera toujours par l’accueil et l’écoute de la souffrance de la personne qui vient consulter. Il lui sera parfois long et difficile, ne serait-ce que de raconter ce qui lui est arrivé. La honte, la culpabilité sont des freins puissants ! Il est donc important de ne pas aller trop vite, afin que le patient se sente en confiance, respecté. Il est fréquent que plusieurs séances soient nécessaires avant que la personne ne livre sa douloureuse expérience. Il semble aussi utile d’interroger celle-ci sur son entourage social, familial, et de détecter si cet entourage est dans le déni de l’acte ou dans une attitude de soutien et de réconfort vis-à-vis du patient. Accompagner en thérapie une personne qui se sent constamment en danger peut amener à l’aider à prendre des dispositions nécessaires pour mettre celui-ci à distance. D’un autre côté, si le patient est soutenu et encouragé par son entourage, le travail est grandement facilité. Un travail d’information pour mettre en rapport les symptômes et les abus sexuels est tout à fait utile au patient qui ne s’explique souvent pas ses douleurs ou ses comportements. Expliquer en quoi le ou les abus qu’il a subi(s) ont un impact sur sa santé psychique et physique l’apaise souvent tout en le rassurant. Éventuellement, un travail avec le partenaire ou le conjoint d’une personne ayant subi un ou des abus sexuels peut être nécessaire. Compte tenu du fait qu’il partage lui aussi avec son ou sa partenaire des difficultés liées à la sexualité, aider celui-ci à comprendre lorsque c’est le cas, que ce n’est pas lui en tant que personne qui est rejeté mais que la réaction de rejet de son ou sa partenaire est une des conséquences de l’agression qu’elle a subie dans le passé. Au cours de la psychothérapie, par un travail de dissociation, et pour se reconstruire avec une autre image que celle d’une victime d’abus sexuel, il est important d’aider la personne à restaurer l’estime qu’elle a d’elle-même, de l’encourager à se voir comme un être humain, détenteur de ressources personnelles et de savoirs, qui lui permettront de surmonter progressivement les conséquences du comportement de l’abuseur. Tout le travail sera le fruit d’une étroite collaboration entre le patient et son thérapeute qui pourra s’appuyer sur des techniques spécifiques comme les approches centrées sur les solutions (telles que Steve De Shazer et Insoo Kim Berg ont pu les concevoir et les développer au Brief Family Therapy Center de Milwaukee) [20,21], mais aussi la désensibilisation par les mouvements oculaires (EMDR) ou l’hypnose Ericksonienne. Ces techniques s’avèrent souvent être des outils efficaces pour soutenir le patient dans les efforts qu’il fournit pour sortir de sa position de victime et retrouver une image de lui-même plus valorisante. En nous entraı̂nant parfois sur des chemins plus spirituels qui invitent à réfléchir sur la notion de pardon, ces patients nous enseignent beaucoup ; leur courage et leur détermination à redevenir les auteurs de leur propre vie nous touchent souvent. Longtemps, les conséquences des abus sexuels sur les personnes abusées ont été sous-estimées et l’on commence maintenant à prendre en compte leurs souffrances. Les répercussions des abus sexuels sur la santé des personnes abusées sexuellement sont importantes, aussi bien d’un point de vue physique que psychologique. Nous pensons qu’une prise en charge les concernant, où interviendraient les médecins, les psychiatres, mais aussi les kinésithérapeutes, les psychothérapeutes, pourrait, en étant plus globale, aller dans le sens de plus d’efficacité. Pour aider ces patients à surmonter les épreuves, les aider à envisager un futur où l’abus sera dépassé, le chemin est parfois long et difficile. Mais ne nous y trompons pas : c’est un véritable enjeu de santé publique. Références 1. Dolan Y (1991) Resolving sexual abuse: Solution-focused therapy and Ericksonian hypnosis for adult survivors. New York: Norton 2. Courtois CA (1988) Healing the Incest Wound: Adult Survivors in Therapy. W.W. 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Atienza Proctologie médico-conventionnelle, Centre hospitalier Diaconesses, Croix Saint-Simon, Site Diaconnesses 18, rue du Sergent-Bauchat, 75012 Paris Résumé : Initialement destinée à explorer la prostate, l’endosonographie a été progressivement modifiée pour l’étude du tube digestif. Elle a notamment connu un essor considérable en proctologie. C’est en effet la première technique à avoir fourni une image anatomique interprétable du canal anal avec une résolution satisfaisante et une bonne définition. De surcroı̂t, c’est une technique facile d’accès, simple à réaliser, rapide à mettre en œuvre, peu coûteuse, et dénuée d’effets secondaires. Elle a ainsi éclairé la pathogénie de l’incontinence anale et occupe désormais une place prépondérante au sein du bilan de cette affection, car la mise en évidence des défects sphinctériens a un impact thérapeutique indéniable. En outre, la mise au point récente de l’imagerie tridimensionnelle devrait encore nous ouvrir d’autres horizons prometteurs. Mots clés : Endosonographie – Défect sphinctérien – Incontinence anale Endosonography imaging in anal incontinence: use and abuse Abstract: Originally intended for evaluating the prostate, endosonography was gradually modified for examination of the digestive tract. Its use, particularly for anorectal disorders, has expanded considerably. It is indeed the first technique to provide us with an interpretable anatomical image of the anal canal at satisfactory resolution and with good definition. In addition, it is a technique that is widely available, simple and quick to perform, inexpensive and results in no side effects. It has thus brought greater understanding of the pathophysiology of faecal incontinence and is now especially valuable in diagnosing this disorder; the ability to reveal sphincter defects has an unmistakable therapeutic impact. Moreover, the recent possibility of reconstructing three-dimensional images will doubtless open up other promising horizons. Correspondance : E-mail : [email protected] Keywords: Endosonography – Sphincter disruption – Anal incontinence « C’est précisément dans les diverses manières d’employer les moyens simples qu’un grand médecin diffère surtout des autres » (Hippocrate) [1]. Introduction Initialement destinée à explorer la prostate, l’endosonographie par voie rectale a été progressivement modifiée pour l’étude du tube digestif. En particulier, l’équipe londonienne du Saint Mark’s Hospital a contribué à développer la technique en proctologie où elle a connu, ces vingt dernières d’années, un essor considérable [2-4]. L’endosonographie a en effet permis de fournir une image anatomique interprétable du canal anal avec une résolution satisfaisante et une bonne définition. Elle a ainsi largement contribué à éclairer la pathogénie de l’incontinence anale et occupe désormais une place prépondérante dans le bilan préthérapeutique de cette affection [5,6]. Nous avons donc fait le point sur ce sujet et revu l’abondante littérature récente. Matériel d’endosonographie Il existe plusieurs types de sondes dont le choix repose surtout sur les habitudes (et les moyens financiers) de l’opérateur. Imagerie classique On dispose de sondes rigides et d’écho-endoscopes. Les sondes rigides ne comportent pas d’optique et sont introduites à l’aveugle dans le canal anal. Les échoendoscopes comportent une optique, et sont souples et béquillables. En outre, les sondes rotatives axiales diffèrent des sondes linéaires. Les sondes rotatives fournissent des images transversales sur une circonférence de 270 à 360˚, 295 Fig. 1. Cône rigide destiné à l’étude du canal anal perpendiculaires à l’axe du transducteur, idéales pour examiner l’anneau sphinctérien anal. Les sondes linéaires fournissent des images longitudinales sur un angle de 120 à 160˚, parallèles à l’axe du transducteur. Elles sont plus difficiles à manier car l’étude de la circonférence nécessite une rotation manuelle de l’appareil, impliquant probablement un apprentissage plus long. L’extrémité de la plupart de ces sondes est recouverte par un ballonnet, rempli d’eau dégazée, fournissant ainsi une interface acoustique entre le transducteur et la paroi anorectale. Cependant, l’utilisation de ce ballonnet, optimale au niveau de l’ampoule rectale, peut s’avérer inconfortable au niveau de l’anus. En réalité, l’étude du canal anal est plus facile lorsqu’on utilise une sonde rigide telle que celle de la firme danoise Bruel Kjaer®, qui est équipée d’un cône rigide écho-transparent d’une vingtaine de mm de diamètre (Fig. 1). Ce matériel spécifiquement destiné à l’étude de l’appareil sphinctérien anal fournit des images d’excellente qualité et a largement contribué au développement de l’endosonographie du canal anal. La fréquence utilisée en pratique courante varie entre 5 et 10 MHz. À titre d’exemple, une sonde de 7,5 MHz a une profondeur de champs d’environ 5 cm et un pouvoir de résolution axiale de l’ordre du millimètre [2,4-6]. Imagerie tridimensionnelle D’introduction récente, cette technologie est particulièrement intéressante et va certainement améliorer les performances de l’endosonographie classique. Du reste, toutes les images de cet article ont été obtenues avec l’appareil tridimensionnel dont nous disposons depuis quelques mois dans le service (sonde 2050 Bruel & Kjaer®). Cette imagerie de nouvelle génération fait appel à une sonde radiale de 6 à 16 MHz de fréquence et équipée d’un moteur spécifique. En effet, après que la sonde a été introduite dans le canal anal jusqu’en regard de la partie supérieure de la zone à explorer, ce moteur permet de faire progressivement reculer le cristal le long de son axe, chez un patient parfaitement immobile, permettant ainsi l’acquisition rapide d’images transversales et parallèles tous les 0,25 mm. À titre d’exemple, l’étude du canal anal sur 60 mm de hauteur permet l’acquisition de 240 images en moins d’une minute. Puis, un logiciel spécifique (Life Fig. 2. Image tridimensionnelle du canal anal Imaging System, B-K Medical) permet une reconstruction tridimensionnelle des images sous la forme d’un « cube » qu’il est possible de manipuler dans toutes les dimensions de l’espace (Fig. 2). Cette technique prometteuse a déjà été évaluée dans les suppurations anales [7], en pathologie tumorale ano-rectale [8,9] ainsi que dans l’incontinence anale [10-13]. Modalités de l’endosonographie L’examen est réalisé en ambulatoire. Un lavement évacuateur rectal préalable est inutile dans la mesure où l’on n’étudie que le canal anal. Le patient est installé en position gynécologique ou en décubitus latéral. Dans un premier temps, il est souhaitable d’inspecter la région ano-périnéale et de faire un toucher anal. Cela permet ainsi d’établir une corrélation anatomo-échographique et de limiter le risque de compte rendu discordant. Les images sont étudiées au fur et à mesure du retrait doux et progressif de la sonde. Elles peuvent être imprimées et/ou enregistrées. La technique est simple à réaliser, rapide à mettre en œuvre (environ dix minutes), peu coûteuse (cotation HJQJ003, 56,7 euros), indolore et dénuée d’effets secondaires [2,4-6]. Certains praticiens ont tenté d’améliorer les performances de l’examen endo-anal par la mise en place de la sonde par voie endovaginale ou par voie transpérinéale mais l’intérêt potentiel de tels artifices reste limité [14,15]. Images endosonographiques normales Au niveau du canal anal, on distingue classiquement trois niveaux de coupe (Fig. 3) : – partie moyenne : l’aspect typique est celui de trois couches de dedans en dehors (Figs 4,5) : 296 Fig. 5. Partie moyenne du canal anal normal en trois couches Fig. 3. Coupe frontale du canal anal avec les trois niveaux de coupe endosonographique (SI : sphincter interne ; SE : sphincter externe) Fig. 4. Canal anal normal (SI : sphincter interne ; SE : sphincter externe ; PR : puborectal) une première couche hyperéchogène correspond à l’interface avec la sonde ainsi qu’à l’épaisseur de l’épithélium (ou de la muqueuse) et de la muscularis submucosae ani ; une deuxième couche hypoéchogène, facile à visualiser car bien limitée, correspond à l’anneau du sphincter interne qui prolonge vers le bas la couche circulaire interne de la musculeuse propre rectale ; son épaisseur varie entre 1,5 et 4 mm ; une troisième couche hyperéchogène, mal limitée en dehors, correspond au faisceau profond du sphincter externe ; son épaisseur varie entre 6 et 10 mm. – Partie proximale : les deux premières couches sont inchangées, mais le sphincter externe est remplacé par la Fig. 6. Partie proximale du canal anal normal sangle puborectale du releveur de l’anus ; ce muscle strié, qui prolonge le sphincter externe dont il est indissociable vers le haut, comporte deux faisceaux droit et gauche hyperéchogènes, qui cravatent en arrière la jonction anorectale mais dont les insertions pubiennes, trop lointaines, ne sont pas visualisées par voie endo-anale. Ce muscle forme ainsi un arceau ouvert en avant, laissant un « vide » échographique antérieur physiologique, particulièrement marqué chez la femme (Fig. 6). – Partie distale : le sphincter interne n’est plus visible et seul est objectivé le faisceau superficiel souscutané du sphincter externe qui prolonge de façon indissociable son faisceau profond vers le bas et dont l’anneau hyperéchogène se mêle avec l’épithélium également hyperéchogène (Fig. 7) [16,17]. 297 Chez certains patients, notamment chez l’homme, il est possible de distinguer une ou plusieurs couches supplémentaires, d’échogénicité variable, situées entre le sphincter interne et le sphincter externe. Il s’agit de la couche longitudinale externe et de ses interfaces (Fig. 8), et leur visualisation inconstante s’expliquerait par une orientation variable des fibres musculaires selon les individus. Quoi qu’il en soit, leur mise en évidence n’a pas de conséquence pratique [16,18]. Parfois, on peut également distinguer le ligament ano-coccygien ainsi que les muscles transverses et ischio-caverneux. En revanche, le noyau fibreux central du périnée n’est pas individualisable en endosonographie [17]. Images endosonographiques pathologiques L’immense intérêt de l’endosonographie est surtout d’avoir permis d’objectiver les défects sphinctériens. Les défects sphincte´riens Fig. 7. Partie distale du canal anal normal Fig. 8. Partie moyenne du canal anal normal avec cinq couches Dans la mise en évidence de ces défects, la sensibilité et la spécificité de l’endosonographie sont proches de 95 % [19-22]. Cependant, il convient également de détailler leur aspect, leur site (sur la circonférence et en hauteur), leur taille (en degrés ou pourcentage de circonférence) et leur nombre. En effet, une description précise est capitale car la prise en charge thérapeutique diffère selon les cas. Dans cette optique, un score d’évaluation endosonographique, allant de 0 (appareil sphinctérien normal) à 16 (délabrement sphinctérien majeur), a été récemment proposé (Tableau I) [23]. Cela étant dit, ce score est certainement intéressant pour des travaux scientifiques, mais peut s’avérer difficile à utiliser en pratique quotidienne. La classification suivante, plus simple, nous paraı̂t mieux adaptée : – Défects du sphincter externe : deux types de lésions méritent d’être différenciés : le défect complet est aisément visible sous la forme d’une rupture nette de l’anneau musculaire, sur la totalité de son épaisseur, souvent associée à une lésion identique du sphincter interne (Figs 9,10). Ce type de dégât anatomique, dont le diagnostic clinique est du reste souvent évident, se voit surtout après un accouchement compliqué de périnée complet (déchirures périnéales de grade IIIb, IIIc ou IV) (Tableau II) non ou mal réparé, après une fistulotomie chirurgicale Tableau I. Score d’évaluation endosonographique des défects sphinctériens anaux (0 à 16) [23] SCORE Étendue du défect SPHINCTER EXTERNE Hauteur du défect Épaisseur du défect Taille du défect SPHINCTER INTERNE Hauteur du défect Épaisseur du défect Taille du défect 0 1 2 3 pas de défect pas de défect pas de défect moins de la moitié partielle 90˚ plus de la moitié totale 91 à 180˚ toute la hauteur – >180˚ pas de défect pas de défect pas de défect moins de la moitié partielle 90˚ plus de la moitié totale 91 à 180˚ toute la hauteur – >180˚ 298 Fig. 10. Défect complet antéro-médian des deux sphincters externe et interne après un accouchement compliqué de périnée complet (A : coupe transversale ; B : coupe longitudinale) et/ou après divers traumatismes ano-périnéaux (accidents de la voie publique, empalement, etc.). le défect partiel prend l’aspect de remaniements hétérogènes, hypo- et/ou hyperéchogènes, mal limités, et plus ou moins étendus, mais il n’y a pas de rupture complète de l’anneau musculaire dont l’aspect circulaire reste conservé par endroits (Fig. 11). Cela correspond probablement à des zones de fibrose cicatricielle, parfois sans conséquence clinique, mais pouvant cependant, en cas d’étendue importante, retentir sur la qualité de la contraction volontaire. Ce type de lésions peut notamment se voir après un accouchement compliqué d’un périnée complet n’ayant concerné qu’une partie de l’épaisseur du sphincter 299 Tableau II. Classification des déchirures périnéales obstétricales [43] Grades I II III IV Lésions anatomiques Déchirure de la paroi vaginale et de la peau périnéale Déchirure étendue au noyau fibreux central du périnée Déchirure étendue à l’appareil sphinctérien anal (périnée complet) a : atteinte de moins de 50 % du sphincter externe b : atteinte de plus de 50 % du sphincter externe c : atteinte du sphincter interne Déchirure étendue à la paroi ano-rectale (périnée complet compliqué) externe (déchirure périnéale de grade IIIa), après une réparation chirurgicale d’un défect sphinctérien quelle qu’en soit la cause, après une fistulotomie lente par traction élastique et/ou après divers gestes chirurgicaux proctologiques [3,5] : – Défects du sphincter interne : ils sont plus faciles à objectiver que ceux du sphincter externe. Là encore, il convient de distinguer deux types de lésions : le défect complet est évident, sous la forme d’une rupture nette de l’anneau sphinctérien hypoéchogène, dont l’étendue peut être majorée par la rétraction des deux extrémités du muscle (Fig. 12). Fig. 11. Défect partiel antérieur du sphincter externe aprés un accouchement par voie basse (A : coupe transversale ; B : coupe longitudinale) Fig. 12. Défect complet postéro-médian du sphincter interne après une léı̈omyotomie pour fissure (A : coupe transversale ; B : coupe longitudinale) 300 Fig. 13. Défect partiel postéro-droit du sphincter interne (flèches) après une hémorroı̈dectomie (A : coupe transversale ; B : coupe longitudinale) le défect partiel prend l’aspect d’un amincissement localisé de l’anneau sphinctérien (Fig. 13). Un défect unique peut se voir après une léı̈omyotomie chirurgicale pour fissure, après une fistulotomie chirurgicale et/ou après une réparation chirurgicale d’un défect sphinctérien mixte, la persistance du défect du sphincter interne étant, dans notre expérience, fréquente après un tel geste [3,5]. Dans le même ordre d’idée, les défects isolés du sphincter interne d’origine obstétricale nous semblent exceptionnels et bon nombre de ceux qui ont été rapportés pourraient être des défects persistants après réparation immédiate de déchirures périnéales de grade IIIc ou IV [24]. Les défects multiples du sphincter interne, moins fréquents, relèvent de gestes chirurgicaux multiples ou d’une dilatation anale ayant entraı̂né une dilacération du muscle. Ils ont ainsi été ainsi décrits après dilatation pour fissure, après mise en place d’écarteurs dans le canal anal pour réalisation d’une anastomose iléo-anale, après passage transanal de pinces d’anastomose colique ou d’hémorroı̈dopexie, après évacuation de fécalome sous anesthésie et/ou après viol anal [3,5]. – Défects de la sangle pubo-rectale : ils semblent peu fréquents mais des remaniements hétérogènes ont été décrits après une épisiotomie ou après la mise à plat du récessus supralévatorien d’une fistule anale [3,5]. L’atrophie sphinctérienne L’intérêt des mesures d’épaisseur en endosonographie semble limité car leur impact thérapeutique est nul [5]. En revanche, l’endosonographie, par le biais de la technologie tridimensionnelle, est désormais capable de mesurer le volume des sphincters. Cela a permis d’accéder à la notion d’atrophie sphinctérienne dont la visualisation en imagerie est supposée refléter la dégénérescence des fibres musculaires secondaire à une neuropathie de dénervation [25]. Initialement évaluée par la résonance magnétique [26], cette atrophie semble également mesurable par l’endosonographie tridimensionnelle avec une fiabilité équivalente [27]. C’est intéressant car il a été démontré qu’une réparation chirurgicale d’un défect du sphincter externe avait un risque majoré de mauvais résultat fonctionnel en cas d’atrophie sphinctérienne mise en évidence par résonance magnétique [28]. D’autres travaux seront bien sûr nécessaires avant de conclure, mais cette voie de recherche semble prometteuse. Pièges d’interprétation et limites de l’endosonographie Certains aspects normaux ou lésions mineures peuvent être trompeurs et induire en erreur. Il convient ainsi de connaı̂tre les subtilités d’interprétation des images échographiques liées aux : – aspects normaux du muscle strié : le « vide » antérieur physiologique de la sangle puborectale, situé au niveau de la partie proximale du canal anal, ne doit pas être confondu avec un défect complet antérieur du sphincter externe. La forme elliptique du sphincter externe dans la partie distale du canal anal ainsi que l’aspect hypoéchogène du ligament ano-coccygien doivent être distingués d’authentiques défects postérieurs du sphincter externe [17]. L’expérience pratique permet en principe d’aisément reconnaı̂tre ces images ; 301 Place de l’endosonographie dans la stratégie diagnostique d’une incontinence anale Dans la mise en évidence des défects sphinctériens, l’endosonographie est plus fiable que l’examen clinique [21,22]. Elle est aussi fiable, mais moins désagréable que l’électromyographie qu’elle a donc supplantée [33]. Elle est également aussi fiable que l’imagerie par résonance magnétique mais plus facile d’accès, plus simple à mettre en œuvre et moins coûteuse [25,34]. En revanche, elle est complémentaire de la manométrie, du reste du bilan électrophysiologique et/ou de la défécographie et, dans le cadre du bilan d’une incontinence anale, elle se place au sein d’une stratégie englobant ces diverses explorations [35-37]. Indications de l’endosonographie Fig. 14. Œdème d’une épisiotomie débordant sur le sphincter externe – remaniements anatomiques obstétricaux (hors défects sphinctériens) : une épisiotomie peut remanier le sphincter externe au niveau de son versant externe sous la forme d’une zone hétérogène, mal limitée, de petite taille, n’interrompant pas l’anneau musculaire. Ce type d’images correspond probablement à la section partielle de quelques fibres du sphincter externe. De surcroı̂t, si l’endosonographie est réalisée tôt, dans les jours suivant l’accouchement, l’œdème périphérique de la plaie d’épisiotomie peut déborder sur le sphincter externe sous la forme d’un halo hypoéchogène, mal limité, qui peut ressembler à un défect mais qui disparaı̂t en quelques semaines (Fig. 14). La survenue d’un hématome et/ou d’une suppuration peut encore davantage compliquer l’évaluation du sphincter. De fait, afin d’éviter ces artefacts, il est probablement préférable d’attendre quelques mois après un accouchement avant de faire une endosonographie [29]. En outre, chez les femmes ayant accouché par voie basse, il n’est pas rare de constater un raccourcissement du canal anal [11,30], une diminution de la distance anovulvaire [30] et/ou un amincissement de la partie antérieure du sphincter externe [31]. Ces modifications anatomiques définitives peuvent gêner la visualisation du sphincter externe dans sa partie antérieure. La compression de la paroi vaginale postérieure basse par un doigt endovaginal [30] et/ou la contraction sphinctérienne anale [32] pourrai(en)t alors faciliter l’interprétation des images ; – antécédents chirurgicaux complexes : certaines interventions complexes (réparations chirurgicales itératives, graciloplastie, mise en place d’un sphincter artificiel) et certaines malformations congénitales entraı̂nent des remaniements tissulaires majeurs qui rendent l’endosonographie souvent peu contributive [3,5]. L’endosonographie est indiquée dans toutes les situations où elle peut avoir un impact thérapeutique. Ces situations sont principalement les suivantes. Incontinence anale avérée avec suspicion de lésion sphinctérienne L’impact thérapeutique est indéniable. Par exemple, une endosonographie normale peut inciter à opter pour des conseils hygiéno-diététiques simples avec une rééducation alors que la mise en évidence d’un défect du sphincter externe permet d’envisager une réparation chirurgicale. En outre, en cas d’incontinence persistante après une telle réparation, l’endosonographie peut objectiver la persistance d’un défect, lié à un geste techniquement imparfait et/ou à un lâchage de sutures, pouvant alors bénéficier d’une nouvelle réparation [35-37]. Cela étant dit, il convient de nuancer ce discours. En effet, une réparation est certes le plus souvent indiquée, avec de bonnes chances de succès en cas de défect complet du sphincter externe. En revanche, un tel geste doit être prudemment discutéen cas de défect partiel, car d’autres facteurs peuvent alors intervenir dans la pathogénie de l’incontinence (troubles du transit, neuropathie de dénervation, ménopause, vieillissement tissulaire, etc.) et rendre le pronostic chirurgical moins bon [38,39]. Concernant le sphincter interne, l’impact de l’endosonographie est moins clair car la réparation chirurgicale des défects du sphincter interne est difficile et donne des résultats le plus souvent décevants. Cela étant dit, le recours récent aux implantations périanales de biomatériaux inertes (graisse autologue, collagène hétérologue, silicone, etc.), destinées à compenser l’hypotonie anale de repos, laisse entrevoir des perspectives thérapeutiques [40]. Enfin, l’endosonographie peut également contribuer à optimiser les indications et/ou à mieux comprendre les 302 mécanismes d’action des techniques encore en évaluation, que sont notamment la neuromodulation sacrée et la radiofréquence [36,37]. Suspicion de défect sphinctérien asymptomatique susceptible de se décompenser Cette indication préventive occupe une part grandissante en pratique quotidienne. La mise en évidence d’un défect sphinctérien, asymptomatique (occult defects) mais susceptible de se décompenser avec le temps [41,42], peut en effet modifier l’attitude du praticien dans deux circonstances distinctes. D’une part, en cas de grossesse, un accouchement par voie basse risquerait de se compliquer à nouveau de lésions neurologiques et/ou périnéo-sphinctériennes pouvant alors dévoiler une incontinence anale. C’est la raison pour laquelle la mise en évidence d’un défect sphinctérien asymptomatique chez une femme enceinte pose le problème de l’indication d’un éventuel accouchement par césarienne programmée. Cela étant dit, c’est un débat difficile car le risque hypothétique d’apparition d’une incontinence anale (qui est probablement bas dans bon nombre de cas) doit être, autant que faire se peut, bien évalué et mûrement contrebalancé avec celui des complications non nulles de la césarienne. Une concertation multidisciplinaire s’impose donc à chaque fois et une description précise des lésions endosonographiques est plus que jamais nécessaire afin de peser ou non dans la balance [43-45]. D’autre part, en cas de fistule anale, la mise en évidence d’un défect asymptomatique peut conduire à éviter une fistulotomie classique et à préférer une technique d’épargne sphinctérienne tel l’avancement d’un lambeau de recouvrement sur l’orifice primaire ou l’injection d’une colle biologique [46]. En revanche, la découverte d’un défect asymptomatique du sphincter externe en dehors de ces deux circonstances est embarrassante. En effet, la conduite à tenir n’est pas consensuelle (attentisme ? thérapeutique « préventive » ?) car le retentissement potentiel à long terme de ce type de lésion n’est pas prédictible de façon claire et la littérature est contradictoire sur ce point [47-50]. Conclusion En moins de vingt ans, l’endosonographie s’est imposée comme une exploration complémentaire de référence en proctologie. Elle a notamment contribué à éclairer la pathogénie de l’incontinence anale et à améliorer sa prise en charge. L’imagerie tridimensionnelle, en permettant notamment de mesurer le degré d’atrophie sphinctérienne, devrait encore nous ouvrir des horizons prometteurs. Remerciements L’auteur remercie vivement Marie Pierre LANG pour ses conseils avisés et Clara pour sa patience. Références 1. Hippocrate (2005) Petite histoire de la Médecine. In: Bertet R. L’Harmattan, p 17 2. 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Chartier Kastler 5 et les membres du GENULF 1 Service d’Urologie, Hôpital Henri-Gabriel, CHU Lyon, 69003 Lyon Cedex, France Unité d’ Évaluation et de Traitement du handicap urinaire, service de Médecine physique et de réadaptation, CHU Pellegrin, 33076 Bordeaux Cedex, France 3 Service de Rééducation neurologique, Hôpital Raymond-Poincaré. 92380 Garches Cedex, France 4 Service de Médecine Physique et de réadaptation, Hôpital saint Jacques, CHU de nantes, 44093 Nantes Cedex, France 5 Service d’Urologie de la Pitié-Salpêtrière, Paris 2 Résumé : L’évolution des patients blessés médullaires (BM) ou porteurs d’une myéloméningocèle (MM) s’est profondément transformée au cours des soixante dernières années. Leur espérance de vie s’est considérablement accrue, jusqu’à approcher celle de la population générale. La pathologie urologique reste cependant une des plus grandes pourvoyeuses de morbi-mortalité dans cette population de patients. Dans un premier temps, nous avons souhaité, à travers une revue de la littérature, réactualiser les données épidémiologiques concernant les différentes facettes des pathologies urinaires susceptibles d’être observées chez ces patients. Ce travail s’est accompagné d’une réflexion sur la validité et la pertinence des examens complémentaires proposés dans le diagnostic de ces pathologies. À partir de ces données, nous avons dressé un cahier des charges du suivi neurourologique de ces patients. Mots clés : Vessie neurologique – Blessé médullaire – Myéloméningocèle – Pronostic uronéphrologique Care of neurogenic bladder in spinal cord injured patients and patients with myelomeningocele: Review of the literature and therapeutic recommendations Abstract: The clinical course of spinal cord injured patients and those with myelomeningocele (MM) has radically changed over the last 60 years. Life expectancy has been significantly extended and is approaching that Correspondance : e-mail : [email protected] of the general population. Urologic disease remains, nonetheless, one of the most predictive factors of morbidity and mortality in this patient population. As a first step, we carried out a literature review in an effort to update the epidemiological data concerning the various aspects of urinary disorders observed in these patients. This paper also discusses the validity and appropriateness of additional diagnostic screening procedures for these disorders. Based on this data, we have created clinical guidelines for the neurological and urologic care of these patients. Keywords: Neurogenic bladder – Spinal cord injured patients – Myelomeningocele – Urinary and nephrological prognosis Introduction Les patients blessés médullaires (BM) et porteurs d’une myéloméningocèle (MM) partagent certains critères d’évolution et de prise en charge. L’objectif de ce travail, réalisé conjointement avec le Groupe d’étude neuro-urologique de langue française (GENULF) était d’aboutir, à partir d’une revue exhaustive de la littérature, à une actualisation des données épidémiologiques sur les complications urologiques de ces pathologies. À partir de ces données, l’élaboration d’un référentiel de suivi des patients devrait permettre une meilleure coopération entre les différents intervenants qui vont se croiser au cours de la prise en charge (médecins rééducateurs, chirurgiens urologues, médecin traitant, centres « experts » en neuro-urologie). 305 Tableau I. Niveaux de preuves recommandés par l’ANAES [162] Rappel : niveau de preuve Niveau 1 = Preuve scientifique établie a. Essais comparatifs randomisés de forte puissance b. Méta-analyse d’essais comparatifs randomisés c. Analyse de décision basée sur des études bien menées Niveau 2 = Présomption scientifique a. Essais comparatifs randomisés de faible puissance b. Études comparatives non randomisées bien menées c. Études de cohorte Niveau 3 Études cas-témoin Niveau 4 : Faible niveau de preuve scientifique a. Études comparatives comportant des biais importants b. Études rétrospectives c. Séries de cas d. Études épidémiologiques descriptives (transversale, longitudinale) e. Accord d’expert N/A : non applicable Matériels et méthodes Nous avons effectué une recherche bibliographique sur plusieurs sites de bibliographie, de sociétés savantes et de bases de données sur internet : Embase, Copernic, Cochrane, Auanet (site de l’American Urological Association), Uroweb(site de l’European Association of Urology), Continet (site de l’International Continence Society). Nous avons également utilisé les livres de référence et les rapports de conférences sur le sujet, Campbell’s Urology, SIFUD, GENULF, ICS... Lors de cette recherche, nous avons d’abord utilisé des mots clés généraux (neurogenic bladder, follow up) pour répertorier les principaux articles sur le sujet, publiés entre 1966 et 2004. Nous avons ensuite élargi la recherche sur la même période en utilisant des mots clés des pathologies concernées (spinal cord injury, myelomeningocele, spina), des complications spécifiques (renal failure, lithiasis, bladder cancer, urinary infection) et des différents modes de traitement (intermittent catheterism, indwelling catheter, ileal conduit, cystoplasty). Les articles originaux retenus devaient avoir au moins deux ans de suivi. Au total, 235 références ont ainsi été retenues et analysées. La grille de lecture de cet article a utilisé les niveaux de preuve décrits dans le Tableau I. Histoire naturelle des patients ayant une blessure médullaire L’évolution des patients ayant une blessure médullaire s’est profondément transformée au cours des 60 dernières années. Il existe dans la littérature plusieurs travaux rapportant le suivi pendant une longue période de grandes cohortes de patients [1-7]. Il faut souligner que ce type de données manque encore pour les patients porteurs de spina bifida. Nous ne développerons donc que les données issues des principales études portant sur les patients blessés médullaires. L’analyse de ces études objective plusieurs points concordants. Il existe, encore aujourd’hui, une surmortalité des patients blessés médullaires par rapport à la population de référence. Le concept de « ratio de mortalité standardisé » (RMS) traduit le sur-risque relatif de décès dans la population étudiée par rapport à une population de référence. Il est largement utilisé dans la littérature pour analyser les sous-groupes de patients (para contre tétra, par exemple) ou les groupes de pathologies. De façon intéressante, même les patients ayant une régression presque complète de la lésion médullaire (FRANKEL D) gardent un RMS supérieur à 1 [1-3]. Les causes de mortalité au sein de la population des patients blessés médullaires sont, par ordre de fréquence, les problèmes respiratoires, les morts accidentelles, les problèmes cardio-vasculaires, les pathologies cancéreuses et les problèmes urinaires. Soden et al. [3] ont, en revanche, montré que si l’on classe les pathologies par RMS, les décès pour cause infectieuse passent au premier plan (RMS=172,3), devant les morts par troubles respiratoires (RMS=32,5), par embolie pulmonaire (RR=26,2) et par problèmes urinaires (22,8). Si l’on extrait les sepsis d’origine urinaire et qu’on les ajoute aux décès par autres problèmes urinaires, les causes génito-urinaires reviennent au premier plan des causes de décès. Le terrain sur lequel survient la lésion neurologique est bien sûr très important dans l’évolution. Le sexe féminin est classiquement un facteur de meilleur pronostic que le sexe masculin. L’âge jeune de survenue des lésions neurologiques est aussi un facteur classique de bonne évolution [1,6]. Ainsi, dans l’étude de Frankel et al. [1], qui a porté sur une population de 3 179 patients sur une période allant de 1943 à 1991, on peut voir que l’espérance de vie d’un patient blessé médullaire à 10 ans tétraplégique est de 41 ans alors qu’elle n’est que de 9 ans pour un patient blessé à l’âge de 60 ans. Cette impression de bon pronostic nous paraı̂t cacher une autre vision des données beaucoup plus pessimiste, mais aussi plus réaliste. En effet, le patient de 10 ans voit son espérance de vie par rapport à un patient valide passer de 65 à 41 ans (soit 24 ans), alors que le patient de 65 ans ne voit son espérance de vie se réduire « que » de 10 ans (passant de 19 à 9 ans). Le niveau d’atteinte neurologique, enfin, entre bien sûr en jeu dans le pronostic. Les patients tétraplégiques ont ainsi une réduction de leur espérance de vie nettement plus importante que les patients paraplégiques dans l’étude de Frankel et al. [1]. En résumé La surveillance urinaire régulière des blessés médullaires se justifie car les complications urologiques restent au premier plan des causes de surmortalité (NP 2). L’augmentation de l’espérance de vie des patients doit amener à reconsidérer le suivi des patients sur le très long terme (NP 4e). 306 Risques évolutifs des vessies neurologiques Insuffisance rénale Outils diagnostiques : revue des moyens et critique de leur pertinence Biologie L’altération de la fonction rénale se définit par une diminution du débit de filtration glomérulaire (DFG)[8]. Il est important de noter que la mesure du DFG ne peut s’envisager chez le patient paraplégique ou tétraplégique par le calcul simplifié de la clairance de la créatinine à partir de la créatinémie selon la formule de Cockroft (ClCréatCockroft). En effet, cette méthode conduit à surestimer la fonction rénale réelle des patients de près de 20 à 30 % (ce qui peut amener à retarder d’éventuelles mesures correctrices [9,10]). La méthode de calcul de la fonction rénale la plus précise serait la clairance de l’inuline, trop chère et peu facile à réaliser pour être appliquée en pratique. Chez ces patients, les marqueurs les plus proches de cette méthode sont la mesure de la clairance de la créatinine sur les urines de 24 heures (ClCréat24H) et/ou la mesure de la clairance du 99Tc par scintigraphie rénale (lourde à utiliser dans le suivi systématique) [10]. La formule de Cockroft ne doit pas non plus être utilisée chez les patients qui ont une entérocystoplastie ou un agrandissement vésical. En effet, les segments digestifs utilisés absorbent, sécrètent et métabolisent la créatinine [11]. Faut-il en conclure pour autant que le suivi des patients blessés médullaires doit obligatoirement se faire en utilisant la ClCréat24H ? Sepahpanah et al. [12] ont récemment apporté une série d’arguments contre l’utilisation dans ce sens. Bien que le NP apporté par leur travail ne dépasse pas le niveau 4 puisqu’il s’agit d’une étude rétrospective, leur article mérite une étude approfondie car il « dissèque » les différentes raisons qui pourraient amener à prendre ce type de décision. Les auteurs ont analysé les données d’un sous-groupe de 70 patients sur 650 blessés médullaires suivis régulièrement dans leur centre. Ces patients ont été sélectionnés car ils avaient eu, pendant 5 années consécutives un bilan complet incluant un calcul de la clairance de la créatinine sur les urines de 24 heures (ceci constitue évidemment un biais de sélection important, puisque ces patients se sont « laissés » suivre de façon rapprochée, ce qui ne correspond pas forcément, dans la pratique, au comportement de tous les patients blessés médullaires). Le premier point du travail a porté sur l’analyse des variations inter- et intra-individuelles de la créatinémie et de la ClCréat24H. La variation intra-individuelle sur les 5 points de l’étude était de 25,9 mL/min pour la clairance de la créatinine et de 0,12 mg/dl (10,56 mol/l) pour la créatinémie. Cette notion de variabilité intra-individuelle est retrouvée dans d’autres articles, notamment dans celui de Mc Diarmid cité plus haut, qui signalait également des variations de près de 16 % des valeurs de la ClCréat24H à deux semaines d’intervalle, pour un individu [10]. En d’autres termes, pour un individu donné, les variations de la créatinémie étaient plus faibles que celles de la ClCréat24H, ce qui en ferait une valeur intéressante dans le cadre d’un suivi individuel. D’autres études statistiques de l’échantillon confirment ce point. Ainsi, l’étude du coefficient de répétabilité [13] sur la période de 5 ans (qui doit dans l’idéal être le plus proche possible de 0) était de 71,8 mL/min pour la clairance de la créatinine et de 0,34 mg/dL (29,92 mol/l) pour la créatinémie. Ceci souligne que pour la ClCréat24H, on peut observer de très grandes variations sans signification pathologique pour un patient donné. Les auteurs ont d’ailleurs signalé que quarante-deux patients (60 %) ont eu, sur la période de l’étude, au moins une valeur de la ClCréat24H en dessous de la valeur normale, sans signification pathologique vraie. Parmi eux, deux patients ont même eu une ClCréat24H en dessous de 20 ml/min, qui, en théorie, aurait indiqué une insuffisance rénale terminale. Les variations de la ClCréat24H sont classiques et posent problème dans son utilisation pratique. Un des points qui achoppe le plus est en effet la certitude d’avoir une collecte des urines complète (même si, comme dans l’article de Sepahpanah [12], les conditions de la collecte des urines sont très rigoureuses, par des infirmières spécialisées). Ces difficultés de collecte sont encore majorées dans la population neuro-urologique du fait de la fréquence des fuites urinaires, mais aussi parfois de l’absence de compliance des patients. Ces variations affectent beaucoup l’intérêt clinique de la ClCréat24H. Ainsi, Sepapahnah et al. [12] signalent que sur les 5 ans de leur étude, aucune décision de prise en charge urologique ou de modification de mode mictionnel n’a été prise uniquement sur la constatation d’une anomalie de la ClCréat24H. Les décisions ont été prises essentiellement lors de la survenue de complications urologiques (calcul, hydronéphrose) ou pour des raisons de confort. En résumé On pourrait dire que si l’on veut avoir, à un instant précis, chez un patient blessé médullaire, une estimation le moins biaisée possible de la fonction rénale, il faut préférentiellement demander un calcul de la ClCréat24H [10]. Ce type de mesure a également l’intérêt d’être moins sujet à des variations interindividuelles que la créatinémie [12]. En revanche, dans le cadre d’un suivi, la créatinémie est moins sujette à d’amples variations pour un même individu. D’autres dosages pour estimer le DFG sont à l’étude, le plus répandu étant celui de la cystatine C [8]. Une étude (NP 3b) a été faite spécifiquement chez 23 patients blessés médullaires. Dans ce travail, la cystatine C 307 sérique a donné une estimation plus précise du débit de filtration glomérulaire que la créatinine (Aire sous la courbe de 0,912 contre 0,507 ; différence statistiquement significative). La cystatine C paraı̂t particulièrement intéressante chez les patients blessés médullaires puisqu’elle ne serait pas affectée par les différences de masse musculaire, ou les différents traitements prescrits. Ces données demandent cependant à être validées par des études prospectives [8]. Un autre marqueur biologique intéressant de la fonction rénale est la recherche d’une protéinurie. Cet élément n’est à rechercher que chez les patients chez lesquels la fonction rénale est déjà détériorée. La constatation d’une protéinurie est un signe de gravité de l’atteinte rénale. Elle peut amener à discuter la mise en place de traitements néphrologiques spécifiques et impose une consultation néphrologique. Elle pourrait même être un facteur pronostique du risque de décès des patients par insuffisance rénale [14,15]. Radiologie On exclura de cette analyse le problème particulier des lithiases rénales, traité dans un chapitre spécifique. Beaucoup d’articles ont fait l’assimilation de la fonction rénale avec l’aspect radiologique de lésion rénale (hydronéphrose, cicatrices rénales) sans chercher à prouver l’existence d’une insuffisance rénale biologique vraie. Dès lors, il est important de connaı̂tre les risques que l’on prend en utilisant cette approximation. Le premier risque pourrait être celui de sous-estimer l’altération rénale et de n’intervenir sur d’éventuels causes qu’avec retard. En effet, il peut exister chez le patient avec une vessie neurologique des altérations de la fonction rénale qui surviennent sans que le facteur principal soit une obstruction, comme par exemple lors d’amyloses secondaires parfois développées sur des escarres chroniques, dans le cas d’une pathologie néphrologique intercurrente [16] ou de pyélonéphrites chroniques [17]. Ces cas semblent, à la lumière de la littérature, assez rares. Par ailleurs, on pourrait imaginer que certains cas d’uropathie obstructive liée à la neurovessie ne soient pas diagnostiqués par l’échographie (faux négatifs). En fait, ces deux éventualités sont également très rares [18,19]. La surveillance par échographie expose donc au risque faible de laisser passer inaperçue une altération de la fonction rénale (NP1) Le deuxième risque est, au contraire, de surestimer l’altération rénale lorsque des lésions anatomiques sont visibles, alors qu’elles ne sont pas toujours synonymes d’affections évolutives. En pratique quotidienne, on constate régulièrement que certaines hydronéphroses peuvent régresser sans séquelle après qu’un traitement adapté a été rapidement mis en place. Ceci a également été constaté chez l’enfant porteur d’une myéloméningocèle [20] (NP4). Par ailleurs, les données de Tsai [18] et Bih [19] montrent qu’il existe un taux non négligeable de faux positifs à l’échographie. Les cicatrices rénales (vues en radiographie conventionnelle ou en échographie) ne sont pas non plus, a priori, un marqueur fort d’un risque particulier d’évolution vers l’insuffisance rénale. Elles traduisent seulement l’existence d’épisodes infectieux aigus, comme on peut le voir chez l’enfant aux antécédents de reflux vésico-rénal [21]. Une étude récente rétrospective (NP4) [22] a analysé l’évolution d’un groupe de 27 patients indemnes à leur admission de toute cicatrice rénale et qui avaient développé, au cours de leur suivi une ou plusieurs cicatrices. Les auteurs rapportent seulement 10 % de nouvelles cicatrices après un premier épisode chez ces patients. Par ailleurs, aucun d’entre eux n’a présenté d’insuffisance rénale. L’analyse des chiffres d’altération du haut appareil urinaire dans les séries de patients avec une vessie neurologique doit donc être faite avec un certain recul quand aux conséquences réelles qu’auront ces anomalies anatomiques. Outils diagnostiques : fonction rénale chez les patients BM Les progrès dans le domaine de la prise en charge des patients blessés médullaires ont été considérables. Il faut se souvenir que dans les années 1950, c’est près de 50 % des patients blessés médullaires qui finissaient par développer une insuffisance rénale chronique [23]. Actuellement, la fréquence d’une atteinte rénale dans les séries récentes de patients blessés médullaires est très faible. Ceci s’explique en grande partie par l’émergence de la rééducation fonctionnelle qui a permis une prise en charge globale des patients, ainsi que par les évolutions du mode mictionnel, avec notamment l’introduction par Lapides [24] des cathétérismes intermittents de la vessie. Les patients blessés médullaires gardent cependant un sur-risque de développer une insuffisance rénale terminale du fait de différentes atteintes spécifiques à leur condition (amylose chronique, lithiases, pyélonéphrite chronique, troubles obstructifs). Lawrenson et al. [25] ont récemment rapporté une étude portant sur la prévalence en Angleterre des cas d’insuffisance rénale terminale chez les patients blessés médullaires par rapport à la population générale (NP4), en utilisant un équivalent de la base PMSI portant sur 4 millions d’individus. L’estimation du sur-risque de dialyse pour les patients BM était de 3,5 (IC95 % : 0,4-15) par rapport à la population générale. Il est intéressant de noter que dans la même étude, le sur-risque était plus élevé pour les patients avec un spina bifida (7,8 ; IC95 % : 3,4-15) et presque nul pour les patients avec une SEP (1,6 ; IC95 % : 0,7-3,5). Les facteurs de risque du développement d’une insuffisance rénale chez les patients blessés médullaires sont difficiles à isoler précisément dans les séries 308 récentes. En effet, les séries de blessés médullaires sont fréquemment composées de patients très hétérogènes dans leur atteinte lésionnelle et qui changent très fréquemment de mode mictionnel au cours de l’évolution de leur vie et de leur pathologie. Certaines grandes lignes peuvent cependant être retrouvées. L’étude qui fait actuellement référence sur ce thème est celle faite par Weld et al. [26] qui a porté sur 308 patients suivis en moyenne 18 à 20 ans (NP4). Les résultats démontrent une altération significative de la fonction rénale chez les patients porteurs d’une SAD ou d’un CSP. En dehors de quelques études [27-29] (dont il faut souligner qu’elles ont des suivis relativement courts), les auteurs s’accordent à reconnaı̂tre la présence d’un cathéter intravésical comme un facteur de risque de reflux vésico-rénal et de dégradation du haut appareil [6,30-33] (NP2-4). Les mictions par poussée abdominale (Crédé) semblent également à risque en l’absence de surveillance des patients, comme le démontre l’original article de Chang et al. [34] (NP4). En effet, l’auteur a pu observer l’évolution de 74 patients blessés le même jour et qui ont tous utilisé des manœuvres de Crédé pendant plus de vingt ans. Dans ces conditions, les auteurs ont relevé un taux d’altération du haut appareil urinaire de plus de 35 %, avec près de 16 % des patients en insuffisance rénale chronique. Le cas particulier du reflux vésico-rénal doit être évoqué. Chez le patient blessé médullaire, le reflux traduit surtout un défaut de compliance vésicale ou des lésions anatomiques séquellaires d’un ancien déséquilibre. Même si les patients restent probablement plus à risque de développer des infections urinaires hautes, ils ne sont cependant pas forcément plus à risque de développer une insuffisance rénale si le défaut de compliance de leur réservoir vésical est réglé comme le montrent plusieurs séries d’entérocystoplastie [35,36] (NP 2-4). L’influence du niveau lésionnel sur la survenue de lésions rénales est une notion classique, mais discutée. Sekar et al. [27] ont réalisé une étude de cohorte originale (NP2b) puisqu’ils ont analysé les résultats, non pas par patients, mais par années passées sous un mode mictionnel spécifique, afin d’avoir une homogénéisation la plus grande possible des données. Contrairement à plusieurs articles récents (NP4) [26,32], les auteurs ont retrouvé une influence du niveau lésionnel sur la fonction rénale (sous la forme d’une diminution de débit de filtration glomérulaire, mesuré par scintigraphie chez les patients tétraplégiques par rapport au patients paraplégiques). Cette étude notait également un effet de l’âge des patients sur la fonction rénale (la fonction rénale diminuant progressivement). Il est cependant possible que ces résultats traduisent un biais des analyses, les modes mictionnels n’étant pas répartis de façon uniforme en fonction de la hauteur de l’atteinte médullaire (en clair, les patients tétraplégiques sont souvent amenés à choisir un mode mictionnel plus à risque, comme la sonde à demeure (SAD) ou le cathéter sus-pubien (CSP) que les patients paraplégiques). Outils diagnostiques : fonction rénale chez les patients spina bifida Il existe très peu d’études portant sur la fonction rénale au long terme chez les patients spina bifida. Contrairement à ce que l’on a pu noter chez les patients blessés médullaires, la détérioration de la fonction rénale est un problème qui reste au premier plan, avec une prévalence des lésions rénales pouvant atteindre 30 à 40 % [37]. Dans l’étude de Lawrenson et al., la prévalence des patients porteurs d’une MM en insuffisance rénale terminale dialysée était de 8 à 10 %. Les explications à cet état de fait sont multiples [38] : polypathologies malformatives, défaut de suivi à l’âge adulte, défaut de développement constitutionnel des reins... Tous les auteurs s’accordent donc à faire du suivi rénal de ces patients une priorité. En résumé La fonction rénale des patients blessés médullaires paraplégiques ou tétraplégiques, des patients avec enterocystoplastie ou agrandissement vésical ne peut être appréciée précisément par la formule de Cockroft (NP 1c). L’évaluation précise de leur fonction rénale doit donc reposer sur une clairance de la créatinine sur 24H si la diurèse peut être collectée de façon fiable ou sur une scintigraphie rénale (NP 1c). Dans le cadre du suivi pour un individu spécifique, la surveillance de la créatinémie peut également être intéressante. Il existe un sur-risque d’insuffisance rénale chez les patients avec MM et les BM (NP 2c). Ce risque semble supérieur chez les patients avec MM (NP 2c). Le mode mictionnel paraı̂t être un des facteurs majeurs du risque de dégradation rénale, les mictions par manœuvre de Crédé ou l’existence d’un cathéter intravésical étant les pratiques les plus risquées. Chez les patients avec une insuffisance rénale débutante, la recherche d’une protéinurie pourrait avoir une valeur pronostique et thérapeutique intéressante (NP 4b). Lithiase Outils diagnostics : revue des moyens et critique de leur pertinence L’examen de référence qui s’impose dans le cadre du diagnostic des lithiases de l’appareil urinaire est le scanner spiralé s ans i njectio n [3 9] (sens ibilité : 96-100 %, spécificité : 96 à 100 %). Les avantages sont le diagnostic de lithiase « radio-transparentes », même de petite taille, l’absence d’injection de produit de contraste, la rapidité d’exécution (5 min) sur des machines récentes. Il faut souligner l’avantage particulier de cet examen chez le patient neuro-urologique, notam- 309 ment chez les spina bifida, qui ont souvent un arbre urinaire et un rachis profondément remaniés [40]. L’interprétation des images de scanner, en s’aidant au besoin d’une injection est alors souvent plus aisée que les images indirectes de l’UIV, ou que l’échographie, rendues encore plus difficiles dans leur réalisation du fait du météorisme abdominal fréquent chez ces patients. Les inconvénients principaux du scanner sont la non-détection des lithiases d’Indinavir (observées essentiellement chez les patients traités pour une infection à VIH), et l’irradiation qui est deux à trois fois plus importante qu’une UIV, par exemple, lorsqu’elle ne comporte que trois clichés. Les autres examens gardentils une place dans le suivi ? Chez un patient en crise de colique néphrétique, l’ASP seul n’a qu’une sensibilité de 45 % et une spécificité de 77 %. Son association à l’échographie dans cette situation porte ces valeurs à plus de 90 % pour la sensibilité et entre 75 et 100 % pour la spécificité. Dans le cadre d’un suivi neuro-urologique à la recherche de lithiases urinaires, chez un patient aux cavités excrétrices normales, il a été récemment démontré que l’association ASP et échographie était très peu performante [41]. L’UIV, si elle n’est plus aujourd’hui l’examen de référence pour le diagnostic spécifique de lithiase urinaire, reste encore utilisée en raison de sa simplicité de réalisation et de son accessibilité [14,42-45]. Enfin, l’uroIRM, bien qu’elle progresse lentement, reste aujourd’hui un cran en dessous des performances du scanner sans injection, avec une sensibilité de l’ordre de 70 %[46]. Lithiases du haut appareil urinaire Fréquence chez le patient neuro-urologique L’incidence de la lithiase rénale dans la population générale est de 0,69 à 2 épisodes pour 1 000 personnes par an [47]. Cette incidence est clairement plus élevée chez les patients neuro-urologiques, notamment durant la première année (Tableau II). Chen et al. [47] ont par exemple calculé une incidence de 31 épisodes pour 1 000 personnes par an durant les trois premiers mois, décroissant rapidement pour atteindre 8 cas pour 1 000 personnes par an à 1 an puis 4 cas pour 1 000 personnes par an par la suite, sans nouvelle augmentation du risque. Cette dernière donnée est à prendre avec prudence compte tenu d’autres publications sur le suivi à très long terme qui sont contradictoires, parlant d’un risque qui augmenterait de nouveau après 10 à 20 ans de suivi [5,48]. La composition des calculs dans cette population spécifique est différente de celle de la population générale, les lithiases d’origine infectieuse étant très majoritaires [49]. Cette notion classique pourrait évoluer, comme l’a montré Matlaga [50] récemment. En effet, dans un travail portant sur des patients blessés médullaires et porteurs d’une myéloméningocèle, le taux de calculs métaboliques était de 62,5 %, contre seulement 37,5 % de calculs « infectieux » (struvite, carbonate d’apatite). Facteurs de risque L’augmentation de la fréquence des calculs durant la première année pourrait être en rapport avec l’hypercalciurie liée à l’immobilisation du patient [47]. Cette seule donnée n’est cependant pas suffisante pour expliquer le sur-risque chez les patients neurologiques. Le facteur de risque le plus important est clairement la présence d’antécédents de chirurgie urologique et, notamment, l’existence d’une dérivation urinaire transintestinale non continente. Chez ces patients, l’incidence de lithiase rénale est estimée entre 3 et 31 % [35,51-54]. Lorsque les patients présentent une lithiase, le risque qu’ils récidivent semble élevé, même en l’absence de Tableau II. Fréquence des lithiases dans une population de patients avec vessie neurologique (BM : blessé médullaire, MM : myéloméningocèle) Herr [163] Melzer [164] Pearman [165] Webb [166] De Vivo [49] Hall [69] Wan [167] Raj [68] Donellan [48] Chen [47] Weld [5] Chang [34] Ord [132] Année N Lésion neuro Fréquence calculs globale 1975 1976 1976 1984 1984 1989 1992 1999 1999 2000 2000 2000 2003 409 92 99 406 5915 898 111 327 1669 7784 316 74 457 BM BM BM BM BM BM BM MM BM BM BM BM BM 4% 3,3 % 2% 1,7 % 43,8 % 3,6 % Fréquence calculs vessie Fréquence calculs rein 29 % 8% 14,8 % 6,1 % 3,6 % 1,2 % 35,1 % 31,3 % 9% 310 problème sur le montage. Cohen et al. [55] ont estimé ce risque à plus de 60 % à 5 ans (NP 4). Enfin, la préservation de la vessie est aujourd’hui unanimement déconseillée par les auteurs, non seulement en raison des risques de pyocyste, mais aussi de lithiases à l’intérieur du réservoir vésical conservé [51]. Les données concernant les interventions d’agrandissement ou de remplacement vésical sont plus controversées. En effet, certains auteurs [56,57] signalent, en plus du risque lithiasique sur le réservoir vésical, un risque augmenté de développement de lithiase du haut appareil, avec une incidence de calcul entre 2 et 10 % à 5 ans de l’intervention. Il faut cependant signaler que ce type de complications n’est pas mentionné par de nombreux autres auteurs [58-67]. Les antécédents de spina bifida pourraient également être considérés comme un facteur de risque lithiasique. Ainsi, Raj et al. [68] ont publié en 1999 la seule étude chiffrant la fréquence des calculs rénaux chez les patients spina bifida. Ils ont noté une fréquence de lithiase supérieure à la population générale et un sur-risque particulièrement élevé chez les patients ayant une lésion de niveau thoracique et/ou des antécédents de chirurgie du réservoir vésical. Les lithiases vésicales sont très fréquemment retrouvées dans la population des vessies neurologiques et leur association avec l’existence de lithiases rénales a pu les faire considérer comme un facteur de risque de lithiase du haut appareil [69]. On ne retrouve cependant pas dans la littérature d’arguments en ce sens. Le niveau de lésion médullaire, le caractère complet de cette lésion, l’existence de reflux vésico-rénal, le mode mictionnel choisi par le patient (cathétérisme intermittent, miction réflexes, mictions par poussée abdominale, sonde...) sont des facteurs de risque cités par de nombreux auteurs. Les interactions entre ces différents facteurs et leur évolution dans le temps rendent leurs rôles respectifs difficiles à préciser. En analysant les différents articles de la littérature, on voit cependant de grandes lignes se dessiner. Ainsi, la SAD et le cathéter sus-pubien sont probablement les modes mictionnels qui augmentent le plus le risque de lithiase vésicale. Le CI, les mictions par poussée abdominale exposent également les patients à un risque plus important que la population générale. Finalement, seuls les patients ayant un retour à des mictions normales semblent protégés [70]. D’autres facteurs, enfin, pourraient intervenir à un moindre niveau, comme l’environnement climatique, la composition de l’eau [5,70]. Lithiase vésicale La prévalence de la lithiase vésicale est très variable dans la littérature (Tableau III), et elle dépend clairement du mode mictionnel et des antécédents chirurgicaux des patients. La majorité des auteurs s’accorde sur le fait que, comme pour les lithiases rénales, on observe un pic de formation de calculs vésicaux dans la première année qui suit la prise en charge. L’amélioration de la prise en charge des patients, si elle a eu finalement peu d’impact sur la fréquence de survenue des lithiases rénale, semble avoir eu un impact déterminant sur la fréquence des calculs vésicaux. Chen et al. [71] ont ainsi retrouvé une diminution par un facteur 5 du risque de calcul vésical la première année entre les patients traités de 1973 à 1979 et ceux traités de 1990 à 1996. Le risque de calcul vésical à distance (plus d’un an) du traumatisme médullaire était également abaissé, cette fois-ci d’un facteur 2 par la suite (NP 2b). Les risques les plus élevés de lithiase vésicale sont retrouvés dans toutes les études signalant les patients porteurs de cathéter permanent (CSP ou SAD) ou d’agrandissement vésical. De même, les patients ayant déjà eu une lithiase vésicale sont à risque de récidive élevé, certains auteurs ayant chiffré ce risque à plus de 40 % [72] (NP4). Un groupe intermédiaire regroupe les patients aux antécédents d’agrandissement vésical ou d’entérocystoplastie, ainsi que les patients vidangeant leur vessie par manœuvre de crédé ou par percussion avec un résidu. Le groupe à faible risque comprend les patients sous cathétérisme intermittent, chez lesquels on peut parfois avoir des lithiases vésicales sur corps étranger. Tableau III. Principales séries de la littérature avec agrandissement vésical par entéro-cystoplasties Auteur Lockhart [136] Sidi [137] Nasrallah [138] Robertson [139] Luangkhot [140] Hasan [141] Mast [142] Mc Inerney [143] Herschorn [144] Arikan [145] Chartier Kastler [59] Quek[146] n Suivi Capacité Vessie Préop Capa Ves Postop P vessie préop P vessie postop 15 12 14 25(19) 21 48(13) 28(24) 100(50) 59 18 17 26 NP 1,3 2,3 1,2 3,1 3,2 2,6 2 6,1 3,4 5,4 8 <150 134 101 122 185 242 235 196 220 86 174,1 201 330-480 562 383 659 595 330 511 867 531,2 370 508,1 615 >40 NP 60.8 23 53 NP 72 NP 48,9 NP 65,5 81 18-38 <30 NP 7 16 NP 46 NP 15,8 NP 18,3 20 311 En résumé L’examen de référence pour faire le diagnostic de lithiase de l’arbre urinaire en 2006 est le scanner spiralé sans injection de produit de contraste (NP 1c). Les principaux facteurs de risque surajouté de lithiases du haut appareil sont : l’existence d’une MM, une entérocystoplastie ou une dérivation urinaire transintestinale (NP 2c). Pour les BM, il existe un pic de fréquence des lithiases rénales, notamment la première année (NP 4b). Même si la fréquence des lithiases est relativement faible, le caractère paucisymptomatique des crises de colique néphrétique expose au risque de destruction rénale à bas bruit (NP 4c). Les principaux facteurs de risque des lithiases du réservoir sont le cathétérisme permanent (sonde à demeure ou cathéter sus-pubien), l’agrandissement vésical ou l’entérocystoplastie, l’existence d’un résidu (NP 2c). Risque carcinologique génito-urinaire Les données épidémiologiques les plus fournies concernent essentiellement les patients blessés médullaires, les patients avec MM étant dans l’ensemble trop jeunes pour avoir développé ce type de pathologies. Les données de ce paragraphe ont été extraites pour la plupart de séries de BM. Il est cependant probable que les données observées chez le BM pourraient être extrapolées chez le patient avec MM. L’espérance de vie des patients blessés médullaires augmentant progressivement, il est logique de constater que la part des décès liés à un cancer augmente régulièrement. Il s’agit, dans certaines études épidémiologiques de la troisième cause de décès des patients [3]. Dans le cadre du suivi génito-urinaire, quatre grandes questions peuvent se poser : Le risque de cancer de vessie est-il plus grand chez ces patients ? Si oui, comment le surveiller ? Chez les hommes, le mode mictionnel (notamment la pratique du cathétérisme intermittent) peut-il influer sur le diagnostic précoce du cancer de la prostate ? Enfin, si une décision d’entérocystoplastie ou d’agrandissement vésical est prise, fait-elle courir un risque carcinologique au patient ? Le risque de cancer de vessie est-il plus grand chez les patients BM ? Il est classique de considérer que le risque de cancer de vessie est plus élevé chez les patients BM par rapport à la population générale [73]. La réalité d’un risque relatif plus élevé pour les patients neurologiques de développer une tumeur a cependant été récemment remis en cause par plusieurs auteurs [74,75]. Ils avancent que les séries rapportant une prévalence élevée des tumeurs vésicales sont anciennes, d’effectif faible et utilisent une définition de la « tumeur vésicale » hétérogène (Tableau IV). Ce dernier point est particulièrement juste et on ne trouve que très rarement une classification histologique précisé des lésions. De plus, ils soulignent que ces tumeurs de vessie impactent très peu l’espérance de vie des patients. De fait, on est obligé de constater que dans toutes les études récentes rapportant le suivi de cohortes importantes de patients blessés médullaires, très peu de cas de décès spécifiquement dus à un cancer de la vessie sont rapportés [1-3,76,77]. Il est également possible que l’incidence ait diminué du fait d’une meilleure gestion des vessies neurologiques, permettant, le plus souvent, de se passer notamment d’un cathéter à demeure sur une très longue période [74]. À titre d’exemple, la série publiée la plus récente est particulièrement intéressante [78]. En effet, pas un seul des patients avec un diagnostic de tumeur de vessie n’avaient une tumeur infiltrante ou à flexion épidermoı̈de. Les tumeurs de vessie ne sont donc pas beaucoup plus fréquentes chez le patient porteur d’une vessie neurologique que dans la population générale. En revanche, à la lecture des séries de la littérature, l’existence d’un type de cancer spécifique aux vessies neurologiques est patente. En effet, dans toutes les séries, la proportion de carcinome épidermoı̈de est très importante [74], variant Tableau IV. Incidence des tumeurs de vessie dans les différentes séries de la littérature Incidence/100 000 Étude Kaufman [168] Locke [169] Esrig [170] Melzak [171] Bejany El-Masri [172] Broecker [173] Bickel [174] West [175] Pannek [74] Groah [86] Subramonian [75] Type Année n n cancer Brute Recalculée Prospective Prospective Prospective Rétrospective Rétrospective Rétrospective Rétrospective Rétrospective Rétrospective Rétrospective Rétrospective Rétrospective 1977 1985 1992 1966 1987 1981 1981 1991 1999 2002 2003 2004 62 25 37 3 800 300 6 744 1 052 2 900 33 565 43 561 3 670 1 324 6 2 2 11 7 25 10 8 130 48 21 4 10 000 8 000 5 400 280 2 300 370 1 000 320 387 110 572 302 720 438,6 295,9 30,7 312 entre 19 et 52 %, alors que la fréquence dans la population générale est de 1,2 à 4,5 % (en dehors des zones d’endémie bilharzienne) [73,79]. Particularités des outils diagnostics des tumeurs de vessie chez les patients ayant une neuro-vessie La bactériurie asymptomatique, fréquente chez les patients neuro-urologiques est un facteur qui perturbe considérablement les tests de diagnostic précoce des tumeurs de vessie. Le Bladder Tumor Antigen (BTA) ne peut être utilisé car il est perturbé par la leucocyturie. La recherche d’une hématurie microscopique n’a pas non plus de valeur, de même que l’analyse des Fibrinogen Degradation Peptide (FDP). L’étude de la survivine urinaire pourrait être intéressante, mais doit encore être validée [78]. La cytologie urinaire a une très mauvaise sensibilité dans le cadre du diagnostic des tumeurs épidermoı̈des [79]. En revanche les séries publiées l’ayant utilisée retrouvent, dans le sous-groupe de patients avec une neuro-vessie, une sensibilité de l’ordre de 60 à 70 % (NP4) [75,80,81]. La cystoscopie, suivie de biopsies si nécessaire, reste donc le pilier du diagnostic. Il faut souligner que les biopsies peuvent montrer des lésions diverses. Pour l’ensemble des auteurs, la métaplasie malpighienne non kératinisée, notamment au niveau du trigone chez la femme n’a pas de signification pathologique. En revanche, la présence de lésions kératinisantes doit inciter à une surveillance rapprochée du patient [82] (NP4). La signification précise des lésions de cystite glandulaire est beaucoup plus discutée [81,83]. Facteurs de risque de tumeur de vessie Les différentes séries de la littérature (Tableau II) sont assez concordantes sur plusieurs points. Tout d’abord, les tumeurs de vessie, notamment épidermoı̈des, surviennent après une évolution longue (15 à 20 ans) de la neurovessie. De plus, la tumeur survient chez des patients relativement jeunes (50 ans en moyenne). Le diagnostic est fréquemment tardif, amenant à la découverte de tumeurs infiltrantes rendant difficile la mise en place d’un traitement curatif. Enfin, le mode le plus fréquent de diagnostic reste, en dehors des pays ou des structures dans lesquelles un programme de surveillance régulière a été établi, la survenue d’une hématurie macroscopique. On l’a déjà vu, la fréquence des tumeurs de vessie, dans les populations suivies correctement, est faible. La recherche de facteurs de risques permettant de sélectionner les patients les plus à risques de cancer paraı̂t donc nécessaire. Le faible nombre de patients présentant l’événement est cependant un obstacle majeur à ce type d’étude. Vereczkey et al. [84] ont donc utilisé une approche rétrospective pour préciser les patients particulièrement à risque. Cette approche méthodologique apporte un assez faible niveau de preuve (NP4) et doit impérativement être confirmée dans une étude prospective, ce qui n’a pas été fait à ce jour. Leur travail apporte cependant une notion intéressante qui est l’intérêt d’utiliser un pool de plusieurs facteurs de risque plutôt que d’essayer d’en utiliser un seul (comme le cathétérisme permanent ou l’exposition au tabac, par exemple). Le facteur de risque le plus important dans leur étude était l’existence d’un cathéter permanent dans la vessie depuis plus de dix ans. Les facteurs de risque secondaires étaient la consommation de tabac (plus de 20 paquets/année), l’existence d’un calcul de vessie, plus de 10 épisodes d’infection urinaire par an, une consommation de plus de 100 tasses de café par an. Plusieurs études analysant l’expérience d’un suivi systématique de patients et/ou de groupes à risque (fumeurs, ancienneté de la lésion neurologique, infections chroniques...) rapportent des résultats décevants [85,86]. On peut même souligner dans ces publications que les patients non suivis de façon systématique avaient des tumeurs moins avancées lors du diagnostic que les patients suivis systématiquement... Au final, le facteur de risque semblant le plus important à la lecture de l’ensemble des séries est l’utilisation d’un cathéter permanent pour drainer la vessie. Chez ces patients, deux études analysant l’intérêt d’un diagnostic précoce sont disponibles, avec des résultats très contradictoires. Ainsi, pour Delnay et al. [81](NP2b), le suivi permet de diagnostiquer les patients avec des lésions tumorales, mais aussi précancéreuses (dont la fréquence était de près de 50 % dans leur série). Les données issues de l’étude de Hamid et al. [83](NP4) sont totalement contradictoires, avec cet article, mais aussi avec l’ensemble des séries publiées jusqu’à présent. Les auteurs ne rapportent en effet, chez des patients avec un cathéter sus-pubien pendant douze ans en moyenne, aucune lésion tumorale. Facteurs pronostiques de tumeur de vessie Du fait du faible nombre de patients observés, l’effet d’autres facteurs de risque que la vessie neurologique est extrêmement difficile à analyser. Groah et al. [86] ont publié le seul travail prospectif analysant une cohorte de 3 670 patients dont une vingtaine ont développé une tumeur de vessie. À partir de ces données, les auteurs ont construit une étude cas témoin [86] (NP3) à la recherche de facteurs de bon pronostic chez les patients avec une tumeur de vessie. Il est intéressant de noter que ni l’âge des patients, ni l’intervalle entre la blessure médullaire et la survenue de la tumeur n’était différent chez les patients ayant survécu plus de 5 ans par rapport à ceux morts dans les 5 ans ayant suivi le diagnostic de tumeur de vessie. Plus intéressant, la proportion de patients avec une tumeur épidermoı̈de était identique dans les deux groupes. Le seul facteur différent entre les deux groupes était un nombre de cystoscopies et de biopsies paradoxalement moins important chez les survivants et les non-survivants. 313 Cas particulier des entérocystoplasties Le problème particulier du cancer de la prostate Nous exclurons de cette analyse les patients ayant une extrophie de vessie et qui sont déjà à risque de développer une tumeur de vessie [82]. Le risque de dégénérescence du réservoir néoformé est d’autant plus craint que l’indication en neurourologie va être posée chez des patients ayant une espérance de vie très longue, certains étant des enfants. Il y a aujourd’hui un consensus pour estimer qu’il existe un risque supérieur pour les patients avec un réservoir vésical de développer une tumeur que dans la population normale. Le sur-risque n’est pas clairement identifié à ce jour et provient exclusivement de petites séries de cas. Le chiffre le plus souvent évoqué est aux alentours de 1 à 3 % de risque de développer une tumeur [87,88] (NP4). Au total, 31 cas ont jusqu’à présent été rapportés dans la littérature. La grande majorité de ces cas sont des adénocarcinomes, à la jonction de la muqueuse intestinale et de l’urothélium. Ces cas se sont développés le plus souvent très à distance du geste initial (plus de 10 ans pour la majorité). Un certain nombre de patients ont développé une tumeur urothéliale et présentaient des facteurs de risque classique. Il faut également souligner que dans les réservoirs intestinaux, la cytologie urinaire perd une grande partie de sa sensibilité et spécificité. La surveillance de ces patients ne peut donc s’envisager que par cystoscopie régulière avec biopsies des zones suspectes. L’importance du suivi est ici capitale, car dans ce sous-groupe de patients, un grand nombre des patients développe une tumeur à bas bruit et le diagnostic est particulièrement retardé [87] (NP4). Indépendamment des querelles d’experts sur l’intérêt de mettre en place un dispositif de dépistage pour le cancer de la prostate, il existe une explosion de la demande de diagnostic précoce qui aboutit au fait que, dans les pays européens, 20 à 30 % des hommes ont déjà eu au moins un dosage du PSA [89]. Le but de ce paragraphe est de donner quelques pistes permettant d’adapter les outils utilisés dans la population générale aux patients ayant une neuro-vessie traumatique ou congénitale. Les dernières recommandations de l’Association française d’urologie préconisent le diagnostic précoce de cancer de la prostate chez des patients ayant au moins dix à quinze ans d’espérance de vie, c’est-à-dire les patients ayant entre 50 et 75 ans. Chez les patients particulièrement à risque (au moins deux parents de premier degré atteints, au moins deux parents chez lesquels le cancer a été diagnostiqué avant 50 ans, population africaine ou antillaise), l’âge de début de diagnostic précoce peut être abaissé à 45 ans [90]. Les patients ayant une neurovessie dans les suites d’une BM ne sont pas particulièrement protégés du risque de cancer de la prostate [91]. L’âge auquel on pourrait proposer de faire un test de diagnostic précoce doit donc s’aligner sur celui de la population générale. En revanche, malgré les progrès de leur prise en charge, l’ espérance de vie de ces patients est réduite par rapport à la population générale, notamment en ce qui concerne les patients tétraplégiques[1]. Dans ces conditions, il apparaı̂trait raisonnable de diminuer l’âge maximum jusqu’auquel on propose le diagnostic précoce de cancer de la prostate, au cas par cas, suivant les comorbidités associées. Le diagnostic précoce du cancer de la prostate repose sur deux piliers : le TR et le dosage du PSA. Le taux actuellement reconnu comme la « normale » est de 4 ng/ ml. Au-delà, quel que soit le volume prostatique, il est actuellement recommandé de proposer des biopsies de prostate [90]. Chez les patients ayant une vessie neurologique posttraumatique, le cathétérisme intermittent, les infections urinaires fréquentes, l’atrophie prostatique neurogènes pourraient légitimement faire craindre une dégradation de la sensibilité et de la spécificité du PSA. Quelques études sont allées dans ce sens, en retrouvant un PSA significativement différent chez les patients BM par rapport aux contrôles. Ces études ont cependant été biaisées par le fait que les patients analysés étaient jeunes et avaient tous des valeurs de PSA très basses, dont les variations n’avaient pas de signification en pratique [92,93]. Les études portant sur des cohortes plus importantes de patients dans le « créneau » d’âge du diagnostic précoce ont gommé les inquiétudes initiales [94,95]. Une étude castémoin récente a confirmé l’absence de différence significative, non seulement des taux de PSA, mais aussi des taux de cancer diagnostiqués dans une En résumé Il existe un sur-risque pour les patients BM de développer un cancer de vessie, relativement plus faible que pouvaient le faire penser les premières séries rapportées (NP2c). Les tumeurs de vessie qui se développent chez ces patients surviennent cependant chez des sujets jeunes et sont fréquemment des carcinomes épidermoı̈des découverts à un stade avancé (N 4c). Les tumeurs sont le plus souvent découvertes chez des patients ayant une neuro-vessie ancienne (15 à 20 ans, NP4c). La recherche d’une hématurie microscopique, les tests BTA, et FDP ne doivent pas être utilisés chez les patients ayant une vessie neurologique (NP4e). La cytologie urinaire a une très mauvaise sensibilité dans les tumeurs épidermoı̈des (NP2b). Les protocoles de diagnostic précoce dans les groupes à risque n’ont pas fait la preuve de leur efficacité (NP2b). La cystoscopie suivie de biopsie en cas de doute reste le pilier du bilan (NP2b). Les réservoirs utilisant du tissu intestinal font courir un faible risque de dégénérescence tumorale à très long terme. Leur suivi par cystoscopie et biopsies est donc impératif, au moins à partir de 10 ans d’évolution (NP4c). 314 population de patients BM par rapport à des patients contrôle extraits d’une série de 19 000 patients soumis à un programme de dépistage [96]. Le dernier point est le risque particulier des biopsies de prostate chez ces patients. Nous n’avons pas retrouvé d’études en ce sens, mais la fréquence des bactériuries chez ces patients impose certainement des règles particulières de prise en charge avant la réalisation des biopsies de prostate. Il semble notamment logique de conseiller un ECBU systématique avant biopsie, et la prescription d’une antibiothérapie en cas de bactériurie significative, entourant la réalisation de la biopsie. Aucune étude n’est à ce jour disponible en ce qui concerne les patients avec MM. dans les urines changeaient très régulièrement chez ces patients, même sur des périodes d’observation très courte [98]. Un des outils complémentaires du compte de germes est l’analyse de la leucocyturie. Le taux de leucocytes dans les urines doit être considéré comme pathologique s’il est supérieur à 10/mm3 (103/ml). En pratique clinique, la constatation d’une pyurie ou d’une leucocyturie pathologique amène parfois le patient à consulter et peut être le facteur déclenchant un traitement antibiotique. Dans la littérature, on ne retrouve aucune référence permettant de justifier cette attitude. Il ne semble pas y avoir de corrélation entre l’existence de symptômes ou la gravité de l’infection et l’importance de la leucocyturie ou de la pyurie [97,99-102]. En résumé Le diagnostic précoce du cancer de la prostate est recommandé à partir de 50 ans pour les patients ayant une espérance de vie supérieure à 15 ans (NP2c). Il doit être proposé plus précocement chez les patients ayant des facteurs de risque familiaux (NP2c). Les valeurs seuil de PSA ne sont pas différentes chez le patient neurourologique quel que soit son mode mictionnel (NP3). Un ECBU systématique avec traitement antibiotique préalable à la biopsie prostatique paraı̂t raisonnable compte tenu de la prévalence de la bactériurie dans la population visée (NP4e). Infections de l’appareil génito-urinaire Outils diagnostiques : revue des moyens et critique de leur pertinence La présence de germes dans les urines est fréquente chez les patients ayant une vessie neurologique. Chez les patients ayant un cathétérisme permanent, elle est virtuellement de 100 % après 1 mois. Dans la population générale, la bactériurie est définie par une concentration de germes >105 Colonies Formant Unité (CFU) par ml. Chez les patients neurologiques, cette concentration est différente, suivant le mode mictionnel, et a été établie suite à une conférence de consensus tenue en 1992 [97]. On parle de bactériurie chez les patients sous cathétérisme intermittent à partir de concentration de germes >102CFU/ml, pour les patients utilisant des étuis péniens à partir de concentrations de germes >104CFU/ml. Une des conséquences de ces définitions est que l’utilisation des bandelettes urinaires ne peut être recommandée chez les patients neuro-urologiques, puisque ces outils ont été construits pour avoir une bonne sensibilité et spécificité pour la détection de germes à une concentration de 105/ml. Par ailleurs, la réalisation d’un ECBU mensuel dans l’optique d’avoir un germe identifié en cas d’infection urinaire symptomatique ne se justifie pas non plus chez les patients neurologiques. En effet, Penders et al. ont démontré que les bactéries présentes En résumé L’utilisation de la bandelette urinaire chez certains patients neuro-urologiques n’est pas logique compte tenu des seuils de CFU retenus pour parler de bactériurie. Les seuils de bactériurie signifiants sont en effet de 102CFU/ml pour les patients sous cathétérisme intermittent, 104CFU/ml pour les patients utilisant des étuis péniens (NP1c). L’absence de retentissement clinique de la bactériurie, les changements spontanés de flore microbienne dans la neuro-vessie incitent à ne pas pratiquer de surveillance de l’ECBU chez ces patients (NP2b). Compte tenu de la fréquence de la bactériurie chez ces patients, il est raisonnable de demander un ECBU avant la réalisation de ponction-biopsie de prostate, et de proposer une antibiothérapie avant l’examen adaptée au germe retrouvé (NP4e). Retentissement clinique des infections urinaires chez le patient BM ou MM Les conséquences de la bactériurie chronique des patients neurologiques ne sont pas neutres. Ainsi, dans l’étude de Soden et al. sur les causes de surmortalité spécifiques des patients blessés médullaires, la première était les décès consécutifs à une septicémie dont 30 % étaient d’origine urinaire. De même, dans la littérature, l’incidence, par patient, des infections urinaires symptomatiques peut être estimée en moyenne à un ou deux par an, que les patients soient paraplégiques ou tétraplégiques [3,26,103,104]. Le taux d’infection symptomatique est cependant un peu surestimé. En effet, les patients attribuent souvent un changement de comportement vésical ou d’autres symptômes moins spécifiques (hyperactivité, sensation de pesanteur pelvienne) à une infection urinaire à tort. Ainsi, dans une étude rétrospective, Bakke et al. [105] ont démontré que les patients se plaignant de ce type de symptômes n’avaient pas un taux de bactériurie significativement différent de patients ne se plaignant pas de ce type de symptômes. Ces résultats ont été récemment confirmés par une autre équipe lors d’une étude prospective [106]. 315 En résumé Le retentissement clinique de la bactériurie est souvent difficile à évaluer chez le patient BM ou avec une MM en l’absence de signes généraux (NP1c). Anomalies uro-dynamiques L’intérêt du bilan uro-dynamique (BUD) est évident dans le cadre du bilan initial d’une vessie neurologique, qu’elle soit chez le BM ou chez le patient avec MM. Il a été en effet clairement démontré qu’il n’y a pas de parallélisme strict entre les données de l’examen clinique et le comportement vésical, notamment en ce qui concerne les atteintes de la queue de cheval [5,107]. En ce qui concerne le suivi des patients, l’absence de données enregistrées prospectivement sur le très long terme empêche, dans la majeure partie des situations, de calculer précisément la sensibilité et la spécificité du bilan uro-dynamique pour prédire la survenue de complications urologiques. Dès lors, l’intérêt du BUD peut plus prêter à discussions, d’autant plus qu’il s’agit d’un examen invasif. Ces dernières années, l’utilisation de plus en plus importantes de traitements médicaux simples pouvant ayant une efficacité importante sur les pressions vésicales, notamment (anticholinergiques, toxine botulique...) a relancé l’intérêt de ces explorations. Chez les patients porteurs d’une MM, c’est Mc Guire [108], en 1981, qui a été le premier à montrer que les patients ayant des pics d’hyperpression vésicale à plus de 40 cm d’eau mettaient en danger leur haut appareil urinaire à moyen terme. Ainsi, avec 7 ans de recul, les patients ayant ce type d’hyperpression avaient un taux d’urétéro-hydronéphrose de 81 %. Cette valeur de 40 cm d’eau a depuis été retenue par d’autres auteurs [109-112]. Chez les patients BM, les auteurs ont, pour la plupart, extrapolé les résultats observés chez les patients avec MM et fondent leur analyse sur la considération qu’une valeur de 40 cm d’eau doit de principe être considérée comme pathologique. Aucune analyse prospective n’est disponible à ce jour pour confirmer ces données. Cependant, les études rétrospectives de larges séries de patients ont démontré que les patients ayant développé des lésions du haut appareil urinaire ont une pression intravésicale moyenne significativement plus élevée que les patients n’ayant pas de lésions [4,113]. L’existence d’une détérioration de la compliance vésicale, d’une dyssynergie vésico-sphinctérienne (chez des patients n’utilisant pas de cathétérisme) sont également des facteurs contribuant à une dégradation du haut appareil urinaire. Des scores pronostiques ont été proposés chez les patients avec MM [110,111,114,115]. Aucun n’est à ce jour rentré en pratique courante et n’a été validé prospectivement. Un des derniers proposés aurait pourtant une valeur prédictive positive pour la survenue d’une urétéro-hydronéphrose de 100 % [111], au prix d’une sensibilité médiocre de 19 %. On rappellera que, dans ce groupe de patients, la constatation d’une anomalie urodynamique peut faire suspecter la survenue d’un syndrome de moelle attachée. Les résultats urinaires de la correction de la moelle attachée sont sujets à controverse [116-121], mais certains auteurs considèrent qu’un suivi régulier pourrait permettre de dépister plus tôt la moelle attachée permettant un traitement plus précoce qui serait plus efficace [120,121]. Chez les patients BM, ce type de score n’a pas été proposé. L’analyse de la compliance est difficile du fait des manifestations d’hyperréflexie fréquentes de ces patients. La valeur seuil pour parler de compliance détériorée est aux alentours de 12,5 ml/cm d’eau [26], mais certains auteurs considèrent qu’une compliance inférieure à 20 cm d’eau expose déjà à un risque significatif de retentissement sur le haut appareil urinaire [122]. Il est intéressant de noter que, même chez les patients porteurs d’une sonde à demeure et suivis suffisamment longtemps, le risque d’urétéro-hydronéphrose est supérieur si les pressions vésicales sont élevées et que la compliance est altérée [123]. L’analyse de la dyssynergie vésico-sphinctérienne est également sujette à controverse. Il s’agit probablement d’un facteur de dégradation du bas appareil urinaire chez les patients urinant par percussion ou par poussées [5]. Chez ces patients, cependant, le retentissement en pratique clinique de la constatation d’une dyssynergie vésico-sphinctérienne isolée n’apparaı̂t pas évident en l’absence de symptômes ou d’anomalies de la compliance ou du régime de pressions vésicales. En résumé Lors du bilan initial, le BUD est l’examen qui permet l’analyse la plus précise du comportement vésical (NP1c). Dans le cadre du suivi des patients porteurs d’une MM, le BUD paraı̂t apporter des informations pertinentes sur le pronostic rénal (NP3). Bien que le nombre d’études soit moins important, l’utilisation du BUD dans le suivi des patients BM paraı̂t également apporter des informations sur le pronostic rénal (NP3). Les critères utilisables dans le cadre de cette surveillance dans les deux groupes sont encore débattus. Ceux qui semblent le plus pertinents sont l’existence d’une hyperpression vésicale et de troubles de la compliance vésicale (NP3). L’existence d’une dyssynergie vésico-sphinctérienne pourrait également avoir une valeur pronostique chez les patients ayant gardé des mictions (NP3). Cas particulier du résidu postmictionnel et du reflux vésico-rénal Résidu postmictionnel Le résidu postmictionnel doit être systématiquement recherché et enregistré chez les patients n’utilisant pas de cathétérisme. Il s’agit d’un facteur classique favorisant l’infection urinaire symptomatique, les lithiases vésica- 316 les, les urétéro-hydronéphroses. En revanche, un certain nombre de patients sont suivis avec un résidu chronique qui ne semble pas avoir de retentissement significatif sur le haut appareil. À l’inverse, un certain nombre de patients peut développer une urétéro-hydronéphrose sans résidu postmictionnel [124,125]. En résumé Le suivi échographique du seul résidu postmictionnel n’est pas suffisant et doit s’accompagner de l’étude du haut appareil urinaire (NP4b). Recherche du reflux vésico-rénal Le reflux vésico-rénal dans les vessies neurologiques fait le plus souvent suite à une hyperpression au sein du réservoir vésical. Il se traduira progressivement par une urétéro-hydronéphrose. En revanche, le reflux n’étant, par lui-même pas pourvoyeur de pathologies particulière, il n’apparaı̂t pas logique de le rechercher systématiquement en l’absence de signes d’appel. Suivi en fonction du mode mictionnel retenu Quelle que soit l’origine des troubles mictionnels, le suivi va prendre en compte le mode mictionnel choisi (ou subi) par le patient. Certains de ces modes mictionnels peuvent profondément modifier le suivi qui pourrait être proposé au patient. Rééducation mictionnelle, poussée abdominale Les mictions par poussée abdominale, éventuellement associées ou complétées par des percussions sont un choix mictionnel qui imposera un suivi spécifique très rigoureux. En effet, les patients peuvent, avec ce mode mictionnel particulièrement, dégrader leur appareil urinaire sans s’en rendre compte [126]. Ils n’ont le plus souvent pas de repère clinique clair de leur équilibre. Ils ont en effet fréquemment, dès le départ, des fuites urinaires associées a minima qu’ils traitent par l’appareillage avec des étuis péniens. Or les fuites urinaires peuvent être un signal d’alerte d’apparition d’une hyperactivité vésicale. Les dégâts possibles de ce choix mictionnel ont été récemment démontrés par Chang et al. [34] qui ont publié l’évolution d’une cohorte de 74 BM paraplégiques (dans les suites d’un tremblement de terre), tous suivis depuis 23 ans, urinant tous par Crédé. Au sein de cette population, 93 % des patients avaient un RPM>100 ml, 59,5 % une urétéro-hydronéphrose. Seize pour cent des patients de cette cohorte avaient un début d’insuffisance rénale. En résumé Les patients ayant choisi d’uriner par poussée abdominale ou par percussion sont à haut risque de développer des complications urologiques (lithiase vésicale, bactériurie, insuffisance rénale [NP2c]). Cathétérisme intermittent Le cathétérisme intermittent représente l’étalon or du traitement des vessies neurologiques chez les patients qui l’acceptent. Il est possible dès les premières semaines de vie, avec une bonne acceptation par les familles et les enfants [127]. Chez ces derniers, notamment chez les patients avec une MM, l’association à un traitement anticholinergique semble même permettre une meilleure évolution de la vessie, dont la capacité pourrait s’agrandir progressivement avec l’âge [6]. Les études cas-témoin indiquent que la survenue de complications sur le haut appareil urinaire serait nettement moins fréquente [114,128]. Chez l’adulte, les données sont également très en faveur du cathétérisme intermittent. Ce mode mictionnel préserve la fonction rénale et diminue le risque de lithiases vésicales [5]. En revanche, le risque de bactériurie et d’orchi-épididymites pourrait être un peu plus élevé chez ces patients par rapport à ceux urinant par percussion [103,129]. Le suivi des patients sous cathétérisme intermittent est facilité par le fait que ces patients sont le plus souvent continents entre les sondages. En cas de déstabilisation de la vessie, l’hyperpression vésicale peut faire apparaı̂tre des fuites qui inciteront le patient à venir consulter. Il n’en reste pas moins nécessaire de suivre ces patients rigoureusement. C’est probablement un manque de suivi qui explique que plusieurs équipes signalent une désaffection pour le cathétérisme intermittent parmi leurs patients, dans les années qui suivent leur sortie de rééducation, montant jusqu’à 50 % des patients [104,130,131]. Dans ces séries, l’existence de fuites entre les sondages est le facteur à l’origine de l’abandon le plus fréquemment cité. En résumé Le cathétérisme intermittent est le mode mictionnel qui expose le moins aux complications urologiques (lithiase, infection, altération de la fonction rénale, NP2c). En revanche, le suivi des patients ayant choisi ce mode mictionnel est capital pour prévenir l’abandon de ce mode mictionnel qui reste vécu comme astreignant par de nombreux patients (NP2c). Cathétérisme permanent Les cathétérismes permanents ne peuvent être autre chose qu’un choix temporaire ou de fortune chez des patients trop fragiles pour une autre solution. Il n’y a pas, aujourd’hui, de preuve dans la littérature d’un avantage du cathéter sus-pubien par rapport à la sonde à demeure dans un usage chronique. Les deux cathéters exposent à un risque de bactériurie chronique et de lithiase 317 vésicale [29,131-134]. Les patients traités par ces deux types de cathéters sont plus à risque que les autres de développer des lésions du haut appareil liés à une hyperactivité vésicale [5,135]. Chez la femme, la sonde à demeure expose au risque de fistule urétro-vaginale, même après un délai de seulement quelques années [131]. En résumé La mise en place d’un cathétérisme permanent est le mode de drainage vésical qui expose au plus fort risque de complications urologiques. La surveillance de ces patients doit donc être particulièrement attentive (NP2c). Il n’y a pas de preuve de niveau acceptable que le cathétérisme sus-pubien soit un drainage meilleur sur le long terme que la sonde à demeure, sauf chez la femme où il n’expose pas au risque de fistule urétro-vaginale (NP4c). Entérocystoplastie ou agrandissement vésical avec ou sans dérivation urinaire continente Peu de séries sont disponibles avec un nombre de patients suffisant et un suivi long dans l’indication spécifique liée à la neuro-urologie [59,136-146] (Tableau III). Comme pour les dérivations urinaires non continentes, le suivi rénal par échographie et mesure de la clairance de la créatinine s’impose régulièrement. Les patients ayant nécessité une réimplantation urétérale doivent être particulièrement suivis, car ils sont plus à risque de développer une urétéro-hydronéphrose. La nécessité d’un suivi métabolique spécifique des patients avec cystoplastie intestinale reste discutée. L’analyse de la littérature est complexe du fait de la très grande variété des segments intestinaux utilisés et des montages réalisés. Les dérivations utilisant le carrefour iléo-cæcal et la fin de l’iléon exposent en théorie au risque de carence en vitamine B12. Les séries récentes d’entérocystoplastie signalent une diminution de taux de vitamine B12, sans retentissement clinique (anémie mégaloblastique). L’utilisation d’un segment intestinal de moins de 50 cm semble expliquer qu’il n’y ait pas de retentissement plus important [147,148]. L’existence de diarrhées est possible après agrandissement vésical, avec une fréquence allant de 0 à 30 % des cas [59,149-151]. La non-conservation de la valve iléo-cæcale est un facteur majorant le risque de diarrhée. Ces dernières n’ont en revanche pas de conséquences métaboliques. Le retentissement notamment de l’acidose métabolique et des anomalies du bilan phospho-calcique a été particulièrement important chez les enfants, après qu’un retentissement possible de ces désordres sur leur courbe de croissance a été évoqué [152]. Plusieurs études concordantes n’ont cependant pas retrouvé d’anomalies cliniquement significatives et une surveillance particulière ne paraı̂t pas nécessaire [153-155]. Les patients porteurs d’une cystostomie continente peuvent présenter des problèmes de sténose de la stomie, notamment en cas de stomies étroites comme dans le Mitrofanoff. Le cathétérisme régulier de la stomie limite cependant ce risque. En résumé L’entérocystoplastie ou l’agrandissement vésical semblent, au moins à moyen terme, permettre de diminuer les pressions au sein de l’arbre urinaire. En dehors du suivi rénal, un suivi spécifique des conséquences métaboliques de l’agrandissement ne semble pas se justifier, y compris chez l’enfant (NP2c). Dérivation urinaire transintestinale non continente Le suivi spécifique de ces patients doit comporter une surveillance régulière de l’absence de dilatation des cavités pyélo-calicielles (0 à 50 % dans la littérature), ainsi que de l’absence de dégradation de la créatininémie (0 à 12,4 % rapportés) [35,52,53,147,156-160]. Ces événements étaient communs dans les séries « historiques » de dérivation non continente [156,160]. Ils semblent beaucoup moins fréquents dans les séries les plus récentes, dont il faut cependant souligner le suivi moyen encore relativement court [35,52,53,147,157-159]. Surange et al. [161] ont récemment rapporté leur expérience de 54 transplantations rénales dans une dérivation urétéroiléale. Bien qu’il existe un taux de complications de la dérivation d’environ 21 %, la survie des greffons et des patients concernés était strictement superposable à celle des 2 579 patients sans dérivation. Les sténoses de la bouche de la stomie du Bricker sont rapportées dans 3 à 6,8 % des cas. Les éventrations parastomiales sont également à rechercher car leur traitement est d’autant plus complexe que leur diagnostic est tardif. Enfin, il n’est pas nécessaire de prévoir un suivi particulier de ces patients sur le plan métabolique. De même, l’ECBU ne doit pas être systématique puisque une bactériurie chronique est habituelle chez ces patients. Les patients porteurs d’une dérivation urinaire transintestinale, s’ils sont en général soulagés de leur gêne fonctionnelle, doivent donc bénéficier d’un suivi urologique particulièrement rigoureux. En résumé La fréquence de l’urétéro-hydronéphrose et des lithiases du haut appareil urinaire doivent faire considérer les patients porteurs d’une dérivation urinaire non continente comme étant à risque de complications (NP2c). Le suivi clinique de la stomie, au moins les premières années, doit permettre de s’assurer de l’absence de sténose de la stomie et d’éventration autour de l’orifice de stomie (NP2c). 318 Recommandations pour le suivi des neuro-vessies (BM et MM) Bilan initial Il sera fait dans une unité spécialisée de neuro-urologie et comportera : – Consultation spécialisée en neuro-urologie en cours d’hospitalisation initiale puis tous les 6 mois les deux premières années. Elle comprendra notamment : un interrogatoire dirigé sur les symptômes vésico-sphinctériens : données sur la miction quantitatives (fréquence, nombre, volume estimé) et qualitatives (facilité, impression de miction complète), estimation de la continence (occurrence, fréquence et volume estimé des fuites, nécessité de garnitures). L’utilisation de questionnaires peut donner une référence initiale du statut urinaire intéressante, ainsi que l’utilisation d’un calendrier mictionnel sur 24 à 72 heures, colligeant les horaires, volumes et nombre des fuites et mictions, la nécessité de garniture et la puissance du jet, idéalement l’existence d’un résidu ; Bilan urodynamique comprenant une cystomanométrie simple sans enregistrement à l’aiguille de l’activité du sphincter strié urétral, une débitmétrie et une profilométrie. La réalisation systématique d’un EMG du sphincter strié urétral couplé à la cystomanométrie n’est pas préconisée lors du bilan initial car ses résultats n’auraient que peu ou pas d’influence sur la prise en charge thérapeutique initiale et sur le devenir des patients à moyen terme. La rythmicité de l’examen sera discutée en fonction des données de la consultation spécialisée ; Le plus tôt possible après la prise en charge, puis sur un rythme annuel ; – une mesure de la clairance de la créatinine sur 24 heures à titre de référence ; – une échographie vésico-rénale associée à un ASP, destinée à documenter l’existence d’un résidu postmictionnel, d’une lithiase de l’arbre urinaire et à dépister un retentissement précoce sur l’appareil urinaire. Ces examens ne seront pas nécessaires si un scanner est demandé ; – un scanner spiralé sans et avec injection de produit de contraste pourra servir à éliminer tout problème lithiasique sur l’arbre urinaire. Le rythme de l’examen est à discuter en fonction des possibilités pratiques, mais la prescription au moins en début d’hospitalisation, puis à un an paraı̂t logique. En cas d’impossibilité d’accès à l’examen, la pratique d’une UIV de référence en début de prise en charge peut être proposée. Bilans de suivi Patients définis comme non « à risque » lors de la consultation de neuro-urologie – Tous les ans initialement, puis espacement progressif suivant l’évolution ; une créatinémie ou une clairance de la créatinine sur 24 H (chez les patients chez lesquels les urines ne peuvent pas être facilement recueillies, on peut discuter une scintigraphie rénale) ; une échographie rénale et vésicale et un ASP à la recherche d’une urétéro-hydronéphrose, d’une lithiase rénale ou vésicale, d’un RPM (si applicable) ; – Tous les deux ans : consultation spécialisée (avec évaluation standardisée par questionnaires et calendrier mictionnel), qui décidera de l’intérêt de la réalisation d’un BUD. Patients à risque de détérioration de la fonction rénale – Ils sont mis en évidence lors des consultations de neuro-urologie. Principalement, il s’agit des patients tétraplégiques, patients urinant par percussion et par poussée abdominale, cathéter permanent. – La surveillance doit comporter un interrogatoire dirigé sur les symptômes vésico-sphinctériens. L’utilisation de questionnaires validés est possible dans ce cadre. Chez les patients sous cathétérisme intermittent, on recherchera particulièrement s’il existe des fuites entre les sondages ; – On y associera un calendrier mictionnel sur 24 à 72 heures, colligeant les horaires, volumes et nombre des fuites et mictions, la nécessité de garniture et la puissance du jet ; – Le cas échéant, on complètera l’examen clinique par un bilan urodynamique comprenant au minimum une cystomanométrie et une débimétrie. L’enregistrement électromyographique de l’activité du sphincter strié urétral sera préconisé chez les patients masculins et/ou présentant une dysurie, une hyperactivité du détrusor avec des contractions vésicales désinhibées de forte amplitude, un régime de pression vésicale élevé ou un retentissement morphologique sur le bas ou haut appareil urinaire. Le rythme du BUD sera discuté en fonction des données du bilan initial, mais aussi de l’équilibre mictionnel du patient. Pour les enfants porteurs d’une MM, un bilan régulier à la recherche de signes d’altération du comportement vésical pouvant dépister une moelle attachée paraı̂t justifié. Surveillance complémentaire des patients à risque de lithiases – Haut appareil urinaire à surveiller en alternance par ASP + écho et scanner spiralé sans injection ; – Bas appareil urinaire : ASP+écho ; – Rythme à discuter suivant l’accumulation d’un ou plusieurs facteurs de risque reconnus (fréquence des lithiases, gravité potentielle) : Tétraplégique ; MM ; Cathéter permanent ; Dérivation urétéro-iléale ; Urétéro-hydronéphrose. 319 Surveillance complémentaire des patients à risque carcinologique – Sur le plan vésical. La surveillance se fonde sur l’association de la cystoscopie associée à des biopsies au moindre doute, complétée par cytologie urinaire ; – Malgré l’absence de preuve d’une efficacité des programmes de dépistage dans les populations à risque, il apparaı̂t logique de proposer ces examens de façon annuelle chez les patients ayant un ou plusieurs des facteurs de risque suivants : tabagisme et âge > 50 ans, entérocystoplastie ou agrandissement vésical depuis plus de 10 ans, neuro-vessie évoluant depuis plus de 15 ans. Surveillance complémentaire bactériologique Elle est inutile, sauf en cas d’exploration invasive ou de traitement endoscopique ou de biopsies prostatiques, pour permettre un traitement ponctuel autour de l’exploration. Conclusion Une harmonisation des modes de surveillance des neurovessies des patients BM et des MM permettrait d’améliorer la qualité de soins et de vie des patients neurologiques et d’avoir un impact socio-économique favorable pour la santé publique. Il est également important que se développent des réseaux de prise en charge de ces patients avec des centres spécialisés en neuro-urologie qui peuvent rapidement être consultés en cas d’anomalies des examens pratiqués chez ces patients. Une réévaluation régulière de ce schéma de surveillance devra être régulièrement proposée en fonction des progrès technologique et de l’évolution des pratiques médico-chirurgicales. Références 1. Frankel HL, Coll JR, Charlifue SW, et al. (1998) Long-term survival in spinal cord injury: a fifty year investigation. Spinal Cord 36: 266-74 2. Whiteneck GG, Charlifue SW, Frankel HL, et al. (1992) Mortality, morbidity, and psychosocial outcomes of persons spinal cord injured more than 20 years ago. Paraplegia 30: 617-30 3. Soden RJ, Walsh J, Middleton JW, et al. (2000) Causes of death after spinal cord injury. Spinal Cord 38: 604-10 4. 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Urology 53: 292-7 Précisions L’article « Terminologie des troubles fonctionnels du bas appareil urinaire, adaptation française de la terminologie de l’ICS » paru dans le dernier numéro de Pelvi-Périnéologie (2006, 1: 196-206) est une validation linguistique de l’article original « The standardization of terminology of lower urinary tract function: report from the standardisation subcommittee of the international continence society » de Abrams P, Cardozo L, Fall M, Griffiths D, Rosier P, Ulmsten U, van Kerrebroeck P, Victor A, Wein A (Neurourol Urodynam (2002) 21: 167-78). Cette validation linguistique a été assurée conjointement au nom de l’Association Française d’Urologie (AFU) et de la Société Interdisciplinaire Francophone d’Urodynamique et de Pelvi-périnéologie (SIFUD-PP) par un groupe expert émanant des deux sociétés (François Haab, Gérard Amarenco, Patrick Coloby, Philippe Grise, Bernard Jacquetin, Jean-Jacques Labat, Emmanuel Chartier-Kastler, François Richard). À ce titre, cet article a fait l’objet d’une publication dans un précédent numéro de Progrès en Urologie (Terminologie des troubles fonctionnels du bas appareil urinaire, adaptation française de la terminologie de l’ICS, Haab F, Amarenco G, Coloby P, Grise P, Jacquetin B, Labat JJ, Chartier-Kastler E, Richard F (2004 Dec) Prog Urol 14(6): 1103-11). G. Amarenco Rédacteur en chef Pelv Perineol (2006) 1: 324 © Springer 2006 DOI 10.1007/s11608-006-0067-z REVUE DE PRESSE / PRESS REVIEW Revue de presse G. Robain, J. F. Hermieu Misrai V, Chartier-Kastler E, Cour F, Mozer P, Almeras C, Richard F Prise en charge chirurgicale des douleurs chroniques rebelles survenues après cure d’incontinence urinaire d’effort selon la technique TVT. Progrès en urologie 16: 368-71, 2006 Si la mise en place d’une bandelette sous-urétrale est aujourd’hui considérée comme la technique de référence, elle est parfois responsable de complications. Une complication rare mais difficile à prendre en charge est la survenue de douleurs chroniques rebelles. Ces douleurs peuvent être en rapport avec un conflit entre la prothèse et une branche nerveuse tel que le nerf dorsal du clitoris (à l’origine d’une dyspareunie d’intromission), du nerf ilio-inguinal (douleurs du pli inguinal et de la racine des cuisses) ou du nerf obturateur. Un traitement médical faisant appel à un traitement antalgique, à des antidépresseurs tricycliques, à des benzodiazépines, à des infiltrations locales des points douloureux avec un mélange corticoı̈desanesthésiques local doit être d’abord proposé. En cas d’échec, un traitement chirurgical peut être indiqué. Misrai rapporte une série de 8 patientes ayant développé des douleurs chroniques après TVT, invalidantes, persistantes et résistantes au traitement médical. Un bilan étiologique a permis d’incriminer la bandelette dans la genèse des douleurs. Le traitement chirurgical a consisté en une exérèse complète ou partielle de la bandelette à ciel ouvert ou par cœlioscopie. Avec un recul moyen de 31 mois, aucune patiente n’a présenté de récidive douloureuse. Trois patientes ont vu leur incontinence urinaire récidiver. En cas d’échec du traitement médical, l’exérèse chirurgicale partielle ou totale de la bandelette peut être indiquée pour traiter des douleurs chroniques persistantes avec de bonnes chances de succès. Bracq A, Fourmarier M, Boutemy F, Bats M, Turblin JM, Saint F, Petit J Modifications urodynamiques après pose d’une bandelette sous-urétrale transobturatrice. Progrès en urologie 16: 62-6, 2006 Si Ulmsten, dans sa publication initiale décrivant la technique TVT, ne rapportait pas de complications obstructives après mise en place de bandelettes sous-urétrales, de nombreuses publications ont rapporté par la suite un nombre significatif de rétentions postopératoires et un taux de dysurie proche de 30 %. Cette réduction du jet d’urines postopératoire est très souvent signalée par les patientes, même si elles ne s’en plaignent pas. Sur le plan urodynamique, une diminution significative du débit maximum de 2 à 8 ml/s et une augmentation significative de la pression du détrusor lors du débit maximum ont été décrites dans plusieurs publications. Contrairement à la voie d’abord rétropubienne positionnant la bandelette verticalement, la voie transobturatrice permet de positionner la bandelette horizontalement d’un trou obturateur à l’autre. Ce positionnement pourrait limiter l’effet obstructif de la bandelette. Bracq rapport une série prospective de 25 femmes opérées d’une incontinence urinaire d’effort ou mixte par la mise en place d’une bandelette transobturatrice de dehors en dedans. Quatre-vingts pour cent des patientes ont été guéries. Les résultats du questionnaire MHU ont montré une majoration significative de la dysurie. Le débit maximum a diminué de 23,6 ml/ à 18,9 ml/s (p = 0,02) ; le volume résiduel, la résistance urétrale ont augmenté significativement. L’auteur conclut à l’efficacité de la technique mais aussi à un effet obstructif généré par la bandelette posée par voie transobturatrice. Afin d’effectuer une analyse précise de cet article, on peut regretter l’absence d’un certain nombre de données (comparaison des volumes mictionnels lors de débitmétries pré- et postopératoires non précisée, pressions mictionnelles non précisées) et la taille de la population étudiée, rendant difficile toute conclusion. Ce petit effectif explique peut-être l’augmentation de la pression de clôture signalée par les auteurs après l’intervention alors que la plupart des séries publiées indiquent que la mise en place d’une bandelette sous-urétrale n’a aucune incidence sur la pression de clôture de l’urètre.