pelvi~ périnéologie - sifud-pp

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pelvi~ périnéologie - sifud-pp
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PELVI~
PÉRINÉOLOGIE
ÉDITORIAL
B O A R D
RÉDACTEUR EN CHEF
G. Amarenco
RÉDACTEUR EN CHEF ADJOINT
J.-J. Labat
RÉDACTEURS ASSOCIÉS
J.-M. Buzelin, M. Perrigot, B. Jacquetin,
P. Debodinance
SECTION EDITORS
Andrologie-Sexologie : P. Costa
Colo-proctologie : L. Siproudhis, D. Soudan
Infectiologie : J.-M. Bohbot
Neuro-urologie : R. Opsomer, P. Denys
Statique pelvienne : B. Fatton, A. Pigné
Incontinence : Ph. Grise, M. Cosson
Troubles fonctionnels : J.-J. Labat, F. Haab
Basic science : B. Parratte, L. Mazières
Explorations : L. Lenormand
Imagerie : J.-F. Lapray
Sciences paramédicales : G. Valancogne
Revue de la littérature internationale :
B. Deval, J.-F. Hermieu, J.-M. Soler, G. Robain
PELVI~
PÉRINÉOLOGIE
INSTRUCTIONS A U X
A U T E U R S
Pelvi-périnéologie est l’organe officiel de la Société interdisciplinaire francophone d’urodynamique et de pelvi-périnéologie (SIFUD PP)
Pelvi-périnéologie publie des articles essentiellement en langue française, se rapportant aux
différentes thématiques de la discipline. Ces travaux peuvent être des articles de synthèse
pour un dossier thématique, des articles originaux, des articles de mises au point, des cas
cliniques, des comptes rendus de congrès et des revues de presse, dans les domaines de
l’incontinence, la statique pelvienne, l’andrologie-sexologie, la colo-proctologie, l’infectiologie, la neuro-urologie, les troubles fonctionnels, les explorations et l’imagerie.
Les sommaires et thèmes de chaque numéro sont déterminés par le comité de rédaction
qui se réunit régulièrement et regroupe différents professionnels en pelvi-périnéologie.
Les auteurs s’engagent à soumettre un article original, apportant un savoir, une pratique,
des réflexions utiles à la discipline transversale qu’est la pelvi-périnéologie. Quelle que soit
leur appartenance scientifique, les auteurs s’engagent à respecter l’éthique et la
déontologie médicale, de même que le comité de rédaction et le comité scientifique
s’engagent à la lecture critique de leurs articles avant acceptation. Cette lecture (par deux,
voire trois experts) ne sera effectuée que si les manuscrits suivent les consignes suivantes :
1 - Le manuscrit
Les articles sont rédigés en français ou en anglais.
Ils sont proposés directement sur un site de soumission en ligne, à l’adresse suivante :
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Les articles sont dactylographiés au format 21 X 29,7 cm, en police Times ou équivalente,
corps 12, en double interligne (soit env. 1 600 caractères espaces inclus par page). Sur une
page de garde séparée, les auteurs écrivent leurs noms, prénoms, qualité, institution et
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La première page comporte le titre de l’article, en français et en anglais, suivi d’un résumé
(500 caractères au maximum) et des mots clés (5 au maximum) en français et en anglais.
L’auteur se charge de traduire le résumé et les mots clés en anglais (qui seront corrigés en
cas de difficultés).
Les articles ne devront pas dépasser :
- pour les articles de synthèse (qui font partie du dossier thématique du fascicule), 20 pages
dactylographiées et 50 références ;
- pour les articles originaux, 15 pages dactylographiées et 30 références ;
- pour les articles de mise au point, 15 pages dactylographiées et 20 références. À part
quelques références essentielles, la littérature analysée est celle des cinq dernières années ;
- pour les cas cliniques, 6 pages dactylographiées, 2 tableaux ou figures et 20 références ;
- pour les recommandations, 15 pages dactylographiées et 30 références ;
- pour les comptes rendus de congrès, qui ne comportent ni résumé ni références
bibliographiques, 8 pages dactylographiées au maximum ;
- pour les revues de presse (qui citent en référence la ou les publications analysées)
5 pages dactylographiées au maximum.
Le titre est aussi bref et compréhensible que possible.
Le texte peut suivre le mode de rédaction habituelle : introduction, méthodes et
population, résultats, discussion, conclusion. Toutefois, il peut être également simplement
articulé en chapitres, subdivisés en paragraphes par des sous-titres.
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2 - Les références bibliographiques
L’ensemble comprend uniquement les références citées dans l’article. Les références sont
classées suivant leur ordre d’apparition dans l’article, avec numérotation. L’appel
bibliographique [cité entre crochets] se fait directement dans le texte. Les normes
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• Nom de l’auteur en minuscules suivi d’un espace et de l’initiale du prénom (Dupont J). Si
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seront indiqués et suivis alors de « et al. ».
• Année de publication entre parenthèses.
• Titre complet suivi par un point. Dans le cas d’un chapitre ou partie extrait(e) d’un ouvrage,
indiquer à la suite du titre « In: » suivi de(s) nom(s) et initiale(s) du ou des auteurs principaux
(suivi d’une virgule) et du titre de l’ouvrage suivi par un point. Éditeur (suivi d’une virgule),
lieu de parution (suivi d’une virgule), et numéros des pages citées séparés par un tiret.
Exemple : Le Normand L, Buzelin JM (2006) Anatomie et physiologie du sphincter urétral.
In: Amarenco G, Chantraine A (eds), Les fonctions sphinctériennes. Springer, Paris, pp 7-28
- Pour un article :
• Comme précédemment pour les noms et prénoms.
• Année de publication. Titre complet de l’article. Titre de la revue (abrégée si possible, suivant
la nomenclature internationale de l’Index Medicus). Volume suivi de deux points, sans espace
avant les deux points, suivis des numéros des pages concernées séparés par un tiret.
Exemple : Ciofu C, Levy P, Leger S, et al. (2006) Pad test court versus pad test ultracourt.
Étude prospective randomisée. Pelv perineol 1: 52-93
Dans le corps du manuscrit peuvent apparaître des titres d’ouvrage ou d’article.
3 - Publication
Après expertise, le texte est accepté avec ou sans corrections. Il peut également être refusé
avec argumentation. L’expertise se déroule en ligne sur le site de soumission en ligne des
manuscrits. Lorsque le manuscrit est accepté, il ne peut plus être publié dans une autre
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• Affiliation et coordonnées complètes de chacun des auteurs, auteur
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• Références numérotées par ordre d’apparition dans l’article
• Appels dans le texte entre crochets des références citées
PELVI~
PÉRINÉOLOGIE
S O M M A I R E
ÉDITORIAL
Recherche en pelvi-périnéologie .......... 209
M. Perrigot
ARTICLES SCIENTIFIQUES
ARTICLES ORIGINAUX
Traitement des troubles érectiles
du blessé médullaire par les inhibiteurs
de la phosphodiestérase ...................... 213
J.G. Prévinaire, J.M. Soler, P. Denys,
E. Chartier-Kastler
Soutènement sous-urétral par la voie
obturatrice pour la cure chirurgicale
de l’incontinence urinaire d’effort
féminine : dehors en dedans (Monarc®)
versus dedans en dehors (TVT-O®).
Les deux voies sont elles
sécurisantes ? ..................................... 218
P. Debodinance, P. Delporte
MISES AU POINT
Spécificités de la prise en charge
de l’incontinence urinaire chez
la personne âgée ................................. 237
G Robain, H. Vincent, D. Hennebelle,
O. Chapelle, P. Vu, B. Marti, F. Valentini
Fatigue urétrale et pelvienne................ 242
X. Deffieux, P. Raibaut, K. Hubeaux,
S. Sheikh Ismael, P. Thoumie,
G. Amarenco
CAS CLINIQUE
Paraplégies spastiques héréditaires
et troubles vésico-sphinctériens ........... 248
J. Seror, L. Rouache, R. Caremel,
A.-M. Leroi, P. Grise
VIE DES SOCIÉTÉS
Sexualité féminine et neurologie :
la place du neuropsychiatre ................. 252
J.-C. Colombel
Influence de l’observance de la pratique
des autosondages intermittents sur
la fréquence des infections urinaires,
la continence urinaire et les activités
de vie quotidienne de patients
neurologiques ..................................... 225
L. Oujamaa, E. Shao, P. A. Joseph,
M. Barat, J. M. Mazaux , M. de Sèze
FORMATION MÉDICALE
Exactitude des mesures de pressions
effectuées par un système de capteurs
et sonde à ballonnets chargés à air
TDoc® pour la pratique des examens
urodynamiques.................................... 232
L. Le Normand, J. Rigaud, S. Battisti,
P. Glémain, J.M. Buzelin, O. Bouchot
DOSSIER THÉMATIQUE
FOCUS
Classifications des vessies
neurologiques ..................................... 262
G. Amarenco
Douleurs pelvi-périnéales chroniques
et antécédents d’agression(s)
sexuelle(s). Quelles conséquences
thérapeutiques ? ................................. 272
T. Riant, J. J. Labat, J. Rigaud
Les troubles fonctionnels ano-rectaux
après abus sexuel................................ 281
A.-M. Leroi
Troubles vésico-sphinctériens
et abus sexuel ..................................... 285
M. Le Fort, J.-J. Labat, J. Rigaud
Après un abus sexuel,
quelle sexualité ? ................................ 290
B. Audrain-Servillat
PRATIQUE MÉDICALE
L’endosonographie dans
l’incontinence anale :
à consommer sans modération............. 294
V. de Parades, I. Etienney, P. Atienza
RECOMMANDATIONS
Suivi des vessies neurologiques
du blessé médullaire et du patient
porteur d’une myéloméningocèle
Revue de la littérature
et recommandations
pratiques de suivi................................ 304
A. Ruffion, M. de Sèze, P. Denys,
B. Perrouin-Verbe, E. Chartier Kastler
et les membres du GENULF
Les abus sexuels
coordonné par J.-J. Labat
Conséquences pelvi-périnéales
des abus sexuels .................................264
J.-J. Labat
Aspects médico-légaux de
la prise en charge d’une victime
d’agression sexuelle ............................ 265
J. Loriau, A. Soussy
REVUE DE PRESSE
G. Robain, J. F. Hermieu..................... 324
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Abonnements
Le volume 1 (4 numéros) paraît en 2006,
PELVI~
PÉRINÉOLOGIE
COPYRIGHT
Pelvi-périnéologie couvre l’ensemble de la pelvi-périnéologie et s’intéresse particulièrement
à l’incontinence urinaire, aux troubles fonctionnels pelvi-périnéaux, aux explorations
urodynamiques et plus généralement, aux explorations périnéales (imagerie, neurophysiologie, etc.), aux troubles ano-rectaux, et aux troubles génito-sexuels.
Cette revue multidisciplinaire comprend des articles originaux faisant part des différentes
avancées dans ces différents domaines et aussi des articles de synthèse, de formation,
d’enseignement et de pratique.
Pelvi-périnéologie est l’organe officiel de la société savante SIFUD PP ; la revue s’adresse en
priorité aux médecins de médecine physique et de réadaptation s’intéressant aux explorations
urodynamiques, aux urologues, gynécologues, chirurgiens viscéraux hysto-pelviens,
coloproctologues, sexologues, infirmières impliquées dans les explorations périnéales,
kinésithérapeutes, sages-femmes, aux gastro-entérologues et à l’industrie pharmaceutique.
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simultanément présentés ailleurs, n’ayant pas déjà été publiés ou n’étant pas en cours
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de reproduction photographique, en microforme ou par tout autre moyen, de traductions
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Rédacteur en chef de Pelvi-périnéologie
Gérard Amarenco
Hôpital Rothschild
33, boulevard de Picpus,
75271 Paris cedex 12
Contact et soumission des articles en ligne :
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Édition – Promotion
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© Springer-Verlag France 2006
CPPAP : 0608T 88082
Imprimé en France
Numéro de revue : 11608
ISSN version papier : 1778-3712
ISSN version électronique : 1778-3720
Springer is a part of Springer Science+Business Media
springeronline.com
Pelv Perineol (2006) 1: 209–210
© Springer 2006
DOI 10.1007/s11608-006-0068-y
ÉDITORIAL / EDITORIAL
Recherche en pelvi-périnéologie
M. Perrigot
La Pitié-Salpêtrière, Service de Rééducation – Urodynamique, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris
La recherche est tout à la fois continue, saltatoire, individuelle, multidisciplinaire, le fait
d’idées réfléchies ou de découvertes inattendues.
Les étapes de la découverte recouvrent continuellement les expériences in vitro, les
expériences chez l’animal entier et les constatations en clinique humaine. La multidisciplinarité existe depuis toujours : dès la fin du XIXe siècle, anatomie, physiologie ; actuellement, biologie cellulaire, biochimie, pharmacologie.
Après Claude Bernard (1865), il est apparu des chercheurs géniaux. Budge a décrit chez
l’animal les centres mictionnels sacrés, puis ceux du tronc cérébral ainsi que les
connexions ; chez l’homme, Mosso et Pellacani en Italie, Genouville en France. Ils ont
décrit la cystométrie. Dans les années 1940, la description des centres mictionnels du tronc
cérébral et des réflexes mictionnels a été reprise et précisée par Barrington chez le chat,
dans de nombreux articles. Après les années 1970, de Groat, dans son grand institut de
recherche, a élargi de façon considérable la recherche vésico-sphinctérienne à tous points
de vue : anatomique, physiologique, physiopathologique, cellulaire, pharmacologique.
Parallèlement, la recherche clinique a fait autant de progrès : élaboration d’une typologie
vésico-sphinctérienne clinique chez l’homme concernant les affections urologiques,
gynécologiques, neurologiques, recto-anales et pelvi-périnéales globales, troubles génitosexuels. Les aspects psychopathologiques de ces différents troubles, décrits initialement
par Jules Janet en 1890, analysés par Freud qui a été le premier à établir une théorie
psychologique et psychanalytique. Ces derniers travaux ont permis une distinction entre les
troubles d’origine psychogène et le retentissement psychologique des troubles, avec les
évaluations de la mesure du handicap urinaire et du retentissement sur la qualité de vie.
La recherche est faite par les chercheurs, personnes curieuses, attirées par la résolution
de problèmes intellectuels, le plaisir de découvertes scientifiques au-delà des constatations
empiriques de la médecine traditionnelle, la remise en cause de l’existant établi, le désir
d’entrer dans des clubs fermés de spécialistes qu’ils admirent.
La découverte scientifique, qu’elle soit le résultat d’intuition géniale, d’expérimentations bien conçues ou le fruit du hasard, est presque toujours dérangeante pour la pensée
dominante et donc « vue » avec méfiance lors de la première présentation. Elle est
actuellement « jugée » sur les publications scientifiques. Un carcan immuable a été
institué, celui de l’IMRDC : introduction, matériels et méthodes, résultats, discussion,
conclusion, mais il a créé très vite des limites : la méthode est actuellement analysée
210
surtout pour faciliter les critiques au vu des failles de la méthodologie ; les résultats sont
présentés surtout pour démontrer qu’il ne s’agit pas d’artéfacts ; la discussion surtout
orientée vers ce même objectif alors qu’on l’attendrait plutôt et logiquement sur les
hésitations, les fausses pistes, les erreurs pour informer les futurs chercheurs sur le
sujet ; la conclusion presque toujours au subjectif par prudence. Tout ceci est imposé par
la longueur des articles acceptés, actuellement au nombre de mots, rendant impossibles les
explications complètes. L’impact factor est devenu en effet un élément clé des
publications. Il faut être publié dans une bonne revue, c’est-à-dire qui soit lue, qu’elle
ait un taux de rejets très élevé (d’où les critiques sur les méthodes essentiellement), par un
auteur ayant un impact factor personnel conséquent (il évalue le nombre de fois où
l’article est cité dans la littérature). Ceci a conduit à de nombreuses recommandations
pour la rédaction d’un article scientifique et sa valeur reconnue en plusieurs niveaux :
– preuve scientifique établie ou méta-analyse d’essais comparatifs randomisés ;
– présomption scientifique pour des études comparatives randomisées bien menées ;
– études de collections ou de cohortes ;
– études comparatives comportant des biais importants, études rétrospectives, études
de cas, études épidémiologiques descriptives.
La recherche est encadrée par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la
Recherche. De nombreux rapports y ont été consacrés. Les grandes orientations sont le
renforcement et la fédération de la recherche publique autour de priorités, la réalisation
de partenariats avec les entreprises privées pour augmenter la part du financement privé,
la production d’indicateurs au pilotage et au suivi de la production scientifique afin
d’améliorer l’information scientifique et d’assurer des publications dans des revues
de rang 1, et ainsi de tenir le rang de la dimension internationale. C’est encore le
renforcement des équipes par le renouvellement des emplois scientifiques et techniques.
C’est favoriser l’augmentation du nombre d’étudiants inscrits en premier cycle
universitaire dans le domaine scientifique, permettre la mobilité des chercheurs (nombre
de postdoctorants rentrant en France et nombre de chercheurs étrangers accueillis).
Beaucoup d’organismes de recherche ont été créés pour la recherche fondamentale,
INSERM et CNRS, instituts et observatoires régionaux, pour la recherche clinique, CIC,
CIT, PHRC nationaux et régionaux. Des comités d’interface associant les organismes
officiels de recherche et les sociétés savantes ont été créés. Les sociétés savantes ellesmêmes organisent et récompensent des actions de recherche clinique ou fondamentale en
étroite collaboration avec l’industrie privée, sous forme de prix et de bourses. Chaque
année, elles rassemblent également, à l’occasion des congrès annuels, l’état des
connaissances, les projets en cours. Le congrès est un lieu idéal de rencontre pour les
cliniciens, les chercheurs, les industriels, permettant d’entreprendre et de dynamiser des
études prospectives contractuelles.
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NEW
011710x
Pelv Perineol (2006) 1: 213–217
© Springer 2006
DOI 10.1007/s11608-006-0071-3
ARTICLE ORIGINAL / ORIGINAL ARTICLE
Traitement des troubles érectiles du blessé médullaire
par les inhibiteurs de la phosphodiestérase
J.G. Prévinaire 1,2 , J.M. Soler 1 , P. Denys 3 , E. Chartier-Kastler 3
1
2
3
Centre Bouffard-Vercelli, Laboratoire d’Urodynamique et de Sexologie, Cap Peyrefite, 66290 Cerbère
Fondation Hopale, Centre Calvé, 72, esplanade Parmentier, 62608 Berck-sur-Mer cedex
Hôpital Raymond-Poincaré, Service de Rééducation neurologique, 104, boulevard Raymond-Poincaré, 92380 Garches
Résumé : Objectif : Évaluer l’efficacité des inhibiteurs de
la phosphodiestérase (IPDE5) dans le traitement des
troubles érectiles du blessé médullaire.
Lieu : Hôpital de jour, Centre Bouffard-Vercelli, Cerbère.
Méthode : Étude clinique sur 120 patients sous
sildénafil (Viagra®), 54 patients sous tadalafil (Cialis®)
et 66 patients sous vardénafil (Lévitra®). Quatre-vingt
dix patients (57 patients sous sildénafil, 12 patients sous
vardénafil et 21 patients sous tadalafil) ont pu être
réévalués après minimum trois mois d’utilisation à
domicile, à l’aide du questionnaire IIEF (International
Index of Erectile Function).
Résultats : Les IPDE5 ont été efficaces chez plus de
72 % des patients avec une durée moyenne d’érection
supérieures à vingt-six minutes. Les effets secondaires
étaient modérés, s’atténuant avec la poursuite du
traitement. Le sildénafil a été efficace à la dose initiale
de 50 mg chez 55 % des patients, alors que plus de 70 %
des patients sous vardénafil et tadalafil ont nécessité la
dose maximale de 20 mg. Deux tiers des patients sous
tadalafil ont rapporté une durée d’action supérieure à
24 heures. Les IPDE5 étaient significativement plus
efficaces chez les patients ayant gardé des érections
réflexes ; les patients présentant une lésion périphérique
ou une queue de cheval répondaient mal aux IPDE5.
À domicile, le score global de l’IIEF et de 3 sousdomaines (fonction érectile, satisfaction des rapports et
satisfaction globale) étaient significativement améliorés
chez tous les patients. Les patients sous sildénafil avaient
une amélioration significative de la fonction orgasmique
(éjaculation et orgasme).
Conclusion : Tous les IPDE5 sont efficaces dans le
traitement de la dysérection du blessé médullaire, et bien
tolérés. Nos résultats semblent indiquer une plus grande
puissance du sildénafil.
Mots clés : Blessé médullaire – Dysérection – Orgasme –
Sildénafil – Tadalafil – Vardénafil
Correspondance : E-mail : [email protected]
Phosphodiesterase inhibitors in the treatment
of erectile dysfunction in spinal cord injured men
Abstract: Objective: To assess the efficacy and safety of
phosphodiesterase (PDE5) inhibitors for erectile dysfunction in spinal cord injured (SCI) patients.
Setting: Home- and clinic-based assessments in the
outpatient department of Centre Bouffard Vercelli,
Cerbère, France.
Methods: Clinical trials of sildenafil (Viagra®) in 120
patients, tadalafil (Cialis®) in 54 patients and vardenafil
(Levitra®) in 66 patients were performed. The response
to treatment was assessed at home in 90 patients
(57 patients receiving sildenafil, 12 patients vardenafil
and 21 patients tadalafil) using the international index of
erectile function (IIEF).
Results: In clinical trials, PDE5 inhibitors were effective
in more than 72% of the patients, with a mean duration of
erection above 26 minutes. Adverse effects were mild,
usually attenuated with continued dosing. More than 70% of
the patients receiving either vardenafil or tadalafil required
higher doses of 20 mg, whereas 50 mg of sildenafil was
effective in 55% of the patients. Two-thirds of the patients
receiving tadalafil reported a duration of action longer than
24 hours. Presence of upper motor neuron damage was
significantly associated with therapeutic success, while lower
motor neuron damage and cauda equina were indicators of
poor response.
In the follow-up visits, the IIEF global scores and
three IIEF domains (erectile function, intercourse
satisfaction and overall satisfaction) were significantly
improved in all patients. Patients receiving sildenafil
showed a significant improvement in orgasmic function,
ejaculation (question 9) and orgasm (question 10).
Conclusion: Sildenafil, vardenafil and tadalafil are all
effective and well tolerated treatments for erectile dysfunction in SCI patients. These results suggest that sildenafil is
more effective in treating erectile dysfunction.
214
Keywords: Spinal cord injured patients – Erectile
dysfunction – Orgasm – Sildenafil – Tadalafil – Vardenafil
Introduction
L’érection sans traitement pharmacologique est fréquente chez le blessé vertébro-médullaire, présente
dans 95 % des cas quand le fonctionnement du périnée
est de type central et de 12 à 24 % quand le périnée est à
fonctionnement de type périphérique. Sa qualité est liée
à la situation de la lésion médullaire par rapport au
centre médullaire dorsolombaire et sacré contrôlant
celle-ci, au caractère complet ou incomplet de la lésion.
L’érection du blessé médullaire permet plus rarement la
réalisation d’un rapport sexuel satisfaisant [1-5]. La
fonction orgasmique est généralement altérée [6].
Les injections intracaverneuses de papavérine, d’alphabloquants et de prostaglandine ont permis un rétablissement fréquent de l’érection du blessé médullaire. Mais la
nécessité de réaliser une injection et des effets secondaires
parfois gênants ont limité leur utilisation [3,7,8].
Le sildénafil (Viagra®) a représenté le premier
véritable traitement oral des dysfonctionnements érectiles, suivi peu après par le vardénafil (Lévitra®) et le
tadalafil (Cialis®). Ils partagent le même mécanisme
d’action, favorisant la myorelaxation intracaverneuse (et
l’afflux sanguin) par inhibition sélective de la phosphodie stérase de type 5 (IPDE5).
Plusieurs études contre placebo ont montré l’efficacité du sildénafil sur les dysfonctionnements érectiles
du blessé médullaire et son impact sur la qualité des
rapports sexuels [1,9-12]. Son rôle sur la fonction
orgasmique est cependant moins connu. Les études
concernant le vardénafil ou le tadalafil sont rares [13].
Nous rapportons notre expérience du traitement de la
dysérection du blessé médullaire par les 3 IPDE5 disponibles, dans une étude ouverte concernant 240 patients.
Matériel et méthode
Cette étude rétrospective intéresse 120 blessés médullaires
sous sildénafil, 66 sous vardénafil et 54 sous tadalafil. Ils
présentaient tous un dysfonctionnement érectile, avaient
une vie sexuelle active et une partenaire stable. Les patients
présentant des antécédents cardio-vasculaires connus ou
une instabilité artérielle ont été exclus de l’étude.
Notre démarche d’exploration des dysfonctionnements sexuels comporte plusieurs étapes.
Le bilan initial
Il permet d’apprécier les dysfonctionnements sexuels
du blessé médullaire sans traitement pharmacologique. Il
comporte :
– un questionnaire autodirigé IIEF (International Index
of Erectile Function) de 15 questions cotées de 1 à 5,
évaluant les fonctions sexuelles du blessé médullaire
pendant les quatre semaines précédents l’examen [14] ;
– une évaluation de la durée (en minute) et de la qualité
de l’érection réflexe par stimulation mécanique (masturbation), sur une échelle auto-évaluée de 0 (absence d’érection)
à 5 (rigidité optimale). Une rigidité égale ou supérieure à
4 est considérée comme permettant une pénétration.
Le test pharmacologique
Les tests on été effectués en hôpital de jour. Chaque test
consistait en une stimulation manuelle (masturbation) 30 à
60 minutes après la prise de médicament. Les doses
initiales étaient de 50 mg (sildénafil) et de 10 mg (vardénafil
et tadalafil) [15]. Si nécessaire, un nouvel essai était effectué
à une semaine d’intervalle avec une dose double. Pour le
tadalafil, nous demandions aux patients d’avoir une
nouvelle stimulation sexuelle le lendemain.
Le traitement à domicile
Le médicament était ensuite prescrit pour utilisation à
domicile, et les patients revus en consultation pour
évaluation (avec minimum 3 mois de recul). Les
modifications du fonctionnement sexuel étaient évaluées
par le questionnaire IIEF.
L’analyse de variance a été utilisée pour comparer les
résultats des 3 groupes, à l’aide des tests ANOVA et
Kruskal-Wallis, respectivement pour les données continues et discontinues.
Résultats
Patients1
Les caractéristiques de notre population sont reprises
dans le Tableau I. Il s’agissait essentiellement de patients
jeunes présentant une paraplégie complète (ASIA A) et
spastique. On ne retrouve aucune différence significative
entre les 3 groupes.
Bilans initiaux1
La rigidité des érections était bonne (4 ou 5) chez 51 %
des patients, mais avec une durée très faible (moins de
3 minutes). Ces données ne sont pas significativement
différentes entre les 3 groupes.
Essais cliniques1
Une bonne rigidité (4 ou 5) était rapportée par 85 % des
patients sous sildénafil, 74 % sous vardénafil, et 72 %
1
Les données détaillées sont reprises dans l’article de Soler
et al. [16].
215
Tableau I. Caractéristiques des 240 patients
Blessés médullaires
ASIA incapacité
Lésion
Âge
Évolution lésion
Rigidité
Durée d’érection
145 paraplégiques, 78 tétraplégiques, 17 queues de cheval
82 % = A
89 % = périnée central, 11 % = périnée périphérique
35 ans 12 (18 à 73)
102 mois 91 (3 à 568)
51 % = 4 ou 5
3 min 1
NS
NS
NS
NS
NS
NS
NS
NS : différence non significative entre les 3 groupes.
ASIA A = lésion sensitivo-motrice complète.
Tableau II. Résultats des essais cliniques
Rigidité du pénis (4 ou 5)
Durée d’érection (moyenne)
Dose efficace
Effets secondaires
Durée d’action (tadalafil)
Viagra®
(n = 120)
Lévitra®
(n = 66)
Cialis®
(n = 54)
85 %
34 min 12
50 mg
15 %
–
74 %
28 min 26
20 mg
14 %
–
72 %
26 min 19
20 mg
6%
> 24 h (67 %)
sous tadalafil. La durée moyenne d’érection était de
34 minutes sous sildénafil, 28 minutes sous vardénafil,
et 26 minutes sous tadalafil (Tableau II).
Les effets secondaires sous forme de maux de têtes,
sensation de vertige, flush facial, dyspepsie, ou lombalgie
étaient rapportés chez 15 % des patients sous sildénafil,
14 % sous vardénafil, et 6 % sous tadalafil. Ces effets
secondaires étaient modérés, généralement atténués avec le
temps. Ils n’ont jamais empêché la poursuite du traitement.
Sous vardénafil et tadalafil, la dose initiale de 10 mg a
été inefficace chez plus de 70 % des patients, alors que la
dose de 50 mg de sildénafil a été efficace chez 55 % des
patients (Tableau II).
Deux tiers des patients sous tadalafil (36/54) ont
rapporté une durée d’action supérieure à 24 heures,
14 patients entre 4 et 24 heures, et 4 patients une durée
inférieure ou égale à 4 heures.
L’analyse de variance montre un impact négatif des
queues de cheval, et des syndromes périphériques sur
l’efficacité du traitement.
Domicile1
Quatre-vingt dix patients ont été revus, 57 patients sous
sildénafil, 12 patients sous vardénafil et 21 patients sous
tadalafil. La durée moyenne d’utilisation était de 9,7 mois.
Le score global IIEF était significativement amélioré
chez tous les patients. La fonction érectile, la satisfaction
des rapports et la satisfaction globale étaient significativement améliorées dans les 3 groupes. Les patients sous
sildénafil ont présenté une amélioration significative de la
fonction orgasmique, concernant l’éjaculation et
l’orgasme (Fig. 1).
Le désir sexuel était élevé chez tous les patients.
30
p<0,001
Base
Sildénafil
25
20
15
p<0,001
10
NS
p<0,001
Désir
Satisfaction
p<0,001
5
0
Fct° Érectile
Rapports
Orgasmique
Fig. 1. Résultat des questionnaires IIEF à domicile pour le sildénafil
(Viagra®)
Fonction érectile (max 30), Satisfaction des rapports (max 15),
Fonction orgasmique (max 10), Désir sexuel (max 10), Satisfaction
globale (max 10)
Discussion
Notre étude confirme l’efficacité des IPDE5 dans le
traitement de la dysfonction érectile du blessé médullaire.
Une rigidité de qualité associée à une durée d’érection de
plus de 26 minutes est retrouvée chez plus de 72 % des
patients. Les évaluations à domicile montrent que les
3 groupes de patients améliorent de façon significative leur
vie sexuelle, particulièrement dans les domaines de
la fonction érectile, de la satisfaction des rapports et de la
satisfaction globale. Ces résultats sont conformes
à la littérature [9,11-13,17-19].
Les patients présentant un syndrome sous-lésionnel
(syndrome pyramidal – périnée spastique) sont de bons
répondeurs au traitement ; inversement, les IPDE5 se
montrent peu efficaces en présence d’un syndrome
lésionnel (queue de cheval – périnée flasque). Ces
216
résultats indiquent que l’intégrité du centre médullaire
sacré parasympathique (S2-S4) est nécessaire pour
obtenir un effet clinique : tout se passe comme ci les
IPDE5 renforçaient une érection réflexe déjà présente,
même minime [9,18].
Notre étude semble indiquer une puissance supérieure du sildénafil sur les autres IPDE5. Il est efficace
chez plus de patients (85 %), avec une durée d’érection
supérieure (34 minutes) et ces effets sont obtenus avec
la dose minimale de 50 mg chez 55 % des patients. De
plus, seuls les patients sous sildénafil présentent une
amélioration de l’éjaculation et de l’orgasme, peut être
due à une meilleure tension du gland. Néanmoins, notre
échantillon était trop petit pour réaliser une étude
statistique.
Deux tiers des patients sous tadalafil rapportent une
durée d’action supérieure à 24 heures. Le tadalafil
présente une demi-vie de 17,5 heures et est efficace plus
de 36 heures après la prise, ce qui peut donner plus de
spontanéité à l’acte sexuel [13,20]. C’est pourquoi
certains patients le prennent systématiquement 3 fois
par semaine plutôt qu’à la demande. Néanmoins, une
attention particulière doit être donnée aux patients
portant un étui pénien, car une stimulation excessive
peut provoquer des érections non souhaitées.
Le traitement par IPDE5 représente actuellement le
premier traitement de la fonction dysérectile du blessé
médullaire. Néanmoins, son coût (plus de 10 euros le
comprimé, non remboursé par la Sécurité sociale), ses
contre-indications (essentiellement cardio-vasculaires),
son efficacité limitée chez certains patients (notamment
queue de cheval), font que d’autres traitements, et en
particulier les injections intracaverneuses, gardent
toute leur place dans l’arsenal thérapeutique. Dans
notre pratique, nous laissons toujours le choix du
traitement au patient, après explication adaptée et/ou
tests cliniques.
Dans notre expérience, nous attachons une grande
importance aux tests cliniques. Outre l’intérêt de
déterminer la dose efficace et de dépister les effets
secondaires, ils permettent également l’éducation appropriée du patient (interaction avec nourriture et alcool,
délai et durée d’action, nécessité de stimulation
sexuelle...) [21].
Le rétablissement d’une fonction érectile satisfaisante paraı̂t un facteur essentiel à l’amélioration de la
vie sexuelle du blessé médullaire. De nombreux travaux
ont montré qu’une satisfaction de la vie sexuelle est
corrélée avec l’amélioration de la qualité de vie [19,22].
La revalidation de la fonction érectile ne suffit
certainement pas à assurer une vie de qualité, mais
c’est vraisemblablement une étape essentielle dans la
restauration de l’estime de soi et une revalorisation de
l’image corporelle permettant une meilleure réinsertion
sociale.
Conclusion
Le dysfonctionnement érectile est un facteur de préoccupation majeur du blessé médullaire. Une prise en
charge adaptée et efficace est nécessaire pour le
rétablissement d’une vie sexuelle satisfaisante, facteur
de réinsertion sociale et d’amélioration de la qualité de
vie. Les IPDE5 ont fait la preuve de leur efficacité sur les
dysfonctionnements érectiles, le sildénafil facilite l’éjaculation et l’orgasme du blessé médullaire. Les tests
réalisés en milieu hospitalier sont prédictifs de leur
efficacité en traitement.
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Springer 2006
DOI 10.1007/s11608-006-0069-x
©
ARTICLE ORIGINAL / ORIGINAL ARTICLE
Soutènement sous-urétral par la voie obturatrice pour la
cure chirurgicale de l’incontinence urinaire d’effort féminine :
dehors en dedans (Monarc®) versus dedans en dehors (TVT-O®).
Les deux voies sont-elles sécurisantes ?
P. Debodinance, P. Delporte
Service de Gynécologie Obstétrique, CH de Dunkerque, rue des Pinsons, 59430 Saint-Pol-sur Mer, France
Résumé : Introduction : La voie transobturatrice, décrite
à l’origine de dehors en dedans, a été présentée de
dedans en dehors dans un deuxième temps. Nous avons
voulu montrer l’innocuité des deux techniques au travers
d’une expérience personnelle et de la littérature.
Matériel et méthodes : Il s’agit d’une étude longitudinale ouverte d’observation, prospective, non randomisée, de 100 patientes (50 TVT-O® et 50 Monarc®). Toutes
les patientes opérées avaient une manœuvre de soutènement sous-urétral positive. Quatre patientes avaient une
incontinence mixte dans le groupe Monarc (MON). Une
insuffisance sphinctérienne était retrouvée quatre fois
dans le groupe MON et 3 fois dans le groupe TVT-O.
Toutes les patientes ont été opérées sous anesthésie
locale assistée en ambulatoire. Un contrôle postopératoire était effectué à 3 mois et à 1 an.
La durée d’hospitalisation a été de 10 heures pour
48 patientes du groupe MON et 49 du groupe TVTO.
La seule complication peropératoire a été une
perforation vaginale dans l’angle latéral du vagin pour
un MON. Les complications postopératoires précoces
ont retrouvé dans le groupe MON : 3 infections urinaires, 1 rétention urinaire passagère, 3 douleurs aux
cuisses disparaissant spontanément dans les 4 jours, 1
douleur permanente d’un membre inférieur à 1 an,
nécessitant la prise d’antalgiques. Pour le groupe
TVTO : 1 infection urinaire, 1 rétention passagère et 4
douleurs de la cuisse. Aucun hématome n’a été rapporté
dans les deux groupes.
Dans les complications tardives, la symptomatologie
de novo a été marquée par un cas d’urgenturie dans le
groupe TVTO et 2 cas de dysuries objectives dans le
groupe MON versus 7 pour le groupe TVTO. Toutes les
complications n’ont pas de différences statistiquement
significatives pour les deux groupes. Aucune exposition
de bandelette n’est retrouvée.
Le taux de guérison était globalement de 90 % à 1 an
pour MON contre 94 % pour TVTO (p = NS) avec 2 cas de
récidive dans cette série entre 3 mois et 1 an. L’incontinence
mixte était corrigée pour 3 patientes sur 4, à 1 an pour MON
avec un cas de récidive sur l’année. Les patientes présentant
une insuffisance sphinctérienne, la continence était obtenue
à 3 et 12 mois dans le groupe MON. Parmi les 3 TVT-O
guéries à 3 mois, 2 ont récidivé à 1 an.
Seule une patiente a manifesté son insatisfaction à
1 an, et celles qui avaient des rapports sexuels (54 %)
n’ont mentionné aucun trouble à 1 an.
Les études sur cadavre, effectuées par des partisans de
la voie de dehors en dedans montrent un risque vasculonerveux qui n’est que peu retrouvé dans la littérature, en
termes de complications. Les douleurs des membres inférieurs dans la période postopératoire sont présents avec les
2 techniques et la plupart du temps ne sont que passagères.
Notre expérience montre que ces deux voies d’abord
obturatrices sont aussi sécurisantes l’une que l’autre. Les
résultats cliniques semblent équivalents en termes de
guérison au taux du TVT rétropubien.
Mots clés : Incontinence urinaire de la femme – Chirurgie
Trans-obturator urethral sling for the surgical
correction of female stress urinary incontinence:
outside-in (Monarc®) vs inside-out (TVT-O®).
Are the two ways reassuring ?
Abstract: Introduction: The trans-obturator route, originally described outside-in was presented later inside-out.
We wanted demonstrate the safety of the two techniques
through personal and published experience.
Correspondance : E-mail : [email protected] ; Tél. : (33) 3 28 28 58 40 ; Fax : (33) 3 28 66 07 15
219
Material and methods: Non-randomized, prospective,
observational, open-label, longitudinal study of
100 female patients (50 TVT-O® and 50 Monarc®). All
the female patients presented with isolated stress urinary
incontinence. Only 4 patients presented with mixed
incontinence in the Monarc (MON) group. Sphincter
incompetence was observed 4 times in the MON group
and 3 times in the TVT-O group. All the patients
underwent surgery under assisted local anesthesia in a
day-hospital setting. Only those patients presenting with
patent established urinary incontinence, corrected by the
TVT test, underwent surgery. Post-operative control was
conducted at 3 months and 1 year.
Results: The duration of hospitalization was 10 h for
48 patients in the MON group and 49 in the TVTO group.
The only per-operative complication was a vaginal perforation in the lateral angle of the vagina for a MON patient.
Early post-operative complications were observed in
the MON group: 3 cases of urinary tract infection, 1 of
transient urine retention, 3 of pain in the thighs
spontaneously resolving within 4 days and 1 of permanent pain in one leg at time 1 year, which remained
bearable. For the TVTO group the post-operative
complications consisted in: 1 case of urinary tract
infection, 1 of transient retention and 4 of pain in the
thigh. No hematoma was reported in either group.
Among the late complications, the de novo symptoms
included 1 case of imperious urges to urinate in the
TVTO group and objective dysuria in 2 cases in the MON
group vs. 7 in the TVTO group. There was no statistically
significant between-group difference in the complications. No tape exposure was observed.
Overall, the recovery rate was 90% at 1 year for MON
vs. 94% for TVTO (p = NS) with 2 cases of recurrence
between 3 months and 1 year in that series. Mixed
incontinence was corrected at time point 1 year in 75% of
cases for MON, with 1 case of recurrence in the year. For
the patients presenting with sphincter incompetence,
competence was maintained at 3 months and 1 year in all
cases in the MON group. The 3 TVT-O were cured at
3 months, but 2 recurrences were observed at 1 year.
All patients, except one, were satisfied at time point
1 year and those who had sexual relations (54%) did not
report any disorder at time point 1 year.
Discussion: The cadaveric studies by the outside-in
partisans show a vascular and nervous risk which has
little reflection in terms of complications in the
literature. Post-operative leg pains are encountered
with both techniques and are usually only transient.
Conclusion: The author’s experience, like that reported in the literature, shows that the two trans-obturator
access routes are equally. The clinical results would
appear to be equivalent, in terms of recovery, to the rates
obtained with retropubic TVT.
Keywords: Female stress urinary incontinence – Surgery
Introduction
Le TVT rétropubien [1], efficace, expose cependant à un
risque de complications. Celles-ci sont liées au caractère
rétropubien de la voie d’abord, inhérent à la technique
opératoire. En 2001, la voie transobturatrice a été proposée
dans le but d’éviter l’espace rétro pubien [2]. Les résultats
cliniques [2,3] ainsi que les travaux anatomiques [4,5] ont
suggéré que cette approche pourrait être plus sécurisante. La
voie d’abord transobturatrice limite les risques de plaie
vésicale et rend impossible les lésions des gros vaisseaux. De
plus, le positionnement de la bandelette dans un plan de
45˚ avec l’horizontal devrait limiter le risque de striction de
l’urètre, responsable de troubles mictionnels postopératoires.
Plusieurs firmes ont proposé divers matériaux prothétiques avec des ancillaires dont certains sont multi
voies d’abord. Plus récemment, la voie obturatrice a été
utilisée de dedans en dehors (TVT-O®) [6]. À la même
époque, N. Daher, a proposé une possibilité qui devait
être encore plus sécurisante : la voie superficielle prépubienne [7]. Malheureusement, cette voie, source
d’échecs importants probablement liés à une mauvaise
reproductibilité, a vite été abandonnée.
Nous rapportons ici notre expérience personnelle du
soutènement sous-urétral par la voie obturatrice pour
la cure chirurgicale de l’incontinence urinaire d’effort
féminine avec un passage de dehors en dedans
(Monarc®, American Medical Systems, Minnetonka,
MN) versus dedans en dehors (TVT-O®, Gynecare,
Somerville, NJ) afin de vérifier principalement la sécurité
des deux méthodes.
Matériel et méthode
Du 2/2/2004 au 21/12/2004, 100 patientes ont été incluses
dans cette étude longitudinale ouverte d’observation,
prospective, non randomisée, et opérées par un seul
opérateur (l’auteur). Les patientes bénéficiaient de l’une
des deux techniques selon l’ordre de programmation
(Monarc® et TVT-O®, une sur deux). Les caractéristiques
des deux bandelettes de polypropylène sont détaillées
dans le tableau I. Les deux séries comportaient chacune
50 cas. Toutes les patientes souffraient d’une incontinence urinaire d’effort patente isolée sans prolapsus
associé. Dans le groupe Monarc® (MON), 6 patientes
avaient déjà été opérées d’une incontinence urinaire
(3 Burch cœlioscopique, 2 Pereyra et un TVT) et 4 d’un
prolapsus génital par voie basse. Dans le groupe TVT-O®
(TVTO), 5 patientes avaient eu une cure d’incontinence
(1 burch cœlioscopique, 1 burch laparotomique, 2 Peyrera
et une fronde de Gore-Tex®), et 4 une cure de prolapsus
par voie basse dont une avec prothèse sous-vésicale.
Toutes les patientes étaient porteuses d’une incontinence
urinaire d’effort, seules 4 patientes avaient une incontinence mixte dans le groupe MON. Une insuffisance
sphinctérienne était retrouvée 4 fois (pression de clôture
220
inférieure à 30 cm H2O) dans le groupe MON et 3 fois
dans le groupe TVTO. Aucun autre geste chirurgical
n’avait été réalisé dans le même temps opératoire. Le
taux d’urgences mictionnelles était de 12 % pour la série
MON et 10 % pour le TVTO. On notait également une
dysurie préopératoire (débit max < 15 ml/s) respectivement de 10 et 6 % dans les deux groupes. Toutes les
caractéristiques des patientes sont résumées dans le
Tableau II et ne présentent aucune différence statistique.
Le protocole anesthésique était le même pour les deux
techniques. Il s’agissait toujours d’une anesthésie locale
assistée. Le protocole consistait en une prémédication une
heure avant l’intervention avec 0,25 à 0,50 mg d’alpazolam
(XanaxTM) et 100 mg d’hydroxyzine (AtaraxTM), suivie
d’une sédation au bloc opératoire par 2 mg de midazolam
(HypnovelTM) associée à 1 à 2 bolus de 5 gamma de
sufentanil (SufentaTM). Ensuite, l’anesthésie locale était
réalisée de la façon suivante : 1 mg d’adrénaline dilué dans
10 cc de sérum salé dont on prenait 3 cc à mélanger avec
2 ampoules de 20 ml de ropivacaı̈ne (NaropeineTM) à 7,5 %
associées à 1 gamma/kg de clonidine (CatapressanTM) à
diluer dans 100 cc de sérum salé.
On utilisait une aiguille 19 gauges. L’injection était
réalisée dans le pli génito-crural au niveau de l’incision
cutanée, puis l’aiguille dirigée en direction du trou
obturateur était retirée lentement en injectant.
Pour l’injection vaginale, l’aiguille était pliée au niveau
de son tiers distal pour faire un angle de 130˚. L’aiguille se
dirigeait facilement vers le trou obturateur puis était retirée
lentement en injectant. Une petite bulle du mélange était
instillée en sous-muqueux juste sous l’urètre.
Une antibioprophylaxie était administrée une heure
avant l’intervention par 2 g de céfacidal (CéfazolineTM) IV.
Ni sonde ni mèche n’étaient utilisées. Les interventions
étaient réalisées entièrement en ambulatoire, la patiente
entrant à jeun à 7 h et ressortant à 17 h après contrôle des
mictions et mesure de 2 résidus postmictionnels inférieurs
à 100 cc. En cas de rétention ou de résidus trop importants,
Tableau I. Caractéristiques des bandelettes
Matériel
Monofilament
Épaisseur
Grammage
Diamètre fibres
Taille des pores
Élasticité
Porosité relative
Résistance à la traction
Allongement à la rupture
Monarc®
TVT-O®
Polypropylène tricoté
Oui
0,61 mm
278 g/m2
150 mm
1000 mm
6%
52,1 %
65,6 N
137 %
Polypropylène tricoté
Oui
0,7 mm
95 g/m2
152 mm
1176 mm2
< 60 % pour 513 g
52,1 %
70 N
87 mm à la rupture
Tableau II. Caractéristiques des patientes (extrêmes)
Âge (ans)
BMI
Ménopause
Suivi (mois)
IUE
Incontinence mixte
IS
Pc < 30 cm H2O
Urgences mictionnelles préop
Dysurie préop (< 15 ml/s)
Chirurgie de l’incontinence
Chirurgie du prolapsus
Stade de l’IUE
I
II
III
Durée d’hospitalisation
10 h
24 h
4j
Monarc®
n = 50
TVT-O®
n = 50
P
54 [35-80]
25,9 [15-43,1]
56 %
12
50
4 (8 %)
55 [36-80]
28,9 [18,1-46,9]
50 %
12
50
0
NS
NS
NS
NS
NS
NS
4
6 (12 %)
5 (10 %)
6
4
3
5 (10 %)
3 (6 %)
5
4
NS
NS
NS
NS
NS
7
36
7
36
38
6
NS
NS
48
1
1
49
1
NS
NS
IUE : incontinence urinaire d’effort ; IS : insuffisance sphinctérienne ; IUM : incontinence par urgences mictionnelles.
221
la patiente restait hospitalisée jusqu’au lendemain avec
éducation à l’autosondage.
La technique du TVT-O® était celle décrite par son
promoteur [6] avec une seule modification au niveau
de la sortie de l’aiguille, qui se faisait au niveau du pli de
l’aine par un simple déplacement cutané. La technique
de dehors en dedans à l’aide du kit Monarc® respectait
celle décrite par Delorme [4]. La différence avec le TOT®
de Delorme, outre le type de textile, réside dans
l’encliquetage de cette bandelette à l’ancillaire hélicoı̈dal.
Les deux bandelettes utilisées sont protégées d’une gaine
plastifiée. Nous n’avons pas utilisé le test à la toux pour
régler la tension de la bandelette. Cette dernière était
juste posée sous l’urètre comme le décrit De Leval [6].
Toutes nos patientes ont bénéficié d’un examen
gynécologique complet ainsi qu’une exploration urodynamique incluant une urétrocystomanométrie, un profil
urétral statique et dynamique et une débitmètrie. N’ont
été opérées que les patientes présentant une incontinence
urinaire avérée patente, corrigée par le TVT test. Un
contrôle postopératoire était effectué à 3 mois et à 1 an
par un examen clinique et urodynamique. Nous n’avons
pas utilisé d’échelle de qualité de vie, seule une simple
question sur la satisfaction ou la déception était posée au
contrôle. La douleur était évaluée à l’aide de l’échelle
visuelle analogique (EVA) et les rapports sexuels par la
question : « Est-ce que vos rapports sont plus faciles,
plus difficiles ou identiques ? » En cas de résidu
postmictionnel trop important ou de rétention, une
éducation à l’autosondage était réalisée dans le service.
Nous retenons comme critère de guérison objective
une patiente complètement sèche lors des efforts réalisés
au cours de l’exploration urodynamique de contrôle ; la
patiente sera considérée comme améliorée si elle ne
présente que de rares fuites, en échec si la symptomatologie des fuites est inchangée, voire aggravée. Les
récidives le sont après que la patiente a été considérée
comme guérie ou qu’elle a retrouvé une symptomatologie
identique à l’état préopératoire. L’étude statistique a été
faite à l’aide du chi2 pour la comparaison des pourcentages et à l’aide du calcul des variances pour la
comparaison des moyennes, basées sur l’écart réduit.
Résultats
Le suivi est de 12 mois. La durée d’hospitalisation a été de
10 h pour 48 patientes du groupe MON et 49 du groupe
TVTO. Elle a été de 24 h pour une patiente dans chaque
groupe et de 4 jours pour une du groupe MON en raison
d’une rétention urinaire passagère.
La seule complication peropératoire a été une
perforation vaginale dans l’angle latéral du vagin pour
un MON, qui a nécessité la repose de la bandelette.
Les complications postopératoires précoces (Tableau III)
ont retrouvé dans le groupe MON : 3 infections urinaires,
1 rétention urinaire passagère, 3 douleurs aux cuisses
disparaissant spontanément dans les 4 jours, 1 douleur
permanente d’un membre inférieur à 1 an qui reste
supportable et pour laquelle la patiente ne souhaite pas
que l’on retire la bandelette. Pour le groupe TVTO :
1 infection urinaire, 1 rétention passagère et 4 douleurs de
la cuisse. Aucun hématome n’a été rapporté dans les deux
groupes.
Dans les complications tardives (Tableau III), la
symptomatologie de novo a été marqué par un cas
d’urgences mictionnelles dans le groupe TVTO (2 %) et
Tableau III. Complications
Complications peropératoires
Complications postopératoires précoces
infection urinaire
rétention urinaire passagère durée moyenne [jour]
douleur cuisse (crampes) < 4j
douleur plis de l’aine 8j
douleur permanente membre inférieur
hématome
Complications postopératoires tardives
urgences mictionnelles
urgences de novo
dysurie objective
3 mois
1 an
dysurie subjective 3 mois
1 an
dysurie objective de novo
défaut de cicatrisation ou rejet
Monarc®
n (%)
TVT-O®
n (%)
P
1
(perforation vaginale)
0
NS
3
1 [2]
3
0
1
0
1
1 [2]
4
1
0
0
NS
NS
NS
NS
NS
6 (12)
0
6 (12)
1 (2)
NS
NS
3 (6)
1 (2)
9 (18)
5 (10)
2 (4)
0
9 (18)
8 (16)
13 (26)
10 (20)
7 (14)
0
NS
NS
NS
NS
NS
222
Tableau IV. Résultats
3
Monarc
IUE
guérie
améliorée
inchangée
récidivée
IUM + IUE
guérie
améliorée
récidivée
mois
®
TVT-O
n = 50 (%)
44 (88)
5 (10)
1 (2)
1
®
n = 50 (%)
49 (98)
1 (2)
n = 4 (%)
3 (75)
1 (25)
P
NS
NS
NS
NS
n = 0 (%)
an
TVT-O®
P
n = 50 (%)
45 (90)
1 (2)
n = 50 (%)
47 (94)
1 (2)
NS
NS
4 (8)
2 (4)
NS
n = 4 (%)
3 (75)
n = 0 (%)
Monarc
®
NS
1 (25)
NS
IS + IUE
Pc < 30 cm H2O
guérie
récidivée
n = 4 (%)
4 (100)
n = 3 (%)
3 (100)
NS
n = 4 (%)
4 (100)
n = 3 (%)
1 (33)
2 (66)
NS
NS
IUE : incontinence urinaire d’effort ; IS : insuffisance sphinctérienne ; IUM : incontinence par urgences mictionnelles.
une dysurie objective dans le groupe MON dans 4 %
(2 cas) contre 14 % (7 cas) pour le groupe TVTO. Aucune
exposition de bandelette n’est retrouvée. Toutes les
complications n’ont pas de différences statistiquement
significatives dans les deux groupes.
Le taux de guérison (Tableau IV) était globalement de
90 % à 1 an pour MON contre 94 % pour TVTO (p = NS)
avec 2 cas de récidive dans cette série entre 3 mois et 1 an
et 4 dans la série MON. L’incontinence mixte était
corrigée pour 3 patientes sur 4, à 1 an pour MON avec un
cas de récidive sur l’année. Les 3 patientes du groupe
MON présentant une insuffisance sphinctérienne sont
restées sèches à 1 an alors que les 4 du groupe TVTO qui
étaient guéries à 3 mois ont récidivé pour 2 d’entre elles à
1 an. Aucune différence statistique sur les résultats n’était
retrouvée pour les deux groupes.
La totalité des patientes, sauf une, était satisfaite à très
satisfaite à 1 an (Tableau V) et celles qui avaient des
rapports sexuels (54 %) n’ont mentionnées aucun troubles à 1 an (Tableau VI).
Discussion
La technique dehors dedans nécessite une dissection
périurétrale plus importante car il faut, à l’aide du doigt,
rechercher le bout de l’ancillaire au contact de la branche
ischio-pubienne. Elle ne met pas à l’abri des complications
vésicales, même si celles-ci sont bien moins nombreuses que
dans la technique rétropubienne. Elle peut s’accompagner
de lésions urétrales, certes rares, dont on sait qu’elles sont
plus difficiles à gérer qu’une lésion vésicale [8,9].
La technique dedans dehors, au contraire, ne nécessite
pas une dissection large et à part la plaie directe de la vessie
ou de l’urètre lors de la dissection par les ciseaux, il n’est
pas possible grâce au système de guide métallique de
blesser secondairement la vessie ou l’urètre avec l’ancillaire.
Par ailleurs les études anatomiques menées par l’équipe de
De Leval ont bien montré que jamais la bandelette ne
traversait l’espace de Retzius [8] et que la prothèse restait à
2 cm du pédicule obturateur.
Le taux de complications se réfère aux études anatomiques. Après étude de 7 cadavres, Spinosa [11] montre une
proximité dangereuse entre le trajet du TVT-O® et le
pédicule vasculaire pudendal alors qu’il existe une distance
de sécurité de plus de 3 cm avec la technique dehors dedans
du TOT. Ce trajet dangereux pourrait être cause d’hématomes pouvant fuser dans les régions génitales et dans celle
des adducteurs. Nous n’avons noté aucun hématome sur
nos 100 cas quelle que soit la technique utilisée, mais
Richards et al. [12] rapportent un cas d’hématome vulvaire
Tableau V. Satisfaction
Monarc®
n = 50
Très satisfaite
Satisfaite
Peu satisfaite
déçue
TVT-O®
n = 50
3 mois (%)
1 an (%)
3 mois (%)
1 an (%)
33 (66)
16 (32)
1 (2)
0
34 (68)
15 (30)
1 (2)
0
36 (72)
14 (28)
0
0
33 (66)
17 (34)
0
0
223
Tableau VI. Vie sexuelle
®
Monarc
n = 27
Identique
Plus facile
Plus difficile
TVT-O
n = 27
3 mois
1 an
3 mois
1 an
25
2
25
1
1
27
27
dans les suites d’un TVT-O®. Selon Spinosa, la bandelette
du TVT-O® pourrait être responsable de lésions de la
branche terminale postérieure du nerf obturateur et
entraı̂ner des complications sensitives et motrices graves
devant relever de la chirurgie nerveuse. Ces complications
seraient à type de douleurs rebelles, de déficit musculaire
adducteur exposant à des troubles de la marche, de la
station debout et une impossibilité de croiser les jambes.
Notre expérience ne retrouve pas ces troubles, nous notons
bien quelques douleurs gênantes, mais passagères, ne
dépassant pas une semaine. La seule séquelle douloureuse
permanente étant à mettre au compte du Monarc® et du
trajet dehors dedans. Il met également en garde sur
d’éventuelles lésions du nerf dorsal du clitoris mais sans
preuve anatomique. Bonnet et al. [13], après dissection de
12 cadavres frais congelés ont étudié le trajet de la
bandelette TVT-O® et concluent que cette technique est
hautement sécurisante, fiable, reproductible et ne nécessite
pas de cystoscopie peropératoire.
Nous n’avons aucune plaie urétrale ou vésicale lors du
passage de l’ancillaire, grâce à l’introducteur qui protège la
face latérale de l’urètre [6] dans le TVT-O®. Dans une
correspondance avec J. de Leval, A. Khun [14] rapporte un
cas de passage intravésical d’une prothèse posée par voie
obturatrice suivant la voie dehors dedans. Dans la série
multicentrique de Boccon-Gibod [15] portant sur 441 patientes opérées par la voie dehors dedans, on peut noter 2 plaies
vésicales, 4 plaies urétrales. Les plaies décrites dans la
littérature avec la technique dehors dedans sont des plaies
dues à l’ancillaire et au choix de la voie d’abord [9,15] et, le
plus souvent, dues à une faute technique faite par
l’opérateur et non à la technique initialement décrite.
Existe-t-il une efficacité supérieure d’une voie par
rapport à l’autre ? Pour Waltregny [16], Le taux de guérison
après TVT-O® a été de 94,3 % à 6 mois. Seule une patiente a
été notée comme échec, 3 ont présenté des urgences de novo.
Les urgences préopératoires ont été corrigées dans 71 % des
cas. Radder [17] et Prado [18] rapportent leur expérience de
respectivement 106 et 30 TVT-O®. Dans la première étude,
55 % des patientes présentaient une incontinence mixte et
55,6 % avaient un prolapsus associé. Toutes les patientes ont
été revues à 6 mois avec un taux de guérison subjectif de
91,5 %, 4,7 % d’amélioration et 3,8 % d’échec. Le taux
d’urgences mictionnelles de novo était retrouvé dans 3,8 %.
Une patiente a eu une reposition de bandelette en raison
d’une rétention complète. Dans la deuxième étude,
prospective, 9 patientes présentaient une incontinence
d’effort isolée, 21 une incontinence par urgences mictionnelles et seules 4 avaient une incontinence mixte. Une
patiente a nécessité une section de bandelette pour rétention
chronique et une pour obstruction avec urgences. Ces
2 patientes sont restées sèches. Une érosion vaginale est
notée à 6 mois. Toutes les patientes étaient guéries. Dans une
étude prospective multicentrique internationale [19], 120
patientes ont bénéficié de la pose d’une bandelette Monarc®
avec un contrôle à 12 mois. Le taux objectif de guérison était
de 90,4 %, le taux d’urgence de novo était de 8,9 % pour une
baisse de 63 % des urgences préopératoires. Des douleurs de
cuisse et inguinales ont été rapportées dans 2,8 % des cas,
2,7 % d’incontinence récidivante et une exposition prothétique. Deux pour cent ont présenté une rétention
chronique. Moore [21] sur 47 patientes conclut à 85 % de
patientes complètement sèches à 6 semaines avec 1 rétention
urinaire complète, une femme ayant présenté des douleurs
musculaires traitées médicalement. Une seule patiente était
considérée comme un échec total. Onze patientes en récidive
d’incontinence ont eu une pose de Monarc® [21] (les
interventions initiales étaient : 6 TVT®, 3 Sparc®, 1 IVS® et
1 Monarc®). La seconde intervention n’a présenté aucune
complication. Huit patientes étaient satisfaites et 2 non
satisfaites (4 guéries et 6 améliorées). En fait, 6 patientes
étaient objectivement sèches. Naidu et al. [22] dans un
travail prospectif d’observation sur 96 Monarc® rapportent
12,1 % de frondes protruses, 87,9 % guéries ou améliorées
pour un taux de satisfaction de 81,3 % correspondant
au taux de guérison objectif. Les observations de
200 américaines ont été étudiées rétrospectivement avec
un suivi moye de 21 semaines [23]. Le taux d’urgence
mictionnelle avait diminué de 42,2 %, le taux de rétention
était de 0,9% et la guérison ou amélioration subjectives était
de 95,3 %.
On ne retrouve que peu d’études randomisées. Une étude
prospective randomisée a comparé Monarc® à Sparc® [24].
Le suivi moyen était de 9 mois, montrait une tendance à la
perforation vaginale (Monarc® 12,9 % versus Sparc® 0 %) et
des douleurs de cuisse (Monarc® 12,9 % versus Sparc® 0 %).
Les rétentions urinaires postopératoires n’étaient pas
différentes. Les auteurs recommandaient une urétrocystoscopie pour les deux techniques. Vervest et al. [25]
ont réalisé la même étude que la nôtre, mais avec
randomisation : 39 TVT-O® versus 36 Monarc®. Leurs
résultats se calquent aux nôtres et curieusement, ils ont
également dû reposer une bandelette Monarc® pour cause
de perforation vaginale. Ils ne trouvent aucun avantage
d’une technique sur l’autre.
Conclusion
Notre expérience, comme celle de la littérature, montre
que ces deux voies d’abord obturatrices sont aussi
sécurisantes l’une que l’autre, qu’elles ne nécessitent pas
de contrôle cystoscopique peropératoire, et les résultats
224
cliniques, qui devront être réévalués à plus long terme,
semblent équivalents en termes de guérison au taux du
TVT rétropubien qui, rappelons-le, est de 81,3 % à 7 ans
[26]. Vouloir trouver des arguments anatomiques ou
étiopathogéniques pour justifier une technique meilleure
que l’autre dessert la voie obturatrice qui est un réel
progrès car, à résultats identiques, les complications
graves ont disparues.
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Pelv Perineol (2006) 1: 225–231
© Springer 2006
DOI 10.1007/s11608-006-0078-9
ARTICLE ORIGINAL / ORIGINAL ARTICLE
Influence de l’observance de la pratique des autosondages
intermittents sur la fréquence des infections urinaires,
la continence urinaire et les activités de vie
quotidienne de patients neurologiques
L. Oujamaa 1 , E. Shao 2 , P. A. Joseph 2 , M. Barat 2 , J. M. Mazaux 2 , M. de Sèze 2
1
2
Département de Médecine physique et de réadaptation, Hôpital Carémeau, Place du Professeur-Robert-Debré, 30029 Nı̂mes Cedex
Département de Médecine physique et de réadaptation, Hôpital Tastet-Girard, CHU Bordeaux
Résumé : Objectifs de l’étude : Décrire l’observance de la
pratique des autosondages urétraux intermittents propres (ASIP) durant les quatre premières années suivant
leur apprentissage et évaluer son influence sur l’incidence des infections urinaires, la continence urinaire et
les activités de vie quotidienne.
Matériels et méthodes : Étude rétrospective par questionnaire médical auprès de patients antérieurement
hospitalisés en service de rééducation neurologique au
CHU de Bordeaux pour apprentissage de la technique
d’ASIP.
Résultats : Cinquante patients porteurs d’une neurovessie ont été inclus et répartis en deux groupes selon la
durée de pratique des ASIP : le groupe I (4 ans) était
constitué de 26 patients, le groupe II (2 ans) de 24.
L’observance n’apparaissait pas corrélée à la durée de
pratique. Douze pour cent des patients avaient abandonné la technique d’ASIP, essentiellement du fait d’une
mauvaise acceptation. Quatre-vingt-huit pour cent des
patients se sondaient à une fréquence moyenne de
4,5 ASIP/j. Le volume par sondage était supérieur à
400 cc dans la majorité des cas. La persistance ou
l’augmentation de la fréquence des infections urinaires
sous ASIP apparaissait corrélée à un volume moyen
d’urine recueilli par sondage supérieur à 400 cc (résultat
non significatif, NS). Le nombre d’ASIP quotidien et
l’observance stricte des règles d’hygiène ne semblaient
pas corrélés à la fréquence des infections urinaires (NS).
La continence urinaire était améliorée. Les activités de
vie quotidienne étaient le plus souvent limitées par la
présence de déficiences neuromotrices associées.
Conclusion : L’observance de l’ASIP est satisfaisante
après 2 à 4 ans de pratique. L’augmentation de la fréquence
des infections urinaires apparaı̂t corrélée au volume moyen
Correspondance : E-mail : [email protected]
de sondage, non à la fréquence des ASIP ni au respect strict
des règles d’hygiène.
Mots clés : Vessie neurologique – Infection urinaire –
Sondage intermittent – Observance
Does compliance with clean intermittent
self-catheterization correlate with the frequency
of urinary tract infection, urinary continence
and participation in everyday activities in a group
of patients with neurogenic bladder disorders?
Abstract: Objective and design: To describe patient
compliance with clean intermittent self-catheterization
during the first four years of its practice, and to evaluate
its impact on the occurrence of urinary tract infections,
urinary continence and everyday activities.
Methods: This is a retrospective study based on a
survey of patients discharged from the Neurological
Rehabilitation Department of University Hospital in
Bordeaux, France, after learning the self-catheterization
procedure.
Results: Fifty patients with neurogenic bladder
participated in the study. Twenty-six (group I) had
practiced clean intermittent self-catheterization for four
years, while 24 (group II) had done so for two years. The
duration of practice did not correlate with compliance.
Of all the participants, 12% gave up the technique, mainly
because of poor acceptance. Eighty-eight percent continued at an average rate of 4.5 self-catheterizations per
day. The volume of each catheterization was greater than
400 ml in most cases. Unchanged or increased occurrence of symptomatic urinary tract infection was
associated with a voided volume greater than 400 ml
226
(non-significant). The number of self-catheterizations
per day and strict compliance with hygienic recommendations were unrelated to the occurrence of urinary tract
infection (non-significant). Urinary continence improved and, in most cases, everyday activities were limited
by associated neurological impairments.
Conclusion: Compliance with clean intermittent selfcatheterization remains good after two to four years of
practice. Increased symptomatic urinary tract infections
might correlate with voided volume, but not with the
number of intermittent self-catheterizations per day or
strict compliance with hygienic recommendations.
Keywords: Neurogenic bladder – Intermittent selfcatheterization – Compliance – Urinary tract infection
Introduction
Depuis cinquante ans, la morbidité neuro-urologique
dans la population de blessés médullaires est divisée par
deux à chaque décennie successive [1]. Cette évolution
est contemporaine de l’amélioration de la prise en charge
médicale des neurovessies, et en particulier de l’instauration des autosondages intermittents propres (ASIP).
Actuellement, l’indication des ASIP s’est élargie à
d’autres pathologies neurologiques (sclérose en plaques
[SEP], neuropathies périphériques) et non neurologiques
(rétention urinaire postopératoire).
L’objectif principal de l’étude consiste à décrire
l’observance de cette technique (nombre et volume des
sondages quotidiens, respect des règles d’hygiène) au
cours des premières années de pratique dans un groupe
de patients porteurs d’une affection neurologique.
Le second objectif est de comparer selon l’observance :
– l’évolution de la fréquence des infections urinaires
symptomatiques ;
– l’évolution de la fréquence des épisodes d’incontinence urinaire ;
– l’évolution des activités professionnelles, sociales,
de loisirs et sexuelles.
Matériel et méthodes
Il s’agit d’une étude rétrospective analysant les dossiers
de 66 patients hospitalisés dans le service de médecine
physique et de réadaptation du CHU de Bordeaux entre
2001 et 2003, sélectionnés sur la base PMSI (programme
de médicalisation des systèmes d’information) : « Autosondages intermittents – Apprentissage – Vessie neurologique ». Deux groupes de patients ont été constitués
selon le recul de l’apprentissage de la technique : groupe I :
4 ans, groupe II : 2 ans.
Nous avons relevé dans les dossiers médicaux : le
diagnostic neurologique et les données urodynamiques
(activité du détrusor en cystomanométrie, activité du
sphincter strié urétral à l’électromyographie de détection).
Un questionnaire en 4 parties (voir annexe) a été
soumis aux patients soit par entretien téléphonique, soit
en consultation, selon la convenance de chaque patient.
Ce questionnaire explorait les aspects suivants :
– difficultés lors de l’apprentissage de l’ASIP ;
– observance : nombre, volume des sondages, règles
d’hygiène ;
– symptomatologie urinaire : infections urinaires
symptomatiques (c’est-à-dire accompagnées de signes
locaux et/ou généraux et documentées par examen
cytobactériologique des urines), fuites d’urine (quantifiées par l’usage éventuel de garnitures) ;
– évolution des activités professionnelles et sociales,
des loisirs et de la vie sexuelle sous ASIP.
L’analyse statistique des résultats a été réalisée en
comparant les groupes via le 2 (test exact de Fischer,
p < 0,05), et en calculant l’écart type pour les moyennes.
Résultats
Sur les 66 patients contactés, 16 ont été exclus pour refus
de participation, reprise des mictions spontanées après
avis médical, ou chirurgie urologique ayant amené à une
modification du mode de vidange vésicale.
Finalement, 50 sujets ont été inclus dans l’étude et
répartis en deux groupes, qui se sont révélés comparables au plans démographique, étiopathogénique et
neurologique (Tableau I). Le groupe I est constitués de
26 patients pratiquant les ASIP depuis 4 ans et le groupe
II de 24 patients pratiquant depuis 2 ans.
Tous les sujets ont bénéficié d’une hospitalisation de
1 à 5 jours pour apprentissage des autosondages
intermittents propres. Les difficultés rencontrées par
les patients initialement
(séjour hospitalier et retour à domicile) sont reportées dans le tableau II.
L’observance du mode de vidange vésicale est
précisée dans le tableau III.
La fréquence quotidienne des ASIP est de 4,5 par jour,
avec des extrêmes de 1 à 10 (Tableau IV). Elle ne diffère
pas selon le type de neurovessie.
Le volume moyen par sondage est supérieur à 400 cc
pour 22 des 33 sujets pratiquant les ASIP comme mode de
vidange vésicale exclusif quel que soit le recul de la
pratique (2 ou 4 ans). L’observance d’un volume moyen
par sondage inférieur au seuil de 400 cc apparaı̂t
prépondérante pour le contrôle des infections urinaires
symptomatiques et de l’incontinence urinaire, sans
toutefois atteindre le seuil de la significativité statistique.
La fréquence quotidienne des ASIP n’apparaı̂t en
revanche pas déterminante (NS) (Figs. 1-3).
L’observance des règles d’hygiène ne diffère pas selon la
durée de pratique : la réalisation d’une toilette intime et le
lavage des mains avant chaque sondage sont très largement
227
Tableau I. Données démographiques et diagnostic étiologique
Données démographiques
Âge : moyenne (écart-type)
Sexe : hommes/femmes
Type de neurovessie :
centrale/périphérique
Diagnostic étiologique
Sclérose en plaques
Paraplégie complète
Paraplégie incomplète
Paraplégie spasmodique familiale
de Strümpell-Lorrain
Atrophie multisystématisée
Spina bifida
Syndrome de la queue de cheval
Neuropathie diabétique
Neuropathie amyloı̈de héréditaire portugaise
Étiologie indéterminée
Groupe I : 26 patients
Groupe II : 24 patients
Significativité (p < 0 ,05)
46,5 (11,9)
8/18
12/14
49,8 (9,8)
12/12
14/10
NS
NS
NS
Groupe I
10
3
1
0
Groupe II
9
4
0
1
–
–
–
–
–
0
1
6
1
1
3
1
1
6
1
0
1
–
–
–
–
–
–
Tableau II. Difficultés techniques ou psychologiques à la phase
initiale de pratique des ASI
Difficultés rencontrées lors de
l’apprentissage et/ou du retour
à domicile
Groupe I + II:
50 patients
Difficultés techniques
Difficultés positionnelles
Difficultés de repérage du méat
chez la femme
Douleur lors du sondage
Urétrorragie lors du sondage
Environnement non adapté
Difficultés gestuelles
21
4
10
3
2
1
1
(abandon)
12
1
(abandon)
4
7*
(4 abandons)
33 (66 %)
Difficultés psychologiques
Aversion
Appréhension
Mauvaise acceptation
Total
*Mauvaise acceptation : 7 patients dont 5 femmes et 2 hommes.
Tableau III. Modes mictionnels
Mode mictionnel
ASI
ASI associé à un
autre mode de vidange
vésicale*
Abandon**
Groupe I
(4 ans)
Groupe II
(2 ans)
p < 0,05
15
6
18
5
NS
–
5
1
–
*Quatre sujets dans le groupe I et 5 dans le groupe II utilisent
les autosondages en complément des mictions volontaires.
Dans le groupe I, deux sujets recourent au port d’une sonde à
demeure intermittent (nocturne dans un cas et avant sortie du
domicile dans un autre).
**12 % des sujets abandonnent la technique et recourent aux
mictions volontaires.
réalisés. La tenue du calendrier mictionnel et la régulation
des apports hydriques sont rarement appliqués. Tous les
patients utilisent des sondes lubrifiées.
Le respect strict des règles d’hygiène (lavage des mains
avant chaque sondage, toilette antiseptique, apports
hydriques de 1,5 à 2 L/j) n’apparaı̂t pas corrélé à la
fréquence des infections urinaires symptomatiques. Sept
patients ne se lavent pas les mains avant chaque sondage,
37 le font systématiquement. C’est parmi les patients
réalisant ce lavage que la persistance ou la recrudescence
des infections urinaires (9 cas) est rapportée.
L’évolution de la symptomatologie urinaire est
comparable dans les deux groupes (2 ou 4 ans). Pour
80 % des patients, la fréquence mensuelle des infections
urinaires symptomatiques décroı̂t sous ASIP. De même,
pour 95 % des patients, la continence urinaire est
améliorée.
Le plus souvent, les patients ne rapportent aucune
modification de leur mode de vie après l’instauration des
ASIP (Fig. 4). Lorsqu’un bénéfice est rapporté, il est plus
fréquemment décrit dans les activités sociales et de
loisirs que dans les activités professionnelles ou sexuelles. Une dégradation est rapportée dans 12 à 28 % des cas
selon l’activité explorée, l’activité sociale étant la plus
fréquemment altérée. L’impossibilité de réalisation des
ASIP à l’extérieur du domicile apparaı̂t un élément
déterminant des conditions de vie et/ou de l’observance
des ASIP chez 8 patients, conduisant les uns à renoncer à
leurs sorties et péjorant d’autant la qualité de vie sociale,
et menant les autres à modifier leur horaire, nombre ou
mode de drainage vésical (sonde à demeure) sacrifiant
ainsi à l’observance.
Discussion
Les facteurs de risque reconnus d’infection urinaire chez
l’adulte porteur d’une neurovessie sont représentés par
228
Tableau IV. Fréquence des ASI
Nombre d’autosondages quotidiens
Groupe I (4 ans)
Groupe II (2 ans)
p < 0,05
5
5
16 (62 %)
1
3
20 (83 %)
NS
NS
NS
Aucun
1 à 3
4 ou plus
Fréquence moyenne d’ASIP/j : 4,5 ; Écart-type (ET) : 0,75 tout groupe confondu (44 sujets),
groupe I : moyenne 4,6 ASIP/j, ET : 0 ,22, groupe II : moyenne 4,2, ET : 1,01.
Infections urinaires
Infections urinaires
10
5
Incontinence urinaire
8
Incontinence urinaire
4
6
3
4
2
2
1
0
Observants (10)
Non observants (34)
Fig. 1. Symptomatologie urinaire (persistance ou aggravation) selon
l’observance des deux critères suivants : 4 ASI/j ou plus et volume moyen
inférieur à 400 cc par sondage. La différence entre les deux groupes n’est pas
significative (p < 0,05)
Infections urinaires
10
0
Fig. 3. Symptomatologie urinaire (persistance ou aggravation) selon
l’observance du critère : fréquence minimale de 4 ASI/j. Différence non
significative entre les deux groupes (p < 0,05)
7
Incontinence urinaire
16
14
9
8
Amélioré
32
6
16
25
23
Inchangé
Dégradé
4
12
5
2
Travail
0
Observants (11)
Non observants (33)
Fig. 2. Symptomatologie urinaire (persistance ou aggravation) selon
l’observance du critère : volume moyen par sondage inférieur à 400 cc.
Différence non significative entre les deux groupes (p < 0,05)
le reflux vésico-rénal, la distension vésicale, les lithiases,
le résidu postmictionnel, les pressions intravésicales
élevées et l’obstruction des voies urinaires [2]. Assurer
une vidange vésicale complète et à basse pression
constitue donc l’objectif thérapeutique de base et la
mesure préventive majeure de la morbidité neurourologique dans cette population. L’autosondage intermittent est reconnu comme la méthode de drainage
urinaire de référence et de première intention [2].
Mise au point par Lapide en 1972, cette technique est
largement validée chez le patient neurologique, et il est
aujourd’hui démontré que l’autosondage est préférable
au port d’une sonde à demeure, non seulement en termes
de diminution du risque d’infection urinaire, mais
également dans le cadre de la prévention des autres
A. Sociales
7
10
Loisirs
Sexualité
Fig. 4. Évolution des activités professionnelles, sociales, de loisir et sexuelles
pour les 44 patients ayant poursuivi les ASI
complications urologiques propres aux neurovessies, à
savoir : lithiases, rétrécissements urétraux, cancer épidermoı̈de de la muqueuse vésicale, orchiépididymites,
reflux vésico-rénal et dégradation du haut appareil
urinaire [3-5].
Il n’y a pas de définition consensuelle de l’infection
urinaire cytobactériologique chez le patient neurologique, la présence de signes cliniques (fièvre, signes
vésico-sphinctériens de novo, etc.) permet alors d’orienter l’attitude thérapeutique [2,6].
Plusieurs études ont permis de documenter l’incidence des infections urinaires chez le patient en sondage
intermittent (Tableau V). Bakke note que le risque
d’infection dépend du nombre de sondages quotidiens.
Inférieur à 4/j, il est associé à un risque élevé [7]. De
même, le volume des sondages, s’il est supérieur à
400 cc, expose à un risque plus élevé d’infection,
229
Tableau V. Comparaison des causes d’abandon retrouvées dans l’étude à d’autres cohortes décrites dans la littérature
Études
Série
(2005)
Bakke
(1996)
Nombre de patients
Pathologie
Recul
Taux de bactériurie
asymptomatique
Taux d’infections urinaires
basses symptomatiques
Taux d’abandon
Causes d’abandon les
plus fréquentes pour
chaque série
50
170
Neurologique
3 ans
7 ans
–
61 %
Murray
(1984)
Timoney
(1990)
57
28
Blessé médullaire
5 ans
4 ans
43 %
–
Kuhn
(1991)
Donzé
(2005)
46
63
SEP
5 ans
36,5 %
6 ans
–
–
–
–
36 %
–
38,1 %
12 %
Mauvaise
acceptation
–
–
23 %
Symptômes
urinaires
non contrôlés
50 %
Incontinence
urinaire persistante
48 %
Mauvaise
acceptation
20 %
Score
EDSS élevé
illustrant le rôle de l’ischémie pariétale au cours de la
distension vésicale dans la genèse des infections urinaires basses. La bactériurie asymptomatique apparaı̂t
fréquente dans cette population, estimée à 67 % des
patients. Les sujets traités pour bactériurie asymptomatique ont plus régulièrement des urines stériles, mais font
davantage d’infection urinaire symptomatiques [8].
Enfin, les sujets en hétérosondage par un tiers voient
leur taux d’infection urinaire considérablement augmenté, comparés à ceux pratiquant les autosondages [8].
L’incidence des infections urinaires symptomatiques
chez le patient neurologique a été étudié par De Ruz auprès
de 128 patients blessés médullaires [9]. L’incidence journalière est 7 fois plus élevée en sonde à demeure qu’en cathéter
sus-pubien ou sondage intermittent. Le risque infectieux bas
rapporté dans l’étude de De Ruz avec l’usage d’un cathéter
sus-pubien est à interpréter en sachant que cette cohorte est
suivie durant trois ans. En effet Weld, avec un recul moyen
de 18 ans, retrouvait une incidence plus élevée des
pyélonéphrites, reflux vésico-rénal et anomalie du hautappareil chez les patients porteurs d’un cathéter sus-pubien
versus autosondages [3,4].
Les difficultés au cours de l’apprentissage sont très
fréquentes dans cette étude et amènent à l’abandon de la
technique dans un nombre non négligeable de cas. Ces
difficultés sont essentiellement d’ordre psychologique.
On peut considérer qu’elles tiennent à trois facteurs :
l’acceptation est d’autant moins bonne que les patients
étaient peu symptomatiques au moment de l’apprentissage, la sévérité du handicap neurologique, particulièrement dans les pathologies évolutives telles que la SEP,
et des considérations d’ordre socio-culturel.
Plusieurs études ont répertorié les motifs d’abandon
de la technique de sondage chez le patient neurologique
(Tableau V). Dans notre cohorte comme dans la
littérature, les femmes semblent être plus fréquemment
que les hommes amenées à abandonner la technique
pour des raisons psychologiques (aversion, mauvaise
acceptation) [10,11].
Le volume moyen par sondage apparaı̂t déterminant
dans la fréquence des infections urinaires symptomatiques :
un volume inférieur à 400 cc est associé à une diminution
ou une disparition des infections urinaires symptomatiques,
confirmant les travaux de Lapides et al. [12].
Dans notre série, la fréquence quotidienne des
autosondages n’influencerait pas l’évolution des infections urinaires symptomatiques. Toutefois cette interprétation se veut prudente car elle va à l’encontre de
l’explication physiopathologique de Hinman (1977) selon
lequel la fréquence est cruciale pour prévenir les
infections urinaires en assurant une clairance bactérienne et ainsi le maintien d’un taux de colonies faible.
Notons que dans la série de 22 patients de Kuhn, le taux
d’infection urinaire chute de 28 à 12 % quand les sujets en
souffraient 4 à 8 fois par an avant ASIP mais augmente de
46 à 68 % pour ceux qui rapportaient 1 à 3 épisodes par an
[10]. Gallien, par ailleurs, rapporte un taux élevé d’infections
urinaires sous ASIP : 31 à 83 % [13]. Ainsi les infections
urinaires symptomatiques constituent une complication
fréquente sous ASIP, et notre étude suggère une corrélation
entre cette complication et l’observance d’un volume seuil
de 400 cc par sondage.
Dans notre série, le lavage des mains avant chaque
sondage n’est pas corrélé à la fréquence des infections, de
même que la réalisation d’une toilette avec un savon
antiseptique plutôt qu’avec un savon simple. Pour le
lavage des mains, le résultat contradictoire obtenu
(davantage d’infections urinaires dans le groupe « observant ») peut s’expliquer par la taille respective des deux
échantillons ou encore parce que les patients observants,
plus scrupuleux, tendraient à réaliser plus promptement
une analyse cytobactériologique des urines et à recourir
à une antibiothérapie fréquente sans pour autant répondre aux critères d’infections urinaires basses dans le cadre
de troubles vésico-sphinctériens d’origine neurologique.
Tous les patients de la série pratiquent les ASIP, ce
qui est cohérent avec les données de la littérature et les
contraintes budgétaires [14].
Tous les patients utilisent une sonde lubrifiée et
aucun homme ne rapporte de traumatisme urétral.
Le contrôle de l’incontinence sous ASIP, objectif
crucial en vue de garantir l’observance à long terme
230
[15,16], est obtenu pour les patients « observants » (volume et fréquence des ASIP) de notre série.
Nos résultats suggèrent que le degré d’observance de
l’ASIP ne décroı̂t pas au cours du temps, du moins pour
le recul établi dans l’étude.
5.
6.
Conclusion
L’observance des ASIP est satisfaisante et perdure au
cours des trois années moyennes de suivi rétrospectif de
50 patients porteurs d’une neurovessie.
Pour près d’un patient sur 4, des difficultés psychologiques sont présentes dès la phase d’apprentissage
et amènent à un abandon de la technique une fois sur
deux. Un suivi médical plus rapproché des patients
exprimant initialement une mauvaise acceptation de la
technique semble justifié.
Le contrôle des infections urinaires apparaı̂t principalement dépendant du respect d’un volume seuil
maximum de 400 cc d’urines recueillies par sondage.
Une amélioration de la vie sociale est rapportée dans
36 % des cas sous ASIP, soulignant la pertinence de ce
mode de drainage vésical pour améliorer la qualité de vie
chez le patient neurologique.
Références
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survival in spinal cord injury: a fifty years investigation.
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2. Conférence de consensus SPLIF/AFU (2003) Infections
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Infectieuses 33: 193-215
3. Weld K, Dmochowski R (2000) Effect of bladder
management on urological complications in spinal cord
injured patients. J Urol 163: 768-772
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bladder compliance with time and associations of bladder
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De Ruz A, Leoni E, Cabrera R (2000) Epidemiology and
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self-catheterisation: long term results (bacteriological
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cohort of spinal cord injury patients. Arch Phys Med
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intermittent catheterisation. Paraplegia 28: 556-63
Murray K, Lewis P, Blannin J, et al. (1984) Clean
intermittent self-catheterization in the management of
adult lower urinary tract dysfonction. Br J Urol 56: 379-80
231
ANNEXE : questionnaire
Quand avez-vous appris les autosondages intermittents ?
Combien de temps avez-vous passé en hospitalisation pour cet apprentissage ?
Quelles difficultés avez-vous rencontrées lors de votre apprentissage en hospitalisation ?
Quelles difficultés avez-vous rencontrées au retour à domicile ?
Après retour à domicile, avez-vous continué à appliquer les consignes qui vous avaient été données
à l’hôpital, à savoir :
– régulation des boissons (boire 1,5 l/j à 2 l/j) ;
– toilette intime (réalisez-vous une toilette intime ? Si oui, utilisez-vous un savon ou un antiseptique ?) ;
– lavage des mains avant chaque sondage ?
Tenez-vous un calendrier mictionnel ?
Quel type de sonde utilisez-vous (lubrifiées ou sèches) ?
Actuellement évaluez : la fréquence quotidienne de vos autosondages et le volume d’urine par autosondage.
(Évaluation du volume : poches de vidange graduées si utilisées, sinon estimation).
Depuis que vous réalisez des autosondages :
– souffrez-vous plus ou moins d’infections urinaires ? Comment se manifestent-elles ?
(quels symptômes présentez-vous lorsque vous souffrez d’une infection urinaire, réalisez-vous une analyse
d’urine lors de ces épisodes ?) ;
– précisez : combien d’infections par mois avant ASI ? Combien par mois depuis ?
– présentez-vous plus ou moins d’épisodes d’incontinence urinaire ?
Depuis que vous réalisez des autosondages, comment ont évolué vos activités :
– professionnelles ;
– sociales (sortez-vous plus souvent visiter des amis, recevez-vous plus vos amis chez vous ?) ;
– loisirs (avez-vous repris, débuté une ou des activités sportives, culturelles ? précisez laquelle) ;
– sexuelles.
Pelv Perineol (2006) 1: 232–236
© Springer 2006
DOI 10.1007/s11608-006-0080-2
ARTICLE ORIGINAL / ORIGINAL ARTICLE
Exactitude des mesures de pressions effectuées
par un système de capteurs et sonde à ballonnets chargés
à air TDoc® pour la pratique des examens urodynamiques
L. Le Normand, J. Rigaud, S. Battisti, P. Glémain, J.M. Buzelin, O. Bouchot
Service d’Urologie, CHU de Nantes, place Alexis-Ricordeau, 44093 Nantes Cedex 01
Accuracy of pressure measurements obtained
by an air-charged transducer balloon catheter
system (TDoc®) for urodynamic testing
Résumé : Objectifs : Évaluer in vitro l’exactitude des
mesures de pression d’une sonde T-Doc® à double
ballonnet à air (réf. TDOC-7FD).
Matériels et méthode : La sonde T-Doc® était testée dans
une enceinte liquidienne, en comparant les mesures aux
valeurs de pression de l’enceinte que l’on faisait varier de
0 à 200 cm d’eau.
L’évaluation de la mesure de la profilométrie urétrale
(PU) comparait les pressions de clôture maximum (PCMax)
obtenues avec la sonde TDoc® avec celles obtenues avec une
sonde perfusée de type Bohler (Bolher2 Peters®) sur cadavre
frais féminin dont on avait implanté en périurétral, par voie
vaginale, une manchette de sphincter artificiel, reliée à un
capteur et une seringue pour y faire varier la pression. Les
valeurs de PCMax étaient rapprochées de la pression
vésicale de fuite obtenue par pression sus-pubienne, après
remplissage vésical à 200 ml d’eau, pour chaque palier de
pression dans la manchette.
Résultats : Les écarts entre la pression hydrostatique
mesurée par chaque ballonnet et la voie de référence ne
dépassaient pas 1 %. La réponse aux variations rapides de
pression montrait un retard de 0,4 s avec la pression de
référence.
Les mesures de PU effectuées par la sonde de Bohler
et la sonde T-Doc montraient d’importants écarts, la
sonde T-Doc affichant des PCmax le plus souvent
supérieures au double de celles obtenues avec la sonde
de Bohler2®. Les PCMax obtenues avec la sonde de
Bohler2® étaient proches des pressions vésicales de fuite
obtenues pour une même pression de la manchette du
sphincter artificiel.
Conclusion : L’exactitude des mesures de pression obtenues
par la sonde T-Doc est suffisante pour une cystomanométrie. Par contre, les valeurs de la PU qu’elle fournit semblent
nettement surestimées.
Abstract: Objectives: To evaluate the accuracy of in vitro
pressure measurements using a double-balloon T-Doc®
air-charged catheter (ref. TDOC-7FD).
Materials and method: The T-Doc® catheter was tested in a
liquid chamber by comparing measurements with chamber
pressure values, which varied from 0 cm to 200 cm of water.
We evaluated the urethral pressure profile (UPP) by
comparing maximal urethral closure pressure (MUCP) with
pressures obtained with a Bohler water-filled catheter
(Bolher2 Peters®) using a fresh female cadaveric model in
which we placed around the urethra, by vaginal approach,
an artificial cuff sphincter connected to a sensor and syringe
to control the pressure. For each pressure level in the cuff,
the MUCP values were compared with the bladder leak point
pressure obtained by pressing the suprapubic region after
filling the bladder with 200 ml of water.
Results: The differences between the hydrostatic pressure
measured through each balloon and the reference
pressure did not exceed 1%. The response to quick
pressure variations was delayed by 0.4 seconds with
respect to the reference pressure.
The UPPs recorded by the Bohler and T-Doc® catheters
differed significantly, the T-Doc® catheters usually producing MUCPs twice as high as those obtained with the
Bohler2®. The MUCPs measured by the Bohler2® catheter
were close to the bladder leak point pressure obtained for the
same artificial sphincter cuff pressure.
Conclusion: The accuracy of pressure measurements
obtained with the T-Doc® catheter is sufficient for
cystomanometry. On the other hand, UPP values obtained
with TDoc® catheters are highly overdetermined.
Mots clés : Urodynamique – Profilométrie urétrale –
Sondes de mesure
Keywords: Urodynamics – Urethral pressure profile –
Catheter
Correspondance : E-mail : [email protected]
233
But de l’étude
Il est d’analyser l’exactitude des mesures, dans la gamme
des pressions utilisées en urodynamique pour la
cystomanométrie et la profilométrie uréthrale (PU),
effectuées par le système T-DOC® avec des sondes de
référence TDOC-7FD. Les sondes sont reliées à un
capteur spécifique qui permet de charger le ballonnet
avec la quantité d’air voulue par le fabriquant. L’analyse
porte sur la mesure de la pression statique et sur la
réponse dynamique à un changement brutal de pression
ainsi que son application pour la mesure des PU.
Rationnel de l’étude
Ces sondes auraient l’avantage de ne pas nécessiter le
remplacement du capteur, de simplifier l’étalonnage de la
chaı̂ne de pression, de se dispenser d’un système de
perfusion pour la réalisation de la PU, d’avoir une mesure
parfaitement circonférentielle de la pression urétrale. Le
principe d’un cathéter à air n’est pas nouveau et avait déjà
été développé pour la mesure de la pression rectale en
urodynamique [1]. Une étude [2] a comparé les résultats du
Valsalva leak point pressure (VLPP) et de la PU obtenue
par une sonde à microcapteur et la sonde TDoc® chez 45
patientes avec une corrélation de 0,69 pour la pression de
clôture maximum (PCM) et de 0,71 pour le VLPP, mais
uniquement de 0,35 pour la longueur fonctionnelle
urétrale. Une autre étude [3] réalisée sur cadavre comparait
une sonde à fibre optique, une sonde à microcapteur et la
sonde TDoc® mais utilisait une bandelette de type TVT
pour mesurer la reproductibilité. La conclusion des auteurs
était que la sonde TDoc® était celle qui assurait la meilleure
reproductibilité de la mesure. Aucune de ces deux études
n’évaluait correctement in vitro l’exactitude des mesures à
l’aide de cette sonde.
Matériel et méthode
1re partie de l’étude : évaluation de l’exactitude
de mesure des pressions hydrostatiques
La comparaison de la pression de référence et de celle
mesurée par la sonde étudiée était faite dans une enceinte
liquidienne au sein de laquelle étaient positionnés : la
sonde reliée à ses capteurs spécifiques dont on a adapté
la connectique pour la relier à la chaı̂ne de pression
utilisée, une voie de référence reliée à un capteur à eau
dont on a vérifié l’étalonnage par une colonne à eau, et
un système permettant de faire varier la pression
(seringue de 2 ml). Les capteurs étaient reliés à un
appareil de mesure urodynamique (Uromedic 2001,
Vermed®) (Fig. 1). Les « zéro » pression étaient établis
avec le capteur de référence situé au niveau de la partie
Fig.1. Schéma de montage de l’enceinte liquidienne comparant la
pression de référence de l’enceinte et celle mesurée par la sonde TDoc®.
Les variations de pression étaient obtenues par une seringue de 2 ml
reliée à l’enceinte
Fig. 2. schéma de montage du système de mesure sur le cadavre
Le cystocathéter était relié à un système de remplissage par gravité
sur laquelle était branchée une voie pression mesurant la pression
vésicale (V).
La tubulure de la manchette du sphincter artificiel était reliée à un autre
capteur de pression (S) mesurant la pression dans la manchette, les
variations de pression à l’intérieur de celle-ci étaient assurées par une
seringue de 2 ml placée en dérivation sur un robinet 3 voies
basse de l’enceinte et sur la pression atmosphérique pour
les capteurs à air.
Ce montage permettait d’évaluer, par comparaison
avec la pression de référence :
– l’exactitude des mesures pour des pressions allant de 0 à
200 cm d’eau (plage de pression utilisée en urodynamique) ;
– la rapidité de la réponse aux variations brutales de
pression dans l’enceinte.
234
2e partie de l’étude : validité de la mesure
appliquée à la PU
Il est plus difficile d’avoir un banc d’essai fiable pour
analyser la PU. On propose de mesurer la PU sur cadavre
frais féminin, après mise en place, par voie vaginale,
d’une manchette d’un sphincter artificiel AMS800® avec
contrôle des pressions de la manchette périurétrale. Les
pressions mesurées avec la sonde TDoc® étaient comparées à celles obtenues par le matériel de référence utilisé
dans le laboratoire d’urodynamique (sonde de Bohler 10F
perfusée à 2 ml/min). Les pressions de la manchette
étaient ajustées pour obtenir une pression de clôture
maximum (PCMax) de référence de 0 à 130 cm d’eau par
paliers successifs puis en sens inverse. La vitesse de
retrait de la sonde était de 1 mm/s. Les « zéro » pression
étaient étalonnés sur une horizontale passant par
l’urètre.
Ces mesures étaient également comparées aux pressions
vésicales de fuite obtenues par pression hypogastrique sur
vessie remplie à 200 ml par cystocathéter sus-pubien
permettant également de mesurer la pression vésicale.
Cette mesure était effectuée pour différents paliers de
pression de la manchette du sphincter artificiel.
La sonde de Bohler 10F (Peters®) était utilisée
conformément à la pratique de la PU, c’est-à-dire que
la voie urétrale était perfusée à 2 ml/mn par un système
sous pression dont on a vérifié l’étalonnage. La pression
est mesurée par le capteur placé en bout de prolongateur.
La vitesse de retrait était de 1 mm/s.
La sonde TDoc® était utilisée selon les préconisations
du constructeur : la sonde était insérée dans la vessie.
Après avoir effectué le « 0 » atmosphérique (le « zéro »
atmosphérique), les ballonnets étaient chargés avec le
système. On vérifiait que la pression mesurée était égale
au niveau des deux ballonnets et égale à la pression
vésicale mesurée par le cystocathéter. La sonde était
progressivement retirée par l’appareil de retrait à la
même vitesse que précédemment : 1 mm/s.
Analyse des résultats
Pour les mesures effectuées dans l’enceinte liquidienne :
– les courbes de pressions de référence et de celles
mesurées par la sonde étaient superposées de manière à
faire apparaı̂tre les éventuelles différences. Une courbe
différentielle (pression de référence – pression mesurée
par la sonde) permettait le calcul de la différence en tous
points.
Le temps de réponse était celui pendant lequel la
pression différentielle variait en réponse à une brusque
augmentation de pression avant de retrouver une valeur
stable.
Pour les mesures de PU effectuées sur cadavre frais, les
résultats étaient représentés sous la forme d’un graphe
permettant de comparer les valeurs obtenues pour chaque
sonde en fonction de la pression de la manchette.
Une courbe de tendance linéaire permettait de situer
la pression de fuite par rapport aux PCMax mesurées par
les deux sondes en fonction de la pression de la
manchette. Ces courbes étaient obtenues avec le logiciel
Microsoft Excel®.
Résultats
Évaluation de l’exactitude de mesure
des pressions hydrostatiques
L’écart entre les pressions mesurées par la sonde TDoc® et
le capteur de référence était au maximum de 2 cm d’eau
pour 200 cm d’eau de pression dans l’enceinte alors que
des résultats similaires étaient obtenus avec les deux voies
pression de la sonde TDoc® (Fig. 3).
L’étude de la rapidité de la réponse aux variations
brutales de pression dans l’enceinte montrait un retard
estimé à 0,4 s, temps pendant lequel la pression était
plus haute ou plus basse selon qu’il s’agissait d’une
augmentation ou d’une baisse brutale de la pression dans
l’enceinte (Fig. 4).
Fig. 3. Résultats obtenus avec la sonde TDoc® (ballon 1 et ballon 2) et comparés avec la pression de référence (différentielle en rouge). L’écart
de mesure ne dépasse pas 2 cm d’eau pour 200 cm d’eau de pression, soit 1 %. Les écarts de mesure entre les deux ballonnets (B1-B2) est du même
ordre (3 cm d’eau pour 200 cm d’eau de pression)
235
Fig. 4. Analyse de la rapidité de la réponse des sondes TDoc® aux variations brutales de pression dans l’enceinte. Le retard de mesure est
estimé à 0,4 s
Fig. 5. Valeurs de PCMax et courbes de tendance obtenues par chaque
sonde. On observe une surestimation très importante de la pression
mesurée par la sonde TDoc®, le plus souvent supérieure à 2 fois
la pression mesurée par la sonde Bolher. On peut remarquer cependant
que la pression de la manchette nécessaire à l’augmentation de la
pression urétrale mesurée est beaucoup plus importante que celle-ci
Validité de la mesure applique´e à la PU
On observe une surestimation très importante des
pressions mesurées par la sonde TDoc® comparées à
celles obtenues par la sonde Bohler pour la même
pression de la manchette (Fig. 5).
Les courbes de tendance linéaire de la figure 6
permettent de constater que la courbe de tendance
linéaire obtenue avec les pressions de fuite est proche
de celle obtenue avec la sonde de Bohler et éloignée de
celle obtenue avec la sonde TDoc®.
Fig. 6. Valeurs et courbes de tendance linéaire comparant la pression
vésicale de fuite aux PCMax obtenues avec les deux sondes
Discussion
Les écarts de mesure entre la pression de référence et la
sonde TDoc® pour les mesures de pression hydrostatique
sont négligeables pour une application en urodynamique. En effet, une marge d’erreur de l’ordre de 1 % n’a
pas de répercussion clinique. De même, on peut
considérer comme acceptable un temps de réponse de
0,4 s, cette erreur étant d’ailleurs compensée par le même
retard sur les deux ballonnets si une sonde de type
TDOC-7FD ou une sonde TDOC-7FA est utilisée pour la
mesure de la pression rectale. On peut donc conclure que
ce type de matériel devrait donner des résultats
satisfaisants en application clinique pour une cystoma-
236
et reproductibles [5,6]. Ce cathéter respecte les préconisations du principe original de la mesure de la PU [7].
Seule la PCMax a été mesurée dans cette étude. On
peut cependant remarquer que la forme du profil urétral
et la longueur fonctionnelle sont parfaitement reproductibles pour la même sonde mais elles sont très différentes
d’une sonde à l’autre (Fig. 7). La reproductibilité avait été
évaluée comme bonne pour la sonde TDoc® [3] mais on
pouvait déjà constater dans cette étude sur cadavre que
la PCMax obtenue avec la sonde TDoc® était supérieure à
celles obtenues avec les autres cathéters (fibre optique,
capteur électronique et sonde perfusée).
Il reste à établir un modèle fiable permettant de tester
les mesures de PU car celui utilisé n’est pas exempt de
critiques. Néanmoins, il donne des résultats plausibles
pour la sonde de Bohler avec des valeurs proches des
pressions de fuite alors que les mesures obtenues avec la
sonde TDoc® n’ont aucune signification clinique.
Fig. 7. Profilométrie avec sonde de Bohler 10f et avec la sonde TDoc®
après avoir retiré la manchette de sphincter artificiel. La PCMax est
mesurée à 6 cm d’eau avec la sonde de Bohler et entre 50 et 55 cm
d’eau pour la sonde TDoc®. Le passage d’une paire de ciseaux dans
l’urètre afin de le dilater ne modifie pas le résultat
nométrie qui consiste à mesurer une pression dans une
enceinte liquidienne. Il conviendrait cependant de
vérifier que le positionnement aléatoire d’un ballonnet
dans un repli de la vessie ne perturbe pas la mesure.
Les résultats obtenus sur la PU sont par contre peu
satisfaisants dans le montage utilisé. On peut cependant le
critiquer car l’urètre d’un cadavre, même frais, peut être
peu compliant. On pourrait alors penser que la surestimation des pressions mesurées par la sonde TDoc®
serait le reflet de ce défaut de compliance [4]. Cette
hypothèse est cependant peu probable car le diamètre des
ballonnets de la sonde, une fois chargés, n’excède pas
celui de la sonde de Bohler utilisée (10F). De plus, une
mesure effectuée sans manchette de sphincter à la fin de
l’expérience montrait des différences tout aussi importantes même après dilatation de l’urètre par introduction
d’une paire de ciseaux à l’intérieur de (Fig. 7).
Le défaut de compliance de l’urètre peut par contre
expliquer que les pressions de la manchette excèdent de
beaucoup celles mesurées par la sonde de Bohler et les
pressions vésicales de fuite.
Les pressions mesurées par les deux types de sonde ainsi
que les pressions vésicales de fuite restent assez stables pour
des pressions basses de la manchette (< 50 cm d’eau). Cela
peut être dû au caractère légèrement compressif de la
manchette qui était fortement ajusté au diamètre de l’urètre
(4,5 cm). Ceci explique qu’il faut attendre des pressions de la
manchette supérieures à 50 cm d’eau pour obtenir des
valeurs de PCMax croissantes.
Le cathéter de Bohler 10F (Peters®) a été choisi car
c’est celui que nous utilisons en pratique courante. De
nombreux cathéters sont disponibles pour la mesure de
la PU, mais ils ne donnent pas tous des mesures exactes
Conclusion
Le système TDoc® comprenant une sonde à ballonnets
chargé à air par un capteur spécifique permet une
mesure de la pression hydrostatique suffisamment
précise pour son application en cystomanométrie. Par
contre, son application pour la mesure de la PU peut être
mise en doute compte tenu de la surestimation des
mesures constatée dans cette étude.
Remerciements
Nous remercions vivement l’équipe du laboratoire d’anatomie de l’université de médecine de Nantes et mesdames
Hillereau et Lefrancoise pour leur précieuse collaboration.
Références
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de pression obtenues par une nouvelle sonde rectale
à ballonnet à air. Prog Urol 11: 127-31
2. Pollak JT, Neimark M, Connor JT, et al. (2004) Aircharged and microtransducer urodynamic catheters in the
evaluation of urethral function. Int Urogynecol J Pelvic
Floor Dysfunct 15: 124-8
3. McKinney TB, Goldstein H, Hessami S (2000) Comparison
of fiberoptic, microtip and air-charged pressure transducer
catheters for the evaluation of urethral pressure profiles.
International Uro-Gynecology association meeting
4. Susset JG, Ghoniem GM, Regnier CH (1983) Abnormal
urethral compliance in females diagnosis, results and
treatment. Preliminary study. J Urol 129: 1063-5
5. Le Normand L (2000) Principes de mesure de la profilométrie.
In: L’insuffisance sphinctérienne de la femme. Elsevier,
Paris, pp 109-20
6. Le Normand L, et al. (1995) Fiabilité des mesures de
pressions obtenues par les sondes utilisées pour la réalisation
du profil de pression urétral par la méthode perfusionnelle.
Prog Urol, pp 980-4
7. Brown M, Wickham JE (1969) The uretral pressure profile.
Br J Urol 41: 211-7
Pelv Perineol (2006) 1: 237–241
© Springer 2006
DOI 10.1007/s11608-006-0070-4
MISE AU POINT / UPDATE
Spécificités de la prise en charge de l’incontinence urinaire
chez la personne âgée
G Robain 1,3 , H. Vincent 2 , D. Hennebelle 1 , O. Chapelle 1 , P. Vu 1 , B. Marti 1 , F. Valentini 1,3
1
Service de Médecine physique et de Réadaptation ; 2 Service de Médecine interne, Hôpital Charles-Foix-Jean-Rostand,
APHP, 9, avenue de la République, 94200 Ivry-sur-Seine
3
UMR S 731 Inserm, Université Pierre-et-Marie-Curie, Paris 6
Résumé : La prévalence de l’incontinence urinaire augmente
avec l’âge. Les causes de l’incontinence sont rarement
uniques chez les sujets âgés. La dépendance physique et
psychique, la polypathologie, les effets secondaires des
médicaments s’associent pour induire l’incontinence de
la personne âgée. Le bilan doit être exhaustif, gériatrique
toujours, urodynamique et radiologique si une décision de
traitement est prise. La prise en charge, multidisciplinaire,
reposera en premier lieu sur la rééducation comportementale. Les autres traitements chirurgicaux et pharmacologiques sont des traitements de deuxième intention.
80 ans, 30 % chez la femme [3,4] et 20 % chez l’homme
[5,6]. Cette prévalence est très variable en fonction du
lieu de vie puisqu’elle atteint 80 % dans une population
de personnes âgées vivant en institution [7].
Les mécanismes et la prise en charge de l’incontinence
de la personne âgée diffèrent selon l’âge physiologique.
Pour la personne âgée en « bonne santé », sans pathologie,
ils sont proches de ceux d’un sujet jeune. En revanche, chez
la personne âgée, institutionnalisée, polymédicamentée, la
prise en charge sera limitée, sachant que coexistent souvent
une incontinence urinaire et une incontinence anale.
Mots clés : Incontinence – Âge – Polypathologie –
Rééducation comportementale
Vieillissement de l’appareil vésico-sphinctérien
et incontinence urinaire
Incontinence in the elderly: specificity and treatment
L’IU n’est pas la conséquence du vieillissement normal
de l’appareil vésico-sphinctérien, même s’il existe des
modifications fonctionnelles de celui-ci avec l’âge. Le
vieillissement « normal » de l’appareil vésico-sphinctérien entraı̂ne des modifications mictionnellles : diminution du débit maximum urinaire et existence d’un résidu
postmictionnel ; il existe une modification de la sensibilité vésicale avec un besoin plus tardif et moins
progressif, et une diminution de la contractilité vésicale.
La prévalence de l’hyperactivité du détrusor augmente
avec l’âge. La résistance urétrale diminue chez la femme
alors qu’elle augmente chez l’homme.
Avec l’avancée en âge, on observe une modification
du rythme nycthéméral de la diurèse, avec augmentation
de la diurèse nocturne, dont les mécanismes sont
multiples : modification de sécrétion du peptide natriurétique atrial, insuffisance cardiaque, diminution de
la clairance de l’eau libre... Cette inversion du rythme
de la diurèse, associée à la fragmentation du sommeil,
explique en partie la pollakiurie nocturne [8-10].
Aucune de ces modifications n’est responsable par ellemême de la survenue d’une incontinence. Cependant
l’augmentation du nombre de pathologies avec l’âge induit
Abstract: In the elderly, the prevalence of urinary
incontinence increases with age. The causes of this
incontinence are multiple: low autonomy, dementia,
frequency of multiple pathologies, and the use of
medications. Medical assessments must explore agerelated, as well as urinary, disorders. Prompted voiding is
the first line of treatment for urinary incontinence. Surgical
and pharmacological treatments can be pursued if
prompted voiding proves ineffective.
Keywords: Urinary incontinence – Elderly – Multifactor –
Prompted voiding
Introduction
L’incontinence urinaire (IU), définie comme une fuite
involontaire d’urine, est un problème médical, social et
d’hygiène [1,2].
La prévalence de l’incontinence urinaire augmente
avec l’âge. Dans la population globale, elle atteint, après
Correspondance : E-mail : [email protected] ; Tél. : 33 1 49 59 71 33 ; Fax : 33 1 49 59 71 42
238
des difficultés pour pallier les effets du vieillissement
physiologique de l’appareil vésico-sphinctérien.
Il peut s’agir d’un déficit moteur (arthrose, canal
lombaire étroit) d’une maladie neurologique : accident
vasculaire cérébral (AVC), syndrome Parkinsonien,
sclérose en plaques (SEP), d’un déficit des fonctions
cognitives (démence, en particulier maladie d’Alzheimer)
ou d’une maladie générale : diabète, bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO).
Chez le sujet âgé, il existe une haute prévalence (33 %)
d’incontinence secondaire à l’association d’une hyperactivité detrusorienne avec un détrusor hypocontractile
(Resnick et Yalla, 1987). Enfin rappelons une cause
iatrogène spécifique à l’homme : la chirurgie de la prostate.
La sémiologie des troubles urinaires du patient âgé
est souvent complexe. La notion d’urgenturie est presque
constante, alors que la symptomatologie d’incontinence
urinaire d’effort isolée devient rare.
Incontinence transitoire et réversible
Un type particulier d’incontinence de la personne âgée
est l’incontinence transitoire et réversible (IUTR) qui
résulte d’un ensemble de facteurs non directement liés
à l’appareil urinaire.
Les causes d’IUTR ont été répertoriées par Resnick en
1984 [12] et sont résumées par le raccourci mnémotechnique DIAPPERS (diaper signifie couche en anglais) :
Délire, Infections symptomatiques du bas appareil
urinaire, Atrophies vaginales ou urétrales, causes Psychologiques, causes Pharmacologiques, Excès de diurèse,
Restrictions de mobilité, constipation (S-stool).
D- Le délire, ou état confusionnel non permanent, est
responsable d’incontinence. Ce syndrome spécifique de la
personne âgée a été décrit par Blackburn et Dunn en 1990
[13] sous le nom de syndrome vésico-cérébral (cystocerebral
syndrome). Il s’agit d’une rétention d’urine prenant le
masque d’une incontinence permanente accompagnée d’un
syndrome confusionnel sans cause apparente ; cette incontinence et le syndrome confusionnel sont totalement
régressifs après sondage urinaire. Ce syndrome survient
en absence de démence même si une altération permanente
des fonctions supérieures est fréquente.
I- L’infection urinaire basse, fréquente chez la
personne âgée est rarement responsable à elle seule
d’incontinence urinaire. Le plus souvent asymptomatique, l’infection urinaire est souvent découverte lors
d’un examen systématique, ce qui pose le problème du
traitement en particulier en institution.
A- La carence hormonale, si fréquente, est souvent
associée à des manifestations telles que pollakiurie,
urgenturie, mais n’est jamais seule en cause dans
l’incontinence urinaire.
P- Les causes psychologiques, en particulier la
dépression, même si elles ne sont pas souvent individualisées dans la littérature, sont fréquemment en cause
en particulier en institution. L’incontinence et le besoin
d’uriner sont un objet de demande permettant d’obtenir
une présence humaine facile à justifier.
P- La polymédication est souvent incriminée dans la
genèse de l’incontinence urinaire transitoire. Les différentes
classes pharmacologiques incriminées ainsi que leurs
principaux effets secondaires sont donnés dans le tableau I.
E- L’excès de diurèse peut évidemment être lié à une
augmentation des apports (perfusion...), aux diurétiques,
mais aussi à une hyperglycémie ou une hypercalcémie. De
façon paradoxale, la peur de l’hyperthermie en été a induit
un comportement de consommation excessive de boisson
responsable de pollakiurie mais aussi d’hyponatrémie.
R- La restriction de mobilité est une cause évidente
d’incontinence, mais est sous-estimée. Elle est responsable en particulier d’une incontinence alors que jusquelà, l’impériosité mictionnelle était bien compensée par
une autonomie correcte. Ceci est particulièrement vrai en
institution où la crainte de la chute induit l’utilisation
d’entraves à la mobilité non prescrites par le médecin,
telles que les barrières la nuit.
S- La constipation a été impliquée comme cause
d’incontinence chez 10 % des patients âgés non institutionnalisés [14]. C’est une cause certainement
sous-estimée en pratique, ce d’autant que le masque de
la constipation peut être l’incontinence anale.
La prise en charge de ces IUTR repose sur le
diagnostic du mécanisme précipitant et sur la prise en
charge de celui-ci. Cependant l’apparition de cette
incontinence peut révéler l’existence d’un dysfonction-
Tableau I. Principales classes pharmacologiques incriminées dans la genèse d’une IUTR
Anticholinergiques : en dehors des traitements
de la vessie, antispasmodiques, certains antihistaminiques,
antidépresseurs, antiparkinsonniens
Analgésiques, opiacés
Sédatifs
Antihypertenseurs
Diurétiques
Inhibiteurs calciques
IEC
Alphabloquants
Autres (alcool, caféine)
Rétention d’urine, constipation, confusion,
hypotension...
Constipation
Somnolence excessive
Hypotension induisant une diminution de la mobilité
Pollakiurie, impériosité
Constipation, rétention d’urine
Toux
Diminution des résistances urétrales (femme)
Pollakiurie, impériosité
239
nement du bas appareil urinaire, jusque-là compensé,
dont la prise en charge ultérieure sera nécessaire.
Évaluation de l’incontinence urinaire permanente
Les principes de l’évaluation de l’incontinence de la
personne âgée ne sont pas différents de ceux de la
personne jeune. Il faut rechercher les causes de l’incontinence, les troubles associés et essayer d’identifier le type
d’incontinence : incontinence urinaire d’effort, urgenturie, miction par regorgement, incontinence liée à la
dépendance. Il n’y a pas d’unanimité sur l’évaluation de
la prise en charge de l’incontinence de la personne âgée.
Ce qui est certain, c’est que l’évaluation des difficultés
sociales, psychologiques, motrices, et neuro-psychologiques doit être effectuée au même titre que l’évaluation de
la fonction vésico-sphinctérienne.
En préalable à l’évaluation, l’historique des troubles
doit être obtenu soit du patient, soit de son entourage.
L’examen clinique doit être suffisamment complet pour
évaluer les difficultés de déplacement, difficultés de
manipulation et vérifier que l’incontinence n’est pas
secondaire à des troubles moteurs. Des tests tels que le
get up and go permettent d’évaluer l’équilibre et la marche.
L’évaluation comporte les bilans cardiaque, neurologique et nutritionnel habituellement effectués de manière
systématique lors d’une évaluation gériatrique codifiée.
Le bilan des fonctions supérieures est indispensable afin
de rechercher une altération des fonctions supérieure
débutante. Le Mini Mental Status de Folstein (MMSE),
très souvent utilisé, n’est qu’un des éléments de ce bilan.
Au terme de cette évaluation, on peut identifier
plusieurs situations, selon la classification proposé par
Fonda en 1990 [15]. Les extrêmes sont la continence chez
la personne autonome et l’incontinence totale chez la
personne dépendante sur les plans physique et intellectuel. Entre ces extrêmes, Fonda distingue la « continence-dépendance » et la « continence-sociale » :
– la continence-dépendance est obtenue chez la personne dépendante au prix d’aides apportées par
l’entourage ;
– la continence-sociale suppose une prise en charge
médicale correcte et conserve la qualité de vie de la
personne et de son entourage.
Ainsi, les explorations seront poursuivies chez les
patients chez lesquels l’incontinence pose un problème
médical ou de qualité de vie, sans être liée à la dépendance.
Évaluation urodynamique
Le bilan
Les explorations urodynamiques, y compris complexes,
peuvent être réalisées chez les personnes âgées même
fragiles et dépendantes. En effet, la cystomanométrie
au lit du patient [16] a pu être proposé, mais sa faisabilité
et sa fiabilité sont faibles surtout chez le patient âgé
fragile dont les poussées abdominales difficiles à
identifier peuvent fausser l’interprétation des résultats.
L’évaluation urodynamique requiert un catalogue mictionnel, l’évaluation du résidu postmictionnel (rendu non
invasive par les ultrasons) et de la contractilité vésicale.
La recherche d’une infection urinaire doit être
effectuée au moindre doute.
La débitmétrie
La débitmétrie permet de vérifier la capacité de la
personne à déclencher volontairement et facilement une
miction, d’authentifier une dysurie et de rechercher un
résidu postmictionnel. L’impossibilité de déclencher
rapidement une miction et de tenir un catalogue
mictionnel permet de dépister les patients dont la prise
en charge sera difficile.
La cystomanométrie
La cystomanométrie, associée à des tests visant à provoquer
l’incontinence doit être complétée par un instantané
mictionnel (ou étude débit-pression). Elle permet de
rechercher un trouble du besoin d’uriner (besoin retardé
et séquence des besoins non respectés), une hyperactivité
du détrusor, une hypocontractilité vésicale (contraction
vésicale insuffisante pour assurer une vidange vésicale
correcte en absence d’obstacle). L’association hyperactivité
détrusorienne-hypocontractilité vésicale est assez spécifique de la personne âgée et explique une bonne partie des
difficultés de prise en charge [11].
Profilométrie urétrale
La mesure de la pression urétrale n’est utile que chez la
femme. La tendance actuelle est d’effectuer les mesures
de la pression urétrale vessie non vide (vessie remplie à
150 ou 200 ml) et au cours d’une poussée abdominale, de
manière à étudier la fonction intrinsèque du sphincter
urétral (Valsalva Leak Point Pressure, VLPP). La mesure
de la pression urétrale au cours d’effort de toux n’est
cependant pas abandonnée. Les pressions urétrales
basses et un VLPP positif pour une augmentation de
pression inférieur à 60 cm H2O seraient prédictifs des
mauvais résultats de la prise en charge.
Indication du bilan urodynamique
Chez l’homme, un bilan urodynamique complet se
justifie lorsqu’existe un résidu postmictionnel important.
En effet, une telle exploration permettra de différentier
une rétention liée à un obstacle prostatique et à une
hypocontractilité vésicale.
Chez la femme, cette exploration est nécessaire
lorsqu’une cure chirurgicale de l’incontinence est envisagée.
240
La mise en place et le suivi d’un traitement
médicamenteux ne nécessitent que l’évaluation du résidu
postmictionnel.
L’endoscopie ou les examens radiologiques ne seront
réalisés que lorsque la nature des troubles ou l’inefficacité d’un traitement l’imposera.
Les spécificités de la prise en charge
de l’IU chez la personne âgée
La rééducation
Elle fait partie des traitements utilisés de façon fréquente
dans la prise en charge de l’incontinence urinaire de la
personne âgée, bien que peu d’études spécifiques lui
soient consacrées. La prise en charge comporte la prise en
charge classique (renforcement musculaire, biofeed-back,
électrostimulations), les thérapies comportementales.
La rééducation classique nécessite parfois l’instauration préalable d’un traitement hormonal local. Chez la
femme, en cas d’atrophie vaginale importante, la voie
rectale peu être utilisée. La durée de la prise en charge est
plus longue que chez la personne plus jeune. Une période
de consolidation des résultats est le plus souvent
nécessaire, de même que des séances de réinduction.
La rééducation classique a cependant ses limites ; en
effet, le biofeed-back nécessite la coopération du patient
et les stimulations électriques requièrent une perception
de leur intensité. Les techniques de biofeed-back sont
plus décrites que les techniques de stimulation. L’étude
de Burns en 1993 [17] indique une amélioration des
symptômes chez 61 % des patients.
La rééducation comportementale repose sur les
mictions programmées (horaires imposés ou en fonction des épisodes d’incontinence). Elle peut être
associée à d’autres types de prises en charge rééducative
ou médicamenteuse [18]. Isolée, elle est efficace, y
compris pour les patients présentant une détérioration
intellectuelle. Les techniques comportementales induisent en institution une surcharge de travail importante
pour le personnel, ce qui explique leur fréquent
abandon. Il semble que le bénéfice de la prise en charge
ne soit durable que chez les patients non dépendants.
Les thérapies comportementales, très utilisées il y a
quelques années, sont actuellement moins utilisées en
institution.
L’intérêt majeur de la rééducation est qu’elle n’est pas
iatrogénique.
Les médicaments
Un certain nombre de médicaments de l’incontinence
sont impliqués dans la survenue de l’IUTR, d’où une
certaine réserve à leur emploi. De plus, peu d’études
spécifiques de leur efficacité chez la personne âgée ont
été réalisées.
Les traitements hormonaux ont une efficacité sur les
troubles fonctionnels urinaires ; pollakiurie, impériosité,
parfois nycturie, en agissant plus sur la qualité du
sommeil que sur les troubles urinaires. Ils sont par
contre utiles dans la préparation de la trophicité vaginale
et urétrale avant la chirurgie et la rééducation.
Les alphabloquants sont utilisés dans le traitement
des troubles secondaires à l’adénome de prostate, mais
aucune étude n’a été réalisée chez la personne très âgée.
Les anticholinergiques sont utilisés dans l’hyperactivité du détrusor. Ils ont beaucoup d’effets secondaires.
Leur utilisation chez la personne âgée nécessite des
précautions : introduction à dose très progressive, surveillance de l’absence d’apparition d’un résidu postmictionnel, plus fréquent que chez le sujet jeune. La
tolérance est souvent moins bonne que chez le sujet plus
jeune : sécheresse de bouche et constipation sont déjà des
plaintes fréquentes des sujets âgés. Cependant tous les
anticholinergiques ne sont pas équivalents sur le risque
de confusion mentale et de troubles de mémoire. Les
« nouveaux » anticholinergiques, toltérodine et trospium
chloride, non lipophiles, semblent mieux tolérés que les
anciens, oxybutinine. Il semble que les anticholinergiques
non lipophiles ne seraient pas contre-indiqués en cas de
détérioration intellectuelle débutante chez des patients
présentant une hyperactivité du détrusor. Les évaluations
plus précises restent cependant à faire [19,20].
L’utilisation de la desmopressine dans la nycturie du
sujet de plus de 65 ans n’a pas d’autorisation de la Haute
Autorité de Santé en France.
Les traitements chirurgicaux
La chirurgie de l’incontinence urinaire d’effort de la
femme a été modifiée ces dernières années par l’utilisation de bandelettes sous-urétrales (TVT, TOT). Cellesci, d’utilisation plus simple, ont été utilisées de manière
large. Les études spécifiques chez la personne âgée sont
peu nombreuses. Elles montrent une bonne efficacité
chez la personne âgée avec une satisfaction des patients
équivalente à celle des personnes plus jeunes. Cependant
la prévalence de la rétention d’urine et de l’urgenturie de
novo est plus importante que chez la femme plus jeune
[21-23]. Leur indication doit rester précise : incontinence
urinaire d’effort isolée d’origine urétrale, corrigée à
l’examen clinique par la manœuvre de Ulmsten.
Conclusion
La prise en charge de l’IU de la personne âgée nécessite
une double approche : une approche gériatrique des
facteurs de risques spécifiques de la personne âgée, et
une approche spécifique de l’incontinence. Cette prise
en charge implique une multidisciplinarité. À l’heure
actuelle, les procédures permettant l’approche globale de
241
l’incontinence urinaire de la personne âgée restent
malheureusement mal codifiées.
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© Springer 2006
DOI 10.1007/s11608-006-0049-1
MISE AU POINT / UPDATE
Fatigue urétrale et pelvienne
X. Deffieux 1,
2, 3
, P. Raibaut 1 , K. Hubeaux 1, 2 , S. Sheikh Ismael 1 , P. Thoumie 2 , G. Amarenco 1,
2
1
Service de Rééducation neurologique, Laboratoire d’Urodynamique et d’Explorations neurophysiologiques du périnée,
Hôpital Rothschild, AP-HP, Paris, F-75012 France
2
Inserm, U731, Paris, F-75013 France ; Univ PMC, Paris, F-75005 France
3
Service de Gynécologie obstétrique, Hôpital Antoine-Béclère, AP-HP, Clamart, F-92140 France
Résumé : Objectif : La physiopathologie de l’incontinence
urinaire à l’effort est complexe et le rôle respectif des
mécanismes actifs et passifs impliqués demeure incertain.
La toux entraı̂ne une contraction du sphincter urétral et des
muscles péri-urétraux du plancher pelvien. Tous les muscles
striés, y compris le rhabdomyosphincter urétral et les
muscles péri-urétraux, peuvent être concernés par un
phénomène de fatigue neuromusculaire à l’effort. Cet article
fait une revue des études ayant exploré la fatigue périnéale.
Matériel et méthode : Revue systématique de la littérature
à partir des bases de données Medline, Pascal et Embase en
utilisant les mots clés : urètre, fatigue, incontinence urinaire,
effort, plancher pelvien, pression urétrale, muscle, fatigue
urétrale.
Résultats : Bien que le sphincter strié urétral soit riche en
fibres musculaires lentes, il semblerait que des efforts de toux
répétés entraı̂nent une diminution importante de la pression
urétrale (appelée « fatigue urétrale ») chez certaines patientes présentant une incontinence urinaire à l’effort.
Des modèles animaux ont bien montré que les muscles
pelviens présentaient une fatigabilité neuromusculaire plus
rapide et plus importante que les muscles squelettiques des
membres. Toutefois, les études réalisées chez l’homme
n’ont pas encore permis de démontrer qu’il existait un excès
de fatigabilité des muscles du plancher pelvien des femmes
présentant une incontinence urinaire à l’effort. Cet article
discute les méthodologies employées dans ces études.
Conclusion : Une fatigabilité pathologique du sphincter urétral et/ou des muscles du plancher pelvien
pourrait jouer un rôle dans la physiopathologie de
l’incontinence urinaire à l’effort.
Mots clés : Fatigue – Incontinence urinaire – Effort –
Plancher pelvien – Urètre – Pression urétrale – Muscle
Urethral and pelvic fatigue
Abstract: Aim : The physiology of urinary continence
during stress is complex and the respective role of passive
and active mechanisms remain unclear. Coughing leads to a
contraction of urethral rhabdomyosphincter and pelvic
floor muscles. All striated muscles, including rhabdomyosphincter, peri-urethral and pelvic floor muscles can be
concerned by neuromuscular fatigue. This article reviews
the studies which have assessed perineal muscular fatigue.
Materials and methods : A systematic review of the
literature (Medline, Pascal and Embase) using the MESH
keywords: urethra, fatigue, stress, urinary Incontinence,
pelvic floor, urethral pressure, muscle, urethral fatigue.
Results : Although the human external urethral
sphincter is considered to be a highly fatigue-resistant
muscle with a very high proportion of slow muscle fibers,
repeated cough efforts seems to lead to a decrease in
urethral pressure (called « urethral fatigue ») in numerous women affected with stress urinary incontinence.
Animal models have showed that the pelvic muscles
exhibit more neuromuscular fatigue than classical
skeletal striated muscles. However, studies performed
on human subjects have not succeed in demonstrate a
fatigue on perivaginal muscles of women presenting
stress urinary incontinence. The present article discusses
the methods used in these studies.
Conclusions : An increased urethral striated sphincter
and/or pelvic floor muscles fatigue may play a role in the
pathophysiology of stress urinary incontinence.
Keywords: Fatigue – Stress – Urinary incontinence –
Pelvic floor – Urethra – Urethral pressure – Muscle
Introduction
La physiologie de la continence urinaire lors de l’effort
(IUE) est complexe et les rôles respectifs des mécanismes
actifs et passifs mis en jeu demeurent mal connus. La
toux provoque une contraction du sphincter strié urétral
(rhabdomyosphincter) et des muscles du plancher
pelvien. Cette contraction de la musculature striée
pelvi-périnéale est un des facteurs majeurs assurant la
Correspondance : Email : [email protected] ; Tél. : (33) 1 40 19 36 41 ; Fax : (33) 1 40 19 36 60
243
Fatigue urétrale
En 1993, notre équipe rapportait l’observation d’une diminution de la pression urétrale après des efforts de toux répétés
chez des femmes présentant une incontinence urinaire à
l’effort [3]. Cette diminution de la pression urétrale après des
efforts répétés est suivie par une phase de récupération
progressive avec ré-augmentation de la pression urétrale (Fig.
1). L’ensemble du phénomène observé (succession diminution/récupération) est assez évocateur d’une fatigue musculaire. Une diminution moyenne de pression de 40 %
(extrêmes de 24,5 % à 90 %) avait été retrouvée chez 10
femmes parmi 18 présentant une incontinence urinaire à
l’effort. Même si ces données devront être confirmées grâce à
des études incluant un groupe contrôle, l’analyse spectrale du
Fatigue urétrale
80
Pression Urétrale (cmH2O)
continence urinaire à l’effort en permettant une augmentation de la pression intra-urétrale, ce qui assure au
cours de l’effort un gradient de pression positif entre
l’urètre et la vessie [1].
Le sphincter strié externe de l’urètre urétral est composé
de fibres musculaires rapides et lentes comme tous les
muscles à commande volontaire. Bien que le sphincter
urétral soit considéré comme un muscle résistant à la fatigue,
avec une grande proportion de fibres musculaires lentes [2],
beaucoup de femmes présentent des fuites urinaires
uniquement après des efforts répétés. Ceci pourrait être
expliqué par une fatigabilité « pathologique » du sphincter
urétral et/ou des muscles péri-urétraux (bulbo-caverneux et
pubo-coccygiens) chez ces femmes ayant une IUE. En 1993,
notre équipe avait rapporté l’observation d’une baisse des
pressions urétrales après des efforts de toux répétés chez
certaines femmes présentant une incontinence urinaire à
l’effort [3]. Ce phénomène est en faveur de l’existence d’une
fatigabilité musculaire périnéale pathologique chez certaines
patientes, même si son existence reste à démontrer de façon
formelle. En effet, son étude est rendue difficile par le
caractère hétérogène des muscles du plancher pelvien, par
leur anatomie, leurs propriétés biomécaniques et leur
métabolisme cellulaire. Si beaucoup d’auteurs sont d’accord
sur l’hypothèse d’une fatigabilité périnéale chez certaines
femmes incontinentes à l’effort, très peu d’études ont
réellement étudié cette fatigue et la plupart des résultats
sont décevants ou difficilement interprétables. Cet article a
pour objet de faire une revue de la littérature concernant la
fatigabilité de la musculature pelvi-périnéale. Dans cet
article, nous distinguerons fatigabilité des muscles pelvipérinéaux, qui, en théorie, pourrait concerner les muscles du
plancher pelvien dans leur globalité, et fatigabilité « urétrale » qui concernerait plus spécifiquement la musculature
péri-urétrale (sphincter urétral et muscles para-urétraux).
Cette distinction est rendue nécessaire par la différence des
moyens d’exploration qui peuvent être mis en œuvre pour les
étudier. Bien entendu, cette distinction est schématique car il
est probable que les deux phénomènes soient associés ou
interdépendants.
70
P0
P0
P0
7 toux
P3
60
P2
50
40
P1
30
20
10
0
Fig. 1
tracé électromyographique du sphincter strié urétral à l’état
de base, puis après les efforts de toux, confirmait l’intervention de la musculature striée et péri-urétrale. Après des
efforts de toux répétés, la diminution quantitative importante
de l’activité électrique sphinctérienne confortait l’hypothèse
d’une fatigabilité musculaire pathologique chez ces femmes
ayant une incontinence urinaire à l’effort. D’autres facteurs
peuvent toutefois être impliqués, comme, par exemple, des
phénomènes vasculaires, une intervention du système
nerveux autonome ou des modifications des propriétés
visco-élastiques des tissus péri-urétraux. En tout état de
cause, si la diminution de pression urétrale observée après des
efforts de toux répétés est bien un phénomène lié à une fatigue
musculaire, le pourcentage de diminution de la pression
urétrale ne devrait pas excéder le pourcentage de la
participation de la musculature péri-urétrale à la pression
urétrale globale. Des études sont actuellement en cours pour
tenter d’une part de déterminer si cette « fatigue urétrale » est
un phénomène stable dans le temps et dont la mesure est
reproductible et, d’autre part, si des efforts plus prononcés
pourraient encore accroı̂tre cette fatigabilité.
La fatigue neuro-musculaire : définition
et exploration
Définition
Le muscle est un transformateur d’énergie, convertissant
une énergie chimique en énergies mécanique et thermique.
La réponse biomécanique d’un muscle stimulé de façon
répétée évolue en fonction de la fréquence et de la durée de
la stimulation. La fatigue neuromusculaire peut être définie
par une diminution de la performance au cours de l’effort
[4-6]. Par exemple, lors d’une contraction volontaire
maximale, la force produite va progressivement diminuer
[7-8]. Cette diminution de la performance est observée dès
le début de la contraction maximale volontaire (Fig. 2). Ceci
est un peu différent de ce que l’on observe pour des
contractions submaximales répétées, où la fatigue n’est
observée qu’après un certain temps de latence pendant
lequel la performance peut être maintenue. Dans tous les
cas, après une phase de fatigue, la performance peut être
restaurée après une période de repos adéquate. La fatigue
244
Fig. 2
est sous-tendue par des anomalies métaboliques : production de lactates, élévation du pH intracellulaire, modification du glycogène et des molécules phosphorylées. Il a été
montré que la fatigue était fonction de la répartition entre
les différents types de fibres. L’endurance d’un muscle est
d’autant plus grande que ce muscle est riche en fibres
« lentes » (de type I). Plusieurs processus participent à la
survenue de la fatigue : le processus de commande
volontaire (fatigue centrale ressentie ou subjective, avec
sensation de faiblesse et d’effort accru pour maintenir la
performance), le processus d’excitation (potentiel d’action
avec couplage de l’excitation à l’activation du système
contractile de la fibre musculaire), et enfin le processus de la
réponse contractile caractérisé par des cycles de contraction
et de relaxation. La fatigue « centrale » correspond à toute
diminution de la force maximale volontaire survenant au
cours d’un exercice, et non accompagnée d ’une diminution
de la force maximale stimulable [9].
La fatigue musculaire se manifeste par des modifications mécaniques, énergétiques et électromyographiques.
Sur le plan mécanique, il y a une diminution de la force
musculaire maximale, que celle-ci soit le fruit d’une
contraction volontaire, provoquée ou réflexe, mais
variable selon les muscles. Une contraction tétanique
prolongée (contraction provoquée par une stimulation
électrique à haute fréquence) entraı̂ne une fatigue à court
terme, associée à une récupération rapide de la force, et
une série de contractions tétaniques de courte durée
provoque une fatigue à long terme.
Cette définition de la fatigue musculaire la différencie de
phénomènes tels que l’épuisement et la faiblesse musculaire.
L’épuisement (« exhaustion » dans la littérature anglosaxonne) est défini par l’incapacité à maintenir un niveau
de force déterminé lors d’un exercice de contraction
musculaire. Il n’y a pas de corrélation stricte entre la vraie
« fatigue » et le temps d’apparition de l’épuisement (car
celui-ci dépend uniquement du niveau de force requis qui
est fixé par l’examinateur). La faiblesse musculaire (« weakness » dans la littérature anglo-saxonne) est, elle, définie par
une diminution permanente de la force maximale, indépendamment d’un exercice physique [9].
La fatigue musculaire s’exprime aussi par des modifications énergétiques : au cours du processus de la réponse
contractile, les substances énergétiques intracellulaires sont
transformées par les protéines contractiles. La décroissance
de la tension mécanique du muscle au cours de la fatigue est
liée à une diminution des ponts actine-myosine par
diminution des réserves en ATP, en phosphocréatine et en
calcium. Cette diminution du calcium disponible pourrait
s’observer en cas de pH acide par accumulation d’acide
lactique. En cas de fatigue, le nombre de ponts d’actinemyosine étant moins important, la force développée est plus
faible. En conséquence, le processus de réponse contractile
est lié à la respiration cellulaire musculaire dépendant pour
partie du système cardio-respiratoire. Au cours de certains
efforts pendant lesquels la force développée est intense, se
produit une ischémie musculaire partielle ou complète, en
partie liée à l’augmentation de pression intramusculaire.
De nombreux facteurs peuvent influencer la fatigue,
et en particulier l’âge et le statut nutritionnel du sujet, la
température d’exercice du muscle, la fréquence de
stimulation en cas d’électrostimulation [10] et, bien
entendu, l’existence d’une pathologie neuromusculaire
(myopathie ou neuropathie) [9].
Exploration de la fatigue neuromusculaire
L’exploration de la fatigue peut s’effectuer à partir des
phénomènes mécaniques, énergétiques et/ou électromyographiques mis en jeu ou observés. Le principal
moyen d’investigation est représenté par la mesure de la
force développée. On peut aussi explorer le niveau
énergétique, soit directement dans le système musculaire
concerné, soit indirectement par la consommation en
oxygène nécessaire à la production de l’effort. Enfin sur
le plan électromyographique, on analysera les signaux
correspondant aux mécanismes de recrutement des
motoneurones et de conduction dans la fibre musculaire.
Exploration directe de la fatigue
C’est cette exploration directe qui est recommandée pour
étudier la fatigue neuromusculaire [9]. L’idéal est de
mesurer la force maximale développée lors d’une contraction maximale volontaire prolongée. Sinon, il est possible de
mesurer la force maximale développée lors d’une stimulation électrique tétanique. Il s’agit là d’une stimulation
nerveuse ou musculaire par un « tétanos », qui est une
stimulation électrique à haute fréquence (50-100 Hz)
appliquée pendant 5 secondes.
La troisième méthode de mesure directe de la fatigue
passe par la mesure de l’évolution au cours du temps de la
puissance maximale développée lors d’un exercice maximal
bref, par exemple lors d’une exercice de pédalage durant
25 secondes, la puissance (W) étant calculée par le produit
de la force et du déplacement.
Exploration électromyographique de la fatigue musculaire
L’électromyographie (EMG) permet d’enregistrer l’activité
musculaire au cours de l’effort. L’enregistrement par des
électrodes autocollantes de surface est préférable car celles-ci
245
se mobilisent moins facilement que les électrodes aiguilles et
elles permettent un enregistrement plus global du muscle
étudié [11]. Il n’est pas possible d’étudier directement la
fatigue par un simple enregistrement quantitatif de l’activité
globale de surface. En effet, selon les conditions d’expérience,
on pourra observer soit un enrichissement (accroissement de
l’activité EMG pour maintenir un niveau de force constant
par augmentation du recrutement [12]), soit une diminution
de l’activité électromyographique lors d’une contraction
maximale isométrique [13].
E´tude de la fatigue musculaire par l’analyse
des spectres de puissance
L’analyse électromyographique de la fatigue impose en fait des
périodes de temps relativement longues pour être établie. Il est
procédé à une intégration des potentiels (EMG intégrée) puis à
une analyse mathématique des fréquences (intégration par
méthode des transformés de Fourier) au cours du temps et en
fonction de l’effort : c’est l’analyse du spectre de puissance
électrique qui se présente sous forme d’une courbe. L’analyse
spectrale est une méthode utilisée en physique pour
déterminer les caractéristiques d’un phénomène observé.
L’intensité du phénomène en fonction du temps constitue un
signal et ce signal est traité par les mathématiques afin d’en
extraire des caractéristiques qui donnent des informations sur
le phénomène étudié. Concernant l’activité musculaire, l’étude
des fréquences de l’EMG est intéressante car ces fréquences se
modifient au cours de la fatigue musculaire [14-15]. L’analyse
du spectre de puissance permet de chiffrer quantitativement
les efforts de contraction volontaire des différents muscles et
d’analyser ainsi leur fatigabilité. Cette méthode est fondée sur
le principe des transformés de Fourier, avec analyse de la
répartition des différentes fréquences du signal EMG au cours
d’une contraction volontaire. Un tel calcul mathématique
permet l’analyse des courbes d’atténuation des fréquences.
Une fatigabilité s’exprimera par une chute rapide des
fréquences élevées et une augmentation des fréquences basses
[16]. La courbe du spectre se « déplace » vers les fréquences
basses. Deux paramètres peuvent être ainsi évalués au cours de
l’effort sur chacune des courbes : la fréquence médiane,
séparant la courbe des fréquences en deux parties égales, et
la fréquence moyenne. En répétant la mesure au cours de
l’effort, par intervalles de temps réguliers, il est possible de
préciser la décroissance progressive de la fréquence médiane
ou moyenne à chaque intervalle et de préciser la pente de la
décroissance. Ensuite, il est possible d’apprécier le délai de
récupération de la fréquence médiane après le repos. La force
développée au cours de l’exercice de fatigue doit être précisée
en pourcentage de la force de contraction maximale. En effet,
celui-ci conditionne la fatigue : le pourcentage auquel est
effectué l’effort s’accompagne d’une augmentation des
pressions intramusculaires. Dès un effort supérieur à 50 %
de la force maximale de contraction, la pression intramusculaire augmente suffisamment pour induire une interruption de
la vascularisation musculaire.
Fatigue neuro-musculaire des muscles
du plancher pelvien
Peu d’auteurs se sont focalisés sur l’étude de la fatigue des
muscles périnéaux et du plancher pelvien. Vereecken
et al. avaient, en 1975, étudié l’effet d’une contraction
musculaire périnéale, en enregistrant conjointement les
pressions urétrale et anale, ainsi que l’activité électromyographique des sphincters anal et urétral [17]. Ils
avaient conclu que ces 2 sphincters striés se fatiguaient
très rapidement (en moins d’une minute). De nombreux
points méthodologiques de cette étude nécessiteraient des
précisions, en particulier le nombre et le profil clinique
(symptomatologie urinaire, âge...) des sujets explorés. De
plus, il ne semble pas y avoir eu d’étude de la répétabilité
des enregistrements.
En 1999, Gunnarson et al. rapportaient une étude sur 317
femmes dont 173 volontaires, dans laquelle ils avaient
enregistré l’activité électromyographique des muscles périnéaux grâce à une sonde vaginale munie d’électrodes
longitudinales [18]. La méthodologie de cette étude n’autorise
pas une vraie estimation de la fatigue périnéale, mais elle
apporte quelques éléments quantitatifs de la capacité
contractile des muscles périnéaux chez les femmes continentes et incontinentes. En position « de la taille vésicale »
(position gynécologique), les sujets devaient réaliser de
brèves contractions maximales autour de la sonde vaginale.
Leur objectif était d’étudier s’il existait des modifications
neuromusculaires typiques apparaissant après l’accouchement. Par ailleurs, ils souhaitaient établir d’éventuelles
corrélations entre ces modifications neuromusculaires et le
profil clinique des femmes (incontinence urinaire à l’effort,
incontinence urinaire sur urgenturies, incontinence urinaire
mixte, asymptomatique). Cette étude a montré que l’accouchement n’entraı̂nait pas systématiquement d’altérations
neuromusculaires : l’activité électromyographique maximale
(EMGmax) lors d’une contraction volontaire maximale chez
une multipare continente était équivalente à celle d’une
femme jeune n’ayant jamais accouché [18]. Par ailleurs, dans
cette étude, l’EMGmax des femmes symptomatiques (incontinence) était altérée quel que soit le type de symptomatologie (IUE, incontinence urinaire sur urgences mictionnelles
ou incontinence urinaire mixte), et sans différence significative entre ces différents groupes cliniques. Les auteurs ont
conclu que l’incontinence urinaire (quel que soit son type
clinique) correspondait à une altération des fonctions
neuromusculaires périnéales et périvaginales [18]. Toutefois,
ils tempéraient un peu leurs résultats en reconnaissant ne pas
pouvoir déterminer avec exactitude quels groupes musculaires avaient réellement été enregistrés. Par ailleurs, il paraı̂t
un peu réducteur d’étudier le fonctionnement neuromusculaire périnéal uniquement sous l’angle de la simple valeur de
l’EMGmax.
En 2001, Peschers et Vodusek ont tenté d’étudier
indirectement la fatigue périnéale chez 10 femmes nullipares
246
volontaires. Ils ont pour cela étudié la mobilité du col vésical
avant et après des épreuves « fatigantes » en faisant
l’hypothèse que la fatigue des muscles du périnée pourrait
se traduire par une augmentation de la mobilité du col
vésical. Cette mobilité du col vésical était étudiée grâce à une
échographie périnéale (sonde curvi-linéaire de 3,5 MHz).
Quelle que soit l’épreuve fatigante testée (15 contractions
courtes du plancher musculaire pelvien, 1 contraction
maximale prolongée du plancher musculaire pelvien, 10
toux fortes), ils n’ont pas pu mettre en évidence de
modification de la mobilité cervico-urétrale [19]. Toutefois,
ceci ne remet pas en question l’existence d’une fatigabilité
périnéale, et ce pour plusieurs raisons : d’une part, il ne s’agit
pas à proprement parler d’une étude de fatigabilité
musculaire puisque l’expérience portait sur une mobilité
anatomique ; et d’autre part, les épreuves fatigantes demandées ne le sont peut-être pas assez pour démasquer un défaut
de soutien périnéal. Enfin, cette étude veut à tout prix relier
deux mécanismes physiopathologiques qui sont peut-être
complètement indépendants : d’une part la fatigabilité des
muscles périnéaux et d’autre part l’hypermobilité cervicourétrale. Certes, cette dernière est probablement un des
facteurs de l’incontinence urinaire féminine. Toutefois
certains auteurs ont rapporté que l’existence d’une hypermobilité cervico-urétrale ne permettait pas de prédire
l’existence d’une incontinence urinaire à l’effort [20]. En
effet, l’incidence de l’hypermobilité cervico-urétrale serait
identique chez les femmes ayant une incontinence urinaire à
l’effort et chez celles ayant d’autres dysfonctionnements
urinaires, ce qui confirme les données de Bergman et al. qui
avaient observé une hypermobilité cervico-urétrale chez la
moitié des femmes continentes et une mobilité cervicourétrale normale chez 10 à 40 % des femmes présentant une
incontinence urinaire à l’effort [21]. Enfin, on sait que
l’existence d’une hypermobilité cervico-urétrale n’aggrave
pas la symptomatologie des patientes ayant une insuffisance
sphinctérienne, que ce soit sur le plan de la sévérité de
l’incontinence ou de la fréquence des épisodes de fuites [20].
L’étude la plus rigoureuse sur le plan de l’exploration
directe de la fatigue musculaire périnéale a été réalisée chez
l’animal. En 2002, Poortmans et Wyndaele rapportent une
expérience d’électrostimulation ex vivo sur des muscles
périnéaux (iliococcygien et pubococcygien) prélevés chez le
rat [22]. Ces auteurs ont étudié la fatigue de ces muscles en la
comparant à celle présentée par un muscle squelettique
classique, le muscle soléaire, lui aussi électrostimulé ex vivo
après prélèvement. Ils ont mis en évidence que les muscles
périnéaux étudiés (iliococcygien et pubococcygien) avaient
une fatigabilité supérieure à celle du muscle soléaire. De plus,
ils ont mis en évidence que plus la période de repos entre 2
stimulations était importante, moins la fatigabilité musculaire
était marquée. Enfin, même en optimisant les protocoles
d’électrostimulation (longues périodes de repos), les muscles
périnéaux se fatiguaient toujours plus que le soléaire. Les
auteurs expliquent cette différence de fatigabilité par la
différence de proportion entre fibres musculaires rapides et
lentes dans les différents muscles striés : les fibres musculaires de type rapide (type II) sont en effet prépondérantes dans
les muscles périnéaux, leur conférant ainsi une fatigabilité
supérieure. Ces résultats concernant l’influence des modalités
de l’électrostimulation sur la fatigue des muscles périnéaux
sont, bien entendu, importants pour déterminer quelles sont
les modalités pratiques d’électrostimulation à conseiller aux
femmes présentant une incontinence urinaire à l’effort.
Toutefois, les extrapolations d’une étude expérimentale
animale à la clinique humaine restent en partie hypothétiques.
Des études similaires n’étant pas réalisables chez l’homme, il
est donc important de développer de nouveaux modèles
d’étude des mécanismes neuromusculaires pelvi-périnéaux.
Plus récemment, Verelst et Leivseth ont étudié la
fatigabilité des muscles péri-vaginaux grâce à une sonde
vaginale de 40 mm de diamètre, équipée de lamelles
métalliques. Lors des contractions pelviennes, ces lamelles
se déforment, engendrant une différence de potentiel qui est
enregistrée, puis convertie en force exprimée en Newton
[23]. Cette expérience a porté sur 20 femmes incontinentes à
l’effort et sur 26 femmes continentes (témoins). Dans cette
étude, les auteurs ont défini la fatigue comme étant le temps
pour parvenir à un épuisement musculaire : temps pour que
la force produite diminue de 90 % par rapport à la force
maximale initiale (en début de contraction volontaire
maximale). Ils n’ont pas observé de différence significative
entre les 2 groupes. Cette étude est toutefois critiquable sur
plusieurs points :
– le groupe « contrôle » est constitué de femmes certes
continentes, mais ayant déjà accouché et pouvant donc
présenter divers troubles de la statique pelvi-périnéale, et ne
constituant en tout cas pas un réel groupe témoin sur le plan
neuromusculaire ;
– la sonde employée a un diamètre très important, ce
qui peut modifier le comportement des muscles
releveurs ;
– les épreuves de contraction demandées pour cette
étude ne sont peut être pas suffisantes pour démasquer
une différence de fatigabilité entre ces 2 groupes de
femmes étudiés. Aussi, cette seule étude ne permet pas de
remettre en cause la possibilité de l’implication d’une
fatigabilité musculaire pelvi-périnéale pathologique dans
l’incontinence urinaire à l’effort.
Implications thérapeutiques
La mise en évidence d’une fatigabilité urétrale et/ou
périnéale pathologique chez certaines femmes incontinentes à l’effort ouvrirait de nombreuses perspectives,
tant sur les plans physiopathologique que thérapeutique.
En effet, il est établi que les modalités de paramétrage de
l’électrostimulation peuvent aggraver une fatigabilité
musculaire [22]. De plus, l’emploi de molécules améliorant le métabolisme énergétique et l’endurance, et
diminuant le processus électrophysiologique de la fatigue
pourrait également être indiqué dans de tels programmes.
247
L’étude des mécanismes neuromusculaires impliqués
dans la continence à l’effort, et plus particulièrement la
fatigue périnéale, paraı̂t donc essentielle pour adapter
l’ensemble des stratégies thérapeutiques non chirurgicales pour les femmes ayant une IUE.
Conclusion
Bien que peu d’études se soient intéressées à cette question, de
nombreux arguments évoquent la possibilité qu’une fatigabilité pathologique urétrale et/ou périnéale puisse être un
facteur d’incontinence urinaire à l’effort. Il paraı̂t important
de développer de nouveaux modèles d’étude de cette
fatigabilité, mais aussi d’explorer plus avant d’autres anomalies du fonctionnement neuromusculaire pelvi-périnéal.
Références
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© Springer 2006
DOI 10.1007/s11608-006-0083-z
CAS CLINIQUE / CASE REPORT
Paraplégies spastiques héréditaires et troubles vésico-sphinctériens
J. Seror 1 , L. Rouache 1 , R. Caremel 1 , A.-M. Leroi 2 , P. Grise 1
1
2
Service d’urologie, CHU Charles-Nicolle, 1, rue de Germont, F-76031 Rouen, France
Service de physiologie digestive, CHU Charles-Nicolle, 1, rue de Germont, F-76031 Rouen, France
Résumé : Les troubles vésicosphinctériens dans la paraplégie spastique héréditaire sont fréquents. Nous rapportons trois cas permettant de discuter de prise en
charge récente de l’hyperactivité vésicale par anticholinergiques, électromodulation des racines sacrées et
injections de toxine botulique et de la dyssynergie
vésicosphinctérienne.
Mots clés : Paraplégie spastique héréditaire – Vessie
neurologique – Anticholinergiques
Vesico-sphincteric disorders in hereditary
spastic paraplegia
Abstract: Bladder sphincter disorders in hereditary
spastic paraplegia occur frequently. Here, we report
three cases involving the treatment of neurogenic
bladder overactivity with anticholinergics, sacral neuromodulation and botulinum toxin injections. We also
discuss detrusor sphincter dyssynergia.
Keywords: Hereditary spastic paraplegia – Neurogenic
bladder – Anticholinergics
Introduction
Les paraplégies spastiques héréditaires (PSH), anciennement désignées par le terme de maladie de StrümpellLorrain, sont un groupe d’affections génétiques hétérogènes de transmission variable, autosomique dominant
ou récessif, ou liée à l’X. Elles sont caractérisées par une
spasticité marquée des membres inférieurs, responsable
de troubles de la marche d’aggravation progressive,
accompagnée d’une paraparésie modérée et d’un syndrome pyramidal réflexe des quatre membres. S’y
associent volontiers des pieds creux, une atteinte modérée
des cordons postérieurs, une aréflexie ostéotendineuse en
distalité et des troubles vésicosphinctériens. Ces troubles
vésicosphinctériens (TVS) et, en particulier, urinaires
sont trop souvent occultés par le malade et négligés par le
Correspondance : E-mail : [email protected]
médecin. L’amélioration du confort de vie de ces patients
passe par la prise en charge optimale de ces troubles.
Nous rapportons la prise en charge de trois patients
atteints de PSF présentant des TVS.
Observations
La première observation est celle d’un homme de 67 ans
atteint d’une PSH diagnostiquée il y a douze ans. Il se
plaint de troubles spastiques de la marche d’aggravation
progressive avec un fauchage et nécessitant l’utilisation
de deux cannes. Son périmètre de marche est de
100 mètres. Il décrit par ailleurs des TVS pour lesquels
il est suivi depuis neuf ans et une constipation traitée par
régulateurs du transit. Les troubles urinaires associent
une dysurie d’aggravation progressive avec un résidu
postmictionnel nécessitant deux autosondages par jour,
des urgenturies avec un délai de continence de deux
minutes entraı̂nant de petites fuites et nécessitant
l’utilisation de deux garnitures par jour et une pollakiurie diurne et nocturne occasionnant deux réveils par
nuit. Un traitement par pompe à Baclofen® en intrathécal
se solde par un échec et le malade est mis sous traitement
par alphabloquants et myorelaxants sans amélioration de
la symptomatologie. La prostate est légèrement augmentée de volume, mais souple. Le haut appareil n’est pas
dilaté à l’échographie. Le bilan urodynamique (BUD)
révèle des contractions vésicales désinhibées d’une
amplitude de 20 cm d’eau dès 38 ml de remplissage
associées à une dyssynergie vésicosphinctérienne (DVS)
objectivée par l’étude des pressions vésicales et l’électromyogramme du sphincter strié de l’urètre et un résidu
postmictionnel à 100 ml. Dans un premier temps, des
autosondages sont réalisés. Une urétroscopie, réalisée
dans un second temps, visualise deux lobes latéraux
obstructifs. Une résection endoscopique de l’obstacle
prostatique est alors réalisée. La régression de la dysurie
n’est que partielle avec persistance des impériosités et
obligation de continuer les autosondages. Par ailleurs, le
249
patient présente des infections urinaires à répétition qui
s’espacent sous traitement par extraits de canneberges.
Les urgences et les fuites disparaissent sous traitement
par trospium chloride, mais augmentent sa dysurie,
l’obligeant à continuer cinq autosondages par jour. Un
traitement par électromodulation des racines sacrées est
proposé.
La deuxième observation est celle d’une femme de
66 ans suivie depuis vingt ans pour PSH ayant des
troubles spastiques de la marche majeurs l’obligeant à
des déplacements en fauteuil. Elle décrit depuis deux ans
des troubles mictionnels avec urgenturies entraı̂nant des
fuites immédiates et nécessitant l’utilisation de quatre à
cinq garnitures par jour et une pollakiurie diurne toutes
les heures et nocturne associée à des fuites occasionnant
deux réveils par nuit. À l’examen clinique, il n’y a pas de
prolapsus ni d’incontinence urinaire à l’effort. Un
traitement par trospium chloride est instauré avec une
nette amélioration de la symptomatologie : mictions
toutes les deux à trois heures, délai de continence de
cinq minutes, utilisation de seulement deux garnitures le
jour, mais sans amélioration la nuit.
Le BUD fait sous traitement montre un détrusor
hyperactif avec des contractions désinhibées précoces
dès 64 ml de remplissage et une capacité vésicale de
73 ml. La patiente débute l’apprentissage des autosondages avant la réalisation éventuelle d’injections de toxine
botulique, ou d’un agrandissement vésical plus une
cystostomie continente pour contrôler cette hyperactivité. Cet apprentissage s’avère physiquement impossible,
aussi les options toxine ou cystoplastie sont-elles
abandonnées. L’association du trospium chloride jusqu’à
la dose de 20 mg deux fois par jour à l’oxybutynine à la
dose de 5 mg le soir apporte une amélioration spectaculaire : disparition des fuites et des urgenturies, sans effets
secondaires attendus et en particulier pas de xérostomie,
pas de constipation, ni de résidus postmictionnels.
La troisième observation est celle d’une femme de
42 ans suivie depuis huit ans pour des troubles
vésicosphinctériens dans le cadre d’une PSH connue
depuis douze ans. Elle se déplace en fauteuil du fait d’une
spasticité importante. Il existe une symptomatologie
digestive liée à un trouble de la commande périnéale et
de la perception des besoins, entraı̂nant une constipation
avec des efforts de poussée et manœuvres digitales, bien
améliorés par des régulateurs du transit. La symptomatologie urologique associe des urgenturies une dysurie
majeure avec d’importants résidus postmictionnels se compliquant d’infections urinaires récidivantes. Le BUD montre des contractions vésicales
désinhibées survenant dès 120 ml associées à une DVS,
objectivée par l’étude des pressions vésicales, l’électromyogramme du sphincter strié de l’urètre et un résidu
postmictionnel de 110 ml. La patiente débute l’apprentissage des autosondages qu’elle doit réaliser quatre à six
fois par jour. Malgré l’amélioration, la compliance au
traitement décroı̂t avec le temps et la patiente espace les
autosondages.
Un traitement par oxybutynine est initié pour
diminuer les urgenturies, mais ce traitement est arrêté
devant des effets secondaires gênants : xérostomie et
palpitations en particulier. L’oxybutynine est alors
remplacée par le trospium chloride avec une meilleure
tolérance. Devant l’amélioration partielle de la symptomatologie, il est proposé des injections intradétrusoriennes de toxine botulique.
Discussion
Les PSH sont des pathologies rares dont on estime la
prévalence en France à 1/30 000 [1]. La fréquence des TVS
dans cette pathologie est mal connue. À notre connaissance, seules deux études rétrospectives s’y sont intéressées
et l’évaluent entre 75 et 89 % [1,2]. Elles soulignent aussi
l’absence de leur prise en charge dans 26 % des cas alors
qu’ils retentissent sur la qualité de vie dans plus de 45 %
des cas [1]. La symptomatologie de ces troubles est
représentée en majorité par des urgenturies (73 %) avec
incontinence par urgences (75 %), une pollakiurie nocturne
(53 %) et une dysurie (45 %). Dans sa forme de survenue
tardive qui nous intéresse plus particulièrement pour les
deux premiers patients, ils apparaissent rapidement après
le début de la maladie avec une moyenne de trois ans et
demi, contre 13 ans dans la forme précoce [1]. De cette prise
en charge découle une amélioration du confort de vie déjà
précaire de ces patients. Pour le diagnostic, l’interrogatoire
est essentiel et s’efforcera de préciser la symptomatologie
urinaire : dysurie, pollakiurie (fréquence des mictions
diurnes, nombre de réveils nocturnes), urgenturies (délai
de continence), fuites (quantification). La perception du
besoin d’uriner est conservée dans cette pathologie.
L’association fréquente à des troubles anorectaux doit
être recherchée. Ils peuvent être entraı̂nés par les
traitements mis en route et ils influent directement sur la
symptomatologie urinaire : dégradation périnéale par des
efforts de poussée, constipation opiniâtre.
D’éventuelles complications urologiques seront
recherchées : épisodes de rétention aiguë d’urine, infections urinaires à répétition et du haut appareil,
pathologie lithiasique. Enfin, l’évaluation de l’efficacité
d’éventuelles thérapeutiques déjà instituées aidera à la
prise en charge.
L’examen clinique va rechercher ou éliminer une
cause associée : pathologie prostatique obstructive chez
l’homme ou pathologie du prolapsus génito-urinaire
chez la femme favorisée par les efforts itératifs de
poussée. Dans les trois cas rapportés, les urgences
mictionnelles sont au premier plan de la symptomatologie en concordance avec les données de la littérature.
Elles s’associent à des contractions désinhibées. Le
traitement par anticholinergiques (Ach) en première
intention sera efficace pour deux patients sur trois.
250
L’inefficacité de l’oxybutynine fait proposer le trospium
chloride qui est mieux toléré (cas 3). Cela est en accord
avec des données récentes de la littérature montrant des
effets secondaires moins importants du trospium chloride, en particulier sur la sécheresse buccale [3]. De plus
le trospium chloride n’étant que peu liposoluble, il ne
passe pas la barrière hématoencéphalique et n’a donc
pas d’action centrale [4] donc pas d’effets secondaires
centraux : agitation, délire à fortes doses. En cas d’effet
insuffisant d’un Ach bien toléré, dans les circonstances
particulières d’un sujet neurologique où les alternatives
thérapeutiques sont limitées, il est possible d’essayer soit
d’augmenter la dose d’Ach, soit d’associer deux Ach.
Dans le cas 1, nous avons augmenté les doses de trospium
chloride jusqu’à quatre comprimés par jour pour une
meilleure efficacité et avec une excellente tolérance. Dans
le cas 2, l’efficacité du traitement est obtenue en
associant les deux Ach. La meilleure efficacité de
l’association de ces deux Ach pourrait s’expliquer par
un site de fixation différent sur les récepteurs muscariniques (M2 et M3) entraı̂nant une synergie d’action et
non une compétition de ces deux molécules. L’association de deux Ach a déjà été rapportée par Schäfer [5].
Il montre chez 28 malades neurologiques une diminution
des épisodes de fuites ainsi que l’augmentation du
volume réflexe et de la capacité vésicale. La combinaison
trospium chloride et oxybutynine semblait plus efficace
que l’association de la tolteroline au trospium chloride
ou à l’oxybutynine. Les effets secondaires ont été modérés
au regard de l’amélioration clinique et urodynamique
nette. Toutefois, en cas d’obstacle sous-vésical même
incomplet, le risque d’aggraver une vessie rétentionniste
existe et nécessite la réalisation d’autosondages.
L’amélioration de la lubrification des sondes et la
simplification de leur utilisation ont beaucoup aidé à
l’adhésion des patients à ce geste et à en diminuer ces
complications traumatiques. Le risque d’infection urinaire est lui aussi abaissé [6]. Dans le cas 1, l’utilisation
d’extraits de canneberges aide à lutter contre les
infections urinaires récidivantes [7] ainsi qu’une diurèse
suffisante. Dans les deux cas où l’hyperactivité vésicale
est résistante aux traitements par Ach, des injections
intradétrusorienne de toxine botulique intradétrusorienne ou une électromodulation des racines sacrées
peuvent être proposées. La relative innocuité des
injections intradétrusoriennes de toxine botulique peut
faire proposer cette thérapeutique pour arrêter ou
réduire les doses d’Ach et ainsi diminuer leurs effets
secondaires (cas 3). L’inconvénient est la durée d’action
limitée impliquant la nécessité de refaire les injections
tous les neuf mois en moyenne [8]. L’électromodulation
des racines sacrées peut être proposée dans les hyperactivités vésicales neurogènes [9]. L’indication est
d’autant plus logique que dans la PSH, il existe une
atteinte des cordons postérieurs et que la modulation
semble agir préférentiellement sur la voie afférente
sensitive. Toutefois, c’est un matériel coûteux entraı̂nant
des contraintes liées aux paramétrages du générateur.
C’est une thérapeutique pourvoyeuse d’effets secondaires : déplacement de l’électrode, infection ou sérome
autour du stimulateur, douleurs. Un test franchement
positif est nécessaire avant la décision d’implantation du
stimulateur. Enfin l’injection intrathécale de Baclofen®
est une solution efficace pour certains, mais dont les
indications ne sont pas consensuelles, même après test
au Baclofen® per os (cas 1) en raison de complications
non négligeables :
– liées au matériel (fracture de cathéter, infection) ;
– possible aggravation de la symptomatologie ;
– dyskinésies, hypotonie ;
– léthargie et même suicide dans certaines séries [10].
Conclusion
Dans la PSH, les troubles mictionnels sont fréquents.
Ils sont en majorité liés à une hyperactivité vésicale
entraı̂nant des urgenturies et une dysurie liée à une DVS.
Cette dysurie ne doit pas faire négliger un obstacle
prostatique ou prolapsus génito-urinaire possiblement
associé. Ils justifient une prise en charge spécifique et
doivent donc être recherchés. Le traitement de ces
hyperactivités vésicales et détrusoriennes par Ach,
injections de toxine botulique ou électromodulation des
racines sacrées permet de proposer un traitement adapté
des TVS de ces patients et d’améliorer leur qualité de vie.
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Sexualité féminine et neurologie : la place du
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J.-C. Colombel
Si les troubles génitosexuels accompagnent nombre de
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Résumé : La sexualité ne peut se résumer à un
ensemble de caractères morphologiques, physiologiques et psychiques. Elle comporte aussi des composantes identitaires, relationnelles, hédoniques,
fantasmatiques et métaphysiques, auxquelles l’identité
féminine apporte sa spécificité. À travers la souffrance
des patientes, certaines de ces particularités apparaissent profondément bouleversées, en particulier lors
des lésions neurologiques centrales. Le but de l’écoute
du neuropsychiatre est avant tout de faire se croiser le
domaine objectif des lésions et des handicaps, avec
celui, plus subjectif, de l’histoire et de la souffrance de
la personne qu’est chaque patiente. Deux types de
lésions neurologiques sont choisis pour illustrer cette
approche. Dans les lésions préfrontales, sous des
dehors de provocation outrancière, se rejouent certains moments difficiles de l’éducation sphinctérienne
par la mère. Les lésions traumatiques de la moelle,
l’aménorrhée initiale puis les problèmes vésicosphinctériens renvoient certaines patientes à des phases
prépubertaires de leur évolution, d’autres à l’idée de la
vieillesse et de la mort. L’analyse est faite des diverses
interférences qui peuvent se produire au niveau de la
sexualité féminine, afin d’obtenir le meilleur ajustement du parcours thérapeutique de chaque patiente.
D’où l’importance, dans le projet de réadaptation
organisé avec l’équipe de soins, de préparer si possible
la famille et, en particulier, la mère à une meilleure
écoute de la souffrance de sa fille.
Correspondance : E-mail : [email protected]
Female sexuality and neurology:
the place of neuropsychiatry
Abstract: Sexuality cannot be summed up just by a set of
morphological, physiological, and mental characteristics.
It also includes personal-identity, interpersonal, hedonic,
fantastical, and metaphysical aspects, all of which
contribute to specifically defining female identity.
In observing the suffering of patients, some of these
aspects appear greatly disturbed, especially when there is
central nervous system damage. The goal of neuropsychiatric assessment is, above all, to overlap the objective
manifestations of injuries and handicaps with the more
subjective history of personal suffering specific to each
patient. Two types of neurological damage have been
chosen to illustrate this approach. In the case of
prefrontal lesions, under the guise of extreme provocation, difficult moments experienced during toilet training by the mother are replayed. Traumatic injuries to the
bone marrow, initial amenorrhea, and bladder sphincter
disorders can result in a return to prepubertal stages of
development in some patients, while others feel the
encroachment of old age and death. In order to obtain a
better therapeutic adaptation appropriate for each
patient, assessment takes into account diverse interfering
factors that can become apparent in female sexuality.
This is why it is important for the healthcare team
managing a patient’s rehabilitation to prepare the family,
if possible, and especially, the mother, for greater
sensitivity to the suffering of the mother’s daughter.
Introduction
Il se trouve que la spécialité de neuropsychiatre est en
train de cesser d’exister avec ses derniers représentants.
Je n’aurai donc pas la mauvaise grâce de plaider pour une
fiction programmée. Spécialité de jonction (on l’écrivait
autrefois avec un trait d’union), elle permettait aisément
253
de ne pas régler la question « psychosomatique » des
rapports si délicats entre le corps et la psyché. Son
éclatement1 s’est produit malheureusement avant que les
neurosciences ne prennent leur essor, laissant au bord
du chemin et pour longtemps peut-être, la question du
Sujet. Cependant, vouloir aujourd’hui parler de sexualité
féminine suppose que dans un fonctionnement meurtri par
la neurologie, on admette un peu de féminité, c’est-à-dire
précisément ce quelque chose d’indéfinissable qui échappe
à toute définition parce que situé du côté du Sujet.
Pour clarifier le plus possible l’approche que je
souhaite en faire, mon propos ne sera donc pas de traiter
séparément telle ou telle pathologie neurologique, puis
d’en mesurer l’impact sur la sexualité féminine. Au
contraire je ferai directement se croiser le territoire le
plus objectif, qui est celui des atteintes neurologiques,
avec celui des aspects déficitaires et des réactions à la
souffrance, auxquelles se mêle toujours, comme on le sait,
un peu de subjectivité. De la sorte, je pense être en mesure
de parler depuis la place du neuropsychiatre, tout en la
faisant apparaı̂tre au fil de mon développement concernant les troubles neurologiques et la sexualité féminine.
D’abord une question :
qu’est-ce que la sexualité ?
D’un point de vue descriptif, la sexualité se résume à
l’ensemble des caractères morphologiques, physiologiques et psychiques déterminés par le sexe. Elle définit
aussi l’ensemble des comportements qui relèvent de
l’existence de l’instinct sexuel. En effet, dans ce qu’elle a
d’apparent, la sexualité de l’être humain conserve bien sa
finalité biologique au même titre, par exemple, que la
sexualité des papillons. Mais cette définition ne va pas
au-delà du capital génétique et de l’instinct. En cela, elle
n’est pas satisfaisante.
La sexualité est aussi le territoire identitaire qui
définit la personne par son sexe, avec une image de soi
et un aspect culturellement fixés par la société où elle
vient au monde et où elle vit. Elle a donc une dimension
relationnelle, qui va de l’intimité avec ou sans autrui,
jusqu’à la famille, au groupe et à la société. Elle a aussi
une dimension hédonique, qui fait se croiser en quantités
variables le désir, le plaisir, la pudeur et les conflits. Au
revers des apparences, elle possède un soubassement
fantasmatique particulièrement riche et dans lequel les
pulsions se déploient à travers les images de fusion,
d’interdits et de transgression. Enfin, nous lui reconnaissons une envergure métaphysique, celle qui unit
encore les croyances et les rituels, la descendance, ses
1
rêves et ses aspects juridiques, et dans laquelle viennent
se fondre l’espace et le temps, et plus encore le désir,
l’amour et la mort.
La sexualité féminine ?
C’était bien plus simple autrefois : il suffisait de dire
« tota mulier in utero » pour la définir et la vérifier à
chaque instant. Du moins le croyait-on.
Je ne m’appuierai donc pas sur la multiplicité des
approches endocriniennes, comportementalistes, psychopathologiques, littéraires ou artistiques, fort louables
au demeurant, mais dont la diversité montre suffisamment la richesse, sinon la complexité d’une tentative de
définition. Pour rester dans le domaine médical, je
choisirai simplement deux ou trois éléments que l’on
retrouve souvent parce qu’ils sont bien repérables dans
les situations psychothérapiques les plus diverses. Sans
prétendre être exhaustifs, ils donnent, de certains aspects
de la sexualité féminine, une représentation plus précise
et plus claire. Ils nous rappellent notamment que dans
l’investissement et dans les soins qu’une femme apporte
à son corps, la part de ce qui vient d’elle est
profondément mêlée avec ce qui lui vient de sa mère.
Ce sont eux que vont bousculer le traumatisme
neurologique et sa réalité lésionnelle, dont je parlerai
ensuite.
Quels sont ces éléments spécifiques à la femme ?
Tous ont un rapport avec le corps dans ses valeurs
symboliques, affectives, physiologiques et anatomiques,
valeurs qui l’accompagnent depuis les premiers jours de
sa vie :
– le premier est une sorte de résonance circulaire
entre les orifices oral, vaginal et anal. À la différence de
l’homme et pour simplifier, on peut dire que l’érotisation
de l’un renvoie plus facilement aux deux autres. On
pourrait même y rajouter l’ombilic, en tant que symbole
érotisé de naissance, de maternité et de féminité, ainsi
que nous le découvre une mode vestimentaire récente.
Comme nous le savons, cette sorte d’équivalence
orificielle est un élément dont l’incidence n’est pas à
négliger dans la rééducation sexuelle de la femme blessée
médullaire en particulier ;
– le deuxième est plutôt d’origine éducative. Autant
la mère a tendance à interdire la recherche de jouissance
clitoridienne, autant elle est capable de méconnaı̂tre les
explorations vaginales qui se produisent un peu plus tard
chez la fillette. Mais dans le cas de lésions neurologiques
Après les mouvements de mai 68, écrit J. Darrot [2] : « Une sorte d’identité d’expert était revendiquée par les psychiatres, au nom
de la spécificité de leur pratique. Leur incontestable qualité de médecins, maladroitement contestée par quelques universitaires, les
conduisit d’une part à rompre avec la neurologie, abandonnant sans regret le statut obsolète et ambigu de « neuropsychiatre » mais
d’autre part à s’éloigner aussi des sciences humaines, dont la proximité leur avait pourtant été si précieuse dans l’approche
anthropologique de la folie... Aussi peut-on se demander aujourd’hui si cette rupture était bien nécessaire. »
254
qui imposent à la patiente une relation de dépendance
tout en s’attaquant à l’image du corps et à la jouissance
de sa féminité, le sexe de la femme devient trop souvent
l’image de la castration. Cette situation traumatisante
peut s’aggraver encore, lorsque le soignant en vient à
confondre réalité lésionnelle et absence de désir ;
– un troisième point est l’investissement narcissique
et même érotique de son propre corps.
La société d’aujourd’hui privilégie le culte de l’apparence. Elle recommande et valorise la consommation,
la jouissance immédiate et les masques galants de la
séduction. Les agences publicitaires illuminent nos rêves
avec des êtres magnifiques et séduisants comme des
déesses. La silhouette de la femme est rigoureusement
surveillée et modelée par une forme d’impérialisme
médiatique et commercial : c’est le droit d’entrée vers le
plaisir et vers le désir des autres. D’où une intimité avec
soi dans laquelle la femme jouit d’elle-même et de sa
féminité comme elle jouirait du corps d’une autre, de sa
mère ou de ses modèles en particulier. Inversement, toute
lésion qui attaque son corps menace d’effondrement
ses supports d’identification, comme nous allons le voir
dans certains troubles neurologiques.
Quels troubles ?
Dans la mesure où pour une grande part, le système
nerveux est l’instrument de la vie de relation, nous
pourrions évoquer beaucoup de symptômes, de syndromes ou de maladies neurologiques qui ne sont pas sans
conséquences sur la sexualité. Mais pour la clarté de
l’exposé, et pour son incidence pratique, je m’en tiendrai
à certaines anomalies des conduites que l’on constate
dans les atteintes de la région préfrontale, notamment
dans les syndromes posttraumatiques. J’aborderai
ensuite quelques problèmes de la sexualité féminine au
cours des lésions médullaires.
Dans la plupart des lésions neurologiques, la vie de
relation est perturbée, ne serait-ce qu’en raison des
déficits fonctionnels, mais pas uniquement. Pour les
soignants, que leur pratique quotidienne place dans une
intimité à ciel ouvert, ces problèmes les confrontent sans
ménagements à leur sexualité personnelle, à leur
équilibre affectif et à leurs mécanismes de projection.
Enfin, dans la famille, où les mécanismes d’identification s’ajoutent au traumatisme affectif, cette intimité
angoissante du corps meurtri et dénudé réveille de manière particulièrement ambiguë les questions de l’intimité,
de la bonne distance et de l’inceste, toutes questions qui
paraissaient depuis longtemps résolues. Pour ce qui est de
la reprise d’une vie sexuelle, qui dépend pour une part de
l’attrait érotique, l’image statique et peu valorisante de la
2
femme handicapée n’y prépare pas facilement, quand la
pression des images véhiculées par la société ne vient pas
s’y opposer résolument.
Lésions préfrontales
Je partirai donc des comportements que nous constatons
ou que nous rapportent si fréquemment les familles des
patients, parce que ces comportements à l’emporte-pièce
font voler en éclats une quantité d’inhibitions construites
au long de l’apprentissage éducatif2.
Nous savons que ces troubles dominent dans les
lésions de la région orbitobasale, par opposition aux
lésions dorsolatérales, ainsi que l’a montré Luria [3] en
particulier.
Ils sont précoces et spectaculaires. La plupart du
temps, ce sont des bouffées d’expansivité euphorique
avec propension aux calembours plus ou moins graveleux, dans une tonalité d’optimisme niais. C’est l’emblématique moria, à quoi s’oppose, de manière aussi
flagrante que discrète, un fonds clinique fait d’inertie
permanente, d’indifférence et d’apathie. Cette apathie se
retrouve dans la plupart des syndromes frontaux, avec
ralentissement de l’activité idéatoire, verbale et motrice,
ce qui rend plus choquants les comportements de
désinhibition émotionnelle ou sexuelle. C’est du reste
cette image qui prévaut, d’une massification adynamique, avec des trouées de fulgurances verbales ou
motrices, quelle que soit la topographie des lésions, mais
surtout lorsqu’elles concernent le circuit frontolimbique
inférieur.
Si l’on veut en effet détailler quelques aspects de ce
syndrome, nous pouvons noter par exemple que le
comportement d’urination - où le patient more ferarum,
obéit immédiatement au besoin - s’accomplit avec une
absence de gêne qui est de la plus parfaite impudeur.
Mais c’est un comportement relativement rare, et qui
est peut-être lié à « une abolition des capacités d’inhibition mictionnelle et une conservation du déclenchement volontaire » [4].
Les comportements sexuels sont souvent de deux
types. Ou bien c’est la disparition de l’activité sexuelle,
évoquant une anhédonie, qui est la plupart du temps
associée à une aboulie avec laquelle elle s’accorde bien,
mais avec une indifférence absolue aux approches du
partenaire habituel. Ou bien, et plus fréquemment, c’est
une exacerbation de comportements inconvenants qui
se caractérisent par des attitudes et des propos évocateurs ou exhibitionnistes.
Quant aux comportements alimentaires, comme s’ils
étaient à l’image des troubles sexuels, ils vont du
Qu’il s’agisse de l’homme ou de la femme, ces comportements s’intègrent à une régression libidinale plus globale, où le retour à
la primauté d’un fonctionnement pulsionnel met à mal les règles sociales ordinaires. Ils permettent de souligner aussi l’intimité
des relations entre le cortex frontal et le paléocortex.
255
désintérêt pour la nourriture à la voracité la plus
gloutonne. Le sujet s’empiffre sans plaisir ni souci des
convenances, souvent dans un contexte de comportements généraux débridés. On peut dire que l’absorption
démesurée de liquides ou de nourriture n’est que l’un des
aspects de ce qu’il faut bien appeler une véritable orgie
libidinale. Comme s’il s’agissait littéralement de « se
remplir », j’en rapprocherais volontiers les comportements de vol à l’étalage, moins rares qu’on ne veut le
penser, avec une préférence, chez la jeune femme, pour
les vols de sous-vêtements.
Chez la femme, on va noter deux types de comportements qui lui sont particuliers, parce qu’ils mettent en
valeur cette correspondance entre les orifices corporels
et leurs valeurs symboliques dont j’ai parlé tout à l’heure :
– elle se maquille volontiers, mais son rouge à lèvres est
déposé de manière outrancière, la couleur choisie est
toujours éclatante, en contraste violent avec la couleur de
sa peau, et la surface couverte plus importante qu’auparavant. C’est ce que notent les proches, qui sont souvent
choqués et consternés par le côté racoleur de ce manque de
discrétion : « On ne voit que ça quand on la regarde »,
disent-ils. Comme pour confirmer les aspects régressifs
du syndrome frontal, ce type de maquillage évoque la petite
fille qui a dérobé les chaussures, le sac à main et le rouge à
lèvres de sa mère, et qui tient à ce que cela se sache ;
– quant à son comportement sexuel, elle passe
rarement à l’acte. Elle n’est pas entraı̂née, comme on le
voit chez l’homme, par l’irrésistible tentation de palper
les formes rondes à portée de la main. Tout lui est prétexte
à s’exposer comme au centre d’une position d’attente
active, qui pourrait déclencher une réponse complémentaire de la part de l’autre. Tout se condense dans la
provocation vestimentaire, posturale et surtout verbale.
Un exemple : une jeune patiente s’adresse au médecin
qu’elle croise dans un couloir : « Celui-là, je me le ferais
bien dans l’ascenseur ». C’est une invite sexuelle, sans
aucun doute possible. Mais sa phrase est au conditionnel, ce qui signifie qu’il subsiste encore un frein entre
la pulsion et l’acte. Par contre, l’expression « dans
l’ascenseur » évoque une scène cachée et rapide, et qui
pourrait s’accomplir à l’intérieur d’une enceinte close,
dont la symbolique maternelle me paraı̂t assez évidente.
Mais notre analyse ne peut pas s’arrêter là
D’une part, on a toujours le sentiment que ce qu’éprouve
une patiente muriatique est plus proche de la satisfaction
naı̈ve que de l’euphorie véritable, ce qui se démarque
bien de la voltige idéomotrice d’un épisode hypoma3
niaque. Mais comme dans tous les processus qui
s’attaquent à l’intégrité de la personne (ainsi que le
font par ailleurs les processus psychotiques ou démentiels), il existe une profonde altération de la conscience de
soi, c’est-à-dire de son identité, de ses traits de
personnalité, de sa position relationnelle en particulier.
On en a un reflet assez fidèle à travers les inventaires
variés des troubles cognitifs, qu’ont permis de bien
comprendre les bilans neuropsychologiques.
D’autre part, ses brusques saillies muriatiques nous
paraissent d’autant plus incongrues qu’elles sont à
l’opposé de l’aspontanéité ordinaire de l’habitus frontal,
mais sans doute aussi parce qu’elles traduisent le
jaillissement de la part pulsionnelle, animale, de tout
être humain, qu’elles dénaturent avec obscénité3. Mais
surtout, de tels comportements nous rendent la patiente
culturellement étrangère parce qu’ils imposent un
décalage scandaleux entre nos codes éducatifs et les
stéréotypes relationnels qui sont les nôtres dans la vie
ordinaire. En quelque sorte, nous n’acceptons pas qu’elle
déborde du cadre qui lui est assigné en tant que femme.
Mais là encore, nous ne savons qu’accroı̂tre la distance
avec elle, soit en répondant vertement au scandale des
mots, soit en lui renvoyant à notre tour un jeu de mots de
la même veine scatosexuelle. À notre tour, nous allons
littéralement l’enclore dans son mécanisme pathologique
auquel nous l’identifions tout entière [5].
Un troisième point découle des deux premiers,
c’est l’indignité frontale
La conscience que chaque patiente acquiert progressivement de ses insuffisances confirmées ne peut qu’aviver
son sentiment de dévalorisation. La souffrance s’impose
d’autant plus à la conscience que les signes neurologiques de la phase initiale s’amendent spontanément en
quelques semaines. Paradoxalement, cette amélioration
modifie le rapport que la patiente avait avec son corps, et
donc le jugement qu’elle portait sur ses propres troubles.
L’amélioration retire définitivement au syndrome frontal
sa « dignité » de maladie physique. C’est l’évidence de
« n’avoir rien », c’est-à-dire rien d’apparent, rien à
montrer en tant que lésion corporelle, rien de défendable. Parce qu’il se présente comme une bizarrerie où le
corps ne figure pas, le syndrome frontal n’est plus qu’une
indécente représentation de la folie.
Et cette image a d’autant plus d’effet sur l’entourage
de la patiente que le contraste se fait plus abrupt. C’est
toute la puissance de la symbolique de la tête. En effet, il
ne faut pas oublier qu’à l’intérieur de toute famille, l’idée
Nous connaissons aussi le redoutable pouvoir d’entraı̂nement et d’embrasement que peut exercer de notre part la moindre attitude
d’acquiescement complice ou la moindre parole dont pourrait se saisir le patient dit « frontal ». C’est une mise en résonance qui
n’est pas sans évoquer le phénomène d’imitation décrit par Lhermitte. Il est aisé de remarquer le pouvoir que possède tout
syndrome frontal de contester notre relation professionnelle avec les patients. Leur comportement peut nous déstabiliser parce qu’il
nous implique en tant que partenaires potentiels. On pourrait qualifier cet aspect de pathologie intersubjective.
256
plus ou moins claire qu’il « manque une case » à celui ou
celle qui a subi un traumatisme crânien, constitue un
véritable traumatisme affectif. Cette idée se trouve
largement vérifiée par les comportements de désinhibition pulsionnelle, les jeux de mots jaculatoires et autres
attitudes si peu convenables.
Par ailleurs, tout concourt à ramener inexorablement
la patiente à certains moments particulièrement contrastés de sa petite enfance, où se jouaient l’apprentissage
des contrôles sphinctériens et sans doute aussi les
premières pressions éducatives qui devaient la soumettre
au pouvoir de l’adulte4. En ce sens, l’évolution de tout
syndrome frontal impose à la patiente (comme d’ailleurs
à tout patient) un chemin de régression qui se retourne
sur sa propre histoire infantile à travers le couple plaisirsouffrance, mais qui va raviver dans la famille certaines
traces conflictuelles souvent très précises.
Dans ces moments de régression affective, se font jour
des jugements d’autodépréciation sur ce qu’elle découvre
en elle. Elle ne dit pas seulement « je ne peux pas m’en
empêcher », elle parle aussi de « sa méchanceté », comme
si elle était changée, ou soumise par un étranger qui serait
la part inconnue ou aliénée d’elle-même5. Une telle
découverte souligne l’apparence régressive de ses
comportements, parce que la patiente est poussée à
« sonder » cette partie maligne pour tenter d’échapper à
la folie, c’est-à-dire pour tenter de lui donner un sens.
Cette fascination régressive est d’autant plus douloureuse
qu’elle fait obstacle à la pensée, en s’imposant comme
l’évidence qui échappe à la signification. C’est aussi dans
ces moments qu’elle tente de nouer des relations de
soumission avec d’autres patients dont le caractère est de
type protecteur.
On sait que l’homme n’est que très rarement exposé à
ce type d’interrogations tourmentées, comme s’il acceptait plus facilement, ainsi que les soignants, le volcanisme
de ses comportements désinhibés. En revanche, lorsque
ces questions se font jour chez lui, c’est la plupart du
temps dans un contexte dépressif sévère, d’autant que
lésions préfrontales et dépression semblent avoir des
territoires d’expression communs [6-8].
Pour résumer ces quelques points, on pourrait dire
que chez la femme, le caractère outrancier de ses
comportements muriatiques nous propose une sorte de
caricature du dévoilement, un peu comme les comportements de l’homme frontal démasquent une caricature du
4
prédateur sexuel. Mais ces anomalies ne peuvent
aucunement être confondues avec un dévoiement calculé, qui les ferait appartenir au registre infini des
perversions.
Cependant, et d’un point de vue psychopathologique,
elles peuvent devenir un symptôme psychiatrique dès
lors qu’elles ne sont qu’un élément parmi d’autres d’un
tableau mieux constitué (notamment lorsqu’apparaissent
des ébauches persécutoires) et dans lequel les troubles
du jugement et la réduction des fonctions intellectuelles
peuvent conduire à des passages à l’acte avec agressivité
physique ou débordements sexuels.
D’un point de vue relationnel, et tout comme chez
l’homme, la question se pose de sa capacité à prendre
conscience de la dégradation de ses moyens de contrôler
ses impulsions [9]. Je veux dire par là que ses troubles du
comportement peuvent subir tous les abattements, tous
les emportements du monde pulsionnel, et soudain n’être
plus supportables parce qu’ils ne sont plus civilisés. Là se
situe une première limite, éminemment subjective, qui
est celle du danger, de l’admissible et de la violence. Audelà de cette limite, il y a celle que nos réactions risquent
d’imposer à la patiente6, à partir du moment où nous
nous sommes nous-mêmes placés, parfois à notre insu,
dans l’imminence de les transgresser.
En fait, il faut bien saisir que la pathologie sexuelle
et relationnelle, induite par des lésions préfrontales,
envahit notre territoire hédonique et fantasmatique, et
qu’elle nous révèle aussi la fragilité des références
métaphysiques et identitaires qui nous semblaient les
mieux assises. Le comportement de la patiente opère sur
nous une véritable pesée sur nos mécanismes d’équilibre intersubjectif, ce qui peut induire une distorsion
psychopathologique dans nos relations avec elle. Mais
également, et dans un mélange de peur et d’attirance, la
pathologie préfrontale exerce sur certains d’entre nous
un réel pouvoir de fascination, comme si la patiente,
soudain dégagée des artifices et des contraintes de la
civilisation répressive, jouissait de l’impressionnante
liberté d’être « vraie ». C’est l’un des aspects que la
pratique clinique met le plus souvent en évidence dans
les équipes de soins comme dans les familles. Mais ce
fonctionnement « en miroir », pour ainsi dire, est à la
fois un bon indicateur des anomalies sexuelles de la
patiente, et une remarquable opportunité de perfectionnement clinique et personnel pour chaque intervenant.
À la fois passif et actif, son corps est le conteneur qui expulse et qui veut garder. Il est le lieu où s’affrontent à nouveau la
destruction et le contrôle, l’évacuation et la rétention (la retenue et les débordements). En termes plus psychanalytiques, on peut
évoquer ici l’ambivalence de l’organisation sadique-anale, telle qu’elle se révèle chez l’enfant autour de sa troisième année (maı̂trise
sphinctérienne, activité et passivité, don et refus, domination ou soumission, qui deviendront des sources de conflit et de plaisir
pour la vie entière).
5
À travers ces fantasmes de la part aliénée d’elle-même, on peut repérer un désir archaı̈que de retour dans le corps de la mère, qui se
joue en termes d’emboı̂tements : emboı̂ter ou être emboı̂tée. Mais contrairement à ce que l’on pourrait attendre, il est rare que la
femme développe des thèmes de Double, comme on le voit assez fréquemment chez l’homme dans des situations comparables.
6
Reproduisant ainsi, à notre insu, les attitudes éducatives des parents de l’enfant de 3 ans qu’elle a été.
257
Lésions médullaires
C’est peut-être aussi le cas lorsque l’on veut envisager les
lésions médullaires et leur incidence sur la vie sexuelle
de l’homme ou de la femme. Mais le problème est
totalement différent, surtout dans les lésions traumatiques, où la soudaineté de l’événement met essentiellement en avant les aspects déficitaires du tableau clinique.
Pour la clarté de l’exposé, je prendrai pour exemple la
paraplégie sensitivomotrice flasque complète.
Avant de parler de la place de la sexualité après une
lésion de la moelle, je voudrais d’abord rappeler que cette
place n’est pas moins importante que pour le sujet
ordinaire. En fait, la sexualité est l’une des hantises de tout
blessé médullaire, à partir du moment où il découvre que
la blessure de la moelle n’a pas atteint seulement ses
capacités motrices et sensitives, mais également ses
capacités sexuelles. L’ampleur subjective de cette réalité
traumatique dépasse d’ailleurs très largement celle du
bilan lésionnel, puisqu’elle atteint l’individu dans l’image
qu’il a de lui-même, et par conséquent dans la construction de tout son parcours d’existence.
C’est ce qui me conduit à poser le problème en termes
de double traumatisme
Chez l’homme comme chez la femme, le premier
traumatisme se constitue de cette masse de déficits
moteurs, sensitifs, réflexes et trophiques qui s’abat sur
un sujet, sain jusque-là. Ces déficits caractérisent toute
lésion de la moelle, comme ils s’installeront ensuite dans
ses prolongements, lorsque seront levés les phénomènes
de sidération médullaire. Mais n’oublions pas que
l’impact émotionnel est d’autant plus violent que le
traumatisme est souvent presque indolore, que les
déficits sont imprévisibles et surtout impensables dans
leur démesure. Ils projettent brutalement les patients
dans une situation de totale irréalité, mais je voudrais
montrer, pour commencer, que cette irréalité n’est pas
sans incidence sur leur identité sexuelle.
En effet, la phase initiale leur impose une dépendance
pratiquement absolue. Une fois passées les heures de
l’urgence et de la chirurgie, on ne soigne plus la moelle
blessée, comme si elle faisait partie du passé, d’une autre
histoire. Les patients ne sont jamais assis, on les a placés
en position allongée, parfois dans une coquille d’immobilisation. À intervalles réguliers, quelqu’un rentre dans
la chambre pour des soins d’entretien et de prévention,
7
des injections, des prélèvements, des contrôles divers, des
manœuvres de prévention contre les escarres, des soins
d’hygiène et des évacuations vésicales et intestinales.
Nous pourrions nous étonner de la soumission
presque naturelle dont ils font preuve à l’égard des
soins répétés qui leur sont imposés. Ils acceptent comme
normale la pénétration dans leur intimité anatomique,
à laquelle la plupart des soignants se livrent avec un air
parfaitement professionnel. La banalisation de l’hétérosondage et du toucher rectal évacuateur constitue une
intrusion ordinaire que souligne la nudité exposée tour
à tour aux regards indifférents des équipes de soins qui
se succèdent. Mais les patients ne protestent pas contre
l’accès régulier à leur corps et la violation de leur
territoire de pudeur, alors que la prise en charge réalise
un véritable déni de leur statut sexuel. La neutralité
aseptisée du soignant et sa perfection gestuelle viennent
confirmer la désérogénéisation des orifices corporels, qui
sont revenus à un rôle purement physiologique et passif7.
Pourtant, il ne s’agit pas que de sphincters et d’élimination de déchets. Si cette zone est également celle de la
pudeur et du secret, c’est parce qu’elle est le lieu
anatomique et surtout symbolique de l’identité sexuelle.
La régression physiologique s’accorde brutalement avec
la perte du statut d’adulte.
On peut donc proposer l’hypothèse d’une sorte de
sidération psychologique qui serait symétrique de la
sidération médullaire, et qui fonctionnerait comme un
mécanisme de défense contre tout ce qui ne parle que de
castration et de mort.
Mais simultanément, nous ne devons pas perdre de
vue l’importance considérable que peut prendre le
surgissement immédiat de membres fantômes qui, bien
que souvent tenus secrets, sont aussi fréquents que
chez les amputés. Je veux dire qu’au-dessous du niveau
lésionnel, et du fait de cette présence, le corps réel ne
compte plus autant que le corps virtuel qui devient plus
vivant et plus réel que cette partie « morte » de leur
anatomie8, partie à laquelle s’adressent les soins les plus
intimes. Sans doute pouvons-nous admettre que ce
porte-à-faux par rapport à la réalité lésionnelle contribue
à rendre les patients plus tolérants à leur situation,
quand il ne devient pas le plus solide rempart contre le
désarroi.
Le second traumatisme des lésions médullaires est
précisément d’ordre sexuel.
Il frappe avec d’autant plus de violence qu’il opère en
deux temps. Au moment de l’accident, où s’impose
Bien qu’étant accomplis avec le plus grand respect possible pour la personne, il n’en demeure pas moins que les gestes de
massages-frictions, de sondage urinaire ou d’évacuation intestinale confirment la perte de la qualité érotique de la peau et des zones
orificielles.
8
Et cette « réalité » est d’autant plus convaincante pour les patients que le corps fantôme, qui naı̂t à l’endroit précis du niveau
lésionnel, peut être le siège de projections douloureuses (exactement comme le membre fantôme des amputés), mais qu’il bouge et
même qu’il leur permet la nuit, d’aller et venir comme ils le veulent dans leurs rêves. Parfois il est aussi le support de fantasmes de
grossesse et de mise au monde, chez l’homme comme chez la femme.
258
l’urgence des premières interventions, la sexualité est
reléguée au second plan, et les patients ne semblent pas
en avoir une conscience claire, même si la disparition de
la sensibilité sous-lésionnelle les réduit au rôle de
spectateurs. Puis sa réalité et sa gravité s’imposent peu
à peu, pour se révéler catastrophiques au fil des
semaines, et davantage encore après la levée du choc
spinal. Nous savons alors que pour certains patients, le
traumatisme sexuel peut passer au premier plan, le
handicap sensitivomoteur étant ressenti de manière
moins angoissante que le handicap sexuel.
En outre, dès l’accident, il existe un syndrome
fonctionnel, dont fait partie l’aménorrhée, mais il comporte
également la disparition immédiate du désir sexuel chez la
femme comme chez l’homme9. Il est probable que la cause
de ces anomalies soit hormonale et psychogène à la fois,
ainsi que nous pouvons le constater dans la plupart des
grands traumatismes psychiques ou dans les syndromes
dépressifs sévères. Chez la femme, la disparition des cycles
menstruels et des sécrétions vulvovaginales peut durer
plusieurs mois. On constate qu’elle est rarement inférieure à
quatre mois dans les grands traumatismes médullaires et
que, d’une manière générale, ces troubles correspondent à
la durée moyenne de la sidération médullaire.
Comment sont-ils ressentis par les patientes ?
Pour certaines, ce blocage les renvoie à la période
prépubertaire de leur vie, celle où le corps se transforme
et où les parents n’ont plus accès au domaine physique et
psychique, qui devient une zone de solitude et de secret,
mais qui est aussi l’époque où quelque chose va rompre
avec l’enfance, tout en les plaçant dans une position
d’attente indéterminée. D’autres sont renvoyées plus en
arrière dans la petite enfance, en raison des soins d’hygiène
dont elles sont dépendantes et dont elles subissent le rituel
dès le premier jour de la prise en charge. D’autres encore
mettent en rapport ce blocage ovarien avec la fonte
musculaire progressive, la béance anatomique et la fragilité
cutanéomuqueuse qui retirent à la région périnéale sa
plénitude visuelle, sa consistance tactile et sa qualité secrète
de lieu d’appartenance privée. L’image dégradée qu’elles
ont de leur corps les projette dans le délabrement
physiologique de la vieillesse annonciatrice de la mort. La
destruction de cette preuve de féminité constitue une
blessure narcissique profonde, non seulement parce qu’elle
leur interdit la jouissance de leur âge réel, mais parce
qu’elle est une atteinte à leur identité même.
9
Quels qu’en soient les mécanismes et leurs possibles
combinaisons, ces déficits fonctionnels participent aux
sentiments de dévalorisation narcissique et de castration
symbolique, qui alimentent leurs fantasmes de régression
et d’indignité.
Du point de vue de la sexualité, ce double traumatisme apparaı̂t dans un contexte psychologique très
particulier, mais où l’on peut relever tour à tour des
implications identitaires, relationnelles, hédoniques ou
fantasmatiques. Ce contexte, le plus souvent marqué par
une coloration d’étrangeté et d’irréalité, va évoluer dans
le temps.
En effet, le grand bouleversement que constitue la fin
du choc spinal est aussi un moment de rupture dans
l’organisation des soins.
Dès la réapparition du réflexe clitoridoanal (équivalent du réflexe bulboanal chez l’homme), puis des
réflexes ostéotendineux, le projet thérapeutique se
tourne vers la recherche d’une autonomisation plus
grande, à tous les sens du terme. Certes, l’apprentissage
du toucher rectal évacuateur et des autosondages a pour
projet de leur restituer une part de leur intimité
féminine, mais à quel prix. Toutes, d’ailleurs, ne
parviennent pas à intégrer les quelques gestes simples
qui le constituent. En fait, dans la conscience de chaque
femme, cet endroit inerte et sans vie n’est plus le lieu
de sa féminité. Perdant sa noblesse et son pouvoir de
rêve, il a été ramené à sa fonction primitive : l’élimination des déchets. C’est à ces images de régression
humiliante que l’ont déjà soumise le recueil des matières
fécales dans son dos et l’écoulement des urines par
l’autre bout de la sonde. D’où le renforcement inconscient des liens à la mère et les angoisses de dissolution du
sentiment d’identité.
La fin du choc spinal est aussi le moment où les gestes
exploratoires déclenchent à nouveau une congestion des
organes génitaux externes et des sécrétions vaginales
réflexes. Certaines éprouvent de grandes difficultés lors
de l’introduction de la sonde urinaire avec l’aide d’un
miroir. Ce miroir tantôt les renvoie à la culpabilité
ambiguë de leurs premières explorations anatomiques,
tantôt il leur retourne, comme un cauchemar, l’horreur de
la blessure narcissique, « la caricature d’une tête de
sorcière », ainsi que me le disait une patiente. D’autres
parlent d’angoisses de viol ou de dévoration, bien qu’elles
connaissent parfaitement leur anatomie périnéale,
comme si la sonde ou le doigt risquait « d’être avalé »
par un intérieur insensible et sans fond, une sorte de
« bouche d’ombre ».
Quant aux hommes, l’absence d’érections leur fait penser qu’il doit se passer quelque chose de grave ou de très sournois, justement
parce que c’est un mal inapparent, mais qui s’accorde implacablement à l’idée d’impuissance. Pire encore, l’angoisse des érections
incongrues, par exemple au cours de la toilette ou des sondages comme c’est le cas dans certaines paraplégies spastiques. Elles
surgissent à l’improviste, et d’on ne sait quel réservoir d’animalité inconnue. Elles sont d’autant plus humiliantes qu’elles s’affichent
d’une manière totalement impudique, qu’elles ne s’accompagnent d’aucune sensation ni d’aucun désir, et qu’elles laissent
indifférents le regard et la main gantée des soignants.
259
Leur sentiment de honte et leur pudeur blessée font
qu’elles ne se confient qu’avec difficulté, mais lorsqu’elles y parviennent, on perçoit qu’elles sont elles-mêmes
dans une grande perplexité.
On découvre que beaucoup d’entre elles ont entretenu
avec leur corps fantôme, une relation d’amour, d’autant
plus « coupable » qu’elle est demeurée clandestine, et
qu’elle n’est pas encore terminée, comme si cette relation
les protégeait d’un deuil qu’elles n’ont pas encore
accompli. On comprend aussi que la résistance du
corps fantôme, qui n’est donc virtuel que pour nous,
ait pu les soumettre à l’énigme de la « place » que peut
occuper le reste inanimé d’un corps qu’elles ne
ressentent plus comme une partie d’elles-mêmes, et
dont il faut cependant qu’elles s’occupent, à la manière
dont leur mère, autrefois, s’est occupée d’elles. À travers
la circulation intense des angoisses de mort, les
psychothérapies de ces patientes font apparaı̂tre, la
plupart du temps, des fantasmes de fusion avec le
corps maternel, ce qui souligne le caractère très primitif
de leur souffrance et le retour brutal à l’époque où se
construisait une sexualité qui prenait appui sur l’identification à la mère. Le soignant ne réalise pas toujours
qu’il est le premier à pénétrer dans cette intimité, et que
les soins corporels lui donnent une dimension maternelle, tandis qu’ils aident la patiente à se réapproprier
lentement la partie éteinte de son corps. Là encore, tous
les soignants sont confrontés à la nécessité d’effectuer un
travail pédagogique qui respecte cette descente au creux
d’une histoire sans souvenirs, et dont les liens avec la
sexualité, mais aussi la relation à la mère, peuvent
devenir à chaque instant très angoissants pour la patiente
comme pour eux.
La fin du choc spinal est aussi un moment où la
patiente se prend à rêver du retour de sa fonction
érotique, totalement éteinte jusque-là.
En fait, rien ne change, sauf dans une dislocation plus
grande encore. Chacune découvre le silence de son corps,
qui n’éprouve rien et ne manifeste rien lorsqu’elle-même
vient à éprouver un désir sexuel ou une émotion à
connotation sexuelle. Le désir ne s’inscrit jamais dans le
corps.
Inversement, il lui impose une part de mystère et
d’animalité, lorsque l’apparition spontanée ou
l’obtention d’une lubrification vaginale ne s’accompagne
ni des sensations ni du plaisir espéré. Son corps fait voir
des signes de jouissance sexuelle sans les transmettre à sa
perception ou à ses sentiments. S’il existe une jouissance,
elle se situe ailleurs, elle lui demeure interdite : c’est le
corps qui la garde pour lui. Tout se passe comme si, son
10
corps étant coupé en deux, la zone sous-lésionnelle était
devenue le territoire lointain d’une sexualité dont cette
partie inférieure jouirait pour son propre compte, et lui
serait désormais inaccessible10, ce qui induit, de façon
quasi immédiate, un sentiment de castration.
Cette impression de plaisir étranger est heureusement
tempérée, on le sait, par le réveil possible de zones
érogènes périlésionnelles ou sus-lésionnelles. En se
reliant au secret que la femme pourra ainsi retrouver
pour elle et pour autrui, ces zones contribueront à la
restauration de son identité sexuelle. Mais elles dépendent en grande partie de la qualité des liens de couple qui
ont résisté à l’épreuve.
Quant au partenaire de la patiente, l’image statique et
dévaluée de la femme handicapée ne lui offre plus un
attrait érotique en rapport avec ce qu’il avait pu être
auparavant. Dans l’hypothèse de ce que l’on appellerait
un commerce amoureux, quel intérêt trouverait-il
désormais à la « posséder » ? On sait très bien que si la
femme abandonne rarement son partenaire blessé
médullaire, l’inverse est loin d’être vrai.
Il faut tenir compte de l’image fortement dégradée et
dévalorisée que la femme découvre d’elle-même. Elle ne
correspond plus à la silhouette érotique réclamée par
notre société. Mais surtout, s’il est vrai que « l’amour
pour sa propre personne est peut-être le secret de la
beauté » [10], elle ne peut plus se sentir en beauté, elle ne
peut plus s’offrir comme objet du désir de l’homme et ce
sentiment la pousse vers une position qui ne contribue
pas à préserver son avenir en tant que femme à l’intérieur
d’un couple. Sans doute faut-il trouver une explication
dans l’idée que l’homme se situe plus facilement du côté
du désir que du côté de l’amour. En fait, il n’y a pas de
symétrie.
D’ailleurs, chez l’homme handicapé par une lésion de
la moelle, on sait que la question prioritaire n’est pas la
récupération motrice, mais la capacité d’avoir des
rapports sexuels, comme si cette puissance espérée
devait lui éviter toute « dépréciation ». Tandis que la
femme blessée médullaire, s’appuyant sans doute sur
une référence maternelle, s’interroge uniquement sur la
possibilité d’avoir des enfants, puis sur sa capacité de les
porter dans ses bras, de les éduquer, de les conduire vers
leur vie d’adultes. Selon l’âge qui est le sien, cette
question la renvoie plus durement encore à sa relation
avec ses parents et à la fin de la généalogie dont elle était
dépositaire, et donc à la mort programmée de sa famille,
dont elle se sait déjà coupable. Derrière cette question
resurgissent non seulement les images de l’infirmité et du
renoncement à la féminité, mais celles de la monstruo-
Chez l’homme, on sait que le contraste est grand entre l’absence initiale d’érection et les érections intempestives qui vont suivre
dès la fin de la période de sidération médullaire. La première période renvoie explicitement à la régression et à la castration. La
seconde renvoie implicitement à la résurgence d’une bestialité instinctive et qui reste également indifférente au réveil de ses désirs
sexuels.
260
sité, de la tare, images accablantes et qui lui retirent tout
droit à une vie relationnelle normale et à plus forte
raison, à une vie sexuelle. Et si le problème de la femme
idéale était son pouvoir de séduction, alors que lui
resterait-il pour séduire ?
Est-ce dans ce but que beaucoup d’entre elles ont
tendance à attirer le regard de l’autre sur la moitié supérieure
de leur corps, en mettant en valeur la perfection de leur
coiffure, le maquillage de leur visage et le galbe de leurs
seins, tandis que le bas du corps est comme « effacé » par un
jogging couleur de muraille ? S’agirait-il de détourner les
regards de cette laideur en devenant transparentes ? Nous
avons le sentiment que cette façon de s’habiller n’est pas un
masque, mais bien au contraire qu’elles portent sur elles,
comme un vêtement, la souffrance qui les coupe en deux,
une partie comme un leurre, une partie qui repousse. Ces
effets de maquillage du haut du corps leur confèrent le
pouvoir d’attirer, et de repousser ensuite, comme pouvait le
faire sans doute ce que l’on appelait autrefois une tenue de
demi-deuil. Elles passent donc trop facilement pour des
séductrices, alors qu’elles s’immergent ainsi dans leur
solitude et leur culpabilité dont elles ne parlent pas11.
C’est pour cela que la question de la possibilité d’une
grossesse est probablement une manière de placer de
l’amour à l’intérieur de soi, mais aussi parfois, de cesser
d’être une femme.
Conclusion
En choisissant de parler de deux types de troubles
neurologiques, j’ai voulu montrer l’influence considérable que peuvent avoir certaines lésions du système
nerveux sur le comportement sexuel général et sur celui
de la femme en particulier. Dans les lésions cérébrales à
dominante préfrontale, la levée partielle des inhibitions
induit des comportements de provocation sexuelle qui
font partie de la classique moria, mais qui altèrent les
qualités de la vie sexuelle, et donc relationnelle, de la
patiente. Dans les lésions médullaires, la situation
immédiate de dépendance et de régression fonctionnelle
comporte aussi des altérations de la vie sexuelle, que la
levée ultérieure du choc spinal ne fait que souligner.
Mais ces deux types de troubles, qui s’installent dans
un contexte particulièrement traumatisant, ont aussi le
redoutable pouvoir de déstabiliser tout l’entourage de la
patiente :
– les soignants, parce que les troubles sexuels qu’ils
constatent ne sont pas seulement de nature neurolo11
gique, mais qu’ils débordent largement sur la personnalité des patientes et leurs mouvements relationnels,
tandis que la nécessité des soins, leur intimité et leur
répétition pendant de très longues périodes, remettent en
cause la distance subjective entre les patientes et euxmêmes. En effet, dans les lésions de la moelle, les soignants peuvent être sollicités par les patientes pour
obtenir le meilleur résultat possible dans leur préparation à la vie sexuelle. Ils apprennent parfois à leurs
dépens qu’il n’est jamais facile d’intervenir en tant
qu’adultes idéalisés, ou même désirés ;
– mais pour ce qui est des syndromes frontaux,
chaque soignant est concerné de manière très différente,
puisqu’il peut être pris à partie d’une manière qu’il peut
juger vulgaire ou provocatrice, à moins qu’elle ne le
plonge dans le trouble. C’est dire, là encore, que les
limites de la relation de soins doivent être souples et bien
assurées à la fois, afin que cette relation ne perde pas ses
qualités professionnelles tout en demeurant humaine ;
– les proches des patientes sont également déstabilisés,
parce que l’harmonie antérieure des relations est brutalement rompue. Tous les points de fragilité intrafamiliale
réapparaissent et remettent en question les valeurs fondamentales de filiation et de descendance, en particulier entre
la mère et la fille. Il n’est pas rare de constater, soit des
attitudes conflictuelles, soit une désorganisation du système
familial, dont les conséquences vont de l’épuisement moral à
des risques de dislocation difficilement prévisibles et
difficilement rattrapables. C’est en ce sens qu’il me paraı̂t
essentiel non seulement d’informer la famille de la
signification de ces troubles du comportement, mais de
l’aider à sortir d’un mode de relation de type régressif, dans
lequel la mère en particulier risque de se laisser enfermer.
Un tel projet, qui peut être conduit par le neuropsychiatre,
ne peut se réaliser que par un accompagnement éclairé par le
travail de l’équipe de soins.
Enfin, et comme dans tous les grands traumatismes, il
ne faut pas négliger non plus la possibilité de malentendus
ou même de difficultés plus graves entre les familles et
les soignants, en raison de conflits de positions bien
compréhensibles. En effet, il existe toujours des zones de
recouvrement dans les territoires affectifs, lorsque les
enjeux sont de nature sexuelle ou relationnelle.
C’est peut-être à ce niveau, et non pas en tant qu’expert
ou guide, qu’un intervenant extérieur à l’équipe de soins
peut tenir une place de tiers. Son intervention doit
permettre que les positions obscures ou conflictuelles
y soient élucidées et débattues en venant plus directement
Cette brève analyse ne prétend pas tout résumer : s’il existe des schémas « fonctionnels », dont s’occupe plutôt la sexologie, la
place de la sexualité rejoint avant tout l’identité humaine et ses valeurs fondamentales, qui sont d’essence relationnelle et n’ont pas à
en être dissociées. La vie sexuelle de l’homme ou de la femme tétraplégique mériterait une étude à part, ne serait-ce que par
l’absence d’une motricité active, qui la caractérise, qui surcharge la vie inconsciente de fantasmes de pénétration souvent
anxiogènes et qui modifie toute relation à autrui. Pour ce qui est du paraplégique et de sa motricité, l’homme met en valeur la
puissance athlétique de ses épaules. Tandis que la femme ne peut plus mettre en évidence la partie inférieure de son corps, dont les
stéréotypes culturels ont tendance à modifier sans cesse les reliefs et les formes depuis la fin du Moyen Âge.
261
en aide à la famille, à tel ou tel membre de l’équipe, ou à
une patiente en particulier. Il me semble qu’un bon usage
de la neurologie et de la neuropsychologie, mais aussi de
la psychopathologie, doit permettre de soutenir, au sein
des familles comme des équipes, tous les efforts visant à
supprimer les effets de brouillage identitaires et relationnels, provoqués par des lésions neurologiques dont je n’ai
fait qu’évoquer la trame.
Références
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neurologiques. Doin édition, pp 155-74
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politique. Dunod, pp 76-108
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l’homme. Puf éditions, pp 350-3
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territoires communs. Synapse 152: 13-20
6. Grafman J, et al. (1986) The affects of lateralized frontal
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hypometabolism in the depressed state: a confirmation.
Am J Psychiatry 147: 1313-1317
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9. Dardennes R, Leclerc V (1995) Évaluation du sentiment de
contrôle personnel. In: Psychopathologie quantitative.
Masson, pp 220-9
10. Freud S (1914) Pour introduire le narcissisme. In: La vie
sexuelle. Puf éditions, pp 81-105
Pelv Perineol (2006) 1: 262–263
© Springer 2006
DOI 101007/s11608-006-0081-1
FOCUS / FOCUS
Classifications des vessies neurologiques
G. Amarenco
Service de rééducation neurologique et d’explorations périnéales, Hôpital Rothschild, APHP, 33, boulevard de Picpus,
F-75271 Paris Cedex 12, France
En raison de la multiplicité des centres de contrôle et des
voies de conduction répartis dans l’ensemble du névraxe,
de la diversité des lésions anatomiques rencontrée au
cours des pathologies neurologiques et du caractère non
homogène du status urologique dépendant de l’âge (HBP,
ménopause, altération du collagène) et des antécédents
(grossesses, accouchements, interventions), la typologie
des vessies neurogènes peut être infiniment variable.
Mais il est parfois nécessaire de bien les classer afin de
préciser le diagnostic ou l’étage lésionnel en cas de
symptômes mictionnels révélateurs ou d’en évaluer le
pronostic.
Plusieurs types de classification peuvent être pris en
compte.
Classification topographique
Suivant le niveau lésionnel, une typologie particulière,
clinique et urodynamique, peut s’observer, sans qu’aucun des tableaux ne soit spécifique d’un étage donné.
La vessie centrale
La neurovessie centrale est de fait une vessie privée de sa
régulation cortico-sous-corticale de par une lésion
cérébrale (centres mictionnels) ou médullaire (voies de
conduction). Il s’agit en règle générale d’une pathologie
de l’inhibition, les centres mictionnels sacrés s’affranchissant des influx inhibiteurs provenant des centres
sus-jacents. Mais, il ne s’agit pas d’une simple déconnexion
de la régulation suprasacrée, des mécanismes de
réactivation des réflexes archaı̈ques médiés par les fibres
non myélinisées de type C capsaı̈cine sensibles étant
aussi en jeu. La vessie centrale sera en règle, une vessie
hyperactive avec un syndrome clinique d’hyperactivité
vésicale (nycturie, pollakiurie, impériosité, fuites sur
urgence) s’exprimant ou non suivant l’existence d’une
dyssynergie ou de troubles sensitifs associés. En effet
l’existence d’une dyssynergie lisse et/ou striée (très
spécifique des lésions médullaires) peut modifier le
tableau soit en l’enrichissant d’une dysurie caractéristique (mictions fractionnées en plusieurs jets successifs
avec sensation de vidange incomplète), soit en le
réduisant en une rétention complète. Dans la majorité
des cas, l’exploration urodynamique met en évidence une
hyperactivité du détrusor avec contractions désinhibées
pendant la phase de remplissage. L’existence de contractions phasiques est plus en faveur d’une lésion médullaire, la mise en évidence d’une unique contraction
terminale de forte amplitude (« réflexe mictionnel désinhibé ») plus en faveur d’une lésion encéphalique.
Ailleurs, mais bien plus rarement, l’exploration
cystomanométrique met en évidence une hypoactivité
vésicale. C’est par exemple le cas dans la phase initiale
des lésions médullaires traumatiques (choc spinal) ou au
cours de certaines lésions encéphaliques par lésion des
centres activateurs frontaux, pontiques ou cérébelleux.
La vessie périphérique
La neurovessie périphérique est secondaire à une lésion des
voies de conduction périphérique (lésion de la queue-decheval, lésions plexiques ou radiculaires, lésions neuropathiques). Elle s’exprime donc habituellement par une
hypoactivité vésicale. Cliniquement, on note une dysurie
avec ou sans rétention, une altération de la perception du
besoin d’uriner et du passage urétral des urines, et souvent
des troubles anorectaux associés à un type de dyschésie. Le
bilan urodynamique retrouve une hypoactivité avec hypocontractilité et hypoesthésie détrusorienne avec des pressions urétrales souvent basses. Mais une atteinte végétative
associée, en déséquilibrant la balance sympathique-parasympathique, peut totalement modifier ce tableau en
déterminant par exemple une hyperactivité détrusorienne
(dénervation sympathique prédominante). C’est le cas de
nombreuses neuropathies périphériques, telles que le
diabète par exemple.
La vessie mixte
Elle emprunte des éléments à la neurovessie centrale et à la
neurovessie périphérique. C’est par exemple le cas des
lésions du cône terminal où l’on observe une hyperactivité du
détrusor avec hypoesthésie vésicale, hypoesthésie périnéale
et souvent dyssynergie vésico-phinctérienne importante.
263
Classification pronostique
Cette classification est indispensable pour les décisions
thérapeutiques et la fréquence des bilans récurrents. Ce
sont les explorations urodynamiques qui évaluent au
mieux ce risque.
Les vessies à risques
La vessie à risque est une vessie comportant un travail
vésical excessif : régime de pression constamment trop
élevé pendant le remplissage vésical avec : soit contractions phasiques de forte amplitude constante ; soit
pression élevée en plateau soutenu ; soit défaut de
compliance majeur avec tonus vésical très élevé ; soit
hyperpression permictionnelle prolongée sur dyssynergie
vésicosphinctérienne. Le corollaire est souvent un résidu
source d’infections récurrentes, les conséquences une
dégradation de la paroi vésicale et un reflux vésicorénal.
Ces vessies à risques sont le plus souvent des vessies
secondaires à une lésion médullaire (traumatique essentiellement) mais aussi à certaines scléroses en plaques.
Les vessies sans risques
Ce sont les vessies hypoactives, flasques, à grande
compliance si tant est qu’il n’y ait pas de violentes poussées
abdominales pour assurer la vidange.
Les vessies e´quilibrées
Une vessie équilibrée est une vessie à basse pression
pendant le remplissage, qui le reste pendant la miction, et
qui se vide spontanément ou par autosondage totalement,
sans résidu.
C’est le but de toute prise en charge des neurovessies.
Conclusion
Ce type de classification est bien évidemment réducteur.
Il faut noter l’apport des explorations urodynamiques
mais aussi l’absolue nécessité d’en confronter les
résultats avec les données cliniques, radiologiques,
biologiques et endoscopiques.
Pelv Perineol (2006) 1: 264
© Springer 2006
DOI 10.1007/s11608-006-0073-1
ÉDITORIAL / EDITORIAL
Conséquences pelvi-périnéales des abus sexuels
J.-J. Labat
Clinique urologique, Hôtel-Dieu, CHU de Nantes, Place Alexis-Ricordeau, 44093 Nantes, France
Il y a quelques années, traiter des abus sexuels aurait semblé déplacé car ne concernant pas a priori les
praticiens de la pelvi-périnéologie. Depuis, la fréquence considérable des abus et leur caractère universel
ont été démontrés par de multiples études. Les conséquences destructrices d’un point de vue psychologique
ont été mieux analysées, les conséquences psychosomatiques sont maintenant connues. Il nous reste à
intégrer toutes les dimensions médico-psychologiques aux approches thérapeutiques élaborées à partir
d’un symptôme périnéal d’appel. Il n’est en effet plus discutable que les abus sexuels peuvent favoriser
l’apparition de pathologies fonctionnelles périnéales. Les contextes cliniques sont banals : douleur
pelvienne, troubles fonctionnels intestinaux et anisme, dysurie, énurésie secondaire et syndrome
d’hyperactivité vésicale, troubles du comportement sexuel avec perte du désir, vaginisme, chirurgie
pelvienne à répétition... Plusieurs questions se posent.
Dans quelles circonstances doit-on évoquer la possibilité d’un antécédent d’abus sexuel ?
L’abus est parfois (rarement) spontanément révélé, souvent par des patients déjà suivis d’un point de vue
psychologique. Il faut penser à la possibilité d’antécédents d’abus :
– devant une attitude inhabituelle (refus d’examen, croisement irrépressible des cuisses...) à l’occasion
d’un examen gynécologique, urodynamique ou d’une séance de rééducation périnéale – qui sont autant
d’éléments pouvant être considérés comme des facteurs de résurgence ;
– devant des périnées « figés », c’est-à-dire incapables de se contracter mais aussi de se relâcher,
donnant un aspect « pseudo-neurologique ».
– Enfin, quand on ne comprend plus, quand les symptômes sont trop riches.
Faut-il explicitement évoquer cette hypothèse ?
En général non, car cela ne modifierait pas à court terme la prise en charge thérapeutique, qui est celle du
symptôme du moment. Mais il est indispensable de faire comprendre au patient que l’on soupçonne un
passé difficile, des traumatismes physiques ou psychologiques. C’est lui qui choisira le moment et
l’interlocuteur qui lui conviennent pour aborder le problème. Il serait irrespectueux de l’intimité du patient
d’imposer une attitude intrusive.
Et quand nous sommes confrontés à la découverte d’un antécédent d’abus ?
La première erreur serait de ne plus prendre en charge le symptôme d’appel et d’envoyer le patient chez
le psychiatre sans répondre à sa demande initiale. Quand le patient abordera cet aspect des choses, c’est à
nous alors de savoir l’écouter et l’orienter, car un accompagnement psychothérapeutique sera alors
nécessaire, tout en maintenant la prise en charge symptomatique des troubles périnéaux.
Un certain nombre de règles sont cependant à connaı̂tre, notamment concernant nos devoirs vis-à-vis
des mineurs victimes d’abus. Le texte de J. Loriau nous aidera dans ces règles de bonne prise en charge face
à la découverte d’un abus.
Cette revue a pour objectif de sensibiliser et d’aider à mieux prendre en charge ces patients à l’occasion
d’une consultation de douleur pelvi-périnéale (T. Riant), de troubles fonctionnels digestifs (A.-M. Leroi), de
troubles urinaires (M. Le Fort) ou de difficultés sexuelles (B. Audrain-Servillat). Vous verrez qu’il n’y a
pas de dichotomie entre le corps et l’esprit, le présent et le passé. Je remercie tout particulièrement les
différents auteurs d’avoir eu le courage de s’attacher à cette réflexion et d’écrire sur des sujets si peu traités
jusqu’alors.
Pelv Perineol (2006) 1: 265–271
© Springer 2006
DOI 10.1007/s11608-006-0072-2
DOSSIER THÉMATIQUE / THEMATIC FILE
Aspects médico-légaux de la prise en charge
d’une victime d’agression sexuelle
J. Loriau 1 , A. Soussy 2
1
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Service de Chirurgie viscérale et digestive, Hôpital Henri-Mondor, 51, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, 94010 Créteil Cedex
Unité de Consultations médico-judiciaires, Centre hospitalier intercommunal de Créteil, 40, avenue de Verdun, 94010 Créteil Cedex
Résumé : Plus de 23 000 agressions sexuelles et viols sont
commis chaque année en France. Le nombre exact d’actes
commis, sans doute très supérieur, est difficile à évaluer. De
par cette fréquence, tout médecin généraliste ou spécialiste
peut être amené à prendre en charge une victime
de violences sexuelles et doit donc posséder un minimum
de connaissances spécifiques car le médecin assume dans
ces circonstances la double mission de soigner, mais
également, d’aider la victime et la justice à rechercher la
vérité. Nous rappellerons les notions légales utiles dans ces
circonstances et détaillerons les éléments pratiques
de l’accueil, de l’examen et du traitement de la victime de
violences sexuelles.
Mots clés : Agression sexuelle – Viol – Médecine légale –
Secret médical
Medicolegal aspects of treating victims
of sexual assault
Abstract: More than 23,000 sexual assaults and rapes are
committed in France each year. The actual number of sexual
assaults committed every year is probably higher, but
difficult to ascertain. Given this high frequency, every
physician may be required to manage a victim of such
assault at some point. Physicians must have thorough
knowledge of this area to be able to carry out their medical
duties as well as assist in police investigations. Here, we
highlight the major legal considerations and medical
principles in the management of sexually assaulted patients.
Keywords: Sexual assault – Rape – Forensic – Medical
confidentiality
Introduction
Bien qu’ayant connu en 2005 une baisse comprise entre 5 %
et 10 % du nombre d’infractions constatées, le nombre de
viols, harcèlements sexuels et autres agressions sexuelles
avec des chiffres respectifs de 9993 et 13875 [1] (dont 5581 et
9132 sur mineurs) reste une préoccupation majeure des
pouvoirs publics. Cette préoccupation est d’autant plus
forte que les chiffres des plaintes constatées ne reflètent
qu’une partie des agressions et viols réellement commis.
Les acteurs du suivi de ce type de violence rapportent que
seulement un quart des femmes victimes de viol déposent
plainte et, si l’on se réfère à l’enquête [2] portant sur les
violences envers les femmes, menée en 2000, ce sont près
de 50 000 femmes qui auraient été victimes de viol dans
l’année.
Parce que tout médecin, du fait de la fréquence de ces
crimes et délits, peut être confronté à la prise en charge
d’une victime, il est important d’en connaı̂tre les aspects
légaux, les enjeux pour la victime et l’auteur ainsi que les
modalités pratiques de l’examen clinique spécifique et
des traitements que la victime nécessite. Pour le médecin
spécialiste gynécologue, urologue, proctologue, ces
notions sont d’autant plus importantes qu’il constitue,
du fait de sa spécialité, l’interlocuteur privilégié des
autorités de police dans la recherche de preuves. Après
un rappel des notions légales sur lesquelles doit se fonder
la démarche du médecin, nous détaillerons les points clés
de la prise en charge d’une victime d’abus sexuel.
Aspects légaux
Définitions
Une agression sexuelle est définie par « toute atteinte
sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou
surprise » [3].
Est qualifié de viol « tout acte de pénétration sexuelle,
de quelque nature qu’il soit, sur la personne d’autrui avec
violence, contrainte, menace ou surprise » [4].
Le harcèlement sexuel est : « Le fait de harceler autrui
dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle» [5].
Correspondance : E-mail : [email protected] ; [email protected]
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Enfin, la mise en péril des mineurs est « le fait, par un
majeur, d’exercer sans violence, contrainte, menace ni
surprise une atteinte sexuelle sur la personne d’un
mineur de 15 ans » [6].
Peines encourues
Le viol est puni de quinze ans de réclusion criminelle. Cette
peine est de vingt ans lorsque des circonstances portant sur
la victime (vulnérabilité par exemple), l’auteur (ascendant
par exemple) ou le déroulement de l’acte (menace d’une
arme) sont réunies. Cette peine est de trente ans lorsque le
viol a entraı̂né la mort de la victime.
Les agressions sexuelles autres que le viol sont punies
de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende.
Cette peine est de sept ans et de 100 000 € et, dans
certains cas, de dix ans et de 150 000 € en cas de facteurs
aggravants du même type que décrit précédemment [7].
Tout en connaissant ces différences de qualification
d’atteinte sexuelle, le médecin n’a jamais à intervenir
dans la qualification des faits. Le droit est et doit rester
le fait du magistrat : le médecin « ne dit pas le droit ».
Agression sexuelle et secret médical
Le code pénal, dans deux articles 226-13 et 226-14, définit
à la fois ce qu’est pour tout professionnel (et donc pour
le médecin) le secret professionnel, mais aussi les
conditions dans lesquelles le médecin, confronté à des
atteintes à une personne, peut être autorisé à déroger
ponctuellement au secret professionnel.
Article 226-13 : « La révélation d’une information à
caractère secret par une personne qui en est dépositaire
soit par état ou par profession, soit en raison d’une
fonction ou d’une mission temporaire, est punie d’un an
d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. »
Article 226-14 : « L’article 226-13 n’est pas applicable
dans les cas où la loi impose ou autorise la révélation du
secret. En outre, il n’est pas applicable au médecin qui, avec
l’accord de la victime, porte à la connaissance du procureur
de la République les sévices ou privations qu’il a constatés,
sur le plan physique ou psychique, dans l’exercice de sa
profession et qui lui permettent de présumer que des
violences physiques, sexuelles ou psychiques de toute nature
ont été commises. Lorsque la victime est mineure, son accord
n’est pas nécessaire ; [...] Le signalement aux autorités
compétentes effectué dans les conditions prévues au présent
article ne peut faire l’objet d’aucune sanction disciplinaire. »
La loi dégage donc dans des cas précis le médecin
de son obligation absolue de secret concernant l’ensemble
des informations qu’il a pu obtenir dans le cadre de son
exercice. Pour autant, il faut noter que si le médecin est
autorisé à ne pas observer le secret, la loi ne lui fait pas
obligation de dénoncer les faits dont il a eu connaissance.
L’article 434-3 du code pénal qui définit les poursuites
en cas de non-dénonciation de privations, mauvais
traitements..., exclut même les médecins tenus, eux, au
secret des poursuites prévues par ce texte.
Article 434-3 : « Le fait, pour quiconque ayant eu
connaissance de privations, de mauvais traitements ou
d’atteintes sexuelles infligés à un mineur de 15 ans ou à
une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en
raison de son âge, d’une maladie, d’une infirmité, d’une
déficience physique ou psychique ou d’un état de
grossesse, de ne pas en informer les autorités judiciaires
ou administratives est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.
Sauf lorsque la loi en dispose autrement, sont exceptées
des dispositions qui précèdent les personnes astreintes au
secret dans les conditions prévues par l’article 226-13. »
Pour autant, le médecin ne doit pas se réfugier
derrière ces nuances concernant le secret professionnel
pour ne pas agir. Sa mission de médecin, conformément
au code de Santé publique qui inclut le code de
Déontologie médicale (art. R4127-44) reste de faire tout
ce qui est en son pouvoir pour venir en aide à la victime
et il lui faut user de toutes les dérogations que nous
venons d’énoncer pour cela.
Il ne faut d’ailleurs pas oublier qu’aucun texte ne
protège le médecin de poursuites en vertu de l’article
223-6 du code pénal : « Quiconque pouvant empêcher
par son action immédiate, sans risque pour lui ou pour
les tiers, soit un crime, soit un délit contre l’intégrité
corporelle de la personne s’abstient volontairement de le
faire est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000
euros d’amende. Sera puni des mêmes peines quiconque
s’abstient volontairement de porter à une personne en
péril l’assistance que, sans risque pour lui ou pour les
tiers, il pouvait lui prêter soit par son action personnelle,
soit en provoquant un secours. »
Pour alerter les autorités en cas de violences sexuelles
envers un mineur, le médecin dispose du numéro national
119, souvent relayé au niveau régional par une autre
permanence téléphonique 24h/24h. Les parquets disposent
tous d’une permanence avec un magistrat joignable 24h/24h.
En pratique, deux situations peuvent se présenter.
Soit le ou la patient(e) victime se présente indépendamment de toute procédure judiciaire. L’examen est alors
fait à sa demande et elle reste seule dépositaire du secret
médical la concernant. Dans ces circonstances, c’est elle
qui est destinataire du certificat médical descriptif qui
doit lui être remis en main propre. Le certificat
mentionne d’ailleurs cette précision. Si la victime
souhaite être aidée à entamer une procédure judiciaire
(qu’il faut lui conseiller), le médecin doit l’aider dans
cette voie en la conseillant et lui fournissant tous les
documents médicaux utiles.
En l’absence de volonté immédiate du patient d’engager
une procédure judiciaire (auteur connu, conjoint), même
après discussion avec le médecin, il n’est pas de la
responsabilité de celui-ci de faire à l’autorité judiciaire une
quelconque déclaration contre la volonté du patient majeur.
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Dans ce cas, nous conseillons de rédiger le certificat et
d’expliquer au patient qu’il reste à sa disposition dans le
dossier à tout moment si son opinion venait à changer.
Dans le cas où le médecin réalise l’examen à la demande
de la justice, que ce soit sur réquisition ou en mission
d’expertise, le médecin, alors collaborateur occasionnel de la
justice, se trouve, dans l’exercice de sa mission et pour les
termes précis de sa mission, délié du secret médical. Le
médecin peut et doit donc, pour répondre aux questions
posées, utiliser tous les éléments de l’examen qu’il a pu
recueillir. En revanche, tout élément médical qui n’aurait
aucun rapport avec la question posée (antécédent d’épilepsie
ou de sclérose en plaques lors d’un examen sur réquisition
pour suspicion de viol) n’a pas à être mentionné sous peine
d’être potentiellement poursuivi pour violation du secret
médical.
Dans ces circonstances, la propriété des conclusions
médicales de l’examen et du certificat appartient à la
justice. Les documents sont remis à l’autorité requérante
(officier de police judiciaire, procureur de la République). Le certificat mentionne, là aussi, cette spécificité.
On notera enfin que la production d’un certificat
médical ne peut jamais être exigée par la police à une
victime comme préalable à un dépôt de plainte.
Examen du patient victime d’agression sexuelle
Qui ?
L’examen d’une personne victime d’agression sexuelle
nécessite une approche particulière. De par leur proximité avec les victimes, les médecins traitants pourraient
être considérés par celles-ci comme les interlocuteurs
naturels face à de telles violences. Par analogie, certains
médecins spécialistes : gynécologues, urologues, proctologues de par leur compétence technique particulière
pourraient être considérés comme les interlocuteurs de
choix des autorités judiciaires ou par les victimes par
ailleurs suivies habituellement par tel ou tel spécialiste.
L’examen d’une victime d’abus sexuel nécessite
d’allier une prise en charge psychologique immédiate
du traumatisme révélé par la victime, à une approche
technique spécialisée rigoureuse en terme de prélèvements et d’examen car ces constatations pourront
conditionner la manifestation de la vérité.
Afin de favoriser cette approche multidisciplinaire
indispensable, la circulaire n˚97-380 du 27 mai 1997 a créé
les pôles régionaux d’accueil des victimes d’agressions
sexuelles. Ce texte organise l’accueil des victimes d’abus
sexuel dans les structures d’urgence et rappelle les impératifs
tant psychologiques que techniques de la prise en charge.
Elle propose également la création de réseaux régionaux de
spécialistes pour permettre une meilleure disponibilité des
compétences sur l’ensemble du territoire.
Elle nomme des référents régionaux de prise en
charge des victimes d’abus sexuel.
Néanmoins, au quotidien, tout médecin peut être
confronté à la demande de prise en charge d’un patient
victime d’abus sexuel. S’il peut, au mieux, pour cela, faire
appel au pôle régional et orienter secondairement le
patient vers celui-ci, cette option ne doit jamais être prise
par le patient comme un refus d’écoute et de soins qui,
dans ces circonstances serait dramatique. Cette orientation vers un autre praticien ne doit pas non plus conduire,
par un délai supplémentaire ou l’absence de conseils, à
l’altération des preuves biologiques. C’est pourquoi il est
important que chaque praticien et, notamment, le
praticien spécialisé en pelvi-périnéologie connaisse
l’essentiel des éléments de cette prise en charge.
Comment ?
Nous ne détaillerons ici que les grands principes de
l’accueil des patients victimes d’abus sexuel. L’ensemble
des informations précises relatives aux cas particuliers
qui peuvent se présenter est rappelé dans l’ouvrage Le
praticien face aux violences sexuelles, édité par le
ministère de la Santé [8].
Accueil
L’attente du patient doit être au maximum écourtée et la
victime placée dans des circonstances où elle se sente
rassurée et écoutée. Les examens doivent être effectués
en présence d’une tierce personne : infirmière de l’unité
ou autre personne de l’équipe. Le but de l’accueil est
d’initier un climat de confiance propice au dialogue. Le
premier rôle du praticien va être un rôle d’écoute.
Entretien
Le praticien doit se présenter au patient, lui exposer son
rôle, ce en quoi il peut intervenir pour l’aider, dans quel
cadre il agit (mission judiciaire ou non). Certains mots
sont à éviter : « se faire violer », « interrogatoire »,
montrer des doutes envers le récit, dédramatiser...
Le but de cet accueil et de cet interrogatoire va être
d’essayer de définir la situation à laquelle le médecin est
confronté : existe-t-il une urgence médico-légale à la prise
en charge du fait de la proximité de faits ? Pour des faits
intervenus il y a moins 3 jours, l’urgence est avérée
(prélèvement et thérapeutique), pour des faits intervenus
3 à 8 jours plus tôt, il est encore possible de recueillir des
indices, au-delà l’urgence devient plus liée à une éventuelle
prise en charge psychologique d’une victime en détresse
qu’à l’urgence médico-légale qui reste néanmoins à évaluer.
Quel que soit le résultat de cet entretien, et, notamment,
si le patient est dirigé vers une autre structure, des conseils
importants doivent être prodigués : conserver les
vêtements portés pendant l’agression sans lavage dans des
sacs en papier (jamais en plastique), ne pas faire de toilette
avant les prélèvements, il faut conseiller à la victime de
porter plainte sans attendre.
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Examen médical
Interrogatoire
Comme pour tout examen médical, une attention particulière doit être accordée à l’anamnèse. Le récit des faits
précis : circonstances, lieu, nombre d’agresseurs, corpulence, actes réalisés, utilisation d’objets, doit être relevé
sans faire preuve de voyeurisme ni en doutant des propos
rapportés. L’interrogatoire, s’il doit être « policier » à la
recherche des informations, ne doit justement surtout pas
être perçu par la victime comme un interrogatoire de
police. Les propos de la victime seront repris entre
guillemets dans le certificat. Le but est de pouvoir mettre
les faits allégués en rapport avec les éléments cliniques
trouvés ultérieurement. À aucun moment un quelconque
parti pris du médecin ne doit apparaı̂tre dans son certificat.
La recherche d’antécédents doit être soigneuse et
particulièrement orientée vers la sphère génitale : gynécologiques, urologiques, proctologiques, sexuels. Une
rapide évaluation de l’état psychologique dans lequel se
présente la victime doit être possible : stress posttraumatique, troubles des conduites, troubles alimentaires, troubles du sommeil...
Enfin, l’entretien doit permettre au patient
d’exprimer ses plaintes somatiques et psychologiques.
Ces données seront également reprises entre guillemets
dans le certificat.
d’examen, source de lumière froide, appareil photo, spéculum, anuscope, rectoscope, sonde à ballonnet, colposcope...
Il recherche et décrit toutes les lésions traumatiques
précédemment énoncées et les localise (Figs. 1, 2). L’examen
attentif et patient de l’hymen est capital car il peut conduire à
un diagnostic de pénétration. L’hymen est déplissé et
examiné au doigt, il peut être étudié grâce à l’utilisation
d’une sonde à ballonnet gonflée à 10 ml. Il faut connaı̂tre la
grande variabilité physiologique de l’aspect de l’hymen. Les
déchirures traumatiques siègent préférentiellement à 5, 6 ou
7 heures. Il est capital de distinguer les déchirures anciennes
des lésions récentes. L’ensemble de l’examen pourra être
consigné sur un schéma (Fig. 3).
Les femmes jeunes sans activité génitale et les
personnes âgées sont les plus sujettes aux lésions
gynécologiques pendant un viol [9,11].
Attention, là encore, l’absence de lésions n’exclut pas
l’agression sexuelle [12].
Examen clinique
L’examen clinique est un examen général. Il doit être
complet et non uniquement centré sur la sphère génitale. Il
comporte l’examen et la description éventuelle des vêtements portés lors de l’agression qui seront conservés comme
décrit précédemment. Commencer par l’examen général est
d’ailleurs un moyen de mettre la personne en confiance. Cet
examen doit être très patient, il est bien sûr capital qu’il soit
pleinement consenti afin de ne pas être perçu comme un
second viol. Le vocabulaire employé pour la description
d’éventuelles lésions doit être précis et choisi : hématome,
ecchymose, dermabrasion, pétéchies décrivent des choses
différentes. Chacune des lésions doit être mesurée, décrite
dans sa forme et son axe et localisée dans les deux axes du
corps par rapport à des repères anatomiques précis. Le
lecteur doit pouvoir lui-même positionner les lésions
décrites sur un schéma. Les schémas et photos des lésions
peuvent également être d’une grande utilité.
Les lésions générales sont observées plus fréquemment que les lésions génitales [9].
Attention, l’absence de lésions n’exclut pas l’agression
sexuelle [9,10].
Fig. 1. Examen à la sonde de Foley. Déchirure hyménéale récente à 6 heures
Examen génital
C’est un moment délicat de l’examen, compte tenu des
circonstances. Il nécessite un matériel adapté : table
Fig. 2. Examen à la sonde de Foley. Déchirure hyménéale ancienne à 6 et
9 heures
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Dans tous les cas, ces prélèvements doivent être
parfaitement identifiés : site de prélèvement, étiquetage,
numérotés et répertoriés dans le certificat médical. En cas
d’examen sur réquisition, ces prélèvements seront confiés
aux enquêteurs sous forme de scellés. Pour tous ces
prélèvements, le médecin portera une tenue adaptée afin
d’éviter une éventuelle contamination par son propre ADN.
Les protocoles de conservation et de transport des prélèvements seront définis localement avec les laboratoires de
biologie médico-légale.
Prélèvements ADN [8]
Recherche de spermatozoı̈des et identification
génétique sur spermatozoı̈des
Fig. 3. Hymen falciforme. Les largeurs du bord libre (a) et de l’orifice
(b) seront mesurées
Chez l’homme on pratiquera un examen complet de la
verge, du prépuce et du frein, des bourses et du méat urétral.
Examen proctologique
La marge anale sera inspectée et déplissée à la recherche
de lésions. L’anuscopie voire la rectoscopie (sauf pour les
enfants) et le toucher rectal doivent être systématiques, à
la recherche de lésions profondes et pour apprécier le
tonus sphinctérien. Tout doute sur une lésion de
l’appareil sphinctérien sans atteinte muqueuse visible
devra conduire à proposer à distance une exploration par
échographie endo-anale [13]. Il n’y a pas lieu de procéder
à ces examens sous anesthésie générale.
Les violences sexuelles anales constituent un facteur
indépendant de risque de lésions génito-anales en cas
d’agression sexuelle [11].
L’ensemble des observations recueillies sera porté sur
le certificat médical. Si le certificat est établi sur réquisition,
il s’agit alors de répondre aux questions de la mission, toutes
les questions, mais uniquement les questions. Que le
certificat soit établi sur réquisition ou non, il ne s’y trouve
aucune place pour des interprétations, élucubrations sur
l’agression et son déroulement, les auteurs possibles ou pour
l’imaginaire en général. Ce qui est demandé au praticien,
c’est d’user de son sens de l’observation et de fournir des
informations techniques.
Prélèvements médico-légaux
Les prélèvements sont réalisés avec deux objectifs :
– dépister les conséquences médicales de l’agression
chez la victime : MST, grossesse ;
– permettre de fournir des éléments d’identification
de l’agresseur : ADN. Ces prélèvements sont urgents en
cas d’agression récente.
Prélèvement immédiat sans toilette. Ne pas utiliser de
lubrifiant ou d’agent mouillant pour l’examen gynécologique. Prélèvement sur écouvillon type « examen bactériologique ». Faire sécher l’écouvillon complètement avant de
le remettre dans son étui. Transport au mieux à 18˚C ou à
4˚C si indisponible au pire en enveloppe kraft après séchage.
Faire 4 prélèvements pour chacun des sites : bouche,
vulve, vagin, anus, peau.
Recherche d’autres traces d’ADN sur la victime
consécutive à l’agression
Cheveux et/ou poils de l’agresseur, à conserver si
possible avec le bulbe en enveloppe kraft.
Prélèvement à l’écouvillon des traces de morsure de la
victime. Écouvillon humidifié, faire ensuite sécher complètement après écouvillonnage. Mettre en enveloppe kraft.
Prélèvement avec la même technique sous les ongles
de la victime si celle-ci a griffé l’auteur.
Prélèvement de toute trace sur les vêtements de la
victime ou tout autre objet qui a été utilisé par l’agresseur.
Ces vêtements ou objets sont mis en enveloppe papier
après séchage à l’air libre.
L’identification ADN de la victime sera recueillie par
prélèvement de sang ou brossage intrabuccal à la cyto-brosse.
Recherche de toxiques
Ces examens ont pour but de déterminer si la victime a
pu faire l’objet d’une soumission chimique :
– sang : 2 tubes secs pour les toxiques et un pour
l’alcoolémie ;
– Urines : 2 flacons de 30 ml ;
– Éventuellement prélèvement de liquide gastrique si
vomissements (2 flacons).
Préciser au laboratoire les circonstances de la
demande et les produits recherchés : antidépresseurs
tricycliques, barbituriques, benzodiazépines, carbamates, phénotiazines. Les prélèvements doivent être acheminés au plus vite au laboratoire de toxicologie ; ce,
d’autant qu’ils peuvent avoir une implication thérapeu-
270
tique ou judiciaire. En cas d’examen sur réquisition,
effectuer tous les prélèvements en double (contreexpertise possible) et les placer sous scellés.
Examens de dépistage de la victime
Prélèvements locaux
Recherche chlamydiae trachomatis : col/vagin, urètre,
gorge par écouvillonnage sur milieu spécifique. PCR
sur urines. Conservation à 4˚C.
Recherche gonocoque : col/vagin, urètre, gorge, anus
par écouvillonnage sur milieu stuart.
Examen bactériologique standard : col/vagin, urines,
gorge par écouvillonnage et ECBU.
Bilan biologique
Initial : VIH 1 et 2, Ag P24, VDRL, TPHA, HTLV,
Hépatite C, Ag HBs, Ac anti HBc, Ac anti HBs, sérologie
chlamydiae et herpès.
Le bilan sera renouvelé à 15 jours, 1 mois 3 mois et
4 mois en cas d’agression récente et suivant les résultats
initiaux (Tableau I). Si l’agression est plus ancienne, la
nécessité de renouveler les examens sera réévaluée selon
le délai écoulé.
Bilan pré thérapeutique
Si l’agresseur a un statut sérologique positif pour le VIH,
ou si son statut est inconnu, on proposera, après contact
du centre de référence des accidents d’exposition au
risque de transmission VIH, la mise en route d’un
traitement antirétroviral (cf. infra.). Le bilan préthérapeutique comprendra : NFS, plaquettes, ionogramme
sanguin, créatinine, bilan hépatique complet, amylase,
lipase. Il sera renouvelé en fin de traitement (1 mois).
Traitement de la victime
Prise en charge psychologique
Outre sa mission de recherche de preuve, le médecin
reste avant tout dans sa fonction de soins. Dans cette
fonction primordiale de soin, la première mesure
thérapeutique à prendre vis-à-vis de la victime est la
prise en charge psychologique du traumatisme. Parce
qu’il doit l’écouter, le remettre en confiance, essayer de
construire avec elle, sans se substituer à l’enquêteur,
« son » récit des faits, le médecin occupe une place
centrale. Il faut faire preuve de tout son sens clinique
pour déceler les attitudes, les mots explicites ou non qui
peuvent orienter vers des éléments dépressifs, de
détresse psychique, de phobies. Il est également important de recevoir et de dialoguer avec les accompagnants
(parents) [14]. Des médicaments psychotropes peuvent
être prescrits dans les premiers jours afin de surmonter
l’anxiété. On peut recourir en cas de nécessité à
l’hospitalisation. La rencontre avec un psychiatre ou un
psychologue devra toujours être proposée à la victime,
mais jamais contrainte. C’est la victime qui doit pouvoir
décider du moment de cet entretien. De même, la victime
pourra être orientée vers les différentes associations
d’aide aux victimes pour poursuivre la prise en charge.
Prise en charge clinique
Une fois tous les prélèvements faits, on autorisera le
patient à effectuer sa toilette. Toutes les plaies cutanées
ou muqueuses devront recevoir un traitement adapté :
désinfection et soins locaux.
La vaccination antitétanique doit être systématiquement vérifiée et, si nécessaire, une injection de sérum
antitétanique réalisée.
Dans les 72 h suivant une agression sexuelle avec
risque potentiel de grossesse, on prescrira une pilule du
lendemain type Norlevo®, 1 seul comprimé en une prise
ou Tétragynon®, 2 comprimés à 12 h d’intervalle (réaliser
une dosage de -hcg de contrôle à 15 jours). Une patiente
vue entre 3 et 5 jours peut être adressée en service de
gynécologie pour envisager la pose de stérilet à titre
contraceptif.
La prévention des MST sera réalisée par l’administration de azithromycine (Zithromax®), 4 comprimés en
une prise. En cas de risque de contamination par le
gonocoque, on pourra proposer la prise de ofloxacine
Tableau I. Suivi biologique sérologique
1 mois après l’agression
3 mois après l’agression
4 mois après l’agression
Bilan biologique
– VIH 1 et 2 (si doute charge
virale VIH 1), Ag P24
– Si Ac-anti Hbs nég refaire Ag
Hbs et Ac anti HBc
– VHC
– Si initialement nég refaire
Chlamydiae et herpès
– VIH 1 et 2, Ag P24
– HTLV
– VDRL-TPHA
– Si Ac-anti Hbs nég refaire Ag
Hbs et Ac anti HBc
– VHC
– Transaminases
– VIH 1 et 2, Ag P24
– VHC
– Transaminases
Si traitement antirétroviral
en cours
Contrôle VIH à 1 mois de l’arrêt
du traitement. (2 mois de
l’agression)
Contrôle VIH à 3 mois de
l’arrêt du traitement. (4 mois
de l’agression)
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(Oflocet®) 400 mg en une seule prise (risque de
résistance du gonocoque à l’azithromycine).
En cas d’absence de vaccination pour l’hépatite B ou
de doute sur celle-ci, on réalisera après avoir prélevé une
sérologie une injection de vaccin contre l’hépatite B.
Enfin la prévention de la contamination par le VIH
est capitale. Si l’agresseur a été interpelé, il pourra lui
être prélevé, lors de sa garde à vue, y compris contre sa
volonté, un test de dépistage du VIH et des MST (loi sur
la Sécurité intérieure) [15]. On notera que le fait pour
l’auteur de s’opposer au prélèvement est passible d’un an
d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.
En cas de rapport potentiellement contaminant et de
statut sérologique de l’agresseur inconnu ou douteux, il
faut prendre contact d’urgence avec le médecin référent
des accidents d’exposition le plus proche. Celui-ci évalue,
en fonction des circonstances de l’agression, du type de
violences et de l’agresseur, le risque de contamination
et propose éventuellement l’instauration d’un traitement
d’urgence antirétroviral type Combivir + Viracept 250
(après réalisation du bilan, cf. supra). Le médecin
référent pourra assurer le suivi du traitement et sa
réévaluation pendant la période de traitement d’un mois.
Le patient doit être informé des effets indésirables
éventuels de ces médicaments.
Conclusion
Au confluent des problématiques judiciaires et médicales,
la prise en charge des victimes d’abus sexuel est également
le lieu de rencontre de plusieurs spécialités médicales.
Le médecin généraliste, le gynécologue, le proctologue, le
médecin biologiste et bien d’autres peuvent tous par leur
compétences spécifiques être appelés à intervenir dans
cette prise en charge. Parce que l’un des points capitaux
est de permettre un accueil par des praticiens formés et si
possible, pluridisciplinaires, ont été créés des pôles
régionaux d’accueil des victimes d’abus sexuel qui
doivent constituer de véritables réseaux de soin.
Pour autant, tout médecin peut être amené en
situation d’urgence à la demande d’une victime ou des
autorités judiciaires à assurer ce type de prise en charge.
S’il ne peut le faire lui-même, il est de sa responsabilité
de s’assurer que la prise en charge est bien effectuée par
une équipe compétente dans les meilleurs délais.
Un minimum de notions essentielles et un accueil
adapté aux circonstances doivent permettre de rechercher et conserver les preuves nécessaires à la manifestation de la vérité, mais avant tout de ne pas aggraver par
des gestes et des paroles maladroites le traumatisme
majeur qui vient d’être vécu.
Références
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les services de police et les unités de gendarmerie.
(Tome 1) Titre II. La documentation Française, p 39
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Pelv Perineol (2006) 1: 272–280
© Springer 2006
DOI 10.1007/s11608-006-0074-0
DOSSIER THÉMATIQUE / THEMATIC FILE
Douleurs pelvi-périnéales chroniques et antécédents
d’agression(s) sexuelle(s). Quelles conséquences thérapeutiques ?
T. Riant 1 , J. J. Labat 2 , J. Rigaud 2
1
2
UETD M. Bensignor, Centre Catherine-de-Sienne, 2, rue Éric-Tabarly, 44200 Nantes, France
CHU de Nantes, Hôtel-Dieu, Place Alexis-Ricordeau, 44093 Nantes Cedex 1, France
Résumé : Les douleurs pelvi-périnéales chroniques sont
fréquentes, universelles, relativement mal connues. Elles
induisent un coût, pour la société, important. Les agressions
sexuelles représentent un fléau universel et fréquent dans le
genre humain, leurs conséquences sont multiples et souvent
responsables d’une altération majeure de la qualité de vie
ultérieure des victimes. Il semble exister une relation forte
entre antécédents d’abus sexuels et douleurs pelviennes
chroniques. Cette relation semble moins évidente en ce qui
concerne les douleurs strictement périnéales, peut-être en
raison de l’innervation exclusivement sympathique des
organes pelviens. Les conséquences algiques tardives d’un
abus sexuel semblent d’autant plus importantes que l’abus
sexuel a généré un état de stress posttraumatique (ESPT). La
prise en charge de ces patients doit permettre de créer un
espace de sécurité physique et psychologique leur permettant, au moment où ils le désirent, d’aborder cet aspect
de leur histoire. À l’équipe soignante d’être attentive et
suffisamment compétente pour offrir une stratégie thérapeutique adéquate et non délétère. La connaissance d’un
antécédent d’abus ne doit pas conduire à se débarrasser du
patient au profit d’une équipe psy... mais plutôt à intégrer
cette dernière dans le « groupe soignant » afin de donner
une réponse à la plainte initiale du patient : sa douleur. En
outre, la connaissance d’un abus sexuel engendre un aspect
juridique et légal dont il faudra tenir compte, d’autant plus
que les abus peuvent faire partie de l’histoire présente du
patient.
tood. Its cost to society is considerable. Universally and
highly prevalent, sexual assault is a scourge of humanity.
Its consequences are far-reaching and often greatly
reduce the quality of life of its victims for years to
come. There appears to be a strong correlation between
a history of sexual assault and chronic pelvic pain. This
correlation is less evident for strictly perineal pain,
perhaps because of the exclusively sympathetic innervation of pelvic organs. Late-appearing pain related to
sexual assault seems exacerbated by post-traumatic
stress disorder (PTSD) caused by the assault. Management of these patients includes creating a space of
physical and psychological safety that allows them to
confront their history when the time is right. The medical
team must be observant and sufficiently competent to
offer an appropriate therapeutic strategy that does not
cause additional harm. The knowledge of antecedent
sexual abuse must not lead to the patient’s definitive
referral to a mental health team, but rather to integrating
that team into the overall health care team in an effort to
respond to the initial symptom: the pain. Moreover, the
recognition of antecedent sexual assault has legal
ramifications that must be kept in mind, especially
since there is a possibility of ongoing abuse.
Mots clés : Abus sexuel – Agression sexuelle – Douleurs
pelvi-périnéales – État de stress posttraumatique –
Syndrome douloureux pelvien complexe
Introduction
Chronic pelvic/perineal pain and antecedent sexual
assault: what are the therapeutic implications?
Abstract: Chronic pelvic/perineal pain frequently occurs
throughout the general population, yet is poorly unders-
Correspondance : E-mail : [email protected]
Keywords : Sexual abuse- Sexual assault – Pelvic/perineal
pain – Post-traumatic stress disorder – Complex pelvic
pain syndrome
Il est connu depuis longtemps que les agressions
sexuelles peuvent avoir pour séquelles des douleurs
pelvi-périnéales résiduelles [1]. Cette connaissance qui
devrait permettre une meilleure prise en charge des
douloureux est toutefois une arme à double tranchant.
En effet si, dans l’absolu, elle permet d’aborder le patient
dans sa globalité, elle peut, si l’on n’y prend pas garde,
se retourner contre lui [2]. Cette connaissance risque
273
d’autoriser le somaticien à se débarrasser du problème si
l’organicité n’est pas prouvée ou, pire, de permettre une
intrusion dans un passé traumatique, par définition
inamovible, sans pour autant apporter de solution
adéquate.
La dichotomie entre organique et psychologique est
probablement le principal écueil de la prise en charge
des patients douloureux chroniques en général et pelvipérinéaux en particulier. La douleur est par définition
une sensation (désagréable), cette sensation est personnelle, non démontrable, non visualisable par l’imagerie
conventionnelle. Elle est la résultante d’une information
nociceptive qui parvient au cerveau et de son intégration
corticale (qui dépend de l’histoire du patient, de ses
antécédents, de sa culture, en un mot de sa signifiance).
Par définition, les examens complémentaires n’objectivent pas la douleur, ils peuvent à l’occasion permettre
des hypothèses sur l’imputabilité ou la non-imputabilité
de telle ou telle lésion quant au mécanisme, mais cela est
malheureusement tout.
Les preuves sont multiples qu’une même lésion n’est
pas à l’origine d’une douleur identique selon la personne
et, chez la même personne, selon le moment.
Il existe d’authentiques dysfonctionnements nerveux
périphériques à l’origine de douleurs sévères, ellesmêmes à l’origine de comportements pouvant être
considérés comme pathologiques, passant de la notion
de psychosomatique à celle de somatopsychique.
L’exemple le plus frappant dans la sphère qui nous
intéresse est celui des névralgies pudendales avec
imagerie et électromyogramme (EMG) normaux, responsables d’anxiodépression, voire d’hospitalisation en
milieu psychiatrique, et parfois franchement améliorées
par la neurolyse-transposition des nerfs pudendaux [3].
Il semblerait que les traumatismes et les stress
peuvent être à l’origine de douleurs chroniques parfois
très invalidantes.
Il faut d’emblée noter que toutes les agressions
sexuelles n’ont pas pour conséquence des douleurs
chroniques, ou plus largement un syndrome posttraumatique, et que toutes les douleurs chroniques pelviennes « idiopathiques » n’ont pas pour origine un stress ou
un traumatisme antérieur [4].
Il est ainsi possible d’imaginer plusieurs associations
syndromiques : douleurs pelviennes chroniques « idiopathiques » sans notion de contexte « psychique » (sans
pour autant exclure les conséquences psychiques ellesmêmes algogènes telles que la dépression) ; douleurs
pelviennes chroniques « idiopathique » avec notion
d’agressions sexuelles antérieures et éléments en faveur
d’une origine périphérique ; douleurs pelviennes chroniques « idiopathiques » avec possibilité d’agressions
sexuelles antérieures, mais sans éléments en faveur d’une
origine périphérique.
Nous limiterons volontairement notre sujet à l’association de douleurs pelvi-périnéales chroniques et
d’antécédents d’agressions sexuelles. Nous supposerons
donc que ces agressions ont eu lieu. Il ne faut toutefois
pas oublier la possibilité (fréquente dans ce cadre) de
permanence ou de récurrence des abus. Capitale, elle
rappelle que le premier acte thérapeutique est toujours
de sécuriser le moment présent.
Au terme de cette introduction les seules questions
utiles sont :
– l’association douleurs pelvi-périnéales et agression
sexuelle est-elle soupçonnée ? Et si oui : est-il utile de
rechercher un antécédent d’abus sexuel ? Et si oui,
quand, par qui ou dans quelles conditions ?
– Existe-t-il une attitude globale ou une stratégie
thérapeutique face à un douloureux chronique du
pelvis ?
Nous aborderons successivement les problèmes
généraux posés par les douleurs pelviennes chroniques,
les abus sexuels, l’état de stress posttraumatique, les
séquelles douloureuses pelvi-périnéales secondaires aux
abus sexuels, et enfin la prise en charge des patients
douloureux chroniques du pelvis ayant des antécédents
d’abus sexuels.
Douleurs pelviennes chroniques
Aspect épidémiologique des
douleurs pelvi-périnéales chroniques [3]
Les douleurs pelvi-périnéales se définissent plus par la
localisation de la douleur principale que par une
étiologie particulière, ou plus largement un mécanisme
commun. Le caractère chronique, défini le plus souvent
comme évoluant depuis plus de six mois, est à l’origine
de retentissements cognitifs, comportementaux
et sociaux qui font partie intégrante du syndrome.
Ce cadre nosologique, allié à des définitions syndromiques parfois floues (multitudes des termes employés,
absence de certitude d’un lien entre le terme employé
et la physiopathologie supposée, modification des
nomenclatures, dont nous avons l’exemple avec les
classifications des prostatites chroniques remplacées
par les termes « syndrome douloureux pelvien chronique »...), rend difficile la séparation entre douleurs
pelviennes et douleurs périnéales dans les études
épidémiologiques. Cette difficulté est majorée par
l’extrême fréquence des associations syndromiques.
Les douleurs pelvi-périnéales sont fréquentes en
population générale et constituent un enjeu de santé
publique en raison des coûts induits par la consommation médicale (consultations, chirurgies, traitements).
Ainsi, les douleurs pelviennes ont une prévalence de
3,8 % chez les femmes en Angleterre, et on évalue les
coûts directs et indirects cumulés à deux milliards de
dollars par an aux États-Unis. Le syndrome douloureux
pelvien chronique de l’homme (ancienne « prostatite
chronique abactérienne ») présente en fonction des
274
critères diagnostiques retenus une prévalence de 2 à
10 %. Les cystites interstitielles (syndrome de vessie
douloureuse), avec une prévalence de 8-16/100 000 au
Pays-Bas, sont en constante augmentation. Les vulvodynies représenteraient un collectif de 200 000 patientes
aux États-Unis. Le syndrome de l’intestin irritable a une
prévalence qui varie selon les critères diagnostiques
utilisés de 2,6 à 12 % de la population en France [5].
Aspects thérapeutiques
Il serait trop long d’exposer ici toutes les solutions
thérapeutiques. Néanmoins, il convient d’insister sur
l’importance du démembrement clinique qui précède une
prise en charge qui se doit d’être globale. Les cibles
thérapeutiques sont ainsi locales (infiltrations, distension
vésicale, kinésithérapie...), locorégionales et singulièrement périmédullaire (antiépileptiques, antidépresseurs,
antiNMDA, action sur le système sympathique...),
et centrales (antiépileptiques, antidépresseurs, kinésithérapie, thérapies neurofonctionelles).
Ces cibles sont visées simultanément ou consécutivement. Certaines thérapeutiques peuvent agir à plusieurs
niveaux. Ainsi, les infiltrations qui, d’une part confirment
le diagnostic (bloc anesthésique), d’autre part peuvent
être thérapeutiques (bloc corticoı̈de), ont aussi une action
centrale par la validation du caractère local de la plainte
(quand on a mal au périnée, on traite d’abord le périnée).
Agressions sexuelles
Définitions de la maltraitance sexuelle
Le mot maltraitance vient de « maltraiter », « traiter avec
brutalité, rigueur ou inhumanité, brimer, malmener ».
L’OMS, en 2002, définit la maltraitance sexuelle
comme : « L’exploitation sexuelle qui s’appuie sur la
notion d’abus et de ses modalités : abus sans toucher,
abus avec toucher sans violence, attitudes malsaines,
modalités de type passif relevant d’une action ou d’une
absence de protection. »
Le terme d’« abus sexuel », tel qu’il est utilisé dans
la littérature anglo-saxonne, est d’usage difficile en raison de
la notion de tolérance qu’il induit en français. En effet, ce
n’est pas l’acte lui-même qui est excessif, mais les conditions
dans lesquelles il est intervenu et la qualité des acteurs.
Définitions opérationnelles
– Victimisation unique (une seule agression, un seul
agresseur) ;
– victimisation multiple (une seule agression, agresseurs multiples) ;
– victimisation répétée (plusieurs incidents, un seul
agresseur) ;
– revictimisation (plusieurs incidents, plusieurs
agresseurs).
Définition juridique
Elle ne recouvre pas complètement les définitions
médico-sociales dont elle partage néanmoins des éléments constitutifs. L’abus sexuel peut se définir comme
un acte comportant un motif essentiellement sexuel,
imposé à une personne qui n’a pas les moyens moraux ou
physiques suffisants pour le repousser alors qu’elle n’y
consent pas.
Des définitions légales suivent :
– Viol (art 222-23 du code pénal) : Tout acte de
pénétration sexuelle, de quelque nature que ce soit commis
sur la personne d’autrui par violence, menace ou contrainte ;
– agression sexuelle (art 222-22 du code pénal) :
Toute atteinte sexuelle commise avec violence,
contrainte, menace ou surprise ;
– exhibition sexuelle (art 222-32) : Réprimée si elle
est imposée à la vue d’autrui dans un lieu accessible aux
regards du public ;
– harcèlement sexuel (art 222-33) : Défini par le fait
d’harceler en usant d’ordres, de menaces ou de
contraintes dans le but d’obtenir des faveurs de nature
sexuelle, par une personne abusant de l’autorité que lui
confère ses fonctions ;
– atteinte sexuelle sur mineur de 15 ans : Le fait, pour
un majeur, d’exercer sans violence, menace, ni surprise
une atteinte sexuelle ;
– atteinte sexuelle sur mineur de plus de 15 ans non
marié : Atteinte sexuelle sans violence, contrainte ou
menace, ni surprise, lorsqu’elle est commise par un
ascendant ou toute personne ayant autorité sur la
victime.
Les facteurs d’aggravation sont :
– fonction de la qualité de la victime : mineur, déficient ;
– fonction de la qualité de l’agresseur : ascendant,
personne ayant autorité ;
– fonction du modus operendi : associée à la torture,
en groupe, avec usage d’une arme, argent ;
– fonction des séquelles : mort, mutilation, blessure,
lésion.
E´pidémiologie des agressions sexuelles
Le cadre des abus sexuels regroupe une vaste entité. Les
définitions de l’abus sexuel diffèrent donc selon que l’on
se place d’un point de vue légal, médico-psychiatrique,
ou du point de vue de la recherche. La suspicion et la
reconnaissance d’un abus sexuel imposent la prise en
compte de trois dimensions : médicale, sociale, et
judiciaire. La notion de sévices physiques est variable
selon les cultures, et leur importance (gravité) est
appréciée en fonction de ces dernières. Ainsi, l’excision
(dans le cadre des pratiques ethniques) est définie
comme « une pratique coutumière affectant la santé
des enfants et des mères » par l’OMS. On imagine sans
275
peine les délicats problèmes transculturels que cela
engendre. Dans un domaine peut-être moins violent, il
en est de même pour les mariages forcés. Dans ces cas
spécifiques, il est possible (mais absolument non prouvé)
que l’attitude de la communauté qui intègre les victimes
au prix de leur souffrance permette aussi une diminution
de leur besoin en résilience (compris comme une
aptitude au changement, à l’adaptation).
En 2002, en France, selon les sources de l’Observatoire
décentralisé de l’action sociale, 5 900 enfants, sur 20 000
signalés pour maltraitance, ont subi des violences sexuelles.
Quarante-cinq pour cent des violences concernent des
enfants de moins de 9 ans (SNATEM : Service national
d’accueil téléphonique pour l’enfance maltraitée).
Vingt-cinq pour cent des procès d’assises sont
constitués par les incestes, qui représentent 75 % des
agressions sexuelles à l’encontre des enfants et 57 % des
viols sur mineurs.
Onze pour cent des femmes de 20 à 59 ans ont subi
une agression sexuelle (échantillon représentatif de
6 970 femmes), le plus souvent à type de rapport forcé
(57 %) et avant 15 ans (59,9 % pour les attouchements)
[enquête nationale sur les violences envers les femmes en
France NVEFF 2000]. Ces chiffres, qui permettent
d’estimer que 50 000 à 90 000 femmes ont été violées
en France en 1999, sont à rapprocher des statistiques
officielles, qui dénombrent 2 120 viols pour la même
période (ministère de la Justice).
Au Québec, Tourigny et al. [6] rapportent une
prévalence de 14 % de violences sexuelles subies par les
enfants, avec une nette prépondérance féminine.
Les garçons sont eux aussi sujets à des agressions
sexuelles, même si les études permettant d’en chiffrer
l’incidence sont rares. L’incidence allant de 51 % (d’après
une étude téléphonique randomisée portant sur 298 jeunes adultes dans un quartier urbain américain défavorisé) [7] à 3-16 % en population générale [8].
Les abus peuvent survenir à tout âge, y compris dans
la deuxième partie de la vie [9]. Il s’agit d’un phénomène
universel, et les augmentations de fréquence relevées
actuellement sont peut-être plus le fait d’une meilleure
possibilité de prise en charge et d’une évolution des
mentalités.
L’état de stress posttraumatique [2,10]
Une première description de l’état de stress posttraumatique (ESPT ou PTSD en anglais) peut être attribuée à
Hérodote dans ses Histoires à propos d’Epizelos,
combattant athénien qui, lors de la bataille de Marathon,
perdit brusquement la vue lorsqu’il entraperçut un
combattant perse gigantesque qui le frôla pour s’attaquer
à son frère d’arme. Effroi, impuissance, peur, et réaction
inadaptée de stress : ne plus voir.
L’ESPT a été défini par le DSM III, puis par le DSM IV et par
le CIM 10. Il se caractérise par l’association de six critères :
– un événement traumatique ;
– des symptômes de reviviscence ou syndrome de
répétition :
lorsque le sujet revit ou croit revivre la scène
traumatisante lui imposant des agissements adaptés (à la
situation imaginaire) et générant une importante détresse ;
une sensibilité particulière à des signaux déclencheurs de crises : situation similaire, comme, dans le cas
qui nous intéresse, les examens intimes, les interventions
chirurgicales et les douleurs postopératoires ;
des souvenirs intrusifs, ou douloureux, ou flash-back.
– des symptômes d’évitement, comme par exemple
une amnésie de l’événement ;
– une hyperactivité neurovégétative ;
– un critère de durée : supérieure à un mois ;
– un critère lié au handicap, à l’impotence physique
et psychologique induite.
Derrière cette forme typique existent de nombreuses
formes pauci-symptomatiques qui rendent compte de la
multiplicité des formes cliniques.
Selon Kessler, cité dans Psychotraumatologie, évaluation, clinique, traitements [10], la prévalence de l’exposition aux agressions sexuelles est de 2,8 % chez l’homme
et de 12,3 % chez la femme, avec une fréquence d’ESPT
en réponse à l’événement respectivement de 12,2 % et
26,5 %. En ce qui concerne le viol, la fréquence de
survenue de l’ESPT avoisinerait les 50 % (à rapprocher
des 5 % après catastrophe naturelle).
De la même façon, Yehuda, en 2004, cité dans Psychotraumatologie, évaluation, clinique, traitements [10], a
montré que l’apparition d’un ESPT n’est pas simplement
associée à une exposition à un événement traumatique, mais
aussi à l’interprétation de cet événement et au comportement adopté pendant et immédiatement après.
Au point de vue physiopathologique, deux théories
s’affrontent ou se complètent :
– il existe une prédisposition anatomofonctionnelle
pour développer un ESPT ;
– il existe des modifications anatomofonctionnelles
induites par le stress (modification de la taille du cortex
cingulaire antérieur, du corps calleux, de l’hypophyse et
de l’hippocampe entre autres) [11].
Il peut être intéressant de faire formellement le diagnostic
de ESPT/PTSD. Cela permet de normaliser un certain
nombre des symptômes présentés par les survivants. Cette
normalisation, qui présente les symptômes comme des
réactions usuelles à un stress intense et/ou prolongé, autorise
les victimes à mieux en cerner les tenants et aboutissants [2].
Les ESPT peuvent survenir à tout âge, y compris
pendant l’enfance, la guérison survient en moins de trois
mois dans 50 % des cas, persiste au-delà de neuf mois,
voire beaucoup plus, dans 40 % des cas.
Ainsi, FOA et al. [12] rapportent que la majorité des
EPTS régresse spontanément, mais qu’il existe 30 %
d’EPTS persistants, avec une nette prépondérance féminine de 2/1.
276
Cette prépondérance féminine semble être plus en
rapport avec une majoration du risque relatif de viol
et de troubles anxieux préexistants qu’avec une « sensibilité » particulière des femmes à l’EPTS [13].
Par ailleurs, et peut-être surtout dans le cadre qui
nous intéresse, une réactivation des symptômes peut
survenir en réponse à certains éléments rappelant le
traumatisme initial (situations identiques, date anniversaire...) ou à de nouveaux événements traumatiques [14].
Les séquelles pelvi-périnéales douloureuses
secondaires aux abus sexuels
Séquelles liées à l’abus sexuel pouvant être
impliquées dans les douleurs chroniques
Séquelles organiques
Il s’agit de :
– mutilations sexuelles, mais aussi mariage forcé
avec son corollaire de grossesses précoces et d’accouchements houleux ;
– plaies ou dilatations extrêmes responsables de
troubles fonctionnels propres.
Toutefois les séquelles organiques visibles de l’abus
sexuel sont rares. Pour Johnson [8], 96 % des enfants
abusés ont un examen clinique normal.
Séquelles fonctionnelles
Psychiatriques
Ce n’est pas le sujet stricto sensu de l’exposé, néanmoins
les séquelles psychiatriques sont nombreuses, fréquentes
et parfois invalidantes. Allant de « simples » troubles
émotionnels à des troubles de la personnalité plus graves
(borderline, en particulier). Une mention particulière
doit être faite à propos de la dépression, qui est à la fois
une possible conséquence de l’EPTS et une possible cause
de sa récurrence [14].
Sexuelles
Cet aspect sera abordé dans un autre article. Néanmoins, il
faut d’emblée souligner qu’il existe une corrélation entre les
antécédents d’abus et une altération de la vie sexuelle, que
cela soit chez les garçons ou chez les filles[6]. Les
manifestations en sont multiples : compulsion, dyspareunie, anorgasmie, incidence élevée d’antécédents d’abus chez
les prostituées [2], risque élevé de nouvel abus [15],
fréquence des antécédent d’abus chez les abuseurs.
Séquelles douloureuses chroniques
Globales
Association à la fibromyalgie (FM)
Il est rapporté dans de nombreuses études le rôle
favorisant des antécédents d’abus sexuels chez les
porteuses de fibromyalgie. Toutefois, les choses ne sont
pas aussi simples. Ainsi, dans une étude comparant des
femmes souffrant de dépression majeure avec ou non
une fibromyalgie associée, les auteurs ne retrouvent pas
de corrélation entre antécédents d’abus sexuels et FM
(à l’exception des viols). En revanche, il existe une
différence significative de présence de syndrome posttraumatique dans le groupe FM [16].
En revanche, l’association de FM et de douleurs pelvipérinéales chroniques semble être fortement suspecte
d’agression antérieure [17].
Fillingham et al. [18] rapportent, dans une étude portant
sur 110 étudiants avec ou sans antécédents d’abus sexuels
ou physiques (37 % des femmes et 24 % des hommes),
qu’en cas d’antécédent d’abus on ne retrouve pas de
diminution du seuil de la douleur expérimentale, mais une
augmentation de la plainte en rapport avec le stimulus.
Dysfonctionnement du système nerveux autonome
Girdler et al. [19] ont comparé, dans une étude
prospective chez deux groupes de femmes présentant
ou non un syndrome dysphorique prémenstruelle
(PMMD), la réaction au stress en fonction de la phase
du cycle. Les antécédents d’abus sexuels étaient plus
fréquents dans le groupe PMMD (20/28 versus 10/28). Les
patientes victimes d’abus et présentant un PMMD
montraient une adrénalinémie significativement plus
basse que l’ensemble des autres patientes (témoins,
témoins abusés et PMMD non abusées).
La même équipe, dans une étude prospective portant sur
12 patientes porteuses d’un PMMD, retrouve une majoration
de l’effet bradycardisant et antihypertenseur de la clonidine
per os, suggérant que l’antécédent d’abus sexuel modifiait le
fonctionnement du récepteur alpha 2 présynaptique.
Locorégionales [3, 20]
Association avec une hypersensibilité digestive
De nombreuses études rapportent des corrélations entre
antécédents d’abus et colopathie fonctionnelle. Ainsi, A.-M.
Leroi et al. [21], sur une série consécutive de 344 patients
consultants pour des troubles fonctionnels digestifs, retrouvent 40 % d’antécédents d’abus, qu’ils comparent aux 10 %
retrouvés chez les patients souffrant de pathologies
organiques prouvées (cf. article spécifique).
Douleurs pelviennes et périnéales
L’ensemble des auteurs s’accorde à penser qu’il existe
une corrélation forte entre les antécédents d’abus sexuels
et les douleurs pelviennes chroniques [22]. Le consensus
est moins clair en ce qui concerne les douleurs
strictement périnéales.
Ainsi Gordon et al. [23], dans une étude portant sur
428 patientes fréquentant les forums Internet sur les
douleurs vulvaires, retrouvent souvent une comorbidité
277
associée (FM, troubles fonctionnels digestifs, hypersensibilité vésicale), mais ne retrouvent pas de corrélation
avec les antécédents d’abus sexuels.
De même, Dalton et al. [24], dans une étude castémoins comparant des femmes consultant pour des
vestibulodynies (n = 242) et des femmes consultant pour
d’autres problèmes gynécologiques, ne retrouvent pas de
corrélation entre antécédents d’abus sexuels et douleurs
vulvaires.
Enfin, Bodden-Heidrich et al. [25] montrent, dans une
étude qui compare chez la femme douleurs pelviennes
chroniques (n = 106), douleurs vestibulaires (n = 24) et
un groupe témoin (n = 24), une fréquence significativement plus importante d’abus sexuels dans le groupe
douleurs pelviennes chroniques seulement, et de dépression dans les groupes douleurs pelviennes chroniques et
douleurs vulvaires.
Les douleurs pelvi-périnéales chroniques sont possiblement la résultante, de façon non exclusive, de
phénomènes psychiques. Toutefois, l’importance de
l’impotence fonctionnelle induite (position assise, élimination, procréation, plaisir) et les tabous qui sont
attachés à cette partie de notre anatomie font de ces
douleurs d’excellents pourvoyeurs de troubles psychiques divers tels qu’anxiété ou dépression. En d’autres
termes, les douleurs pelvi-périnéales chroniques sont
peut-être des maladies psychosomatiques, elles sont
sûrement des maladies somatopsychiques, et vraisemblablement les deux.
La fréquence et l’universalité du phénomène regroupé
sous le vocable agression sexuelle, son caractère volontiers non mentionné, les contextes culturels en évolution
(changement sociétal de la signifiance de la douleur,
changement sociétal de la signifiance de l’agression
sexuelle), la fréquence du phénomène douleurs pelviennes, les flous qui entourent certaines définitions syndromiques rendent les études difficiles à réaliser et les
biais fréquents.
La gravité de l’abus (pénétration, violence) est un
facteur majorant le risque de douleurs pelviennes
chroniques, autant que la précocité des abus (avant
15 ans), leurs répétitions, ou surtout l’effroi, la sensation
de détresse ressentie au moment des actes délictueux
[26]. Il est bien entendu que la gravité de l’acte majore ce
risque d’effroi et de détresse, et donc le risque d’EPTS.
De façon assez curieuse, le problème des douleurs
périnéales strictes est relativement différent des douleurs
pelviennes strictes, avec un nombre restreint d’études
spécifiques et des études qui ne retrouvent pas les
corrélations attendues.
On peut émettre trois hypothèses :
– des définitions syndromiques floues permettant
d’englober dans les groupes douleurs pelviennes, des
douleurs périnéales. Ces dernières n’apparaissant pas en
tant que telles dans les groupes témoins ;
– des syndromes souvent associés, par exemple hypersensibilité vésicale, névralgie pudendale et colopathie
fonctionnelle, rendant les groupes d’études inhomogènes ;
– une physiopathologie différente faisant intervenir les
systèmes nerveux différents, responsables respectivement
de l’innervation viscérale et de l’innervation somatique :
végétatif et singulièrement sympathique pour les douleurs
pelviennes, et plus somatique pour le périnée (nerfs
pudendal, cutané postérieur de la cuisse, ilio-inguinal et
génito-fémoral). Le stress génère avant tout un dysfonctionnement du système nerveux autonome et peut-être des
sensibilités viscérales. Cette hypothèse, qui reste une
hypothèse, permet d’expliquer entre autres les associations
syndromiques. En outre, elle permet d’expliquer le fait que
les douleurs pelviennes chroniques sont plus souvent
associées à des douleurs diffuses type fibromyalgie que les
douleurs périnéales [26].
La prise en charge d’un patient douloureux
du pelvis et victime d’une agression sexuelle
antérieure
Par-delà l’indispensable analyse sémiologique qui permettra de mieux comprendre les mécanismes sous-jacents
à l’expression du symptôme/maladie douleur chronique,
l’abord d’un douloureux chronique du pelvis comportera
toujours une empathie, une disponibilité, une compréhension qui permettront au patient de se sentir en sécurité
pour exprimer son ressenti et éventuellement son passé.
Cette notion de sécurité du temps présent est essentielle
pour aborder les douloureux chroniques en général et
ceux du pelvis en particulier.
Des mesures spécifiques
La connaissance d’un antécédent d’abus sexuel chez un
patient présentant une douleur pelvi-périnéale chronique
incite à des mesures spécifiques :
– sécuriser le temps présent, ce qui signifie surtout être
apte à recevoir des confidences, être capable de protéger le
patient. Reconnaissance de l’agression comme de la douleur,
reconnaissance des symptômes pour ce qu’ils sont, c’està-dire possiblement un mécanisme de défense inadapté ;
– y penser, reconnaı̂tre la maltraitance, accueillir,
orienter, traiter, prendre en considération la souffrance
du patient tout au long du parcours, ainsi que celle de son
entourage (conférence de consensus novembre 2003) [1] ;
– ne pas considérer le patient agressé comme
uniquement une victime mais comme un patient. À la
manière de ces femmes citées par Y. Dolan : « Le viol,
c’est ce que j’ai vécu, pas ce que je suis » [2] ;
– ne pas oublier que si les symptômes douloureux sont,
pour partie, l’expression d’une hypersensibilité à la douleur
ou d’un seuil nociceptif bas (colopathie fonctionnelle,
fibromyalgie), une authentique pathologie organique peut
278
s’exprimer par une douleur, peut-être même de façon plus
précoce ou plus intense qu’habituellement ;
– évaluer l’ESPT au moyen d’échelles spécifiques validées comme le MINI (mini international neuropsychiatric
interview french version). Il s’agit d’un entretien structuré
comportant plusieurs modules explorant entre autres les
diagnostics de dépression majeur, d’anxiété généralisée et de
syndrome de stress posttraumatique, qui peut être utilisé de
façon aisée au prix d’une formation courte [27] ;
– considérer que les phénomènes d’hypersensibilisation s’autoentretiennent, voire peuvent s’autonomiser,
à l’image du deutoneurone de la corne postérieure de la
moelle soumis à de trop fortes stimulations. Il devient
ainsi aisé de comprendre que traiter la « cause » de la
douleur, psychique ou somatique, peut être insuffisant
pour diminuer la souffrance du patient. Se focaliser
exclusivement sur l’aspect psychiatrique peut revenir à
laisser le renard dans le poulailler.
Plusieurs thérapeutiques spécifiques peuvent ainsi
s’appliquer pour la prise en charge de l’agression
sexuelle. Elles ont fait l’objet d’écrits et de publication
remarquables [1,2].
Les principes
Ils sont :
– sécuriser le temps présent ;
– reconnaı̂tre le traumatisme ;
– reconnaı̂tre le statut de victime sans résumer la
personne à ce statut ;
– redonner une part de contrôle au patient ;
– éviter les situations pouvant être des starters pour
réactiver des situations antérieures :
perte de contrôle (allongée, nue, sur une table
d’examen...) [28] ;
les agressions (examen brutal...) ;
autres inconnues odeurs, bruits...
Les moyens principaux
Ils sont, outre une indispensable attitude d’ouverture et
d’empathie :
– les traitements médicamenteux,
– les thérapies sont nombreuses et concernent 15
molécules et 9 classes thérapeutiques (pour les études
randomisées en double aveugle). Les principales classes
thérapeutiques recommandées sont :
les antidépresseurs :
– tricycliques et IMAO, qui ne font plus partie des
recommandations dans cette indication,
– inhibiteurs spécifiques de la recapture de la
sérotonine en première intention ;
les antiépileptiques, carbamazépine, topiramate,
gabapentine.
– Les abords psychothérapiques :
Ils sont nombreux, efficaces. Il faut noter que
certaines techniques (hypnose) souffrent du fait que la
méthodologie classique (double-aveugle, randomisation,
Tableau I. Les différents niveaux de preuve des abords
psychothérapiques, selon les Recommandations de l’ANAES
Techniques thérapeutiques
Thérapie
Thérapie
EMDR
Hypnose
Thérapie
Thérapie
cognitivo-comportementale
psychodynamique
familiale
de groupe
ANAES
A
B
A/B
C
E
C
interpersonnalité) est peu applicable dans leur domaine.
En voici les différents niveaux de preuve selon les
recommandations de l’ANAES (Tableau I).
– L’aspect judiciaire :
Il apparaı̂t nécessaire, dans le cadre du grand bouleversement émotionnel que constitue la révélation d’une
maltraitance sexuelle, que les réponses soient clairement
organisées, clairement différenciées (médicale et judiciaire).
La conférence de consensus de psychiatrie opte pour une
prise en charge somato-psycho-psychiatrique précédant
autant que faire se peut la prise en charge judiciaire [1].
Prise en charge globale
Il existe, malgré les doutes exprimés plus haut, une
corrélation forte entre les antécédents d’abus sexuels et
les séquelles douloureuses pelviennes [22], sans que l’on
ait apporté la preuve de cette relation dans le cadre des
douleurs strictement périnéales. Cette relation est
complexe et fait probablement intervenir des mécanismes variés qui s’intriquent entre eux. Il est fréquent que
s’associent aux douleurs pelviennes d’autres symptomatologies (colopathie fonctionnelle, fibromyalgie, syndrome posttraumatique, conduite addictive, vie sexuelle
et sentimentale perturbées) en cas d’antécédents d’agressions sexuelles, et les traitements devront donc aborder
tous ces aspects symptomatiques.
Il est probable que les douleurs chroniques en relation
avec une agression sexuelle soient plus en rapport avec le
syndrome de stress posttraumatique induit qu’avec l’acte
lui-même.
La prise en charge de telles situations est par nature
complexe :
– que cela soit dans la relation médecin-malade, où la
discrétion du praticien, son désir d’éviter les intrusions
inopportunes le disputent à l’impérieuse nécessité du
respect des droits de tout patient à être protégé, à être
soutenu, à maintenir son intégrité physique et psychique ;
– que cela soit dans le cadre d’un travail médical
transdisciplinaire (organicien, algologue, psychiatre, et
plus largement équipe soignante), dont la difficulté de
mise en place est réelle et majorée par l’actuelle
nomenclature des actes médicaux. Ces consultations
demandent du temps et de la sérénité, à la manière du
problème des migraines et des céphalées, qui constitue
279
lui aussi un enjeu de santé publique et est responsable
d’importantes altérations de la qualité de vie [29] ;
– que cela soit dans le cadre du nécessaire travail
global (médical, social, judiciaire).
Conclusion
Le patient qui présente une douleur pelvi-périnéale
chronique ayant des antécédents d’abus sexuels formule
une demande précise : la résolution de sa douleur. La
notion d’abus sexuel ne changera pas, à court terme, la
prise en charge de la plainte du patient.
Ainsi, la plainte douloureuse du patient doit être
toujours au centre du débat. La thérapeutique qui validera
cette plainte pourra diminuer les facteurs d’accentuation
de la pathologie et autorisera peut-être une prise en
charge spécifique des conséquences de l’agression
sexuelle. À l’image du traitement du syndrome douloureux régional complexe (algodystrophie), le but est la
restauration de la fonction, et le moyen premier la
diminution de la symptomatologie douloureuse.
L’acceptation de l’aide psychothérapique prend du
temps, et seul le patient est apte à savoir quel est le prix
à payer pour réussir ce traitement. Il est donc maı̂tre
du moment de la révélation, et de l’acceptation du
traitement [20]. À charge pour le médecin référent, ou
l’équipe référente, ou le réseau référent d’être attentif,
ouvert et disponible pour l’accompagner et lui proposer
les solutions thérapeutiques adaptées au moment
ad hoc.
La validation du caractère local de la plainte initiale,
son traitement spécifique (exemple : infiltration) permet, outre son intérêt thérapeutique propre (cf. supra),
que le patient soit entendu et respecté dans sa demande.
Cette compréhension, qui s’étend au cercle sociofamilial proche, crée un climat propice pour aborder
toutes les solutions permettant au patient d’améliorer sa
situation actuelle, y compris les possibles conséquences
d’un acte(s) stressant(s) antérieur(s).
Cette attitude permet de proposer au patient une
prise en charge psychiatrique complémentaire et associée
aux autres moyens thérapeutiques, au moment où il le
souhaite, où il peut l’assumer. Et non pas en dernier
recours, lorsque les organiciens constatant leur impuissance énoncent l’accablant verdict : « On a tout essayé,
allez voir un psychiatre. »
Il paraı̂t illusoire et peut-être dangereux de penser
qu’un seul individu puisse assumer le diagnostic, et les
traitements optimaux (somatique et psychique) [2].
Les agressions sexuelles constituent un phénomène
fréquent dans nos sociétés, leurs conséquences douloureuses représentent un enjeu de santé publique en raison
de l’importance des impotences fonctionnelles induites.
Au niveau médical, elles imposent une organisation
complexe, qui ne peut fonctionner sans la participation
active et volontaire des principaux acteurs.
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DOI 10.1007/s11608-006-0075-z
DOSSIER THÉMATIQUE / THEMATIC FILE
Les troubles fonctionnels ano-rectaux après abus sexuel
A.-M. Leroi
Groupe de recherche sur l’appareil digestif, ADEN, Centre hospitalo-universitaire de Rouen, Charles-Nicolle, 76031 Rouen
Résumé : Les antécédents d’agression sexuelle sont très
fréquents chez les patients souffrant de troubles fonctionnels intestinaux. Lors de la prise en charge des
patients, il est important de ne pas méconnaı̂tre un tel
antécédent car :
– découvrir un antécédent d’agression sexuelle permet de mieux comprendre la problématique du patient,
de démasquer des symptômes « demande d’aide » et
d’orienter sa prise en charge vers des thérapies plus
adaptées telles que les thérapies comportementales ;
– cela permet de limiter l’importante consommation
de soins observée très fréquemment chez ces patients.
L’existence d’un anisme, et/ou d’une commande volontaire périnéale absente, et/ou d’un trouble de la
sensibilité rectale (alors qu’il n’existe aucune lésion
anatomique ou neurologique) à la manométrie anorectale, chez des patients souffrant de constipation
associée à des douleurs abdominales et ayant de
multiples antécédents médico-chirurgicaux, doit amener
le médecin à se poser la question d’un antécédent
d’agression sexuelle. Chez ces patients, les thérapies
comportementales telles que le biofeedback offrent une
opportunité thérapeutique aidant le patient à faire le lien
entre le passé et les symptômes présents.
Mots clés : Abus sexuels – Anisme – Troubles fonctionnels intestinaux
anismus, the loss of voluntary contraction of the anal
sphincter, or a rectal sensation disorder (when there are
no anatomical or neurological lesions) revealed by
anorectal manometry in patients with constipation
associated with abdominal pain and who have numerous
medical-surgical antecedents must lead the examining
physician to determine if there is antecedent sexual
abuse. In the case of gastrointestinal disorders related to
sexual abuse, behavioural therapies, such as biofeedback,
offer a therapeutic opportunity to help the patient
establish links between the present symptoms and the
past.
Keywords: Sexual abuse – Anismus – Gastrointestinal
disorders
Introduction
Plusieurs études ont souligné l’importance des facteurs
psycho-sociologiques non seulement dans la survenue de
troubles fonctionnels intestinaux, mais également dans
leur sévérité et leur évolution [1]. Parmi ces facteurs, les
événements de vie tels que le deuil, les difficultés
conjugales ou professionnelles, mais également les
antécédents d’agression physique ou sexuelle, sont les
plus fréquemment rencontrés.
Anorectal functional disorders subsequent
to sexual abuse
Quelle fréquence des abus sexuels chez les
patients avec des troubles fonctionnels
intestinaux (TFI) ?
Abstract: Sexual abuse is very often observed in patients
with gastrointestinal disorders. It is important to follow
up on such antecedents because:
– discovering antecedent sexual abuse makes it
possible to gain better understanding of the patient’s
condition, uncover ‘‘cries for help’’, and direct the
patient towards more appropriate treatments, such as
various behavioural therapies; and
– it can reduce the significant health care utilisation
observed among these patients. The existence of
Drossman et al. [2] ont rapporté les premiers en 1990,
l’importance des abus sexuels parmi les événements de
vie rencontrés chez les patients souffrant de TFI
(ballonnements, douleurs abdominales, troubles du
transit...) : plus de 40 % des patientes interrogées
souffrant de TFI rapportaient des antécédents d’attouchements sexuels, de menace de viol ou de viols. Ces
résultats ont été confirmés par des études ultérieures
effectuées aux États-Unis [3] puis au Canada [4]. Aux
États-Unis, l’envoi systématique de questionnaires a
Correspondance : E-mail : [email protected]
282
permis de démontrer que la fréquence des antécédents
d’agression sexuelle était deux fois plus élevée chez les
patients souffrant de TFI que chez ceux n’en souffrant
pas (50 % versus 23,3 %) [3]. Au Canada, une enquête
effectuée auprès de 344 patientes par un interrogatoire
standardisé a montré une prévalence de 40 % [4]. Enfin,
la même prévalence a été retrouvée en France [5]. Les
antécédents d’agression sexuelle concernent essentiellement les pathologies fonctionnelles digestives puisqu’ils
sont trois à quatre fois plus fréquents en cas de
pathologie digestive fonctionnelle qu’en cas de pathologie organique [4].
Toutes ces études démontrent une prévalence élevée
des antécédents d’agression sexuelle chez les patients
souffrant de TFI vus par des gastro-entérologues dans
des centres tertiaires spécialisés. On peut se demander
s’il n’existe pas un biais de recrutement dans ces
différentes études, lié, par exemple, à un investissement
prédominant dans la pathologie fonctionnelle ou à une
approche particulière de la prise en charge des TFI dans
des centres hyperspécialisés. Cela ne semble pas être le
cas puisque l’étude canadienne montre la même prévalence des antécédents d’agression sexuelle chez des
patients interrogés dans un centre spécialisé universitaire et dans un cabinet libéral de gastro-entérologie [4].
Quelles sont les pathologies fonctionnelles digestives
les plus concernées par ce type d’antécédents ? Parmi les
symptômes fonctionnels, les TFI s’accompagnent 4 fois
plus souvent d’antécédent d’agression sexuelle que les
pathologies fonctionnelles digestives hautes telles que le
reflux gastro-œsophagien ou la dyspepsie [4]. Un lien
entre dyspepsie et antécédents d’agression sexuelle a
cependant été établi par Talley et al. [3] qui ont observé
deux fois plus d’antécédents chez les patients dyspepsiques (42 %) comparés aux autres (21,4 %). Des
antécédents d’agression sexuelle ont également été
retrouvés de façon fréquente chez les patients consultant
pour reflux gastro-œsophagien, mais chez un nombre
limité de patients [6]. Dans notre pratique, il semble que
les antécédents d’agression sexuelle sont beaucoup plus
fréquents en cas de TFI qu’en cas de dyspepsie.
Pourquoi rechercher un antécédent d’agression
sexuelle ?
Connaı̂tre l’existence d’un tel antécédent a deux justifications. La première raison est la responsabilité potentielle de l’antécédent dans la genèse des symptômes, ce
qui influencera la prise en charge des patients. Bien qu’il
ne soit pas facile de démontrer une relation entre les
antécédents d’agression sexuelle et les TFI, il est
raisonnable de penser que l’antécédent d’agression
sexuelle contribue à la survenue des TFI, lorsqu’il existe
une relation chronologique entre la survenue de l’antécédent et l’apparition des symptômes. La deuxième
raison qui devrait conduire à rechercher cet antécédent
d’agression sexuelle, est la multiplication des investigations
invasives et des actes chirurgicaux chez les patients victimes
d’agression sexuelle [7]. Il ne s’agit pas de suggérer que la
notion d’agression sexuelle devrait remettre en cause le
bien-fondé des indications des explorations et de la
chirurgie chez les patients. Cependant, une fréquence élevée
d’examens et d’actes chirurgicaux chez un même patient
souffrant de TFI doit éveiller l’attention du médecin. Hormis
ces deux raisons qui peuvent conduire à rechercher un
antécédent d’agression sexuelle, la persistance des consultations en dépit d’une amélioration symptomatique peut
rendre attentif à une telle éventualité. Un temps de transit
des marqueurs peu perturbé, en dépit d’une plainte de
constipation très sévère, peut également éveiller l’attention.
En quelque sorte, les victimes d’agression sexuelle peuvent
se présenter comme de « faux malades » (ils n’ont strictement rien !), mais comme de vrais patients réclamant une
aide. Découvrir un antécédent d’agression sexuelle permet
d’éviter une incompréhension et de rétablir un climat de
confiance dans la relation médecin-malade.
Existe-t-il des signes cliniques évocateurs
d’antécédents d’agression sexuelle ?
Les douleurs abdominales sont observées chez environ
75 % des patients avec TFI ayant des antécédents
d’agression sexuelle [4]. Mais elles ne sont pas significativement plus fréquentes comparés aux patients ayant
des TFI sans antécédent d’agression sexuelle. Au
contraire, les douleurs pelviennes, bien que plus rares
en cas d’agression sexuelle (16 %), sont plus fréquentes
qu’en l’absence d’antécédent (6 %) [4]. Cela peut peutêtre expliquer la prévalence élevée des hystérectomies
chez ces patientes.
Les troubles du transit sont significativement plus
fréquents en cas d’antécédents d’agression sexuelle,
qu’en l’absence de cet antécédent [4]. La constipation
est le symptôme le plus fréquent, parfois sévère, avec des
ralentissements objectifs du temps de transit des
marqueurs supérieur à 120 heures. La constipation
s’accompagne parfois de ballonnements abdominaux
très importants. La diarrhée est moins souvent rapportée
que la constipation, mais comme la constipation, elle est
plus fréquente en cas d’antécédent d’agression sexuelle
qu’en l’absence d’antécédent [4]. Elle s’accompagne
parfois d’incontinence, sans que la fréquence de ce
dernier symptôme ne soit différente en fonction de la
présence ou non d’antécédent d’agression sexuelle.
Des symptômes autres que ceux rapportés aux TFI, tels
que l’asthénie, les céphalées, les douleurs dorsales et
thoraciques, les problèmes oculaires, sont également plus
fréquemment rapportés chez les patients en cas d’antécédent d’agression sexuelle qu’en l’absence d’antécédent [7].
Sur le plan psychiatrique, l’évaluation systématique faite
par le psychiatre consultant de notre groupe n’a jamais mis
en évidence de pathologie psychiatrique, mais révélé un
283
niveau d’angoisse important dans la majorité des cas,
amenant à la prescription d’un traitement adapté.
Existe-t-il des anomalies physiologiques
évocatrices d’antécédents d’agression sexuelle ?
Parmi les anomalies physiologiques les plus fréquemment rencontrées chez les patients présentant des
antécédents d’agression sexuelle, on retiendra :
L’anisme
C’est-à-dire une contraction paradoxale du sphincter
anal externe pendant les efforts de défécation, confirmée
à plusieurs reprises. Le diagnostic peut être fait à l’aide
d’une manométrie ano-rectale ou d’un électromyogramme du sphincter anal. L’anisme s’accompagne
fréquemment d’une diminution d’amplitude des réflexes
recto-anaux inhibiteurs, due à une contraction striée
concomitante. Dans notre expérience, tout patient
souffrant de TFI et présentant un anisme n’a pas
forcément été victime d’agression sexuelle, mais les
patients victimes d’agression sexuelle et consultant pour
TFI présentent de façon très constante un anisme [8].
Absence de contraction volontaire
En dehors de l’anisme, nous avons observé une absence
de contraction volontaire du sphincter anal externe,
malgré une échographie endo-anale normale et des
examens électrophysiologiques du périnée normaux. La
contraction volontaire réapparaissait après biofeedback
et psychothérapie [9].
Troubles de la sensibilité rectale
Des troubles de la sensibilité rectale ont également été
observés, de façon transitoire, comme pour l’absence de
contraction volontaire.
La mise en évidence de ces anomalies est utile au plan
physiopathologique. En effet, l’anisme et le trouble de la
sensibilité rectale peuvent contribuer à expliquer la
constipation. L’absence de contraction volontaire peut
rendre compte d’une incontinence anale. Mais dans ce
contexte particulier, ces anomalies paraissent surtout
offrir la possibilité de proposer une prise en charge
somatique aux patients en attendant qu’ils soient prêts
à envisager une prise en charge psychologique [10].
Quelle prise en charge ?
Parce qu’il paraı̂t évident que l’existence d’un antécédent
d’agression sexuelle chez des patients présentant des TFI
nécessite une prise en charge psychologique, le médecin,
qui a connaissance de cet antécédent, propose souvent
d’emblée une prise en charge par un psychiatre ou
psychologue. Il se heurte très souvent à un refus du
patient. Selon les cas, il peut s’agir d’un refus du lien
entre agression sexuelle et symptômes ou d’un refus de
la souffrance que va provoquer la réémergence de
l’agression sexuelle que les patients ont souvent passé
des années à « oublier ». Le médecin se retrouve alors
devant une situation paradoxale. Il a mis en évidence
l’élément majeur à traiter pour aider le patient (l’antécédent d’agression sexuelle), il sait que l’amélioration
passera par une psychothérapie, mais il doit attendre que
le patient soit prêt à l’entendre. Des traitements tels que
le biofeedback anal vont permettre à certains patients
de sortir de cette impasse thérapeutique [10]. Chez des
patients présentant des troubles fonctionnels intestinaux
et ayant été victimes d’agression sexuelle, la présence
d’un anisme va permettre de proposer un biofeedback
qui sera, le plus souvent, parfaitement accepté par les
patients car il constitue une réponse somatique (correction d’une anomalie manométrique) à une plainte
somatique (la constipation). Le biofeedback va consister
à effectuer une rééducation périnéale de l’anisme à l’aide
d’un signal visuel. Mais, dans ce contexte, le biofeedback
se rapprochera surtout d’une thérapie comportementale.
L’anomalie devient le signal physiologique vecteur d’une
communication non verbale en attendant que la psychothérapie soit acceptée.
Conclusion
Les antécédents d’agression sexuelle sont fréquents chez
les patients consultant pour TFI. Il ne faut pas croire que
la connaissance d’un tel antécédent chez un patient
transforme radicalement la prise en charge. La connaissance d’un tel antécédent retentit sur la relation
médecin-malade, car les symptômes doivent alors être
considérés comme une demande d’aide. Mais l’acceptation d’une prise en charge psychologique après la
révélation d’un antécédent d’agression sexuelle demande
du temps.
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© Springer 2006
DOI 10.1007/s11608-006-0076-y
DOSSIER THÉMATIQUE / THEMATIC FILE
Troubles vésico-sphinctériens et abus sexuel
M. Le Fort 1 , J.-J. Labat 2 , J. Rigaud 2
1
Service de Médecine physique et de Réadaptation neurologique ;
44093 Nantes Cedex
Résumé : Les patients ayant subi un abus sexuel peuvent
présenter des troubles vésico-sphinctériens apparaissant
dans les suites immédiates de celui-ci, mais également
parfois plus tard. Devant des troubles urinaires un peu
inhabituels, il faut savoir penser à la possibilité d’antécédent d’abus. L’existence d’un lien de causalité repose
sur le suivi des patients, sur les enquêtes de fréquences des
troubles selon les populations abusées et les populations
de références et sur l’histoire personnelle de chaque
patient. Les symptômes cliniques en cause peuvent
paraı̂tre banals, certains sont plus évocateurs (énurésie
secondaire, symptômes d’hyperactivité vésicale, rétention
urinaire...) mais c’est surtout le contexte général (état de
stress posttraumatique) et symptomatique (association à
une encoprésie chez l’enfant, pseudo-dyssynergie vésicosphinctérienne...) qui attire l’attention. Globalement,
le contexte peut être celui d’un syndrome de « fermeture » : dysurie, rétention, encoprésie, vaginisme, ou celui
d’un syndrome « émotionnel », de stress, de désinhibition avec un syndrome d’hyperactivité vésicale, des
troubles fonctionnels intestinaux, un syndrome fibromyalgique, pouvant même parfois prendre le masque
d’une vessie neurologique. La prise en charge thérapeutique n’est pas codifiée, mais reste avant tout symptomatique du trouble vésico-sphinctérien. La prise en charge
psychothérapeutique spécifique ne peut être proposée
que lorsque le patient y est prêt et le rôle du thérapeute
est donc de lui suggérer les liens possibles et les
possibilités d’un accompagnement thérapeutique.
Mots clés : Abus sexuel – Syndrome de Hinmann –
Troubles vésico-sphinctériens
Bladder-sphincter dysfunction and sexual abuse
Abstract: Patients who have experienced sexual abuse can
present with bladder-sphincter dysfunction immediately
after the abuse, as well as at a later time. When
confronted by somewhat unusual urinary disorders,
physicians must evaluate the possibility of antecedent
Correspondance : E-mail : [email protected]
2
Service d’Urologie, CHU de Nantes, 85, rue Saint-Jacques,
sexual abuse. Uncovering the existence of a causal link
depends on patient follow-up, assessment of the frequency of disorders according to the abused and
reference populations, and the personal history of each
patient. Although clinical symptoms may appear
common and non-serious, certain elicit more concern
(secondary enuresis, overactive bladder, urinary retention, and so on). Most importantly, however, it is the
overall context (post-traumatic stress disorder) and
symptoms (association with childhood encopresis and
pseudo-bladder sphincter dyssynergia, for example) that
should spark attention. Overall, the context can be a
‘‘closure’’ syndrome: dysuria, retention, encopresis,
vaginismus, a psychological syndrome, stress, disinhibition accompanied by overactive bladder, intestinal
disorders, fibromyalgia syndrome, or sometimes even
neurogenic bladder. Therapeutic management has not
been codified, but remains symptomatic of bladdersphincter dysfunction. Special psychotherapy must only
be pursued when the patient is ready, and the role of
the therapist must, therefore, be to suggest possible links
and determine a therapeutic approach.
Keywords: Sexual abuse – Hinman syndrome –
Bladder-sphincter dysfunction
Introduction
La fréquence des abus sexuels, bien connue actuellement,
fait qu’il est toujours difficile d’établir un lien entre des
troubles vésico-sphinctériens que l’on pourrait considérer comme banals et la découverte d’un antécédent
d’abus. Les troubles urinaires constatés dans les suites
immédiates d’un abus témoignent de l’état de stress
posttraumatique induit, leur persistance ou leur résurgence seront des motifs de consultations ultérieures.
La prise en charge sera fonction du contexte : suivi
d’un patient abusé, patient présentant un trouble urinaire déroutant et inexpliqué, comportement général du
patient.
286
L’existence d’un lien entre trouble
vésico-sphinctérien et antécédent d’abus sexuel
Les enfants victimes d’abus sexuels sont susceptibles de
présenter des troubles vésico-sphinctériens secondaires.
Le suivi de 150 de ces enfants [1] montre que 14 % des
120 filles se plaindront de troubles vésico-sphinctériens
divers, 28 % des garçons présenteront une énurésie, ce
qui semble beaucoup plus significatif.
Davila [2] compare deux populations, un groupe de
femmes abusées sexuellement et un groupe-témoin du
même nombre de femmes. L’âge moyen des femmes abusées
tend à être inférieur (41,5 ans +/– 9.1) par rapport à celui du
groupe-témoin (47,8 ans +/– 18,5). Il n’existe pas de
différence de parité entre les deux groupes. Parmi les
femmes abusées, 72 % rapportent une expérience d’incontinence urinaire contre seulement 22 % parmi les femmes
non abusées ; des phénomènes rétentionnistes (bas débit,
perceptions de plénitude vésicale...) sont également plus
fréquents dans le groupe des femmes abusées.
D’autres types d’abus, comme les abus physiques ou
le harcèlement moral, peuvent aussi favoriser la survenue
de signes urinaires [3].
Parmi les consultants d’urologie, il n’existe pas d’étude
ayant recherché de façon systématique la possibilité
d’antécédents d’abus sexuels. Ellsworth [4] rapporte
avoir découvert 18 cas de patients (d’un âge moyen de
20 ans : 6 – 65 ans) dont les troubles vésico-sphinctériens
avaient débuté dans les suites d’un abus sexuel (16 femmes
et 2 hommes). La majorité des abus avait eu lieu entre
l’âge de 3 et 8 ans. La première consultation d’urologie
concernant les patients pédiatriques avait été réalisée 2 à
9 ans après l’abus, malgré l’apparition immédiate puis la
persistance de la symptomatologie urinaire. Ces 18 cas
sont à rapporter aux 300 patients consultant pour des
troubles mictionnels et vus pendant la même période
(3 ans). Le taux de 6 % d’abus ne semble pas supérieur au
taux constaté dans la population générale, mais l’antécédent d’abus sexuel n’avait pas été recherché de façon
systématique chez tout consultant et n’a donc aucune
valeur. En revanche, la chronologie d’installation des
symptômes plaide en faveur d’un lien de causalité, les
symptômes urinaires persistent après l’arrêt de l’abus.
Les situations cliniques
L’infection urinaire récidivante
Parmi les troubles urinaires présentés par les patients
victimes d’abus sexuel, l’infection urinaire est fréquente
[5]. Dans l’étude d’Ellsworth [4], 12 patients sont vus
pendant l’enfance dont 42 % présentent des infections
urinaires, 6 sont vus à l’âge adulte dont 50 % présentent
des infections urinaires.
Parmi les femmes signalant des infections du tractus
urinaire, un antécédent d’abus dans l’enfance est observé
chez plus d’un quart d’entre elles et un antécédent d’abus
au sein du couple chez plus de 15 % [6]. Ces résultats
sont significativement différents de ceux qui concernent
des femmes non abusées déclarant un antécédent
d’infection urinaire : plus de 12 % de femmes représentatives de la population féminine des États-Unis y
déclarent un antécédent d’abus sexuel et une femme
sur dix rapporte un abus physique de la part du conjoint
au cours de l’année précédente.
La dysurie et la rétention urinaire inexpliquée
Dans une étude concernant 428 enfants victimes d’abus
sexuels [5], une prévalence de 25 % de dysurie était notée
à 1 à 3 semaines de suivi après l’examen initial.
Cette dysurie est décrite selon trois aspects [7] : une
vidange « saccadée » avec des décharges d’activité du
plancher pelvien, une vidange prolongée et un possible
résidu postmictionnel ; une vidange « interrompue » avec
une mauvaise vidange vésicale réalisée au cours de mictions
rares et polyphasiques ; une vessie « paresseuse » avec des
mictions rares et une capacité vésicale élevée.
Pour Susset [8], l’étiologie la plus fréquente des
rétentions psychogènes est en rapport avec un antécédent
d’abus sexuel devant la dépression, l’hystérie et les autres
facteurs d’inhibition en rapport avec une pathologie de
l’éducation. On peut cependant considérer que tous ces
facteurs ne sont pas indépendants les uns des autres.
L’énurésie secondaire
L’énurésie secondaire chez l’enfant ou persistante à l’âge
adulte est sans doute la manifestation la plus fréquente
observée après un abus. Parmi les troubles urinaires
présentés par les patients victimes d’abus sexuel, 82 %
ont une énurésie diurne ou nocturne [4].
Le suivi des enfants victimes d’abus montre la
persistance d’une énurésie chez 28 % des 428 enfants
suivis par Klevan [5] ; ces chiffres sont confirmés par
Bloom puisque, sur 30 garçons victimes d’abus et suivis,
30 % restent énurétiques [1].
Le syndrome d’hyperactivité vésicale
L’incontinence urinaire des femmes abusées, décrite dans
l’article de Davila [2] correspond à une incontinence
urinaire par urgenturie.
Vingt-quatre pour cent d’enfants victimes d’abus
présentent une pollakiurie persistante après 1 à 3 semaines
de suivi après l’examen initial [7].
Le syndrome de Hinmann
Le syndrome de Hinman [9,10] est suffisamment
déroutant pour faire discuter aussi bien une maladie
neurologique « occulte » d’où son appellation de « vessie
287
neurogène non neurogène », qu’une anomalie comportementale éventuellement induite par un abus [11]. Il
s’agit d’un syndrome caractérisé uniformément par :
– sa survenue chez des garçons vers l’âge préadolescent ;
– une incontinence urinaire diurne et nocturne et
une encoprésie ;
– des infections urinaires ;
– des anomalies radiologiques allant de trabéculations
vésicales à une obstruction ou un reflux urétérovésical avec
dilatation du haut appareil urinaire et atteinte rénale ;
– une absence de contexte neurologique objectif ;
– une absence de syndrome obstructif sous-vésical
objectif ;
– un échec des gestes urologiques thérapeutiques ;
– une personnalité psychologique défaillante ;
– une amélioration par la rééducation fonctionnelle
et les thérapies suggestives comme l’hypnose.
La prise en charge
Selon le contexte
La notion d’abus est connue ou évoquée spontanément
Chez l’enfant, la mise en évidence des symptômes
urinaires et de l’abus sexuel passe par le recueil précis
et rassurant de l’anamnèse – auprès des responsables
légaux de l’enfant, mais aussi de l’enfant lui-même avec
des termes adaptés [12] – la tenue d’un catalogue
mictionnel et l’examen clinique génito-urinaire, anorectal mais aussi neurologique et général.
Chez l’enfant abusé, l’examen physique peut être vécu
avec appréhension ou, au contraire, de façon expansive ; cet
examen peut être d’abord réalisé sur un jouet, une poupée,
pour relaxer l’enfant [4], un exercice mathématique peut
être proposé pour détourner la concentration [13]. Une
sédation voire une anesthésie générale peut être nécessaire
[12,13]. Les constatations de l’examen physique varient en
fonction de la position (décubitus dorsal et flexion des
membres inférieurs « en grenouille », « proctologique » en
appui sur les genoux et la région pectorale...) qui doit être
précisée dans le compte rendu. Chez la fille prépubère,
l’examen gynécologique avec un spéculum n’est pas
nécessaire à moins d’un saignement vaginal actif inexpliqué
[13] ; à cet âge, la zone hyménéale est sensible à l’examen et
un gel anesthésique peut être utilisé. Certaines techniques
ont été décrites avec l’emploi d’une sonde de Foley
intravaginale ou un otoscope pour favoriser l’examen
clinique [12,13].
La prise en charge diagnostique puis ultérieure relève
d’une équipe multidisciplinaire [11]. Les constatations
cliniques doivent être décrites très précisément, au mieux
dessinées, non interprétées par un praticien non expert
de l’abus sexuel. Un examen clinique normal n’exclut pas
un antécédent d’abus sexuel, même avec pénétration [13].
Chez l’adulte, la notion d’abus est parfois déjà connue ou
formulée spontanément par le patient. Il arrive également
qu’il soit déjà ou qu’il ait été pris en charge en psychothérapie pour des troubles secondaires à un abus.
La question pourrait alors être de savoir s’il existe un lien
de causalité entre les troubles urinaires et l’abus, et la
réponse ne sera sans doute jamais formelle, mais probabiliste, notamment si les troubles ont débuté dans les
suites immédiates de l’abus. Il est de toute façon probable
que cela ne changera pas la prise en charge ultérieure qui
restera symptomatique. Pour les patients n’ayant jamais
été pris en charge de façon spécifique, le symptôme urinaire
pourra être l’occasion d’un début de dialogue initiateur
d’une prise en charge plus spécifique secondaire.
Le patient présente un trouble urinaire déroutant et inexpliqué
Chez l’adulte, une façon d’approcher l’antécédent d’abus
sexuel est de demander si, enfant, le patient présentait
des épisodes d’incontinence urinaire à l’occasion d’émotions et particulièrement de peurs, la réponse positive
permettant d’enchaı̂ner sur les raisons de cette peur.
L’effacement des souvenirs antérieurs à l’installation des
troubles urinaires dans l’enfance peut attirer l’attention
en fonction de cet âge d’apparition.
Certains auteurs [7] préconisent de limiter les explorations complémentaires trop invasives. Néanmoins, Ellsworth [4] constate que c’est au cours du bilan urodynamique
que la révélation de l’abus a pu être formulée. Il s’agit là d’un
examen qui touche à l’intimité corporelle du patient, qui
nécessite une pénétration par une sonde urétrale, dure près
d’une heure et conduit à rassurer et à obtenir la confiance
d’un patient. Soixante dix huit pour cent des 18 patients
abusés de cette étude présentent une capacité vésicale
fonctionnelle normale, même si des contractions vésicales
involontaires sont constatées au cours du remplissage chez
39 %. La débitmétrie de 14 de ces patients est polyphasique,
4 d’entre eux présentent un résidu postmictionnel significatif. Le bilan urodynamique peut ne pas donner d’orientation précise [14] mais certains auteurs [9,10], trouvent des
tableaux sévères de dyssynergie vésico-sphinctérienne.
Cet aspect dyssynergique ou pseudo-dyssynergique du
bilan urodynamique – éventuellement confirmé par une
augmentation de l’activité sphinctérienne par un électromyogramme [4] – est un élément du premier type de tableau
rencontré qui pourrait être nommé « syndrome de fermeture, d’intériorisation ou d’antipénétration », concernant
des patients en rétention d’urine avec une hypoactivité
vésicale et une hypertonie sphinctérienne (souvent associées
à une dyschésie ano-rectale et un vaginisme).
Le second type de tableau, volontiers féminin, pour
lequel le lien de causalité est plus difficile à établir, est
rattaché à un bilan urodynamique d’aspect franchement
neurologique avec une hyperactivité du détrusor pharmacorésistante et une hypertonie sphinctérienne,
l’ensemble conduisant à discuter des solutions urogynécologiques invasives (neuromodulation des racines
sacrées, agrandissement vésical...) ; ce second tableau,
288
qui pourrait être appelé « émotionnel, de stress ou
d’extériorisation », est souvent associé à un syndrome
de l’intestin irritable, à un syndrome fibromyalgique.
Ainsi donc, un schéma « physiopathologique » pourrait
considérer que l’état de stress posttraumatique secondaire à
l’abus est à l’origine d’une hyperactivité du détrusor, celle-ci
survenant chez un enfant peut avoir des conséquences
pérennes. Elle favorise les efforts de retenue répétés,
l’hypertonie sphinctérienne urétrale, la pseudo-dyssynergie,
l’obstruction fonctionnelle et ainsi le cercle vicieux de
l’hyperactivité du détrusor, pouvant conduire à de véritables
syndromes de lutte. Ainsi, trois patients de l’étude d’Ellsworth [4] présentaient des trabéculations vésicales sur les
cystographies. Bloom fait le même type de constatations [15].
Hinman [10] décrit aussi ce syndrome radiologique de lutte
vésicale, ainsi qu’une distorsion des orifices urétéro-vésicaux
et une dilatation du haut appareil urinaire dont la biologie
rénale permet parfois d’objectiver les conséquences fonctionnelles du haut appareil urinaire. Une IRM médullaire
permet aussi d’éliminer une cause neurologique [10].
L’attitude du patient, le contexte global attire notre attention
Les patients présentant des signes associés aux troubles
urinaires peuvent être porteurs d’une vessie neurologique, de séquelles traumatiques ou neurologiques
d’accouchement, d’un trouble de la statique pelvipérinéale, mais parfois il faudra évoquer la possibilité
d’un antécédent d’abus (cf. dans cette même revue, les
articles sur les troubles ano-rectaux, la douleur et les
troubles sexuels). Par exemple l’association énurésieencoprésie, dysurie-anisme, l’association d’un syndrome
d’hyperactivité vésicale à une fibromyalgie, à un vaginisme, etc. peuvent attirer notre attention.
L’attitude paradoxale du sujet qui refuse l’examen
clinique urogynécologique ou qui manifeste une attitude
d’opposition lors d’un bilan urodynamique ou coloproctologique ne peut que nous alerter quant à la possibilité
d’une réminiscence d’un souvenir pénible (mais il n’y a
pas de corrélation entre la pénibilité de ce souvenir et la
gravité de ce qui l’a induit : parfois un simple examen
médical peut avoir été vécu comme une agression).
La constatation d’un périnée « figé », ne se contractant
pas en effort de retenue et ne se relâchant pas à la poussée ou
lors de la demande de relaxation, attirera d’autant plus notre
attention qu’il s’agit d’un périnée hypertonique (mais on
se méfiera également de la possibilité d’une pathologie
neurologique centrale).
Outre l’examen physique urologique, proctologique,
gynécologique et neurologique, outre l’examen en rapport
avec une symptomatologie psychosomatique plus générale,
certains signes locorégionaux peuvent orienter, chez
l’enfant, vers une origine abusive des troubles vésicosphinctériens. Ces signes font partie des recommandations
de l’Académie américaine de Pédiatrie pour confirmer un
doute sur un abus sexuel : ce sont les blessures au niveau
des parties intimes [4,16], des suppurations vaginales, des
saignements vaginaux avant le début de la période des
règles, des condylomes. Des cas de lichen scléreux et
atrophique ont aussi été rapportés [17]. La constatation
d’anomalies locorégionales chez un enfant conduit à
demander un avis spécialisé, les parents doivent en être
informés sans porter d’accusation définitive à ce stade [4,13].
Traitement
La prise en charge est multidisciplinaire, mais elle
commence toujours par un traitement symptomatique
du trouble vésico-sphinctérien, motif de la consultation,
un traitement médical (anticholinergique, alpha-bloquant...) peut être proposé à titre de test pharmacologique et suivi d’un contrôle clinique qui permet de
rediscuter autour du symptôme.
Il est possible aussi de proposer une rééducation
périnéo-sphinctérienne. Le travail se fait notamment par
biofeedback, en « contrôle » périnéal (contraction-relaxation) et non pas strictement en renforcement périnéal
sur un périnée souvent déjà hypertonique, en l’absence
de lésion traumatique musculo-cutanée locale. Cette
rééducation périnéo-sphinctérienne se rapproche donc
d’un travail comportemental plus que d’une prise en
charge du post-partum. La correction de l’anomalie
physiologique ne devient plus l’objectif unique, le
traitement est ciblé sur le signal vecteur d’une communication initialement nonverbale et cette proposition
rééducative peut permettre de temporiser en attendant
que la psychothérapie soit acceptée.
Un apprentissage des autosondages intermittents
propres peut être indiqué pour supprimer un résidu
postmictionnel délétère [10].
Si le trouble urinaire a été l’occasion de la résurgence de
la notion d’abus, formulée ou sous-entendue, le praticien
doit avoir une attitude d’écoute et de respect de l’intimité
du patient, lui donner l’occasion, à travers un suivi ou la
consultation d’autres thérapeutes, médicaux ou paramédicaux, de s’exprimer à ce sujet quand il estimera que le
moment sera venu. Le praticien doit savoir « transférer » le
patient chez un confrère compétent, mais ceci n’est pas
toujours accepté par le patient. Cette délégation de
compétence ne doit pas être interprétée comme un rejet
du patient par le praticien, d’où l’importance de toujours
privilégier le traitement symptomatique du trouble vésicosphinctérien.
Conclusion
L’existence de troubles vésico-sphinctériens est à rechercher au cours du suivi des patients ayant présenté un
abus sexuel puisque, outre la prise en charge du
syndrome de stress posttraumatique, il pourra être utile
de proposer des mesures symptomatiques (rééducation,
anticholinergiques, traitement médical d’une énurésie...).
289
Il arrive également qu’à l’occasion d’une consultation pour
trouble vésico-sphinctérien, notre attention soit attirée par
une histoire clinique inhabituelle, par des signes associés,
par un comportement déroutant du patient. La réalisation
des examens urodynamiques ou la pratique de la rééducation périnéale peut être l’occasion de la formulation ou de
la suggestion de l’antécédent d’abus. L’attitude du thérapeute évitera d’être intrusive, mais devra être centrée sur
l’écoute du patient et la proposition d’un traitement
symptomatique du trouble urinaire puisque c’est avant
tout sa demande, l’objectif sera aussi de faire comprendre
au patient qu’il a un passé et que, s’il le souhaite, une prise
en charge plus spécifique sera toujours possible.
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©
DOSSIER THÉMATIQUE / THEMATIC FILE
Après un abus sexuel, quelle sexualité ?
B. Audrain-Servillat
22, rue de la Bouquinière, Équipe mobile de soins palliatifs, hôtel Dieu, CHU de Nantes, 44093 Nantes
Résumé : Lorsqu’elles viennent consulter un professionnel de la psychothérapie, les personnes ayant subi un ou
plusieurs abus sexuels peuvent présenter différents types
de troubles qui vont du syndrome de stress posttraumatique en passant par la douleur aiguë ou chronique, une
dévalorisation d’elles-mêmes, des comportements sexuels
qui les mettent en danger, mais aussi des comportements
agressifs envers elles-même comme l’anorexie, la boulimie ou l’automutilation. Le chemin est parfois long pour
les aider à surmonter et dépasser les conséquences de
l’acte de l’abuseur.
Mots clés : Abus sexuel – Sexualité
After sexual abuse, what direction
does sexuality take?
Abstract: When consulting a psychotherapist, a victim of
one or more instances of sexual abuse may present with a
number of different disorders, including post-traumatic
stress disorder, acute or chronic pain syndromes, selfdepreciation, potentially harmful sexual behaviour, and
self-abusive behaviours such as anorexia, bulimia and
self-mutilation. The road can be long in helping a patient
overcome the consequences of the abuser’s act.
Keywords: Sexual abuse – Sexuality
« L’abus sexuel fait partie des traumatismes les plus
destructeurs qu’une personne puisse subir » et « réparer
les conséquences de ces abus constitue généralement
un processus ardu, pour le thérapeute comme pour le
patient »[1].
Un abus sexuel se définit comme un acte à caractère
sexuel qu’une personne impose sous la contrainte à une
autre personne ; la première se trouvant en position de
pouvoir par rapport à la deuxième. Il y a différents degrés
dans l’abus sexuel, allant de l’exhibitionnisme au rapport
sexuel complet [2].
Il est difficile de déterminer quelles seront les
conséquences à long terme du comportement d’un abuseur
Correspondance : E-mail : [email protected]
chez sa victime. Elles varient en fonction de la fréquence de
l’abus sexuel, de sa durée, de l’âge de la victime au moment
où l’abus a été commis, des réactions de la famille et de
l’entourage lorsque les faits sont révélés, du secret qui a
entouré l’acte et de la durée de ce secret, des ressources
internes de la personne, du soutien dont elle pourra ou ne
pourra pas être entourée.
Il semble que plus l’abus aura été commis dans un
contexte de violence et de contrainte, de manière répétée,
et plus les conséquences pour la victime seront graves
[3]. Il est rare qu’il n’y ait aucune répercussion de l’acte
sur une personne abusée sexuellement [4].
Lorsqu’une personne a été victime d’abus sexuels, il est
fréquent qu’elle soit amenée à consulter un professionnel de
la psychothérapie, mais toutes ne seront pas amenées à le
faire car il est réel que devant un même type d’agression,
dans un contexte quasi similaire, deux personnes ne
réagiront pas forcément de la même manière. L’une aura
du mal à surmonter et dépasser les conséquences de l’acte de
l’abuseur, avec toutes les répercussions négatives (physiques
et psychiques) sur son vécu tandis que l’autre trouvera en
elle et autour d’elle les ressources nécessaires pour atténuer
l’impact que l’abus aurait pu avoir sur sa vie. Cependant,
lorsque la personne est amenée à consulter, différents types
de troubles peuvent se présenter. Elle peut souffrir de stress
posttraumatique, de douleurs chroniques ou aiguës, de
dévalorisation, de comportements sexuels problématiques,
de différentes compulsions (sexuelles et/ou autres), de
comportements d’autodestruction ou d’automutilation.
Ce qui a trait à la sexualité est comme abı̂mé, dénaturé,
par l’image de l’abus qui lui est associé [1].
D’une manière générale, toutes ces manifestations
peuvent être aggravées par le fait que l’abus sexuel et les
conséquences de cet abus sont minimisées par les
personnes de l’entourage, voire complètement niées. Il
n’est pas rare que dans un système familial, par exemple,
l’agresseur soit protégé et la victime exclue de la famille.
Si la révélation de l’abus sexuel fait en effet courir le risque
à la famille d’imploser littéralement, cette attitude de déni
fait, elle, courir à la victime le risque de développer des
symptômes parfois très graves.
291
État de stress posttraumatique (ESPT)
Dévalorisation
Comment cela se manifeste-t-il ?
Aussi bien chez les patients hommes que pour les patientes
femmes, ce qui frappe chez les personnes victimes d’abus
sexuels, c’est cette forte propension qu’elles ont à se
dévaloriser, le peu d’estime qu’elles ont d’elles-même. Elles
disent souvent ressentir de la honte, de la culpabilité suite à
ce qui leur est arrivé, en se rendant responsable de l’acte
commis [13]. Cela contribue à renforcer leurs émotions et
leurs attitudes ambivalentes vis-à-vis de la sexualité.
Les personnes abusées sexuellement ont tendance à s’isoler
et à se percevoir négativement, mais également à percevoir
négativement les autres et l’avenir. Pour elles, la communication avec leur partenaire est difficile car l’intimité
sexuelle est source de difficultés. Elles rencontrent des
problèmes d’attachement ; plus de ruptures, de divorces, de
séparations [14].
– Par des troubles du sommeil ; l’abus sexuel ayant souvent
eu lieu la nuit, dans l’obscurité, au lit, le moment de se
coucher rappelle les angoisses liées à un fort sentiment
d’insécurité [1] ;
– par des difficultés à se concentrer [4] ; pour échapper
aux souvenirs traumatiques, la personne développe des
facultés à se dissocier afin de mettre à distance tout ce qui
pourrait lui rappeler l’acte dont elle a été la victime ; sentiment de ne pas habiter son propre corps, d’être comme
déconnecté de lui, surtout lors des rapports sexuels [1] ;
– par de forts sentiments de culpabilité sans raison
objective [2,4] renforcés par des cognitions négatives :
elles ont dû « mériter » ce qui leur est arrivé ;
– par des images de l’agression, de l’abus, qui reviennent
en flashs. Même si, longtemps après l’acte, la personne
abusée rencontre un partenaire affectueux, attentif,
respectueux, elle peut souffrir, lors des relations sexuelles, de flash-back physiques qui viennent y faire
intrusion et rendre celles-ci douloureuses, émotionnellement et physiquement [2]. Ce sont les dommages
collatéraux de l’abus sexuel car non seulement la victime
en souffre longtemps mais son partenaire risque luimême de se sentir blessé, remettant sans cesse en cause
ses propres aptitudes à combler son ou sa partenaire ;
– les personnes abusées sexuellement peuvent aussi faire
des cauchemars récurrents [2,4], souffrir parfois de
troubles de la mémoire, mais aussi d’une absence de
souvenirs liés à la période au cours de laquelle l’abus
sexuel a eu lieu [5] ;
– bon nombre d’études insistent sur la fréquence d’états
dépressifs chez les personnes ayant été abusées sexuellement, avec pour corollaire, dans cette population , deux
fois plus de risques de faire une tentative de suicide [6].
Tous ces troubles sont aggravés lorsque la personne est
confrontée à des situations qui lui rappellent, même de
manière symbolique, celle du traumatisme d’origine [4].
Douleurs
Différentes études montrent que certaines femmes ayant
subi un abus sexuel souffrent de vaginisme, de douleurs
périnéales [7,8]. Elles sont de bonnes candidates à la
fibromyalgie, au syndrome de fatigue chronique et elles
consultent souvent pour des troubles digestifs fonctionnels [9]. D’après une étude de Paddison en 1990 [10],
40 % des femmes souffrant de syndromes prémenstruels
ont été, dans l’enfance, victimes d’abus sexuel et, selon
Maltz et Holman [11], sur un groupe de femmes ayant été
victimes d’incestes, 46 % d’entre elles ne parviennent pas
à l’orgasme et 60 % disent souffrir de rapports sexuels
douloureux. On observe souvent chez ces patientes une
inhibition du désir, une estime sexuelle réduite [12].
Comportements sexuels
Une étude de Mullen [14] met en évidence le fait que les
personnes ayant vécu un abus sexuel dans l’enfance
s’installent en couple pour la première fois à un âge plus
précoce (l’âge de la première grossesse l’étant également).
Peut-être est-ce là une tentative de quitter un milieu
familial inadéquat où elles ne sont pas senties aimées et
protégées. Plus elles ont été abusées jeunes et plus elles ont
tendance à juger subjectivement leur propre sexualité
comme nulle et décevante. Elles ont tendance à évaluer la
qualité de leur relation et de la communication avec leur(s)
partenaire(s) de manière négative.
Pour les victimes d’abus sexuels, vivre une vie amoureuse et sexuelle satisfaisante est souvent difficile. Il arrive
que leur recherche d’attention et d’affection, dont elles ont
été privées durant l’enfance, les conduisent à des comportements sexuels à risque ; partenaires multiples, activité
sexuelle compulsive et éparpillée, avec pour conséquence,
chez elles, une augmentation de la fréquence des maladies
sexuellement transmissibles [15]. Des comportements qui
peuvent être compris comme une incapacité à détecter et à
reconnaı̂tre des pratiques sexuelles dangereuses pour elles.
On note aussi que, pour les femmes victimes d’abus sexuels
dans l’enfance, le risque est plus grand d’être victime de viol
à l’âge adulte et plus tard d’être battue [14] comme s’il leur
était plus difficile « d’évaluer leurs partenaires potentiels de
façon réaliste » [1].
Certaines personnes disent se masturber de manière
compulsive [14], d’autres avoir des fantasmes pénibles de
violence qu’ils pourraient infliger à un ou une partenaire
avec souvent une peur très forte de passer à l’acte.
On trouve chez les prostitués (hommes ou femmes)
un grand nombre d’anciennes victimes d’abus sexuels
précoces [16,17]. Avoir été abusé sexuellement peut aussi
parfois conduire certaines personnes à vivre une
homosexualité non souhaitée et non choisie (homosexualité égo-dystonique).
292
Autres comportements compulsifs
Il arrive aux personnes abusées sexuellement de ressentir
une intense colère, colère qu’elles dirigent contre ellesmême la plupart du temps en faisant encaisser à leur corps
l’insupportable ; ce corps qu’elles exècrent car sans lui,
l’abus aurait pu ne pas avoir lieu. On peut faire l’hypothèse
que les comportements agressifs que ces personnes ont à
leur propre égard, comme dans l’anorexie, la boulimie [2],
l’abus d’alcool, de la prise de drogues [18], des comportements d’autodestruction, d’automutilation [19], sont les
conséquences d’une honte ou d’une culpabilité qu’elles font
« payer » à leur corps jugé responsable de leur souffrance.
Cela rend aussi plus visible aux yeux des autres (de manière
consciente ou inconsciente) le mal qu’on a pu leur faire
[1] ; surtout lorsque les actes dont elles ont été les victimes
sont niés par l’entourage.
Alors, comment se reconstruire, restaurer l’estime
de soi-même, quand on a été victime d’abus
sexuel(s) ? Quelle prise charge psychologique ?
Dans une approche thérapeutique systémique, le travail
commencera toujours par l’accueil et l’écoute de la
souffrance de la personne qui vient consulter. Il lui sera
parfois long et difficile, ne serait-ce que de raconter ce qui lui
est arrivé. La honte, la culpabilité sont des freins puissants !
Il est donc important de ne pas aller trop vite, afin que le
patient se sente en confiance, respecté. Il est fréquent que
plusieurs séances soient nécessaires avant que la personne
ne livre sa douloureuse expérience. Il semble aussi utile
d’interroger celle-ci sur son entourage social, familial, et de
détecter si cet entourage est dans le déni de l’acte ou dans
une attitude de soutien et de réconfort vis-à-vis du patient.
Accompagner en thérapie une personne qui se sent
constamment en danger peut amener à l’aider à prendre
des dispositions nécessaires pour mettre celui-ci à distance.
D’un autre côté, si le patient est soutenu et encouragé par
son entourage, le travail est grandement facilité.
Un travail d’information pour mettre en rapport les
symptômes et les abus sexuels est tout à fait utile au
patient qui ne s’explique souvent pas ses douleurs ou ses
comportements. Expliquer en quoi le ou les abus qu’il a
subi(s) ont un impact sur sa santé psychique et physique
l’apaise souvent tout en le rassurant.
Éventuellement, un travail avec le partenaire ou le
conjoint d’une personne ayant subi un ou des abus sexuels
peut être nécessaire. Compte tenu du fait qu’il partage lui
aussi avec son ou sa partenaire des difficultés liées à la
sexualité, aider celui-ci à comprendre lorsque c’est le cas,
que ce n’est pas lui en tant que personne qui est rejeté mais
que la réaction de rejet de son ou sa partenaire est une des
conséquences de l’agression qu’elle a subie dans le passé.
Au cours de la psychothérapie, par un travail de
dissociation, et pour se reconstruire avec une autre image
que celle d’une victime d’abus sexuel, il est important d’aider
la personne à restaurer l’estime qu’elle a d’elle-même,
de l’encourager à se voir comme un être humain, détenteur
de ressources personnelles et de savoirs, qui lui permettront
de surmonter progressivement les conséquences du
comportement de l’abuseur. Tout le travail sera le fruit
d’une étroite collaboration entre le patient et son thérapeute
qui pourra s’appuyer sur des techniques spécifiques comme
les approches centrées sur les solutions (telles que Steve De
Shazer et Insoo Kim Berg ont pu les concevoir et les
développer au Brief Family Therapy Center de Milwaukee)
[20,21], mais aussi la désensibilisation par les mouvements
oculaires (EMDR) ou l’hypnose Ericksonienne. Ces techniques s’avèrent souvent être des outils efficaces pour soutenir
le patient dans les efforts qu’il fournit pour sortir de sa
position de victime et retrouver une image de lui-même plus
valorisante. En nous entraı̂nant parfois sur des chemins plus
spirituels qui invitent à réfléchir sur la notion de pardon, ces
patients nous enseignent beaucoup ; leur courage et leur
détermination à redevenir les auteurs de leur propre vie
nous touchent souvent.
Longtemps, les conséquences des abus sexuels sur les
personnes abusées ont été sous-estimées et l’on commence
maintenant à prendre en compte leurs souffrances. Les
répercussions des abus sexuels sur la santé des personnes
abusées sexuellement sont importantes, aussi bien d’un
point de vue physique que psychologique. Nous pensons
qu’une prise en charge les concernant, où interviendraient
les médecins, les psychiatres, mais aussi les kinésithérapeutes, les psychothérapeutes, pourrait, en étant plus globale,
aller dans le sens de plus d’efficacité. Pour aider ces patients
à surmonter les épreuves, les aider à envisager un futur où
l’abus sera dépassé, le chemin est parfois long et difficile.
Mais ne nous y trompons pas : c’est un véritable enjeu de
santé publique.
Références
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therapy and Ericksonian hypnosis for adult survivors.
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Pelv Perineol (2006) 1: 294–303
© Springer 2006
DOI 10.1007/s11608-006-0082-0
PRATIQUE MÉDICALE / MEDICAL PRACTICE
L’endosonographie dans l’incontinence anale :
à consommer sans modération...
V. de Parades, I. Etienney, P. Atienza
Proctologie médico-conventionnelle, Centre hospitalier Diaconesses, Croix Saint-Simon, Site Diaconnesses
18, rue du Sergent-Bauchat, 75012 Paris
Résumé : Initialement destinée à explorer la prostate,
l’endosonographie a été progressivement modifiée pour
l’étude du tube digestif. Elle a notamment connu un essor
considérable en proctologie. C’est en effet la première
technique à avoir fourni une image anatomique interprétable du canal anal avec une résolution satisfaisante et une
bonne définition. De surcroı̂t, c’est une technique facile
d’accès, simple à réaliser, rapide à mettre en œuvre, peu
coûteuse, et dénuée d’effets secondaires. Elle a ainsi éclairé la
pathogénie de l’incontinence anale et occupe désormais une
place prépondérante au sein du bilan de cette affection, car
la mise en évidence des défects sphinctériens a un impact
thérapeutique indéniable. En outre, la mise au point récente
de l’imagerie tridimensionnelle devrait encore nous ouvrir
d’autres horizons prometteurs.
Mots clés : Endosonographie – Défect sphinctérien –
Incontinence anale
Endosonography imaging in anal
incontinence: use and abuse
Abstract: Originally intended for evaluating the prostate,
endosonography was gradually modified for examination
of the digestive tract. Its use, particularly for anorectal
disorders, has expanded considerably. It is indeed the first
technique to provide us with an interpretable anatomical
image of the anal canal at satisfactory resolution and with
good definition. In addition, it is a technique that is widely
available, simple and quick to perform, inexpensive and
results in no side effects. It has thus brought greater
understanding of the pathophysiology of faecal incontinence and is now especially valuable in diagnosing this
disorder; the ability to reveal sphincter defects has an
unmistakable therapeutic impact. Moreover, the recent
possibility of reconstructing three-dimensional images
will doubtless open up other promising horizons.
Correspondance : E-mail : [email protected]
Keywords: Endosonography – Sphincter disruption –
Anal incontinence
« C’est précisément dans les diverses manières d’employer
les moyens simples qu’un grand médecin diffère surtout
des autres » (Hippocrate) [1].
Introduction
Initialement destinée à explorer la prostate, l’endosonographie par voie rectale a été progressivement modifiée
pour l’étude du tube digestif. En particulier, l’équipe
londonienne du Saint Mark’s Hospital a contribué à
développer la technique en proctologie où elle a connu,
ces vingt dernières d’années, un essor considérable [2-4].
L’endosonographie a en effet permis de fournir une
image anatomique interprétable du canal anal avec une
résolution satisfaisante et une bonne définition. Elle a
ainsi largement contribué à éclairer la pathogénie de
l’incontinence anale et occupe désormais une place
prépondérante dans le bilan préthérapeutique de cette
affection [5,6]. Nous avons donc fait le point sur ce sujet
et revu l’abondante littérature récente.
Matériel d’endosonographie
Il existe plusieurs types de sondes dont le choix repose
surtout sur les habitudes (et les moyens financiers) de
l’opérateur.
Imagerie classique
On dispose de sondes rigides et d’écho-endoscopes. Les
sondes rigides ne comportent pas d’optique et sont
introduites à l’aveugle dans le canal anal. Les échoendoscopes comportent une optique, et sont souples et
béquillables. En outre, les sondes rotatives axiales diffèrent
des sondes linéaires. Les sondes rotatives fournissent des
images transversales sur une circonférence de 270 à 360˚,
295
Fig. 1. Cône rigide destiné à l’étude du canal anal
perpendiculaires à l’axe du transducteur, idéales pour
examiner l’anneau sphinctérien anal. Les sondes linéaires
fournissent des images longitudinales sur un angle de 120 à
160˚, parallèles à l’axe du transducteur. Elles sont plus
difficiles à manier car l’étude de la circonférence nécessite
une rotation manuelle de l’appareil, impliquant probablement un apprentissage plus long.
L’extrémité de la plupart de ces sondes est recouverte par
un ballonnet, rempli d’eau dégazée, fournissant ainsi une
interface acoustique entre le transducteur et la paroi anorectale. Cependant, l’utilisation de ce ballonnet, optimale au
niveau de l’ampoule rectale, peut s’avérer inconfortable au
niveau de l’anus. En réalité, l’étude du canal anal est plus
facile lorsqu’on utilise une sonde rigide telle que celle de la
firme danoise Bruel Kjaer®, qui est équipée d’un cône rigide
écho-transparent d’une vingtaine de mm de diamètre
(Fig. 1). Ce matériel spécifiquement destiné à l’étude de
l’appareil sphinctérien anal fournit des images d’excellente
qualité et a largement contribué au développement de
l’endosonographie du canal anal. La fréquence utilisée en
pratique courante varie entre 5 et 10 MHz. À titre d’exemple,
une sonde de 7,5 MHz a une profondeur de champs
d’environ 5 cm et un pouvoir de résolution axiale de l’ordre
du millimètre [2,4-6].
Imagerie tridimensionnelle
D’introduction récente, cette technologie est particulièrement intéressante et va certainement améliorer les performances de l’endosonographie classique. Du reste, toutes
les images de cet article ont été obtenues avec l’appareil
tridimensionnel dont nous disposons depuis quelques mois
dans le service (sonde 2050 Bruel & Kjaer®).
Cette imagerie de nouvelle génération fait appel à une
sonde radiale de 6 à 16 MHz de fréquence et équipée d’un
moteur spécifique. En effet, après que la sonde a été
introduite dans le canal anal jusqu’en regard de la partie
supérieure de la zone à explorer, ce moteur permet de
faire progressivement reculer le cristal le long de son axe,
chez un patient parfaitement immobile, permettant ainsi
l’acquisition rapide d’images transversales et parallèles
tous les 0,25 mm. À titre d’exemple, l’étude du canal anal
sur 60 mm de hauteur permet l’acquisition de 240 images
en moins d’une minute. Puis, un logiciel spécifique (Life
Fig. 2. Image tridimensionnelle du canal anal
Imaging System, B-K Medical) permet une reconstruction tridimensionnelle des images sous la forme d’un
« cube » qu’il est possible de manipuler dans toutes les
dimensions de l’espace (Fig. 2). Cette technique prometteuse a déjà été évaluée dans les suppurations anales
[7], en pathologie tumorale ano-rectale [8,9] ainsi que
dans l’incontinence anale [10-13].
Modalités de l’endosonographie
L’examen est réalisé en ambulatoire. Un lavement
évacuateur rectal préalable est inutile dans la mesure
où l’on n’étudie que le canal anal. Le patient est installé
en position gynécologique ou en décubitus latéral. Dans
un premier temps, il est souhaitable d’inspecter la région
ano-périnéale et de faire un toucher anal. Cela permet
ainsi d’établir une corrélation anatomo-échographique
et de limiter le risque de compte rendu discordant. Les
images sont étudiées au fur et à mesure du retrait doux
et progressif de la sonde. Elles peuvent être imprimées
et/ou enregistrées. La technique est simple à réaliser,
rapide à mettre en œuvre (environ dix minutes), peu
coûteuse (cotation HJQJ003, 56,7 euros), indolore et
dénuée d’effets secondaires [2,4-6].
Certains praticiens ont tenté d’améliorer les performances de l’examen endo-anal par la mise en place de la
sonde par voie endovaginale ou par voie transpérinéale
mais l’intérêt potentiel de tels artifices reste limité [14,15].
Images endosonographiques normales
Au niveau du canal anal, on distingue classiquement
trois niveaux de coupe (Fig. 3) :
– partie moyenne : l’aspect typique est celui de trois
couches de dedans en dehors (Figs 4,5) :
296
Fig. 5. Partie moyenne du canal anal normal en trois couches
Fig. 3. Coupe frontale du canal anal avec les trois niveaux de coupe
endosonographique (SI : sphincter interne ; SE : sphincter externe)
Fig. 4. Canal anal normal (SI : sphincter interne ; SE : sphincter
externe ; PR : puborectal)
une première couche hyperéchogène correspond à
l’interface avec la sonde ainsi qu’à l’épaisseur de
l’épithélium (ou de la muqueuse) et de la muscularis
submucosae ani ;
une deuxième couche hypoéchogène, facile à
visualiser car bien limitée, correspond à l’anneau du
sphincter interne qui prolonge vers le bas la couche
circulaire interne de la musculeuse propre rectale ;
son épaisseur varie entre 1,5 et 4 mm ;
une troisième couche hyperéchogène, mal limitée en
dehors, correspond au faisceau profond du sphincter
externe ; son épaisseur varie entre 6 et 10 mm.
– Partie proximale : les deux premières couches sont
inchangées, mais le sphincter externe est remplacé par la
Fig. 6. Partie proximale du canal anal normal
sangle puborectale du releveur de l’anus ; ce muscle strié,
qui prolonge le sphincter externe dont il est indissociable
vers le haut, comporte deux faisceaux droit et gauche
hyperéchogènes, qui cravatent en arrière la jonction anorectale mais dont les insertions pubiennes, trop lointaines, ne sont pas visualisées par voie endo-anale. Ce
muscle forme ainsi un arceau ouvert en avant, laissant un
« vide » échographique antérieur physiologique, particulièrement marqué chez la femme (Fig. 6).
– Partie distale : le sphincter interne n’est plus
visible et seul est objectivé le faisceau superficiel souscutané du sphincter externe qui prolonge de façon
indissociable son faisceau profond vers le bas et dont
l’anneau hyperéchogène se mêle avec l’épithélium
également hyperéchogène (Fig. 7) [16,17].
297
Chez certains patients, notamment chez l’homme, il
est possible de distinguer une ou plusieurs couches
supplémentaires, d’échogénicité variable, situées entre le
sphincter interne et le sphincter externe. Il s’agit de la
couche longitudinale externe et de ses interfaces (Fig. 8),
et leur visualisation inconstante s’expliquerait par une
orientation variable des fibres musculaires selon les
individus. Quoi qu’il en soit, leur mise en évidence n’a
pas de conséquence pratique [16,18]. Parfois, on peut
également distinguer le ligament ano-coccygien ainsi que
les muscles transverses et ischio-caverneux. En revanche,
le noyau fibreux central du périnée n’est pas individualisable en endosonographie [17].
Images endosonographiques pathologiques
L’immense intérêt de l’endosonographie est surtout
d’avoir permis d’objectiver les défects sphinctériens.
Les défects sphincte´riens
Fig. 7. Partie distale du canal anal normal
Fig. 8. Partie moyenne du canal anal normal avec cinq couches
Dans la mise en évidence de ces défects, la sensibilité et la
spécificité de l’endosonographie sont proches de 95 %
[19-22]. Cependant, il convient également de détailler
leur aspect, leur site (sur la circonférence et en hauteur),
leur taille (en degrés ou pourcentage de circonférence)
et leur nombre. En effet, une description précise est
capitale car la prise en charge thérapeutique diffère selon
les cas. Dans cette optique, un score d’évaluation
endosonographique, allant de 0 (appareil sphinctérien
normal) à 16 (délabrement sphinctérien majeur), a été
récemment proposé (Tableau I) [23]. Cela étant dit, ce
score est certainement intéressant pour des travaux
scientifiques, mais peut s’avérer difficile à utiliser en
pratique quotidienne. La classification suivante, plus
simple, nous paraı̂t mieux adaptée :
– Défects du sphincter externe : deux types de
lésions méritent d’être différenciés :
le défect complet est aisément visible sous la forme
d’une rupture nette de l’anneau musculaire, sur la
totalité de son épaisseur, souvent associée à une lésion
identique du sphincter interne (Figs 9,10). Ce type de
dégât anatomique, dont le diagnostic clinique est du
reste souvent évident, se voit surtout après un
accouchement compliqué de périnée complet (déchirures périnéales de grade IIIb, IIIc ou IV) (Tableau II)
non ou mal réparé, après une fistulotomie chirurgicale
Tableau I. Score d’évaluation endosonographique des défects sphinctériens anaux (0 à 16) [23]
SCORE
Étendue du défect
SPHINCTER EXTERNE
Hauteur du défect
Épaisseur du défect
Taille du défect
SPHINCTER INTERNE
Hauteur du défect
Épaisseur du défect
Taille du défect
0
1
2
3
pas de défect
pas de défect
pas de défect
moins de la moitié
partielle
90˚
plus de la moitié
totale
91 à 180˚
toute la hauteur
–
>180˚
pas de défect
pas de défect
pas de défect
moins de la moitié
partielle
90˚
plus de la moitié
totale
91 à 180˚
toute la hauteur
–
>180˚
298
Fig. 10. Défect complet antéro-médian des deux sphincters externe et interne après un accouchement compliqué de périnée complet
(A : coupe transversale ; B : coupe longitudinale)
et/ou après divers traumatismes ano-périnéaux (accidents de la voie publique, empalement, etc.).
le défect partiel prend l’aspect de remaniements
hétérogènes, hypo- et/ou hyperéchogènes, mal limités,
et plus ou moins étendus, mais il n’y a pas de rupture
complète de l’anneau musculaire dont l’aspect circulaire reste conservé par endroits (Fig. 11). Cela
correspond probablement à des zones de fibrose
cicatricielle, parfois sans conséquence clinique, mais
pouvant cependant, en cas d’étendue importante,
retentir sur la qualité de la contraction volontaire. Ce
type de lésions peut notamment se voir après un
accouchement compliqué d’un périnée complet n’ayant
concerné qu’une partie de l’épaisseur du sphincter
299
Tableau II. Classification des déchirures périnéales obstétricales [43]
Grades
I
II
III
IV
Lésions anatomiques
Déchirure de la paroi vaginale et de la peau périnéale
Déchirure étendue au noyau fibreux central du
périnée
Déchirure étendue à l’appareil sphinctérien anal
(périnée complet)
a : atteinte de moins de 50 % du sphincter externe
b : atteinte de plus de 50 % du sphincter externe
c : atteinte du sphincter interne
Déchirure étendue à la paroi ano-rectale (périnée
complet compliqué)
externe (déchirure périnéale de grade IIIa), après une
réparation chirurgicale d’un défect sphinctérien quelle
qu’en soit la cause, après une fistulotomie lente par
traction élastique et/ou après divers gestes chirurgicaux
proctologiques [3,5] :
– Défects du sphincter interne : ils sont plus faciles à
objectiver que ceux du sphincter externe. Là encore, il
convient de distinguer deux types de lésions :
le défect complet est évident, sous la forme d’une
rupture nette de l’anneau sphinctérien hypoéchogène,
dont l’étendue peut être majorée par la rétraction des
deux extrémités du muscle (Fig. 12).
Fig. 11. Défect partiel antérieur du sphincter externe aprés un accouchement par voie basse (A : coupe transversale ; B : coupe longitudinale)
Fig. 12. Défect complet postéro-médian du sphincter interne après une léı̈omyotomie pour fissure (A : coupe transversale ; B : coupe longitudinale)
300
Fig. 13. Défect partiel postéro-droit du sphincter interne (flèches) après une hémorroı̈dectomie (A : coupe transversale ; B : coupe longitudinale)
le défect partiel prend l’aspect d’un amincissement
localisé de l’anneau sphinctérien (Fig. 13).
Un défect unique peut se voir après une léı̈omyotomie
chirurgicale pour fissure, après une fistulotomie chirurgicale et/ou après une réparation chirurgicale d’un défect
sphinctérien mixte, la persistance du défect du sphincter
interne étant, dans notre expérience, fréquente après un
tel geste [3,5]. Dans le même ordre d’idée, les défects
isolés du sphincter interne d’origine obstétricale nous
semblent exceptionnels et bon nombre de ceux qui ont
été rapportés pourraient être des défects persistants
après réparation immédiate de déchirures périnéales de
grade IIIc ou IV [24]. Les défects multiples du sphincter
interne, moins fréquents, relèvent de gestes chirurgicaux
multiples ou d’une dilatation anale ayant entraı̂né une
dilacération du muscle. Ils ont ainsi été ainsi décrits
après dilatation pour fissure, après mise en place
d’écarteurs dans le canal anal pour réalisation d’une
anastomose iléo-anale, après passage transanal de pinces
d’anastomose colique ou d’hémorroı̈dopexie, après
évacuation de fécalome sous anesthésie et/ou après viol
anal [3,5].
– Défects de la sangle pubo-rectale : ils semblent
peu fréquents mais des remaniements hétérogènes ont
été décrits après une épisiotomie ou après la mise à plat
du récessus supralévatorien d’une fistule anale [3,5].
L’atrophie sphinctérienne
L’intérêt des mesures d’épaisseur en endosonographie
semble limité car leur impact thérapeutique est nul [5].
En revanche, l’endosonographie, par le biais de la
technologie tridimensionnelle, est désormais capable de
mesurer le volume des sphincters. Cela a permis
d’accéder à la notion d’atrophie sphinctérienne dont la
visualisation en imagerie est supposée refléter la
dégénérescence des fibres musculaires secondaire à une
neuropathie de dénervation [25]. Initialement évaluée
par la résonance magnétique [26], cette atrophie semble
également mesurable par l’endosonographie tridimensionnelle avec une fiabilité équivalente [27]. C’est
intéressant car il a été démontré qu’une réparation
chirurgicale d’un défect du sphincter externe avait un
risque majoré de mauvais résultat fonctionnel en cas
d’atrophie sphinctérienne mise en évidence par résonance magnétique [28]. D’autres travaux seront bien sûr
nécessaires avant de conclure, mais cette voie de
recherche semble prometteuse.
Pièges d’interprétation et limites
de l’endosonographie
Certains aspects normaux ou lésions mineures peuvent
être trompeurs et induire en erreur. Il convient ainsi de
connaı̂tre les subtilités d’interprétation des images
échographiques liées aux :
– aspects normaux du muscle strié : le « vide »
antérieur physiologique de la sangle puborectale, situé
au niveau de la partie proximale du canal anal, ne doit
pas être confondu avec un défect complet antérieur du
sphincter externe. La forme elliptique du sphincter
externe dans la partie distale du canal anal ainsi que
l’aspect hypoéchogène du ligament ano-coccygien doivent être distingués d’authentiques défects postérieurs
du sphincter externe [17]. L’expérience pratique permet
en principe d’aisément reconnaı̂tre ces images ;
301
Place de l’endosonographie dans la stratégie
diagnostique d’une incontinence anale
Dans la mise en évidence des défects sphinctériens,
l’endosonographie est plus fiable que l’examen clinique
[21,22]. Elle est aussi fiable, mais moins désagréable que
l’électromyographie qu’elle a donc supplantée [33]. Elle
est également aussi fiable que l’imagerie par résonance
magnétique mais plus facile d’accès, plus simple à mettre
en œuvre et moins coûteuse [25,34]. En revanche, elle est
complémentaire de la manométrie, du reste du bilan
électrophysiologique et/ou de la défécographie et, dans le
cadre du bilan d’une incontinence anale, elle se place au
sein d’une stratégie englobant ces diverses explorations
[35-37].
Indications de l’endosonographie
Fig. 14. Œdème d’une épisiotomie débordant sur le sphincter externe
– remaniements anatomiques obstétricaux (hors
défects sphinctériens) : une épisiotomie peut remanier
le sphincter externe au niveau de son versant externe
sous la forme d’une zone hétérogène, mal limitée, de
petite taille, n’interrompant pas l’anneau musculaire. Ce
type d’images correspond probablement à la section
partielle de quelques fibres du sphincter externe. De
surcroı̂t, si l’endosonographie est réalisée tôt, dans les
jours suivant l’accouchement, l’œdème périphérique de
la plaie d’épisiotomie peut déborder sur le sphincter
externe sous la forme d’un halo hypoéchogène, mal
limité, qui peut ressembler à un défect mais qui disparaı̂t
en quelques semaines (Fig. 14). La survenue d’un
hématome et/ou d’une suppuration peut encore davantage compliquer l’évaluation du sphincter. De fait, afin
d’éviter ces artefacts, il est probablement préférable
d’attendre quelques mois après un accouchement avant
de faire une endosonographie [29].
En outre, chez les femmes ayant accouché par voie
basse, il n’est pas rare de constater un raccourcissement
du canal anal [11,30], une diminution de la distance anovulvaire [30] et/ou un amincissement de la partie
antérieure du sphincter externe [31]. Ces modifications
anatomiques définitives peuvent gêner la visualisation
du sphincter externe dans sa partie antérieure. La
compression de la paroi vaginale postérieure basse par
un doigt endovaginal [30] et/ou la contraction sphinctérienne anale [32] pourrai(en)t alors faciliter l’interprétation des images ;
– antécédents chirurgicaux complexes : certaines
interventions complexes (réparations chirurgicales itératives, graciloplastie, mise en place d’un sphincter
artificiel) et certaines malformations congénitales entraı̂nent des remaniements tissulaires majeurs qui rendent
l’endosonographie souvent peu contributive [3,5].
L’endosonographie est indiquée dans toutes les situations où elle peut avoir un impact thérapeutique. Ces
situations sont principalement les suivantes.
Incontinence anale avérée avec suspicion
de lésion sphinctérienne
L’impact thérapeutique est indéniable. Par exemple, une
endosonographie normale peut inciter à opter pour des
conseils hygiéno-diététiques simples avec une rééducation alors que la mise en évidence d’un défect du
sphincter externe permet d’envisager une réparation
chirurgicale. En outre, en cas d’incontinence persistante
après une telle réparation, l’endosonographie peut
objectiver la persistance d’un défect, lié à un geste
techniquement imparfait et/ou à un lâchage de sutures,
pouvant alors bénéficier d’une nouvelle réparation
[35-37]. Cela étant dit, il convient de nuancer ce discours.
En effet, une réparation est certes le plus souvent
indiquée, avec de bonnes chances de succès en cas de
défect complet du sphincter externe. En revanche, un tel
geste doit être prudemment discutéen cas de défect
partiel, car d’autres facteurs peuvent alors intervenir
dans la pathogénie de l’incontinence (troubles du transit,
neuropathie de dénervation, ménopause, vieillissement
tissulaire, etc.) et rendre le pronostic chirurgical moins
bon [38,39].
Concernant le sphincter interne, l’impact de l’endosonographie est moins clair car la réparation chirurgicale des
défects du sphincter interne est difficile et donne des
résultats le plus souvent décevants. Cela étant dit, le recours
récent aux implantations périanales de biomatériaux inertes
(graisse autologue, collagène hétérologue, silicone, etc.),
destinées à compenser l’hypotonie anale de repos, laisse
entrevoir des perspectives thérapeutiques [40].
Enfin, l’endosonographie peut également contribuer à
optimiser les indications et/ou à mieux comprendre les
302
mécanismes d’action des techniques encore en évaluation, que sont notamment la neuromodulation sacrée et
la radiofréquence [36,37].
Suspicion de défect sphinctérien asymptomatique
susceptible de se décompenser
Cette indication préventive occupe une part grandissante
en pratique quotidienne. La mise en évidence d’un défect
sphinctérien, asymptomatique (occult defects) mais
susceptible de se décompenser avec le temps [41,42],
peut en effet modifier l’attitude du praticien dans deux
circonstances distinctes.
D’une part, en cas de grossesse, un accouchement par
voie basse risquerait de se compliquer à nouveau de
lésions neurologiques et/ou périnéo-sphinctériennes
pouvant alors dévoiler une incontinence anale. C’est la
raison pour laquelle la mise en évidence d’un défect
sphinctérien asymptomatique chez une femme enceinte
pose le problème de l’indication d’un éventuel accouchement par césarienne programmée. Cela étant dit, c’est
un débat difficile car le risque hypothétique d’apparition
d’une incontinence anale (qui est probablement bas dans
bon nombre de cas) doit être, autant que faire se peut,
bien évalué et mûrement contrebalancé avec celui des
complications non nulles de la césarienne. Une concertation multidisciplinaire s’impose donc à chaque fois et
une description précise des lésions endosonographiques
est plus que jamais nécessaire afin de peser ou non dans
la balance [43-45].
D’autre part, en cas de fistule anale, la mise en évidence
d’un défect asymptomatique peut conduire à éviter une
fistulotomie classique et à préférer une technique d’épargne
sphinctérienne tel l’avancement d’un lambeau de recouvrement sur l’orifice primaire ou l’injection d’une colle
biologique [46].
En revanche, la découverte d’un défect asymptomatique du sphincter externe en dehors de ces deux
circonstances est embarrassante. En effet, la conduite à
tenir n’est pas consensuelle (attentisme ? thérapeutique
« préventive » ?) car le retentissement potentiel à
long terme de ce type de lésion n’est pas prédictible de
façon claire et la littérature est contradictoire sur ce
point [47-50].
Conclusion
En moins de vingt ans, l’endosonographie s’est imposée
comme une exploration complémentaire de référence en
proctologie. Elle a notamment contribué à éclairer la
pathogénie de l’incontinence anale et à améliorer sa prise
en charge. L’imagerie tridimensionnelle, en permettant
notamment de mesurer le degré d’atrophie sphinctérienne, devrait encore nous ouvrir des horizons prometteurs.
Remerciements
L’auteur remercie vivement Marie Pierre LANG pour ses
conseils avisés et Clara pour sa patience.
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DOI 10.1007/s11608-006-0079-8
RECOMMANDATIONS / RECOMMENDATIONS
Suivi des vessies neurologiques du blessé médullaire
et du patient porteur d’une myéloméningocèle
Revue de la littérature et recommandations pratiques de suivi
A. Ruffion 1 , M. de Sèze 2 , P. Denys 3 , B. Perrouin-Verbe 4 , E. Chartier Kastler 5 et les membres du GENULF
1
Service d’Urologie, Hôpital Henri-Gabriel, CHU Lyon, 69003 Lyon Cedex, France
Unité d’ Évaluation et de Traitement du handicap urinaire, service de Médecine physique et de réadaptation,
CHU Pellegrin, 33076 Bordeaux Cedex, France
3
Service de Rééducation neurologique, Hôpital Raymond-Poincaré. 92380 Garches Cedex, France
4
Service de Médecine Physique et de réadaptation, Hôpital saint Jacques, CHU de nantes, 44093 Nantes Cedex, France
5
Service d’Urologie de la Pitié-Salpêtrière, Paris
2
Résumé : L’évolution des patients blessés médullaires
(BM) ou porteurs d’une myéloméningocèle (MM) s’est
profondément transformée au cours des soixante dernières années. Leur espérance de vie s’est considérablement
accrue, jusqu’à approcher celle de la population générale.
La pathologie urologique reste cependant une des plus
grandes pourvoyeuses de morbi-mortalité dans cette
population de patients. Dans un premier temps, nous
avons souhaité, à travers une revue de la littérature,
réactualiser les données épidémiologiques concernant les
différentes facettes des pathologies urinaires susceptibles
d’être observées chez ces patients. Ce travail s’est
accompagné d’une réflexion sur la validité et la pertinence
des examens complémentaires proposés dans le diagnostic de ces pathologies. À partir de ces données, nous
avons dressé un cahier des charges du suivi neurourologique de ces patients.
Mots clés : Vessie neurologique – Blessé médullaire –
Myéloméningocèle – Pronostic uronéphrologique
Care of neurogenic bladder in spinal cord injured
patients and patients with myelomeningocele:
Review of the literature and therapeutic
recommendations
Abstract: The clinical course of spinal cord injured
patients and those with myelomeningocele (MM) has
radically changed over the last 60 years. Life expectancy
has been significantly extended and is approaching that
Correspondance : e-mail : [email protected]
of the general population. Urologic disease remains,
nonetheless, one of the most predictive factors of
morbidity and mortality in this patient population. As
a first step, we carried out a literature review in an
effort to update the epidemiological data concerning the
various aspects of urinary disorders observed in these
patients. This paper also discusses the validity and
appropriateness of additional diagnostic screening procedures for these disorders. Based on this data, we have
created clinical guidelines for the neurological and
urologic care of these patients.
Keywords: Neurogenic bladder – Spinal cord injured
patients – Myelomeningocele – Urinary and nephrological
prognosis
Introduction
Les patients blessés médullaires (BM) et porteurs d’une
myéloméningocèle (MM) partagent certains critères d’évolution et de prise en charge. L’objectif de ce travail, réalisé
conjointement avec le Groupe d’étude neuro-urologique de
langue française (GENULF) était d’aboutir, à partir d’une
revue exhaustive de la littérature, à une actualisation des
données épidémiologiques sur les complications urologiques de ces pathologies. À partir de ces données,
l’élaboration d’un référentiel de suivi des patients devrait
permettre une meilleure coopération entre les différents
intervenants qui vont se croiser au cours de la prise en
charge (médecins rééducateurs, chirurgiens urologues,
médecin traitant, centres « experts » en neuro-urologie).
305
Tableau I. Niveaux de preuves recommandés par l’ANAES [162]
Rappel : niveau de preuve
Niveau 1 = Preuve scientifique établie
a. Essais comparatifs randomisés de forte puissance
b. Méta-analyse d’essais comparatifs randomisés
c. Analyse de décision basée sur des études bien menées
Niveau 2 = Présomption scientifique
a. Essais comparatifs randomisés de faible puissance
b. Études comparatives non randomisées bien menées
c. Études de cohorte
Niveau 3
Études cas-témoin
Niveau 4 : Faible niveau de preuve scientifique
a. Études comparatives comportant des biais importants
b. Études rétrospectives
c. Séries de cas
d. Études épidémiologiques descriptives (transversale, longitudinale)
e. Accord d’expert
N/A : non applicable
Matériels et méthodes
Nous avons effectué une recherche bibliographique sur
plusieurs sites de bibliographie, de sociétés savantes et
de bases de données sur internet : Embase, Copernic,
Cochrane, Auanet (site de l’American Urological Association), Uroweb(site de l’European Association of
Urology), Continet (site de l’International Continence
Society). Nous avons également utilisé les livres de
référence et les rapports de conférences sur le sujet,
Campbell’s Urology, SIFUD, GENULF, ICS... Lors de
cette recherche, nous avons d’abord utilisé des mots clés
généraux (neurogenic bladder, follow up) pour répertorier les principaux articles sur le sujet, publiés entre 1966
et 2004. Nous avons ensuite élargi la recherche sur la
même période en utilisant des mots clés des pathologies
concernées (spinal cord injury, myelomeningocele,
spina), des complications spécifiques (renal failure,
lithiasis, bladder cancer, urinary infection) et des
différents modes de traitement (intermittent catheterism,
indwelling catheter, ileal conduit, cystoplasty). Les
articles originaux retenus devaient avoir au moins deux
ans de suivi. Au total, 235 références ont ainsi été
retenues et analysées. La grille de lecture de cet article a
utilisé les niveaux de preuve décrits dans le Tableau I.
Histoire naturelle des patients ayant
une blessure médullaire
L’évolution des patients ayant une blessure médullaire
s’est profondément transformée au cours des 60 dernières années. Il existe dans la littérature plusieurs
travaux rapportant le suivi pendant une longue période
de grandes cohortes de patients [1-7]. Il faut souligner
que ce type de données manque encore pour les patients
porteurs de spina bifida. Nous ne développerons donc
que les données issues des principales études portant sur
les patients blessés médullaires. L’analyse de ces études
objective plusieurs points concordants.
Il existe, encore aujourd’hui, une surmortalité des
patients blessés médullaires par rapport à la population de
référence. Le concept de « ratio de mortalité standardisé »
(RMS) traduit le sur-risque relatif de décès dans la
population étudiée par rapport à une population de
référence. Il est largement utilisé dans la littérature pour
analyser les sous-groupes de patients (para contre tétra, par
exemple) ou les groupes de pathologies. De façon intéressante, même les patients ayant une régression presque
complète de la lésion médullaire (FRANKEL D) gardent un
RMS supérieur à 1 [1-3]. Les causes de mortalité au sein de la
population des patients blessés médullaires sont, par ordre
de fréquence, les problèmes respiratoires, les morts
accidentelles, les problèmes cardio-vasculaires, les pathologies cancéreuses et les problèmes urinaires. Soden et al. [3]
ont, en revanche, montré que si l’on classe les pathologies
par RMS, les décès pour cause infectieuse passent au
premier plan (RMS=172,3), devant les morts par troubles
respiratoires (RMS=32,5), par embolie pulmonaire
(RR=26,2) et par problèmes urinaires (22,8). Si l’on extrait
les sepsis d’origine urinaire et qu’on les ajoute aux décès par
autres problèmes urinaires, les causes génito-urinaires
reviennent au premier plan des causes de décès.
Le terrain sur lequel survient la lésion neurologique est
bien sûr très important dans l’évolution. Le sexe féminin est
classiquement un facteur de meilleur pronostic que le sexe
masculin. L’âge jeune de survenue des lésions neurologiques
est aussi un facteur classique de bonne évolution [1,6]. Ainsi,
dans l’étude de Frankel et al. [1], qui a porté sur une
population de 3 179 patients sur une période allant de 1943 à
1991, on peut voir que l’espérance de vie d’un patient blessé
médullaire à 10 ans tétraplégique est de 41 ans alors qu’elle
n’est que de 9 ans pour un patient blessé à l’âge de 60 ans. Cette
impression de bon pronostic nous paraı̂t cacher une autre
vision des données beaucoup plus pessimiste, mais aussi plus
réaliste. En effet, le patient de 10 ans voit son espérance de vie
par rapport à un patient valide passer de 65 à 41 ans (soit
24 ans), alors que le patient de 65 ans ne voit son espérance de
vie se réduire « que » de 10 ans (passant de 19 à 9 ans). Le
niveau d’atteinte neurologique, enfin, entre bien sûr en jeu
dans le pronostic. Les patients tétraplégiques ont ainsi une
réduction de leur espérance de vie nettement plus importante
que les patients paraplégiques dans l’étude de Frankel et al. [1].
En résumé
La surveillance urinaire régulière des blessés médullaires
se justifie car les complications urologiques restent au
premier plan des causes de surmortalité (NP 2). L’augmentation de l’espérance de vie des patients doit amener à
reconsidérer le suivi des patients sur le très long terme
(NP 4e).
306
Risques évolutifs des vessies neurologiques
Insuffisance rénale
Outils diagnostiques : revue des moyens
et critique de leur pertinence
Biologie
L’altération de la fonction rénale se définit par une
diminution du débit de filtration glomérulaire (DFG)[8].
Il est important de noter que la mesure du DFG ne peut
s’envisager chez le patient paraplégique ou tétraplégique
par le calcul simplifié de la clairance de la créatinine à
partir de la créatinémie selon la formule de Cockroft
(ClCréatCockroft). En effet, cette méthode conduit à
surestimer la fonction rénale réelle des patients de près
de 20 à 30 % (ce qui peut amener à retarder d’éventuelles
mesures correctrices [9,10]). La méthode de calcul de la
fonction rénale la plus précise serait la clairance de
l’inuline, trop chère et peu facile à réaliser pour être
appliquée en pratique. Chez ces patients, les marqueurs
les plus proches de cette méthode sont la mesure de la
clairance de la créatinine sur les urines de 24 heures
(ClCréat24H) et/ou la mesure de la clairance du 99Tc par
scintigraphie rénale (lourde à utiliser dans le suivi
systématique) [10]. La formule de Cockroft ne doit pas
non plus être utilisée chez les patients qui ont une
entérocystoplastie ou un agrandissement vésical. En
effet, les segments digestifs utilisés absorbent, sécrètent
et métabolisent la créatinine [11].
Faut-il en conclure pour autant que le suivi des
patients blessés médullaires doit obligatoirement se faire
en utilisant la ClCréat24H ? Sepahpanah et al. [12] ont
récemment apporté une série d’arguments contre l’utilisation dans ce sens. Bien que le NP apporté par leur
travail ne dépasse pas le niveau 4 puisqu’il s’agit d’une
étude rétrospective, leur article mérite une étude
approfondie car il « dissèque » les différentes raisons
qui pourraient amener à prendre ce type de décision. Les
auteurs ont analysé les données d’un sous-groupe de
70 patients sur 650 blessés médullaires suivis régulièrement dans leur centre. Ces patients ont été sélectionnés
car ils avaient eu, pendant 5 années consécutives un bilan
complet incluant un calcul de la clairance de la créatinine
sur les urines de 24 heures (ceci constitue évidemment
un biais de sélection important, puisque ces patients se
sont « laissés » suivre de façon rapprochée, ce qui ne
correspond pas forcément, dans la pratique, au comportement de tous les patients blessés médullaires). Le
premier point du travail a porté sur l’analyse des
variations inter- et intra-individuelles de la créatinémie
et de la ClCréat24H. La variation intra-individuelle sur les
5 points de l’étude était de 25,9 mL/min pour la clairance
de la créatinine et de 0,12 mg/dl (10,56 mol/l) pour la
créatinémie. Cette notion de variabilité intra-individuelle
est retrouvée dans d’autres articles, notamment dans
celui de Mc Diarmid cité plus haut, qui signalait
également des variations de près de 16 % des valeurs
de la ClCréat24H à deux semaines d’intervalle, pour un
individu [10]. En d’autres termes, pour un individu
donné, les variations de la créatinémie étaient plus
faibles que celles de la ClCréat24H, ce qui en ferait une
valeur intéressante dans le cadre d’un suivi individuel.
D’autres études statistiques de l’échantillon confirment
ce point. Ainsi, l’étude du coefficient de répétabilité [13]
sur la période de 5 ans (qui doit dans l’idéal être le plus
proche possible de 0) était de 71,8 mL/min pour la
clairance de la créatinine et de 0,34 mg/dL (29,92 mol/l)
pour la créatinémie. Ceci souligne que pour la
ClCréat24H, on peut observer de très grandes variations
sans signification pathologique pour un patient donné.
Les auteurs ont d’ailleurs signalé que quarante-deux
patients (60 %) ont eu, sur la période de l’étude, au
moins une valeur de la ClCréat24H en dessous de la valeur
normale, sans signification pathologique vraie. Parmi
eux, deux patients ont même eu une ClCréat24H en
dessous de 20 ml/min, qui, en théorie, aurait indiqué une
insuffisance rénale terminale. Les variations de la
ClCréat24H sont classiques et posent problème dans son
utilisation pratique. Un des points qui achoppe le plus
est en effet la certitude d’avoir une collecte des urines
complète (même si, comme dans l’article de Sepahpanah
[12], les conditions de la collecte des urines sont très
rigoureuses, par des infirmières spécialisées). Ces
difficultés de collecte sont encore majorées dans la
population neuro-urologique du fait de la fréquence des
fuites urinaires, mais aussi parfois de l’absence de
compliance des patients. Ces variations affectent
beaucoup l’intérêt clinique de la ClCréat24H. Ainsi,
Sepapahnah et al. [12] signalent que sur les 5 ans de leur
étude, aucune décision de prise en charge urologique ou de
modification de mode mictionnel n’a été prise uniquement
sur la constatation d’une anomalie de la ClCréat24H. Les
décisions ont été prises essentiellement lors de la survenue
de complications urologiques (calcul, hydronéphrose) ou
pour des raisons de confort.
En résumé
On pourrait dire que si l’on veut avoir, à un instant
précis, chez un patient blessé médullaire, une estimation
le moins biaisée possible de la fonction rénale, il faut
préférentiellement demander un calcul de la ClCréat24H
[10]. Ce type de mesure a également l’intérêt d’être moins
sujet à des variations interindividuelles que la créatinémie [12]. En revanche, dans le cadre d’un suivi, la
créatinémie est moins sujette à d’amples variations pour
un même individu.
D’autres dosages pour estimer le DFG sont à l’étude,
le plus répandu étant celui de la cystatine C [8]. Une
étude (NP 3b) a été faite spécifiquement chez 23 patients
blessés médullaires. Dans ce travail, la cystatine C
307
sérique a donné une estimation plus précise du débit de
filtration glomérulaire que la créatinine (Aire sous la
courbe de 0,912 contre 0,507 ; différence statistiquement
significative). La cystatine C paraı̂t particulièrement
intéressante chez les patients blessés médullaires puisqu’elle ne serait pas affectée par les différences de masse
musculaire, ou les différents traitements prescrits. Ces
données demandent cependant à être validées par des
études prospectives [8].
Un autre marqueur biologique intéressant de la
fonction rénale est la recherche d’une protéinurie. Cet
élément n’est à rechercher que chez les patients chez
lesquels la fonction rénale est déjà détériorée. La
constatation d’une protéinurie est un signe de gravité
de l’atteinte rénale. Elle peut amener à discuter la mise en
place de traitements néphrologiques spécifiques et
impose une consultation néphrologique. Elle pourrait
même être un facteur pronostique du risque de décès des
patients par insuffisance rénale [14,15].
Radiologie
On exclura de cette analyse le problème particulier des
lithiases rénales, traité dans un chapitre spécifique.
Beaucoup d’articles ont fait l’assimilation de la fonction
rénale avec l’aspect radiologique de lésion rénale
(hydronéphrose, cicatrices rénales) sans chercher à
prouver l’existence d’une insuffisance rénale biologique
vraie. Dès lors, il est important de connaı̂tre les risques
que l’on prend en utilisant cette approximation.
Le premier risque pourrait être celui de sous-estimer
l’altération rénale et de n’intervenir sur d’éventuels
causes qu’avec retard. En effet, il peut exister chez le
patient avec une vessie neurologique des altérations de la
fonction rénale qui surviennent sans que le facteur
principal soit une obstruction, comme par exemple lors
d’amyloses secondaires parfois développées sur des
escarres chroniques, dans le cas d’une pathologie
néphrologique intercurrente [16] ou de pyélonéphrites
chroniques [17]. Ces cas semblent, à la lumière de la
littérature, assez rares. Par ailleurs, on pourrait imaginer
que certains cas d’uropathie obstructive liée à la neurovessie ne soient pas diagnostiqués par l’échographie
(faux négatifs). En fait, ces deux éventualités sont
également très rares [18,19].
La surveillance par échographie expose donc
au risque faible de laisser passer inaperçue
une altération de la fonction rénale (NP1)
Le deuxième risque est, au contraire, de surestimer
l’altération rénale lorsque des lésions anatomiques sont
visibles, alors qu’elles ne sont pas toujours synonymes
d’affections évolutives. En pratique quotidienne, on
constate régulièrement que certaines hydronéphroses
peuvent régresser sans séquelle après qu’un traitement
adapté a été rapidement mis en place. Ceci a également été
constaté chez l’enfant porteur d’une myéloméningocèle
[20] (NP4). Par ailleurs, les données de Tsai [18] et Bih
[19] montrent qu’il existe un taux non négligeable de faux
positifs à l’échographie. Les cicatrices rénales (vues en
radiographie conventionnelle ou en échographie) ne sont
pas non plus, a priori, un marqueur fort d’un risque
particulier d’évolution vers l’insuffisance rénale. Elles
traduisent seulement l’existence d’épisodes infectieux
aigus, comme on peut le voir chez l’enfant aux antécédents de reflux vésico-rénal [21]. Une étude récente
rétrospective (NP4) [22] a analysé l’évolution d’un groupe
de 27 patients indemnes à leur admission de toute
cicatrice rénale et qui avaient développé, au cours de
leur suivi une ou plusieurs cicatrices. Les auteurs
rapportent seulement 10 % de nouvelles cicatrices après
un premier épisode chez ces patients. Par ailleurs, aucun
d’entre eux n’a présenté d’insuffisance rénale. L’analyse
des chiffres d’altération du haut appareil urinaire dans les
séries de patients avec une vessie neurologique doit donc
être faite avec un certain recul quand aux conséquences
réelles qu’auront ces anomalies anatomiques.
Outils diagnostiques : fonction rénale chez les patients BM
Les progrès dans le domaine de la prise en charge des
patients blessés médullaires ont été considérables. Il faut
se souvenir que dans les années 1950, c’est près de 50 %
des patients blessés médullaires qui finissaient par
développer une insuffisance rénale chronique [23].
Actuellement, la fréquence d’une atteinte rénale dans les
séries récentes de patients blessés médullaires est très
faible. Ceci s’explique en grande partie par l’émergence de
la rééducation fonctionnelle qui a permis une prise en
charge globale des patients, ainsi que par les évolutions du
mode mictionnel, avec notamment l’introduction par
Lapides [24] des cathétérismes intermittents de la vessie.
Les patients blessés médullaires gardent cependant un
sur-risque de développer une insuffisance rénale terminale
du fait de différentes atteintes spécifiques à leur condition
(amylose chronique, lithiases, pyélonéphrite chronique,
troubles obstructifs). Lawrenson et al. [25] ont récemment
rapporté une étude portant sur la prévalence en Angleterre
des cas d’insuffisance rénale terminale chez les patients
blessés médullaires par rapport à la population générale
(NP4), en utilisant un équivalent de la base PMSI portant
sur 4 millions d’individus. L’estimation du sur-risque de
dialyse pour les patients BM était de 3,5 (IC95 % : 0,4-15)
par rapport à la population générale. Il est intéressant de
noter que dans la même étude, le sur-risque était plus
élevé pour les patients avec un spina bifida
(7,8 ; IC95 % : 3,4-15) et presque nul pour les patients
avec une SEP (1,6 ; IC95 % : 0,7-3,5).
Les facteurs de risque du développement d’une
insuffisance rénale chez les patients blessés médullaires
sont difficiles à isoler précisément dans les séries
308
récentes. En effet, les séries de blessés médullaires sont
fréquemment composées de patients très hétérogènes
dans leur atteinte lésionnelle et qui changent très
fréquemment de mode mictionnel au cours de l’évolution
de leur vie et de leur pathologie. Certaines grandes lignes
peuvent cependant être retrouvées.
L’étude qui fait actuellement référence sur ce thème est
celle faite par Weld et al. [26] qui a porté sur 308 patients
suivis en moyenne 18 à 20 ans (NP4). Les résultats
démontrent une altération significative de la fonction
rénale chez les patients porteurs d’une SAD ou d’un CSP.
En dehors de quelques études [27-29] (dont il faut
souligner qu’elles ont des suivis relativement courts), les
auteurs s’accordent à reconnaı̂tre la présence d’un
cathéter intravésical comme un facteur de risque de
reflux vésico-rénal et de dégradation du haut appareil
[6,30-33] (NP2-4). Les mictions par poussée abdominale
(Crédé) semblent également à risque en l’absence de
surveillance des patients, comme le démontre l’original
article de Chang et al. [34] (NP4). En effet, l’auteur a pu
observer l’évolution de 74 patients blessés le même jour et
qui ont tous utilisé des manœuvres de Crédé pendant plus
de vingt ans. Dans ces conditions, les auteurs ont relevé
un taux d’altération du haut appareil urinaire de plus de
35 %, avec près de 16 % des patients en insuffisance rénale
chronique.
Le cas particulier du reflux vésico-rénal doit être
évoqué. Chez le patient blessé médullaire, le reflux traduit
surtout un défaut de compliance vésicale ou des lésions
anatomiques séquellaires d’un ancien déséquilibre. Même
si les patients restent probablement plus à risque de
développer des infections urinaires hautes, ils ne sont
cependant pas forcément plus à risque de développer une
insuffisance rénale si le défaut de compliance de leur
réservoir vésical est réglé comme le montrent plusieurs
séries d’entérocystoplastie [35,36] (NP 2-4).
L’influence du niveau lésionnel sur la survenue de
lésions rénales est une notion classique, mais discutée.
Sekar et al. [27] ont réalisé une étude de cohorte originale
(NP2b) puisqu’ils ont analysé les résultats, non pas par
patients, mais par années passées sous un mode
mictionnel spécifique, afin d’avoir une homogénéisation
la plus grande possible des données. Contrairement à
plusieurs articles récents (NP4) [26,32], les auteurs ont
retrouvé une influence du niveau lésionnel sur la
fonction rénale (sous la forme d’une diminution de
débit de filtration glomérulaire, mesuré par scintigraphie
chez les patients tétraplégiques par rapport au patients
paraplégiques). Cette étude notait également un effet de
l’âge des patients sur la fonction rénale (la fonction
rénale diminuant progressivement). Il est cependant
possible que ces résultats traduisent un biais des
analyses, les modes mictionnels n’étant pas répartis de
façon uniforme en fonction de la hauteur de l’atteinte
médullaire (en clair, les patients tétraplégiques sont
souvent amenés à choisir un mode mictionnel plus à
risque, comme la sonde à demeure (SAD) ou le cathéter
sus-pubien (CSP) que les patients paraplégiques).
Outils diagnostiques : fonction rénale chez
les patients spina bifida
Il existe très peu d’études portant sur la fonction rénale
au long terme chez les patients spina bifida. Contrairement à ce que l’on a pu noter chez les patients blessés
médullaires, la détérioration de la fonction rénale est un
problème qui reste au premier plan, avec une prévalence
des lésions rénales pouvant atteindre 30 à 40 % [37].
Dans l’étude de Lawrenson et al., la prévalence des
patients porteurs d’une MM en insuffisance rénale
terminale dialysée était de 8 à 10 %. Les explications à
cet état de fait sont multiples [38] : polypathologies
malformatives, défaut de suivi à l’âge adulte, défaut de
développement constitutionnel des reins... Tous les
auteurs s’accordent donc à faire du suivi rénal de ces
patients une priorité.
En résumé
La fonction rénale des patients blessés médullaires
paraplégiques ou tétraplégiques, des patients avec
enterocystoplastie ou agrandissement vésical ne peut
être appréciée précisément par la formule de Cockroft
(NP 1c). L’évaluation précise de leur fonction rénale doit
donc reposer sur une clairance de la créatinine sur 24H si
la diurèse peut être collectée de façon fiable ou sur une
scintigraphie rénale (NP 1c). Dans le cadre du suivi pour
un individu spécifique, la surveillance de la créatinémie
peut également être intéressante. Il existe un sur-risque
d’insuffisance rénale chez les patients avec MM et les BM
(NP 2c). Ce risque semble supérieur chez les patients
avec MM (NP 2c). Le mode mictionnel paraı̂t être un des
facteurs majeurs du risque de dégradation rénale, les
mictions par manœuvre de Crédé ou l’existence d’un
cathéter intravésical étant les pratiques les plus risquées.
Chez les patients avec une insuffisance rénale débutante, la recherche d’une protéinurie pourrait avoir une
valeur pronostique et thérapeutique intéressante (NP 4b).
Lithiase
Outils diagnostics : revue des moyens
et critique de leur pertinence
L’examen de référence qui s’impose dans le cadre du
diagnostic des lithiases de l’appareil urinaire est le
scanner spiralé s ans i njectio n [3 9] (sens ibilité : 96-100 %, spécificité : 96 à 100 %). Les avantages
sont le diagnostic de lithiase « radio-transparentes »,
même de petite taille, l’absence d’injection de produit de
contraste, la rapidité d’exécution (5 min) sur des
machines récentes. Il faut souligner l’avantage particulier
de cet examen chez le patient neuro-urologique, notam-
309
ment chez les spina bifida, qui ont souvent un arbre
urinaire et un rachis profondément remaniés [40].
L’interprétation des images de scanner, en s’aidant au
besoin d’une injection est alors souvent plus aisée que les
images indirectes de l’UIV, ou que l’échographie,
rendues encore plus difficiles dans leur réalisation du
fait du météorisme abdominal fréquent chez ces patients.
Les inconvénients principaux du scanner sont la
non-détection des lithiases d’Indinavir (observées essentiellement chez les patients traités pour une infection à
VIH), et l’irradiation qui est deux à trois fois plus
importante qu’une UIV, par exemple, lorsqu’elle ne
comporte que trois clichés. Les autres examens gardentils une place dans le suivi ? Chez un patient en crise de
colique néphrétique, l’ASP seul n’a qu’une sensibilité de
45 % et une spécificité de 77 %. Son association à
l’échographie dans cette situation porte ces valeurs à
plus de 90 % pour la sensibilité et entre 75 et 100 % pour la
spécificité. Dans le cadre d’un suivi neuro-urologique à la
recherche de lithiases urinaires, chez un patient aux cavités
excrétrices normales, il a été récemment démontré que
l’association ASP et échographie était très peu performante
[41]. L’UIV, si elle n’est plus aujourd’hui l’examen de
référence pour le diagnostic spécifique de lithiase urinaire,
reste encore utilisée en raison de sa simplicité de
réalisation et de son accessibilité [14,42-45]. Enfin, l’uroIRM, bien qu’elle progresse lentement, reste aujourd’hui
un cran en dessous des performances du scanner sans
injection, avec une sensibilité de l’ordre de 70 %[46].
Lithiases du haut appareil urinaire
Fréquence chez le patient neuro-urologique
L’incidence de la lithiase rénale dans la population
générale est de 0,69 à 2 épisodes pour 1 000 personnes
par an [47]. Cette incidence est clairement plus élevée
chez les patients neuro-urologiques, notamment durant
la première année (Tableau II). Chen et al. [47] ont par
exemple calculé une incidence de 31 épisodes pour
1 000 personnes par an durant les trois premiers mois,
décroissant rapidement pour atteindre 8 cas pour
1 000 personnes par an à 1 an puis 4 cas pour 1 000 personnes
par an par la suite, sans nouvelle augmentation du risque.
Cette dernière donnée est à prendre avec prudence compte
tenu d’autres publications sur le suivi à très long terme qui
sont contradictoires, parlant d’un risque qui augmenterait
de nouveau après 10 à 20 ans de suivi [5,48].
La composition des calculs dans cette population
spécifique est différente de celle de la population
générale, les lithiases d’origine infectieuse étant très
majoritaires [49]. Cette notion classique pourrait évoluer, comme l’a montré Matlaga [50] récemment. En
effet, dans un travail portant sur des patients blessés
médullaires et porteurs d’une myéloméningocèle, le taux
de calculs métaboliques était de 62,5 %, contre seulement
37,5 % de calculs « infectieux » (struvite, carbonate
d’apatite).
Facteurs de risque
L’augmentation de la fréquence des calculs durant la
première année pourrait être en rapport avec l’hypercalciurie liée à l’immobilisation du patient [47]. Cette
seule donnée n’est cependant pas suffisante pour
expliquer le sur-risque chez les patients neurologiques.
Le facteur de risque le plus important est clairement la
présence d’antécédents de chirurgie urologique et,
notamment, l’existence d’une dérivation urinaire transintestinale non continente. Chez ces patients, l’incidence
de lithiase rénale est estimée entre 3 et 31 % [35,51-54].
Lorsque les patients présentent une lithiase, le risque
qu’ils récidivent semble élevé, même en l’absence de
Tableau II. Fréquence des lithiases dans une population de patients avec vessie neurologique (BM : blessé médullaire,
MM : myéloméningocèle)
Herr [163]
Melzer [164]
Pearman [165]
Webb [166]
De Vivo [49]
Hall [69]
Wan [167]
Raj [68]
Donellan [48]
Chen [47]
Weld [5]
Chang [34]
Ord [132]
Année
N
Lésion
neuro
Fréquence
calculs
globale
1975
1976
1976
1984
1984
1989
1992
1999
1999
2000
2000
2000
2003
409
92
99
406
5915
898
111
327
1669
7784
316
74
457
BM
BM
BM
BM
BM
BM
BM
MM
BM
BM
BM
BM
BM
4%
3,3 %
2%
1,7 %
43,8 %
3,6 %
Fréquence
calculs vessie
Fréquence
calculs rein
29 %
8%
14,8 %
6,1 %
3,6 %
1,2 %
35,1 %
31,3 %
9%
310
problème sur le montage. Cohen et al. [55] ont estimé ce
risque à plus de 60 % à 5 ans (NP 4). Enfin, la
préservation de la vessie est aujourd’hui unanimement
déconseillée par les auteurs, non seulement en raison des
risques de pyocyste, mais aussi de lithiases à l’intérieur
du réservoir vésical conservé [51].
Les données concernant les interventions d’agrandissement ou de remplacement vésical sont plus controversées. En effet, certains auteurs [56,57] signalent, en
plus du risque lithiasique sur le réservoir vésical, un
risque augmenté de développement de lithiase du haut
appareil, avec une incidence de calcul entre 2 et 10 % à
5 ans de l’intervention. Il faut cependant signaler que ce
type de complications n’est pas mentionné par de
nombreux autres auteurs [58-67].
Les antécédents de spina bifida pourraient également
être considérés comme un facteur de risque lithiasique.
Ainsi, Raj et al. [68] ont publié en 1999 la seule étude
chiffrant la fréquence des calculs rénaux chez les patients
spina bifida. Ils ont noté une fréquence de lithiase
supérieure à la population générale et un sur-risque
particulièrement élevé chez les patients ayant une lésion
de niveau thoracique et/ou des antécédents de chirurgie
du réservoir vésical.
Les lithiases vésicales sont très fréquemment retrouvées dans la population des vessies neurologiques et leur
association avec l’existence de lithiases rénales a pu les
faire considérer comme un facteur de risque de lithiase
du haut appareil [69]. On ne retrouve cependant pas
dans la littérature d’arguments en ce sens.
Le niveau de lésion médullaire, le caractère complet
de cette lésion, l’existence de reflux vésico-rénal, le mode
mictionnel choisi par le patient (cathétérisme intermittent, miction réflexes, mictions par poussée abdominale,
sonde...) sont des facteurs de risque cités par de
nombreux auteurs. Les interactions entre ces différents
facteurs et leur évolution dans le temps rendent leurs
rôles respectifs difficiles à préciser. En analysant les
différents articles de la littérature, on voit cependant de
grandes lignes se dessiner. Ainsi, la SAD et le cathéter
sus-pubien sont probablement les modes mictionnels qui
augmentent le plus le risque de lithiase vésicale. Le CI, les
mictions par poussée abdominale exposent également les
patients à un risque plus important que la population
générale. Finalement, seuls les patients ayant un retour à
des mictions normales semblent protégés [70].
D’autres facteurs, enfin, pourraient intervenir à un
moindre niveau, comme l’environnement climatique, la
composition de l’eau [5,70].
Lithiase vésicale
La prévalence de la lithiase vésicale est très variable dans
la littérature (Tableau III), et elle dépend clairement du
mode mictionnel et des antécédents chirurgicaux des
patients. La majorité des auteurs s’accorde sur le fait que,
comme pour les lithiases rénales, on observe un pic de
formation de calculs vésicaux dans la première année qui
suit la prise en charge. L’amélioration de la prise en
charge des patients, si elle a eu finalement peu d’impact
sur la fréquence de survenue des lithiases rénale, semble
avoir eu un impact déterminant sur la fréquence des
calculs vésicaux. Chen et al. [71] ont ainsi retrouvé une
diminution par un facteur 5 du risque de calcul vésical la
première année entre les patients traités de 1973 à 1979 et
ceux traités de 1990 à 1996. Le risque de calcul vésical à
distance (plus d’un an) du traumatisme médullaire était
également abaissé, cette fois-ci d’un facteur 2 par la suite
(NP 2b). Les risques les plus élevés de lithiase vésicale
sont retrouvés dans toutes les études signalant les
patients porteurs de cathéter permanent (CSP ou SAD)
ou d’agrandissement vésical. De même, les patients ayant
déjà eu une lithiase vésicale sont à risque de récidive
élevé, certains auteurs ayant chiffré ce risque à plus de
40 % [72] (NP4). Un groupe intermédiaire regroupe les
patients aux antécédents d’agrandissement vésical ou
d’entérocystoplastie, ainsi que les patients vidangeant
leur vessie par manœuvre de crédé ou par percussion
avec un résidu. Le groupe à faible risque comprend les
patients sous cathétérisme intermittent, chez lesquels on
peut parfois avoir des lithiases vésicales sur corps
étranger.
Tableau III. Principales séries de la littérature avec agrandissement vésical par entéro-cystoplasties
Auteur
Lockhart [136]
Sidi [137]
Nasrallah [138]
Robertson [139]
Luangkhot [140]
Hasan [141]
Mast [142]
Mc Inerney [143]
Herschorn [144]
Arikan [145]
Chartier Kastler [59]
Quek[146]
n
Suivi
Capacité Vessie Préop
Capa Ves Postop
P vessie préop
P vessie postop
15
12
14
25(19)
21
48(13)
28(24)
100(50)
59
18
17
26
NP
1,3
2,3
1,2
3,1
3,2
2,6
2
6,1
3,4
5,4
8
<150
134
101
122
185
242
235
196
220
86
174,1
201
330-480
562
383
659
595
330
511
867
531,2
370
508,1
615
>40
NP
60.8
23
53
NP
72
NP
48,9
NP
65,5
81
18-38
<30
NP
7
16
NP
46
NP
15,8
NP
18,3
20
311
En résumé
L’examen de référence pour faire le diagnostic de lithiase
de l’arbre urinaire en 2006 est le scanner spiralé sans
injection de produit de contraste (NP 1c). Les principaux
facteurs de risque surajouté de lithiases du haut appareil
sont : l’existence d’une MM, une entérocystoplastie ou
une dérivation urinaire transintestinale (NP 2c). Pour les
BM, il existe un pic de fréquence des lithiases rénales,
notamment la première année (NP 4b). Même si la
fréquence des lithiases est relativement faible, le caractère
paucisymptomatique des crises de colique néphrétique
expose au risque de destruction rénale à bas bruit (NP 4c).
Les principaux facteurs de risque des lithiases du
réservoir sont le cathétérisme permanent (sonde à
demeure ou cathéter sus-pubien), l’agrandissement vésical ou l’entérocystoplastie, l’existence d’un résidu (NP 2c).
Risque carcinologique génito-urinaire
Les données épidémiologiques les plus fournies concernent essentiellement les patients blessés médullaires, les
patients avec MM étant dans l’ensemble trop jeunes pour
avoir développé ce type de pathologies. Les données de
ce paragraphe ont été extraites pour la plupart de séries
de BM. Il est cependant probable que les données
observées chez le BM pourraient être extrapolées chez
le patient avec MM.
L’espérance de vie des patients blessés médullaires
augmentant progressivement, il est logique de constater
que la part des décès liés à un cancer augmente
régulièrement. Il s’agit, dans certaines études épidémiologiques de la troisième cause de décès des patients [3].
Dans le cadre du suivi génito-urinaire, quatre grandes
questions peuvent se poser : Le risque de cancer de vessie
est-il plus grand chez ces patients ? Si oui, comment le
surveiller ? Chez les hommes, le mode mictionnel
(notamment la pratique du cathétérisme intermittent)
peut-il influer sur le diagnostic précoce du cancer de la
prostate ? Enfin, si une décision d’entérocystoplastie ou
d’agrandissement vésical est prise, fait-elle courir un
risque carcinologique au patient ?
Le risque de cancer de vessie est-il plus
grand chez les patients BM ?
Il est classique de considérer que le risque de cancer de
vessie est plus élevé chez les patients BM par rapport à la
population générale [73]. La réalité d’un risque relatif plus
élevé pour les patients neurologiques de développer une
tumeur a cependant été récemment remis en cause par
plusieurs auteurs [74,75]. Ils avancent que les séries
rapportant une prévalence élevée des tumeurs vésicales
sont anciennes, d’effectif faible et utilisent une définition de
la « tumeur vésicale » hétérogène (Tableau IV). Ce dernier
point est particulièrement juste et on ne trouve que très
rarement une classification histologique précisé des lésions.
De plus, ils soulignent que ces tumeurs de vessie impactent
très peu l’espérance de vie des patients. De fait, on est obligé
de constater que dans toutes les études récentes rapportant
le suivi de cohortes importantes de patients blessés
médullaires, très peu de cas de décès spécifiquement dus à
un cancer de la vessie sont rapportés [1-3,76,77].
Il est également possible que l’incidence ait diminué
du fait d’une meilleure gestion des vessies neurologiques,
permettant, le plus souvent, de se passer notamment d’un
cathéter à demeure sur une très longue période [74]. À
titre d’exemple, la série publiée la plus récente est
particulièrement intéressante [78]. En effet, pas un seul
des patients avec un diagnostic de tumeur de vessie
n’avaient une tumeur infiltrante ou à flexion épidermoı̈de.
Les tumeurs de vessie ne sont donc pas beaucoup plus
fréquentes chez le patient porteur d’une vessie neurologique que dans la population générale. En revanche, à la
lecture des séries de la littérature, l’existence d’un type de
cancer spécifique aux vessies neurologiques est patente.
En effet, dans toutes les séries, la proportion de
carcinome épidermoı̈de est très importante [74], variant
Tableau IV. Incidence des tumeurs de vessie dans les différentes séries de la littérature
Incidence/100 000
Étude
Kaufman [168]
Locke [169]
Esrig [170]
Melzak [171]
Bejany
El-Masri [172]
Broecker [173]
Bickel [174]
West [175]
Pannek [74]
Groah [86]
Subramonian [75]
Type
Année
n
n cancer
Brute
Recalculée
Prospective
Prospective
Prospective
Rétrospective
Rétrospective
Rétrospective
Rétrospective
Rétrospective
Rétrospective
Rétrospective
Rétrospective
Rétrospective
1977
1985
1992
1966
1987
1981
1981
1991
1999
2002
2003
2004
62
25
37
3 800
300
6 744
1 052
2 900
33 565
43 561
3 670
1 324
6
2
2
11
7
25
10
8
130
48
21
4
10 000
8 000
5 400
280
2 300
370
1 000
320
387
110
572
302
720
438,6
295,9
30,7
312
entre 19 et 52 %, alors que la fréquence dans la
population générale est de 1,2 à 4,5 % (en dehors des
zones d’endémie bilharzienne) [73,79].
Particularités des outils diagnostics des tumeurs
de vessie chez les patients ayant une neuro-vessie
La bactériurie asymptomatique, fréquente chez les
patients neuro-urologiques est un facteur qui perturbe
considérablement les tests de diagnostic précoce des
tumeurs de vessie. Le Bladder Tumor Antigen (BTA) ne
peut être utilisé car il est perturbé par la leucocyturie. La
recherche d’une hématurie microscopique n’a pas non
plus de valeur, de même que l’analyse des Fibrinogen
Degradation Peptide (FDP). L’étude de la survivine
urinaire pourrait être intéressante, mais doit encore
être validée [78]. La cytologie urinaire a une très
mauvaise sensibilité dans le cadre du diagnostic des
tumeurs épidermoı̈des [79]. En revanche les séries
publiées l’ayant utilisée retrouvent, dans le sous-groupe
de patients avec une neuro-vessie, une sensibilité de
l’ordre de 60 à 70 % (NP4) [75,80,81].
La cystoscopie, suivie de biopsies si nécessaire, reste
donc le pilier du diagnostic. Il faut souligner que les
biopsies peuvent montrer des lésions diverses. Pour
l’ensemble des auteurs, la métaplasie malpighienne non
kératinisée, notamment au niveau du trigone chez la
femme n’a pas de signification pathologique. En revanche, la présence de lésions kératinisantes doit inciter à
une surveillance rapprochée du patient [82] (NP4). La
signification précise des lésions de cystite glandulaire est
beaucoup plus discutée [81,83].
Facteurs de risque de tumeur de vessie
Les différentes séries de la littérature (Tableau II) sont
assez concordantes sur plusieurs points. Tout d’abord, les
tumeurs de vessie, notamment épidermoı̈des, surviennent
après une évolution longue (15 à 20 ans) de la neurovessie. De plus, la tumeur survient chez des patients
relativement jeunes (50 ans en moyenne). Le diagnostic
est fréquemment tardif, amenant à la découverte de
tumeurs infiltrantes rendant difficile la mise en place d’un
traitement curatif. Enfin, le mode le plus fréquent de
diagnostic reste, en dehors des pays ou des structures
dans lesquelles un programme de surveillance régulière a
été établi, la survenue d’une hématurie macroscopique.
On l’a déjà vu, la fréquence des tumeurs de vessie,
dans les populations suivies correctement, est faible. La
recherche de facteurs de risques permettant de sélectionner les patients les plus à risques de cancer paraı̂t
donc nécessaire. Le faible nombre de patients présentant
l’événement est cependant un obstacle majeur à ce type
d’étude. Vereczkey et al. [84] ont donc utilisé une
approche rétrospective pour préciser les patients particulièrement à risque. Cette approche méthodologique
apporte un assez faible niveau de preuve (NP4) et doit
impérativement être confirmée dans une étude prospective, ce qui n’a pas été fait à ce jour. Leur travail
apporte cependant une notion intéressante qui est
l’intérêt d’utiliser un pool de plusieurs facteurs de risque
plutôt que d’essayer d’en utiliser un seul (comme le
cathétérisme permanent ou l’exposition au tabac, par
exemple). Le facteur de risque le plus important dans
leur étude était l’existence d’un cathéter permanent dans
la vessie depuis plus de dix ans. Les facteurs de risque
secondaires étaient la consommation de tabac (plus de
20 paquets/année), l’existence d’un calcul de vessie, plus
de 10 épisodes d’infection urinaire par an, une consommation de plus de 100 tasses de café par an.
Plusieurs études analysant l’expérience d’un suivi
systématique de patients et/ou de groupes à risque
(fumeurs, ancienneté de la lésion neurologique, infections chroniques...) rapportent des résultats décevants
[85,86]. On peut même souligner dans ces publications
que les patients non suivis de façon systématique avaient
des tumeurs moins avancées lors du diagnostic que les
patients suivis systématiquement...
Au final, le facteur de risque semblant le plus important à
la lecture de l’ensemble des séries est l’utilisation d’un
cathéter permanent pour drainer la vessie. Chez ces patients,
deux études analysant l’intérêt d’un diagnostic précoce sont
disponibles, avec des résultats très contradictoires. Ainsi,
pour Delnay et al. [81](NP2b), le suivi permet de
diagnostiquer les patients avec des lésions tumorales, mais
aussi précancéreuses (dont la fréquence était de près de
50 % dans leur série). Les données issues de l’étude de
Hamid et al. [83](NP4) sont totalement contradictoires, avec
cet article, mais aussi avec l’ensemble des séries publiées
jusqu’à présent. Les auteurs ne rapportent en effet, chez des
patients avec un cathéter sus-pubien pendant douze ans en
moyenne, aucune lésion tumorale.
Facteurs pronostiques de tumeur de vessie
Du fait du faible nombre de patients observés, l’effet
d’autres facteurs de risque que la vessie neurologique est
extrêmement difficile à analyser. Groah et al. [86] ont
publié le seul travail prospectif analysant une cohorte de
3 670 patients dont une vingtaine ont développé une
tumeur de vessie. À partir de ces données, les auteurs ont
construit une étude cas témoin [86] (NP3) à la recherche
de facteurs de bon pronostic chez les patients avec une
tumeur de vessie. Il est intéressant de noter que ni l’âge
des patients, ni l’intervalle entre la blessure médullaire et
la survenue de la tumeur n’était différent chez les patients
ayant survécu plus de 5 ans par rapport à ceux morts dans
les 5 ans ayant suivi le diagnostic de tumeur de vessie. Plus
intéressant, la proportion de patients avec une tumeur
épidermoı̈de était identique dans les deux groupes. Le seul
facteur différent entre les deux groupes était un nombre
de cystoscopies et de biopsies paradoxalement moins
important chez les survivants et les non-survivants.
313
Cas particulier des entérocystoplasties
Le problème particulier du cancer de la prostate
Nous exclurons de cette analyse les patients ayant une
extrophie de vessie et qui sont déjà à risque de
développer une tumeur de vessie [82].
Le risque de dégénérescence du réservoir néoformé
est d’autant plus craint que l’indication en neurourologie va être posée chez des patients ayant une
espérance de vie très longue, certains étant des enfants. Il
y a aujourd’hui un consensus pour estimer qu’il existe un
risque supérieur pour les patients avec un réservoir
vésical de développer une tumeur que dans la population
normale. Le sur-risque n’est pas clairement identifié à ce
jour et provient exclusivement de petites séries de cas. Le
chiffre le plus souvent évoqué est aux alentours de 1 à
3 % de risque de développer une tumeur [87,88] (NP4).
Au total, 31 cas ont jusqu’à présent été rapportés dans la
littérature. La grande majorité de ces cas sont des
adénocarcinomes, à la jonction de la muqueuse intestinale et de l’urothélium. Ces cas se sont développés le plus
souvent très à distance du geste initial (plus de 10 ans
pour la majorité). Un certain nombre de patients ont
développé une tumeur urothéliale et présentaient des
facteurs de risque classique. Il faut également souligner
que dans les réservoirs intestinaux, la cytologie urinaire
perd une grande partie de sa sensibilité et spécificité. La
surveillance de ces patients ne peut donc s’envisager que
par cystoscopie régulière avec biopsies des zones
suspectes. L’importance du suivi est ici capitale, car
dans ce sous-groupe de patients, un grand nombre des
patients développe une tumeur à bas bruit et le
diagnostic est particulièrement retardé [87] (NP4).
Indépendamment des querelles d’experts sur l’intérêt de
mettre en place un dispositif de dépistage pour le cancer
de la prostate, il existe une explosion de la demande de
diagnostic précoce qui aboutit au fait que, dans les pays
européens, 20 à 30 % des hommes ont déjà eu au moins
un dosage du PSA [89]. Le but de ce paragraphe est de
donner quelques pistes permettant d’adapter les outils
utilisés dans la population générale aux patients ayant
une neuro-vessie traumatique ou congénitale. Les
dernières recommandations de l’Association française
d’urologie préconisent le diagnostic précoce de cancer de
la prostate chez des patients ayant au moins dix à quinze
ans d’espérance de vie, c’est-à-dire les patients ayant
entre 50 et 75 ans. Chez les patients particulièrement à
risque (au moins deux parents de premier degré atteints,
au moins deux parents chez lesquels le cancer a été
diagnostiqué avant 50 ans, population africaine ou
antillaise), l’âge de début de diagnostic précoce peut
être abaissé à 45 ans [90]. Les patients ayant une neurovessie dans les suites d’une BM ne sont pas particulièrement protégés du risque de cancer de la prostate [91].
L’âge auquel on pourrait proposer de faire un test de
diagnostic précoce doit donc s’aligner sur celui de la
population générale. En revanche, malgré les progrès de
leur prise en charge, l’ espérance de vie de ces patients est
réduite par rapport à la population générale, notamment
en ce qui concerne les patients tétraplégiques[1]. Dans
ces conditions, il apparaı̂trait raisonnable de diminuer
l’âge maximum jusqu’auquel on propose le diagnostic
précoce de cancer de la prostate, au cas par cas, suivant
les comorbidités associées.
Le diagnostic précoce du cancer de la prostate repose
sur deux piliers : le TR et le dosage du PSA. Le taux
actuellement reconnu comme la « normale » est de 4 ng/
ml. Au-delà, quel que soit le volume prostatique, il est
actuellement recommandé de proposer des biopsies de
prostate [90]. Chez les patients ayant une vessie
neurologique posttraumatique, le cathétérisme intermittent, les infections urinaires fréquentes, l’atrophie prostatique neurogènes pourraient légitimement faire
craindre une dégradation de la sensibilité et de la
spécificité du PSA. Quelques études sont allées dans ce
sens, en retrouvant un PSA significativement différent
chez les patients BM par rapport aux contrôles. Ces
études ont cependant été biaisées par le fait que les
patients analysés étaient jeunes et avaient tous des
valeurs de PSA très basses, dont les variations n’avaient
pas de signification en pratique [92,93]. Les études
portant sur des cohortes plus importantes de patients
dans le « créneau » d’âge du diagnostic précoce ont
gommé les inquiétudes initiales [94,95]. Une étude castémoin récente a confirmé l’absence de différence
significative, non seulement des taux de PSA, mais
aussi des taux de cancer diagnostiqués dans une
En résumé
Il existe un sur-risque pour les patients BM de
développer un cancer de vessie, relativement plus faible
que pouvaient le faire penser les premières séries
rapportées (NP2c). Les tumeurs de vessie qui se
développent chez ces patients surviennent cependant
chez des sujets jeunes et sont fréquemment des
carcinomes épidermoı̈des découverts à un stade avancé
(N 4c). Les tumeurs sont le plus souvent découvertes
chez des patients ayant une neuro-vessie ancienne (15 à
20 ans, NP4c).
La recherche d’une hématurie microscopique, les tests
BTA, et FDP ne doivent pas être utilisés chez les patients
ayant une vessie neurologique (NP4e). La cytologie
urinaire a une très mauvaise sensibilité dans les tumeurs
épidermoı̈des (NP2b). Les protocoles de diagnostic
précoce dans les groupes à risque n’ont pas fait la preuve
de leur efficacité (NP2b). La cystoscopie suivie de biopsie
en cas de doute reste le pilier du bilan (NP2b).
Les réservoirs utilisant du tissu intestinal font courir
un faible risque de dégénérescence tumorale à très long
terme. Leur suivi par cystoscopie et biopsies est donc
impératif, au moins à partir de 10 ans d’évolution (NP4c).
314
population de patients BM par rapport à des patients
contrôle extraits d’une série de 19 000 patients soumis à
un programme de dépistage [96].
Le dernier point est le risque particulier des biopsies
de prostate chez ces patients. Nous n’avons pas retrouvé
d’études en ce sens, mais la fréquence des bactériuries
chez ces patients impose certainement des règles
particulières de prise en charge avant la réalisation des
biopsies de prostate. Il semble notamment logique de
conseiller un ECBU systématique avant biopsie, et la
prescription d’une antibiothérapie en cas de bactériurie
significative, entourant la réalisation de la biopsie.
Aucune étude n’est à ce jour disponible en ce qui
concerne les patients avec MM.
dans les urines changeaient très régulièrement chez ces
patients, même sur des périodes d’observation très
courte [98].
Un des outils complémentaires du compte de germes
est l’analyse de la leucocyturie. Le taux de leucocytes
dans les urines doit être considéré comme pathologique
s’il est supérieur à 10/mm3 (103/ml). En pratique clinique,
la constatation d’une pyurie ou d’une leucocyturie
pathologique amène parfois le patient à consulter et
peut être le facteur déclenchant un traitement antibiotique. Dans la littérature, on ne retrouve aucune
référence permettant de justifier cette attitude. Il ne
semble pas y avoir de corrélation entre l’existence de
symptômes ou la gravité de l’infection et l’importance de
la leucocyturie ou de la pyurie [97,99-102].
En résumé
Le diagnostic précoce du cancer de la prostate est
recommandé à partir de 50 ans pour les patients ayant
une espérance de vie supérieure à 15 ans (NP2c). Il doit
être proposé plus précocement chez les patients ayant
des facteurs de risque familiaux (NP2c). Les valeurs seuil
de PSA ne sont pas différentes chez le patient neurourologique quel que soit son mode mictionnel (NP3). Un
ECBU systématique avec traitement antibiotique préalable à la biopsie prostatique paraı̂t raisonnable compte
tenu de la prévalence de la bactériurie dans la population
visée (NP4e).
Infections de l’appareil génito-urinaire
Outils diagnostiques : revue des moyens
et critique de leur pertinence
La présence de germes dans les urines est fréquente chez
les patients ayant une vessie neurologique. Chez les
patients ayant un cathétérisme permanent, elle est
virtuellement de 100 % après 1 mois. Dans la population
générale, la bactériurie est définie par une concentration
de germes >105 Colonies Formant Unité (CFU) par ml.
Chez les patients neurologiques, cette concentration est
différente, suivant le mode mictionnel, et a été établie
suite à une conférence de consensus tenue en 1992 [97].
On parle de bactériurie chez les patients sous cathétérisme intermittent à partir de concentration de germes
>102CFU/ml, pour les patients utilisant des étuis péniens
à partir de concentrations de germes >104CFU/ml. Une
des conséquences de ces définitions est que l’utilisation
des bandelettes urinaires ne peut être recommandée chez
les patients neuro-urologiques, puisque ces outils ont été
construits pour avoir une bonne sensibilité et spécificité
pour la détection de germes à une concentration de
105/ml. Par ailleurs, la réalisation d’un ECBU mensuel
dans l’optique d’avoir un germe identifié en cas
d’infection urinaire symptomatique ne se justifie pas
non plus chez les patients neurologiques. En effet,
Penders et al. ont démontré que les bactéries présentes
En résumé
L’utilisation de la bandelette urinaire chez certains patients
neuro-urologiques n’est pas logique compte tenu des seuils
de CFU retenus pour parler de bactériurie. Les seuils de
bactériurie signifiants sont en effet de 102CFU/ml pour les
patients sous cathétérisme intermittent, 104CFU/ml pour les
patients utilisant des étuis péniens (NP1c). L’absence de
retentissement clinique de la bactériurie, les changements
spontanés de flore microbienne dans la neuro-vessie incitent
à ne pas pratiquer de surveillance de l’ECBU chez ces
patients (NP2b). Compte tenu de la fréquence de la
bactériurie chez ces patients, il est raisonnable de demander
un ECBU avant la réalisation de ponction-biopsie de
prostate, et de proposer une antibiothérapie avant l’examen
adaptée au germe retrouvé (NP4e).
Retentissement clinique des infections urinaires
chez le patient BM ou MM
Les conséquences de la bactériurie chronique des patients
neurologiques ne sont pas neutres. Ainsi, dans l’étude de
Soden et al. sur les causes de surmortalité spécifiques des
patients blessés médullaires, la première était les décès
consécutifs à une septicémie dont 30 % étaient d’origine
urinaire. De même, dans la littérature, l’incidence, par
patient, des infections urinaires symptomatiques peut
être estimée en moyenne à un ou deux par an, que les
patients soient paraplégiques ou tétraplégiques
[3,26,103,104].
Le taux d’infection symptomatique est cependant un peu
surestimé. En effet, les patients attribuent souvent un
changement de comportement vésical ou d’autres symptômes moins spécifiques (hyperactivité, sensation de pesanteur pelvienne) à une infection urinaire à tort. Ainsi, dans
une étude rétrospective, Bakke et al. [105] ont démontré que
les patients se plaignant de ce type de symptômes n’avaient
pas un taux de bactériurie significativement différent de
patients ne se plaignant pas de ce type de symptômes. Ces
résultats ont été récemment confirmés par une autre équipe
lors d’une étude prospective [106].
315
En résumé
Le retentissement clinique de la bactériurie est souvent
difficile à évaluer chez le patient BM ou avec une MM en
l’absence de signes généraux (NP1c).
Anomalies uro-dynamiques
L’intérêt du bilan uro-dynamique (BUD) est évident dans
le cadre du bilan initial d’une vessie neurologique, qu’elle
soit chez le BM ou chez le patient avec MM. Il a été en effet
clairement démontré qu’il n’y a pas de parallélisme strict
entre les données de l’examen clinique et le comportement vésical, notamment en ce qui concerne les atteintes
de la queue de cheval [5,107]. En ce qui concerne le suivi
des patients, l’absence de données enregistrées prospectivement sur le très long terme empêche, dans la majeure
partie des situations, de calculer précisément la sensibilité
et la spécificité du bilan uro-dynamique pour prédire la
survenue de complications urologiques. Dès lors, l’intérêt
du BUD peut plus prêter à discussions, d’autant plus qu’il
s’agit d’un examen invasif. Ces dernières années, l’utilisation de plus en plus importantes de traitements
médicaux simples pouvant ayant une efficacité importante sur les pressions vésicales, notamment (anticholinergiques, toxine botulique...) a relancé l’intérêt de
ces explorations.
Chez les patients porteurs d’une MM, c’est Mc Guire
[108], en 1981, qui a été le premier à montrer que les
patients ayant des pics d’hyperpression vésicale à plus de
40 cm d’eau mettaient en danger leur haut appareil
urinaire à moyen terme. Ainsi, avec 7 ans de recul, les
patients ayant ce type d’hyperpression avaient un taux
d’urétéro-hydronéphrose de 81 %. Cette valeur de 40 cm
d’eau a depuis été retenue par d’autres auteurs [109-112].
Chez les patients BM, les auteurs ont, pour la plupart,
extrapolé les résultats observés chez les patients avec
MM et fondent leur analyse sur la considération qu’une
valeur de 40 cm d’eau doit de principe être considérée
comme pathologique. Aucune analyse prospective n’est
disponible à ce jour pour confirmer ces données.
Cependant, les études rétrospectives de larges séries de
patients ont démontré que les patients ayant développé
des lésions du haut appareil urinaire ont une pression
intravésicale moyenne significativement plus élevée que
les patients n’ayant pas de lésions [4,113].
L’existence d’une détérioration de la compliance
vésicale, d’une dyssynergie vésico-sphinctérienne (chez
des patients n’utilisant pas de cathétérisme) sont
également des facteurs contribuant à une dégradation
du haut appareil urinaire. Des scores pronostiques ont
été proposés chez les patients avec MM [110,111,114,115].
Aucun n’est à ce jour rentré en pratique courante et n’a
été validé prospectivement. Un des derniers proposés
aurait pourtant une valeur prédictive positive pour la
survenue d’une urétéro-hydronéphrose de 100 % [111],
au prix d’une sensibilité médiocre de 19 %. On rappellera
que, dans ce groupe de patients, la constatation d’une
anomalie urodynamique peut faire suspecter la survenue
d’un syndrome de moelle attachée. Les résultats urinaires
de la correction de la moelle attachée sont sujets à
controverse [116-121], mais certains auteurs considèrent
qu’un suivi régulier pourrait permettre de dépister plus
tôt la moelle attachée permettant un traitement plus
précoce qui serait plus efficace [120,121].
Chez les patients BM, ce type de score n’a pas été
proposé. L’analyse de la compliance est difficile du fait des
manifestations d’hyperréflexie fréquentes de ces patients.
La valeur seuil pour parler de compliance détériorée est
aux alentours de 12,5 ml/cm d’eau [26], mais certains
auteurs considèrent qu’une compliance inférieure à 20 cm
d’eau expose déjà à un risque significatif de retentissement sur le haut appareil urinaire [122]. Il est intéressant
de noter que, même chez les patients porteurs d’une sonde
à demeure et suivis suffisamment longtemps, le risque
d’urétéro-hydronéphrose est supérieur si les pressions
vésicales sont élevées et que la compliance est altérée
[123]. L’analyse de la dyssynergie vésico-sphinctérienne
est également sujette à controverse. Il s’agit probablement
d’un facteur de dégradation du bas appareil urinaire chez
les patients urinant par percussion ou par poussées [5].
Chez ces patients, cependant, le retentissement en
pratique clinique de la constatation d’une dyssynergie
vésico-sphinctérienne isolée n’apparaı̂t pas évident en
l’absence de symptômes ou d’anomalies de la compliance
ou du régime de pressions vésicales.
En résumé
Lors du bilan initial, le BUD est l’examen qui permet
l’analyse la plus précise du comportement vésical (NP1c).
Dans le cadre du suivi des patients porteurs d’une MM, le
BUD paraı̂t apporter des informations pertinentes sur le
pronostic rénal (NP3). Bien que le nombre d’études soit
moins important, l’utilisation du BUD dans le suivi des
patients BM paraı̂t également apporter des informations
sur le pronostic rénal (NP3). Les critères utilisables dans
le cadre de cette surveillance dans les deux groupes sont
encore débattus. Ceux qui semblent le plus pertinents
sont l’existence d’une hyperpression vésicale et de
troubles de la compliance vésicale (NP3). L’existence
d’une dyssynergie vésico-sphinctérienne pourrait également avoir une valeur pronostique chez les patients
ayant gardé des mictions (NP3).
Cas particulier du résidu postmictionnel
et du reflux vésico-rénal
Résidu postmictionnel
Le résidu postmictionnel doit être systématiquement
recherché et enregistré chez les patients n’utilisant pas de
cathétérisme. Il s’agit d’un facteur classique favorisant
l’infection urinaire symptomatique, les lithiases vésica-
316
les, les urétéro-hydronéphroses. En revanche, un certain
nombre de patients sont suivis avec un résidu chronique
qui ne semble pas avoir de retentissement significatif sur
le haut appareil. À l’inverse, un certain nombre de
patients peut développer une urétéro-hydronéphrose
sans résidu postmictionnel [124,125].
En résumé
Le suivi échographique du seul résidu postmictionnel
n’est pas suffisant et doit s’accompagner de l’étude du
haut appareil urinaire (NP4b).
Recherche du reflux vésico-rénal
Le reflux vésico-rénal dans les vessies neurologiques fait
le plus souvent suite à une hyperpression au sein du
réservoir vésical. Il se traduira progressivement par une
urétéro-hydronéphrose. En revanche, le reflux n’étant,
par lui-même pas pourvoyeur de pathologies particulière, il n’apparaı̂t pas logique de le rechercher systématiquement en l’absence de signes d’appel.
Suivi en fonction du mode mictionnel retenu
Quelle que soit l’origine des troubles mictionnels, le suivi
va prendre en compte le mode mictionnel choisi (ou
subi) par le patient. Certains de ces modes mictionnels
peuvent profondément modifier le suivi qui pourrait être
proposé au patient.
Rééducation mictionnelle, poussée abdominale
Les mictions par poussée abdominale, éventuellement
associées ou complétées par des percussions sont un
choix mictionnel qui imposera un suivi spécifique très
rigoureux. En effet, les patients peuvent, avec ce mode
mictionnel particulièrement, dégrader leur appareil urinaire sans s’en rendre compte [126]. Ils n’ont le plus
souvent pas de repère clinique clair de leur équilibre. Ils
ont en effet fréquemment, dès le départ, des fuites
urinaires associées a minima qu’ils traitent par l’appareillage avec des étuis péniens. Or les fuites urinaires
peuvent être un signal d’alerte d’apparition d’une hyperactivité vésicale. Les dégâts possibles de ce choix
mictionnel ont été récemment démontrés par Chang
et al. [34] qui ont publié l’évolution d’une cohorte de
74 BM paraplégiques (dans les suites d’un tremblement de
terre), tous suivis depuis 23 ans, urinant tous par Crédé.
Au sein de cette population, 93 % des patients avaient un
RPM>100 ml, 59,5 % une urétéro-hydronéphrose. Seize
pour cent des patients de cette cohorte avaient un début
d’insuffisance rénale.
En résumé
Les patients ayant choisi d’uriner par poussée abdominale ou par percussion sont à haut risque de développer
des complications urologiques (lithiase vésicale,
bactériurie, insuffisance rénale [NP2c]).
Cathétérisme intermittent
Le cathétérisme intermittent représente l’étalon or du
traitement des vessies neurologiques chez les patients qui
l’acceptent. Il est possible dès les premières semaines de
vie, avec une bonne acceptation par les familles et les
enfants [127]. Chez ces derniers, notamment chez les
patients avec une MM, l’association à un traitement anticholinergique semble même permettre une meilleure
évolution de la vessie, dont la capacité pourrait
s’agrandir progressivement avec l’âge [6]. Les études
cas-témoin indiquent que la survenue de complications
sur le haut appareil urinaire serait nettement moins
fréquente [114,128]. Chez l’adulte, les données sont
également très en faveur du cathétérisme intermittent.
Ce mode mictionnel préserve la fonction rénale et
diminue le risque de lithiases vésicales [5]. En revanche,
le risque de bactériurie et d’orchi-épididymites pourrait
être un peu plus élevé chez ces patients par rapport
à ceux urinant par percussion [103,129].
Le suivi des patients sous cathétérisme intermittent est
facilité par le fait que ces patients sont le plus souvent
continents entre les sondages. En cas de déstabilisation de la
vessie, l’hyperpression vésicale peut faire apparaı̂tre des
fuites qui inciteront le patient à venir consulter. Il n’en reste
pas moins nécessaire de suivre ces patients rigoureusement.
C’est probablement un manque de suivi qui explique que
plusieurs équipes signalent une désaffection pour le
cathétérisme intermittent parmi leurs patients, dans les
années qui suivent leur sortie de rééducation, montant
jusqu’à 50 % des patients [104,130,131]. Dans ces séries,
l’existence de fuites entre les sondages est le facteur à
l’origine de l’abandon le plus fréquemment cité.
En résumé
Le cathétérisme intermittent est le mode mictionnel qui
expose le moins aux complications urologiques (lithiase,
infection, altération de la fonction rénale, NP2c). En
revanche, le suivi des patients ayant choisi ce mode
mictionnel est capital pour prévenir l’abandon de ce
mode mictionnel qui reste vécu comme astreignant par
de nombreux patients (NP2c).
Cathétérisme permanent
Les cathétérismes permanents ne peuvent être autre
chose qu’un choix temporaire ou de fortune chez des
patients trop fragiles pour une autre solution. Il n’y a pas,
aujourd’hui, de preuve dans la littérature d’un avantage
du cathéter sus-pubien par rapport à la sonde à demeure
dans un usage chronique. Les deux cathéters exposent
à un risque de bactériurie chronique et de lithiase
317
vésicale [29,131-134]. Les patients traités par ces deux
types de cathéters sont plus à risque que les autres de
développer des lésions du haut appareil liés à une
hyperactivité vésicale [5,135]. Chez la femme, la sonde à
demeure expose au risque de fistule urétro-vaginale,
même après un délai de seulement quelques années [131].
En résumé
La mise en place d’un cathétérisme permanent est le
mode de drainage vésical qui expose au plus fort risque
de complications urologiques. La surveillance de ces
patients doit donc être particulièrement attentive (NP2c).
Il n’y a pas de preuve de niveau acceptable que le
cathétérisme sus-pubien soit un drainage meilleur sur le
long terme que la sonde à demeure, sauf chez la femme
où il n’expose pas au risque de fistule urétro-vaginale
(NP4c).
Entérocystoplastie ou agrandissement vésical
avec ou sans dérivation urinaire continente
Peu de séries sont disponibles avec un nombre de
patients suffisant et un suivi long dans l’indication
spécifique liée à la neuro-urologie [59,136-146] (Tableau
III). Comme pour les dérivations urinaires non continentes, le suivi rénal par échographie et mesure de la
clairance de la créatinine s’impose régulièrement. Les
patients ayant nécessité une réimplantation urétérale
doivent être particulièrement suivis, car ils sont plus à
risque de développer une urétéro-hydronéphrose. La
nécessité d’un suivi métabolique spécifique des patients
avec cystoplastie intestinale reste discutée. L’analyse de
la littérature est complexe du fait de la très grande variété
des segments intestinaux utilisés et des montages
réalisés. Les dérivations utilisant le carrefour iléo-cæcal
et la fin de l’iléon exposent en théorie au risque de
carence en vitamine B12. Les séries récentes d’entérocystoplastie signalent une diminution de taux de
vitamine B12, sans retentissement clinique (anémie
mégaloblastique). L’utilisation d’un segment intestinal
de moins de 50 cm semble expliquer qu’il n’y ait pas de
retentissement plus important [147,148]. L’existence de
diarrhées est possible après agrandissement vésical, avec
une fréquence allant de 0 à 30 % des cas [59,149-151]. La
non-conservation de la valve iléo-cæcale est un facteur
majorant le risque de diarrhée. Ces dernières n’ont en
revanche pas de conséquences métaboliques. Le retentissement notamment de l’acidose métabolique et des
anomalies du bilan phospho-calcique a été particulièrement important chez les enfants, après qu’un retentissement possible de ces désordres sur leur courbe de
croissance a été évoqué [152]. Plusieurs études concordantes n’ont cependant pas retrouvé d’anomalies cliniquement significatives et une surveillance particulière ne
paraı̂t pas nécessaire [153-155]. Les patients porteurs
d’une cystostomie continente peuvent présenter des
problèmes de sténose de la stomie, notamment en cas
de stomies étroites comme dans le Mitrofanoff.
Le cathétérisme régulier de la stomie limite cependant
ce risque.
En résumé
L’entérocystoplastie ou l’agrandissement vésical semblent, au moins à moyen terme, permettre de diminuer
les pressions au sein de l’arbre urinaire. En dehors du
suivi rénal, un suivi spécifique des conséquences
métaboliques de l’agrandissement ne semble pas se
justifier, y compris chez l’enfant (NP2c).
Dérivation urinaire transintestinale non continente
Le suivi spécifique de ces patients doit comporter une
surveillance régulière de l’absence de dilatation des
cavités pyélo-calicielles (0 à 50 % dans la littérature),
ainsi que de l’absence de dégradation de la créatininémie
(0 à 12,4 % rapportés) [35,52,53,147,156-160]. Ces événements étaient communs dans les séries « historiques » de
dérivation non continente [156,160]. Ils semblent beaucoup moins fréquents dans les séries les plus récentes,
dont il faut cependant souligner le suivi moyen encore
relativement court [35,52,53,147,157-159]. Surange et al.
[161] ont récemment rapporté leur expérience de
54 transplantations rénales dans une dérivation urétéroiléale. Bien qu’il existe un taux de complications de la
dérivation d’environ 21 %, la survie des greffons et des
patients concernés était strictement superposable à celle
des 2 579 patients sans dérivation. Les sténoses de la
bouche de la stomie du Bricker sont rapportées dans 3 à
6,8 % des cas. Les éventrations parastomiales sont
également à rechercher car leur traitement est d’autant
plus complexe que leur diagnostic est tardif. Enfin, il
n’est pas nécessaire de prévoir un suivi particulier de ces
patients sur le plan métabolique. De même, l’ECBU ne
doit pas être systématique puisque une bactériurie
chronique est habituelle chez ces patients. Les patients
porteurs d’une dérivation urinaire transintestinale, s’ils
sont en général soulagés de leur gêne fonctionnelle,
doivent donc bénéficier d’un suivi urologique particulièrement rigoureux.
En résumé
La fréquence de l’urétéro-hydronéphrose et des lithiases
du haut appareil urinaire doivent faire considérer les
patients porteurs d’une dérivation urinaire non continente comme étant à risque de complications (NP2c). Le
suivi clinique de la stomie, au moins les premières
années, doit permettre de s’assurer de l’absence de
sténose de la stomie et d’éventration autour de l’orifice
de stomie (NP2c).
318
Recommandations pour le suivi
des neuro-vessies (BM et MM)
Bilan initial
Il sera fait dans une unité spécialisée de neuro-urologie
et comportera :
– Consultation spécialisée en neuro-urologie en cours
d’hospitalisation initiale puis tous les 6 mois les deux
premières années. Elle comprendra notamment : un interrogatoire dirigé sur les symptômes vésico-sphinctériens :
données sur la miction quantitatives (fréquence, nombre,
volume estimé) et qualitatives (facilité, impression de
miction complète), estimation de la continence (occurrence,
fréquence et volume estimé des fuites, nécessité de
garnitures). L’utilisation de questionnaires peut donner
une référence initiale du statut urinaire intéressante, ainsi
que l’utilisation d’un calendrier mictionnel sur 24 à 72
heures, colligeant les horaires, volumes et nombre des fuites
et mictions, la nécessité de garniture et la puissance du jet,
idéalement l’existence d’un résidu ;
Bilan urodynamique comprenant une cystomanométrie simple sans enregistrement à l’aiguille de l’activité du
sphincter strié urétral, une débitmétrie et une profilométrie. La réalisation systématique d’un EMG du sphincter
strié urétral couplé à la cystomanométrie n’est pas
préconisée lors du bilan initial car ses résultats n’auraient
que peu ou pas d’influence sur la prise en charge
thérapeutique initiale et sur le devenir des patients à
moyen terme. La rythmicité de l’examen sera discutée en
fonction des données de la consultation spécialisée ;
Le plus tôt possible après la prise en charge, puis
sur un rythme annuel ;
– une mesure de la clairance de la créatinine sur
24 heures à titre de référence ;
– une échographie vésico-rénale associée à un ASP,
destinée à documenter l’existence d’un résidu postmictionnel, d’une lithiase de l’arbre urinaire et à dépister un
retentissement précoce sur l’appareil urinaire. Ces examens
ne seront pas nécessaires si un scanner est demandé ;
– un scanner spiralé sans et avec injection de produit de
contraste pourra servir à éliminer tout problème lithiasique
sur l’arbre urinaire. Le rythme de l’examen est à discuter en
fonction des possibilités pratiques, mais la prescription au
moins en début d’hospitalisation, puis à un an paraı̂t logique.
En cas d’impossibilité d’accès à l’examen, la pratique d’une
UIV de référence en début de prise en charge peut être
proposée.
Bilans de suivi
Patients définis comme non « à risque »
lors de la consultation de neuro-urologie
– Tous les ans initialement, puis espacement progressif suivant l’évolution ;
une créatinémie ou une clairance de la créatinine
sur 24 H (chez les patients chez lesquels les urines ne
peuvent pas être facilement recueillies, on peut
discuter une scintigraphie rénale) ;
une échographie rénale et vésicale et un ASP à la
recherche d’une urétéro-hydronéphrose, d’une
lithiase rénale ou vésicale, d’un RPM (si applicable) ;
– Tous les deux ans : consultation spécialisée (avec
évaluation standardisée par questionnaires et calendrier
mictionnel), qui décidera de l’intérêt de la réalisation
d’un BUD.
Patients à risque de détérioration de la fonction rénale
– Ils sont mis en évidence lors des consultations de
neuro-urologie. Principalement, il s’agit des patients
tétraplégiques, patients urinant par percussion et par
poussée abdominale, cathéter permanent.
– La surveillance doit comporter un interrogatoire
dirigé sur les symptômes vésico-sphinctériens. L’utilisation de questionnaires validés est possible dans ce
cadre. Chez les patients sous cathétérisme intermittent,
on recherchera particulièrement s’il existe des fuites
entre les sondages ;
– On y associera un calendrier mictionnel sur 24 à
72 heures, colligeant les horaires, volumes et nombre des fuites
et mictions, la nécessité de garniture et la puissance du jet ;
– Le cas échéant, on complètera l’examen clinique
par un bilan urodynamique comprenant au minimum
une cystomanométrie et une débimétrie. L’enregistrement électromyographique de l’activité du sphincter
strié urétral sera préconisé chez les patients masculins
et/ou présentant une dysurie, une hyperactivité du
détrusor avec des contractions vésicales désinhibées de
forte amplitude, un régime de pression vésicale élevé ou
un retentissement morphologique sur le bas ou haut
appareil urinaire. Le rythme du BUD sera discuté en
fonction des données du bilan initial, mais aussi de
l’équilibre mictionnel du patient. Pour les enfants
porteurs d’une MM, un bilan régulier à la recherche de
signes d’altération du comportement vésical pouvant
dépister une moelle attachée paraı̂t justifié.
Surveillance complémentaire des patients
à risque de lithiases
– Haut appareil urinaire à surveiller en alternance
par ASP + écho et scanner spiralé sans injection ;
– Bas appareil urinaire : ASP+écho ;
– Rythme à discuter suivant l’accumulation d’un ou
plusieurs facteurs de risque reconnus (fréquence des
lithiases, gravité potentielle) :
Tétraplégique ;
MM ;
Cathéter permanent ;
Dérivation urétéro-iléale ;
Urétéro-hydronéphrose.
319
Surveillance complémentaire des patients
à risque carcinologique
– Sur le plan vésical.
La surveillance se fonde sur l’association de la
cystoscopie associée à des biopsies au moindre doute,
complétée par cytologie urinaire ;
– Malgré l’absence de preuve d’une efficacité des
programmes de dépistage dans les populations à risque,
il apparaı̂t logique de proposer ces examens de façon
annuelle chez les patients ayant un ou plusieurs des
facteurs de risque suivants : tabagisme et âge > 50 ans,
entérocystoplastie ou agrandissement vésical depuis plus
de 10 ans, neuro-vessie évoluant depuis plus de 15 ans.
Surveillance complémentaire bactériologique
Elle est inutile, sauf en cas d’exploration invasive ou de
traitement endoscopique ou de biopsies prostatiques, pour
permettre un traitement ponctuel autour de l’exploration.
Conclusion
Une harmonisation des modes de surveillance des neurovessies des patients BM et des MM permettrait d’améliorer la
qualité de soins et de vie des patients neurologiques
et d’avoir un impact socio-économique favorable pour la
santé publique. Il est également important que se développent des réseaux de prise en charge de ces patients avec des
centres spécialisés en neuro-urologie qui peuvent rapidement être consultés en cas d’anomalies des examens
pratiqués chez ces patients. Une réévaluation régulière de
ce schéma de surveillance devra être régulièrement proposée
en fonction des progrès technologique et de l’évolution des
pratiques médico-chirurgicales.
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Précisions
L’article « Terminologie des troubles fonctionnels du bas appareil urinaire, adaptation française de la terminologie de
l’ICS » paru dans le dernier numéro de Pelvi-Périnéologie (2006, 1: 196-206) est une validation linguistique de l’article
original « The standardization of terminology of lower urinary tract function: report from the standardisation
subcommittee of the international continence society » de Abrams P, Cardozo L, Fall M, Griffiths D, Rosier P,
Ulmsten U, van Kerrebroeck P, Victor A, Wein A (Neurourol Urodynam (2002) 21: 167-78).
Cette validation linguistique a été assurée conjointement au nom de l’Association Française d’Urologie (AFU)
et de la Société Interdisciplinaire Francophone d’Urodynamique et de Pelvi-périnéologie (SIFUD-PP) par un groupe
expert émanant des deux sociétés (François Haab, Gérard Amarenco, Patrick Coloby, Philippe Grise, Bernard
Jacquetin, Jean-Jacques Labat, Emmanuel Chartier-Kastler, François Richard).
À ce titre, cet article a fait l’objet d’une publication dans un précédent numéro de Progrès en Urologie
(Terminologie des troubles fonctionnels du bas appareil urinaire, adaptation française de la terminologie de
l’ICS, Haab F, Amarenco G, Coloby P, Grise P, Jacquetin B, Labat JJ, Chartier-Kastler E, Richard F (2004 Dec)
Prog Urol 14(6): 1103-11).
G. Amarenco
Rédacteur en chef
Pelv Perineol (2006) 1: 324
© Springer 2006
DOI 10.1007/s11608-006-0067-z
REVUE DE PRESSE / PRESS REVIEW
Revue de presse
G. Robain, J. F. Hermieu
Misrai V, Chartier-Kastler E, Cour F, Mozer P, Almeras C, Richard F
Prise en charge chirurgicale des douleurs chroniques rebelles survenues après cure d’incontinence urinaire
d’effort selon la technique TVT. Progrès en urologie 16: 368-71, 2006
Si la mise en place d’une bandelette sous-urétrale est aujourd’hui considérée comme la technique de référence, elle est parfois
responsable de complications. Une complication rare mais difficile à prendre en charge est la survenue de douleurs
chroniques rebelles.
Ces douleurs peuvent être en rapport avec un conflit entre la prothèse et une branche nerveuse tel que le nerf dorsal du
clitoris (à l’origine d’une dyspareunie d’intromission), du nerf ilio-inguinal (douleurs du pli inguinal et de la racine des
cuisses) ou du nerf obturateur. Un traitement médical faisant appel à un traitement antalgique, à des antidépresseurs
tricycliques, à des benzodiazépines, à des infiltrations locales des points douloureux avec un mélange corticoı̈desanesthésiques local doit être d’abord proposé. En cas d’échec, un traitement chirurgical peut être indiqué.
Misrai rapporte une série de 8 patientes ayant développé des douleurs chroniques après TVT, invalidantes, persistantes
et résistantes au traitement médical. Un bilan étiologique a permis d’incriminer la bandelette dans la genèse des douleurs.
Le traitement chirurgical a consisté en une exérèse complète ou partielle de la bandelette à ciel ouvert ou par cœlioscopie.
Avec un recul moyen de 31 mois, aucune patiente n’a présenté de récidive douloureuse. Trois patientes ont vu leur
incontinence urinaire récidiver.
En cas d’échec du traitement médical, l’exérèse chirurgicale partielle ou totale de la bandelette peut être indiquée
pour traiter des douleurs chroniques persistantes avec de bonnes chances de succès.
Bracq A, Fourmarier M, Boutemy F, Bats M, Turblin JM, Saint F, Petit J
Modifications urodynamiques après pose d’une bandelette sous-urétrale transobturatrice. Progrès en urologie
16: 62-6, 2006
Si Ulmsten, dans sa publication initiale décrivant la technique TVT, ne rapportait pas de complications obstructives
après mise en place de bandelettes sous-urétrales, de nombreuses publications ont rapporté par la suite un nombre
significatif de rétentions postopératoires et un taux de dysurie proche de 30 %. Cette réduction du jet d’urines
postopératoire est très souvent signalée par les patientes, même si elles ne s’en plaignent pas. Sur le plan
urodynamique, une diminution significative du débit maximum de 2 à 8 ml/s et une augmentation significative de la
pression du détrusor lors du débit maximum ont été décrites dans plusieurs publications.
Contrairement à la voie d’abord rétropubienne positionnant la bandelette verticalement, la voie transobturatrice
permet de positionner la bandelette horizontalement d’un trou obturateur à l’autre. Ce positionnement pourrait
limiter l’effet obstructif de la bandelette.
Bracq rapport une série prospective de 25 femmes opérées d’une incontinence urinaire d’effort ou mixte par la mise
en place d’une bandelette transobturatrice de dehors en dedans.
Quatre-vingts pour cent des patientes ont été guéries. Les résultats du questionnaire MHU ont montré une
majoration significative de la dysurie. Le débit maximum a diminué de 23,6 ml/ à 18,9 ml/s (p = 0,02) ; le volume
résiduel, la résistance urétrale ont augmenté significativement.
L’auteur conclut à l’efficacité de la technique mais aussi à un effet obstructif généré par la bandelette posée par voie
transobturatrice.
Afin d’effectuer une analyse précise de cet article, on peut regretter l’absence d’un certain nombre de données (comparaison
des volumes mictionnels lors de débitmétries pré- et postopératoires non précisée, pressions mictionnelles non précisées) et la
taille de la population étudiée, rendant difficile toute conclusion. Ce petit effectif explique peut-être l’augmentation de la
pression de clôture signalée par les auteurs après l’intervention alors que la plupart des séries publiées indiquent que la mise en
place d’une bandelette sous-urétrale n’a aucune incidence sur la pression de clôture de l’urètre.