Programme de déjudiciarisation à l`intention des adultes

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Programme de déjudiciarisation à l`intention des adultes
Programme de déjudiciarisation
à l’intention des adultes
1997-05
Par
Joan Nuffield, Ph.D.
Les opinions exprimées sont celles de l’auteur et n’engagent pas le ministère du
Solliciteur général du Canada.
Le présent document est disponible en anglais sous le titre Diversion Programs
for Adults.
Il se trouve également au site Internet de Solliciteur général Canada à l’adresse
http://www.sgc.gc.ca
Travaux publics et Services gouvernementaux Canada
No de cat.: JS4-1/1997-5F
ISBN : 0-662-82426-1
SOMMAIRE
Le présent document passe en revue des programmes évalués mis sur pied pour
soustraire les délinquants adultes de la procédure pénale traditionnelle. Structuré
en fonction de l’étape du processus pénal à laquelle la mesure de
déjudiciarisation est prise, il porte principalement sur les efforts de déjudiciarisation déployés dans le cadre de programmes. Comme les évaluations de la
déjudiciarisation des adultes sont rares, nous avons exposé certaines
conclusions tirées de documents concernant les jeunes contrevenants. Nous
avons par ailleurs examiné certaines idées émanant d’autres instances en vue
de leur mise en pratique éventuelle au Canada, lesquelles n’ont pas toujours fait
l’objet d’évaluations.
Bien que le nombre d’évaluations rigoureuses dans ce domaine soit peu élevé, il
en ressort plusieurs constatations, qui corroborent les conclusions de documents
portant sur les jeunes. Selon certaines études, il arrive que des délinquants
“déjudiciarisés” par l’entremise d’une procédure officielle de la police, bien que
n’ayant jamais été arrêtés, en raison de l’existence d’une procédure officialisée,
se retrouvent avec un dossier à leur nom faisant état des contacts avec la police,
qui les suivra. Les délinquants déjudiciarisés après la mise en accusation ont de
meilleures chances de voir leur cas « classé » après avoir suivi avec succès le
programme. Toutefois, comme l’indiquent des études faisant appel à un groupe
témoin, un nombre important de délinquants déjudiciarisés à cette étape
n’auraient pas fait l’objet de poursuites judiciaires, d’une condamnation ou d’une
peine importante si leur affaire avait suivi le cours normal de la justice. Il appert
plutôt que les tentatives visant à officialiser le pouvoir discrétionnaire en matière
de déjudiciarisation ont tendance à “élargir le filet” du contrôle social. La
déjudiciarisation donnera souvent lieu à une intervention plus longue et plus
intensive auprès du délinquant que la démarche plus traditionnelle.
Dans l’ensemble, les programmes de déjudiciarisation sont vus comme une
“chance” que l’on offre aux délinquants primaires, aux jeunes, aux personnes
soupçonnées ou accusées d’infractions mineures et à ceux qui présentent peu,
voire pas de risque ultérieur. Et c’est de cette façon qu’ils sont utilisés. Lorsque
l’infraction peut être difficile à prouver devant un tribunal, son auteur semble
également avoir plus de chances d’être déjudiciarisé, et il en va de même pour
les délinquants atteints de troubles mentaux. La déjudiciarisation semble être
moins indiquée pour les délinquants qui n’entrent pas dans ces catégories.
À l’étape de la détermination de la peine, les efforts visant à déjudiciariser les
délinquants qui, de toute évidence, risquent d’être condamnés à une peine
d’emprisonnement, se heurtent également à la difficulté de repérer les
délinquants qui vont vraiment être condamnés à l’emprisonnement, d’obtenir
pour eux des services qui feront une différence dans la détermination de la peine
i
et de convaincre les juges que leur infraction, malgré sa gravité, ne devrait pas
donner lieu à un emprisonnement. Des délinquants ayant commis une infraction
grave dont le projet de sanction communautaire est rejeté par le juge risquent de
se voir infliger une peine plus grave que si aucun projet n’avait été présenté.
Cependant, certains faits portent à croire que la déjudiciarisation à l’étape de la
détermination de la peine pourrait avoir une influence favorable sur les chances
de certains délinquants de se voir infliger une sanction communautaire.
Nombre de programmes de déjudiciarisation se sont heurtés à des problèmes
courants dans toute intervention correctionnelle, en ce sens que la mesure peut
ne pas convenir à une proportion importante du groupe de clients, ne pas être
mise en oeuvre convenablement et ne pas avoir d’incidence dans les domaines
où elle devrait en avoir. Les quelques études qui ont comparé le taux de récidive
des délinquants déjudiciarisés avec celui d’un groupe témoin pertinent n’ont
généralement relevé aucune différence significative. L’amélioration des connaissances en criminologie en ce qui a trait à l’élaboration de programmes efficaces
pourrait accroître l’efficacité ultérieure des programmes de déjudiciarisation.
Rien dans les écrits sur la question n’a étayé les attentes selon lesquelles les
programmes de déjudiciarisation réduiraient les frais de justice pénale. La plupart
des programmes ne touchent qu’un très petit nombre d’affaires criminelles, et
certaines études ont démontré que les délinquants déjudiciarisés
comparaissaient autant de fois devant un tribunal que les délinquants du groupe
témoin. Aucun programme de déjudiciarisation n’a réussi à réduire les dépenses
du système de justice. Au contraire, selon certaines études, la déjudiciarisation
pourrait même accroître la charge de travail de la justice et être plus coûteuse
que la solution traditionnelle.
Selon des études sur le recours à l’incarcération dans différents pays, ce ne sont
pas les taux de criminalité qui expliquent la différence dans les taux d’incarcération. Bien que certains facteurs comme le chômage et l’opinion publique
puissent influer sur les taux d’incarcération, c’est la politique intérieure d’un pays
en matière de justice pénale qui constitue le facteur déterminant du recours à
l’emprisonnement. Par conséquent, le Canada est en mesure d’influer sur les
tendances actuelles du recours à l’incarcération et à d’autres sanctions pénales.
ii
TABLE DES MATIÈRES
SOMMAIRE ..................................................................................................................................................I
PARTIE I. INTRODUCTION.................................................................................................................... 1
OBJECTIFS DE LA DÉJUDICIARISATION...................................................................................................... 1
ÉVALUATION DE LA DÉJUDICIARISATION DES ADULTES ........................................................................... 3
PARTIE II. DÉJUDICIARISATION AVANT LA MISE EN ACCUSATION ..................................... 6
MISE EN ACCUSATION ANALYSE ............................................................................................................. 9
DÉJUDICIARISATION DES MALADES MENTAUX........................................................................................ 10
PARTIE III. AJOURNEMENT DE LA POURSUITE .......................................................................... 13
SE PRÉVALOIR DES PROCÉDURES : UN COMPLÉMENT OU UNE ÉTAPE OBLIGATOIRE? .......................... 23
AUTRES FACTEURS À PRENDRE EN CONSIDÉRATION ............................................................................... 25
AJOURNEMENT DE LA POURSUITE : EXAMEN .......................................................................................... 26
PROGRAMMES DE MÉDIATION ET D’ARBITRAGE..................................................................................... 27
TRIBUNAUX AXÉS SUR LE TRAITEMENT DES TOXICOMANES ................................................................... 29
PARTIE IV. DÉJUDICIARISATION AU STADE DE LA DÉTERMINATION DE LA PEINE..... 30
STRATÉGIES DE PLANIFICATION DES SOLUTIONS DE RECHANGE À L’IMPOSITION D’UNE PEINE ........... 30
ORDONNANCES DE SERVICES COMMUNAUTAIRES .................................................................................. 35
CENTRES DE FRÉQUENTATION DE JOUR .................................................................................................. 37
PARTIE V. PROGRAMMES POSTINCARCÉRATION..................................................................... 38
SOLUTIONS DE RECHANGE À L’INCARCÉRATION DES JEUNES AU MASSACHUSETTS ............................. 39
PARTIE VI. IDÉES PROVENANT D’AUTRES PAYS......................................................................... 40
POLITIQUE EN MATIÈRE CRIMINELLE ET POPULATIONS INCARCÉRÉES................................................. 44
PARTIE VII. SOMMAIRE ET CONCLUSION .................................................................................... 46
BIBLIOGRAPHIE...................................................................................................................................... 49
Programmes de déjudiciarisation à l’intention des adultes
PARTIE I. Introduction
Le présent document porte sur les programmes destinés à soustraire des
délinquants adultes de la procédure pénale traditionnelle, qui ont fait l’objet d’une
évaluation. Pour les besoins de l’examen, on a défini la “déjudiciarisation” en des
termes généraux, soit dans son emploi le plus courant (le recours à un
processus de sélection qui a lieu après la mise en accusation afin d’éviter la
poursuite de tous les délinquants). La définition englobe aussi toutes les mesures prises avant la mise en accusation et le non-recours à des interventions plus
intrusives, comme l’incarcération ou la révocation de la liberté conditionnelle, à la
suite d’une condamnation.
La déjudiciarisation fait partie depuis toujours du paysage de la justice pénale
puisque, à quelques exceptions près, l’exercice du pouvoir discrétionnaire est
autorisé, voire même encouragé, à la plupart des étapes de la procédure
judiciaire. Toutefois, dans notre étude, nous nous attacherons surtout aux efforts
particuliers, ayant fait l’objet d’une évaluation, dont le but était de réduire la prise
en charge par la justice d’un groupe ciblé de personnes dont le cas est porté à
l’attention du représentant de la justice.
Nous avons exclu de notre examen les comptes rendus purement descriptifs de
projets de déjudiciarisation des adultes pour nous concentrer sur des initiatives
axées sur les programmes. Le rapport porte donc uniquement sur les études de
programmes évalués de déjudiciarisation des adultes qui visaient à répondre aux
besoins des délinquants et à évaluer les risques qu’ils représentent. Nous
n’avons n’a donc pas tenu compte des autres formes de châtiments infligées
dans la collectivité (comme l’”incarcération choc” et les camps de type militaire
de courte durée) ni des solutions de nature purement restrictive (comme la
détention à domicile et la surveillance électronique).
Objectifs de la déjudiciarisation
Au fil des ans, les initiatives de déjudiciarisation ont été assorties de plusieurs
objectifs différents. Selon Palmer (1979, p. 14), en général, la déjudiciarisation
vise cinq objectifs : 1) éviter l’ostracisme négatif et la stigmatisation; 2) réduire le
contrôle social inutile et la coercition; 3) réduire le taux de récidive; 4) fournir des
services (aide); et 5) réduire les coûts du système de justice. D’autres analystes
les ont détaillés ou en ont ajouté d’autres comme mettre fin à l’imposition injuste
de sanctions graves à des personnes déjà défavorisées sur le plan social, éviter
le lourd impact criminogène de la prison en particulier; informer les décideurs et
leur proposer une gamme de solutions de rechange parmi lesquelles ils peuvent
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arrêter leur choix, offrir une justice plus satisfaisante aux victimes et aux
collectivités, et s’attaquer aux facteurs sociaux, économiques et personnels
associés à la criminalité, au lieu de s’en tenir à des solutions souvent axées sur
la punition.
Selon Palmer, bien que ces objectifs soient ambitieux, ils ne sont pas nécessairement pertinents. Decker (1985, p. 208) laisse entendre qu’en raison de la
multiplicité des objectifs, d’un mauvais classement des priorités et d’objectifs
concurrents, de nombreux programmes de déjudiciarisation risquent de produire
des résultats allant à l’encontre du but visé.
Ces problèmes seront à nouveau soulevés dans les études passées en revue
dans le présent examen. Souvent, les objectifs concurrents sont cités comme
principal problème. Par exemple, l’objectif visant à fournir une aide aux accusés
peut aller directement à l’encontre de l’objectif visant à réduire les coûts du
système et l’ostracisme. En outre, les discussions sur l’”élargissement du filet”
dans les documents soulignent souvent le besoin d’établir la priorité des divers
objectifs. Par exemple, le désir du personnel responsable de la déjudiciarisation
et de la justice pénale de voir les délinquants participer à des programmes
susceptibles de les aider à ne pas retomber dans la criminalité peut aller à
l’encontre de l’objectif visant à réduire l’emprise du contrôle social et des “filets”
d’intervention.
Il vaut également la peine de préciser que dans les années qui ont suivi
l’engouement initial pour la déjudiciarisation comme prévu par Palmer, de
nombreuses instances ont observé un changement marqué dans les dimensions
du débat sur les “solutions de rechange”. À la fin des années 1960 et au début
des années 1970, le bien-fondé de la véritable déjudiciarisation (sélection, sans
autres conséquences) par rapport à la déjudiciarisation “conditionnelle”
(programme différent du traitement traditionnel) a fait l’objet d’une vive controverse. Par contre, la fin des années 1970 a marqué le retour aux traditionnels
cycles innombrables de réformes libérales et conservatrices de la justice pénale.
Pendant cette période, la grande question était plutôt de déterminer s’il fallait
resserrer et durcir les éléments du système de justice en place ou permettre à un
grand nombre de jeunes contrevenants ou délinquants adultes d’y échapper.
Actuellement, le débat sur les solutions de rechange aux États-Unis en particulier porte sur la probation intensive, l’”incarcération choc”, la surveillance
électronique, la probation à laquelle s’ajoute l’obligation de se présenter
quotidiennement à des centres et de se soumettre à un dépistage quotidien de la
consommation de drogues, et la libération conditionnelle, sans compter la
détention à domicile. Ces formes de châtiments intermédiaires et d’autres
réformes ont pratiquement monopolisé le milieu des services correctionnels
2
communautaires américains, au point que la déjudiciarisation et les solutions de
rechange sous forme de programmes font l’objet de moins de recherche qu’il y a
vingt ans.
Évaluation de la déjudiciarisation des adultes
Il y a 20 ans, quand l’engouement pour la déjudiciarisation était à son comble en
Amérique du Nord et ailleurs, les premiers examens des documents de
recherche et d’évaluation déploraient souvent le peu de recherche auprès de
groupes témoins dans ce domaine. Mullen (1975, p. 1) déplore le fait que
l’enthousiasme pour la déjudiciarisation a pris de l’ampleur sans que cette
pratique ait été étayée par des études d’évaluation. Ainsi, selon lui, un examen
des études d’évaluation de la déjudiciarisation constitue en grande partie un
commentaire dans le vide.
Les années ont passé, mais ces propos sont encore valables. On compte sur les
doigts de la main le nombre d’évaluations rigoureuses et exhaustives de la
déjudiciarisation des adultes (ou même des jeunes) qui analysent les grandes
questions qui intéressent les décideurs et les spécialistes des programmes.
Cette situation s’explique en partie par la baisse rapide du nombre de projets de
déjudiciarisation contrôlée au cours de la deuxième moitié des années 1970 et
par le financement accru et l’attention soutenue accordés aux programmes
destinés à exercer un plus grand contrôle sur les délinquants.
La plupart des “évaluations” se limitent à une simple description du processus et
de la charge de travail dans le cadre du programme. Ce genre d’études ne nous
permet pas d’évaluer nombre des questions clés que soulève la déjudiciarisation
car elles ne font appel à aucun groupe témoin ni à aucune autre méthode
permettant de comparer ce qui s’est passé après le recours à un programme de
déjudiciarisation avec ce qui se serait passé si on n’y avait pas eu recours. Ainsi,
elles ne peuvent répondre à l’une des questions les plus importantes liées à la
déjudiciarisation, à savoir : le délinquant qui a été soustrait à la procédure pénale
traditionnelle aurait-il connu un sort bien différent si la justice avait suivi son
cours? Prenons un autre exemple : le taux de récidive des délinquants
déjudiciarisés peut sembler élevé ou non; l’intérêt serait de savoir si un groupe
comparable de délinquants ayant suivi la voie traditionnelle s’en est mieux ou
moins bien sorti.
Certaines évaluations décrivent différentes modalités de traitement et de
déjudiciarisation et comparent leur taux de réussite, mais sans apporter non plus
de réponse aux questions au coeur du mystère entourant la déjudiciarisation car
elles ne se penchent pas sur les décisions ou sur l’issue de cas comparables où
la justice a suivi son cours.
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D’autres évaluations portent sur les questions clés de la déjudiciarisation, mais
ne donnent pas une description suffisamment détaillée du programme de
déjudiciarisation lui-même qui permettrait de se faire une idée précise de ce qui
s’est vraiment passé dans le cadre du programme. Comme certaines études
mentionnent qu’un grand nombre de délinquants inscrits à des programmes de
traitement n’ont en fait reçu que peu de traitement du type recherché, voire
aucun, il importe d’examiner cet aspect également afin de conclure si, d’une part,
le traitement a été administré comme prévu mais n’a eu aucun effet ou si, d’autre
part, on n’a observé aucune différence car le programme n’a pas administré le
traitement. Si les études sur la déjudiciarisation qui évaluent le degré de
prestation du traitement sont rares, celles qui mettent en évidence les effets
intermédiaires du traitement, à savoir si les délinquants ont amélioré leurs
aptitudes cognitives ou ont obtenu un emploi pendant le programme, sont encore
plus rares.
Nombre d’évaluations ne portent que sur les délinquants ayant mené à bien le
programme de déjudiciarisation. Bien que cette information soit utile, il importe
également de savoir combien de délinquants retenus pour le programme l’ont en
fait mené à bien; avec un taux de 98 %, nos conclusions concernant le
programme seront différentes des conclusions que nous pourrions tirer si le taux
était de 15 %. De nombreuses évaluations présentent une même lacune, c’est-àdire qu’elles donnent une mauvaise idée du nombre d’affaires criminelles et de
cas admissibles acceptés par le programme, et des raisons des rejets de
certains.
Les évaluations bien articulées sont rares pour plusieurs raisons : il faut
posséder des connaissances spécialisées et être très minutieux dans la mise au
point des méthodes de comparaison des résultats de l’expérience à ceux qui
auraient été obtenus en l’absence du processus expérimental. Souvent, les
administrateurs de programme et les travailleurs ne disposent pas de ce genre
de connaissances spécialisées (ni du temps requis pour les mettre à profit). Le
recours à des évaluateurs de l’extérieur peut être onéreux. Là encore, les
employés du programme ont surtout à coeur de faire leur travail et d’offrir le
service à autant de clients que leur charge de travail le permet; refuser leurs
services à certains clients potentiels pour qu’ils forment un groupe témoin à des
fins de recherche est aux antipodes de leur mission.
Toutefois, les questions importantes sur la déjudiciarisation auxquelles doivent
répondre les décideurs sont les suivantes :
•
les clients déjudiciarisés auraient-ils pu se voir imposer une sanction grave
(p. ex., emprisonnement) si leur cause avait suivi son cours, auraient-ils
écopé d’une sanction mineure, ou n’auraient-ils même pas été poursuivis?
•
quelle proportion d’affaires criminelles a été ou aurait pu être déjudiciarisée,
et s’agit-il simplement d’affaires mineures?
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•
les clients qui ont bénéficié d’une mesure de déjudiciarisation ont-ils tiré parti
des services (le cas échéant) qui leur ont été offerts?
•
selon l’issue de la déjudiciarisation, les délinquants déjudiciarisés s’en sont-ils
mieux sortis, moins bien sortis ou aussi bien sortis que les délinquants dont le
cas comparable a suivi la procédure judiciaire normale?
•
quelles économies, le cas échéant, le système de justice et le Trésor public
ont-ils réalisées grâce à la déjudiciarisation?
Il convient de répondre à ces cinq questions clés pour déterminer si une initiative
donnée permettra d’atteindre les objectifs de la déjudiciarisation.
On a beaucoup débattu de la question de savoir si les solutions de rechange ne
bénéficiaient pas d’un préjugé favorable par rapport aux mesures plus courantes
du système de justice traditionnelle. Dans une certaine mesure, cette préoccupation est fondée. Même si un programme de rechange donne des résultats qui
sont aussi bons (ou qui ne sont pas pires) que ceux produits par la procédure
judiciaire normale, les administrateurs du programme sont souvent contraints de
se justifier constamment et de lutter pour conserver leur financement, en particulier si le programme est considéré par le système de justice pénale officiel
comme accessoire ou comme une expérience à court terme. Néanmoins, cette
préoccupation ne dégage pas les décideurs et les chercheurs de l’obligation de
poser des questions pertinentes sur l’incidence réelle de la solution de rechange.
Bien que ce rapport soit axé sur les études d’évaluation, la rareté des
évaluations bien articulées dans le domaine de la déjudiciarisation des adultes
nous a amenés à nous pencher sur certaines études portant sur les jeunes, dans
la mesure où elles sont pertinentes. Nous nous sommes également intéressés à
d’autres idées intéressantes qui n’ont pas fait l’objet d’une analyse rigoureuse.
Ainsi, le rapport renferme certaines hypothèses quant aux idées qui pourraient
être mises à l’essai ou élargies au Canada.
L’analyse qui suit est organisée en fonction de l’étape du système de justice
pénale à laquelle la mesure de déjudiciarisation est prise. Il existe certainement
d’autres façons d’organiser les matériaux. En fonction du public, ils auraient pu
être organisés selon le type d’intervention offerte sous forme de programmes,
selon les problèmes, de manière chronologique pour essayer de retracer le
développement de la pensée et des programmes dans ce domaine, selon la
méthode de recherche, ou de bien d’autres façons. Nous avons choisi cette
méthode parce qu’elle donnait une idée des différentes contraintes associées à
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chaque étape de la procédure judiciaire, et l’orientation vers une étape
particulière qui caractérise l’expérience de travail de tant de responsables du
système de justice.
PARTIE II. Déjudiciarisation avant la mise en accusation
Bien que la déjudiciarisation par la police ne s’inscrive généralement pas dans un
programme et que la déjudiciarisation officielle par la police privilégie souvent les
jeunes par rapport aux adultes, il convient d’en faire état car elle permet de
présenter certains des problèmes clés de la déjudiciarisation en général.
L’analyse qui suit repose en grande partie sur des études de la déjudiciarisation
des jeunes par la police et sur les leçons qu’on peut tirer de ces études.
Il est un fait que la déjudiciarisation par la police se produit chaque jour, peut-être
même dans des pays comme l’Allemagne où la police a pour mandat d’enquêter
sur toutes les infractions au code pénal et d’en rendre compte par écrit au
procureur. Toutefois, certaines études laissent entendre que les efforts visant à
encourager la déjudiciarisation par la police et à l’officialiser ont eu pour effet
inattendu d’accroître le nombre de délinquants ayant officiellement des démêlés
avec la justice et d’entraîner l’établissement d’un document d’archives en faisant
état.
Dans un article intitulé “Police diversion: an illusion?”, Dunford (1977) s’intéresse
surtout à la déjudiciarisation des jeunes. Cet article est toutefois utile car l’auteur
y préconise la prudence, comme il le fera à nouveau dans son évaluation
ultérieure de deux programmes de déjudiciarisation des jeunes en faveur de
solutions de rechange prenant la forme de programmes (Dunford et ses
collaborateurs, 1982). Dunford donne à penser que plusieurs raisons incitent à
examiner avec prudence la déjudiciarisation des jeunes par la police en faveur
de programmes visant à leur venir en aide. Tout d’abord, les jeunes dont le cas
n’aurait tout simplement pas été transmis à la justice par la police sont inscrits à
des programmes car la police est d’avis qu’ils ont besoin d’un traitement
correctif. Que le traitement soit souhaitable ou non, Dunford laisse également
entendre que de nombreux jeunes ayant bénéficié d’une mesure de déjudiciarisation n’ont accès ensuite à aucun service, même si on a l’intention de leur en
fournir. D’autres en reçoivent si peu ou reçoivent des services qui correspondent
si peu à leurs besoins qu’ils ne servent à rien. Nombre d’organismes de services
aux jeunes sont si soucieux de leur rentabilité qu’ils acceptent quantité de clients
alors qu’ils ne possèdent même pas les ressources pour assurer des services à
une minorité d’entre eux, ce qui entraîne une dilution du service qu’ils pourraient
théoriquement offrir aux jeunes qui en ont vraiment besoin.
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Selon Dunford, les jeunes déjudiciarisés sont plus susceptibles d’être fichés que
si leur cas n’avait pas été choisi pour ce programme. Ils sont arrêtés lorsqu’ils
enfreignent les conditions du programme, même s’il s’agit d’un comportement
non criminel, et risquent en fait d’être incarcérés encore plus que ceux qui ont
suivi la procédure judiciaire normale. Pour Dunford, la principale distinction entre
la déjudiciarisation des jeunes et le traitement traditionnel a trait aux différences
relatives dans les garanties assurées par l’application régulière de la loi. Enfin,
cette évaluation des affectations aléatoires (1982) n’a décelé aucune différence
notable entre, d’une part, le nombre de réarrestations de jeunes déjudiciarisés
bénéficiant de services et celui de jeunes déjudiciarisés ne bénéficiant d’aucun
service (réprimandés et relâchés), et, d’autre part, ceux dont le cas a été soumis
à la justice. Le taux de récidive déclaré par l’intéressé suit la même tendance.
L’étude a évalué en fait quatre programmes de déjudiciarisation des jeunes fort
différents, offrant une gamme de services, soit la défense des intérêts du jeune,
l’intervention en situation de crise, l’aiguillage et la fonction de « courtier » de
services, et enfin le counseling direct.
Dans une étude sur les programmes de déjudiciarisation des jeunes menés en
Californie, Lerman (1975, p. 6-7) s’interroge également sur leur incidence sur les
solutions de rechange à l’incarcération :
Selon un examen des coûts et des avantages sociaux, le traitement dans
la collectivité peut également entraîner une certaine perte de liberté. Une
présentation détaillée de la preuve... indique que les délinquants placés
dans le groupe expérimental du projet de traitement dans la collectivité ont
effectué plus de séjours en détention que ceux placés dans le programme
de libération conditionnelle de la California Youth Authority (groupe
témoin). Les agents de libération conditionnelle du projet étaient plus
susceptibles de placer les jeunes qui étaient sous leur tutelle en détention
pour des raisons qui n’avaient pas trait à la récidive. Les raisons
invoquées étaient, entre autres, la non-réalisation des attentes du traitement, le dépôt de plaintes de la collectivité, le côté pratique sur le plan
administratif, les diagnostics et la prévision et la prévention du passage à
l’acte. Le caractère général des motifs invoqués, le peu de rigueur des
procédures régissant la détention, le fait de ne pas faire de distinction
entre la déviance grave et non grave et d’autres pratiques ont donné lieu à
une série de décisions discrétionnaires qui semblent arbitraires et injustes.
[traduction]
Ditchfield (1976) a étudié l’avertissement donné aux délinquants par la police en
Angleterre et au pays de Galles. Utilisée principalement pour les jeunes
contrevenants, l’avertissement par la police a été officiellement encouragé en
1969 dans la Children and Young Persons Act. Considéré comme une solution
de rechange aux poursuites, l’avertissement formel par la police prend presque
invariablement la forme d’un avertissement de vive voix par un agent de police
supérieur en uniforme. On ne peut y avoir recours que si le délinquant reconnaît
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sa culpabilité, si la police pense que l’infraction peut être prouvée et que le
plaignant n’insiste pas pour qu’il y ait des poursuites.
Cette façon de faire est prise en compte dans les statistiques officielles depuis
1954. À l’aide de séries chronologiques visant toute l’Angleterre et le pays de
Galles, Ditchfield a découvert qu’entre 1969 et 1974, le recours à l’avertissement
avait doublé en nombre absolu et augmenté sensiblement par rapport au nombre
total de cas traités visant des jeunes ayant eu des démêlés avec la police (au
contraire de la comparution devant un tribunal). Toutefois, le nombre de jeunes
reconnus coupables en cour n’a pratiquement pas changé malgré la hausse
indubitable de la criminalité chez ces derniers pendant cette période. Ditchfield a
donc conclu que le recours aux avertissements avait été en partie une forme de
déjudiciarisation.
Toutefois, en raison du caractère de plus en plus officiel de la procédure et des
méthodes plus systématiques de la police relativement à ses interventions
auprès des jeunes contrevenants, Ditchfield (1976) suggère que l’augmentation
des avertissements pourrait avoir eu une incidence “inflationniste” sur le nombre
de délinquants répertoriés. Les commerçants et les organismes de services
sociaux, sachant que l’on encourageait le recours aux avertissements, auront
peut-être été plus enclins à appeler la police dans des cas où, auparavant, ils ne
l’auraient pas fait. Il est possible par ailleurs que la police ait eu recours à
l’avertissement formel dans les cas où, auparavant, elle aurait uniquement
procédé à un avertissement informel ou classé l’affaire. Les régions du pays où
l’avertissement a été le plus souvent utilisé sont également celles qui ont
enregistré les plus fortes hausses du nombre de délinquants répertoriés.
Pour ce qui concerne les adultes, Ditchfield a constaté que les avertissements
formels s’adressaient surtout aux auteurs de vols à l’étalage et d’autres vols
mineurs. Il a également observé une relation inversement proportionnelle entre le
taux d’avertissement et le taux de mise en liberté, par le tribunal, de délinquants
adultes reconnus coupables. En d’autres termes, la décision visant des cas
mineurs impliquant des adultes peut simplement, par suite du recours actif à
l’avertissement, être prise plus tôt. Toutefois, Ditchfield se demande si
l’avertissement par la police est moins onéreux que la mise en liberté. Dans les
régions urbaines, étant donné la proximité des tribunaux, l’avertissement peut
prendre plus de temps à la police que la comparution devant le tribunal quand le
juge est un magistrat non salarié. Par ailleurs, les amendes acquittées aux
tribunaux correctionnels compensent en partie les coûts infligés au système de
justice.
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Sanders (1988) a fait plus tard une étude extrêmement critique de l’avertissement donné par la police aux jeunes et aux adultes en Angleterre et au pays de
Galles. L’avertissement informel au poste de police, approuvé dans les directives
du ministère de l’Intérieur en 1985, donne lieu à un relevé judiciaire archivé que
les plaignants peuvent consulter, bien que les avertissements informels ne soient
pas pris en compte dans les statistiques annuelles sur l’avertissement. Un
avertissement formel, demandé à un palier supérieur de la police, peut être cité
par la partie plaignante lors d’une comparution ultérieure, et un avertissement
formel a plus de chances qu’un avertissement informel d’être suivi d’un second
avertissement formel. Bien qu’en soi, cette situation ne soit pas source de
préoccupation, Sanders laisse entendre que la façon dont la police a recours aux
avertissements pose problème.
Après avoir lu les rapports sur les avertissements et discuté avec la police et les
agents de la Couronne, Sanders (1988) doute que l’élargissement du filet soit
une réalité, puisque l’avertissement n’est pas simplement une solution de
rechange aux poursuites, mais aussi au classement des affaires. Parfois, la
police a recours aux avertissements quand la preuve est fragile et que l’accusé
est prêt à accepter un avertissement pour clore l’incident. Sanders observe
également une large disparité non justifiée dans l’utilisation des avertissements
entre les infractions et au sein des services de police. Les intérêts et les besoins
des victimes, selon lui, sont rarement pris en compte. Il se peut que les poursuites puissent être à l’avantage des victimes, par exemple, en permettant la
restitution. Non seulement l’avertissement ne donne pas lieu à des aiguillages
vers des services du système, mais en plus, rien n’est fait pour fournir à l’accusé
l’aide dont il a peut-être besoin.
Mise en accusation Analyse
Que pouvons-nous déduire de ce bref examen d'une poignée d'études portant
sur la déjudiciarisation par la police? D'abord, on a des raisons de penser qu'en
officialisant le pouvoir discrétionnaire de la police en matière de déjudiciarisation,
on risque en réalité d'accroître l'ostracisme et d'élargir le filet, en créant un
dossier officiel qui autrement n'aurait pas existé et qui suivra le délinquant. Éventuellement, ce dossier aura des répercussions inattendues sur des décisions
prises ultérieurement. Cela ne veut pas dire que cet effet est nécessairement
indésirable, si l'intention est d'étoffer l'information que possède la police sur les
délinquants. En revanche, si l'intention est de mettre en oeuvre une véritable
déjudiciarisation, l'effet peut être contre-productif.
Deuxièmement, la déjudiciarisation en l'absence de programmes ou d'autres
formes d'intervention peut empêcher d'atteindre ce que Sanders (1988, p. 528)
appelle les buts «explicites» et «utilitaires» de la poursuite, dont la réprobation
des infractions et la réconciliation avec les victimes. Ce point de vue découle
d'une série d'hypothèses qui s'opposent à l'idée que la prise en charge par le
9
système de justice a dans l'ensemble un effet destructeur. Sanders rejette ce
postulat en faisant valoir qu'au mieux, il n'a pas été prouvé, et il revient aux
questions ayant trait aux buts fondamentaux de la loi. Naturellement, aucun point
de vue théorique ne peut à lui seul embrasser tous les cas de figure qui se
présentent quand on parle d'infractions et de délinquants. Par exemple, Sherman
et Berk (1984) ont découvert, dans une étude que les chercheurs qui leur ont
succédé ont eu de la difficulté à reproduire (Garner, Fagan et Maxwell, 1995),
que les auteurs de voies de fait contre un membre de leur famille avaient un taux
de récidive moins élevé lorsqu'ils bénéficiaient de counseling (19 %) que
lorsqu'ils étaient séparés de leurs victimes (24 %), mais que l'arrestation par les
forces de l'ordre était encore plus efficace (10 %).
Troisièmement, à la lecture des ouvrages sur les jeunes contrevenants, on n'a
guère de preuve que la déjudiciarisation par la police en faveur de solutions de
rechange faisant appel à des programmes a eu l'incidence recherchée, à savoir
permettre un diagnostic efficace et répondre aux besoins des jeunes. Pour
diverses raisons, dont la sélection et la formation du personnel, le volume de
travail, les restrictions financières et d'autres difficultés dans la prestation de
programmes de traitement efficaces, les incidences espérées ne se sont pas
concrétisées (voir, par exemple, Dunford, 1982). À vrai dire, le dépistage des
récidivistes est mieux servi par des contacts plus fréquents avec le personnel
chargé des programmes, et on observe que les violations des conditions de la
déjudiciarisation peuvent entraîner des taux plus élevés de détention et que la
non-réalisation des attentes du programme peut accroître les risques pour le
délinquant de se voir imposer une sanction sévère si son cas est de nouveau
confié au système de justice.
Déjudiciarisation des malades mentaux
Bien que nous n'ayons trouvé aucune évaluation rigoureuse des programmes de
déjudiciarisation des malades mentaux au niveau de la détention avant procès et
des poursuites ultérieures, certaines descriptions méthodologiques jettent
quelque lumière sur les approches les plus efficaces.
On ne saurait remettre en question l'importance de l'affranchissement des
personnes atteintes de troubles mentaux de la tutelle pénale. Mise à part la
question de l'atténuation de la responsabilité criminelle, le système de justice est
mal équipé pour prendre en charge efficacement ces personnes, car leur
présence au sein de la population correctionnelle n'est pas sans poser de
problèmes en ce qui a trait au traitement, à la sécurité et au contrôle qu'elles
requièrent. Leur placement dans un cadre où leurs besoins peuvent être mieux
comblés et où les risques qu'elles présentent pour elles-mêmes et pour autrui
peuvent être mieux maîtrisés est par conséquent jugé souhaitable, de façon
générale, par les administrateurs de prison et par d'autres porte-parole du
système de justice. Malheureusement, avec la désinstitutionnalisation qu'a
connue le système de santé mentale, les personnes ayant des troubles mentaux
10
se sont de plus en plus retrouvées sous la tutelle de la justice. Les taux estimatifs de personnes atteintes de graves troubles mentaux se retrouvant de
temps à autre dans les prisons locales varient considérablement, de 3 % à 16 %.
Le diagnostic rapide de troubles mentaux dès l'arrestation et l'adoption de
mesures pertinentes sont essentiels pour permettre une intervention concertée
dans ces cas.
Steadman et ses collaborateurs (1995) ont observé sur place 12 programmes de
déjudiciarisation en milieu carcéral considérés comme extrêmement efficaces et
six considérés comme moins efficaces par l'administrateur de la prison locale, le
porte-parole du système de santé mentale le plus près du programme et le
directeur du programme. À partir de leurs observations, il a mis en évidence six
caractéristiques que l'on retrouve dans tous les programmes efficaces. D'abord,
l'existence d'une communication et d'une collaboration étroites entre le système
de santé mentale, le système de justice et le système de services sociaux à
l'échelon local. La moitié des directeurs de programme considéraient d'ailleurs
comme «essentielles» les ententes officielles interorganismes. Un programme
remarquable faisait appel à une équipe interdisciplinaire de 10 membres qui
travaillaient intensément, comptant jusqu'à 100 clients judiciaires à la fois. Des
représentants du milieu judiciaire, du bureau du défenseur des droits du citoyen,
de la poursuite et de la probation ainsi que le superviseur des services carcéraux
participaient également étroitement aux rouages du programme.
Deuxièmement, il faut que des réunions soient organisées régulièrement par les
représentants des trois systèmes, à la fois au niveau de la prestation de services
et au niveau de la politique et de l'administration. Troisièmement, il est utile de
disposer d'une personne désignée pour assurer la liaison entre les trois systèmes; cette personne est le «ciment» qui assure la cohésion des divers éléments
du programme; quatrièmement, il doit y avoir un puissant leadership pour
parvenir à transformer des relations de coopération informelles en méthodes de
travail de groupe institutionnalisées. Cinquièmement, les détenus doivent être
évalués dès le début du processus — une évaluation médicale initiale dans les
24 heures et un dépistage psychiatrique plus approfondi des troubles mentaux
dans les 48 heures sont recommandés. Sixièmement, il faut disposer d'une
infrastructure de gestion dynamique des cas à toutes les étapes, y compris à
l'admission, assurer la liaison avec les services requis, donner de l'information et
des avis aux tribunaux, assurer directement la prestation de services et exercer
un contrôle à ce niveau, et disposer de mécanismes de défense des intérêts des
clients. Les chercheurs ont découvert (1995, p. 1634) que très peu des progammes qui accordaient l’attention voulue aux liaisons avec les services communautaires «étaient dotés de mécanismes permettant de maintenir la liaison initiale».
Or, à leur avis, c’est là une caractéristique absolue de l’efficacité à long terme.
McDonald et Teitelbaum (1994) ont évalué un programme de traitement de jour
dirigé par le secteur privé à Milwaukee, qui présentait un grand nombre de ces
caractéristiques. La participation des délinquants au programme était une
condition de leur libération avant le procès, de la probation ou d’une autre
11
ordonnance du tribunal. Le client moyen était un homme qui avait été arrêté à
deux reprises auparavant, chez qui l'on avait diagnostiqué des troubles mentaux
graves et qui avait passé en moyenne 75 jours dans un établissement psychiatrique au cours des deux années précédentes. La priorité était accordée aux
«clients pour lesquels la formule représentait une véritable solution de rechange
à l'incarcération». Le programme offrait une gamme de services, y compris la
fourniture de médicaments, une psychothérapie individuelle et une thérapie de
groupe, et une aide au niveau du logement, de la gestion financière et de
l'assistance médicale et sociale. En contrepartie, l'assiduité était obligatoire.
Certaines mesures indirectes ont pu être dégagées de la réussite du programme, lequel a permis de déjudiciariser quelque 1 000 personnes souffrant de
troubles mentaux arrêtées annuellement (le programme a la capacité de prendre
en charge environ 250 clients à la fois, et le séjour moyen dans le cadre du
programme est de 18 mois). En 1992, le programme a accepté 67 clients; 30
autres ont été orientés vers d'autres programmes de soutien communautaire, et
40 autres «sont restés en détention jusqu'à la fin de l'année et, par conséquent,
n'ont pas pu être admis dans le programme» (1994, p. 5) apparemment en
raison de la capacité limitée du programme. Une autre indication de l'efficacité du
programme nous est donnée par la situation des 84 personnes ayant quitté le
programme en 1992 : 57 % d'entre elles se sont conduites de façon satisfaisante
dans le cadre du programme jusqu'à la fin de leur obligation légale (les trois
cinquièmes de ces personnes ont refusé l'offre de participation à un autre
programme moins structuré, par la suite), 18 % ont été incarcérées à la suite
d’une nouvelle infraction ou de la violation des conditions de l'ordonnance du
tribunal, 14 % ont été transférées dans un établissement de traitement résidentiel et 11 % sont mortes, ont disparu ou ont déménagé dans un autre État.
Un article de source non divulguée intitulé «Diverting the Mentally ill from a
County Jail» (1987) décrit un programme mené dans le comté d'Orange, en
Californie, l’Alternative Community Treatment Program (ACT). Ce programme
était mené en étroite collaboration avec les systèmes de justice, de santé
mentale et de services sociaux, et était caractérisé par une «gestion dynamique
des cas». Il cherchait à éviter la prison de comté à des délinquants comptant à
leur actif trois incarcérations ou plus, pour des «infractions mineures» dans les
12 mois précédents, dont le dossier faisait état d'un diagnostic primaire de grave
trouble mental et d'antécédents dûment étayés de dysfonctionnement chronique
en raison du trouble mental. Au cours de 1984-1985, 58 détenus ont bénéficié du
programme, ce qui a entraîné une réduction nette estimée à 989 jours-prison (on
ne précisait pas comment avait été calculé ce chiffre estimatif). Les détenus
avaient été répartis entre divers services — établissements hospitaliers, 22;
services de santé mentale, 23; maison de transition, 1; service de désintoxication, 1; et refuges temporaires, 4.
Ces études portent à croire qu'il est possible d'épargner la détention avant
procès à des personnes atteintes de graves troubles mentaux, et de les placer
12
dans des cadres plus appropriés, même si la question de savoir combien de
temps certaines d'entre elles échapperont à la prison demeure une inconnue.
Parmi les stratégies efficaces, mentionnons l'instauration de relations de travail
étroites entre les systèmes de santé mentale, les services sociaux et les
administrateurs de la justice, l'existence de mécanismes pour le diagnostic
précoce des délinquants ayant des troubles mentaux, une gestion des cas
dynamique et un suivi de longue durée concernant la prestation de services
répondant aux besoins des délinquants.
PARTIE III. Ajournement de la poursuite
Plus de recherches évaluatives ont été effectuées dans le domaine de l'ajournement de la poursuite que dans tout autre domaine de la déjudiciarisation. Nul
doute que cette profusion s'explique par les espoirs suscités par la viabilité de la
déjudiciarisation à cette étape, et par les mécanismes relativement visibles et
structurés qui caractérisent cette étape. Un cas type de poursuite ajournée impliquerait une entente entre la partie plaignante et la partie défenderesse, après le
dépôt d'accusations, en vue de suspendre la poursuite pour une période où
l'accusé subira une forme quelconque d'intervention. Après l'achèvement
satisfaisant de ce programme ou de cette procédure, l'affaire est renvoyée à la
partie plaignante et une décision est prise quant au non-lieu ou au retrait des
accusations. Le principal avantage pour l'accusé est qu'il évite une condamnation au criminel.
Parmi les grandes questions que se posent les décideurs dans l'évaluation du
fonctionnement et de l'incidence des mécanismes d'ajournement de la poursuite,
mentionnons les suivantes :
•
•
•
•
•
•
•
Comment fait-on la sélection des causes qui donneront lieu à un ajournement éventuel de la poursuite? En particulier, quelles sont les catégories
d'infractions visées et quels types de risques l'accusé présente-t-il?
Quelle aurait été l'issue vraisemblable de l'affaire si la poursuite n'avait pas
été ajournée?
Quelle est la proportion d'accusés qui choisissent de ne pas accepter la
solution de rechange, et pourquoi?
Quelle est la proportion de cas, par rapport au nombre total d'affaires
criminelles, qui sont en fin de compte drainés par cette solution de
rechange?
Quels types d'aide donne-t-on aux accusés, de quelles formes d'intervention
font-ils l'objet et dans quelle mesure en bénéficient-ils?
Quelle est la proportion d'accusés orientés vers ce programme qui en tirent
parti, et pour quelles raisons «certains accusés» échouent-ils?
Quelle est l'incidence de cette solution sur les accusés qui donnent satisfaction ou qui échouent, en ce qui a trait au prononcé d'un non-lieu ou à
l'issue judiciaire?
13
•
•
Les accusés dont l'affaire a été ajournée avec une issue favorable sont-ils
plus ou moins susceptibles de récidiver que les accusés qui n'ont pas donné
satisfaction dans le cadre du programme, ou ceux qui ont été directement
traduits en justice?
Quel est le coût de fonctionnement de la solution de rechange et quelles sont
les économies pour le système de justice?
Les réponses à ces questions clés détermineront si la solution de l'ajournement
de la poursuite change réellement le cours des choses pour les délinquants, les
victimes et le système de justice, et quels sont les différences observées.
Dans quels types d'affaires choisit-on les accusés (adultes) pour lesquels il
y aura ajournement de la poursuite?
Un certain nombre d'études ont décrit les catégories d'affaires où l'accusé
bénéficiera d'un ajournement de la poursuite. Dans l'ensemble, les observations
confirment les données des études sur la délinquance juvénile : ce sont les cas
les moins graves et présentant le moins de risques que l'on choisit le plus
souvent pour cette solution de rechange, ce qui inclut une proportion considérable d'affaires qui n'auraient pas donné lieu à des poursuites si le programme de
déjudiciarisation n'avait pas existé.
Les programmes de déjudiciarisation avant procès ont été inaugurés dans le
système de justice applicable aux jeunes délinquants et de nombreux programmes continuent à leur être exclusivement destinés. Les programmes de déjudiciarisation avant procès pour adultes découlent de l'expérience acquise au
départ au fil des projets menés avec les jeunes. Encore aujourd'hui, les critères
régissant nombre de programmes officiels de déjudiciarisation avant procès
excluent de leur clientèle les récidivistes, les drogués et les alcooliques, les
auteurs de crimes contre la personne et les auteurs d'infractions majeures. La
plupart de ces programmes, toutefois, font à l'occasion des exceptions.
La majorité des personnes choisies pour la déjudiciarisation sont accusées la
plupart du temps de vol (le vol à l'étalage est l'infraction la plus courante) ou de
possession de drogue. Il s'agit souvent de délinquants primaires ou de
délinquants qui en sont à leur deuxième infraction. Cependant, pour nombre
d'entre eux, la vie de tous les jours présente d'importantes difficultés qui peuvent
les amener à se livrer à une activité criminelle, notamment un faible niveau de
scolarité, des antécédents de chômage ou de sous-emploi, une médiocre
adaptation sociale et autre. En raison des problèmes manifestés par ces clients
potentiels, on ne s'étonnera pas de voir que la plupart des procureurs de la
poursuite et le personnel responsable de la déjudiciarisation se rallient à l'idée
que la solution de l'aide, qui est censée être disponible par l'intermédiaire du
programme, est une solution préférable non seulement à la poursuite, mais
également à l'absence d'intervention. Lorsque par surcroît les clients potentiels
sont jeunes et sans antécédents criminels, il est tout à fait logique que les
14
travailleurs pensent que ce sont pour ces personnes qu'une intervention
immédiate pourrait avoir un effet préventif.
Quelles que soient les raisons, les évaluations de la déjudiciarisation avant
procès font état, dans l'ensemble, d'une grande proportion de cas déjudiciarisés
qui n'auraient pas donné lieu à une peine importante, ni même à des poursuites.
Cette conclusion est celle que l'on trouve dans les études qui s'appuient ou
essaient de s'appuyer sur un groupe de comparaison «apparié» ou, plus rarement, qui déterminent un groupe de délinquants auxquels on pourra appliquer
une mesure de déjudiciarisation, et parmi lesquels seront choisis par la suite de
façon aléatoire ceux qui bénéficieront réellement de la mesure et ceux dont
l'affaire suivra son cours normal.
Dans l'évaluation d'un programme de déjudiciarisation avant procès menée à
San Pablo, en Californie, qui «ressemblait étroitement à la probation» (22 % des
participants étaient astreints en plus à des services communautaires), Austin
(1980) a découvert que 90 % des clients déjudiciarisés avaient bénéficié en fin
de compte d'un non-lieu et que 3 % avaient été condamnés à une peine de
prison. Ces résultats se comparent favorablement à ceux d'un échantillon témoin
de cas acceptés choisis de façon aléatoire, dont 7 % ont bénéficié d'un non-lieu,
21 % ont été incarcérés (pour 14 jours en moyenne), 28 % se sont vus imposer
une amende et 10 % ont fait l'objet d'une ordonnance de probation d'une durée
moyenne de 12 mois.
Peu d'évaluations par ailleurs font état d'écarts si exceptionnels dans les taux de
non-lieu, même si dans certaines les écarts sont importants. Pryor et ses
collaborateurs (1977), dans une étude bien contrôlée, ont fait appel à quatre
groupes témoins pour leur évaluation d'un projet mené à Rochester, dans l'État
de New York. Ce projet était destiné à améliorer le niveau de scolarité et l'emploi
d'accusés. Le premier groupe témoin était individuellement apparié au groupe
expérimental, et pratiquement identique quant aux principaux aspects. Le second
groupe avait été accepté dans le projet, mais rejeté par les procureurs de la
poursuite. Le troisième groupe témoin «n'avait pas besoin de services» selon le
personnel du programme et le quatrième était apparié individuellement au
groupe n'ayant pas besoin de services. Parmi les groupes expérimentaux (ceux
ayant eu une issue favorable et ceux ayant eu une issue défavorable,
regroupés), il y a eu 79 % de non-lieux; ces chiffres se comparent aux taux de
36 %, 32 %, 46 % et 41 % respectivement, pour les groupes témoins. La
différence pour ce troisième groupe témoin, composé de ceux considérés par le
personnel du programme comme n'«ayant pas besoin de services», était
particulièrement intéressante dans la mesure où les membres de ce groupe ne
recevaient aucun service, mais avaient fait l’objet d’une recommandation
favorable au tribunal.
On associe souvent les programmes de déjudiciarisation avant procès aux
programmes d'emploi des tribunaux parce qu'ils ont pour principale mission de
15
trouver du travail aux accusés. Un programme de ce genre, le Manhattan Court
Employment Project (Vera Institute, 1972), était un programme de déjudiciarisation avant procès destiné à des délinquants sans emploi et sous-employés
âgés de 16 à 60 ans, n'ayant jamais purgé plus d'un an dans un établissement
carcéral et jugés peu susceptibles d'être incarcérés pour l'infraction commise.
Une fois acceptés, les clients ont bénéficié de diverses formes d'aide — évaluation du niveau scolaire par une école professionnelle, counseling, enseignement,
formation, placement et prêts de secours. Zimring (1974), dans une nouvelle
analyse des données à partir de son propre groupe témoin (qui n'était pas
complètement comparable), a trouvé que 52 % des accusés qui avaient été
acceptés par le programme l’avaient en fin de compte complété avec succès et
avaient bénéficié d'un non-lieu. Une proportion pratiquement identique d'accusés
(51 %) du groupe de comparaison apparié ont bénéficié en fin de compte d'un
non-lieu, n'ont pas été poursuivis ou ont été acquittés. Seulement 7 % des
accusés du groupe de comparaison ont été condamnés à une peine de prison.
On retrouve des résultats similaires dans le projet comparable Crossroads
(mentionné dans Rovner-Pieczenik, 1974). Dans cette évaluation, 54 % des
accusés du groupe de comparaison n'ont pas été condamnés et 6 % seulement
ont été en fin de compte incarcérés alors que les accusés qui se sont inscrits au
programme étaient nettement plus susceptibles (85 %) de le compléter avec
succès et de bénéficier d'un non-lieu. De même, l'issue des affaires du groupe
de comparaison, dans une évaluation du programme CEP de déjudiciarisation
avant procès mené à New Haven (mentionné dans Rovner-Pieczenik, 1974)
porte à croire que 30 % des personnes admises par le programme n'auraient pas
été condamnées et qu'aucune n'aurait été incarcérée. Toutefois, 73 % de ceux
qui ont été admis par le programme ont bénéficié d'un non-lieu.
Il est possible qu'en raison des difficultés inhérentes à la structure de l'évaluation, le problème soit sous-estimé. C'est-à-dire que les groupes de comparaison
qui ont été appariés par les chercheurs en raison de l'âge, de l'infraction, des
antécédents et d'autres aspects pertinents ne permettent pas de contrôler des
facteurs moins tangibles qui peuvent avoir une incidence à la fois sur l'admission
à un programme de déjudiciarisation et sur les décisions de la justice en aval, de
même que sur la récidive. Par conséquent, le personnel chargé du programme
de déjudiciarisation applique généralement une série de critères de sélection
supplémentaires qui ne seront pas reproduits dans un essai visant à construire
rétrospectivement un échantillon témoin fondé sur les variables dont font état les
dossiers. On retrouve parmi ces critères supplémentaires toutes sortes d'éléments, depuis l'enthousiasme manifesté pour le programme jusqu'à la consommation de drogue. Comme on le verra plus tard, les taux de cas exclus par le
personnel du programme, les procureurs de la poursuite et d'autres sont loin
d'être négligeables. Surtout, lorsque le programme de rechange apparaît comme
susceptible d'être avantageux pour des clients qui semblent dignes d'intérêt, on
observe une tendance naturelle chez le personnel du programme à choisir les
clients les plus prometteurs en fonction d'une large variété de facteurs.
16
Néanmoins, un certain nombre d'évaluations portent à croire que les programmes d'ajournement de la poursuite sont avantageux pour certains participants
dans la mesure où ils augmentent les possibilités de non-lieu. Toutefois, les
quelques études disponibles donnent à penser qu'entre un tiers à la moitié des
participants auraient vu de toute façon leur affaire classée même selon la procédure normale. Nul doute que, dans la mesure où ces personnes bénéficient de
programmes d'intervention parfois prolongés, elles sont exposées à ce qu'Austin
et Krisberg (1981) appellent «des filets plus larges, plus puissants et différents».
Comme le déclare Hillsman (1982, p. 381) :
Les écrits sur la question de la déjudiciarisation ont tendance à donner du
tribunal pénal l'image d'un organisme qui poursuit et condamne la plupart
des accusés qui comparaissent devant lui, même dans le cas d'infractions
mineures. Or, les portraits de ces tribunaux provenant de diverses
sources empiriques font une entorse à cette image... La plupart des
tribunaux (en particulier les tribunaux inférieurs où l'on retrouve le plus
souvent la déjudiciarisation) résolvent de nombreux procès en prononçant
la libération de l'accusé, en le condamnant à une amende relativement
modeste ou en prononçant d'autres sanctions relativement clémentes,
quand ils ne rejettent pas tout simplement les accusations... La
déjudiciarisation a tendance à être utilisée dans des contextes où une
certaine proportion d'affaires (peut-être même assez grande) sont déjà
éliminées ou traitées avec un certain degré de clémence.
Quelle est la proportion d'accusés qui choisissent de ne pas accepter la
solution de rechange, et pourquoi?
Certaines études se sont intéressées aux clients visés par un programme de
déjudiciarisation qui n'ont pas accepté la solution de l'ajournement de la
poursuite et qui n'ont pas participé au programme, choisissant plutôt de
comparaître devant le tribunal. Les pourcentages de clients qui satisfont aux
critères de la déjudiciarisation, mais refusent cette solution sont assez élevés.
Dans un programme d’emploi du tribunal, Baker-Hillsman et Sadd (1980)
indiquent qu'un bon tiers des accusés avaient choisi de ne pas accepter cette
solution de rechange. Ce programme existait, sous une forme ou sous une autre,
depuis de nombreuses années, et un examen antérieur (Zimring, 1974) donnait à
penser que le taux de refus d'accusés se situait probablement plus près de 14 %.
Il est possible que les 30 ans d'existence du programme aient permis aux
accusés de cette instance de mieux comprendre les avantages comparatifs de la
déjudiciarisation.
Dans le comté de Dade, selon Rovner-Pieczenik (1974), 48 % des candidats ont
refusé de participer, mais ce chiffre a été de toute évidence grossi par le fait que
les accusés étaient invités à participer par la poste. Un quart des accusés sélectionnés dans Operation Midway ont refusé de participer (Miller, mentionné par
17
Zimring, 1974), ce qui est similaire au taux de «non-comparution» observé par
Austin (1980). Goetz (1978), dans un examen des étapes préliminaires d'un
programme de déjudiciarisation pour adultes à Nanaimo (Colombie-Britannique),
indique que seulement 4 % des accusés ont refusé cette solution, la plupart,
semble-t-il, sur l'avis de leur avocat, qui considérait qu'il valait mieux qu'ils
tentent leur chance devant le tribunal.
Dans de nombreux cas, les motifs de non-participation ne semblent pas sans
rapport avec le caractère relativement intrusif ou avec la durée de l'intervention
associée à la solution de rechange, par comparaison avec la décision que
l'accusé espère obtenir du tribunal. Habituellement, le programme de déjudiciarisation dure de trois à six mois et les accusés y participent même parfois
pendant un an pour respecter les conditions qui leur sont imposées, comme le
dédommagement ou le service communautaire. Selon Austin (1980), les
décisions prises par le tribunal du groupe témoin étaient clémentes, à la fois
dans l'absolu et par rapport au degré de contrainte imposé aux participants du
programme de déjudiciarisation. Le régime de déjudiciarisation mobilisait les
accusés pendant moins de temps, toutefois, que les peines de probation
imposées aux accusés du groupe témoin. Nimmer (1982) cité dans Hillsman
(1982) parvient à des conclusions analogues et c'est le cas de la plupart des
écrits sur la déjudiciarisation des jeunes délinquants. Bohnstedt (1978), par
exemple, dans un examen des programmes de déjudiciarisation des jeunes
délinquants, a mis en évidence que la déjudiciarisation signifie un plus grand
nombre de contacts, du moins dans la moitié des cas.
Quelle est la proportion de cas par rapport au nombre total d'affaires
criminelles qui sont en fin de compte drainés par cette solution de
rechange?
Certaines études ont essayé d'évaluer le pourcentage de toutes les affaires
visées par la déjudiciarisation ayant retenu la solution de l'ajournement de la
poursuite. D’après Roesch et Corrado (1983, p. 388), la plupart des projets de
déjudiciarisation ne touchent qu'un ou deux pour cent du nombre total d'affaires
dont sont saisis les tribunaux du système de justice pénale, en grande partie
peut-être en raison des «limites visant le nombre d'accusés à qui l'on pourrait
assurer des services en même temps». Dans une évaluation d'un CEP à New
York, Baker-Hillsman et Sadd (1981) indiquent que 2 % des accusés admissibles ont été touchés. À un stade préliminaire du même projet, on avait découvert
que la déjudiciarisation touchait 1,2 % de toutes les personnes accusées
d'infractions majeures ou graves (Zimring, 1974). Le programme de New Haven,
pour sa part, touchait 2 % des affaires criminelles. L'étude d'Austin (1980) de
San Pablo se démarque puisqu'il estimait que 17 % des personnes arrêtées et
25 % des personnes accusées étaient orientées vers le programme. Les raisons
de cette différence ne sont pas claires.
18
Certains programmes excluent la majorité des cas qui leur sont confiés au
départ. L'étude d'Austin (1980) et l'examen de Zimring (1974) du CEP du Vera
Institute mettent en évidence des taux d'élimination à la présélection par le
personnel chargé de la déjudiciarisation ou de la justice pénale de 81 % et 85 %,
respectivement. Selon Austin, les décisions d'élimination sont fondées sur une
notion et des perceptions collectives mal définies de la moralité, de la motivation
à changer et de l'intention criminelle. Pryor et ses collaborateurs (1977) parlent
d'un taux d'élimination par le personnel de 40 %, fondé principalement sur
l'absence de motivation chez les accusés refusés.
Il semblerait que la clientèle limitée de la plupart des programmes de déjudiciarisation soit en réalité imputable à au moins trois facteurs : le manque de temps et
les limites des budgets du personnel responsable (y compris les limites visant les
services accessibles pour aider les personnes accusées qui sont déjudiciarisées); les limites en soi et les limites inhérentes à la réticence des responsables du système de justice à accepter des cas qui semblent «moins dignes
d'intérêt»; et l'optimisme de certains accusés qui ont l'impression qu'ils pourront
«mieux faire» devant le tribunal.
Quels types d'aide donne-t-on aux accusés, de quelles formes
d'intervention font-ils l'objet, et dans quelle mesure en bénéficient-ils?
Certains chercheurs ont essayé d'évaluer dans quelle mesure les clients de la
déjudiciarisation ont bénéficié des programmes, indépendamment de la question
de savoir (analysée ci-après) si la participation au programme a une incidence
sur les taux de récidive.
La plupart des programmes évalués rigoureusement font état au mieux,
d'avantages durables modestes chez les clients des services de déjudiciarisation. Dans la plupart des programmes, on n'a même pas essayé de mesurer
les «avantages durables», se contentant plutôt de mesurer les effets à la fin du
programme (soit seulement trois mois ou six mois au plus après le contact initial
avec le client). Non seulement ce type d’évaluation est ponctuel, mais il est en
outre particulièrement vulnérable à une «régression vers la moyenne»,
phénomène statistique qui, par exemple, aurait tendance à indiquer des taux
artificiellement élevés d'amélioration chez les accusés alors que ces derniers, au
moment de leur arrestation, étaient probablement dans le creux de la vague. Ces
accusés ne pouvaient guère que «remonter la pente».
Dans une macro-analyse des résultats des neuf projets du CEP de la «deuxième
série» financés par le ministère américain du Travail, la firme Abt Associates
(1974) compare la situation sur le plan de l'emploi avant le programme et après
le programme des «bons éléments» — c’est-à-dire les clients qui ont fait partie
avec succès du programme de déjudiciarisation. (Naturellement, cette
comparaison ne dit pas grand-chose de la façon dont les clients déjudiciarisés
s'en sont sortis dans l'ensemble après le programme, étant donné que certains
19
d'entre eux n'ont pas terminé le programme, parce qu'ils ont récidivé en cours de
programme ou n'ont pas coopéré dans le cadre du programme.) Alors que 33 %
des «bons éléments» occupaient un emploi à l'admission, 58 % étaient employés
à la fin du programme. Au cours de l'année précédant l'admission, si l'on en croit
ce que disent les clients eux-mêmes, les «bons éléments» étaient employés
pendant 45 % de l'année et, au cours de l'année ayant suivi la fin du programme,
le même groupe était employé à raison de 60 % du temps. On observe
également que ces «bons éléments» ont eu en moyenne une augmen-tation
salariale de 30 cents au cours de la période de deux ans visée par la recherche.
Ces différences sont significatives sur le plan statistique, mais elles pourraient
s'expliquer également par le phénomène de «régression vers la moyenne» de
même que par l’acquisition d’une certaine maturité. Ces personnes, pour la
plupart des hommes jeunes, peuvent avoir mûri au cours de la période de plus
de deux ans visée la recherche. En outre, selon Rovner-Pieczenik (1974), le
marché de l'emploi et le salaire minimum, dans plusieurs régions, se sont
améliorés au cours de la période visée, ce qui peut également entrer en ligne de
compte dans les différences observées.
D'autres études ont fait état de résultats similaires pour les programmes mis en
place dans le but d’améliorer le niveau de scolarité et la formation professionnelle. Crossroads, un projet mené à Washington, D.C., faisait état de 44 % des
participants employés à l'admission contre 70 % à la fin (bons éléments et moins
bons éléments); le programme de New Haven parle de 38 % de participants
employés à l'admission contre 68 % à la fin. Dans le cadre du projet Manhattan
Court Employment du Vera Institute, on parle de 31 % de participants employés
à l'admission sur l'ensemble du groupe, contre 79 % à la fin du projet, uniquement pour les bons éléments du programme. Toutefois, une étude contrôlée
ultérieure (Baker-Hillsman et Sadd, 1981) du CEP du Vera Institute à Manhattan
et à Brooklyn ne révélait aucune différence entre les groupes expérimentaux et
les groupes témoins dans les taux d'emploi ou dans le revenu gagné après
quatre et douze mois. Les accusés se voyaient pour la plupart offrir des emplois
subalternes, peu rémunérés. On ne mentionnait aucune incidence sur la situation
professionnelle ou sur le niveau de scolarité des accusés qui ne travaillaient pas.
Dans une étude résumée par Galvin et ses collaborateurs (1977b) de Vera
Wildcat, on mentionnait, dans le cadre d'un programme de 6 à 24 mois de travail
subventionné s’adressant à des délinquants récidivistes endurcis, ayant des
antécédents de consommation de drogues dures, un taux d'emploi de 40 %,
deux ans après la période de participation au programme. En outre, il y avait peu
de rechutes dans la consommation de drogues dures (même si dans le cadre du
programme, aucun effort direct n’avait été fait pour mettre un terme à la toxicomanie des délinquants). En revanche, une étude britannique (Pointing, 1986)
portant sur un programme de travail subventionné de trois mois destiné à des
probationnaires ayant des antécédents professionnels «de médiocres à nuls»,
mais non consommateurs de drogues dures, ne faisait état d'aucune incidence
sur la vie professionnelle de ces personnes par la suite.
20
Certaines études ont indiqué, d'après des tests psychologiques, que l'estime de
soi des participants, leur confiance en soi et leur maîtrise de soi augmentaient au
cours de la période du programme. En règle générale, toutefois, peu d'évaluations donnent beaucoup de détails sur la prestation, la qualité et les résultats
intermédiaires des services offerts.
Quelle est la proportion des réussites et des échecs
des participants au programme?
On a constaté un écart considérable entre les taux d’échecs des participants aux
programmes : de 9 % à 52 % des évaluations qui ont permis de tirer cette
conclusion (et bon nombre ne le permettent pas). Il ne semble pas particulièrement facile d’expliquer ces écarts d’après les profils des délinquants qui ont
participé aux programmes, sauf dans le cas des délinquants plus prosociaux et
ayant commis des crimes moins graves selon Austin (1980), dont seulement 9 %
ont enregistré un échec. Les échecs semblaient résulter davantage de la mesure
dans laquelle les défendeurs devaient respecter des obligations précises et
régulières : ceux qui devaient assister à des séances de formation tous les jours
risquaient plus d’«échouer» que ceux qui étaient assujettis à un régime qui
ressemblaient davantage à la probation ordinaire, par exemple.
Cependant, dans un certain nombre d’études, des auteurs (Abt Associates,
1974; Mullen, 1975) ont préconisé le recours à un pouvoir discrétionnaire plus
structuré au moment de décider de mettre fin au programme en faisant ressortir
la primauté des raisons liées à la «motivation» dans les dossiers à cet égard.
Bien entendu, la «motivation» peut être une explication commode d’une foule de
lacunes comportementales perçues dans le rendement.
21
Les délinquants déjudiciarisés qui réussissent le programme
risquent-ils plus ou moins de récidiver?
On en sait peut-être moins sur cette question que sur toute autre en raison de la
difficulté de constituer des groupes témoins qui soient réellement comparables.
La majorité des évaluations effectuées à ce sujet au moyen de techniques tenant
compte du groupe déjudiciarisé ou comparant les conclusions à ce groupe ont en
réalité prêté le flanc à des critiques en raison des faiblesses de la méthodologie
(voir p. ex., Hillsman, 1982).
L’étude la plus solide de la littérature est l’examen de Pryor et collaborateurs
(1977) concernant un programme de trois mois visant surtout à améliorer
l’emploi et le niveau d’instruction. Ils ont constaté que 24 % des clients dont le
cas avait été déjudiciarisé avant le procès ont été arrêtés de nouveau après un
an (19 % des bons éléments et 44 % des moins bons éléments) contre 37 % des
délinquants du groupe témoin comparés au groupe expérimental, 35 % des cas
acceptés par le personnel du programme, mais éliminés par les procureurs, 9 %
des cas jugés comme «n’ayant pas besoin de service» et 19 % des membres du
groupe comparés à ces derniers. Bien entendu, un an ne constitue pas une
période de suivi idéale; ces écarts dans les résultats du traitement pourraient
s’amenuiser ou disparaître après deux ou trois ans. Fait intéressant, il semble
que le personnel ait vu juste en ce qui concerne les cas «qui n’avaient pas
besoin de service» : ces personnes ont obtenu le meilleur rendement. On n’offre
cependant aucune explication concernant les écarts de récidive entre eux et les
personnes du groupe témoin comparé au groupe expérimental.
Austin (1980) n’a constaté aucun écart statistiquement significatif en matière de
récidive entre le groupe expérimental, qui a été soumis à un programme
semblable à la probation, et les délinquants du groupe témoin choisis au hasard.
Il n’y a aucune autre étude permettant de corroborer la comparaison. BakerHillsman et Sadd (1981) n’ont constaté aucun écart entre leur groupe expérimental et leur groupe témoin en ce qui concerne la probabilité d’une nouvelle
arrestation, le nombre de nouvelles arrestations ou la gravité de l’infraction après
quatre mois et après douze mois.
Quel est le coût de fonctionnement du programme de déjudiciarisation et
quelles sont les économies réalisées par le système de justice?
On a constaté un écart très important entre le coût par client déclaré pour les
programmes, qui variait d’un minimum de 370 $ à un maximum de 1020 $.
Certaines études ne font état que des coûts par client qui a réussi; dans d’autres,
il est difficile de déterminer en quoi consiste la clientèle ayant servi au calcul.
D’autres études ne font état que de chiffres globaux sur les coûts du programme.
Dans bien des études, il est suggéré d’établir une comparaison entre le coût du
programme de déjudiciarisation et le coût d’incarcération des clients (on emploie
habituellement le coût moyen, plutôt que le coût marginal, de l’incarcération).
22
Selon une autre étude, la comparaison doit être établie entre le coût du
programme et la valeur des salaires touchés par les clients employés! La
méthode de comparaison la meilleure et la plus simple est probablement celle
d’Austin (1980) qui, après avoir comparé le coût par client des délinquants
déjudiciarisés au coût par client d’un groupe témoin, a constaté que le coût de la
déjudiciarisation était deux fois plus élevé.
Bien entendu, il n’est pas simple d’établir le coût, compte tenu de tous les
facteurs susceptibles d’être pris en considération. Parmi ces facteurs figurent les
infractions que permet en théorie de prévenir le traitement (ou le fait d’être
incarcéré), les coûts des traitements médicaux des victimes, les impôts payés
par les délinquants qui sont mis au travail, le nombre relatif de comparutions
devant le tribunal (souvent, celui des délinquants déjudiciarisés ne diffère pas
beaucoup de celui du groupe témoin), etc. En outre, on ne s’entend généralement pas sur la façon de tenir compte, dans l’établissement de ces coûts, de
certains coûts fixes comme l’administration.
Dans toutes les études recensées, toutefois, l’essentiel (lorsqu’il était abordé),
c’était que le programme de déjudiciarisation n’entraînait aucune économie pour
le système de justice si l’on entend par «économie» le fait que la charge de
travail des agents de probation ou d’autres représentants était réduite, que des
tribunaux étaient fermés ou que les prisons étaient moins surpeuplées. On ne
saurait s’attendre à d’autres résultats étant donné que la plupart de programmes
ne s’adressent qu’à deux ou trois pour cent des cas.
Le budget du programme de déjudiciarisation constituait plutôt un coût supplémentaire, mais qui pourrait procurer des avantages. Touche Ross (1976) a
constaté que les coûts de la probation ont plus que doublé après l’introduction
d’un programme visant à traiter les auteurs d’infractions en matière de drogue au
lieu de les faire comparaître en justice. Ce phénomène tenait en grande partie au
fait que les agents de probation ont dû consacrer du temps supplémentaire aux
enquêtes, à l’aiguillage, à la surveillance et aux programmes spéciaux de
counseling.
Se prévaloir des procédures : un complément ou une étape obligatoire?
L’une des procédures qui influent considérablement sur le nombre d’accusés
pour lesquels le report de la poursuite est envisagé est la façon de se prévaloir
des procédures possibles. Certains programmes de déjudiciarisation avant
procès relèvent de la poursuite, des tribunaux ou des services de probation. La
façon dont se fait la sélection varie fortement d’un programme à l’autre. Le
processus peut être déclenché automatiquement selon les caractéristiques du
cas ou à la discrétion d’un procureur donné, d’un membre du personnel de
déjudiciarisation ou d’un autre fonctionnaire.
Cependant d’autres programmes servent de «complément»; ils ne relèvent pas
d’un bureau de la poursuite, et les procureurs et d’autres représentants de la
23
justice ne les envisagent pas automatiquement. Un grand nombre des
programmes évalués ont été lancés par des organismes privés qui ont dû établir
leur crédibilité auprès des principaux représentants de la justice. Après cette
période initiale, il arrive que la sélection des «déjudiciarisables» vienne s’ajouter
aux décisions que doit prendre la poursuite avant de porter des accusations. Il
peut en résulter une collaboration imparfaite entre les procureurs et ceux qui
présélectionnent les cas en vue d’un éventuel report de la poursuite. Cela influe
sur le succès de l’initiative, mais certains (p. ex. McDonald, 1986) estiment que
les programmes privés, dont les cas leur sont acheminés par la défense, ont le
plus d’incidence sur le nombre de cas des tribunaux et sur les cas marginaux.
Hillsman (1982, p. 376) est d’avis que les procureurs peuvent, dans bien des
cas, fonctionner selon un point de vue tout à fait différent de ceux qui auraient
inspiré la tendance à déjudiciariser les cas :
… Les procureurs ont soustrait à la déjudiciarisation les accusés
admissibles qui pouvaient être reconnus coupables et y ont acheminé des
cas comportant des problèmes de procédures (concernant la preuve) ou
les cas qui auraient normalement été rejetés parce qu’ils étaient trop
mineurs… Cette stratégie de prise de décision maximise leurs divers
objectifs, soit faire condamner ceux qui peuvent être relativement
facilement reconnus coupables et appliquer une certaine forme de
surveillance au plus grand nombre possible d’accusés.
[traduction]
Hillsman va même jusqu’à supposer que les avocats de la défense ne
s’opposent pas à cette stratégie parce qu’il est également dans leur intérêt de
l’appuyer, car elle permet d’atteindre le but escompté (le non-lieu), et ce, en
consacrant un minimum de temps à la négociation et sans avoir à recourir à des
«faveurs».
Les opinions sont contradictoires, dans les écrits, quant au placement idéal des
programmes de sélection avant procès. Selon certains, le personnel de programmes de déjudiciarisation doit être, et donner l’apparence d’être, indépendant de
la poursuite et de la défense afin d’atteindre les objectifs et de maintenir la
crédibilité du programme auprès des décideurs et d’autres personnes. Nombre
de directeurs de programmes estiment qu’idéalement, ces programmes doivent
être considérés comme «étant dans le système de justice, mais non une partie
de celui-ci». Musheno (1982) est d’avis que les petites organisations communautaires axées sur le développement et ayant des lignes de communication claires
risquent peut-être moins d’élargir la portée du programme d’une façon apte à
promouvoir l’élargissement du filet. Un examen (Administrative Office of the U.S.
Courts, 1979) de dix organismes fédéraux américains de service de mise en
liberté avant procès a permis de constater que les cinq programmes structurés
indépendamment semblaient produire des taux de mise en liberté initiale plus
élevés, un recours moins général aux cautionnements en argent, des taux de
24
détention avant procès plus faibles, un recours moins étendu à la mise en liberté
supervisée et des taux de nouvelle arrestation avant procès plus faibles. D’autre
part, les programmes gérés par les services de probation semblaient afficher des
taux de défaut de comparution légèrement plus bas. Les autres programmes de
services avant procès pourraient suivre les mêmes tendances.
Dans certains programmes d’ajournement des poursuites, les représentants de
la poursuite effectuent une sélection initiale, puis acheminent le cas vers le
personnel du programme de déjudiciarisation pour qui applique son propre
processus d’évaluation initiale et de sélection. Une collaboration permettant une
sélection conjointe des cas par les procureurs et le personnel des programmes
serait peut-être l’idéal. Dans les Services de médiation de Winnipeg, le personnel
de la poursuite et celui de la déjudiciarisation examinent ensemble les cas dès le
début et effectuent ensemble la sélection. Cette collaboration aide également le
personnel des deux services à obtenir une meilleure idée des objectifs, des
besoins et des activités de l’autre service.
De nombreux auteurs (p. ex. Galvin, 1977; Decker, 1985; Moriarty, 1993) ont
souligné à maintes reprises la nécessité de faire participer les procureurs et les
juges au processus initial d’établissement des objectifs et d’élaboration de
mesures de rechange. Moriarty (1993, p. 69) estime que de nombreux agents de
la justice pénale ne connaissent pas bien la solution de rechange qu’est la déjudiciarisation. Fait surprenant, il indique que l’expérience vécue au Massachusetts a montré qu’un certain nombre de membres très qualifiés de la défense ne
connaissent à peu près rien de la déjudiciarisation avant procès.
Autres facteurs à prendre en considération
Dans le cas des initiatives d’ajournement de la poursuite, il est essentiel de
connaître les autres facteurs touchant le fonctionnement du système de justice,
en particulier le processus de négociation du plaidoyer. Comme le report de la
poursuite comporte des étapes au cours desquelles il est toujours possible
d’entamer la négociation du plaidoyer, de l’accusation et de la peine, il importe
de savoir comment la possibilité du recours à la déjudiciarisation influe sur la
négociation du plaidoyer et vice versa.
Malheureusement, peu d’études se sont vraiment penchées sur cette relation.
Galvin (1977, vol. 3, p. 13) signale, sans donner plus de détails, que le report de
la poursuite peut rendre le programme de déjudiciarisation davantage dépendant
de la négociation du plaidoyer qu’une possibilité en soi. Au cours de l’examen
25
des possibilités de placement organisationnel des programmes de déjudiciarisation, Rovner-Pieczenik (1974, p. 145) a fait état des préoccupations voulant que
leur placement dans les bureaux de la poursuite risque de transformer les abus
éventuels de la négociation du plaidoyer en négociation de la déjudiciarisation.
Surtout dans le cas des délinquants primaires naïfs à la recherche d’un emploi,
le manque d’information sur ce qui les attend probablement dans le système
traditionnel peut accroître leur désir de participer à la déjudiciarisation avant
procès et offrir aux procureurs un autre moyen de faire progresser rapidement
leurs causes devant les tribunaux.
Ajournement de la poursuite : examen
Il y a encore beaucoup de place pour de meilleures études d'évaluation des
programmes de déjudiciarisation des adultes. Feeley (1983, p. 12) en a parlé en
des termes assez pessimistes : « Il n’y a aucun domaine où les échecs de la
déjudiciarisation sont plus évidents que dans celui de l’évaluation ». On ne peut
affirmer grand-chose avec certitude au sujet de la plus grande partie de ce qui
s’est passé, sauf qu’une proportion importante des cas qui auraient normalement
été rejetés, auraient fait l’objet d’une condamnation avec sursis ou auraient été
condamnés à l’amende ont plutôt connu une expérience relativement intense.
Par ailleurs, il reste à déterminer si cela est inévitable. Roesch et Corrado (1983)
estiment que la déjudiciarisation a été détournée de son but et a subi une
distorsion par rapport au concept original par suite des pressions exercées pour
qu’elle atteigne des objectifs préexistants et corresponde aux points de vue du
système de justice traditionnel.
Parmi les défis de la déjudiciarisation avant procès soulevés dans la littérature,
mentionnons les suivants :
Ciblage. Trop de programmes de déjudiciarisation finissent par s’appliquer à des
délinquants qui, de toute façon, ne se seraient pas rendus très loin dans le
système de justice. Le défi consiste à établir et à appliquer des critères d’admission qui tiennent compte des taux de non-lieu probables et qui mettent à
l’épreuve les limites de ce qui peut et de ce qui doit être fait avec ceux qui ne
feraient pas l’objet d’un non-lieu. Il n’y a pas grand-chose à faire pour améliorer
le rendement des délinquants à faible risque, et les ressources du système
peuvent être mieux utilisées à d’autres fins.
Place des programmes. Comme il a été mentionné plus haut, il semblerait qu’il
y a des écarts considérables en ce qui concerne le nombre et le genre de cas
soumis aux programmes, selon la nature de leur «affiliation» et des relations de
travail avec les autres parties du système de justice. En particulier, un vif débat
est engagé quant à savoir si la poursuite devraient sélectionner les cas à un
stade précoce et si le personnel de la déjudiciarisation devrait travailler en
26
collaboration avec les procureurs ou entretenir des relations plus étroites avec la
défense.
Facteurs relatifs à l’application régulière de la loi. De nombreux critiques s’en
sont pris au fait que la déjudiciarisation comporte des «conséquences sans qu’il
y ait de condamnation». Ils soutiennent qu’il faudrait au moins informer les
accusés à qui l’on offre la possibilité de la déjudiciarisation de ce qui les attend
vraiment s’ils choisissent de comparaître devant le tribunal. Il faut également les
informer, au moyen d’une formule de «consentement éclairé», qu’ils risquent de
subir une peine plus sévère en se prévalant de la déjudiciarisation.
Qualité des programmes. On a beaucoup parlé de la pertinence des interventions offertes aux clients qui bénéficient de la déjudiciarisation. Trop souvent, on
choisit des clients «sur mesure», c’est-à-dire adaptés aux programmes, et non
l’inverse. Les programmes devraient permettre plus de latitude pour l’évaluation
des besoins des intéressés et la façon de répondre à ces besoins individuels.
Programmes de médiation et d’arbitrage
Les programmes de médiation et d’arbitrage dans les conflits victimes/
délinquants dont est saisi le système de justice ont leur place dans la discussion
des plans de déjudiciarisation «exécutés au moyen de programmes» même si
cette place prête à controverse. Même certains tenants de la «justice
réparatrice» en général et de la médiation en particulier se demandent s’il est
même raisonnable de parler d’objectifs de réadaptation dans le cas de la
médiation victimes/délinquants.
Les ouvrages théoriques sur la question, comme sur celle de la déjudiciarisation
en général, font ressortir les effets négatifs des systèmes judiciaires accusatoires et des retards qu’ils entraînent, les «cérémonies dégradantes» et les
punitions (surtout par l’incarcération), et l’on soutient que dans la mesure où la
médiation victimes/délinquants peut atténuer ces effets, l’incidence à long terme
sur l’accusé peut être positive. Cependant, certains partisans de la médiation
estiment que ce processus peut avoir des effets positifs sur le plan de la
réadaptation, car il offre à l’accusé la possibilité de rencontrer la victime, de
connaître toutes les répercussions de l’infraction qu’il a commise, d’approfondir
la situation, de participer à la décision concernant les conséquences de son
comportement et de réparer les dommages causés. En outre, la médiation peut
contribuer à réduire la «stigmatisation» des clients. Il semble que nombre des
délinquants considèrent davantage le processus de médiation et les résultats
obtenus comme plus justes que leurs homologues qui passent par le processus
de justice traditionnel (voir p. ex. Davis et ses collaborateurs, 1980).
D’autres partisans de la médiation et praticiens ne sont pas de cet avis estimant,
comme l’ont écrit Marshall et Merry (1990, p. 193), qu’il y a peu de chances
27
qu’une intervention à court terme comme celle que prévoient ces méthodes
modifie les modes de comportement acquis au fil des ans sous l’influence
considérable de la collectivité, de la famille et des pairs.
Umbreit (1994, p. 117), qui n’a constaté aucun écart important, sur le plan de la
récidive, entre le groupe expérimental et le groupe témoin dans quatre programmes de médiation pour jeunes délinquants aux États-Unis, écrit pour sa part :
On pourrait soutenir qu’il est naïf de croire qu’une courte intervention
comme la médiation (peut-être de quatre à huit heures par cas) est
susceptible d’avoir un effet spectaculaire sur la modification du
comportement criminel ou délictueux, lorsqu’on sait que de nombreux
autres facteurs relatifs à la vie familiale, à l’éducation, à la consommation
d’intoxicants et aux possibilités de traitement et de croissance sont des
facteurs contributifs importants.
[traduction]
En fait, le processus de médiation ne cherche pas à aborder directement les
facteurs criminogènes, même si ceux-ci peuvent à l’occasion être abordés dans
les conditions de l’entente acceptées par la victime et le délinquant. La plupart
des ententes, toutefois, se limitent à des conditions comme faire des excuses,
dédommager la victime, effectuer des travaux communautaires ou faire des dons
de charité, se comporter avec civilité ou une combinaison de ce qui précède
(Davis et ses collaborateurs, 1980; Marshall et Merry, 1990; Umbreit et ses
collaborateurs, 1994).
Dans une évaluation d’un programme d’ajournement de la poursuite et de
médiation à Saskatoon, Nuffield (1997) a constaté que seulement 12 % des
ententes contenaient une clause exigeant que l’accusé, ou l’accusé et la victime,
bénéficient de counseling ou d’une autre thérapie, qu’ils soient évalués en vue
d’une thérapie ou qu’ils se prévalent de thérapies disponibles. Il semble que les
antécédents plus chargés des membres du groupe expérimental expliquent ses
conclusions selon lesquelles les accusés qui se sont prévalus du programme de
médiation affichaient un taux de récidive plus élevé que ceux du groupe témoin
(qui avaient été sélectionnés, mais qui n’avaient pas donné suite, en raison
surtout de la réticence des victimes ou des délinquants). Elle a émis l’hypothèse
(1997, p. 46) que s’attendre à ce que la médiation réduise la récidive et
prévienne le crime équivaut peut-être à créer plus d’attentes que sa raison d’être
ou les fonds qui lui sont affectés peuvent laisser espérer.
28
Tribunaux axés sur le traitement des toxicomanes
Les tribunaux spécialisés à l’intention des toxicomanes constituent une
innovation dans le traitement des auteurs d’infractions mineures en matière de
drogue aux États-Unis depuis la fin des années 80. Même si bon nombre de ces
tribunaux ont pour unique but d’accélérer le jugement des auteurs d’infractions
en matière de drogue, il y en a plus d’une vingtaine qui visent à les traiter. De
nombreux aspects des programmes diffèrent, y compris l’étape où est appliquée
la déjudiciarisation (lorsque le report de la poursuite ou une peine sont envisagés). Le programme est fondé sur un certain nombre de prémisses : par ex.
l’affranchissement des drogues est un objectif à long terme, le traitement doit
commencer par la désintoxication immédiatement après la «crise» occasionnée
par la mise en accusation, le juge doit être activement et fréquemment en
contact avec le délinquant, le programme doit tenir compte des questions relatives au niveau d’instruction, à l’emploi et à la famille, et des rechutes doivent
être prévues et abordées devant le tribunal immédiatement sans qu’on ait
recours à une longue incarcération.
Il est trop tôt pour prévoir les résultats que pourraient produire les tribunaux axés
sur le traitement des toxicomanes, mais leurs défenseurs sont enthousiastes
(voir p. ex. Tauber, 1994; Dickey, 1994). Le plus ancien de ces tribunaux (qui
existe depuis 1989) dans le comté de Dade en Floride applique un programme
d’ajournement de la poursuite qui promet le rejet de la cause si le délinquant a
suivi avec succès le programme de traitement d’un an. Il vise les personnes
accusées de possession de drogue ayant été reconnues coupables jusqu’à trois
fois auparavant de crimes non liés aux drogues et de n’importe quel nombre
d’infractions en matière de drogue. Le programme comprend : counseling, acupuncture pour aider à surmonter le syndrome de sevrage, réunions d’entraide,
services d’éducation et de formation professionnelle ainsi qu’un contrôle actif au
moyen d’analyses d’urine et de comparutions régulières devant le juge afin qu’il
puisse se rendre compte des progrès réalisés. Le nombre de cas actifs du
programme s’élevait à environ 1 200 en 1993.
Pour leur évaluation, Goldkamp et Weiland (1993) ont utilisé un échantillon de
référence formé d’auteurs d’infractions en matière de drogue semblables qui
avaient été poursuivis avant que soit créé le tribunal spécialisé en matière de
drogue. Dix-huit mois après la fin du programme, 28 % des délinquants qui
avaient suivi avec succès le programme avaient été arrêtés de nouveau, soit
environ la moitié du groupe de référence. De plus, les nouvelles infractions
étaient moins graves, en moyenne, que pour le groupe témoin. La période
moyenne précédant la nouvelle arrestation était de 235 jours dans le cas des
personnes ayant réussi le programme. Les mandats d’arrestation applicables
aux clients qui ne s’étaient pas présentés en cour ou qui avaient connu une
rechute au moment du traitement étaient fréquents; il y a eu au moins un mandat
d’arrestation contre 54 % des clients pendant le programme. En général, il en a
résulté un séjour de deux à huit jours en prison, le nombre de jours augmentant
29
avec les violations. Environ la moitié des accusés qui se sont vu offrir la possibilité de participer au programme l’ont refusée et ont décidé de tenter leur chance
auprès du tribunal. Même si le programme cherchait à éviter l’«élargissement du
filet», on ne sait pas dans quelle mesure il a réussi. Le coût net du programme
par cause réglée s’établissait à 800 $ pour un an. La plupart des clients ont
cependant participé au paiement de leur traitement, ce qui en a réduit le coût net.
PARTIE IV. Déjudiciarisation au stade de la détermination de la peine
La déjudiciarisation à l’étape de la détermination de la peine peut revêtir diverses
formes : report de la détermination de la peine en attendant une intervention
communautaire intensive; et administration de «nouvelles» sanctions comme la
médiation victimes/délinquants et les services communautaires.
Stratégies de planification des solutions de rechange à l’imposition d’une
peine
Les programmes de planification des solutions de rechange à l’imposition d’une
peine, connus parfois sous le nom de «planification axée sur les clients» (PAC),
offrent renseignements et conseils aux procureurs, aux juges qui prononcent la
peine et aux accusés. La planification axée sur les clients permet de recommander que des délinquants reconnus coupables et qui seraient autrement
incarcérés, vivent dans la collectivité une expérience correctionnelle intensive
adaptée aux risques et aux besoins de chaque cas. Pour cette raison, il est
probablement plus approprié de parler de stratégie plutôt que de programme de
planification des solutions de rechange à l’imposition d’une peine, puisque
chaque programme conçu pour un délinquant sera unique.
Les stratégies correctionnelles recommandées pour maintenir le délinquant dans
la collectivité peuvent comprendre des éléments divers comme la surveillance
intensive, y compris la surveillance électronique, l’inscription à des programmes
de traitement, d’études ou de formation professionnelle, le dédommagement ou
le service communautaire, de nouveaux modes de logement (comme le placement dans les foyers collectifs) ou même la surveillance 24 heures sur 24 par un
moniteur résidant. La clé du processus consiste à adapter la peine au délinquant
et à l’infraction, et à gérer le risque et les besoins dans la collectivité.
Comme la PAC cherche à cibler les auteurs d’infractions graves (p. ex. ceux
pour qui une peine d’emprisonnement est recommandée par les procureurs ou
ceux qui sont admissibles à une mise en liberté anticipée), le nombre de plans
communautaire acceptés par les autorités a tendance à varier. Les taux
d’acceptation ont varié d’un quart à trois quarts des cas, les taux d’acceptation
de nombreux programmes oscillant autour de 50 % (Yeager, 1995).
30
En ce qui concerne les délinquants adultes, une poignée d’évaluations se sont
penchées sur certaines des principales questions de déjudiciarisation qui se
rapportent aux programmes de planification des solutions de rechange à l’imposition d’une peine. Il ne fait aucun doute que la plus complète est l’étude de
Clements (1989), qui porte sur 117 cas pour lesquels une PAC a été préparée.
Le chercheur a comparé les clients de la PAC à 141 cas pour lesquels aucune
PAC n’avait été préparée. En dépit des efforts faits pour les faire correspondre le
plus possible au groupe de référence, il restait des différences observées dont
bon nombre donnaient à penser que les membres du groupe expérimental
étaient un groupe plus sérieux. Les clients de la PAC représentaient environ
quatre pour cent du nombre total de cas traités par les tribunaux étudiés.
Selon les données de Clements, les clients de la PAC avaient en fait été reconnus coupables de crimes graves; 55 % avaient été condamnés pour des crimes
contre la personne et dans 33 % des cas, la victime avait subi des blessures.
Dans 40 % des cas, une arme (arme de poing) avait été utilisée. En ce qui
concerne les antécédents criminels, 64 % des délinquants avaient été reconnus
coupables à une ou plusieurs reprises, 47 % avaient été condamnés pour crime
grave et 38 % avaient déjà été incarcérés.
Bon nombre des sujets du groupe expérimental auraient en fait pu être
incarcérés. Clements a fait appel à une méthode statistique, l’analyse de régression, pour déterminer si, compte tenu d’autres facteurs comme la gravité de
l’infraction, le fait qu’une PAC ait été présentée au juge qui a prononcé la peine
avait influé sur la peine infligée. Il a constaté que tel était le cas, mais seulement
pour les cas de PAC dont les plans avaient été entièrement acceptés par le
tribunal (le quart du groupe visé par la PAC). Ces 29 délinquants risquaient
beaucoup moins d’être emprisonnés que ceux du groupe témoin.
Dans 28 % des cas de PAC, le plan n’a été accepté qu’en partie par le juge qui a
prononcé la peine, et la proportion d’entre eux qui été incarcérée était la même
que pour le groupe témoin. Cependant, dans le cas des autres (47 %) membres
du groupe visé par la PAC, pour lesquels aucune des recommandations de la
PAC n’a été acceptée, les taux d’incarcération ont été beaucoup plus élevés que
dans le cas des membres du groupe témoin. Clements s’est demandé si une
«étiquette de dangerosité» n’était pas apposée aux clients de la PAC pour
lesquels le juge ne partageait pas le point du vue du plan. Cela peut également
se refléter dans le fait que la période de probation des clients de la PAC était en
moyenne 17 mois de plus que celle des sujets du groupe témoin et que le
nombre de conditions qui leur étaient imposées était plus élevé. Clements
indique que ces chiffres correspondent à l’idée qu’on a de la PAC, à savoir que
beaucoup des clients que la PAC cherche à garder dans la collectivité doivent en
fait faire l’objet d’un contrôle plus serré et ont besoin de plus d’aide que les
probationnaires. Cependant, cela n’explique pas les écarts entre les groupes
expérimental et témoin à cet égard. La PAC a peut-être servi à mieux cerner les
besoins des clients et les risques qu’ils représentent que ne le fait le rapport
31
présentenciel moyen, et, de ce fait, éveille davantage l’attention des juges qui
prononcent la peine. Fait important, l’écart général dans l’imposition de la peine
s’expliquait presque entièrement par la gravité de l’infraction.
C’est également ce que donne à entendre une étude du Restorative Resolutions
Program de Winnipeg (Bonta et Gray, 1996). Ce programme visait les cas pour
lesquels la Couronne a recommandé au moins neuf mois de prison. Les autres
critères du programme étaient des périodes d’incarcération antérieures ou un
manquement aux conditions de la probation. Les 63 plans présentés aux
tribunaux au cours des 30 premiers mois du programme ont été analysés. Près
des deux tiers (64 %) des clients étaient des récidivistes; 76 % avaient des
relations familiales ou matrimoniales instables; 51 % éprouvaient des problèmes
liés à l’alcool ou aux drogues et 47 % avaient été considérés comme ayant des
difficultés psychologiques. Enfin 39 % avaient été reconnus coupables de crimes
de violence.
Les plans de 86 % des délinquants ont été acceptés en totalité ou en partie, et
tous ces délinquants acceptés ont été placés en probation. Les délinquants qui
avaient commis un crime de violence, cependant, avaient moins de chances de
voir leur plan accepté par le juge.
Un autre prédicteur important de l’acceptation du plan était l’appui du plan par la
Couronne. Dans 34 cas, la Couronne a appuyé le plan et, dans tous ces cas, le
juge l’a accepté. Comme dans beaucoup de ces cas la Couronne aurait
recommandé au départ au moins neuf mois d’emprisonnement, la PAC a pu
influer sur la perception des solutions de rechange par la Couronne.
Bonta et Gray ont utilisé des données sur des probationnaires à risque moyen
pour établir des comparaisons au cours d’un suivi d’un an des cas de PAC
(considérés comme étant surtout à risque moyen selon l’échelle d’évaluation du
risque et des besoins du Manitoba). Les 48 cas de PAC pour lesquels des
données de suivi sur un an étaient disponibles ont obtenu un taux de succès de
85 % (aucune nouvelle arrestation) comparativement à 72 % pour les
probationnaires à risque moyen.
Un certain nombre d’évaluations de stratégies de planification de solutions de
rechange à l’imposition d’une peine ont été effectuées en Caroline du Nord
(Institute of Government, 1990, 1987, 1986). Malheureusement, la petite taille
des échantillons et le rétrécissement au fil du temps de ces échantillons
réduisent fortement la possibilité de généraliser à partir de ces études, mais ils
indiquent généralement que les programmes ont un effet positif en évitant
l’incarcération aux délinquants. Une autre indication évidente est que la PAC
s’applique également aux délinquants qui ne seraient peut-être pas incarcérés.
Encore une fois, cependant, pour la proportion importante de cas de PAC qui
risquaient d’être incarcérés et dont le plan a été rejeté par le juge, il semble que
32
la peine d’incarcération imposée risque d’être beaucoup plus longue que dans le
cas du groupe témoin.
L’Institute a également effectué une étude (1992) sur la récidive de 37 933
auteurs d’une infraction autre qu’une infraction au Code de la route en Caroline
du Nord qui se sont vu infliger diverses peines dans cet État. L’étude a montré
que les facteurs décisifs applicables à 313 délinquants condamnés à un «programme de sanctions communautaires» (c’est-à-dire une forme assez intensive
de probation après l’acceptation d’une PAC) étaient extrêmement semblables à
ceux des 6 514 détenus des prisons de l’État mis en liberté dans le cadre d’une
libération conditionnelle ordinaire. Ces facteurs comprenaient l’existence d’un
casier judiciaire, le niveau d’instruction, la consommation de drogues et d’alcool
et une condamnation pour infraction grave. Il semble que les délinquants ayant
bénéficié de la PAC étaient en fait destinés à la prison. Fait intéressant, toutefois, leurs taux de récidive après une moyenne de 26,7 mois s’établissaient à
36 % contre 41 % pour les libérés conditionnels après la même période, et les
délinquants ayant bénéficié de la PAC ont été arrêtés de nouveau pour des
crimes de violence moins souvent (6 %) que les libérés conditionnels (12 %).
Ces écarts demeuraient même après la prise en compte des facteurs de risque.
La valeur d’autres études sur les programmes de PAC pour les adultes à
Washington (Dash et ses collaborateurs, 1970), à Ottawa (Peters, document non
publié, 1983, résumé par Yeager, 1992) et à Boston (Klausner et Smith, 1991) a
été réduite à cause de la petite taille des échantillons et des questions concernant la comparabilité des groupes témoins.
Ces quelques évaluations de la planification des solutions de rechange pour les
délinquants adultes donnent à penser que cette approche pourrait permettre
d’éviter la prison à des délinquants et de les soumettre à une intervention assez
intensive dans la collectivité. Cependant, plus l’intervention est intensive, plus les
délinquants risquent de terminer rapidement le programme, d’être découverts
s’ils adoptent des comportements non souhaitables et d’être pénalisés plus
durement au cours de procédures ultérieures. Dans le cas des délinquants dont
la PAC est rejetée dès le début par le juge qui prononce la peine, la sanction
imposée risque d’être plus lourde, peut-être supérieure à ce qu’elle aurait été
autrement. La proportion des cas où la PAC est rejetée est considérable dans
bien des programmes.
Certains des aspects des programmes et des questions soulevées par ces
études sont la répétition de ceux qu’on trouve dans des programmes de déjudiciarisation antérieurs à d’autres stades. Ce sont :
Ciblage. Cibler les délinquants qui sont réellement destinés à la prison demeure
un défi. On peut compléter des critères clairs par des instruments de prévision
qui permettent d’estimer la probabilité de l’imposition d’une peine d’emprisonnement et le risque de récidive. Comme il existe certaines indications que la PAC
peut être superflue dans le cas des délinquants qui ne sont pas destinés à la
33
prison, il s’agit d’une question d’affectation des ressources et d’efficacité de la
déjudiciarisation. Encore une fois, cibler les délinquants qui présentent un risque
très élevé de récidive peut être une opération inutile exigeant beaucoup de
ressources. Klausner et Smith (1991) ont décrit un programme de PAC pour des
femmes auteures d’infractions en général pas extrêmement graves. Cependant,
leur style de vie était si dysfonctionnel que 72 % n’ont pas réussi le programme.
Toutes celles qui ont échoué et l’une de celles qui ont réussi ont été incarcérées
dans l’année qui a suivi; l’on ne sait cependant pas si elles l’ont été parce
qu’elles avaient manqué aux conditions de leur peine ou parce qu’elles avaient
commis de nouvelles infractions.
Moment de l’aiguillage. La planification des solutions de rechange exige beaucoup de temps. Le personnel peut devoir y consacrer 40 heures ou plus sur une
période de plusieurs semaines. Il importe donc de commencer le processus le
plus tôt possible. Dash et ses collaborateurs (1970) ont constaté que les
travailleurs devaient commencer à s’occuper du cas immédiatement après la
nomination de l’avocat de la défense. Cela nécessitait l’examen systématique
des registres de la cour ainsi que des relations de travail concertées avec les
auxiliaires de l'aide juridique. Cette situation ne résultait pas seulement de la
nécessité de disposer de temps de préparation (ou du fait que les avocats de la
défense avaient tendance à ne pas appeler les travailleurs de la PAC tant qu’ils
n’avaient pas élaboré leur propre stratégie), mais de l’inséparabilité du plaidoyer
avant procès et des processus de négociation de la peine. Dash et ses collaborateurs ont constaté que même si le programme visait les peines, si les éléments
fondamentaux du plan étaient connus au début du processus, ils pouvaient
réellement accroître la probabilité de non-lieu.
Placement du programme dans la structure. Une question semblable a trait
au placement idéal du programme dans l’organisation. Certains programmes
sont un complément ou un projet de l’assistance juridique ou du Barreau. Cela
semble augmenter le nombre de cas acheminés au programme, en particulier
ceux qui le sont tôt dans le processus, empêcher le personnel de «prévoir»
indûment les réactions des juges et des procureurs, et améliorer l’échange
d’information avec les accusés et leur avocat. D’autres programmes s’éloignent
de la défense et visent plutôt à présenter une évaluation impartiale de tous les
points de vue. Reste à déterminer où résident les avantages et les
inconvénients.
34
Résistance de la part des intérêts connexes. De nombreux chercheurs (p. ex.
Yeager, 1995) ont fait remarquer que les programmes de PAC relevant du
secteur privé rencontrent généralement, du moins au début, l’opposition de
groupes professionnels, d’agents de probation en particulier, qui peuvent voir
dans le programme une usurpation de leurs fonctions. La PAC peut représenter
une charge de travail supplémentaire pour les agents de probation et mener à
l’imposition de conditions qu’ils doivent faire respecter même s’ils ne souscrivent
pas à leur application. Cela peut rendre plus difficile le travail des préposés à la
PAC. Yeager note (1995, p. 26) qu’en Caroline du Nord, l’Office of the State
Auditor a critiqué les efforts du bureau de probation pour «déstabiliser» le
Programme de sanctions communautaires.
Coût. La planification des solutions de rechange est coûteuse; elle coûte parfois
plus de 2 000 $ par plan. Les délinquants qui peuvent payer ce service ne représentent pas la majorité, et le coût à assumer pour les autres risque toujours
d’être comparé au coût des rapports présentenciels des agents de probation
même s’ils ne constituent peut-être pas un service comparable. Comme la PAC
ne remplace pas normalement les rapports présentenciels, s’ils sont subventionnés pour les délinquants dans le besoin, ils constituent un coût supplémentaire
pour le système.
Les services sont-ils fournis? Nombre de programmes de PAC cherchent à
«modifier» des éléments importants de la vie d’un délinquant avant la date de
l’imposition de la peine, et même à obtenir la confirmation d’un placement avant
le temps. Il ne fait aucun doute que cela peut avoir un effet important sur la
détermination de la peine, mais selon le délinquant, il peut s’agir d’une tâche
énorme. Clements (1987) a souligné que les tentatives pour obtenir un emploi
pour le délinquant et le placer dans un centre de traitement résidentiel avant la
détermination de la peine étaient souvent vouées à l’échec. En ce qui concerne
les programmes qui ont moins recours à cette intervention précoce, il reste à
déterminer la capacité et la pertinence des services communautaires, surtout
dans le cas des clients qui pourraient autrement être incarcérés.
Ordonnances de services communautaires
Certains se demandent si un examen des ordonnances de services communautaires (OSC) doit faire partie d’une analyse des programmes de rechange à
l’incarcération. De toute évidence, la plupart des exemples de services communautaires comportent très peu des éléments traditionnels du traitement correctionnel même si les défenseurs de cette approche font ressortir les effets
bénéfiques que peut avoir, pour un délinquant, le fait de se rendre régulièrement
au travail (même si ce n’est que pour de brèves périodes ou par intermittence),
d’être exposé à des milieux prosociaux, et d’autres avantages semblables.
Pease et McWilliams (1980) estiment, en fait, que les services communautaires
ont «servi à toutes les sauces» et qu’il s’agit là d’une partie du problème. Si les
35
services communautaires sont une forme de punition, cela n’est pas toujours
évident comme en témoignent parfois le manque de conséquences en cas de
non-participation ou la nature de certains travaux qui sont assignés.
Par ailleurs, si les services communautaires doivent être considérés comme une
mesure de réadaptation, on éprouve souvent des difficultés à trouver un travail
valable (ou du moins qui ne soit pas un travail artificiel ennuyant) et à établir des
contacts avec les personnes qui pourraient offrir au délinquant quelque chose
ayant une valeur durable. Flegg et ses collaborateurs (1976), par exemple, ont
constaté que les délinquants assujettis à une OSC ont mentionné l’importance
des relations avec leur surveillant sur les lieux de travail. Le surveillant compétent peut encourager le délinquant à se réévaluer ainsi que les autres, offre un
modèle de comportement et aide le délinquant à avoir confiance en lui-même.
Cependant, pour la plupart des délinquants assujettis à une ordonnance de
services communautaires, celle-ci constitue une corvée jusqu’à la fin, qui
comporte peut-être quelques légers avantages (selon un organisateur d’OSC cité
dans Pease et ses collaborateurs, 1977a).
Néanmoins, d’après quelques études, les OSC peuvent en fait détourner de
l’incarcération un grand nombre de délinquants. Il s’agit des cas où l’infraction
est considérée comme justifiant une mesure punitive en plus de la probation et
où le délinquant n’est pas considéré comme un risque pour la sécurité du public.
Pease et ses collaborateurs (1977b) ont estimé au moyen de mesures indirectes
que de 46 à 50 % des OSC imposées en Angleterre au cours des premières
années de la mise en œuvre du programme l’étaient à l’égard de délinquants qui
auraient autrement été incarcérés. Spaans (1995) en est arrivé à la même estimation au moyen d’une comparaison plus complexe des délinquants assujettis à
une OSC et des délinquants qui se sont vu infliger une brève peine d’incarcération aux Pays-Bas. McDonald (1986) fait état d’une lutte longue mais
fructueuse visant à accroître la durée des ordonnances de services communautaires imposées dans la ville de New York à des délinquants qui, autrement,
se seraient retrouvés en prison. En fin de compte, après divers ajustements aux
programmes, on a estimé à l’aide de modèles statistiques que 52 % des
délinquants assujettis à une ordonnance de services communautaires avaient
été soustraits de la population des délinquants destinés à la prison.
Comment les délinquants assujettis à une OSC se comparent-ils, sur le plan de
la récidive, à des délinquants semblables incarcérés ou bénéficiant d’une option
communautaire, est une question qui n’a pas été examinée à fond. Pease et ses
collaborateurs (1977b) ont observé chez les délinquants assujettis à une OSC
des taux de récidive supérieurs à ceux de groupes de référence qui ne correspondaient pas parfaitement à eux et formés de délinquants condamnés à des
peines d’incarcération ou à d’autres genres de peine. McDonald (1986) a
36
constaté des taux de récidive plus élevés chez le groupe assujetti à une OSC
dans deux quartiers de la ville de New York, mais moins élevés dans un
troisième.
Centres de fréquentation de jour
Les centres de fréquentation de jour (CFJ) sont largement utilisés en Angleterre
depuis quelques décennies, et leur nombre croît rapidement aux États-Unis.
Selon l’enquête de Parent (1995), il y avait 13 centres de fréquentation de jour
en 1990 aux États-Unis et 114 en 1994. Parent fait remarquer qu’il n’y a pas
encore de recherche systématique expérimentale ou quasi expérimentale sur les
CFJ aux États-Unis et que cela tient peut-être en partie aux différences importantes dans leur utilisation. Selon la loi et la politique de l’État, ils peuvent être
accessibles à presque toutes les étapes du processus de justice, et leurs profils
divers se reflètent dans l’écart énorme entre le coût quotidien moyen par client et
les taux de cessation très différents déclarés dans l’enquête (de 14 à 86 %).
Parent note que nombre de CFJ visent les auteurs d’infractions mineures qui
consomment drogues ou alcool et qui n’ont pas besoin de traitement en milieu
fermé (1995, p. 23). Il mentionne cependant qu’on a tendance, depuis quelque
temps, à mettre l’accent au moins autant sur la surveillance que sur le traitement.
La norme est une participation de cinq à six mois au programme.
En Angleterre, les «centres de probation de jour» répondent aux besoins de
deux groupes distincts : les clients volontaires (délinquants ou non) et les
délinquants qui sont obligés, en vertu d’une ordonnance de probation, de se
présenter à un centre de jour pendant une période pouvant aller jusqu’à 60 jours.
Ces délinquants désignés sous le nom de «4B» (d’après l’article de la Powers of
Criminal Courts Act de 1973 qui s’applique à eux) sont des personnes qui
seraient autrement incarcérées, mais pendant des périodes relativement brèves.
Les centres de jour britanniques se préoccupent moins des objectifs de surveillance ou de contrôle. Ils se concentrent plutôt sur un programme intensif de
dynamique de la vie, de développement des aptitudes cognitives, de counseling,
de formation professionnelle, d’alphabétisation et d’apprentissage du calcul,
d’introduction à l’utilisation d’un ordinateur, etc. L’accent varie d’un centre à
l’autre.
Pour les clients, il s’agit d’une expérience intensive, qui oblige les clients
employés à être présents à temps plein ou partiel presque tous les jours. Selon
les chiffres de Vass et Weston concernant les aiguillages vers le Cedar Hill Day
Centre, 10 % des clients ont rejeté l’option parce qu’ils ne pouvaient pas participer à ces activités ou parce que l’incarcération semblait être une solution de
rechange plus facile et souvent plus rapide (1990, p. 197). Vanstone (1986,
p. 101-102) cite un client qui a trouvé le régime trop rigide :
37
Je ne recommanderais pas cet endroit. Il m’a traumatisé. J’ai vu beaucoup d’établissements, mais je ne voudrais pas revenir dans celui-ci, sauf
pour éviter la prison. Il y a trop de discussions personnelles et beaucoup
de méfiance. C’est très strict– il faut s’efforcer de contrôler son comportement. Je suis contre l’autorité de cet endroit. Je ne peux pas la tolérer.
Je suis contre l’autorité. Elle n’est pas très rigide, mais on la sent.
[traduction]
Il n’existe pas d’études expérimentales ou quasi expérimentales indiquant avec
précision le nombre de «4B» qui ont évité la prison, mais d’après quelques
études, un important nombre de cas ont été déjudiciarisés. Dans l’étude la plus
poussée réalisée sur les centres, Mair (1988) a examiné un échantillon de 867
clients (des deux types). Il a constaté que leur profil correspond à celui de
récidivistes inadaptés socialement et que 60 % de l’échantillon est formé de
«4B». De ce nombre, 88 % avaient moins de 30 ans, 87 % étaient chômeurs,
67 % avaient été reconnus coupables de cambriolage ou de vol, 11 %, d’un
crime de violence, 51 % avaient déjà été incarcérés et 43 % avaient déjà été
reconnus coupables six fois ou plus. Mair conclut (1988, p. 17) que les centres
de probation de jour jouent peut-être un rôle comme solution de rechange à
l’incarcération dans le cas de ceux qui font l’objet d’une ordonnance en vertu de
l’article 4B.
Vass et Weston (1990) et Vanstone (1986) souscrivent à ce point de vue, mais
ils se fondent aussi sur des données non expérimentales. Vanstone fait état de
données indiquant la ressemblance entre les populations carcérales et la
population d’un centre de jour d’Angleterre en ce qui concerne le profil des
infractions, le nombre de condamnations antérieures et le nombre d’incarcérations précédentes. Selon un échantillon de rapports d’enquêtes sociales (rapports présentenciels) du même centre, dans 79 % des rapports, les agents de
probation ont soulevé la possibilité d’une incarcération. Dans 83 % des cas où la
recommandation d’une formation de jour n’a pas été suivie, une peine d’incarcération a été imposée. Vanstone fait aussi remarquer que les taux de récidive des
clients du centre de jour un an après la fin du programme sont comparables à
ceux des détenus mis en liberté. Les entrevues de Vanstone avec les clients du
Pontypridd Day Centre ont révélé un âge moyen de 13 ans lors de la première
peine, une moyenne de 13 condamnations antérieures et, parmi 91 % des
membres du groupe, une moyenne de quatre peines d’emprisonnement.
Vass et Weston (1990) ont examiné les résultats de 79 recommandations
d’aiguillage vers le Cedar Hill Day Centre que les tribunaux ont rejetées. De ce
nombre, 56 % des délinquants se sont vu infliger des peines d’incarcération.
PARTIE V. Programmes postincarcération
Un programme décrit par Fairhead (1981) à l’intention des récidivistes qui
commettent des infractions mineures constitue un écart intéressant par rapport à
38
la norme. Conscientes de la proportion importante des récidivistes auteurs de
crimes contre la propriété dans la population carcérale, les autorités ont offert à
un échantillon de 125 de ces délinquants une assistance intensive dans quatre
domaines : logement, emploi, lutte contre la toxicomanie et contacts prosociaux.
Ces délinquants étaient plus âgés (la moitié avait plus de 40 ans), avaient un
casier judiciaire chargé (la moitié avaient au moins 25 condamnations à leur
actif), avaient généralement peu ou pas d’amis intimes, avaient tendance à
abuser de l’alcool et dormaient dehors ou n’avaient pas de domicile fixe. Le
personnel du programme a cherché, pour chacun d’eux, des installations sûres
et stables, car à son avis il était prioritaire d’améliorer les conditions de logement
de ces délinquants mis en liberté. En outre, avant leur mise en liberté, on a
cherché pour chaque délinquant un bénévole qui l’accompagnerait à son
nouveau logement à sa sortie de prison et qui continuerait de lui venir en aide en
collaboration avec le personnel correctionnel.
L’intervention a porté sur un groupe de 125 récidivistes auteurs d’infractions
mineures. Il convient de noter que sur n’importe quelle échelle de prévision, ces
délinquants seraient classés «à risque élevé de récidive». En plus de leur casier
chargé, la plupart étaient aux prises avec de «graves» problèmes dans les
quatre principales catégories de besoins. Un seul des 125 délinquants a accepté
l’aide d’un bénévole, et tous sauf huit ont refusé le logement, n’ont pu être
placés, ne se sont pas présentés ou sont restés moins d’un mois. Pendant le
suivi de neuf mois, on n’a constaté aucune différence importante dans le taux de
nouvelles condamnations ou de réincarcération entre ceux qui avaient bénéficié
d’un logement (même brièvement). Toutefois, il y avait une différence dans le
nombre de nouvelles condamnations et de périodes de réincarcération par
délinquant. Six des huit délinquants qui avaient occupé le logement trouvé
pendant au moins un mois n’ont pas été condamnés de nouveau pendant la
période de suivi de neuf mois. Aucune donnée n’existe sur les autres tentatives
qui peuvent avoir été faites pour aider le groupe sur le plan de la lutte contre la
drogue et l’alcool, les contacts prosociaux et l’emploi.
Solutions de rechange à l’incarcération des jeunes au Massachusetts
et dans d’autres États américains
La documentation sur la déjudiciarisation des jeunes présente des exemples
dignes de mention en matière de solution de rechange à l’incarcération.
L’exemple le mieux connu est la désinstitutionnalisation spectaculaire effectuée
par le système de justice pour les jeunes du Massachusetts au début des
années 70 par Jerome Miller, qui était alors commissaire des Services pour les
jeunes. Assisté de l’autorité chargée des Services pour les jeunes qui l’a aidé à
confier les délinquants aux installations ou aux programmes considérés comme
les plus appropriés, Miller a transféré d’un seul coup presque tous les jeunes
détenus des établissements de l’État et a conclu des contrats avec les fournisseurs de services communautaires en vue d’obtenir une grande variété de
39
solutions de rechange en matière de placement et de programmes, y compris les
foyers collectifs et les programmes non résidentiels (Miller, 1994).
En 1968, un an avant le début du mandat de Miller, les Services pour les jeunes
avaient la charge de 2 443 jeunes, dont 833 résidaient en établissement et 1 610
étaient en liberté conditionnelle après une période d’incarcération. En 1974, un
an après le départ de Miller, les Services pour les jeunes s’occupaient de 2 367
jeunes, dont 132 se trouvaient dans des établissements de l’État, 941 étaient en
liberté conditionnelle, 399 résidaient dans des établissements collectifs privés,
171 étaient en famille d’accueil et 724 participaient à d’autres programmes non
résidentiels (Bullington et ses collaborateurs, 1986, p. 513).
Même si l’on a cessé d’appliquer intégralement l’approche originale de Miller,
l’État affiche l’un des taux de criminalité et d’incarcération des jeunes les plus
faibles des États-Unis. Le nombre de mises en accusation de jeunes a diminué
de 46 % de 1974 à 1984 en dépit d’une hausse de 25 % du nombre de jeunes
dans l’État (Bullington et ses collaborateurs, 1986, p. 517). Selon une étude de
800 clients mis en liberté par les Services pour les jeunes en 1984-1985, le taux
de nouvelles mises en accusation est inférieur après 12 et 24 mois à ce qu’il était
quand existait l’ancien système d’école de formation (Krisberg et ses
collaborateurs, 1989). Cependant, selon certaines données, les taux de détention temporaire des jeunes pourraient avoir augmenté à mesure que les séjours
de longue durée ont diminué (Massachusetts Advocacy Center, 1980).
De toute évidence, le succès de ce genre de réforme dépend d’un certain nombre de facteurs critiques, dont une autorité chargée de la détermination de la
peine et de la prise en charge, le soutien politique, la capacité de réunir un
nombre suffisant de programmes communautaires de rechange efficaces et la
compétence nécessaire pour faire face à l’opposition des employés de l’État
déplacés, à l’opposition politique et aux préoccupations du public. Ces facteurs
existent dans peu d’États, et presque aucun ne s’applique à la population correctionnelle adulte. Les fonds consacrés auparavant aux établissements doivent
être affectés aux solutions de rechange communautaires sans que l’on cherche à
faire réaliser des économies aux établissements dès le début.
En fait, Miller n’a pu répéter dans la même mesure son expérience du Massachusetts en Pennsylvanie et en Illinois. Cependant, il y a eu un certain nombre
de fermetures d’établissements pour les jeunes dans divers États, dont l’Utah, le
Maryland et le Missouri (voir Krisberg et Austin, 1993). Des conclusions semblables concernant des jeunes désinstitutionnalisés ont été tirées dans d’autres
études (p. ex. Lerner, 1990; McGillis et Spangenberg, 1976).
PARTIE VI. Idées provenant d’autres pays
La présente section formule quelques idées sur les systèmes d’autres pays qui
pourraient être ajoutées aux possibilités de déjudiciarisation des délinquants.
Malheureusement, il y a peu d’études sur l’incidence de leur mise en œuvre.
40
Jours-amendes
Bien des pays d’Europe ont recours aux jours-amendes depuis des décennies.
Le principe consiste à rendre les amendes plus justes en adaptant le montant de
l’amende à la capacité de payer du délinquant, d’où la gamme variée d’amendes; cependant celles-ci ont une incidence à peu près égale sur les délinquants
ayant des revenus différents. L’amende totale doit être acquittée en un seul
versement sauf si des versements périodiques sont autorisés.
Selon certains (p. ex. McDonald et ses collaborateurs, 1992), l’introduction des
jours-amendes pourrait accroître le recours aux amendes par rapport à d’autres
formes de peine, car en théorie le système des jours-amendes met le pauvre sur
un pied d’égalité avec le riche. Cette mesure pourrait «faire mal» aux délinquants mieux nantis, tout en étant adaptée aux moyens des plus pauvres. Les
jours-amendes reposent, peut-être plus que les amendes traditionnelles, sur
l’hypothèse que l’amende sera payée. Par conséquent, on estime que cette
mesure a une incidence éventuelle sur l’incarcération pour défaut de paiement
de l’amende dans le cas des délinquants à faible revenu. Comme les amendes
sont les sanctions les plus courantes dans bien des systèmes de justice, même
pour certains crimes graves, leur incidence éventuelle est énorme. Une étude du
British Home Office examinée dans Morgan et Bowles (1981) attribue le degré
de défaut de paiement à des difficultés financières réelles.
Bien entendu, il faut calculer avec précision le montant des jours-amendes et les
niveaux des amendes. Fogel (1988) fait état d’une étude qui a montré que les
taux de non-paiement des jours-amendes imposés au cours de la première
année d’application du programme en Allemagne étaient identiques à ceux des
trois années précédentes obtenus en vertu de l’ancien système. En Finlande, les
modifications apportées en 1976 à la méthode de calcul des jours-amendes et
du nombre de jours-amendes par infraction ont réduit le nombre de nonpaiements.
Une expérience du Vera Institute concernant l’application de jours-amendes à
Staten Island (McDonald et ses collaborateurs, 1992) a montré que les amendes
moyennes imposées étaient plus lourdes et les périodes de perception plus
longues. Cependant les jours-amendes étaient perçus en entier aussi souvent
que les amendes fixes moins élevées. Nombre de jours-amendes imposés à des
délinquants mieux nantis auraient pu être plus élevés si le plafond prévu par loi
l’avait permis. Dans cette expérience, les juges avaient la possibilité de recourir
aux jours-amendes ou aux amendes fixes plus traditionnelles. Au cours de la
première année, les juges ont décidé de recourir aux jours-amendes dans 70 %
des cas. Cette innovation n’a cependant eu aucun effet sur le recours relatif aux
amendes comparativement aux autres formes de peine.
41
La même étude a également fait état de l’expérience menée à Milwaukee, où les
jours-amendes ont été imposés à raison de périodes de deux semaines sur
quatre en alternance avec les amendes traditionnelles. Le jour-amende moyen
était inférieur à l’amende traditionnelle moyenne, mais encore une fois, pour
22 % des délinquants mieux nantis, les jours-amendes auraient pu être plus
élevés si la limite prévue par la loi l’avait permis. Les deux programmes ont
produit le même taux de non-paiement (61 % pour les jours-amendes et 59 %
dans le cas des amendes traditionnelles), mais les délinquants qui se sont vu
imposer des jours-amendes étaient plus susceptibles de payer la totalité de leur
amende (37 % contre 25 %). Chez les délinquants à faible revenu, 33 % ont
payé la totalité des jours-amendes comparativement à 14 % qui se sont vu
infliger une amende traditionnelle. Il n’y avait pas d’écart important dans les taux
de nouvelles arrestations sur une période de suivi de neuf mois.
Amendes de la poursuite
Les amendes de la poursuite existent en Écosse («fiscal fines»), en Belgique, en
Suède et en Allemagne, et elles existent sans aucun doute ailleurs. Dans ces
pays, le procureur a le pouvoir d’imposer une amende aux délinquants consentants qui n’ont pas été reconnus coupables en échange du rejet des accusations. Le procureur doit pouvoir démontrer sa capacité de condamner le
délinquant au moyen des preuves dont il dispose.
Renonciation judiciaire à la poursuite
Certains pays européens accordent aux procureurs le pouvoir explicite de
renoncer à la poursuite dans l’intérêt public, même lorsque existent des preuves
permettant de condamner l’accusé et que le plaignant souhaite poursuivre. Un tel
pouvoir explicite pourrait accorder à la Couronne la «latitude» dont elle a besoin
pour retirer ou rejeter des accusations même dans les cas où il n’y a pas de
programme de déjudiciarisation dont l’accusé peut se prévaloir.
Subventions à la probation
Les résultats des subventions à la probation aux États-Unis ont généralement
été décevants. La Californie, le Minnesota et le Kansas, entre autres, ont mis ce
concept à l’essai en vertu duquel l’État (dont relèvent les prisons où sont purgées
les peines d’un an ou plus) encourage, chez les autorités locales des comtés, la
planification intégrale de la justice, le développement communautaire et la
réduction de la durée des peines. Le comté assume la responsabilité des prisons
locales (où sont purgées les peines de moins d’un an), de nombreux services
communautaires et des services de probation relevant des tribunaux locaux.
L’État accorde des subventions aux comtés qui adhèrent au programme afin
d’encourager les peines réduites ou communautaires. Des frais sont impo-sés au
comté participant chaque fois qu’un délinquant est envoyé dans une prison de
l’État.
42
Jones (1990) a constaté, d’après une prévision statistique indirecte des peines,
que les subventions à la probation ont peut-être eu un peu d’effet (neuf pour
cent) sur le nombre de cas maintenus dans la collectivité, même s’ils étaient
assujettis à des conditions plus rigoureuses que les probationnaires ordinaires.
Dans une étude poussée réalisée au Minnesota, Strathman et ses collaborateurs (1981) ont observé des effets mineurs dans le sens prévu en ce qui
concerne les jeunes, mais non les adultes. En fait, ils ont remarqué un accroissement de la sévérité des sanctions communautaires à l’endroit des adultes.
Cependant selon l’étude menée au Minnesota, le programme a été mis en
œuvre sans planification appropriée, sans critères de mise en œuvre au niveau
local, sans lignes directrices ou sans définition des rôles et responsabilités des
représentants locaux. Il est théoriquement possible de mettre en œuvre plus
efficacement de tels programmes grâce aux progrès réalisés depuis lors dans
l’obtention de données statistiques permettant de prévoir les peines, les besoins
des délinquants et le risque qu’ils représentent, et grâce à notre connaissance de
la planification des solutions de rechange à l’imposition d’une peine et d’autres
méthodes qui font appel à des critères stricts d’utilisation.
La question la plus pertinente qu’on peut se poser est peut-être la suivante : la
répartition des compétences au Canada permet-elle d’appliquer cette idée? Au
Canada, l’équivalent des subventions à la probation qui existent aux États-Unis
serait le versement, par le gouvernement fédéral, de subventions aux provinces
pour qu’elles améliorent leur capacité en matière de services correctionnels
communautaires offerts aux délinquants qui, autrement, seraient condamnés à
une peine d’incarcération de deux ans ou plus – et le point de démarcation des
frais imputés serait probablement deux ans ou une autre base. Il peut être
doublement difficile d’apporter des changements dans ce contexte en raison de
la signification accordée maintenant à la répartition des compétences par les
juges qui imposent la peine, lesquels peuvent considérer les délinquants qu’ils
envoient dans les pénitenciers comme différents, sur le plan qualitatif, des
détenus sous responsabilité provinciale.
43
Peines minimales d’emprisonnement
Plusieurs pays d’Europe, comme l’Allemagne et les pays scandinaves ont établi
un «plancher» d’un mois en ce qui concerne la durée des peines d’emprisonnement. Cette mesure vise à réduire le recours aux très courtes peines d’incarcération imposées en première instance (c.-à-d. par opposition à l’emprisonnement
pour non-paiement d’une amende). Il serait probablement inefficace d’introduire
un tel «plancher» au Canada s’il ne s’accompagnait pas de l’élargissement des
possibilités, pour les juges, d’imposer d’autres punitions relativement mineures.
Sinon, il pourrait en résulter simplement un accroissement du recours aux peines
d’emprisonnement de plus d’un mois.
Politique en matière criminelle et populations incarcérées
Des criminologues ont examiné les taux d’emprisonnement de différents pays
afin de déterminer pourquoi certains pays ont des taux très élevés et d’autres,
des taux bas. Dans deux exemples récents, des auteurs (Snacken et ses collaborateurs, 1995 et Junger-Tas, 1994) ont, comme beaucoup d’autres avant eux,
conclu que ce sont les politiques de justice pénale d’un pays qui sont probablement le facteur le plus déterminant des taux d’incarcération.
Les écarts des taux de criminalité entre les pays et au fil du temps n’expliquent
pas la différence des taux d’incarcération. Alors qu’on a établi des liens entre des
«facteurs externes» comme la répartition par âges, le taux de chômage et les
disparités de revenu dans une société d’une part, et les populations carcé-rales,
d’autre part, et que des «facteurs perturbateurs» comme les craintes et l’opinion
du public peuvent influer sur les populations carcérales, ce sont les «facteurs
internes» de la politique en matière de justice pénale qui ont le plus d’incidence
(Snacken et ses collaborateurs, 1995, p. 40). En outre, ces politi-ques peuvent
changer et en venir à modifier les modes d’emprisonnement et d’autres
sanctions dans un pays.
La Finlande et l’Allemagne de l’Ouest sont deux pays occidentaux qui, au cours
des dernières décennies, se sont attachés à réduire le recours à l’incarcération.
La Finlande a toujours eu un taux d’emprisonnement plus élevé que les autres
pays scandinaves, mais les chercheurs et les universitaires ont pu démontrer
que cette situation était attribuable, non pas à des taux de criminalité plus élevés,
mais au fait que les peines moyennes d’emprisonnement étaient plus longues.
Le pays a procédé à des modifications législatives et offert des cours et des
séminaires intensifs au personnel judiciaire afin d’en arriver à un consensus sur
les changements à apporter et de les promulguer. Il semble que les Finlan-dais
ont pu parvenir à un consensus sur la valeur limitée des punitions comme
mesure dissuasive et sur l’impossibilité d’utiliser des sanctions carcérales comme
moyen de neutralisation ou de traitement généralisé. L’ivresse publique a été
décriminalisée, et les peines maximales pour crimes contre la propriété ont été
44
réduites. La population carcérale est passée de 5 600 en 1976 à 3 500 en 1992.
Le recours aux amendes s’est considérablement accru.
En Allemagne de l’Ouest après 1983, on a commencé à reconnaître qu’il serait
souhaitable de réduire le nombre de poursuites, de renvois et de peines d’incarcération de courte durée pour les jeunes adultes et les jeunes. Cela semble avoir
eu de légères retombées sur le traitement des adultes plus âgés (Graham,
1990). Le nombre total de personnes en détention provisoire a diminué de près
de 30 % entre 1982 et 1988. Le nombre de détenus adultes est passé de 38 500
à 35 600 de 1983 à 1986. Pendant la même période, le pourcentage de jeunes
adultes poursuivis a diminué de 17 % et celui des adultes plus âgés de 1 %; de
plus la proportion des condamnations qui ont abouti à l’emprisonnement a
régressé de 19 %. Pour les adultes, la réduction du taux d’emprisonnement
semblait résulter d’une baisse des courtes peines d’emprisonnement; cette
incidence n’a pas été entièrement compensée par une augmentation des peines
plus longues.
Les Allemands n’ont procédé à aucune modification législative pendant cette
période même si durant les années précédentes, ils ont apporté certains
changements qui peuvent avoir contribué au climat de réforme. En 1969, les
peines d’incarcération d’un mois ou moins ont été abolies, et des restrictions ont
été appliquées au recours à des peines d’un à six mois. En 1974, l’Allemagne a
facilité le recours aux condamnations avec sursis et a introduit le service
communautaire comme solution de rechange à l’emprisonnement en cas de nonpaiement d’une amende. Cependant Rutherford (1988) estime que la princi-pale
raison des changements dans les années 80 a été une importante confé-rence
de 200 représentants et décideurs du domaine de la justice, qui a servi à
catalyser la perte croissante de foi dans la capacité de l’emprisonnement de
servir de moyen de dissuasion et de réadaptation.
Snacken et ses collaborateurs (1995, p. 42) ont conclu ainsi :
…Même si le système de justice pénale ne peut influer sur tous les
éléments qui déterminent son fonctionnement, il a suffisamment de
latitude pour réfuter l’argument selon lequel les populations carcérales en
évolution sont un pur produit de facteurs externes sur lesquels il n’a pas
de prise. Le sort est, au moins en partie, une question de politique.
[traduction]
45
PARTIE VII. Sommaire et conclusion
Même s’il y a très peu d’évaluations solides de la déjudiciarisation des adultes
dans les documents de criminologie, elles font ressortir un certain nombre de
conclusions provisoires, qui sont étayées par la documentation plus volumineuse
sur les jeunes dans ce domaine.
Fait très important, les programmes de déjudiciarisation doivent toujours relever
un défi de taille : identifier les clients qui, sans l’existence de la «solution de
rechange», auraient été pris en charge par le système de justice et travailler
avec ceux-ci. Il semble plutôt qu’un nombre important de clients déjudiciarisés
auraient pu ne jamais être arrêtés, être poursuivis ou se voir infliger une lourde
peine. Par conséquent, les préoccupations voulant que la déjudiciarisation
«élargisse le filet» du contrôle social à un groupe plus vaste de délinquants sont
justifiées. Les initiatives visant à officialiser le pouvoir discrétionnaire de la police
de recourir à la déjudiciarisation des délinquants peuvent prêter le flanc à cette
critique.
Les programmes de déjudiciarisation sont généralement utilisés dans le cas des
délinquants primaires, des jeunes, des auteurs d’infractions mineures et des
clients qui présentent des risques moins élevés. On estime que ces cas méritent
davantage la «chance» que la déjudiciarisation est censée représenter. La déjudiciarisation des personnes souffrant de troubles mentaux est également considérée comme pertinente étant donné la capacité limitée du système de justice de
faire face aux problèmes que peuvent représenter ces personnes sur le plan du
traitement, du contrôle et de la sécurité. Les délinquants plus âgés qui
présentent moins de problèmes de santé mentale et qui constituent un défi plus
important du point de vue des infractions qu’ils commettent et de leurs antécédents criminels sont moins susceptibles d’être considérés comme «déjudiciarisables» aux stades précédant la condamnation. Pour ces délinquants, les
solutions de rechange à l’imposition d’une peine après la condamnation sont
susceptibles d’être la ligne de conduite la plus productive.
Les programmes de déjudiciarisation doivent être conçus pour tenir compte de
l’orientation professionnelle et des exigences imposées aux travailleurs du
système de justice qui entretiennent les liens les plus étroits avec eux. Les
procureurs, par exemple, peuvent d’instinct éliminer les cas où une condamnation est moins vraisemblable et la sentence probable insignifiante, tout en
souhaitant s’occuper d’autres cas qui peuvent se prêter davantage à la déjudiciarisation. Il est hautement souhaitable que toutes les parties en cause s’entendent sur les objectifs et établissent des relations de travail productives.
Il n’est pas prouvé que les programmes de déjudiciarisation réduiront les coûts
du système de justice et seront plus économiques que la procédure traditionnelle. Il s’agit en partie d’une conséquence de la faible portée de la plupart des
programmes de déjudiciarisation. Dans le domaine de l’ajournement des pour-
46
suites, la plupart des programmes ne s’adressent qu’à deux ou trois pour cent
des personnes accusées. De plus, les programmes de déjudiciarisation représentent souvent une plus grande intervention dans la vie des clients que les
mesures judiciaires qu’ils remplacent, et l’on manque de données sur les programmes de déjudiciarisation qui entraînent une réduction réelle des dépenses
du système de justice. Le coût de fonctionnement des programmes de déjudiciarisation qui ont une incidence importante sur les clients peut être considérable.
Bien des programmes de déjudiciarisation souffrent des mêmes problèmes que
les services correctionnels. Il se peut que les interventions qu’ils prévoient ne
conviennent pas à la plus grande partie de la clientèle visée, qu’ils n’offrent pas
les services nécessaires et qu’il soit difficile de démontrer qu’ils ont un effet sur la
récidive. Cependant, cela ne veut pas dire que des mesures de déjudiciari-sation
mieux conçues et mieux exécutées que celles qui ont été évaluées jusqu’à
maintenant ne donneraient pas de meilleurs résultats.
Même si la «véritable déjudiciarisation», selon la terminologie employée à
l’origine, visait à tenir le plus possible les délinquants à l’écart du système de
justice et à réduire, voire même à éliminer, toute intervention auprès d’eux, les
bouleversements du système de justice au cours des trois dernières décennies
ont montré que la déjudiciarisation s’est caractérisée et continuera de se
caractériser par des tentatives visant à répondre d’une manière ou d’une autre
aux besoins des clients et aux risques qu’ils présentent. En outre, plus le délinquant s’enfoncera dans le système, plus la «solution de rechange» sera en fait
une tentative de consolidation pour offrir plus de traitements et pour rendre plus
rigoureuses les réponses communautaires actuelles.
Dans cette optique, une stratégie de déjudiciarisation plus efficace doit s’inspirer
des approches qu’on préconise actuellement pour améliorer les interventions
correctionnelles en général. Ces approches comprendront donc des stratégies
de gestion des cas plus sélectives et mieux éclairées, assorties d’objectifs précis
concernant les délinquants (voir p. ex. Andrews, 1996; Austin et Baird, 1990), et
une application sélective d’approches structurées de changement des délinquants (Palmer, 1995; Robinson, 1995; Antonowicz et Ross, 1994; Anglin et
Speckart, 1988; Gendreau et Ross, 1987).
En outre, l’enrichissement continu de nos connaissances dans le domaine de la
prévision tant du risque criminel que des résultats du système de justice pourra
aider la déjudiciarisation. En effet, on pourra utiliser ces nouvelles connaissances pour améliorer les techniques de sélection des cas ainsi que les programmes de déjudiciarisation.
47
En outre, il importe de faire remarquer que les pays sont plus en mesure d’influer
sur leurs propres politiques en matière criminelle qu’on ne le suppose parfois.
Les facteurs qui déterminent le taux d’emprisonnement dans un pays et le
recours à des «solutions de rechange» ne se résument pas à une simple
addition des taux de criminalité et des pressions du public. Les pays européens
et certains États américains qui ont cherché à réduire le recours à l’emprisonnement et aux autres moyens habituels ont constaté qu’il est possible d’en arriver à
un consensus et d’établir des stratégies pour réussir à apporter des changements. Compte tenu des préoccupations qui ont cours actuellement au Canada
au sujet des coûts considérables et croissants du système de justice en général
et de l’incarcération en particulier, nous sommes encore une fois à un point
tournant où les décideurs pourraient décider d’adopter une stratégie globale pour
influer sur les tendances actuelles au lieu de se laisser guider par celles-ci.
48
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