10/2009 - institut des droits de l`homme des avocats européens
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10/2009 - institut des droits de l`homme des avocats européens
Institut des Droits de l’Homme des Avocats Européens Eu r o p e a n B a r H u m a n R i g h t s In s t i t u t e EXPRESS – INFO n °10 / 2 0 0 9 OCTOBRE 2009 D DA AN NSS C CEE N NU UM MEER RO O :: PROCES EQUITABLE Article 6 MICALLEF c. MALTE [GC] ……………………..1 DAYANAN c. TURQUIE …………………………4 ARRET-PILOTE UKRAINE : 6 § 1, P 1- 1 et 13………………..…..4 VIE PRIVEE- VIE FAMILIALE Article 8 C. C. c. ESPAGNE ……………...………….………6 TSOURLAKIS c. GRECE ......................................7 LIBERTE DE RELIGION Article 9 KIMLYA c. RUSSIE.................................................8 BAYATYAN c. ARMENIE ………………….…….9 LIBERTE - SÛRETE DE SCHEPPER C. Belgique………………..…….10 NAUDO et MALOUM C. FRANCE ………....….11 LIBERTE D'EXPRESSION Article 10 BRUNET-LECOMTE & TANANT C. France….12 KULIS ET ROZYCKI c. POLOGNE…………....13 LOMBARDI VALLAURI c. ITALIE………...….14 LIBERTE D'ASSOCIATION Article 11 TEBIETI MUHAFIZE CEMIYYETI ET ISRAFILOV c. AZERBAIDJAN……………..…..16 TRAITEMENTS INHUMAINS Article 3 ORCHOWSKI c. POLOGNE NORBERT SIKORSKI c. POLOGNE…………..17 France - REVIREMENT DE JURISPRUDENCE DU CONSEIL D'ETAT…………………………....18 ALERTE URGENTE AVOCATS….….….........…19 L’INDEPENDANCE ET L’IMPARTIALITE DU TRIBUNAL OU DU JUGE CONSTITUENT DES GARANTIES INALIENABLES QU’IL EST INDISPENSABLE DE RESPECTER MEME DANS LES PROCEDURES D’INJONCTION MICALLEF c. MALTE 15/10/2009 Grande Chambre Violation de l’article 6 § 1 En 1985, sa sœur, Mme M., aujourd’hui décédée, fut attaquée devant la justice civile par son voisin pour un litige de voisinage. Le président du tribunal devant lequel l’affaire fut portée prononça une injonction provisoire en faveur du voisin et en l’absence de Mme M., qui n’avait pas été informée de la date de l’audience. En 1992, dans son jugement sur le fond, le tribunal donna tort à Mme M.. Entre-temps, Mme M. avait engagé une procédure devant le tribunal civil dans sa compétence ordinaire, alléguant que l’injonction provisoire avait été rendue en son absence et sans qu’elle ait eu la possibilité de témoigner. En octobre 1990, le tribunal civil considéra que l’injonction provisoire avait été rendue en méconnaissance du principe du contradictoire et la déclara nulle et non avenue. En février 1993, accueillant le recours formé par le voisin, la Cour d’appel, présidée par le Chief Justice qui siégeait avec deux autres juges, annula le jugement du tribunal civil en faveur de Mme M.. Celle-ci déposa alors un recours constitutionnel devant le tribunal civil siégeant en matière 2 LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME constitutionnelle, alléguant que le Chief Justice manquait d’impartialité en raison de ses liens de parenté avec les avocats de la partie adverse, puisqu’il était le frère et l’oncle des avocats qui avaient successivement assisté le voisin. Le recours constitutionnel, repris par le requérant en cours de procédure après la mort de sa sœur, fut rejeté en janvier 2004. En octobre 2005, un autre recours devant la Cour constitutionnelle fut également rejeté. Griefs, procédure et composition de la Cour Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, M. Micallef se plaignait du manque d’impartialité de la Cour d’appel en raison des liens de parenté existant entre son président et l’avocat de la partie adverse et dénonçait l’atteinte subséquente portée au principe de l’égalité des armes. La requête a été introduite devant la Cour européenne des droits de l’homme le 15 avril 2006. Par un arrêt du 15 janvier 2008, la Cour a conclu, par quatre voix contre trois, à la violation de l’article 6 § 1 en raison du manque d’impartialité objective de la Cour d’appel et a dit qu’il n’y avait pas lieu d’examiner séparément le grief tiré de l’atteinte au principe de l’égalité des armes. Elle a également dit que le constat d’une violation constituait en soi une satisfaction équitable suffisante pour le préjudice moral subi par M. Micallef et lui a alloué 2 000 EUR pour frais et dépens. Le 7 juillet 2008, l’affaire a été renvoyée devant la Grande Chambre à la demande du Gouvernement. Décision de la Cour Sur la recevabilité Le Gouvernement et le tiers intervenant soutiennent que M. Micallef n’a pas la qualité de victime lui permettant d’introduire un recours devant la Cour. Selon eux, il aurait eu éventuellement le droit de poursuivre devant la Cour un recours introduit par sa sœur mais pas d’en introduire un de son propre chef alors que sa sœur était décédée avant la fin de la procédure interne. La Cour considère que le requérant a bien la qualité de victime, d’une part car il a dû payer les frais de la procédure engagée par sa sœur et a donc un intérêt patrimonial dans la cause, et d’autre part car l’affaire soulève des problèmes touchant à la bonne administration de la justice et constitue donc une question importante d’intérêt général. Le Gouvernement estime par ailleurs que le requérant n’a pas épuisé toutes les voies de recours internes comme l’exige l’article 35 § 1 de la Convention. A cet égard, la Cour relève qu’à l’époque des faits, le droit maltais ne permettait pas la récusation d’un juge ayant un lien de parenté oncle-neveu avec un avocat représentant la partie adverse dans un procès. Par conséquent, 10 2009 / les possibilités de récusations qui s’ouvraient au requérant ne pouvaient pas être considérées comme effectives et rien ne lui imposait de les parcourir avant de saisir la Cour. En outre, la Cour considère qu’en se plaignant d’une violation de son droit à un procès équitable devant les juridictions constitutionnelles internes, qui ont rejeté l’exception de non-épuisement des voies de recours ordinaires formulée par le Gouvernement et ont examiné le grief au fond, le requérant a usé normalement des recours qui s’offraient à lui et qui avaient en substance trait aux faits dénoncés devant la Cour. Enfin, le Gouvernement maltais et le tiers intervenant estiment que les garanties prévues par l’article 6 § 1 ne s’appliquent pas aux procédures concernant, comme en l’espèce, des mesures provisoires ou conservatoires. La requête serait donc irrecevable également pour ce motif. La Cour rappelle que les procédures préliminaires, comme celles conduisant à l’adoption d’une mesure provisoire telle qu’une injonction, ne relèvent pas normalement de la protection de l’article 6. Or, la Cour observe qu’il existe aujourd’hui un large consensus au sein des Etats membres du Conseil de l’Europe quant à l’applicabilité de l’article 6 aux mesures provisoires, y compris les injonctions. Il en est d’ailleurs ainsi dans la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes. La Cour relève qu’en effet, les décisions prises par des juges dans des procédures d’injonction tiennent lieu bien souvent de décisions sur le fond pendant un délai assez long, voire définitivement dans des situations exceptionnelles. Il s’ensuit que dans bien des cas, la procédure provisoire et la procédure au principal portent sur les mêmes « droits ou obligations de caractère civil », au sens de l’article 6, et produisent les mêmes effets. Dans ces conditions la Cour juge qu’il ne se justifie plus de considérer automatiquement que les procédures d’injonction ne sont pas déterminantes pour des droits ou obligations de caractère civil. Par ailleurs, elle n’est pas convaincue que les déficiences d’une procédure provisoire puissent être corrigées dans le cadre de la procédure au principal étant donné que tout préjudice subi dans l’intervalle pourrait être devenu irréversible. La Cour considère donc qu’il y a lieu de modifier sa jurisprudence et considère que, dès lors que le droit en jeu, tant dans la procédure au principal que dans la procédure d’injonction, revêt un « caractère civil » au sens de l’article 6, et que la mesure provisoire est déterminante pour le droit à « caractère civil » en question, l’article 6 trouvera à s’appliquer. Elle admet toutefois que dans certains cas exceptionnels il pourrait se révéler impossible de respecter toutes les exigences de 3 10 2009 LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME l’article 6, celles ayant trait à l’indépendance et à l’impartialité du tribunal ou du juge étant bien entendu inaliénables. En l’espèce, la procédure au principal portait en substance sur l’usage par des voisins de droits de propriété conformément à la loi maltaise et donc sur un droit « à caractère civil » tant d’après le droit interne que selon la jurisprudence de la Cour. L’injonction visait à trancher le même droit que celui en jeu dans la procédure au principal et était exécutoire immédiatement. L’article 6 est donc applicable. Sur le fond La Cour rappelle qu’elle apprécie l’impartialité d’un tribunal ou d’un juge selon une démarche subjective, qui tient compte du comportement du juge, et une démarche objective qui, indépendamment de la conduite du juge, vise à établir s’il existe des faits vérifiables, notamment des liens hiérarchiques ou autres entre le juge et d’autres acteurs de la procédure, autorisant à douter de son impartialité. La Cour souligne qu’en la matière même les apparences peuvent revêtir de l’importance. La Cour constate qu’à l’époque de faits, le droit maltais ne prévoyait ni le désistement automatique des juges dans les affaires où leur impartialité pouvait être mise en cause, ni la possibilité pour une partie à un procès de récuser un juge sur la base d’un lien de fraternité - et à fortiori d’un lien oncle-neveu - entre le juge et l’avocat de la partie adverse. Depuis, le droit maltais a été amendé et inclut désormais les liens de fraternité parmi les motifs de récusation. Dans le cadre du litige en question, la Cour estime que l’étroitesse du lien de parenté qui unissait l’avocat de la partie adverse et le Chief Justice suffit à justifier de manière objective les doutes sur l’impartialité du collège de juges. Elle conclut par conséquent, par 11 voix contre six, qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention. Micallef c. Malte no 17056/06 15/10/2009 Applicabilité Article 6 applicable Exceptions préliminaires rejetées (victime, non-épuisement des voies de recours internes, ratione materiae) ; Violation de l'art. 6-1 ; Préjudice moral - constat de violation suffisant Opinions Séparées : Les juges Costa, Jungwiert, Kovler et Fura ont exprimé une opinion dissidente commune. Les juges Björgvinsson et Malinverni ont exprimé une opinion partiellement dissidente et les juges Rozakis, Tulkens et Kalaydjieva ont exprimé une opinion concordante commune. Droit en Cause Articles 733, 734 § 1 e) et 734 § 1 f) du code d’organisation judiciaire et de procédure civile Jurisprudence : Aerts c. Belgique, 30 juillet 1998, Recueil 1998-V ; Altun c. Allemagne, Décisions et rapports 36, § 32 ; APIS a.s. c. Slovaquie (déc.), no 39794/98, 13 janvier 2002 ; Bazorkina c. Russie, no / 69481/01, § 139, 27 juillet 2006 ; Biç et autres c. Turquie, no 55955/00, § 23, 2 février 2006 ; Boca c. Belgique, no 50615/99, CEDH 2002-IX ; Burden c. Royaume-Uni [GC], no 13378/05, § 33, 29 avril 2008 ; Castillo Algar c. Espagne, 28 octobre 1998, § 45, Recueil 1998-VIII ; Chmelír c. République tchèque, no 64935/01, § 74, CEDH 2005-IV ; Coyne c. RoyaumeUni, 24 septembre 1997, § 64, Recueil 1997-V ; De Cubber c. Belgique, 26 octobre 1984, § 25 et § 26, série A no 86 ; Fairfield c. Royaume-Uni (déc.), no 24790/04, CEDH 2005-VI ; Ferrantelli et Santangelo c. Italie, 7 août 1996, § 58, Recueil 1996-III ; Ferrazzini c. Italie [GC], no 44759/98, §§ 24-31, CEDH 2001-VII ; Fey c. Autriche, 24 février 1993, §§ 27, 28 et 30, série A no 255-A ; Folgerø et autres c. Norvège [GC], no 15472/02, § 100, CEDH 2007 ; Gülmez c. Turquie, no 16330/02, § 28, 20 mai 2008 ; J.S. et A.S. c. Pologne, no 40732/98, § 46, 24 mai 2005 ; Jaffredou c. France (déc.), no 39843/98, 15 décembre 1998 ; Karner c. Autriche, no 40016/98, §§ 25-28, CEDH 2003-IX ; König c. Allemagne, 28 juin 1978, §§ 89-90, série A no 27 ; Kozacioglu c. Turquie [GC], no 2334/03, § 40, 19 février 2009 ; Kress c. France [GC], no 39594/98, § 90, CEDH 2001-VI ; Kyprianou c. Chypre [GC], no 73797/01, § 119 et § 121, CEDH 2005-XIII Libert c. Belgique (déc.), no 44734/98, 8 juillet 2004 ; Malhous c. République tchèque (déc.), no 33071/96, CEDH 2000-XII ; Mamatkoulov et Askarov c. Turquie [GC], nos 46827/99 et 46951/99, § 121, CEDH 2005-I ; Marie-Louise Loyen et Bruneel c. France, no 55929/00, § 29, 5 juillet 2005 ; Markass Car Hire Ltd c. Chypre (déc.), no 51591/99, 23 octobre 2001 ; Mennitto c. Italie [GC], no 33804/96, § 23, CEDH 2000-X ; Mežnaric c. Croatie, no 71615/01, § 27 et § 36, 15 juillet 2005 ; Miller et autres c. Royaume-Uni, nos 45825/99, 45826/99 et 45827/99, 26 octobre 2004 ; Okyay et autres c. Turquie, no 36220/97, § 68, CEDH 2005-VII ; Pescador Valero c. Espagne, no 62435/00, §§ 24-29, CEDH 2003-VII ; Piersack c. Belgique, 1 octobre 1982, § 30 d), série A no 53 ; Pullar c. Royaume-Uni, 10 juin 1996, § 32 et § 38, Recueil 1996-III ; Raffineries grecques Stran et Stratis Andreadis c. Grèce, 9 décembre 1994, § 39, série A no 301-B ; Raninen c. Finlande, 16 décembre 1997, § 41, Recueil des arrêts et décisions 1997-VIII ; Ressegatti c. Suisse, no 17671/02, § 25, 13 juillet 2006 ; Roche c. Royaume-Uni [GC], no 32555/96, § 119, CEDH 2005X ; Salduz c. Turquie [GC], no 36391/02, § 51, 27 novembre 2008 ; Sanles Sanles c. Espagne (déc.), no 48335/99, CEDH 2000-XI ; Selmouni c. France [GC], no 25803/94, § 74, CEDH 1999-V ; Verlagsgruppe News GmbH c. Autriche (déc.), no 62763/00, 16 janvier 2003 ; Vilho Eskelinen et autres c. Finlande ([GC], no 63235/00, § 56 et § 61, CEDH 2007 ; Wettstein c. Suisse, no 33958/96, §§ 42, 43, 44 et 47, CEDH 2000-XII ; Wiot c. France (déc.), no 43722/98, 15 mars 2001 ; Zander c. Suède, 25 novembre 1993, § 27, série A no 279-B ; Zarb Adami c. Malte (déc.), no 17209/02, 24 mai 2005 . (L’arrêt existe en français et en anglais.) 4 LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME D DR RO OIIT TA AL L''A ASSSSIISST TA AN NC CE ED D''U UN N A AV VO OC CA AT T L’équité d’une procédure requiert que l’accusé, dès qu’il est privé de liberté, puisse obtenir toute la gamme d’interventions propres au conseil : la discussion, l’organisation de la défense, la recherche des preuves, la préparation des interrogatoires, le soutien de l’accusé en détresse et le contrôle des conditions de détention. Violation de l’article 6 § 3 c) combiné avec l’article 6 § 1 DAYANAN c. TURQUIE 13/10/2009 Violation de l’article 6 § 1 Placé en garde à vue, dans le cadre d’une opération contre le Hezbollah, une organisation illégale armée, Seyfettin Dayanan fut informé de son droit de garder le silence et de bénéficier d’un avocat au terme de sa garde à vue. Les policiers lui posèrent des questions ; M. Dayanan garda le silence. En 2001, il fut inculpé pour appartenance au Hezbollah. Le 4 décembre 2001, à l’issue d’une série d’audiences durant lesquelles M. Dayanan et son avocat contestèrent les accusations à son encontre, la cour de sûreté de l’État le condamna à douze ans et six mois d’emprisonnement. M. Dayanan se pourvut en cassation. Le procureur général près la Cour de cassation présenta ses observations écrites sur le fond de ce recours, avis qui ne fut communiqué ni au requérant ni à son avocat. La Cour de cassation confirma l’arrêt attaqué, en l’absence de M. Dayanan et de son avocat. Invoquant l’article 6 §§ 1 et 3 c), le requérant se plaignait de n’avoir pas bénéficié de l’assistance d’un avocat lors de sa garde à vue et de l’absence de communication de l’avis du procureur général près la Cour de cassation. Décision de la Cour L’équité d’une procédure requiert que l’accusé, dès qu’il est privé de liberté, puisse obtenir toute la gamme d’interventions propres au conseil : la discussion, l’organisation de la défense, la recherche des preuves, la préparation des interrogatoires, le soutien de l’accusé en détresse et le contrôle des conditions de détention. Or M. Dayanan, en vertu de la loi en vigueur à l’époque, n’a pas bénéficié de l’assistance d’un avocat lors de sa garde à vue. Une telle restriction systématique sur la base des dispositions légales pertinentes suffit à conclure à une violation de l’article 6 même si M. Dayanan est resté silencieux pendant sa garde à vue. La Cour 10 2009 / conclut donc à l’unanimité à la violation de l’article 6 § 3 c) combiné avec l’article 6 § 1. Par ailleurs, une procédure contradictoire implique le droit pour les parties de se voir communiquer et de discuter toute pièce ou observation présentée au juge. Compte tenu de la nature des observations du procureur et de l’impossibilité pour un justiciable d’y répondre par écrit, la Cour considère qu’en l’espèce, la noncommunication à M. Dayanan de l’avis du procureur général près la Cour de cassation a enfreint son droit à une procédure contradictoire et elle conclut en conséquence à l’unanimité à la violation de l’article 6 § 1. Dayanan c. Turquie no 7377/03 13/10/2009 Partiellement irrecevable ; Violation de l'art. 6-3-c+6-1 ; Violation de l'art. 6-1 ; Préjudice moral - réparation ; Dommage matériel - demande rejetée Droit en Cause Article 31 de la loi no 3842 Jurisprudence : Demebukov c. Bulgarie, no 68020/01, § 50, 28 février 2008 ; Göç c. Turquie [GC], no 36590/97, 11 juillet 2002 ; Papachelas c. Grèce [GC], no 31423/96, § 30, CEDH 1999-II ; Poitrimol c. France, 23 novembre 1993, § 34, série A no 277-A ; Salduz c. Turquie [GC], no 36391/02, 27 novembre 2008 ; Seher Karatas c. Turquie (déc.), no 33179/96, 9 juillet 2002 ; Worm c. Autriche, 29 août 1997, § 33, Recueil 1997-V ARRET PILOTE PREMIER ARRÊT PILOTE CONCERNANT LA NON-EXÉCUTION DE DÉCISIONS DE JUSTICE INTERNES DÉFINITIVES EN UKRAINE La procédure d’arrêt pilote mise en place. depuis 2004 n’a pas seulement pour but de faciliter la mise en œuvre par les Etats défendeurs des mesures individuelles et générales nécessaires à l’exécution des arrêts de la Cour, elle vise aussi à inciter ces Etats à régler au niveau national les nombreuses affaires individuelles tenant à un même problème structurel, renforçant ainsi le principe de subsidiarité qui est à la base du système de la Convention. YURIY NIKOLAYEVICH IVANOV c. UKRAINE 15.10.2009 Violation des articles 6 § 1, 1 du Protocole no 1 et 13 Sur le terrain de l’article 46, la Cour note que l’affaire concerne deux problèmes récurrents : la non-exécution prolongée de décisions internes définitives et l’absence de recours interne effectif permettant d’y remédier. Ces problèmes sont la 5 LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME source des violations de la Convention les plus fréquentes, régulièrement constatées par la Cour depuis 2004 dans plus de 300 affaires concernant l’Ukraine. La présente affaire démontre qu’il n’a pas été apporté de solution à ces problèmes malgré la jurisprudence claire de la Cour, qui a appelé l’Ukraine à prendre les mesures appropriées pour les résoudre. Compte tenu du fait qu’environ 1400 requêtes dirigées contre l’Ukraine pour les mêmes problèmes sont actuellement pendantes devant elle, la Cour conclut qu’il existe dans le pays une pratique incompatible avec la Convention. Elle adopte, à l’unanimité, les conclusions suivantes : - l’Ukraine doit introduire dans son ordre juridique, dans un délai d’un an à compter de la date à laquelle l’arrêt sera devenu définitif, un recours effectif garantissant une réparation adéquate et suffisante en cas de non-exécution ou d’exécution tardive des décisions de justice internes ; - l’Ukraine doit, dans un délai d’un an à compter de la date à laquelle l’arrêt sera devenu définitif, apporter une telle réparation, y compris lorsque c’est possible au moyen de règlements amiables, à tous les requérants qui ont porté devant la Cour une affaire semblable avant le prononcé de l’arrêt et dont la requête a été communiquée aux autorités ukrainiennes ; - en cas de manquement des autorités ukrainiennes à apporter une telle réparation conformément à l’arrêt, la Cour reprendra son examen de toutes les requêtes analogues pendantes devant elle afin de se prononcer sur celles-ci par un arrêt ; -dans l’attente de l’adoption des mesures susmentionnées, la Cour suspendra, pour une durée d’un an à compter de la date à laquelle l’arrêt sera devenu définitif, les procédures relatives à toute nouvelle affaire ukrainienne concernant uniquement la non-exécution ou l’exécution tardive de décisions de justices internes. Sur le terrain de l’article 41 (satisfaction équitable), la Cour alloue au requérant un montant égal à la somme qui lui reste due en vertu des décisions de justice internes du 22 août 2001 et du 29 juillet 2003, augmenté de 174 euros (EUR) au titre de l’inflation. Elle lui octroie de plus 2 500 EUR pour dommage moral et 1 740 EUR pour frais et dépens. (L’arrêt n’existe qu’en anglais.) Principaux faits Le requérant, Yuriy Ivanov, est un ressortissant russe né en 1957 et résidant à Moscou (Russie). En octobre 2000, il prit sa retraite de l’armée ukrainienne. Il ne reçut pas les sommes auxquelles il avait droit, à savoir une pension de retraite forfaitaire et une indemnité pour son uniforme. En conséquence, il introduisit, en juillet 2001, une action en justice aux fins du paiement des sommes qui lui étaient dues. En août 2001, il obtint gain de cause et l’armée fut condamnée à lui verser une 10 2009 / somme s’élevant au total à 819 EUR environ, frais de justice inclus. A une date non précisée, le montant qui lui était dû au titre des arriérés de la pension de retraite lui fut versé, mais non le reste de sa créance. En avril 2004, les huissiers lui écrivirent pour l’informer que l’armée n’avait pas d’argent pour lui payer ce qu’elle lui devait et que la vente forcée des biens militaires était interdite par la loi. La décision de justice d’août 2001 reste, aujourd’hui encore, en partie inexécutée. En 2002, M. Ivanov intenta une action contre les huissiers, soutenant qu’ils avaient manqué à faire exécuter la décision d’août 2001. Il obtint gain de cause, et les huissiers se virent ordonner de trouver et de geler les comptes de l’armée afin d’y saisir l’argent qui s’y trouvait. Ils ne s’exécutèrent pas. M. Ivanov intenta une nouvelle procédure dans laquelle il demanda l’indemnisation du préjudice matériel et moral qu’il estimait avoir subi. Les juges firent partiellement droit à sa demande en juillet 2003, dans une décision qui reste, elle aussi, inexécutée. Invoquant l’article 6 § 1 et l’article 13 de la Convention et l’article 1 du Protocole no 1, le requérant dénonçait la non-exécution des décisions de justice d’août 2001 et de juillet 2003 et l’absence de recours internes effectifs à cet égard. Décision de la Cour Sur la non-exécution et le droit de propriété La Cour observe qu’à ce jour, la décision de justice d’août 2001 n’a pas été totalement exécutée, ce qui porte le retard d’exécution à sept ans et dix mois environ. La décision de justice de juillet 2003, rendue depuis environ cinq ans et onze mois, n’a pas non plus été exécutée. La Cour note que les retards d’exécution ont été causés par une combinaison de facteurs (manque de moyens, inaction des huissiers et défauts de la législation nationale) qui ont empêché M. Ivanov d’obtenir l’exécution des décisions de justice rendues dans son affaire. Elle considère que l’ensemble de ces facteurs dépendaient des autorités ukrainiennes, et juge donc l’Ukraine totalement responsable de la non-exécution. La Cour observe qu’elle a fréquemment constaté des violations de l’article 6 § 1 et de l’article 1 du Protocole no 1 dans des affaires soulevant des questions semblables à celle de la présente affaire ; elle note qu’en l’espèce, le gouvernement ukrainien n’a présenté aucun argument susceptible de la persuader de parvenir à une conclusion différente. Elle conclut donc, à l’unanimité, à la violation de l’article 6 § 1 de la Convention et de l’article 1 du Protocole no 1, en raison de la non-exécution prolongée des décisions de justice d’août 2001 et de juillet 2003. Sur l’absence de recours effectif contre la nonexécution 6 LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME La Cour constate qu’il n’existait pas au niveau national de recours satisfaisant aux exigences de l’article 13 de la Convention à l’égard des griefs de M. Ivanov quant à la non-exécution des décisions de justice rendues en sa faveur. Elle conclut, à l’unanimité, à la violation de l’article 13. Yuriy Nikolayevich Ivanov c. Ukraine requête n° 40450/04 Partiellement irrecevable ; Violation de l'art. 6-1 ; Violation de P1-1 ; Violation de l'art. 13 ; Etat défendeur tenu de prendre des mesures individuelles ; Etat défendeur tenu de prendre des mesures générales ; Préjudice moral – réparation. Jurisprudence : Bottazzi c. Italie [GC], n° 34884/97, § 22, CEDH 1999-V ; Broniowski c. Pologne [GC], 31443/96, §§ 189-194 et 198, CEDH 2004-V ; Bourdov c. Russie, n° 59498/00, §§ 68, 98-100, 127, 129-130 et 134-135, CEDH 2002III ; Christine Goodwin c. Royaume-Uni [GC], n° 28957/95, § 120, CEDH 2002 VI ; Doubenko c. Ukraine, n° 74221/01, 11 janvier 2005 ; E.G. c. Pologne (déc.), n° 50425/99, § 27, 23 septembre 2008 ; Garkoucha c. Ukraine, n° 4629/03, §§ 18-20, 13 décembre 2005 ; Glova et Breguine c. Ukraine, nos 4292/04 et 4347/04, § 14, 28 février 2006 ; Hornsby c. Grèce, 19 mars 1997, § 40, Recueil 1997-II ; HuttenCzapska c. Pologne [GC] n° 35014/97, §§ 231-239, CEDH 2006-VIII ; Immobiliare Saffi c. Italie [GC], n° 22774/93, § 66, CEDH 1999-V ; Kozatchek c. Ukraine, n° 29508/04, § 31, 7 décembre 2006 ; Krichtchouk c. Ukraine, n° 1811/06, 19 février 2009 ; Kudla c. Pologne [GC], n° 30210/96, § 152 et §§ 157-157, CEDH 2000-XI ; Lizanets c. Ukraine, n° 6725/03, § 43, 31 mai 2007 ; Lukenda c. Slovénie, n° 23032/02, § 94, CEDH 2005-X ; Maksimikha c. Ukraine, n° 43483/02, § 29, 14 décembre 2006 ; Metaxas c. Grèce, n° 8415/02, § 19, 27 mai 2004 ; Mikhaïlova et autres c. Ukraine, n° 16475/02, §§ 27 et 36, 15 juin 2006 ; Moïsseïev c. Russie (déc.), n° 62936/00, 9 décembre 2004 ; Peretiatko c. Ukraine, n° 37758/05, § 16, 27 novembre 2008 ; Pivnenko c. Ukraine, n° 36369/04, §§ 18-20, 12 octobre 2006 ; Raïssa Tarassenko c. Ukraine, n° 43485/02, § 13, 14 et 23, 7 décembre 2006 ; Raïlian c. Russie, n° 22000/03, § 31, 15 février 2007 ; Romachov c. Ukraine, n° 67534/01, §§ 31-32 et 47, 27 juillet 2004 ; S. et Marper c. Royaume-Uni [GC], nos 30562/04 et 30566/04, § 134, CEDH 2008 ; Scozzari et Giunta c. Italie [GC], nos 39221/98 et 41963/98, § 249, CEDH 2000 VIII ; Chmalko c. Ukraine, n° 60750/00, § 44, 20 juillet 2004 ; Sinko c. Ukraine, n° 4504/04, § 17, 1 juin 2006 ; Sokur c. Ukraine, n° 29439/02, 26 avril 2005 ; Tolstoy Miloslavsky c. Royaume-Uni (13 juillet 1995, § 77, série A n° 316-B ; Vassiliev c. Ukraine, n° 10232/02, § 29 et §§ 31-33 et 41, 13 juillet 2006 ; Voïtenko c. Ukraine, n° 18966/02, §§ 30-31, 48 et 5154, 29 juin 2004 ; Wasserman c. Russie (n° 2), n° 21071/05, § 45, 10 avril 2008 ; Xenides-Arestis c. Turquie, n° 46347/99, § 50, 22 décembre 2005 ; Jmak c. Ukraine, n° 36852/03, § 21, 29 juin 2006 ; Zoubko et autres c. Ukraine, nos 3955/04, 5622/04, 8538/04 et 11418/04, § 70, CEDH 2006-VI 10 2009 / D DR RO OIIT TA AU UR RE ESSPPE EC CT TD DE EL LA A V VIIE E PPR RIIV VE EE EE ET T FFA AM MIIL LIIA AL LE E L’article 8 de la Convention Le respect du caractère confidentiel des informations sur la santé constitue un principe essentiel du système juridique de toutes les Parties contractantes à la Convention. C. C. c. ESPAGNE 06/10/2009 Violation de l’article 8 Le requérant allègue que le droit au respect de sa vie privée a été violé du fait de la divulgation de son identité, qui figure en toutes lettres dans les décisions judiciaires rendues en l'espèce et qui apparaît, notamment dans le jugement rendu en première instance, en rapport avec son état de santé. Il invoque l'article 8 de la Convention Devant la Cour, le requérant se plaint du fait que les juges nationaux ont divulgué son identité en toutes lettres dans la décision judiciaire qu'il a rendue et que, ce faisant, sa séropositivité a également été rendue publique et ce alors même qu'il avait demandé expressément à ce que son identité demeure confidentielle. La Cour doit donc déterminer si l'ingérence dont se plaint le requérant, à savoir la divulgation de son identité dans la mesure où elle a été mise en rapport avec son état de santé, était « nécessaire dans une société démocratique » pour atteindre ces objectifs, c'est-à-dire si les motifs invoqués par les juridictions internes pour la justifier étaient pertinents et suffisants, et si elle était proportionnée aux buts légitimes poursuivis. A cet égard, la Cour doit tenir compte du rôle fondamental que joue la protection des données à caractère personnel - les informations relatives à la santé n'en étant pas les moindres - pour l'exercice du droit au respect de la vie privée et familiale. Le respect du caractère confidentiel des informations sur la santé constitue un principe essentiel du système juridique de toutes les Parties contractantes à la Convention. Il est capital non seulement pour protéger la vie privée des malades mais également pour préserver leur confiance dans le corps médical et les services de santé en général. Faute d'une telle protection, les personnes nécessitant des soins médicaux pourraient être dissuadées de fournir les informations à caractère personnel et intime nécessaires à la prescription du traitement approprié et même de consulter un médecin, ce qui pourrait mettre en danger leur santé voire, dans le cas des maladies transmissibles, celle de la collectivité 7 10 2009 LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME La législation interne doit donc ménager des garanties appropriées pour empêcher toute communication ou divulgation de données à caractère personnel relatives à la santé qui ne serait pas conforme aux garanties prévues à l'article 8 de la Convention. Ces considérations valent particulièrement lorsqu'il s'agit de protéger la confidentialité des informations relatives à la séropositivité. En ce qui concerne les questions relatives à l'accessibilité au public de données à caractère personnel, la Cour reconnaît qu'il convient d'accorder aux autorités nationales compétentes une certaine latitude pour établir un juste équilibre entre la protection de la publicité des procédures judiciaires, nécessaire pour préserver la confiance dans les cours et tribunaux d'une part, et celle des intérêts d'une partie ou d'une tierce personne à voir de telles données rester confidentielles, d'autre part. L'ampleur de la marge d'appréciation en la matière est fonction de facteurs tels que la nature et l'importance des intérêts en jeu et la gravité de l'ingérence. Eu égard aux circonstances particulières de la présente affaire, compte tenu notamment du principe de protection spéciale de la confidentialité des informations relatives à la séropositivité, la Cour estime que la publication de l'identité du requérant en toutes lettres en rapport avec son état de santé dans le jugement rendu par le juge de première instance no 4 de Salamanque ne se justifiait pas par un quelconque motif impérieux. Dès lors, la publication de l'identité du requérant dans le jugement en question a porté atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la Convention. C. C. c. Espagne no 1425/06 06/10/2009 Violation de l'art. 8 ; Satisfaction équitable : 5 000 euros (EUR) (dommage moral) et 3 398 EUR (frais et dépens) Droit en Cause article 232 § 2 de la loi organique 6/1985 du 1er juillet 1985 portant sur le pouvoir judiciaire (LOPJ) Jurisprudence : Leander c. Suède, 26 mars 1987, § 58, série A no 116 ; Petra c. Roumanie, arrêt du 23 septembre 1998, § 36, Recueil 1998-VII ; Pretto et autres c. Italie, 8 décembre 1983, § 21, série A no 71 ; Z c. Finlande, arrêt du 25 février 1997, Recueil 1997-I JDDH TOUTE LA COLLECTION DEPUIS 2001 sur www.idhae.org / IMPOSSIBILITE POUR UN PERE D’ACCEDER AUX CONCLUSIONS D’UNE ENQUETE SOCIALE CONCERNANT SON FILS Les informations contenues dans le rapport litigieux étaient pertinentes pour la relation du requérant avec son fils, dont l’affection paternelle a été reconnue par les tribunaux TSOURLAKIS c. GRECE 15.10.2009 Violation de l’article 8 Le requérant, M. Konstantinos Tsourlakis, réside à Athènes. En 1989, il se maria et eut un fils. En août 2000, les époux Tsourlakis se séparèrent. Par un jugement du 21 novembre 2001, la garde de l’enfant fut exclusivement confiée à la mère, et l’usage du domicile conjugal accordé au requérant. Les époux Tsourlakis firent appel. Par une décision avant-dire droit du 31 mars 2004 une enquête sociale fut ordonnée et confiée à la Société pour la protection de l’enfance d’Athènes (« la Société »). En novembre 2004, le rapport de la Société fut déposé au cours de l’audience devant la cour d’appel. Par un arrêt du 19 mai 2005, la cour d’appel confia, de manière définitive, la garde de l’enfant à la mère. M. Tsourlakis tenta d’obtenir une copie du rapport de la Société, qui l’informa que ce document était confidentiel et établi à la seule attention de la cour d’appel. Après avoir saisi le médiateur de la République, qui l’informa qu’il n’était pas possible d’obtenir une copie du rapport car il n’avait pas formulé sa demande par l’intermédiaire du procureur compétent, M. Tsourlakis s’adressa au procureur près le tribunal correctionnel. Ce dernier rejeta sa demande en indiquant, par deux phrases manuscrites sur le texte même de la demande, qu’elle concernait les données personnelles d’un mineur et que le requérant n’avait pas un intérêt légitime à en prendre connaissance. Invoquant l’article 6 et l’article 8, M. Tsourlakis se plaignait de l’impossibilité de prendre connaissance du rapport de la Société pour la protection de l’enfance. Décision de la Cour Concernant le grief tiré de l’article 6, la Cour note que M. Tsourlakis ne s’est plaint, à aucun moment de la procédure, que le fait de ne pas avoir accès au rapport de la Société portait atteinte à ses droits procéduraux et à un procès équitable. Ce grief doit donc être rejeté pour non épuisement des voies de recours, en application de l’article 35 de la Convention. 8 LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME La Cour relève par ailleurs que le grief du requérant tiré de l’article 8, en ce qu’il concerne l’utilisation du rapport de la Société devant la cour d’appel, se confond avec celui tiré de l’article 6, que la Cour a jugé irrecevable. Concernant l’exercice par M. Tsourlakis de son droit, postérieurement à l’arrêt de la cour d’appel, à un accès effectif à des informations concernant sa vie privé et familiale, la Cour note que la législation nationale concernant l’utilisation du rapport établi suite à une enquête sociale n’est pas d’une grande limpidité et que les seules explications fournies au requérant l’ont été par le médiateur. Les informations contenues dans le rapport litigieux étaient pertinentes pour la relation de M. Tsourlakis avec son fils, dont l’affection paternelle a été reconnue par les tribunaux, et est confirmée par ses efforts persistants pour obtenir la garde de l’enfant. Avoir connaissance d’éventuels points négatifs contenus dans le rapport aurait permis au requérant de les prendre en compte pour améliorer sa relation avec son fils. Il était par ailleurs légitime que M. Tsourlakis puisse connaître l’utilisation des informations qu’il avait fournies pour l’élaboration de ce document. Le Gouvernent n’a pas motivé son refus de lui donner accès au rapport et n’a pas fourni de raisons impérieuses justifiant la non-divulgation de ce document, qui contenait des informations personnelles concernant directement le requérant. Son droit au respect de sa vie privée et familiale n’a pas été effectivement protégé ; Cour conclut par conséquent à l’unanimité à la violation de l’article 8. En application de l’article 41 (satisfaction équitable) de la Convention, la Cour alloue au requérant 5 000 euros (EUR) pour dommage moral. (L’arrêt n’existe qu’en français.) Tsourlakis c. Grèce no 50796/07 Violation de l'art. 8 ; Préjudice moral – réparation. Jurisprudence : Akdivar et autres c. Turquie (Recueil des arrêts et décisions 1996-IV ; Cardot c. France du 19 mars 1991, série A no 200, § 36 ; Gaskin c. Royaume-Uni, 7 juillet 1989, § 42, série A no 160 ; Guzzardi c. Italie du 6 novembre 1980, série A no 39, § 72 ; K.H et autres c. Slovaquie, no 32881/04, § 48, 28 avril 2008 ; Kosmopoulou c. Grèce, no 60457/00, §§ 52 et 54, 5 février 2004 ; Roche c. Royaume-Uni [GC], no 32555/96, § 162, ECHR 2005-X. JDDH TOUTE LA COLLECTION DEPUIS 2001 sur www.idhae.org 10 2009 LIBERTE DE RELIGION / L’article 9 de la Convention REFUS D’INSCRIRE DANS UNE RÉGION UN GROUPE RELIGIEUX S’Y TROUVANT DEPUIS MOINS DE QUINZE ANS Violation de l’article 9 (liberté de religion) lu à la lumière de l’article 11 (liberté d’association) KIMLYA c. RUSSIE 01/10/2009 L’Eglise de scientologie de Surgut, enregistrée pour la première fois en 1994 en tant qu’organisation non gouvernementale, fut ensuite dissoute au motif que ses activités étaient « de nature religieuse ». Ses demandes subséquentes d’inscription en tant qu’organisation non religieuse furent rejetées en juillet et en octobre 1999 pour le même motif. En août 2000, afin d’obtenir pour leur église la personnalité juridique, ses membres fondateurs, dont M. Kimlya, introduisirent auprès de la direction régionale de la justice une demande d’inscription en tant qu’organisation religieuse locale. L’Eglise de scientologie de Nizhnekamsk, fondée en 1998 en tant que groupe religieux, demanda également, en décembre 1999, l’inscription en tant qu’organisation religieuse locale. A l’issue d’une procédure longue et complexe, les juridictions russes confirmèrent par des décisions définitives les refus d’inscrire les deux églises de scientologie en tant qu’« organisations religieuses », prononcés par les autorités compétentes sur le fondement de la loi sur les religions. Cette loi posait l’obligation légale pour tout nouveau groupe religieux de prouver qu’il existait depuis au moins quinze ans dans une région du territoire russe ou qu’il était affilié à une organisation religieuse centralisée. Un groupe religieux au sens de la loi sur les religions n’a pas de personnalité juridique. Il ne peut donc pas posséder ou louer des biens, avoir un compte bancaire, engager des employés, ou encore assurer la protection juridique de sa communauté, de ses membres et de ses biens. Ce statut exclut aussi l’ouverture de lieux de culte, la tenue d’offices religieux accessibles au public, l’acquisition et la distribution de livres religieux et la création d’établissements d’enseignement. Les requérants se plaignaient en particulier des décisions de refus d’inscription de leur groupe religieux en tant que personne morale, rendues par les autorités russes en vertu de la loi sur les religions. Ils invoquaient les articles 9, 10 (liberté 9 LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME d’expression) et 11, pris seuls et combinés avec l’article 14 (interdiction de la discrimination). Décision de la Cour La Cour observe que la question de savoir si la scientologie peut être qualifiée de « religion » fait controverse entre les Etats membres. En l’absence de consensus au niveau européen quant à la nature religieuse des enseignements de la scientologie, et eu égard à la nature subsidiaire de son rôle, elle considère qu’elle doit se fonder sur la position des autorités internes pour déterminer l’applicabilité de l’article 9. Les autorités russes étant convaincues de la nature religieuse des églises de scientologie de Surgut et de Nizhnekamsk, la Cour conclut que l’article 9 est applicable en l’espèce. Elle considère de plus que, étant donné que les communautés religieuses sont normalement constituées en structures organisées et que le grief concerne une restriction alléguée au droit de s’associer librement avec ses coreligionnaires, l’article 9 doit également être examiné à la lumière de l’article 11, qui garantit la protection de la vie associative contre les ingérences injustifiées de l’Etat. La Cour conclut que l’absence de personnalité juridique des groupes religieux et la portée limitée de leurs droits prévues dans la loi russe sur les religions font obstacle à l’exercice effectif par les membres de ces groupes de leur liberté de religion et d’association. Il y a donc eu une ingérence dans les droits des requérants au sens de l’article 9 interprété à la lumière de l’article 11. Cette ingérence était prévue par la loi, à savoir l’article 9 § 1 de la loi sur les religions, et poursuivait le but légitime de protéger l’ordre public. Cependant, à aucun moment de la procédure il n’a été démontré que les requérants – en tant qu’individus ou en tant que groupe religieux – s’étaient livrés ou avaient l’intention de se livrer à la moindre activité illégale, ou qu’ils poursuivaient d’autres buts que le culte, les enseignements, la pratique et le respect de leurs croyances. De fait, ils se sont vu refuser l’inscription en tant qu’organisation religieuse, non pas en raison d’un quelconque manquement de leur part ou d’une caractéristique particulière de leur foi, mais par la simple application automatique d’une disposition légale, la « règle des quinze ans » posée à l’article 9 § 1 de la loi sur les religions. Le motif de refus de l’enregistrement était donc purement formel, et non lié au fonctionnement des groupes concernés. En outre, la disposition litigieuse de la loi sur les religions visait des communautés religieuses de base qui ne pouvaient prouver ni leur présence dans une région du territoire russe ni leur affiliation à une organisation religieuse centralisée. En conséquence, seuls les groupes religieux nouvellement apparus, tels que les groupes de scientologie, qui ne s’inscrivaient pas dans une structure hiérarchique 10 2009 / stricte d’église, ont subi les effets de la « règle des quinze ans ». Or le Gouvernement n’a avancé aucune justification pour cette différence de traitement. La Cour conclut donc que l’atteinte portée aux droits des requérants à la liberté de religion et d’association n’était pas « nécessaire dans une société démocratique », et dit, à l’unanimité, qu’il y a eu violation de l’article 9 de la Convention, interprété à la lumière de l’article 11. Elle conclut également à l’unanimité qu’il n’est pas nécessaire d’examiner séparément les griefs des requérants tirés des articles 10 et 14, ceux-ci ayant été suffisamment pris en compte dans le cadre de l’examen de l’article 9. Au titre de l’article 41 (satisfaction équitable) de la Convention, la Cour alloue à Yevgeniy Kimlya et Aidar Sultanov 5 000 euros (EUR) pour dommage moral. (L’arrêt n’existe qu’en anglais.) Kimlya et autres c. Russie nos 76836/01 et 32782/03 01/10/2009 Applicabilité Article 9 applicable Violation de l'art. 9 lu à la lumière de l'art. 11 ; Préjudice moral réparation Jurisprudence Aksoy c. Turquie, 18 décembre 1996, §§ 51-52, Recueil des arrêts et décisions 1996-VI ; APEH Üldözötteinek Szövetsége et autres c. Hongrie (déc.), n° 32367/96, 31 août 1999 ; Artico c. Italie, 13 mai 1980, § 33, série A n° 37 ; Assanidzé c. Géorgie [GC], n° 71503/01, § 202, CEDH 2004-II, avec d'autres références ; Eglise catholique de La Canée c. Grèce, 16 décembre 1997, §§ 30 et 40-41, Recueil 1997VIII ; Eglise de scientologie de Moscou c. Russie, n° 18147/02, § 64, 106, 5 avril 2007 ; Gorzelik et autres c. Pologne [GC], n° 44158/98, § 52 et passim, CEDH 2004-I ; Hassan et Tchaouch c. Bulgarie, n° 30985/96, §§ 62 et 91, CEDH 2000-XI ; Koretsky et autres c. Ukraine, n° 40269/02, § 40, 3 avril 2008 ; Eglise métropolitaine de Bessarabie et autres c. Moldova, n° 45701/99, §§ 105, 113, 118 et 134, CEDH 2001-XII ; Partidul Comunistilor (Nepeceristi) et Ungureanu c. Roumanie, n° 46626/99, § 27, 3 février 2005 ; Prokopovitch c. Russie, n° 58255/00, § 29, 18 novembre 2004, avec d'autres références ; Religionsgemeinschaft der Zeugen Jehovas et autres c. Autriche, n° 40825/98, §§ 60, 66, 75 et 78-80, 31 juillet 2008 ; Sidiropoulos et autres c. Grèce, 10 juillet 1998, §§ 31, 40, 46 et 52, Recueil 1998-IV ; Organisation macédonienne unie Ilinden et autres c. Bulgarie, n° 59491/00, § 53, 19 janvier 2006 La condamnation d’un objecteur de conscience n'enfreint pas la convention BAYATYAN c. ARMENIE 27/10/2009 Non-violation de l’article 9 Déclaré apte au service militaire, le requérant, témoin de Jéhovah, fut appelé sous les drapeaux au printemps 2001. Dans les lettres qu’il adressa, entre autres, au procureur général et au commissaire 10 LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME militaire, il déclarait qu’il refusait de faire son service militaire pour des raisons de conscience, mais qu’il était disposé à effectuer un service civil de remplacement. Il ne répondit pas à la convocation au service militaire mi-mai 2001 et déménagea temporairement afin de ne pas être forcé d’accomplir ses obligations militaires. Deux semaines plus tard, la commission parlementaire des affaires d’État et juridiques informa le requérant qu’il était tenu de servir dans l’armée arménienne, aucune loi ne prévoyant un service de remplacement. En octobre 2001, le requérant fut inculpé pour avoir refusé d'accomplir ses obligations militaires. Il fut placé en détention et le tribunal de district le condamna de ce chef en octobre 2002 à un an et six mois d’emprisonnement, peine qui fut portée par la cour d’appel à deux ans et demi d’emprisonnement. La juridiction d’appel déclara essentiellement que le requérant n’avait pas reconnu sa culpabilité et qu’il s’était soustrait à l’enquête préliminaire. La Cour de cassation confirma ce jugement en janvier 2003. En juillet de la même année, le requérant fut libéré sous condition, après avoir purgé dix mois et demi de sa peine. Le requérant voyait dans sa condamnation pour refus d'accomplir ses obligations militaires une violation de son droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion garanti par l’article 9 de la Convention. Il soutenait également que cette disposition devait être interprétée à la lumière des conditions actuelles, la majorité des États membres du Conseil de l’Europe ayant reconnu le droit à l’objection de conscience et l’Arménie s’étant engagée en 2000, avant de devenir membre du Conseil de l’Europe, à « gracier tous les objecteurs de conscience condamnés à des peines d’emprisonnement ». Décision de la Cour La Cour note d’emblée qu’il est légitime de tenir compte du fait que la majorité des États membres du Conseil de l’Europe ont adopté des lois prévoyant un service de remplacement pour les objecteurs de conscience. Toutefois, l’article 9 doit être lu à la lumière de l’article 4 § 3 b), qui exclut de la définition de travail forcé, tel que l’interdit la Convention, « tout service de caractère militaire ou, dans le cas d’objecteurs de conscience dans les pays où l’objection de conscience est reconnue comme légitime, un autre service à la place du service militaire obligatoire ». Il s’ensuit que le choix de reconnaître ou non l’objection de conscience relève de chaque Partie contractante. A l’époque où le requérant a refusé d’effectuer son service militaire, le droit à l’objection de conscience n’était pas reconnu en Arménie. Sa condamnation n’emporte donc pas violation de ses droits garantis par la Convention, bien qu’il pût légitimement s’attendre à être autorisé 10 2009 / à accomplir un service de remplacement, eu égard à la déclaration du gouvernement arménien qui s’engageait à gracier les objecteurs de conscience. La Cour note en outre que l’Arménie a adopté dans l’intervalle une loi sur le service de remplacement, mais estime que sa teneur et ses modalités d’application ne sont pas pertinentes en l’espèce. Dès lors, la Cour dit, par six voix contre une, qu’il n’y a pas eu violation de l’article 9. Bayatyan c. Armenie 27/10/2009 Non-violation de l'art. 9 Opinions Séparées La juge Power a exprimé une opinion dissidente Jurisprudence : A. c. Suisse, n° 10640/83, décision de la Commission du 9 mai 1984, DR 38, p. 219 ; Autio c. Finlande, n° 17086/90, décision de la Commission du 6 décembre 1991, DR 72, p. 245 ; Un groupe d'objecteurs de conscience c. Danemark, n° 7565/76, décision de la Commission du 7 mars 1977, DR 9, p. 117 ; N. c. Suède, n° 10410/83, décision de la Commission du 11 octobre 1984, DR 40, p. 203 ; T. c. Royaume-Uni, n° 24396/94, § 24724/94, 16 décembre 1999 ; Tyrer c. Royaume-Uni, arrêt du 25 avril 1978, série A n° 26, pp. 15-16, § 31 ; X. c. Autriche, n° 5591/72, décision de la Commission du 2 avril 1973, Collection 43, p. 161 ; X. c. Federal Republic of Allemagne, n° 7705/76, décision de la Commission du 5 juillet 1977, Décisions et rapports (DR) 9, p. 196 D DR RO OIIT TA AL LA AL LIIB BE ER RT TE E E ET TA AL LA A SSU UR RE ET TE E INTERNEMENT D’UN PÉDOPHILE RÉCIDIVISTE A L’ISSUE DE SA PEINE JUSTIFIÉ PAR SA DANGEROSITÉ Le ministre a respecté les conditions posées par la loi pour décider l’internement. DE SCHEPPER C. BELGIQUE 13.10.2009 Non violation de l’article 5 §1. Le requérant, Georges de Schepper, est un ressortissant belge né en 1944, actuellement interné dans le complexe pénitentiaire de Bruges. A compter de 1970, il fut emprisonné à huit reprises pour des faits de pédophilie. Par jugement du 2 janvier 2001, le tribunal correctionnel d’Anvers le condamna à six ans d’emprisonnement pour viol et attentat à la pudeur sur mineurs. Conformément à la loi du 1er juillet 1964 « de défense sociale à l’égard des anormaux, des délinquants et des auteurs de certains délits sexuels » (« loi de défense sociale »), ce jugement mit également M. de Schepper « à la disposition du gouvernement » pendant dix ans après avoir purgé sa peine, ce qui signifie que durant cette période, le ministre de la justice pouvait soit le laisser en liberté sous certaines conditions, soit ordonner son internement. Dès 2002, les autorités 11 LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME tentèrent à plusieurs reprises de le faire admettre en établissement psychiatrique privé, afin qu’il y suive un traitement. Une pré-thérapie fut également mise en place en prison pour favoriser une telle admission. Tous les établissements sollicités jugèrent cependant son admission impossible à ce stade, vu que sa dangerosité n’avait pas diminué malgré sa pré-thérapie. Le 9 octobre 2006, se fondant sur les articles pertinents de la loi de défense sociale, le Ministre de la Justice ordonna l’internement de M. de Schepper après l’expiration de sa peine - le lendemain, 10 octobre 2006. Cette décision reposait sur des rapports d’expertises et sur le constat que le requérant constituerait, en cas de remise en liberté, un danger pour la société. Cette conclusion était tirée entre autres de l’absence de traitement spécialisé résidentiel de longue durée, du passé de M. de Schepper marqué par de nombreuses affaires de mœurs impliquant des mineurs, de sa déviance sexuelle grave, de risques liés à l’abus d’alcool, de son attitude de minimisation des faits et de son absence totale de culpabilité. Les recours du requérant contre cette décision furent rejetés par une ordonnance de la chambre du conseil du tribunal de première instance d’Anvers et un arrêt du 18 décembre 2006 de la cour d’appel d’Anvers. Le 2 janvier 2007, la Cour de cassation rejeta son pourvoi, jugeant en particulier que la détention était régulière, car la décision du Ministre de la Justice ordonnant l’internement d’un condamné mis à disposition du gouvernement sur la base de la loi de défense sociale n’était pas une décision sur une poursuite pénale, mais portait uniquement sur l’exécution de la mesure imposée par le juge pénal. Invoquant en particulier l’article 5 § 1, M. de Schepper se plaignait d’avoir été maintenu arbitrairement en détention après l’expiration de sa peine. Il soutenait en particulier que la nécessité prétendue de son internement résultait uniquement d’un manque structurel de traitement spécialisé. La requête a été introduite devant la Cour européenne des droits de l’homme le 1er juin 2007. Décision de la Cour A première vue, le fait qu’une personne soit mise à la disposition du gouvernement ne semble pas arbitraire, cette mesure de protection de la société faisant partie de la peine fixée par le tribunal correctionnel. Le ministre de la justice qui décide d’interner une personne mise à disposition du gouvernement ne prend qu’une décision sur les modalités d’applications de la peine. Or, si ces modalités peuvent parfois tomber sous le coup de la Convention, en principe elles n’influent pas sur la régularité d’une privation de liberté. Dans le cas de M. de Schepper, le ministre a respecté les conditions posées par la loi pour décider l’internement. En particulier, sa décision était 10 2009 / précisément motivée. Contrairement à ce que soutient le requérant, l’absence de traitement spécialisé résidentiel de longue durée n’était pas l’unique raison pour laquelle il fut interné, mais il est exact que cet élément était déterminant, car un traitement adapté à sa situation aurait pu réduire sa « dangerosité ». La Cour examine donc précisément les efforts déployés par les autorités pour assurer un tel traitement, en particulier les multiples tentatives de placement en établissement psychiatrique et la préthérapie dispensée en prison. Elle conclut que les autorités belges n’ont pas manqué à leur obligation de tenter d’assurer à M. de Schepper un traitement adapté à son état et de nature à l’aider à retrouver sa liberté. Si ces efforts se sont avérés infructueux à ce jour, cela résulte surtout de l’évolution de l’état de ce dernier et de l’impossibilité thérapeutique pour les établissements contactés de le traiter à ce stade. Toutefois, cette constatation ne libère pas le Gouvernement de l’obligation de prendre toutes les initiatives appropriées afin de pouvoir trouver, dans un avenir proche, un établissement public ou privé susceptible de prendre en charge des cas de ce type. La Cour conclut à l’unanimité que la détention du requérant après octobre 2006 se justifiait et qu’il n’y a par conséquent pas eu violation de l’article 5 § 1 de la Convention. de Schepper c. Belgique requête no 27428/07 Partiellement irrecevable ; Non-violation de l'art. 5-1 Jurisprudence : Aerts c. Belgique, 30 juillet 1998, § 59, Recueil 1998-V ; Amuur c. France, 25 juin 1996, § 50, Recueil 1996-III ; Bizzotto c. Grèce, 15 novembre 1996, § 34, Recueil 1996-V ; Morsink c. Pays-Bas, no 48865/99, 11 mai 2004 ; Stafford c. Royaume-Uni, no 46295/99, 28 mai 2002 ; Van Droogenbroeck c. Belgique, 24 juin 1982, §§ 39-40, série A no 50 ; Waite c. Royaume-Uni, no 53236/99, 11 décembre 2002 ; Weeks c. Royaume-Uni, 2 mars 1987, série A no 114 DUREE EXCESSIVE D’UNE DETENTION PROVISOIRE SUITE AU BRAQUAGE D’UN FOURGON BLINDÉ La rapidité exigée dans un tel cas ne doit pas nuire aux efforts des magistrats pour accomplir leurs tâches avec le soin voulu mais, dans le cas présent, des délais injustifiés sont constatés. NAUDO C. FRANCE ET MALOUM C. FRANCE 8.10.2009 Violation de l’article 5 § 3 soupçonnés d’avoir participé à un braquage d’un fourgon blindé de la Brink’s à Gentilly au cours duquel plus de 6,3 millions d’euros furent dérobés, les requérants furent placés en détention provisoire. 12 LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME A l’issue d’une instruction de près de quatre ans (concernant plusieurs co-accusés et impliquant vingt six commissions rogatoires en France et à l’étranger, plus de quatre-vingt cinq expertises et quarante-trois interrogatoires et confrontations), la chambre de l’instruction de la Cour d’assises de Paris renvoya les requérants devant la Cour d’assises du Val-deMarne. La Cour de cassation, statuant sur demande du ministère public, renvoya l’affaire devant la Cour d’appel de Paris pour des motifs de sécurité. La cour d’assises de Paris condamna les requérants à treize ans de réclusion criminelle. Invoquant l’article 5 § 3, les requérants dénonçaient la durée, selon eux excessive, de leur détention avant jugement. Décision de la Cour Une durée de détention provisoire de six ans (de l’arrestation des requérants le 27 décembre 2000 à leur condamnation le 22 décembre 2006) doit être accompagnée de justifications particulièrement fortes. Les motifs pour lesquels les juridictions françaises ont maintenu MM. Naudo et Maloum en détention provisoire (en particulier le risque de fuite) étaient certes pertinents et suffisants, s’agissant d’une affaire concernant la lutte contre la criminalité organisée et le grand banditisme à dimension internationale, mais la procédure a duré excessivement longtemps. La Cour est bien consciente que la rapidité exigée dans un tel cas ne doit pas nuire aux efforts des magistrats pour accomplir leurs tâches avec le soin voulu mais, dans le cas présent, des délais injustifiés sont constatés. Ces délais (qui ne concernent pas l’instruction) ne sauraient trouver leur seule justification dans la préparation du procès, ni dans le dessaisissement pour raisons de sécurité de la Cour d’assises initialement chargée du dossier, ni davantage dans l’encombrement des sessions d’assises devant la Cour d’assises de renvoi. La Cour juge à l’unanimité que la détention des requérants, par sa durée excessive, a donc enfreint l’article 5 § 3. Naudo c. France no 35469/06 et Maloum c. France no 35471/06 8.10.2009 Violation de l’article 5 § 3 Jurisprudence : Bouchet c. France, no 33591/96, § 40, 20 mars 2001, Chraidi c. Allemagne, no 65655/01, § 43, CEDH 2006-... ; ; Debboub alias Husseini Ali c. France, no 37786/97, § 46, 9 novembre 1999; Gosselin c. France, no 66224/01, § 34, 13 septembre 2005 , I.A. c. France du 23 septembre 1998, Recueil des arrêts et décisions 1998-VII, pp. 2978-2979, § 102, Labita c. Italie [GC], no 26772/95, CEDH-2000, § 152, Letellier c. France du 26 juin 1991, série A no 207, p. 18, § 35 : Pêcheur c. Luxembourg, no 16308/02, 11 décembre 2007 Lelièvre c. Belgique, no 11287/03, § 107, 8 novembre 2007 et Zannouti c. France, no 42211/98, § 43, 31 juillet 2001 10 2009 / LIBERTE D’EXPRESSION CONDAMNATION DE JOURNALISTES CONTRAIRE A LA LIBERTE D’EXPRESSION L’article s’appuyait sur une base factuelle suffisante, à savoir deux rapports certes confidentiels, mais concordants et dont l’un émanait d’une autorité officielle. BRUNET-LECOMTE ET TANANT C. FRANCE 8.10.2009 Violation de l’article 10 Le magazine Objectifs Rhône Alpes publia un article intitulé « Caisse d’épargne de Saint-Etienne, un député dans le collimateur de la justice ». Reprenant les conclusions d’un rapport de la commission bancaire de la Banque de France et d’un rapport interne de la Caisse d’épargne, il laissait entendre que C., député, adjoint au maire de Saint-Etienne et président du conseil de surveillance de la Caisse d’épargne, aurait commis des infractions pénales et user de ses fonctions à des fins personnelles. A la suite de la plainte de C. les requérants offrirent notamment d’apporter la preuve de ce qu’ils avançaient, mais cette offre fut déclarée irrecevable car insuffisamment précise. Ils furent condamnés pour diffamation. La cour d’appel réforma ce jugement par un arrêt du 2 octobre 2002 qui fut cassé et annulé par la Cour de cassation qui renvoya l’affaire devant la cour d’appel de Dijon. Les requérants demandèrent un sursis à statuer en attendant l’issue de l’information judiciaire en cours à propos des faits dénoncés. Sur le fond, ils se prévalurent de leur bonne foi, faisant valoir qu’ils n’avaient manifesté aucune animosité personnelle contre C., avaient vérifié leurs sources et fait preuve de prudence dans l’expression. La Cour d’appel rejeta leurs demandes et prétentions, les condamnant au paiement à C. de 19 000 EUR pour diffamation envers un particulier. Les requérants estimaient leur condamnation pour diffamation contraire au droit à la liberté d’expression, tel que défini par l’article 10. Décision de la Cour L’article des requérants tendait à informer la population locale sur les agissements d’un élu, C., visé en cette qualité. Les limites de la critique admissible sont dans un tel cas plus larges que si un particulier était visé et, l’article s’inscrivant dans un débat d’intérêt général, les autorités disposent d’une marge d’appréciation particulièrement restreinte pour apprécier la nécessité d’une mesure telle qu’une condamnation pour diffamation. 13 LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME La Cour ne partage pas l’analyse des juridictions françaises, selon lesquelles MM. Brunet-Lecomte et Tanant n’ont pas fait preuve de bonne foi dans l’article – du fait de son « ton », de certains termes employés imprudemment et de l’absence de vérifications. Elle relève à cet égard que les intéressés ont proposé d’apporter la preuve de ce qu’ils avançaient, mais que cette offre fut refusée. D’autre part, ils n’ont porté aucun jugement de valeur : ils n’ont par exemple pas affirmé que C. était coupable, ils ont fait preuve d’une certaine prudence dans l’expression et n’ont témoigné d’aucune animosité personnelle à l’encontre de C.. L’article s’appuyait en outre sur une base factuelle suffisante, à savoir deux rapports certes confidentiels, mais concordants et dont l’un émanait d’une autorité officielle. Enfin, les sommes au paiement desquelles MM. Brunet-Lecomte et Tanant furent condamnés (21 000 EUR au total) étaient importantes, s’agissant d’un média d’envergure locale. La condamnation des requérants visait le but légitime de protéger la réputation ou les droits d’autrui, mais de façon disproportionnée. La Cour conclut à l’unanimité que l’article 10 a été enfreint. En application de l’article 41 (satisfaction équitable) de la Convention, la Cour accorde aux requérants le remboursement des sommes qu’ils ont dû payer suite à leur condamnation par les juridictions françaises, à savoir 21 000 euros (EUR) (dommage matériel). Leur dommage moral est en revanche suffisamment réparé par le constat de violation auquel la Cour est parvenu. Les requérants n’ayant demandé aucune somme au titre des frais et dépens, la Cour ne leur alloue aucune somme de ce chef. (L’arrêt n’existe qu’en français). Brunet-Lecomte et Tanant c. France no 12662/06Violation de l'art. 10 ; Préjudice moral constat de violation suffisant. Jurisprudence : Bladet Tromsø et Stensaas c. Norvège [GC], no 21980/93, § 59 et §65, CEDH 1999-III ; Brasilier c. France, no 71343/01, § 28 et § 43, 11 avril 2006 ; Brunet-Lecomte et autres c. France, no 42117/04, § 46, 5 février 2009 ; Chauvy et autres c. France, no 64915/01, §§ 45-49, CEDH 2004-VI ; Colombani et autres c. France no 51279/99, § 65, CEDH 2002-V ; Cumpana et Mazare c. Roumanie [GC], no 33348/96, § 111, CEDH 2004XI ; Desjardin c. France, no 22567/03, §§ 39 et suiv., 22 novembre 2007 ; Feldek c. Slovaquie, no 29032/95, § 74, CEDH 2001-VIII ; Fressoz et Roire c. France [GC], no 29183/95, § 45, CEDH 1999-I ; Goodwin c. Royaume-Uni, 27 mars 1996, § 39, Recueil 1996-II ; Incal c. Turquie, 9 juin 1998, § 48 et § 54, Recueil 1998-IV ; Lingens c. Autriche, 8 juillet 1986, § 42, série A no 103 ; Mamère c. France, no 12697/03, § 20, CEDH 2006 ; Radio France et autres c. France, no 53984/00, § 37, CEDH 2004-II ; Steel et Morris c. Royaume-Uni, no 68416/01, §§ 88-89, CEDH 2005-II ; Stoll c. Suisse [GC], no 69698/01, § 58, CEDH 2007 10 2009 / SANCTION INJUSTIFIEE POUR AVOIR PUBLIE DES DESSINS SATIRIQUES KULIS ET ROZYCKI c. POLOGNE 06/10/2009 Violation de l’article 10 Le 16 mai 1999, Angorka publia un article qui évoquait une campagne de publicité de la société Star Food pour des pommes chips. L’article critiquait une publicité que la société avait fait figurer sur ses paquets de chips et qui qualifiait de « meurtrier » un personnage populaire de bande dessinée pour enfants. L’article d’Angorka comportait notamment une image du personnage en question, suivie des remarques suivantes : « Les enfants polonais choqués par une publicité pour des chips » et « Ne vous inquiétez pas, je serais aussi un meurtrier si je mangeais cette saleté !». La société Star Food engagea contre les deux requérants une action civile par laquelle elle demandait des excuses, le remboursement de ses frais et dépens ainsi que le versement d’un don à une organisation caritative. Les tribunaux accueillirent ces demandes, estimant que l’article des requérants, par l’utilisation de termes fortement péjoratifs suggérant le dégoût et la répulsion, avaient jeté le discrédit sur les produits de la société. Les requérants formèrent des recours mais furent déboutés. Invoquant l’article 10, les requérants se plaignaient des sanctions qui leur avaient été infligées. Décision de la Cour La Cour observe que la campagne publicitaire en question, bien que visant essentiellement les enfants, a employé des slogans au contenu inadapté. Cette situation a soulevé des questions qui présentaient manifestement un intérêt et une certaine importance pour l’opinion publique. De plus, le dessin publié dans l’article s’inspirait de toute évidence de la campagne publicitaire en cause, puisque les requérants ont utilisé le personnage de bande dessinée et le slogan qui figuraient sur les paquets de chips. En conséquence, la Cour estime que les requérants n’avaient pas l’intention de dénigrer la qualité des chips, mais de sensibiliser l’opinion publique aux types de slogans employés par la société et au caractère inacceptable de pareils procédés destinés à faire vendre. Enfin, la Cour considère que les tribunaux nationaux ont négligé de prendre en compte le fait que la presse a le devoir de communiquer des informations et des idées sur des questions d’intérêt général et qu’elle peut ce faisant recourir à une certaine dose d’exagération, voire de 14 LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME provocation, comme cela a été le cas en l’espèce. Il s’ensuit que les tribunaux nationaux n’ont pas justifié les sanctions infligées aux requérants, et la Cour conclut à l’unanimité qu’il y a dès lors eu violation de l’article 10. Kulis et Rózycki c. Pologne no 27209/03 06/10/2009 Violation de l'art. 10 ; Dommage matériel - réparation ; Préjudice moral - réparation Jurisprudence : Busuioc c. Moldova, n° 61513/00, § 101, 21 décembre 2004 ; Castells c. Espagne, arrêt du 23 avril 1992, série A n° 236, § 43 ; Dabrowski c. Pologne, n° 18235/02, § 35, 19 décembre 2006 ; Feldek c. Slovaquie, n° 29032/95, § 78, CEDH 2001-VIII ; Jerusalem c. Autriche, n° 26958/95, CEDH 2001-II ; Lingens c. Autriche, 8 juillet 1986, série A n° 103 ; Mamère c. France, n° 12697/03, § 25, CEDH 2006-... ; Nilsen et Johnsen c. Norvège [GC], n° 23118/93, § 43, CEDH 1999-VIII ; Oberschlick c. Autriche (n° 1), arrêt du 23 mai 1991, série A n° 204 ; Observer et Guardian c. Royaume-Uni, 26 novembre 1991, série A n° 216 ; Prager et Oberschlick c. Autriche, arrêt du 26 avril 1995, série A n° 313, p. 19, § 38 ; Standard Verlags GmbH c. Autriche, n° 13071/03, § 49, 2 novembre 2006 ; Steel et Morris c. Royaume-Uni, n° 68416/01, § 94, CEDH 2005-II ; Sürek c. Turquie (n° 1) [GC], n° 26682/95, § 61, CEDH 1999-IV ; Turhan c. Turquie, n° 48176/99, § 24, 19 mai 2005 ; Vogt c. Allemagne, arrêt du 26 septembre 1995, série A n° 323 ; Worm c. Autriche, arrêt du 29 août 1997, Recueil 1997-V L’UNIVERSITE CATHOLIQUE DE MILAN AURAIT DU MOTIVER LE REFUS D’EMBAUCHE D’UN PROFESSEUR N’AYANT PAS OBTENU L’AGREMENT DES AUTORITES ECCLESIALES LOMBARDI VALLAURI c. ITALIE 20/10/2009 Violation de l’article 6 § 1 et 10 Suite à la publication de l’avis de concours pour l’année académique 1998-1999, M. Lombardi Vallauri se porta candidat. Par une lettre du 26 octobre 1998, la Congrégation pour l’Education Catholique, organisme du SaintSiège, communiqua au président de l’Université que certaines positions du requérant « s’opposaient nettement à la doctrine catholique » et que, « dans le respect de la vérité, du bien des étudiants et de celui de l’Université », le requérant ne devait plus enseigner au sein de cette Université. Par une lettre du 28 octobre 1998, le président de l’Université informa le doyen de la Faculté de Droit de la position de la Congrégation. Le 4 novembre 1998, le Conseil de la Faculté pris note de la position du Saint-Siège et décida de ne pas examiner la candidature du requérant, l’une des conditions d’admission, l’accord de la 10 2009 / Congrégation pour l’Education Catholique, n’étant pas remplie. Un collègue du requérant, le professeur D.M. proposa alors que la Faculté invite le président de l’Université à demander à la Congrégation d’indiquer les raisons de la mesure prise à l’encontre du requérant. Le professeur D.M. indiqua que cette demande se justifiait par l’intérêt des enseignants de la Faculté de recevoir des indications concernant les aspects des études et des enseignements du requérant qui avaient été considérés comme incompatibles avec l’inspiration catholique de la Faculté. A l’issue d’un vote, cette proposition fut rejetée. Le 25 janvier 1999, le requérant introduisit un recours devant le tribunal administratif régional de la Lombardie (« T.A.R. ») afin d’obtenir l’annulation de la décision du Conseil de Faculté ainsi que de l’acte de l’autorité ecclésiale. Le requérant fit aussi valoir que les décisions attaquées étaient inconstitutionnelles en ce qu’elles violaient son droit à l’égalité, sa liberté d’enseignement et sa liberté religieuse. Par un jugement du 26 octobre 2001, le T.A.R. rejeta la demande du requérant, notamment aux motifs que la décision du Conseil de Faculté de ne pas prendre en considération sa candidature avait été dûment motivée et que l’accord de révision du concordat entre le Saint-Siège et la République italienne ne prévoyait aucune obligation de mentionner les motifs religieux à la base du refus d’agrément. Le T.A.R. considéra en outre que l’examen de la légitimité de la décision du SaintSiège ne rentrait ni dans son champ de compétence ni dans celui du Conseil de Faculté, cet acte émanant d’un Etat étranger. Il souligna en outre que le choix des enseignants d’adhérer aux principes de la religion catholique était libre. Le 9 décembre 2002, le requérant interjeta appel devant le Conseil d’Etat réitérant le défaut de motivation de la décision du Conseil de Faculté et contestant le défaut de compétence du juge administratif. Par un arrêt du 18 juin 2005, le Conseil d’Etat rejeta l’appel. Il affirma que les autorités administratives et juridictionnelles de la République ne sauraient s’écarter de l’arrêt de la Cour constitutionnelle no 195 du 14 décembre 1972, arrêt dans lequel la Cour constitutionnelle avait considéré que la subordination de la nomination des professeurs de l’Université Catholique à l’agrément du Saint-Siège était compatible avec les articles 33 et 19 de la Constitution, garantissant respectivement la liberté d’enseigner et la liberté religieuse. Le Conseil d’Etat releva en outre qu’« aucune autorité de la République ne saurait juger les évaluations de l’autorité ecclésiale ». 15 LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME Invoquant l’article 10, M. Lombardi Vallauri se plaignait du fait que la décision de l’Université Catholique du Sacré-Cœur, dépourvue de motivation et prise en l’absence d’un réel débat contradictoire, avait violé sa liberté d’expression. Invoquant en outre l’article 6 § 1, sous l’angle de l’équité de la procédure et du droit d’accès à un tribunal, le requérant dénonçait le fait que les tribunaux internes avaient omis de statuer sur le manque de motivation de la décision du Conseil de Faculté, limitant ainsi sa possibilité d’attaquer cette dernière et d’instaurer un débat contradictoire. Le requérant se plaignait aussi de ce que le Conseil de Faculté s’était limité à prendre acte de la décision de la Congrégation prise également en l’absence de tout contradictoire. Il invoquait aussi les articles 9, 13 et 14. Décision de la Cour Article 10 Dans les affaires concernant l’article 10 de la Convention, la Cour doit d’abord examiner si les mesures litigieuses ont représenté une ingérence dans le droit à la liberté d’expression des requérants. Elle doit ensuite vérifier si cette ingérence était prévue par la loi, si elle poursuivait un but légitime et si elle était « nécessaire dans une société démocratique ». En l’espèce, la Cour relève que, s’il est vrai que M. Lombardi Vallauri était habituellement employé sur la base de contrats temporaires, le renouvellement de ces contrats pour plus de 20 ans et la reconnaissance de ses qualités scientifiques par ses collègues témoignent de la solidité de sa situation professionnelle. La décision du Conseil de Faculté de ne pas prendre en considération sa candidature a donc bien constitué une ingérence dans son droit à la liberté d’expression. La Cour constate que cette ingérence était prévue par le droit italien et qu’elle peut être considérée comme inspirée par le but légitime de protéger un « droit d’autrui ». Un droit qui se manifeste dans l’intérêt de l’Université de fonder son enseignement sur la doctrine catholique. En revanche, la Cour estime qu’en ayant omis d’expliquer dans quelle mesure les positions du requérant, prétendument contraires à la doctrine catholique, étaient susceptibles d’affecter l’intérêt de l’Université, le Conseil de Faculté n’a pas n’a pas motivé sa décision. La Cour relève ensuite que, bien qu’il n’appartenait pas aux autorités nationales d’examiner la substance de la position doctrinale de la Congrégation, les juridictions administratives, dans l’intérêt du principe du contradictoire, auraient dû se pencher sur le défaut 10 2009 / de motivation de la décision du Conseil de Faculté. En conclusion, la Cour considère que l’intérêt de l’Université de dispenser un enseignement inspiré de la doctrine catholique ne pouvait pas s’étendre jusqu’à atteindre la substance même des garanties procédurales dont le requérant jouit au sens de l’article 10 de la Convention. Dans les circonstances particulières de l’affaire, l’ingérence dans le droit à la liberté d’expression de M. Lombardi Vallauri n’était donc pas « nécessaire dans une société démocratique ». Par conséquent, la Cour conclut, par six voix contre une, à la violation de l’article 10 de la Convention sous son volet procédural. Pour les mêmes motifs, la Cour considère que le requérant n’a pas bénéficié d’un accès effectif à un tribunal et conclut, par six voix contre une, à la violation de l’article 6 § 1. Lombardi Vallauri c. Italie no 39128/05 20/10/2009 Applicabilité article 10 ; article 6 Violation de l'art. 10 ; Violation de l'art. 6-1 ; Préjudice moral - réparation Opinions Séparées : juge Cabral Barreto ( opinion dissidente) Droit en Cause article 10 n°3 de l'Accord de révision du concordat entre le Saint-Siège et la République italienne signé le 18 février 1984 et ratifié par la loi n° 121 du 25 mars 1985 ; articles 19, 33 et 97 de la Constitution Jurisprudence : Ashingdane c. Royaume-Uni du 28 mai 1985, série A no 18, p. 18, § 36, et no 93, pp. 24-25, § 57 ; Association Ekin c. France, no 39288/98, § 58, CEDH 2001-VIII ; Brualla Gómez de la Torre c. Espagne du 19 décembre 1997, Recueil 1997-VIII ; Eglise métropolitaine de Bessarabie et autres c. Moldova, no 45701/99, § 117, CEDH 2001-XII ; Ernst et autres c. Belgique, no 33400/96, § 51, 15 juillet 2003 ; ; Glasenapp c. Allemagne, 28 août 1986, série A no 104 ; Golder c. Royaume-Uni du 21 février 1975 ; Handyside c. Royaume-Uni, 7 décembre 1976, § 49, série A no 24 ; Informationsverein Lentia et autres c. Autriche, 24 novembre 1993, § 35, série A no 276 ; Kosiek c. Allemagne, 28 août 1986, série A no 105 ; Pellegrini c. Italie, no 30882/96, CEDH 2001-VIII ; Pérez de Rada Cavanilles c. Espagne, arrêt du 28 octobre 1998, Recueil 1998-VIII, p. 3255, § 43 ; Perna c. Italie [GC], no 48898/99, § 39, CEDH 2003-V ; Radio ABC c. Autriche, 20 octobre 1997, § 30, Recueil 1997-VI ; Rommelfanger c. République Fédérale d'Allemagne, requête no 12242/86, déc. 6 septembre 1989 ; Saygili et Seyman c. Turquie, no 51041/99, §§ 24-25, 27 juin 2006 ; Silva Neves c. Portugal, 27 avril 1989, § 37, série A no 153-A ; Sorguç c. Turquie, no 17089/03, § 35, 23 juin 2009 ; Sunday Times c. Royaume-Uni (no 2), 26 novembre 1991, § 50, série A no 217 ; Vasilescu c. Roumanie, 22 mai 1998, § 43, Recueil 1998-III ; Vilho Eskelinen et autres c. Finlande [GC], no 63235/00, § 62, CEDH 2007-IV ; Vogt c. Allemagne 26 septembre 1995, § 44, série A no 323 ; Waite et Kennedy c. Allemagne [GC], no 26083/94, § 64, CEDH 1999-I Sources Externes article 4 de la directive communautaire 78/2000/CE 16 LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME L LIIB BE ER RT TE E D D''A ASSSSO OC CIIA AT TIIO ON N DISSOLUTION INJUSTIFIÉE D’UNE ASSOCIATION DE PROTECTION DE L’ENVIRONNEMENT TEBIETI MUHAFIZE CEMIYYETI ET ISRAFILOV c. AZERBAIDJAN 08/10/2009 Violation de l’article 11 L’association Tebieti Mühafize Cemiyyeti fut enregistrée par le ministère de la Justice en août 1995. Elle a œuvré de manière active dans le domaine de l’environnement. En août 2002, le ministère lança une inspection sur les activités de l’association, qui aboutirent à trois avertissements. Adressés entre septembre et octobre 2002, ces avertissements portaient sur le manquement de l’association à tenir des assemblées générales annuelles, ainsi que l’exigeait la loi, et sur le fait qu’elle avait tenté d’effectuer des contrôles environnementaux illégaux et de collecter des cotisations auprès d’entreprises publiques et commerciales. A la demande du ministère, le tribunal national compétent ordonna en mars 2003 la dissolution de l’association. Celle-ci fut dissoute à l’issue de recours dont elle avait été déboutée. Invoquant l’article 11, les requérants alléguaient que les autorités avaient dissous arbitrairement l’association en 2003. Décision de la Cour La Cour relève que pendant environ sept ans l’association n’a convoqué aucune assemblée générale et qu’elle a négligé de mettre ses propres statuts en conformité avec la législation nationale pour ce qui concerne la fréquence des assemblées générales. La Cour estime donc que les autorités azerbaïdjanaises ont correctement réagi vis-à-vis de l’association en lui lançant l’avertissement initial afin qu’elle se conforme au droit interne. Cela étant dit, dans un bref laps de temps, le ministère a adressé à l’association deux autres avertissements alors qu’il avait été informé de la tenue d’une assemblée générale en août 2002. Ces avertissements ne donnaient à l’association qu’un délai de dix jours pour redresser la situation. L’organisation d’une assemblée générale exigeant au moins deux semaines selon le droit interne, ce délai était insuffisant pour permettre à l’association de remédier aux infractions en question. La Cour note par ailleurs que la dissolution immédiate et catégorique était la seule sanction prévue par le droit interne pour une faute quelconque commise par une association. Or il 10 2009 / s’agit d’une mesure disproportionnée dans une situation comme celle-ci, où il y a simplement eu manquement à respecter certaines règles de gestion interne. En conséquence, les autorités auraient dû envisager des mesures moins rigoureuses. La teneur des accusations portées a ensuite changé, lorsqu’il a été reproché à l’association d’avoir tenté de collecter des fonds sous couvert de prélèvement de cotisations. Ces allégations étaient extrêmement vagues, libellées de façon sommaire et dépourvues de précisions quant aux activités illégales en cause. Si elles avaient été prouvées, elles auraient mis en jeu la responsabilité pénale des responsables de l’association ; or, aucune procédure pénale n’a jamais été engagée. De plus, aucun élément de preuve n’a jamais été fourni sur la date et le lieu où ces activités illégales se seraient déroulées, et sur l’identité de la personne ou des personnes impliquées. Enfin, lorsqu’ils ont statué sur l’ensemble des allégations formulées au sujet de l’association, les tribunaux nationaux s’en sont tenus aux conclusions des responsables du ministère de la Justice et n’ont procédé à aucune enquête judiciaire indépendante. En conséquence, la Cout conclut à l’unanimité qu’il n’a pas été établi que l’association avait commis des actions illégales et la décision des tribunaux nationaux de la dissoudre a été arbitraire, en violation de l’article 11 Tebieti Mühafize Cemiyyeti et Israfilov c. Azerbaïdjan no 37083/03 08/10/2009 Violation de l'art. 11 ; Dommage matériel - demande rejetée ; Préjudice moral - réparation Jurisprudence : Ertan et autres c. Turquie (déc.), n° 57898/00, 21 mars 2006 ; Gorzelik et autres c. Pologne [GC], n° 44158/98, § 92 et § 95, 17 février 2004 ; Hassan et Tchaouch c. Bulgarie [GC], n° 30985/96, § 84, CEDH 2000-XI ; Hashman et Harrup c. Royaume-Uni [GC], n° 25594/94, § 31, CEDH 1999-VIII ; Ismaïlov c. Azerbaïdjan, n° 4439/04, §§ 39-40, 17 janvier 2008 ; Linkov c. République tchèque, n° 10504/03, § 50, 7 décembre 2006 ; Maestri c. Italie [GC], n° 39748/98, § 30, CEDH 2004-I ; Mahmoudov et Agazade c. Azerbaïdjan, n° 35877/04, § 48, 18 décembre 2008 ; Sidiropoulos et autres c. Grèce, 10 juillet 1998, § 40, Recueil of Judgments et Decisions 1998-IV ; Sunday Times c. Royaume-Uni (n° 1) (Article 50), 6 novembre 1980, § 23, série A n° 38 ; The Moscow Branch of the Salvation Army c. Russie, n° 72881/01, § 61, CEDH 2006 ; The United Macedonian Organisation Ilinden et autres c. Bulgarie, n° 59491/00, § 62, 19 janvier 2006 ; Tunceli Kültür ve Dayanisma Dernegi c. Turquie, n° 61353/00, § 37, 10 octobre 2006 ; United Communist Parti of Turquie et autres c. Turquie, 30 janvier 1998, § 47, Recueil 1998-I ; Jetchev c. Bulgarie, n° 57045/00, § 35, 21 juin 2007 17 LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME T TR RA AIIT TE EM ME EN NT TSS IIN NH HU UM MA AIIN NSS E ET TD DE EG GR RA AD DA AN NT TSS PROBLEME STRUCTUREL DE SURPOPULATION CARCERALE EN POLOGNE ORCHOWSKI c. POLOGNE NORBERT SIKORSKI c. POLOGNE 22/10/2009 Violations de l’article 3 Les requérants ont été respectivement détenus dans quatre centre de détention différents, où, se plaignent ils, ils ont vécu dans des espaces personnels inférieurs à la norme de 3 m² requise par la législation. Les requérants adressèrent de nombreuses plaintes à ce sujet, en fournissant les statistiques des services pénitentiaires, attestant d'un taux d’occupation carcérale dépassant les 110 %. L’administration pénitentiaire reconnut que l’espace personnel conforme à la norme de 3 m² ne pouvait pas être accordé aux détenus, à cause d’une surpopulation chronique au niveau national. Les juges d’application des peines confirmèrent cet avis ; en vertu de l’article 248 du code d’application des peines, le responsable de l’administration pénitentiaire était en droit de prendre des mesures en vue de réduire la surface par détenu en deçà de 3 m². Les plaintes des requérants furent rejetées Ils introduisirent par ailleurs des recours en dommages-intérêts. Invoquant l’article 3, les requérants se plaignaient de leurs conditions de détention, en particulier de l’exigüité de leurs cellules. Décision de la Cour Article 3 La Cour rappelle que lorsque la surpopulation carcérale atteint un certain niveau, le manque d’espace dans un établissement pénitentiaire peut constituer l’élément central à prendre en compte au regard de l’article 3. La Cour constitutionnelle polonaise a, dans son arrêt du 26 mai 2008, jugé que par sa nature sérieuse et chronique le phénomène de surpopulation carcérale dans le pays était, à lui seul, susceptible d’être qualifié de traitement inhumain et dégradant et que l’article 248 du code d’application des peines était incompatible avec l’article 40 de la Constitution. La Cour européenne souligne que cet article de la Constitution polonaise est quasiment identique à l’article 3 de la Convention. Par conséquent, à chaque fois que la Cour sera saisie par un détenu se plaignant d’une incarcération prolongée dans une cellule où il ne dispose pas d’un espace 10 2009 / personnel d’au moins 3 m², il existera une forte présomption de violation de cette disposition. Dans les deux cas d’espèce, il a pu être établi audelà de tout doute raisonnable que, pendant des périodes considérables, les requérants ont subi une grande promiscuité car leur espace personnel était inférieur au minimum « humanitaire » garanti au niveau interne. En outre, cette exigüité a été exacerbée par des facteurs aggravants, tel le manque d’exercice, en particulier en extérieur, le manque d’intimité, des conditions d’hygiène préoccupantes et des transferts à répétition. La Cour conclut à l’unanimité que les requérants ont subi une épreuve dont l’intensité a excédé le niveau inévitable de souffrance inhérent à l’incarcération, en violation de l’article 3. Article 8 La Cour estime que la situation des requérants était susceptible de se prêter à un examen sous l’angle de l’article 8, considérant les questions de droit au respect de l’intégrité mentale et physique et de l’intimité que posaient leurs conditions de détention. Étant donné le constat de violation de l’article 3, elle n’estime cependant pas nécessaire d’examiner les affaires sous cet angle. Elle souligne néanmoins que le constat de la Cour constitutionnelle polonaise dans son arrêt du 26 mai 2008 aurait suffi à conclure à la violation de l’article 8 § 2 pour non respect de la condition relative à la loi prévue dans cette disposition. Article 46 La Cour se propose d’examiner, compte tenu des circonstances, quelles conséquences peuvent être tirées de l’article 46 (force obligatoire et exécution des arrêts) pour la Pologne. Quelques cent soixante requêtes contre la Pologne - dont environ quatre-vingt-quinze communiquées - soulevant le problème de la compatibilité avec l’article 3 de l’incarcération dans des conditions inadéquates, en particulier en cas de surpopulation carcérale, sont actuellement pendantes devant la Cour. La gravité et le caractère structurel de la surpopulation carcérale ont été reconnus par la Cour constitutionnelle polonaise et par l’ensemble des autorités nationales ayant participé à la procédure devant cette cour et à la procédure devant la Cour : concernant les requérants. Cette surpopulation, observée depuis 2000 et au moins jusqu’à la première moitié de l’année 2008, révèle l’existence d’un problème structurel consistant en « une pratique incompatible avec la Convention ». L’application de restrictions à l’espace personnel des détenus, censée être passagère et exceptionnelle, s’est transformée en un phénomène chronique. 18 10 2009 LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME / Dans les cas d’espèce, les autorités se sont contentées de légitimer le problème en utilisant une loi interne jugée ultérieurement contraire à la Constitution par la Cour constitutionnelle. Les mesures récemment adoptées par la Pologne concernant les conditions de détention inadéquates ne pouvant pas remédier aux violations antérieures, il est nécessaire de trouver une solution globale à ce problème en agissant sur ses sources. La Cour souhaite donc encourager la Pologne à mettre en place un système efficace de recours auprès de l’administration pénitentiaire et des autorités chargées de surveiller l’exécution des peines, lesquelles sont les plus à même de prendre rapidement des mesures appropriées. En application de l’article 41 (satisfaction équitable) de la Convention, la Cour alloue, au titre du préjudice moral, 3 000 euros (EUR) à M. Orchowski et 3 500 EUR à M. Sikorski, et à M. Orchowski 12 EUR pour frais et dépens. . Orchowski c. Pologne no 17885/04 o Norbert Sikorski c. Pologne n 17599/05 22/10/2009 Partiellement irrecevable ; Violation de l'art. 3 ; Préjudice moral - réparation Jurisprudence : Akdivar et autres c. Turquie, arrêt du 16 septembre 1996, Recueil of Judgments et Decisions 1996-IV, § 65 ; Alver c. Estonie, n° 64812/01, 8 novembre 2005 ; Andreï Frolov c. Russie, n° 205/02, §47-49, 29 mars 2007 ; Babouchkine c. Russie, n° 67253/01, § 44, 18 octobre 2007 ; Belevitski c. Russie, n° 72967/01, §§ 73-79, 1 mars 2007 ; Bottazzi c. Italie [GC], n° 34884/97, § 22, CEDH 1999-V ; Boyle et Rice c. Royaume-Uni, arrêt du 27 avril 1988, série A n° 131, p. 26, § 65 ; Broniowski c. Pologne [GC], n° 31443/96, §§ 189, 190-191 et 192, CEDH 2004-V ; Dougoz c. Grèce, n° 40907/98, § 46, CEDH 2001-II ; Kalachnikov c. Russie, n° 47095/99, § 99, CEDH 2002-VI ; Kantyrev c. Russie, n° 37213/02, § 50-51, 21 juin 2007 ; Karalevicius c. Lituanie, n° 53254/99, 7 avril 2005 ; Kauczor c. Pologne, n° 45219/06, § 58 et seq, 3 février 2009 ; Khider c. France; n° 39364/05; §§110 et 111 ; Kudla c. Pologne [GC], n° 30210/96, § 94, CEDH 2000-XI ; Labita c. Italie [GC], n° 26772/95, § 119, CEDH 2000-IV ; Labzov c. Russie, n° 62208/00, § 44, 16 juin 2005 ; Lind c. Russie, n° 25664/05, § 59, 6 décembre 2007 ; Mamedova c. Russie, n° 7064/05, § 63, 1 juin 2006 ; Nazarenko c. Ukraine, n° 39483/98, § 144, 29 avril 2003 ; Novosselov c. Russie, n° 66460/01, §§ 32, 40-43, 2 juin 2005 ; Ostrovar c. Moldova, n° 35207/03, § 89, 13 septembre 2005 ; Pachla c. Pologne, n° 8812/02, 8 novembre 2005 ; Peers c. Grèce, n° 28524/95, §§ 67-68 et 70-72, 74, CEDH 2001-III ; Scordino c. Italie (n° 1) [GC], n° 36813/97, §§ 229-231, CEDH 2006 ; Scozzari et Giunta c. Italie [GC], nos 39221/98 et 41963/98, § 249, CEDH 2000-VIII ; Valašinas c. Lituanie, n° 44558/98, §§ 101, 102 et 104, CEDH 2001-VIII. L’arrêt Orchowski c. Pologne existe en anglais, et l’arrêt Sikorski c. Pologne, en français.) France REVIREMENT DE JURISPRUDENCE CONSEIL D'ETAT 30 octobre 2009 Tout justiciable peut demander l'annulation d'une disposition règlementaire contraire aux objectifs définis par une directive européenne, même non transposée en droit français, si les dispositions invoquées sont précises et inconditionnelles. Estimant être victime de discrimination syndicale, la présidente d'un syndicat de magistrat qui avait brigué en vain un poste à l'Ecole nationale de la magistrature, avait attaqué le décret de la Chancellerie qui désignait une autre personne à ce poste. Elle invoquait le bénéfice des règles relatives à la charge de la preuve fixées par l'article 10 de la directive du Conseil n° 2000/ 78/ CE du 27 novembre 2000, relative au régime de la preuve en matière de discrimination, bien que cette directive dont le délai de transposition expirait le 2 décembre 2003, n'ait pas été encore transposée en droit français, malgré l'expiration du délai de transposition quelques années auparavant 1. Opérant un revirement de jurisprudence par rapport à la célèbre décision Cohn-Bendit de 1978, le Conseil d'Etat constate que la transposition des directives communautaires est désormais une obligation, instituée par le Traité CE et est également une obligation constitutionnelle pour les Etats membres. Il précise ainsi dans son arrêt que les dispositions d'une directive, même non transposée peuvent être invoquées à l'appui d'un acte administratif, même non règlementaire si ces dispositions sont précises et inconditionnelles (ce qui n'était pas le cas en l'espèce). Sur le fond de l'affaire, la Haute juridiction administrative, juge que la directive n'a pas d'effet direct dans ce cas d'espèce, les dispositions invoquées par la candidate évincée n'étant pas inconditionnelles, puisqu'elles contenaient une réserve permettant de ne pas instaurer un système d'aménagement de la preuve de la discrimination si le juge dispose de pouvoirs d'instruction suffisants et usant de ses pouvoirs d'instruction, elle considère en l'espèce que la requérante n'a fait l'objet d'aucune discrimination syndicale. Assemblée du contentieux, sur le rapport de la 6ème sous-section Séance du 16 octobre 2009 Lecture du 30 octobre 2009 N° 298348 Mme P. 1 La directive invoquée dans cette affaire a finalement fait l'objet d'une transposition générale dans l'article 4 de la loi du 27 mai 2008. 19 LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME 07 2009 / bservatoire sans frontières des violations des droits de la défense et des droits des avocats dans le monde Ce mois-ci, l'IDHAE est intervenu pour : IRAN - 2 octobre 2009 : Abdolfattah Soltani empêché de quitter le pays. hooliganisme mineur » . Abdolfattah Soltani qui devait se rendre en Allemagne pour y recevoir un prix des droits de l'homme a été empêché de quitter le pays le 2 octobre 2009. Des hommes en civil se sont approchés de lui et lui ont confisqué son passeport en lui disant que l’autorisation qui lui avait été donnée de quitter l’Iran avait été « annulée ». Ils lui ont donné pour instruction de se rendre au bureau présidentiel la semaine suivante pour en savoir plus à son sujet. Abdolfattah Soltani était en route pour Nuremberg où il devait recevoir le prix international des droits humains de Nuremberg, dimanche 4 octobre. Cette distinction prestigieuse « a non seulement pour objectif de saluer les efforts des récipiendaires mais aussi de contribuer à la protection des défenseurs des droits humains en danger et d’inciter d’autres personnes à s’engager en faveur de ces droits. Lia Mukhashavria, avocate et présidente d'Human Rights Priority, a été condamnée par la Cour de Tbilissi, en Géorgie, à payer une amende pour « hooliganisme mineur » et actes de harcèlement. Lia Mukhashavria a représenté l'ancien maire Tengiz Asanidze, emprisonné illégalement, dans l'affaire Asanidze contre l'État de Géorgie, la première affaire contre la Géorgie portée devant la Cour européenne des droits de l'Homme. Elle s'occupe des litiges liés aux violations des droits humains commises contre les civils lors de la guerre d'août 2008. Source : Frontline ZIMBABWE - 14 octobre 2009: Ouverture du procés d'Alec Muchadehama pour "entrave au cours de la justice ", Source : HNS-info GEORGIE 11 octobre 2009 : Lia Mukhashavria condamnée par la Cour de Tbilissi à payer une amende pour « Le procés d''Alec Muchadehama, éminent défenseur des droits de l'homme et de la liberté d'expression, pour entrave à la justice s'est ouvert. Il lui est reproché une connivence avec un greffier de la Haute Cour, Constance Gambara, afin d’assurer la « libération illégale » sous caution d’Andrison Manyere et Gandhi Mudzingwa, le 17 avril 2009. Ces dernières années, Alec Muchadehama était impliqué dans de nombreuses affaires pénales à l'encontre de défenseurs des droits humains zimbabwéens. Source : Source : OBSERVATOIRE - SYRIE – 14 octobre 2009 : Haytham al-Maleh, un avocat syrien, 78 ans, arrêté et détenu au secret . Haytham al Maleh , avocat de soixantedix-huit ans a été convoqué par téléphone à la section de la Sécurité politique de Damas le 13 octobre 2009, par un agent de la Sécurité politique . Il refusé de s’y présenter et il a été arrêté à son bureau le lendemain. Bien que les autorités syriennes aient refusé de révéler où il se trouve, certains défenseurs des droits humains syriens pensent qu’il est peut-être détenu à la section de la Sécurité politique de Damas. Les autorités syriennes n’ont pas indiqué les motifs de l’arrestation . Cependant, il pourrait être détenu en raison d’une interview téléphonique qu’il a accordée à Baradda TV, une chaîne satellitaire basée en Europe qui s’oppose aux autorités syriennes. Dans 20 07 2009 LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME cette interview, enregistrée en septembre 2009, il a évoqué les droits humains et la démocratie en Syrie. Haytham al Maleh souffre de diabète et d’hyperthyroïdie. Ces deux pathologies nécessitent la prise régulière de médicaments adaptés, un régime et une surveillance médicale, sans quoi son état de santé pourrait se détériorer. Haytham al Maleh a déjà été incarcéré auparavant en raison de son travail en faveur des droits humains. Source : AI MEXIQUE – 15 octobre 2009 : Gustavo de la Rosa Hickerson se refugie au Texas faute de protection par les autorités. / à El Paso au Texas avec sa femme et son fils âgé de 21 ans. Arrêté pour entrée illégale dans le pays, il est depuis le 15 octobre placé sous la protection des Douanes dans l'attente d'une demande d'asile. Gustavo de la Rosa Hickerson dirige le bureau de Ciudad Juárez de la CEDH de l’État de Chihuahua depuis avril 2008. Il fait partie des quelques hauts responsables qui ont reconnu publiquement la forte augmentation du nombre de signalements de graves atteintes aux droits de l'homme, notamment d’actes de torture et d’exécutions extrajudiciaires à Ciudad Juárez, commises par les forces armées exerçant des missions de police. contre une personne.. dont l’identité n’a pas été révélée. Les trois parlementaires européennes , Mme Hélène Flautre (Verts), Catherine Trautmann (PS) et Marie Christine Vergiat (Front de Gauche), ont adressé une lettre ouverte au ministre tunisien de l'intérieur, M. Rafik Belhaj Kacem pour protester énergiquement contre cette interdiction de quitter le territoire et condamné fermement cette atteinte à la liberté de circuler qui a pour objet d'empêcher une voix dissidente de s'exprimer en période de campagne électorale. Source : REMDH Source : AI Gustavo de la Rosa Hickerson, un avocat spécialisé dans la défense des droits de l'homme, a été menacé de mort en raison des activités qu’il mène à la tête du bureau de Ciudad Juárez de la Commission d’État des droits de l'homme (CEDH) de Chihuahua, dans le nord du Mexique. Le 4 septembre, alors qu’il rentrait de son travail à Ciudad Juárez, il s’est arrêté à un feu rouge et une voiture l’a rattrapé. Le conducteur a baissé sa vitre, mimé un pistolet avec sa main et fait semblant de tirer sur lui, en disant : « Calme-toi ou on va te tuer », avant de redémarrer. Gustavo de la Rosa Hickerson a demandé à la CEDH de lui fournir une protection, mais sa demande a été rejetée et il a été contraint de se réfugier de l’autre côté de la frontière, dans la ville américaine d’El Paso. A la fin du mois de septembre, Gustavo de la Rosa Hickerson s'est réfugié TUNISIE - 20 octobre 2009 - Radhia Nasraoui empêchée de sortir du territoire pour rendre à une rencontre du Parlement européen Radhia Nasraoui, présidente de l'Association tunisienne de lutte contre la torture, a été empêché d’embarquer le mardi 20 octobre alors qu’elle s’apprêtait à se rendre à une rencontre du Parlement européen sur la situation des droits de l'homme dans le bassin minier de Gafsa (Sud-ouest) à l'invitation de trois parlementaires européennes .Le prétexte invoqué, à l’appui de cette décision est que Radhia Nasraoui et son mari Hamma Hammami, porte parole du PCOT, feraient l’objet d’une procédure judiciaire.. pour « voies de fait avec violence contre autrui» à la suite d’une altercation imaginaire LE JOURNAL électronique DES DROITS DE L'HOMME Supplément gratuit réservé aux membres. Ne peut être vendu. Directeur de la publication : Bertrand FAVREAU Réalisation : Maria Amalia Pantano Vera Durant Faber Institut des Droits de l’Homme des Avocats Européens European Bar Human Rights Institute 4-6, rue de la Boucherie L - 2012 Luxembourg Secrétariat général : Christophe PETTITI 57, avenu Bugeaud F- 75116 PARIS Copyright © 2009 by IDHBB and European Bar Human Rights Institute. www.idhae.org e-mail : [email protected]