Fortuna,14 ème Sommet de la Francophonie : retour

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Fortuna,14 ème Sommet de la Francophonie : retour
Fortuna
Interview de Germinal Roaux par la
rédaction valaisanne de Voix d’Exils.
Photo: Voix d’Exils.
« Fortuna » est le nouveau film du cinéaste francosuisse Germinal Roaux qui sortira en salle en 2017.
Rencontre avec le réalisateur sur le plateau du
tournage.
Depuis
plusieurs
années,
le
monde
du
cinéma
s’intéresse
à
la
problématique de l’asile. Après La forteresse, Vol spécial ou encore
l’Abri de Fernand Melgar qui documente les parcours semés d’embuches des
requérants d’asile en Suisse; « Fortuna », du photographe et cinéaste
franco-suisse Germinal Roaux, est un long métrage qui interroge notamment
la valeur helvétique de l’accueil: « Ouvrir les portes pour accueillir
les réfugiés qu’est-ce que cela signifie ? »
Qui
est
cet
artiste
dont
l’observation
et
la
sensibilité
portent aujourd’hui sur la question de la migration ? Germinal Roaux est
né le 8 août 1975 à Lausanne, d’un père français et d’une mère suissesse.
Il a un frère ainsi que deux sœurs adoptive d’origine africaine. Prenant
de la graine chez son oncle photographe, il devient autodidacte en
photographie noir/blanc et en cinéma. À 17 ans, il se rend au Burkina
Faso avec l’association Nouvelle Planète pour son travail de fin d’étude
qui porte sur le problème de la désertification dans ce pays du Sahel. Il
réalise alors son premier documentaire intitulé « Une pluie et des
hommes ». Il y reviendra une année après, avec un ami, à bord d’une
vieille Land Rover et ils profiteront de leur périple pour visiter
plusieurs pays du Nord-Ouest africain. « […] c’est en traversant ainsi
l’Afrique que j’ai rencontré pour la première fois les problèmes de
l’exil, en écoutant des jeunes qui voulaient partir pour l’Europe, la
tête pleine de rêves. Mais moi, je mesurais le décalage avec la réalité
d’ici ».
C’est par l’intermédiaire de Claudia, sa compagne, qui travaille avec des
réfugiés à Lausanne, qu’il rencontre des mineurs non accompagnés et qu’il
aura l’occasion de partager leur quotidien; et de ces échanges éclot
l’idée d’écrire une histoire qui relate de leur drame existentiel. « Mon
idée était alors d’écrire une histoire sur une jeune Erythréenne ou
Ethiopienne qui passerait son premier hiver en Suisse avec en arrièreplan la question de l’accueil ». Finalement, son choix se portera sur une
Ethiopienne pour plusieurs raisons, notamment le fait que l’Éthiopie est
considérée comme le berceau de l’humanité avec la découverte du plus
vieux squelette humain «Lucy ».
Interview de Germinal Roaux par Etienne de la rédaction
valaisanne de Voix d’Exils. Photo: Voix d’Exils
À travers son film Fortuna, Germinal essaie de montrer la difficulté que
l’être humain éprouve à faire le pas vers l’autre. Il fait aussi
remarquer la résilience du peuple africain car « […] malgré les
difficultés de l’existence ici, il y a cette force de vie que nous
perdons souvent. C’est comme le sourire, on voit des africains qui ont
traversé les difficultés du monde et […] qui arrivent ici avec un sourire
qui illumine. J’ai eu envie de montrer cette énergie, cette force, cette
connexion au réel ainsi que ce lien à la nature et au monde qui permet
aussi de se ressourcer».
Le tournage s’est déroulé à l’Hospice du Simplon en Valais. pendant 37
jours, les claps et les scènes se sont succédés faisant jouer environ 40
acteurs et figurants à 2000 mètres d’altitude. Tourner un film n’est
jamais facile car, selon Germinal, « pour le réalisateur, c’est du deuil
quotidien et, en même temps, une invention permanente pour rebondir et
trouver des choses. C’est dur et gratifiant à la fois, parce que la vie
nous amène toujours quelque chose de nouveau qu’on n’avait pas imaginé au
départ et qui peut être très beau aussi, souvent plus beau que ce qu’on a
pu écrire… ». En définitive, l’artiste est satisfait de son travail et
il espère que son film permettra au public d’avoir une meilleure
compréhension des problèmes liés à l’asile. Quel est le message du
cinéaste à travers Fortuna? « ce qui m’intéresse le plus, c’est le
parcours singulier des hommes, qui est une école du vivre ensemble. Si
cela peut nous apprendre à nous tendre la main, c’est une bonne chose ».
Et quelle est la valeur à laquelle le cinéaste tient le plus ? « La
valeur la plus chère pour moi ? C’est évidement l’amour! Si on peut
s’aimer les uns les autres, si on peut travailler ensemble, […], le
partage vient de fait et puis la paix aussi ».
Le film met donc en valeur la rencontre spirituelle et humaine. Fortuna
n’est pas seulement une requérante d’asile, elle est aussi en quête de
foi, d’amour, de paix et de partage. Finalement, ses aspirations
rejoignent celles des chanoines de l’Hospice du Simplon car pour eux:
accueillir c’est aimer.
La rédaction valaisanne de Voix d’Exils
14 ème Sommet de la Francophonie :
retour sur un événement aux enjeux
considérables
Joseph Kabila, président du la RDC. Photo
Galerie du Parlement Européen (CC BY-NCND 2.0)
Le 14 octobre dernier, les projecteurs s’éteignaient sur le 14
ème
Sommet
de la Francophonie, qui s’est tenu du 13 au 14 octobre 2012 à Kinshasa,
la capitale de la République Démocratique du Congo, sur le thème des
«
enjeux
environnementaux
et
économiques
face
à
la
gouvernance
mondiale ». Bilan politique, diplomatique et économique de ce Sommet
controversé.
Seize chefs d’Etat ont fait le déplacement à Kinshasa. Dès le vendredi 12
octobre, on a noté l’arrivée du président du Gabon, Ali Bongo, du
Cameroun, Paul Biya, du Niger, Mahamadou Issoufou, de la Côte d’Ivoire
Alassane Ouattara, de la Guinée, Alpha Condé, de Centrafrique, François
Bozizé, du Burkina Faso, Blaise Compaoré, du Burundi, Pierre Nkurunziza,
et de la Tunisie, Moncef Marzouki, de Haïtie, Michel Martelly. Le
président français François Hollande, est arrivé le samedi 13 octobre. On
notera aussi la présence du président Denis Sassou Nguessodu du Congo
Brazza, du président comorien, Ikililou Dhoinine, du premier ministre
canadien, Stephen Harper. La Suisse était représentée par le viceprésident du Conseil fédéral, Ueli Maurer.
Mais si ce dernier ce Sommet a fait couler tant d’encre et de salive,
c’est justement à cause de son caractère hyper politisé, car les enjeux
étaient considérables, tant pour ses organisateurs que pour ses
détracteurs. Revenons sur cet événement afin de comprendre les raisons de
cet excès de politisation et d’en dresser le bilan.
Les contestations
Avant le Sommet, plusieurs voix se sont levées pour condamner sa tenue
dans un pays qui a connu « les pires élections du monde » à en croire
Radio France Internationale. Des Congolais de l’intérieur du pays et ceux
de la diaspora se sont mobilisés, en France, en Belgique, au Canada, en
Suisse et ailleurs, pour dire non à ce qu’ils appellent « la francophonie
du sang » ; celle qui, en organisant son Sommet au Congo, est une insulte
à la misère du peuple congolais dans le contexte politique actuel.
Si les appels de ses contestataires n’ont pas réussi à faire délocaliser
le Sommet, ils ont néanmoins contribué à sa sur-médiatisation et surtout
à semer le doute, à entretenir l’incertitude, à faire durer le suspens et
à montrer que le Congo va mal, au point qu’à un certain moment, la thèse
de délocaliser le Sommet à l’Ile Maurice avait été évoquée dans certains
milieux proches des organisateurs. Abordons maintenant les raisons qui
ont contribué à l’hyper politisation du 14eme Sommet de la Francophonie.
Pour commencer, le contexte politique international a beaucoup joué dans
l’appréciation de ce Sommet.
La France a un nouveau président Hollande
Monsieur François Hollande a été élu à la tête de la France sur la base
d’un programme de campagne qui prône « le changement ». Une fois arrivé
au pouvoir, il a voulu prendre ses distances avec son prédécesseur,
Monsieur N. Sarkozy. Homme de « la présidence normale », le nouveau
locataire de Élysée doit prendre ses marques sur toutes les questions,
tant sur le plan
de la politique nationale qu’internationale.
En perte de vitesse quant à sa côte de popularité et faisant face à
l’écart entre les promesses de campagne et les réalités politiques qui
dictent les contraintes du terrain, François Hollande doit inventer un
mode de gouvernance qui entretient, tant que faire se peut, l’image de
celui qui peut tirer la France de la crise, la sauver du spectre des
possibles délocalisations des entreprises, de ses multiples plans
sociaux, bref, arrêter l’hémorragie d’un mécontentement qui risque de se
généraliser.
Dans ce contexte, le Sommet de la Francophonie est une tribune toute
trouvée pour le président français afin de réaffirmer sa détermination
pour le changement, dont il se veut le garant pour la France et toutes
les zones où s’entend sa sphère d’influence.
Mais ce Sommet est en même temps un test pour le « président normal ».
Aller à Kinshasa, c’est honorer la Francophonie. Dans ce contexte de
crise, ce voyage est aussi un soutien aux entreprises françaises
présentes au Congo comme AREVA et bien d’autres. Mais, en même temps, le
Congo est présenté par plusieurs observateurs comme un pays qui s’est
construit sur une dictature, à en croire le dernier rapport d’Amnesty
International sur les droits de l’homme au Congo.
Devant ce dilemme, Monsieur Hollande décide alors de jouer le morceau à
sa manière. Le 9 octobre, soit cinq jours avant l’ouverture du Sommet et
devant le Secrétaire Général de l’ONU, Monsieur Ban Ki-moon, il critique
ouvertement le pouvoir en place au Congo : « la situation dans ce pays
est tout à fait inacceptable sur le plan des droits, de la démocratie et
de la reconnaissance de l’opposition. » Cette prise de position avait
suscité plusieurs réactions. Certains trouvaient les propos du président
français adéquats, tandis que d’autres les trouvaient inutiles et mal
placés.
On notera la réaction du gouvernement congolais à travers son ministre de
l’information, Monsieur Lambert Mende, qui a affirmé que Monsieur
Hollande ne connaissait rien de la réalité congolaise. Alors qu’un des
membres de l’opposition, Monsieur Vital Kamerhe, invitait les proches du
président Kabila à voir dans les propos du président français une
correction fraternelle.
Dans les milieux proches de la présidence française, on affirme qu’il
s’agit d’une détermination de François Hollande qui a une autre approche
de la Françafrique. Mais pour Jean-Pierre Mbelu, un analyste politique
congolais vivant en Belgique, les propos de Monsieur Hollande étaient
destinés à la consommation de l’opinion internationale et aux médias
français, confie-t-il à Etienne Ngandu du blog CongoOne
.
Kabila et sa quête de légitimité
Les dernières élections présidentielles et législatives au Congo avait
suscité un immense espoir au sein de la population, plus que jamais
assoiffée de changement démocratique, gage d’un développement qui la
tirerait de sa misère injuste. Mais ce rêve a vite tourné au cauchemar,
car le changement tant attendu n’a pas eu lieu. Monsieur Kabila s’est
maintenu à la tête du pays à l’issue d’un processus électoral qualifié de
« chaotique », selon l’expression de la rédaction de Radio France
International du 29.11.2011.
La contestation qui s’en est suivie était sans précédent. La violence et
les arrestations arbitraires au sein de l’opposition qui revendiquait la
victoire de son leader Etienne Tshisekedi, ont contribué à décrédibiliser
ce processus. A cela s’ajoute, l’absence de la liberté d’expression,
l’emprisonnement des opposants et les assassinats politiques que connaît
le pays, qui ont fini par ternir l’image d’un pouvoir qui avait déjà du
mal à se faire accepter. Et même si le soutien tacite à Kabila s’est fait
par le silence de la communauté internationale, son régime est considéré
par une certaine opinion comme infréquentable.
A sa prestation de serment, sur tous les chefs d’Etat étrangers attendus,
seul le très controversé Robert Mugabé du Zimbabwe était venu à Kinshasa.
Notons que son voisin le plus proche de Kinshasa, Congo Brazzaville,
n’avait délégué que son ministre des transports. Cela fut perçu comme une
sorte de boycott.
Ainsi, le Sommet de la Francophonie était une occasion toute trouvée pour
Joseph Kabila et ses proches d’essayer de redevenir un État fréquentable,
ne serait-ce que l’espace d’un weekend. C’est aussi cela qui explique la
détermination du pouvoir de Kinshasa à organiser ce Sommet au Congo par
tous les moyens.
Bilan économique
Les travaux préparatifs du 14ème Sommet de la Francophonie ont coûté la
bagatelle de 22,6 millions de dollars, soit 17 millions d’euros pour un
pays dont le budget 2012 est de près de 8 milliards de dollars. Dans un
pays où des enseignants, des fonctionnaires de l’Etat, des médecins et
bien d’autres travailleurs totalisent plusieurs mois impayés, un tel luxe
pose un sérieux problème de priorités et de choix du pouvoir de Kinshasa.
D’autant plus que toutes les dépenses n’ont concerné que l’aspect
extérieur de la capitale et les endroits que devaient visiter les caméras
occidentales.
A ce jour, il est difficile de parler de retombées financières pour le
pays, tellement tout a été centré sur la récupération politique du
Sommet. Aucune annonce des investisseurs à qui le Sommet aurait permis de
signer des contrats dans le sens de la création d’emplois par exemple.
Aucun rapport sur les retombées touristiques et culturelles. Ce qui
justifie le scepticisme du Congolais moyen pour qui ce Sommet ne peut
rien apporter à la population. «Tous ces beaux discours des participants
changent quoi dans la vie des Congolais qui continuent à verser le sang?
Ce Sommet ne peut déboucher que sur une « grande messe » inutile pour la
population congolaise », commente un congolais sur le site de Radio Okapi
, une radio locale.
Sur le plan politique
Sur le plan politique, le gouvernement de Kinshasa peut être satisfait
d’avoir relevé le défi dans un contexte extrêmement incertain et tendu,
avec la guerre de l’Est que mène la rébellion du M 23 : le Mouvement du
23 mars; celle dans le Kasaï avec Jonh Tshibangu ainsi que les
contestations à l’intérieur et à l’extérieur du pays. Comme l’exprime
Monsieur Alain Simoubam, du groupe de presse Liberté, « jamais Sommet de
la francophonie n’aura autant suscité de polémiques et autant mis mal à
l’aise les autorités du pays hôte. » Braver tout cela et réussir le
Sommet sur le plan des infrastructures et de la sécurité, peut être
considéré comme un succès pour le pouvoir de Kinshasa. Mais les objectifs
politiques de ce dernier ont-ils été atteints ?
A ce niveau, avoir réussi à organiser le Sommet à Kinshasa ne semble pas
avoir tout arrangé pour Joseph Kabila. L’équilibriste François Hollande
n’a pas manqué de gestes peu diplomatiques et pour le moins humiliants à
l’encontre de Monsieur Kabila. Devant la presse internationale et à côté
de Kabila, il affirme espérer voir le processus en cours au Congo aller
jusqu’à son terme. Il fait attendre Kabila pendant près de 42 minutes au
Palais du Peuple où se tient le Sommet et ne se donne pas la peine
d’applaudir Kabila à la fin de son discours comme le fait toute
l’assistance. Bref, cela a créé plutôt le malaise que le triomphe. Et
l’inauguration par François Hollande de la médiathèque du Centre culturel
français de Kinshasa baptisée du nom de Floribert Chebeya, ce militant et
défenseur des droits de l’Homme assassiné en juin 2010, est gênant pour
Kinshasa qui semble avoir des choses à cacher dans cet assassinat que
d’aucun qualifie de crime d’Etat.
Et pour couper court à l’illusion de se faire reconnaître par des chefs
d’Etat étrangers, le leader de l’opposition, Monsieur Etienne Tshisekedi,
celui qui s’est toujours considéré comme le vainqueur des élections du 28
novembre 2012, enfonce le clou et affirme, à l’issue de son entretien
avec François Hollande, que « la légitimité du pouvoir au Congo ne peut
venir que du peuple congolais. » Le président du parti politique l’UDPS
(Union pour la Démocratie et le Progrès Social), s’est dit satisfait de
son entretien avec le président français, entretien qu’il a qualifié de
fraternel.
Pour Vital Kamrhe qui s’exprimait sur les ondes de Radio Okapi, à
Kinshasa, « le Sommet de Kinshasa a été un échec. Il a permis au peuple
congolais de comprendre qu’il se pose en RDC un problème de déliquescence
de l’Etat et de leadership responsable ».
Sur le plan diplomatique
Une chose est d’accueillir les autres dirigeants chez soi, mais en tirer
des dividendes diplomatiques en est une autre. Le bilan diplomatique ne
pourrait pas être un succès. Si le pouvoir de Kinshasa peut se targuer
d’avoir reçu le soutien de quelques présidents étrangers, notamment de
Blaise Kampaoré du Burkina-Faso, les attitudes et les propos du président
français sont restés dans toutes les têtes comme les moments importants
de ce Sommet, qui ne sont pas glorieux pour Kinshasa.
En outre, le conflit à l’Est de la RDC a fait l’objet d’un traitement
diplomatiquement
discutable.
Pour
l’opposant
Vital
Kamerhe,
«la
qualification de ce conflit laisse voir la faiblesse de la diplomatie
congolaise.»
Le mystère sur les vrais soutiens des rebelles demeure
entier. « Comment expliquer, se demande Kamerhe, que de l’avis du
ministre de l’information de la RDC et de beaucoup d’autres acteurs, on
parle de l’agression de la RDC. Le ministre nomme le Rwanda comme
l’agresseur ; mais quand nous suivons le président de la République, il
dit que la paix est troublée à l’Est par des forces négatives avec un
appui extérieur d’un Etat voisin, sans dire lequel alors que nous avons
neuf voisins. »
Même le fait que Kinshasa ait réussi à faire rédiger une déclaration qui
demande au Conseil de sécurité de Nations Unies de condamner l’agression
dont est victime l’Est du Congo, ceci n’a pas été un franc succès dans la
mesure où le plus grand accusé comme soutien de cette rébellion, le
Rwanda, n’a pas signé le communiqué final.
Ainsi, le 14
ème
Sommet de la francophonie aura été un pari réussi par ses
organisateurs, mais son bilan laisse un goût amer qui a contribué plus à
mettre à nu les problèmes congolais sans la moindre lueur de solution. En
même temps, ce Sommet a une fois de plus montré l’incapacité de toutes
ces organisations internationales à rencontrer les préoccupations
existentielles des peuples sans défense. Au point que ce même dimanche
14, pendant que se clôturait le Sommet, un congolais de la base à qui une
télévision étrangère a tendu le micro, s’est exclamé en ces termes : « il
s’agit d’un Sommet pour eux ; eux les puissants de ce monde qui se
moquent de nos malheurs. Ils partiront et rien ne changera à notre
situation. Nous continuerons à souffrir au vue de tout le monde. Nos
femmes et nos filles continueront d’être violées et nos ressources
alimenteront toujours de nouvelles guerres. Le changement au Congo ne
doit venir que de nous-mêmes.»
Ainsi va le monde : les uns gémissent, les autres jubilent et l’histoire
suit son cours.
Angèle BAWUMUE NKONGOLO
Membre de la rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils
Martigny célèbre les cinq continents
Photo: Pastodelou
Du 25 au 30 juin 2012, la ville Martigny a accueilli les journées des 5
continents, un festival lancé en 1994. Depuis lors, chaque année, elle
offre l’occasion aux Valaisans et à toutes les personnes intéressées de
découvrir différentes cultures.
A la portée de tout le monde sans exception, ce festival est à l’image du
nom qu’il porte comme on pouvait le constater le 29 juin dernier. Le vent
qui soufflait ce jour-là a permis aux vendeurs de faire un peu de sport
quand ils se précipitaient pour protéger les articles qui étaient sur le
point de s’envoler. Mais la météo était propice aux bonnes affaires pour
les vendeurs de lunettes solaires car le soleil brillait de tous ses
feux.
Une impressionnante diversité
Le festival offre la possibilité de découvrir de nouvelles saveurs
notamment grâce aux découvertes culinaires proposées par Le Botza, qui
est le centre de formation pour les requérants d’asile séjournant en
Valais et qui est est aussi l’un des principaux partenaires du festival.
Il avait mis à disposition un restaurant où l’on pouvait trouver des
plats
exceptionnels,
préparés
et
présentés
par
des
membres
de
l’administration valaisanne, des requérants d’asile et des chefs de
cuisine qualifiés – tous bénévoles – pour offrir le meilleur d’eux-mêmes.
« J’aime bien venir ici, déguster les plats d’autres pays et découvrir
d’autres cultures. Il y a toujours des gens qui viennent d’un peu de
partout », déclare Valery Musier, un heureux père de famille habitant à
Martigny.
Le stand Afro-Mang-go. Photo: Pastodelou
Dans le marché, on trouvait des jeux de dominos et d’awelé – un jeu
d’origine égyptienne – avec des rangées de trous dans lesquels on pose
des graines ou de cailloux, des tableaux, des statuettes, des masques
traditionnels et des bijoux fantaisies provenant de partout dans le
monde. Un mélange extraordinaire de cultures, à tel point qu’une personne
d’origine européenne qui tenait le stand de l’association Afro-Mang-go
vendait des œuvres d’art provenant du Burkina-Faso et donnait même
l’interprétation de quelques statuettes exposées sur son étalage.
On a aussi pu apprécier la démonstration du Falun Gong, un mouvement
spirituel chinois. Plus loin, trois grands podiums ont accueillis des
concerts donnés par des artistes venant de France, d’Espagne et
d`Amérique. De jeunes talents valaisans ont aussi pu montrer leurs
talents en interprétant des chansons de quelques grandes stars.
Tout au long de la manifestation, des dons étaient récoltés lors
d’animations de sensibilisation en faveur d’œuvres de bienfaisance.
« découvrir des façons différentes de vivre »
Fanny et sa petite
fille. Photo:
Pastodelou
Serveuse dans l’un des bars du festival : l’« Angelin », Fanny est une
fidèle du festival, car elle y sert des rafraîchissements depuis une
bonne dizaine d’années. « Pour moi, la fête des cinq continents est
organisée pour responsabiliser les gens du monde d’aujourd’hui, leur
faire découvrir des façons différentes de vivre et d’autres goûts. Elle
tient cependant à préciser que « cette fête n’est pas qu’une simple fête,
car les recettes de certains stands sont versés à des associations comme
le WWF ou Terre des Hommes».
2013 marquera les 20 ans de la fête des cinq continents. Les festivités
débuteront le 8 juin 2013 avec une exposition au Manoir de la Ville ; et
le festival sur la Place du Manoire des 28 et 29 juin clôturera cette
édition anniversaire.
Pastodelou
Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils
Infos : www.5continents.ch
Voix d’Exils anime un stand à la fête des 5 continents
Le stand Voix d’Exils de la rédaction
valaisanne. Photo: Pastodelou
Au stand de Voix d’Exils tenu par la rédaction valaisanne se trouvait de
la documentation à propos du journal en ligne et un ordinateur sur lequel
l’on pouvait consulter le blog. Des vases en papier fabriqués sur place
par une ressortissante d’Erythrée étaient aussi exposés. Du café et des
pop-corns faits sur place sur la braise d’un foyer par Mme Winnie
d’Ethiopie étaient offerts aux passants et des tresses multicolores
étaient également proposées par une coiffeuse. Pour Voix d’Exils, le
festival était une occasion de mieux faire connaître son travail auprès
du public valaisan. Sa présence a même été l’occasion de recueillir le
témoignage d’une personne victime de discrimination raciale ; l’accès à
un bar valaisan lui ayant été refusé à cause de la couleur de sa peau.
Mme Winnie d’Ethiopie. Photo: Pastodelou
Le capitaine Thomas Sankara à
l’affiche du festival « Visions du
Réel »
Le capitaine Thomas Sankara
A l’occasion du festival international suisse de cinéma « Visions du
Réel », Christophe Cupelin, un cinéaste suisse indépendant a dévoilé, le
26 avril dernier, son dernier documentaire : « Capitaine Thomas
Sankara ». Son film a pour sujet l’engagement d’une figure très
importante en Afrique et pourtant méconnue en Europe : le capitaine
Thomas Sankara, qui dirigea la révolution au Burina Faso entre 1983 et
1987.
Christophe Cupelin a rassemblé les plus fameux discours de Thomas Sankara
pour réaliser son film documentaire dont l’extrait le plus connu et qui
caractérise le mieux le personnage est issu du discours qu’il a tenu à
l’Organisation des Nations Unies à New York le 4 octobre 1984 : « Je veux
donc parler au nom de tous les laissés pour compte parce que je suis
homme et rien de ce qui est humain ne m’est étranger ». Le 4 aoûte 1983,
un jeune révolutionnaire africain, anti-impérialiste, panafricaniste et
tiers-mondiste du nom de capitaine Thomas Sankara accède à la tête de
l’Etat Burkinabé suite à un coup d’Etat. Lorsqu’il prend les rênes du
pouvoir, il surprend les politiciens du monde entier par sa soif de
liberté et de démocratie, ses discours passionnés, sa prise en
considération des pauvres et des laissés pour compte, sa détermination à
servir et à conduire son peuple vers le progrès en mobilisant toute
l’énergie du pays et en minimisant l’aide international. C’est ainsi, par
exemple, qu’il réussit à entreprendre 2.5 million de vaccinations en
seulement 15 jours. Son gouvernement entreprit des reformes majeures pour
mettre fin la corruption, pour améliorer l’éducation, l’agriculture et
surtout le statut des femmes qu’il considérait comme « les victimes d’un
double colonialisme », car elles sont « colonisées par des hommes, qui
sont eux-mêmes les victimes du colonisateur ». L’emblème le plus fort qui
marque son mandat présidentiel fut sans doute le changement du nom du
pays, en remplaçant le nom colonial français
« la Haute Volta » par un
nom qui a un sens pour la culture de son peuple : « le Burkina Faso », ce
qui signifie « le pays des hommes intègres ».
En répondant aux questions du public, Christophe Cupelin a affirmé que le
montage d’archives des discours que Sankara prononça tout au long de son
mandat lui semblait la manière la plus adéquate pour faire son portrait.
25 ans après son assassinat, en 1987, qui n’est toujours pas élucidé, ce
film donne a revoir et à réentendre ce chef d’Etat atypique qui fut
assurément l’un des plus grands leader africain de l’histoire du 20ème
siècle.
Hochardan
Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils
Édito. Monde civilisé ? Du n’importe
quoi !
l’Édito est une nouvelle rubrique qui fait aujourd’hui son apparition
dans Voix d’Exils.
On vit dans un monde où les pays dits « civilisés » dictent ce qui
est bon et ce qui ne l’est pas. Ils nous dictent aussi ce qui est
politiquement correct de dire/faire et même de penser en société et
au nom de leur civilisation. Dans ce monde on assassine même en
direct des prisonniers de guerre et on sourit quand on voit ces
choses horribles.
Le monde civilisé est champion de la politique deux poids deux
mesures. Capable de diaboliser Mugabe du Zimbabwe. De chasser
Gbagbo de la Côte d’ivoire et de l’incarcérer à la Haye.
D’organiser l’assassinat de Kadhafi en direct et en mondovision.
Pour quelles raisons? Au nom de la démocratie? De la civilisation?
Au nom d’intérêts économiques inavoués ? Allez savoir.
Ce qui est sûr, c’est que les réels motifs de ces acharnements
n’ont rien à voir avec l’envie des pays civilisés de restaurer la
démocratie et le bien-être dans ces pays. Sinon, comment expliquer
que les dictateurs les plus féroces et les plus sanguinaires comme
Paul Biya du Cameroun, Teodoro Obiang Nguema de la Guinée
Equatoriale, Sassou Nguesso du Congo, Joseph Kabila de la
République Démocratique du Congo, continuent à séjourner en
Occident et sont reçus en grandes pompes par les pays dits «
civilisés » et sans la moindre gêne? « On va vous aider avec une
coopération policière ». Propos de Michèle Alliot-Marie, alors
ministre français des Affaires étrangères, tenus pendant que le
printemps arabe battait son plein en Tunisie et que les morts se
comptaient par dizaines déjà. Cela avait montré aux yeux du monde
entier une insensibilité incroyable de ce pays dit « civilisé ». Le
dictateur Ben Ali était un « ami » (leur ami). Réveillez-vous ! Le
monde est déjà un enfer ou des humains dansent autour des cadavres
et où des gens se considérant comme « civilisés » fêtent avec un
grand sourire la mort. Pourquoi ferment-ils les yeux sur ce qui se
passe dans les autres pays comme le Gabon, l’Ethiopie, l’Erythrée,
la Guinée équatoriale, le Maroc, le Swaziland, la République
centrafricaine, l’Ouganda, le Soudan, le Cameroun, la République
Démocratique du Congo, le Congo, le Burkina Faso ou le Togo? Et
pourtant, nombre de ces régimes dictatoriaux (en Afrique, au MoyenOrient, au Sri Lanka, à Cuba…) pourraient être renversés sans
difficultés
majeures
si
les
occidentaux
(monde
civilisé)
fournissaient les moyens adéquats comme la mise en place de
sanctions diplomatiques, politiques et économiques contre ces
dictatures ; grâce auxquelles les populations et les institutions
indépendantes pourraient, au nom de la démocratie, restreindre les
sources de pouvoir des dirigeants en place et, ainsi, endiguer leur
nuisance. Ce qui n’est pas le cas. Pourquoi ?
Il y a vingt ans, la jeunesse africaine de la plupart des pays
susmentionnés était déjà descendue dans la rue pour manifester son
exaspération contre les dictateurs. Malheureusement, à l’époque,
cette jeunesse africaine connaissait moins de succès. En fait, la
jeunesse africaine avait été sacrifiée sur l’autel de la «
realpolitik », autrement dit, par le cynisme des Occidentaux (le
monde civilisé) en terre africaine. Les despotes africains, ayant
eu plus de soutiens de la part des pays occidentaux (le monde
civilisé) qui défendirent dans les années 90 leurs intérêts
impérialistes, y compris à coups d’interventions militaires. Ils se
sont offerts le luxe de ne pas céder à la pression de la rue. En
lieu et place, il y a eu des milliers de meurtres perpétrés en
plein jour par des forces armées.
On a organisé des conférences nationales dites souveraines par ici,
composées des gouvernements de transition démocratique par là.
Malgré tout cela, le changement espéré est demeuré une utopie.
Pire, lorsque les tensions ont baissé, les dictateurs sont revenus
au-devant de la scène, en force. Certains sont même morts de
vieillesse au pouvoir comme Omar Bongo Ondimba du Gabon après… 42
années de règne sans partage ou encore Gnassingbé Eyadema du Togo
après… 38 années de dictature. Et ils se sont faits remplacer à la
tête de ces Républiques par leurs fils avec la bienveillance et la
bénédiction des pays dits civilisés !
Ces régimes sont notoirement imperméables au changement, à
l’alternance et ils répriment lourdement la dissidence. La
corruption (y compris le détournement de l’argent du fond mondial
destiné aux interventions contre la pauvreté et les maladies) et
les atteintes massives aux droits humains sont le lot quotidien de
millions
de
citoyens
dans
ces
pays
qui
sont
à
la
peine
économiquement et qui, pourtant, recèlent d’immenses richesses
naturelles, comme des gisements de diamants, de pétrole, d’or, ou
la culture du cacao, du café etc. En parlant de la corruption, elle
est si répandue que les conditions de vie dans ces pays, pour la
majorité de la population, sont révoltantes. Le prix abordable des
produits de première nécessité, l’accès à l’eau potable, à
l’électricité, aux services de santé, de l’éducation, à l’emploi et
à la sécurité sont de véritables gageures.
Face à ça, l’extravagance du train de vie de la classe dirigeante.
Par exemple, le dictateur Paul Barthelemy Biya Bi Mvondo du
Cameroun vit trois quarts de l’année à l’Hôtel InterContinental de
Genève en Suisse, l’un des hôtels les plus chers du monde. Les
ressortissants camerounais établis en Europe organisent d’ailleurs
régulièrement des marches de protestation devant cet hôtel. La
facture exorbitante que dégage ses séjours prolongés là-bas
(plusieurs millions de francs suisses par… mois) est bien entendu
assurée par le contribuable camerounais. Rien que ça. Il n’est ni
Kadhafi, ni Gbagbo. Il n’a pas tenu tête aux Occidentaux (monde
civilisé). On ferme les yeux tant qu’il protège nos intérêts en
Afrique. On s’en fout, même s’il massacre les siens.
Monde civilisé ? Du n’importe quoi !
Edito signé :
Fbradley Roland
Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils