Etude de la stationnarité des séries temporelles
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Etude de la stationnarité des séries temporelles
Société congolaise d’économétrie Mars 2014 – Papier SCE 1 Jean – Paul K. Tsasa Vangu Chercheur au Lareq Web : www.lareq.com Mail : [email protected] MATHEMATIQUES DES SERIES TEMPORELLES Résumé Ce texte est le premier d’une suite à venir sur la série de papiers consacrés à l’initiation aux mathématiques des séries temporelles. L’objectif de cette série de textes est de constituer un ensemble de prérequis devant faciliter ultérieurement le traitement des thèmes plus avancés. Ainsi, dans ce papier, nous introduisons le concept de processus [stochastique, brownien, markovien et martingale], et caractérisons la notion de stationnarité en nous servant de concepts des racines polynomiales [équation caractéristique] et de cercle unité. Mot–clé : Processus, stationnarité et cercle unité Préambule Une lecture préalable de ce papier est recommandée afin de mieux comprendre ce que l’on fera par la suite tout au long de cette série. En effet, dans les papiers qui suivront : Papier 2 : Nous analyserons la dynamique des chroniques [fonction d’autocovariance, fonction d’autocorrélation et fonction d’autocorrélation partielle] ; nous fournirons la preuve du théorème de Donsker en recourant notamment à la notion de mouvement brownien standard [processus de Wiener] et enfin, nous dériverons la loi asymptotique du test de racine unité tel que suggéré par Dickey et Fuller en nous basant sur les corollaires du théorème de Donsker. Papier 3 : Nous procéderons aux corrections paramétriques et non paramétriques de test de racine unité DF. Papier 4 : Nous introduirons analytiquement et illustrerons sur machine, la stratégie de Campbell-Perron dans le processus de stationnarisation des séries temporelles, Etude de la stationnarité des séries temporelles 1 afin de corriger le biais causé par le choix automatique du paramètre de troncature par les logiciels tels que Eviews, stata ou autres. Papier 5 : Nous prouverons de façon parcimonieuse, deux théorèmes : [1] le théorème de décomposition de Wold, en nous basant sur le concept d’espace de Hilbert ; [2] le théorème de représentation de Granger-Engle. Nous montrerons que toute étude sur la modélisation VAR et sur la cointégration repose implicitement sur ces deux théorèmes respectifs. Papier 6 : Et en considérant les résultats des papiers précédents, nous proposerons une introduction analytique, avec illustration sur logiciel aux : (i) modèles AR et MA à changement de régimes markoviens (ii) modèles VAR, VAR cointégré, VARMA et VEC (iii) modèles VAR structurel bayésien (iv) modèles VAR structurel bayésien à changement de régimes markoviens, suivant la stratégie de Sims, Waggoner et Zha. Il sied de noter que l’objectif de ces différentes présentations est de fournir un cadre d’analyse techniquement prescriptif, et donc nous ne visons pas l’exhaustivité au sens strict. In fine, nous vous serons reconnaissant pour toute suggestion, remarque ou critique pouvant contribuer à l’amélioration du cadre d’analyse en cause. I. Introduction Les études empiriques, e.g. en économétrie ou en macroanalyse, utilisent généralement les chroniques. Dans la littérature, ces dernières sont habituellement désignées par séries temporelles. Pour caractériser la dynamique de ces chroniques, le modélisateur cherche à identifier les processus (stochastiques) appropriés qui les représentent avec parcimonie, en procédant notamment d’une part, à l’extraction de leurs fonctions d’autocovariance, d’autocorrélation et d’autocorrélation partielle, et d’autre part à l’analyse des résultats fournis pas les différents critères d’information [Akaike, SIC ou HQ]. Avant de s’y pencher, analysons tout d’abord les propriétés fondamentales de processus stochastiques, considérés comme l’ingrédient premier dans toute analyse recourant à l’usage des séries temporelles1. II. Processus stochastique Un processus stochastique [concept théorique] est une application de l’espace probabilisé dans un espace probabilisable de fonction 2 états du processus . Ainsi, pour tel que désigne un espace des le processus est réel et pour le processus est à espace d’états discrets. Par construction, un processus est décrit par une suite de variables aléatoires indexées par la variable Formellement, il s’écrit : Ainsi, un processus associé à tout élément de est une fonction de la variable telle que : où est l’application trajectoire de la variable Ainsi, pour tout fixé, décrit la pour l’objet mathématique De cette analyse, trois cas peuvent être distingués : Cas i : le processus est donc continu ; Cas ii : le processus est discret, dans ce cas, Cas iii : fixé, ; est une variable aléatoire réelle. En analyse économique, l’espace de la variable aléatoire est défini par est généralement associé au temps sur l’individu (instant d’observations ). Dans ce cas, le processus est dit stochastique au sens 1 A noter d’ores et déjà, alors qu’un processus est un concept théorique, une série temporelle est une réalisation d’un processus, i.e. un échantillon d’observations. 2 Pour ne pas alourdir le texte, nous ne reviendrons pas sur la notion d’espace et de mesure. L’intéressé peut se rapporter à Tsasa (2012 ; 2013). 2 Etude de la stationnarité des séries temporelles Jean – Paul K. Tsasa Etude de la stationnarité des séries temporelles où on l’attribue en économie. Ainsi, pour 3 à valeurs discrètes et équidistantes, le processus est une chronique (série chronologique ou série temporelle). Un processus possède différentes caractéristiques au regard de propriétés qu’il satisfait. Ainsi, lorsqu’un processus possède les propriétés d’invariance par translation du temps, il est dit stationnaire : Cette condition étant trop restrictive, elle est généralement substituée par sa version faible traduite par les propriétés ci–après : (i) Espérance mathématique constante, ; (ii) Variance constante, (iii) Autocovariance uniquement fonction de la différence des temps, ; Notons qu’un processus non stationnaire peut le devenir après transformation. Ainsi, un processus est à accroissements stationnaires si la variable aléatoire pour toutes les valeurs de Cette transformation (filtre aux différences) est souvent sollicitée en économétrie des séries temporelles. Soit un processus aléatoire non stationnaire suivant : tel que et Il vient que : Il découle don que Considérons à présent le processus : Pour Il vient que on a : et est stationnaire Le processus étant centré, on obtient : Il ressort que est un processus stationnaire et un processus à accroissements stationnaires. Analysons à présent le processus à accroissements indépendants du temps. Par définition, un processus indexé dans un ensemble est à accroissements indépendants du temps si quelle que soit la suite croissante d’indices : les variables aléatoires : représentant les accroissements du processus sur les intervalles : sont indépendants en probabilité. Ainsi, pour avec des variables correspondant à un tel processus, les différences seront mutuellement indépendantes. III. Martingale, Mouvement brownien et Processus de Markov Dans cette section, nous introduisons quelques concepts fondamentaux dans l’analyse des séries temporelles. Ces concepts nous serviront d’input dans l’analyse de la loi asymptotique du test de racine unité et par ailleurs, dans les papiers à venir, ils seront utiles dans l’analyse des modèles bayésiens à changement de régimes markoviens. Avant d’énumérer les principales caractéristiques d’un mouvement brownien, définissons la notion de martingale3. Bien qu’étudiée pour la première fois, en 1718, par le mathématicien français Abraham de Moivre, la notion de martingale ne fut rigoureusement définie que plus tard par les mathématiciens français Paul Pierre Levy (1935 – 1937) et Jean André Ville (1939), après que Kolmogorov ait établi le lien entre théorie de l’intégration et calcul des probabilités. Un processus aléatoire défini sur l’espace est une martingale si : (i) Cette définition correspond ; (ii) à la martingale de Doob. Parallèlement, si l’on considérait la martingale de Wald4, le processus fonction génératrice des moments (finie) des variables aléatoires 3 serait défini par une telle que: A l’origine, le mot martingale (en théorie de probabilité) apparut pour la première dans le chapitre 4 (paragraphe 2) de la thèse de Jean – André Ville (1939). 4 Cf. Karlin et Taylor (1975, page 243) pour plus de détails. 4 Etude de la stationnarité des séries temporelles Jean – Paul K. Tsasa Etude de la stationnarité des séries temporelles 5 De ce qui précède, on peut dès lors noter qu’un processus décrit un mouvement brownien lorsqu’il est : (i) à accroissements indépendants du temps ; (ii) stationnaire ; (iii) gaussien ; (iv) markovien ; (v) une martingale. Dans la section qui suit nous décrivons les caractéristiques d’un processus markovien. Pour définir le processus de Markov, nous partons des considérations suivantes : (i) le système est à évolution aléatoire5 ; (ii) l’état du système est connu à l’instant ; (iii) à l’instant le passé et le futur sont indépendants. Nous nous limitons à un cas spécifique (chaînes de Markov) et donc, nous supposons que le système est observé en suite discrète d’instants dénombrable). L’état du système à l’instant et d’états en nombre fini (ou est désigné par Ainsi, un processus est de Markov s’il vérifie la condition suivante appelée propriété de Markov. Plus spécifiquement, la relation (7a) décrit un processus de Markov d’ordre 1. Parallèlement, un processus de Markov d’ordre 2 s’écrira : Un processus de Markov est discret si la suite continu si la suite des instants est dénombrable des instants est dénombrable et il est Par ailleurs, pour une suite d’instants discrète, on distingue, relativement à l’ensemble des états, trois cas selon que ce dernier est fini ; dénombrable ou continu . De par cette distinction, c’est le premier cas qui apparaît plus pertinent pour l’économiste. Cette restriction nous conduira à introduire, dans les publications ultérieures, la notion de chaîne de Markov homogène. IV. Stationnarité et Illustration Précédemment, nous avons fournit la définition formelle d’un processus stochastique D’après cette définition, un processus stochastique est si ses deux premiers moments sont temporellement invariants. 5 Un système à évolution aléatoire est un système dont l’évolution dans le temps est fonction du hasard ou de l’aléa. Un tel système ne peut être analysé à l’aide des outils standard fournis par le calcul de probabilités classique. Ainsi, Markov (1906) et plus tard, Lévy (1931), suivi de Doob (1933), puis de Kolmogorov (1936) se sont intéressé à une étude plus approfondie de ce type de systèmes. C’est notamment grâce à leurs travaux, on parvient à dériver et à proposer une définition rigoureuse d’un processus stochastique (aléatoire). Par exemple, un bruit blanc (faible) est un processus stationnaire. En effet, un bruit blanc est un processus à valeurs réelles et en temps discret, d’espérance mathématique nulle, de variance constante et d’autocovariance nulle. De ce fait, pour un bruit blanc faible, on a que : ; ; Il sied de noter qu’il est également possible d’exprimer ces conditions en se servant des espérances conditionnelles. Graphique 1 : Illustration d’un bruit blanc 15 10 5 0 -5 -10 -15 Lorsque le terme d’erreur vérifie cette condition, les résidus sont dits sphériques. Dans la littérature, on rencontre également, la notion de bruit blanc fort, bruit blanc gaussien et de différence de martingale6. Par contre, une marche aléatoire n’est pas stationnaire. Considérons pour ce faire, une marche aléatoire sans dérive telle que : Par récurrence, on obtient : 6 6 Cf. Tsasa (2012, 2013). Etude de la stationnarité des séries temporelles Jean – Paul K. Tsasa Etude de la stationnarité des séries temporelles En : Graphique 2 : Illustration d’une marche aléatoire 50 40 30 20 10 0 -10 -20 -30 -40 -50 -60 Considérons à présent une forme plus générale d’une marche aléatoire : Par récurrence, on obtient en où est un bruit blanc : (bruit blanc fort). En exécutant, les conditions de stationnarité, on établit les résultats suivants: Espérance mathématique : Variance : Autocovariance : avec : 7 Ainsi, en vertu de la relation (11), on écrit : Par l’indépendance de : Tableau 1 : Analyse de la stationnarité Conditions de stationnarité Résultats obtenus Analysons à présent la sensibilité des résultats obtenus par rapport aux différentes valeurs éventuelles de la racine Tableau 2 : Analyse de la sensibilité Valeur racine de la Espérance mathématique Variance Covariance série géométrique de raison supérieure à 1 (Divergence). D’où, les conclusions reprises dans le tableau suivant. Tableau 3 : Analyse de la stationnarité Valeur de la racine Nature du processus Série asymptotiquement stationnaire Série non stationnaire Série non stationnaire 8 Etude de la stationnarité des séries temporelles Jean – Paul K. Tsasa Etude de la stationnarité des séries temporelles Le graphique suivant illustre le comportement d’une série asymptotiquement stationnaire. Graphique 3 : Série asymptotiquement stationnaire 140 120 100 80 60 40 20 0 V. Stationnarité et Cercle unité Considérons à présent, un processus tel que : Soit où un operateur de retard tel que : est un entier naturel. En se servant de l’opérateur de retard, l’expression peut être réécrite comme suit : On peut également l’exprimer comme suit : En égalisant et on trouve la relation ci–après : 9 Ainsi partant de (14), on établit les correspondances suivantes : et La solution à l’équation caractéristique (15) : est tel que et elle est donnée par : Puisque pour un processus stationnaire : il suit que : Ainsi, un processus serait stationnaire si la racine est à l’extérieur du cercle unité. En parallèle, en considérant les correspondances suivantes : et il vient qu’on peut écrire : ou encore : En réaménageant les équations (16), on obtient : et 10 Etude de la stationnarité des séries temporelles Jean – Paul K. Tsasa Etude de la stationnarité des séries temporelles 11 En résolvant les équations quadratiques (17), on établit que : Ainsi, sous cette optique, un processus serait stationnaire si les racines c’est – à – dire, si elles sont à l’intérieur du cercle unité. Donc, on peut utiliser l’un ou l’autre jargon, tout en spécifiant correctement l’objet mathématique considéré. Dans un prochain papier, nous analyserons la dynamique des chroniques (fonction d’autocovariance, fonction d’autocorrélation et fonction d’autocorrélation partielle) et par ailleurs, nous nous proposerons de prouver le théorème de Donsker, avant de procéder à la dérivation de la loi asymptotique du test de racine unité tel que suggéré par Dickey et Fuller. Mars 2014 Québec, Montréal BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE AIGNER Martin et Günter M. ZIEGLER, 1998, Raisonnements ième Démonstrations Mathématiques Particulièrement Elégantes, 2 Divins : Quelques édition Springer, Berlin, 270p. BOX George E.P. et Gwilym M. JENKINS, 1970, Time Series Analysis: Forecasting and Control, San Francisco: Holden – Day, 575p. BOX George E.P., Gwilym M. JENKINS et Greogory C. REINSEL, 2008, Time Series Analysis: Forecasting and Control, Wiley, 4 edition, New Jersey, 784p. 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